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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 9 - Témoignages du 13 mai 2008


OTTAWA, le mardi 13 mai 2008

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 34 pour étudier et faire rapport sur de nouvelles questions concernant son mandat. Le sujet de la réunion est la stratégie fédérale sur le développement durable.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je suis heureux de vous accueillir au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Tommy Banks, je suis sénateur de l'Alberta et j'ai l'honneur de présider ce comité.

Permettez-moi de vous présenter les membres du comité. Le sénateur Adams, qui vient du Nunavut, est le doyen du Sénat. Le sénateur Mitchell vient de l'Alberta, le sénateur Oliver, de la Nouvelle-Écosse, et le sénateur Gustafson, de la Saskatchewan.

Le gouvernement s'est engagé à élaborer une stratégie fédérale de développement durable, et la rencontre d'aujourd'hui a pour but de faire un suivi sur cet engagement. Nous avons le plaisir d'accueillir parmi nous cet après- midi Ronald Thompson, FCA, commissaire intérimaire à l'environnement et au développement durable, au Bureau de la vérificatrice générale du Canada. Il est accompagné d'Andrew Ferguson, directeur principal au Bureau du vérificateur général. Nous accueillons également Jacques Paquette, secrétaire adjoint du Cabinet, Politique du développement économique et régional, au Bureau du Conseil privé; George Redling, secrétaire adjoint des Affaires réglementaires, au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada; Suzan Bowser, directrice générale, Politique sur la durabilité, à Environnement Canada; et Ellen Burack, directrice générale, Bureau de l'écologisation des opérations gouvernementales, à Travaux publics et Services gouvernementaux.

Notre dernière rencontre avec M. Thompson au sujet de la stratégie fédérale de développement remonte au 26 novembre 2007, mais depuis, nous avons eu le plaisir de l'accueillir parmi nous sur d'autres questions. Le 26 novembre 2007, c'était exactement un an après le dépôt de son rapport annuel sur le développement durable au Sénat, le 30 octobre 2006. Ce rapport était divisé en deux chapitres, le développement durable et le gouvernement fédéral, d'une part, et les pétitions environnementales du Bureau du vérificateur général, d'autre part.

Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Étant donné que vous êtes nombreux, je vais vous demander de limiter vos remarques liminaires, afin qu'il nous reste du temps pour les questions qui, je pense, seront nombreuses.

Monsieur Thompson, vous avez la parole.

Ronald Thompson, FCA, commissaire intérimaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter de notre vérification d'octobre 2007 portant sur les stratégies de développement durable. Je suis accompagné aujourd'hui, comme vous l'avez dit, de M. Andrew Ferguson, qui connaît bien cette vérification et les questions connexes.

Il y a une dizaine d'années, le Parlement a établi l'exigence pour les ministères de préparer des stratégies de développement durable. Ces stratégies ont pour objet d'informer les parlementaires et la population canadienne des principaux risques et possibilités que pourraient présenter les activités, les politiques et les programmes fédéraux sur les plans environnemental, social et économique. Dans leurs stratégies, les ministères doivent présenter des plans d'action clairs et concrets qu'ils doivent mettre en oeuvre pour atténuer les risques et tirer parti des possibilités offertes afin d'assurer un développement plus durable. Les ministères ont déposé leur quatrième stratégie en décembre 2006. Les prochaines stratégies seront déposées en décembre 2009.

[Français]

Nous surveillons les stratégies de développement durable depuis plus de dix ans. Malheureusement, nous avons trouvé très peu d'éléments de preuve indiquant que les stratégies ont incité les ministères à intégrer véritablement et de façon constructive la protection de l'environnement aux enjeux socio-économiques. En octobre dernier, nous avons invité le gouvernement à effectuer un examen complet de ce qu'il faut corriger pour que le processus des stratégies de développement durable procure les avantages escomptés.

Après avoir consulté le Bureau du Conseil privé, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Environnement Canada a accepté de réaliser cet examen au nom du gouvernement et s'est engagé à le terminer d'ici octobre prochain.

Nous sommes heureux que les représentants du ministère soient ici aujourd'hui pour discuter de l'avancement de cet examen.

Les membres du comité voudront peut-être interroger les représentants du ministère sur la nature, la portée et les résultats attendus de l'examen pour ce qui est des points précis visés par la recommandation que nous avons faite au paragraphe 1.76 du rapport, ainsi que sur l'état des travaux et les constatations préliminaires.

Il serait important de savoir si une série de buts a été établie pour le gouvernement dans son ensemble et, le cas échéant, de quelle manière les stratégies de développement durable des ministères s'inscriront dans le plan ou la stratégie d'ensemble du gouvernement et y contribueront. En 2005, nous avons recommandé qu'une stratégie soit établie pour l'ensemble du gouvernement fédéral et le Bureau du Conseil privé s'était engagé à ce qu'elle soit en place au milieu de 2006.

[Traduction]

De plus, les membres du comité voudront peut-être explorer avec les représentants du ministère les rôles et les responsabilités du Bureau du Conseil privé, du Secrétariat du Conseil du Trésor et de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada dans l'examen et, ce qui est peut-être encore plus important, dans le processus permanent des stratégies de développement durable.

Dans notre rapport de 2007, nous avions indiqué que le gouvernement devait se demander si les incitatifs et les leviers mis en place étaient suffisamment puissants pour faire en sorte que tous les ministères intègrent systématiquement à leurs pratiques les considérations visant le développement durable. Il serait important de déterminer quelles mesures seront prises pour donner à la haute direction la motivation nécessaire pour réaliser les attentes du gouvernement à l'égard des stratégies de développement durable.

Cette audience a lieu à un moment propice, car les directives pour les stratégies de développement durable qui doivent être déposées en décembre 2009 devront probablement être parachevées au cours de la présente année civile. Les membres du comité voudront peut-être demander aux représentants du ministère comment ils comptent intégrer les résultats de l'examen en cours à la prochaine série de stratégies de développement durable.

En mars dernier, nous avons fourni au Parlement les résultats d'une vérification des évaluations environnementales stratégiques. Comme dans le cas des stratégies de développement durable, nous avons trouvé que le processus des évaluations environnementales stratégiques ne donnait pas les résultats escomptés.

Les évaluations environnementales stratégiques ont été instaurées par une directive du Cabinet en 1990, pour garantir que le gouvernement évalue l'impact environnemental que peuvent avoir ses politiques, ses plans et ses programmes avant de les approuver. La directive a été modifiée en 2004 pour exiger des déclarations publiques.

L'Agence canadienne d'évaluation environnementale entreprend une évaluation du processus des évaluations environnementales stratégiques afin de déterminer ce qu'il faut faire pour que cet important outil de gestion soit remis dans la bonne voie. Une audience sur cette évaluation serait très utile à cet égard.

En conclusion, monsieur le président, les processus des stratégies de développement durable et des évaluations environnementales stratégiques sont deux outils fondamentaux que le gouvernement a instaurés, il y a quelques années, pour mieux comprendre et mieux gérer les questions liées à l'environnement et au développement durable. Malheureusement, ces outils ne sont pas utilisés comme ils devraient l'être. Il faut donc corriger la situation. L'intérêt manifesté par le comité et son encouragement peuvent y contribuer.

Je vous remercie, monsieur le président. Lorsque ce sera le moment, nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.

Le président : Merci, commissaire. Lequel des témoins veut être le suivant?

Suzan Bowser, directrice générale, Politique sur la durabilité, Environnement Canada : J'ai le plaisir d'être ici aujourd'hui pour aider le comité dans sa réflexion sur les stratégies de développement durable.

Je propose de commencer en vous décrivant le contexte qui entoure l'approche actuelle du gouvernement concernant la planification et l'élaboration de rapports en matière de développement durable. Comme vous le savez, les ministères doivent élaborer des stratégies de développement durable tous les trois ans depuis 1997, conformément aux modifications de 1995 à la Loi sur le vérificateur général. Comme le commissaire intérimaire à l'environnement et au développement durable l'a souligné dans ses commentaires, nous avons la latitude nécessaire pour rendre ces stratégies plus efficaces et les transformer en catalyseurs de changement.

[Français]

Des progrès ont déjà été réalisés depuis 2006. Avant le dépôt de la quatrième série de stratégies, Environnement Canada a mené de front les efforts du fédéral en vue d'améliorer la coordination et en est venu à un consensus sur une série d'objectifs fédéraux. C'est sur cet accomplissement que reposent les efforts futurs.

En décembre 2006, lors du dépôt de la quatrième série de stratégies de développement durable, le ministre de l'Environnement a soulevé l'observation du commissaire faite en 2005 selon laquelle, à défaut d'élaborer une stratégie nationale de développement durable :

Les Canadiens et les parlementaires ne pourront se faire une idée juste du plan d'ensemble du gouvernement en matière de développement durable, des modalités de mise en œuvre de ce plan ni des progrès qui ont été réalisés.

C'est ce qu'a dit le ministre.

Je suis au courant que ce comité a recommandé l'élaboration d'une stratégie fédérale dans un rapport provisoire déposé en 2005. Le ministre a fait remarquer que le gouvernement était d'accord avec l'avis du commissaire qu'il faut s'employer davantage à améliorer l'élaboration de rapports en matière de développement durable. Il a par ailleurs mentionné qu'une série d'options seraient examinées y compris la législation en vue de faire progresser les efforts visant à faire de la durabilité une question fondamentalement associée aux activités du gouvernement.

[Traduction]

Environnement Canada a amorcé un examen à cette époque en vue d'établir des options d'amélioration pour la cinquième série de stratégies, dont la mise en oeuvre débutera en 2009. Par la suite, le commissaire a amorcé une évaluation rétrospective décennale de l'approche existante et a recommandé au gouvernement de procéder à un examen rigoureux d'ici octobre 2008.

Comme vous le savez, ce dernier a approuvé la recommandation, et le travail est en cours. J'aimerais souligner qu'Environnement Canada travaille de concert avec le commissaire et son personnel tout au long de ce processus. L'examen en cours comporte plusieurs points d'intérêt, notamment l'examen des options qui permettraient d'élaborer une stratégie générale améliorée, c'est-à-dire proposant des objectifs et des indicateurs bien définis. Même si, dans le passé, il y a eu des buts et des objectifs généraux élaborés, ceux-ci ont souvent été très généraux. En conséquence, il a été difficile de procéder à la surveillance et à la mesure des progrès.

Je suis convaincue que l'examen en cours sera terminé d'ici octobre, délai fixé par le commissaire. Cependant, il est évident que le gouvernement devra prendre les décisions finales quant aux modifications à apporter à l'approche existante.

Tout comme mes collègues des autres ministères, je suis disposée à répondre aux questions que vous voudrez me poser.

Le président : Un autre témoin a-t-il une déclaration à faire ou pouvons-nous passer directement aux questions? Bien, nous allons passer aux questions

Je dois vous prévenir qu'il y a beaucoup de frustration chez certains membres du comité. Au cours des années, on nous a tellement dit que les choses allaient se faire, qu'elles avançaient, que toutes sortes d'options seraient envisagées, que tout cela serait mis en oeuvre, et cetera. Je parle des différents gouvernements qui se sont succédé, quelle que soit leur allégeance politique; je ne parle pas seulement du gouvernement actuel.

Quoi qu'il en soit, jusqu'à présent, il y a eu beaucoup d'esbroufe. Nous espérons qu'en octobre, ou peu après, en fonction de ce que le gouvernement aura décidé compte tenu principalement de votre rapport, chaque ministère prendra des mesures concrètes en ce qui concerne les stratégies de développement durable, et quand je dis concrètes, cela signifie visibles par chacun de nous.

J'ai jugé bon de vous dire cela pour replacer les choses dans leur contexte. Madame Bowser, vous avez parlé d'un rapport de notre comité de 2005, qui recommandait déjà que cela se fasse, et voyez où nous en sommes aujourd'hui.

Chers collègues sénateurs, avez-vous des questions pour nos témoins? Ma liste est courte, pour l'instant.

Le sénateur Mitchell : Merci à chacun d'entre vous d'être ici aujourd'hui. Je suis content que le président ait replacé les choses dans leur contexte, car, personnellement, je suis très frustré. J'estime, et j'espère que vous aussi, que chacun d'entre vous occupe un poste à responsabilités importantes dans un dossier qui est crucial pour notre pays. C'est sans doute le dossier du XXIe siècle. Ce doit être extrêmement frustrant pour vous de passer de nombreuses années de votre carrière dans ces fonctions importantes et de constater, des années plus tard, que rien ou presque ne semble avoir été fait. À l'heure actuelle, vous devez composer avec un gouvernement qui n'a jamais rien voulu faire mais qui prétend aujourd'hui qu'il agit, alors que rien ne semble se passer. Soit dit en passant, je suis partisan.

J'aimerais commencer par poser une question à M. Paquette, du Bureau du Conseil privé. Je suis toujours étonné par les arguments du gouvernement actuel, et par la façon dont nous semblons accepter ce mythe complètement loufoque selon lequel la lutte contre le changement climatique nuira à l'économie. Dans le même souffle, le gouvernement annonce des investissements de plusieurs milliards de dollars dans des chars, des hélicoptères et des avions de transport pour une guerre à l'autre bout du monde, qui n'en vaut peut-être pas la peine. Qu'on soit pour ou contre cette guerre, personne ne dit que ces investissements vont nuire à l'économie. Et pourquoi? Parce que ce ne sera pas le cas. Pendant la Seconde Guerre mondiale, nous avons fondamentalement restructuré notre économie. Cela n'a pas nui à notre économie non plus. En fait, cela a favorisé l'avènement d'une économie occidentale, moderne et industrialisée qui assure le développement de notre pays depuis 60 ans.

De votre perspective, quelles initiatives recommanderiez-vous au gouvernement de prendre en ce qui concerne le changement climatique? Pensez-vous que cela nuira à l'économie ou, au contraire comme moi, que cela entraînera une révolution industrielle vers une économie plus propre?

Jacques Paquette, secrétaire adjoint du Cabinet, Politique du développement économique et régional, Bureau du Conseil privé : Votre question est d'une simplicité.

Le sénateur Mitchell : Oui, je sais où je veux venir.

M. Paquette : Il y a une partie de votre question à laquelle je ne peux pas vraiment répondre. En effet, pour certains aspects que vous avez mentionnés, seul le gouvernement, c'est-à-dire le premier ministre et les ministres, peut donner des réponses quant au genre de politique qu'il est prêt à adopter en matière de changement climatique, en l'occurrence.

Pour mieux vous situer les différentes étapes de l'élaboration d'une politique ou d'une approche en matière de changement climatique, j'aimerais vous dire que c'est le ministre de l'Environnement qui pilote ce dossier. Comme vous le savez, c'est le ministre Baird qui a récemment publié la politique cadre sur les émissions des gaz à effet de serre, car c'est lui qui pilote ce dossier.

Ce n'est pas le rôle du Bureau du Conseil privé d'élaborer des politiques. Comme vous le savez, nous avons trois rôles à jouer, notamment celui de donner des conseils au premier ministre sur certaines questions, mais c'est le ministère qui pilote l'élaboration des politiques qui le concernent.

Deuxièmement, nous appuyons aussi le système des comités. C'est sans doute un peu la question que vous posez. Nous jouons un rôle de critique. Lorsque des propositions lui sont soumises, le premier ministre nous demande ce que nous en pensons, les arguments pour et contre.

La politique cadre sur les émissions des gaz à effet de serre, qui a été annoncée récemment, illustre bien ce que le gouvernement essaie de faire, à savoir trouver un équilibre entre la nécessité de maintenir la croissance économique et la nécessité d'agir pour faire face aux changements climatiques qui affectent le Canada et bien d'autres pays. C'est un problème planétaire.

Pour ce qui est de votre question principale, c'est au ministre de l'Environnement que vous devriez la poser car c'est lui qui pilote ce dossier.

Le sénateur Mitchell : Dans ce cas, je m'adresserai à Environnement Canada.

Le président : Je veux m'assurer que nous parlons des stratégies de développement durable.

Le sénateur Mitchell : Si une initiative relative au changement climatique ne fait pas partie d'une stratégie de développement renouvelable, alors il n'y a pas de stratégie. Je sais que c'est ce que vous voulez que je précise. Je suis convaincu que nous n'avons pas de stratégie sur le changement climatique qui se tienne, et je dirais même qu'à force de se livrer à toutes sortes de gesticulations médiatiques, le ministre ne sait plus où donner de la tête.

Je m'adresserai donc à Environnement Canada. Vous avez annoncé que la cible sera de 20 p. 100 des niveaux de 2006...

Le président : Je suis désolé, sénateur Mitchell, mais nous parlons aujourd'hui des stratégies de développement durable. Je ne pense pas qu'il soit pertinent de poser des questions sur les niveaux d'émissions à propos de développement durable.

Le sénateur Mitchell : Je voudrais simplement savoir s'il s'agit d'une stratégie durable. Sur quelles données scientifiques vous êtes-vous fondés pour déterminer qu'une réduction de 20 p. 100 des niveaux de 2006, d'ici à 2020, constitue une stratégie durable, alors que, selon d'innombrables études scientifiques du monde entier, le Canada devrait se donner une cible de 26 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990?

Si nous voulons élaborer une stratégie de développement durable, il faut nous fonder sur des données scientifiques valables. Madame Bowser, pouvez-vous me dire sur quels rapports et analyses scientifiques le ministre et le gouvernement actuel se sont fondés pour en arriver à une réduction de 20 p. 100 des niveaux de 2006, d'ici à 2020?

Mme Bowser : J'aimerais bien répondre à votre question, mais je suis mal placée pour le faire car ce n'est pas mon secteur de responsabilité. Quand il s'agit de l'efficacité d'une politique, c'est au ministre ou à d'autres ministres de répondre.

Le programme Prendre le virage, qui vient d'être annoncé, repose sur des simulations d'émissions très poussées. Je peux les faire parvenir à votre comité, car cela vous aidera à comprendre.

Le sénateur Mitchell : Parfait. Il est logique que votre ministère travaille à ce dossier. Quel est votre rôle dans l'élaboration d'une stratégie de développement durable? Avez-vous l'impression que c'est vous qui pilotez le dossier? Est-ce vous qui devriez le coordonner avec les autres ministères? Est-ce vous qui devriez traiter avec Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, TPSGC, le Conseil du Trésor, ou qui que ce soit d'autre? Ou bien est-ce TPSGC qui devrait piloter le dossier?

Quel ministre a la responsabilité réelle de ce dossier et veut vraiment que les choses se fassent? Quel ministre va se sentir embarrassé — si ça leur arrive jamais à ces gens-là — de constater que rien n'a été fait, trois ou quatre ans plus tard? Je suis convaincu qu'il n'y aura rien de fait, et vous le savez sans doute aussi.

D'où vient l'initiative? Qui la pilote? Votre ministre vous a-t-il dit : « Il faut régler le problème, cela me tient à coeur, car il est important pour notre pays et nos enfants que nous fassions quelque chose »?

Mme Bowser : Au moment où le rapport du commissaire a été publié, le gouvernement a décidé qu'Environnement Canada piloterait le dossier. Donc, c'est nous qui pilotons cet examen, afin d'améliorer le processus d'élaboration des stratégies de développement durable.

Le sénateur Mitchell : Le mois d'octobre va arriver, vous allez soumettre vos recommandations, quelqu'un va être responsable de leur suivi, votre ministère je suppose, et va déclarer que si rien n'est fait, cela aura des conséquences. C'est bien cela? Mais nous savons bien que cela ne marche pas. Qu'est-ce qu'il faut faire pour que cela marche? Cela fait 13 ans qu'on attend.

Mme Bowser : C'est un élément important de l'examen. Le commissaire a prévu qu'un certain nombre de choses devaient être faites au cours de l'examen. Sa recommandation est liée à un certain nombre d'éléments, dont l'un consiste à avoir une stratégie fédérale assortie d'objectifs et d'indicateurs clairs. Nous suivons donc sa recommandation à la lettre et examinons chaque élément.

Nous examinons non seulement ce qui s'est fait dans le passé, mais surtout ce qui a besoin d'être fait à l'avenir. L'examen n'est donc pas seulement rétrospectif car, comme vous l'avez dit, nous avons une bonne idée des problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Le sénateur Mitchell : Pensez-vous que nous puissions atteindre les objectifs de Kyoto, que cela soit réalisable? Est- ce que quelqu'un le pense?

M. Paquette : Votre question est simple. Vous connaissez les cibles fixées, et pour ce qui est de savoir si elles sont réalisables, je pense que le gouvernement a dit en Chambre qu'elles ne l'étaient pas.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais insister davantage auprès de chacun d'entre vous, car vous jouez un rôle important. Le gouvernement prétend qu'il ne peut pas atteindre les objectifs de Kyoto. Kyoto, cela représente 250 millions de tonnes chaque année de 2008 à 2012. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais les agriculteurs de l'Alberta vendent des crédits de carbone pour moins de 10 $, et peut-être même beaucoup moins, à des entreprises qui ne doivent pas dépasser certains plafonds, lesquels ne sont déjà pas très contraignants.

Supposons que c'est 10 $. Si on achetait ces crédits, cela permettrait d'investir 2,5 milliards de dollars par an dans l'agriculture canadienne. À côté de ça, le gouvernement a réduit les revenus de la TPS de 12 milliards de dollars. Je veux simplement montrer que cela est possible. Si les crédits de carbone coûtent moins cher, et je pense que c'est le cas mais je n'arrive pas à avoir les chiffres exacts, on pourrait acheter pour 1,5 ou 1,75 milliard de dollars de crédits, qui correspondraient à de vraies réductions par de vrais agriculteurs de l'Alberta, puisque le carbone resterait dans le sol, et nous pourrions atteindre les objectifs de Kyoto.

On ne cesse de nous dire que cela est irréalisable et que cela ruinera notre économie. Je veux au contraire que quelqu'un, de la bureaucratie ou du gouvernement, même si c'est sans doute un vœu pieux, comprenne que c'est tout à fait réalisable. Nous devons changer nos paradigmes et comprendre que, non seulement ce sera bon pour l'environnement, mais que, si nous ne le faisons pas, nous allons rater la prochaine révolution industrielle. Les Américains nous auront tellement devancés que nous ne pourrons jamais les rattraper. Il y a urgence.

Le président : D'accord, mais ce n'était pas une question.

Le sénateur Mitchell : Ah bon?

Le président : Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, j'estime que vos questions ne devraient pas être posées à nos témoins d'aujourd'hui.

Le sénateur Mitchell : Je voudrais simplement qu'ils jouent le rôle de messagers.

Le président : Je comprends.

Le sénateur Oliver : D'emblée, j'aimerais vous dire que cette question ne me frustre pas particulièrement.

Le gouvernement est une grosse machine. Il y a à peu près 240 000 fonctionnaires, et comme il me paraît évident qu'aucune politique gouvernementale ne peut être mise en oeuvre sans l'impulsion ou l'orientation du BCP, je vais m'adresser à M. Paquette. J'aimerais savoir comment est structuré le BCP. Vous avez dit que vous donniez des conseils au premier ministre et que vous aviez un rôle de soutien auprès des comités du Cabinet, mais vous n'avez pas parlé de votre troisième rôle.

En ce qui concerne votre rôle de soutien auprès des comités du Cabinet, est-ce que le BCP examine les propositions avant qu'elles ne soient soumises au Cabinet afin de s'assurer qu'elles sont conformes aux objectifs de développement durable du Canada? Si oui, selon quelles procédures?

M. Paquette : La directive en vigueur prévoit que toute nouvelle orientation politique proposée dans un mémoire au Cabinet, un MC, doit avoir fait l'objet d'une évaluation environnementale.

Le sénateur Oliver : Qui fait cette évaluation? Le BCP?

M. Paquette : Non, elle est faite par le ministère qui propose la nouvelle orientation. Les ministères ont des consignes précises sur ce que doit contenir un mémoire au Cabinet.

Le sénateur Oliver : Quand prenez-vous connaissance du mémoire au Cabinet?

M. Paquette : Nous recevons d'abord un projet de mémoire au Cabinet. Nous l'examinons pour voir ce qu'il contient. Nous en évaluons la raison d'être et posons des questions sur les hypothèses de départ et les chiffres qui les accompagnent, et nous essayons de déterminer si l'argent est bien dépensé, si les objectifs sont valables, antre autres.

Le sénateur Oliver : Qu'en est-il du développement durable, puisque c'est ce qui nous intéresse?

M. Paquette : Dans ce cas, l'évaluation est faite par le ministère sous forme d'une autoévaluation. Le ministère est censé indiquer si l'évaluation environnementale a été faite et si des problèmes se sont posés. Nous, nous vérifions si cela a été fait.

Le sénateur Oliver : Vous le vérifiez?

M. Paquette : Oui. Lorsque nous avons regardé l'évaluation que le commissaire a faite de cette politique en particulier, nous nous sommes rendu compte qu'elle ne donnait pas les résultats escomptés. Certes, il y a eu des améliorations au cours des dernières années, notamment au niveau de la formation. On trouve beaucoup de renseignements là-dessus sur le site web, mais il y a encore beaucoup de lacunes à combler.

L'Agence canadienne d'évaluation environnementale examine actuellement la question, compte tenu de la recommandation du commissaire. Elle essaie de voir comment on peut améliorer la conformité et mieux identifier les résultats et impacts de ces évaluations sur le processus d'élaboration des politiques. Nous espérons que les propositions et recommandations qui nous seront faites nous permettront d'améliorer cet outil, qui n'est pas aussi efficace que nous l'aimerions.

Le sénateur Oliver : Avez-vous d'autres mécanismes au BCP pour contrôler ce processus, dans le but de le rendre plus efficace et plus rigoureux?

M. Paquette : Nous en discutons justement avec l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, afin d'élaborer certaines propositions. À l'heure actuelle, au BCP, les analystes examinent le contenu du mémoire au Cabinet. Nous devons nous assurer que les ministères sont en mesure de produire ce qui est nécessaire, en quantité aussi bien qu'en qualité. Comme je l'ai dit, nous avons des exemples de ministères qui ont su nous donner des produits de qualité, contrairement à d'autres. Nous essayons de mettre au point un outil suffisamment souple, parce que nous ne voulons pas imposer un fardeau trop lourd à la bureaucratie, mais en même temps, nous voulons pouvoir obtenir le résultat que nous recherchons. Il s'agit ici de politiques et de programmes, ce qu'il faut distinguer de l'évaluation des projets.

Le sénateur Oliver : Au cours de votre exposé, madame Bowser, vous avez dit que l'une des raisons pour lesquelles il était difficile de mesurer les progrès, c'est qu'auparavant, les objectifs étaient présentés de façon générale, alors que maintenant, vous devez être beaucoup plus précis dans votre approche. Vous pensez toutefois que les choses vont changer, et je vous cite :

Même si, dans le passé, il y a eu des buts et des objectifs généraux d'élaborés, ceux-ci ont souvent été très généraux. En conséquence, il a été difficile de procéder à la surveillance et à la mesure des progrès.

J'aimerais savoir précisément ce qui a changé et comment ces objectifs ont été mieux ciblés.

Mme Bowser : Ils n'ont pas encore été modifiés ou mieux ciblés. Cela fait partie de l'examen que nous avons entrepris. Il y a certaines choses que nous savons, comme l'a fait remarquer le sénateur Mitchell. Nous savons que les objectifs qui avaient été fixés dans le passé étaient tellement généraux, sans spécificité implicite, qu'il était difficile d'évaluer les progrès.

Le sénateur Oliver : Quand en arriverons-nous aux spécificités?

Mme Bowser : Il y en aura dans le rapport d'examen qui sera présenté en octobre 2008. Nous y travaillons.

Le président : Monsieur Paquette, vous nous avez expliqué pourquoi le commissaire a conclu que le système ne marchait pas et qu'il y avait beaucoup de choses à corriger. Vous avez dit que, jusqu'à présent, les ministères font leurs propres évaluations, et que quelqu'un vérifie si celles-ci sont exactes. Je me trompe peut-être, mais il me semble qu'à l'époque de l'ancien premier ministre Mulroney, on avait instauré un point de contrôle obligatoire. Il faudrait peut-être en avoir un, c'est-à-dire un agent du Cabinet qui jouerait le même rôle que le Conseil du Trésor pour tous les mémoires soumis au Cabinet. Si une initiative d'un ministère ne reçoit pas l'approbation du Conseil du Trésor et ne répond pas au critère de la durabilité environnementale, elle ne devrait pas aller plus loin. Ne pensez-vous pas que nous aurions besoin d'un dispositif de ce genre? Monsieur Paquette ou madame Bowser, pourriez-vous nous dire si le genre de changement que vous envisagez ressemble au point de contrôle dont je viens de parler? Est-ce concevable? Ne pensez- vous pas qu'il serait nécessaire d'avoir un dispositif qui oblige les ministères à faire ce qu'on leur dit de faire?

M. Paquette : Il y a plusieurs éléments ici. L'élaboration d'un mémoire au Cabinet comporte plusieurs étapes. Nous pouvons exercer ce contrôle à différentes occasions, notamment à des réunions interministérielles lorsque tous les ministères se rencontrent, y compris celui de l'Environnement, pour examiner le mémoire au Cabinet au regard d'autres propositions, sous différents angles, ce qui permet de tout couvrir.

Au BCP, nous devons être prudents. Nous ne voulons pas ajouter une autre couche bureaucratique au processus, car le développement durable est un objectif important. Il y en a d'autres, bien sûr. Nous voulons éviter d'avoir un secrétaire, pour ainsi dire, pour chacun des dossiers. Chaque fois qu'une proposition nous parvient, nous essayons de l'examiner sous tous ses angles. Il y a certainement une autre façon de procéder, et c'est ce que nous essayons de voir.

Nous avons pensé qu'une bonne façon d'accroître la responsabilité, c'était de demander aux ministères de rendre leurs évaluations publiques, sur leur site web. De cette façon, les ministères seraient encouragés à préparer une évaluation de qualité qui peut être vérifiée non seulement par nous mais aussi par tous les membres du public. Tout ce qui parvient au BCP est vérifié. Nous devons améliorer notre façon de dialoguer car l'analyste responsable est en dialogue constant avec le ministère, et nous avons souvent plusieurs dossiers en même temps.

Le président : Excusez-moi d'intervenir, mais lorsqu'une proposition est soumise par un ministère, elle doit recevoir l'approbation du Conseil du Trésor. Ce dernier doit donc lui aussi en examiner tous les différents éléments. Le critère du développement durable n'est-il pas aussi important que n'importe quelle autre considération du Conseil du Trésor? N'est-ce pas aussi important? Peut-être pas?

M. Paquette : Parlez-vous de l'évaluation stratégique d'une nouvelle politique, d'un nouveau programme?

Le président : Oui.

M. Paquette : Oui, cela fait partie des critères qu'utilise le Cabinet pour évaluer une proposition. Si le développement durable fait partie du mémoire au Cabinet, cela signifie que ce critère sera pris en considération.

Le président : Le poids de ce critère est-il égal au contrôle exercé par le Conseil du Trésor? Est-ce le BCP qui le détermine?

M. Paquette : Oui. Lorsqu'un document est soumis au Conseil du Trésor, par exemple, le ministère doit s'assurer que tous les éléments qui sont censés faire partie de la soumission ont bien été inclus. Nous faisons de même. Nous nous assurons que tous les éléments qui sont censés être inclus dans le mémoire au Cabinet le sont bien, et que le contenu est de bonne qualité.

Le président : Je vous prie de m'excuser de vous avoir interrompu.

Le sénateur Kenny : Dans le même ordre d'idées, je voudrais dire, même si ma mémoire me fait un peu défaut, que lorsque nous avons appris que M. Mulroney adoptait une nouvelle approche, nous avons eu l'impression que si la signature de M. Bouchard, le ministre de l'Environnement de l'époque, n'était pas sur le document, le document ne serait pas soumis au Cabinet. Nous avons donc eu l'impression que le gouvernement était en train de créer une nouvelle agence centrale, et qu'il donnait une énorme influence à un ministre en particulier. Je pense qu'on peut dire que notre comité, à l'époque, était ravi. Nous aimerions savoir si ce genre de choses est envisagé à l'heure actuelle.

M. Paquette : Voulez-vous dire qu'un ministre signerait alors chaque proposition au Cabinet?

Le président : Je vais vous expliquer. Dans notre rapport de 2005, à la troisième recommandation, nous proposions que le ministre des Finances préside un comité permanent du Cabinet sur la durabilité et l'environnement, et que le ministre fasse de la réforme écofiscale une priorité. Je pense que c'est à cela que fait allusion le sénateur Kenny.

Le sénateur Kenny : Non. C'était une autre excellente recommandation, mais elle n'a rien à voir avec ce dont je parle. J'ai participé à la rédaction de ce rapport, donc je m'en sens toujours solidaire.

Ce que nous disons, c'est que le premier ministre avait délégué suffisamment de pouvoir à un ministre du Cabinet pour que ce dernier puisse s'opposer à tout autre ministre qui ne se conformait pas aux normes jugées appropriées en matière d'environnement. Cela n'a pas duré car la relation entre les deux hommes s'est détériorée rapidement, et aucune autre personne, manifestement, n'était capable, aux yeux du premier ministre, de reprendre le flambeau. La politique a eu une durée de vie d'environ deux mois. Avez-vous envisagé de mettre en place ce genre de structure ou de dispositif? En est-il question dans les discussions? Avez-vous des raisons de penser que le gouvernement actuel accorde ce genre de priorité à l'environnement?

M. Paquette : Je vais vous donner deux réponses. Premièrement, comme vous le savez, il y a un comité du Cabinet qui s'intéresse à l'environnement et à la sécurité énergétique. Ce comité a été créé en raison de l'importance que le gouvernement accorde aux questions environnementales. Il se réunit chaque semaine, avec un ordre du jour bien rempli. On discute beaucoup d'environnement au sein du gouvernement, car c'est une question extrêmement vaste.

Pour ce qui est du reste de votre question, très franchement, un grand nombre de mémoires au Cabinet sont présentés chaque année.

Le sénateur Kenny : C'est vrai, mais vous dites que vous les vérifiez tous. Si votre ministère a la capacité de tous les vérifier, Environnement Canada en a certainement autant.

M. Paquette : À l'heure actuelle, pour chaque mémoire au Cabinet qui nous est soumis, il faut organiser une réunion d'un comité interministériel, où Environnement Canada, par exemple, est représenté. S'il y a des problèmes importants, ce ministère les soulève.

Le sénateur Kenny : Ne pensez-vous pas que la dynamique des discussions serait différente si, à ces réunions du comité interministériel, une délégation de représentants savait qu'une autre délégation relevait d'un ministre qui avait le pouvoir de tout bloquer?

M. Paquette : Vous parlez des ministres?

Le sénateur Kenny : Supposons, par exemple, que vous ayez une réunion interministérielle avec un groupe de fonctionnaires qui veut présenter une proposition. Un autre groupe de fonctionnaires est là pour s'assurer que les considérations environnementales seront prises en compte. Si le premier groupe de fonctionnaires sait que le deuxième groupe peut convaincre son ministre de ne pas signer le mémoire au Cabinet, le dialogue risque alors d'être fort différent. Les deux groupes n'ont pas le même poids.

M. Paquette : Permettez-moi de revenir à ce que je disais tout à l'heure. Étant donné le grand nombre de mémoires au Cabinet qui sont présentés chaque année, le ministre de l'Environnement n'aurait jamais le temps de les signer tous, même s'il ne faisait que ça. C'est beaucoup de travail. Je ne suis pas sûr que ce soit là la meilleure façon d'atteindre l'objectif que vous recherchez.

Le sénateur Kenny : On nous répète constamment que tous les ministères devraient se sentir responsables de l'environnement, et qu'ils devraient travailler tous ensemble pour s'assurer que nous avons un environnement sain. A mon avis, il ne serait pas déraisonnable de recruter du personnel à Environnement Canada pour que ce ministère ait la capacité de vérifier tous les documents qui sont soumis au Cabinet. Puisque le Bureau du Conseil privé le fait, pourquoi le ministère ne pourrait-il pas le faire? Combien êtes-vous dans votre organisation? Quels sont les effectifs du BCP? Cinq cents?

M. Paquette : C'est notre responsabilité.

Le sénateur Kenny : Sans blague!

Le président : Oui, c'est notre responsabilité.

Le sénateur Kenny : Eh bien, nous proposons précisément d'en confier aussi la responsabilité, sur le plan environnemental, à Environnement Canada pour que ce ministère puisse examiner toutes ces propositions. Les gens de ce ministère sont certainement aussi intelligents que ceux d'un autre ministère.

M. Paquette : Je vais essayer d'être plus précis, car c'est justement la raison pour laquelle je vous demandais si vous parliez des fonctionnaires ou des ministres. À l'heure actuelle, Environnement Canada prend connaissance de tous les mémoires au Cabinet, au même titre que n'importe quel autre ministère, parce que cela fait partie du processus. Par contre, si vous voulez qu'un ministre signe tous les documents qui sont soumis au Cabinet, c'est autre chose.

Le sénateur Kenny : Je comprends votre argument. Je ne dis pas qu'il faut utiliser des machines à signer ou quoi que ce soit, mais j'estime que les discussions se déroulent rarement sur un pied d'égalité. Nous savons très bien ce qui se passe dans les réunions interministérielles : il y a toujours un ou deux ministères qui ont plus de poids que les autres, et qui ont le pouvoir de faire échouer les plans des autres. Le Conseil du Trésor est capable d'amener quelqu'un aux larmes, quand ils décident de démolir sa proposition. Le ministère des Finances, c'est la même chose. Les autres ministères savent qu'ils n'ont pas le même pouvoir, et ils en sont réduits à plaider et à mendier : « Pourriez-vous envisager de faire ceci ou cela? », « Pourrions-nous modifier le libellé pour que ça soit plus acceptable à la population? », mais on leur dit plutôt : « Changez-moi ça, sinon nous n'approuverons pas votre proposition de sitôt. »

Je parle donc de la dynamique entre les ministères. Ils n'ont pas tout le même poids, et je crois que nous devrions essayer d'améliorer la situation. Nous devons reconnaître que ce sont les conservateurs qui avaient mis au point ce système, puisque c'est M. Mulroney qui en avait eu l'idée au départ. Nous sommes prêts à leur donner toute la reconnaissance possible, mais nous aimerions bien que ce système soit à nouveau envisagé aujourd'hui.

Le président : M. Paquette, un mémoire peut-il être présenté au Cabinet sans avoir reçu l'imprimatur du Conseil du Trésor?

M. Paquette : Le Conseil du Trésor, le ministère des Finances et le BCP sont les organes officiels. Par exemple, si la proposition nécessite un budget, le Conseil du Trésor s'assure que le ministère a le pouvoir d'engager la dépense, et le ministère des Finances s'assure que l'argent est disponible.

Le président : Il n'en demeure pas moins que, si le Conseil du Trésor dit non, cela ne se fera pas, n'est-ce pas?

M. Paquette : C'est la même chose avec le BPC : si la proposition va à l'encontre de la politique établie, le BPC dira non.

Le président : Le sénateur Kenny et le sénateur Oliver proposent un système, mais vous dites qu'il ne serait pas pratique à mettre en place. J'estime que ce n'est pas un très bon argument, étant donné que le système est actuellement en place. Nous aimerions tout simplement qu'il s'applique aussi à l'environnement.

M. Paquette : Oui. À ce propos, l'une des raisons pour lesquelles nous consultons les ministères sur la proposition dont nous sommes saisis, c'est que, s'il y a un problème et qu'Environnement Canada a un argument à avancer, il n'hésitera jamais à le faire. Si nous estimons que l'argument est justifié, nous demandons au ministère de revoir sa copie. Cela ne concerne pas seulement Environnement Canada. J'utilise cet exemple parce que nous parlons d'environnement durable, mais il se pourrait qu'une autre proposition concerne un autre ministère, et que cette proposition pose de graves problèmes. Nous partons du principe qu'une proposition soumise au Cabinet sera approuvée, ou que tout au moins elle ne suscitera pas d'objections importantes, et c'est pour cela que l'une des premières questions que nous posons aux autres ministères, c'est de voir si la proposition ou le projet en question ne leur pose pas de graves problèmes.

Sur le plan environnemental, si une proposition suscite des inquiétudes, nous veillons à ce que celles-ci soient écartées. Souvent, nous invitons les ministères à travailler ensemble pour trouver des solutions.

Le sénateur Kenny : J'en suis convaincu, monsieur Paquette, mais vous êtes en train de dire au comité que vous allez conserver le même système, alors que ce système ne marche pas.

Le président : Ça non plus, ce n'était pas une question.

Le sénateur Kenny : Parce que vous croyez que le système actuel marche?

Le sénateur Spivak : J'aimerais en revenir aux évaluations environnementales stratégiques. À cette époque, et cela vous donne une idée de mon âge, j'avais demandé au sous-ministre, parce que je n'arrivais pas à le croire : « Voulez- vous dire que vous allez vraiment évaluer l'impact environnemental potentiel de chaque projet ou programme avant de l'approuver? » Et il m'avait répondu : « Absolument. Croyez-moi, c'est ce que nous allons faire. »

Avant de poser ma question, j'aimerais dire quelque chose. Je suis sûre que vous êtes tous des Canadiens patriotes, que vous avez les intérêts du pays à coeur, que vous travaillez très fort et que, je l'espère, vous êtes adéquatement rémunérés. Mais un Canadien ordinaire qui lirait la transcription de cette réunion aurait des raisons de craindre le pire. Il en conclurait que les problèmes de notre pays ne sont pas causés seulement par le gouvernement mais aussi par les bureaucrates qui ne sont pas assez fermes et pas assez novateurs. Je crois que c'est ce que les gens pensent. Il faut vraiment que ça change.

Pour ce qui est des projets et programmes, prenons quelques exemples. Le premier ministre Chrétien subventionnait les sables bitumineux. Je ne me souviens plus combien de milliards de dollars cela a coûté.

Le président : Beaucoup.

Le sénateur Spivak : Aujourd'hui, nous avons un projet de loi sur les biocarburants qui va être présenté. Les meilleures études scientifiques en la matière indiquaient déjà avant l'augmentation des prix de l'alimentation que les biocarburants ne constituaient pas une solution durable. Avez-vous été consultés au sujet de ce projet de loi, comme le veut l'évaluation environnementale stratégique? C'est comme ces gouvernements américains qui financent une guerre dont on ne trouve aucune trace dans les livres, il faut chercher ailleurs. Je vais vous donner des exemples. Contrairement à mon collègue, je ne pense pas que le fait de modifier la procédure changera vraiment les choses. Ce qu'il faut, c'est changer la mentalité et l'attitude non seulement du gouvernement mais aussi des bureaucrates.

Comment cela s'est-il passé avec le projet de loi sur les biocarburants, et peut-être même avec les sables bitumineux? Soit dit en passant, une société suédoise est en train de s'établir en Alberta. Elle dispose de la technologie pour capturer le carbone. Comme quoi il y en a qui innovent plutôt que de conserver les systèmes en place. Si le gouvernement avait mis son poing sur la table, on aurait pu en faire autant avec les sables bitumineux.

M. Paquette : Vous parlez des sables bitumineux et des projets de ce genre.

Le sénateur Spivak : Je parle aussi du projet de loi sur les biocarburants.

M. Paquette : Dans certains cas, ils deviennent des projets et, à ce moment-là, vous avez une évaluation environnementale. L'approbation des projets relatifs aux sables bitumineux se fait séparément. Par exemple, récemment, on a approuvé un projet qui avait fait l'objet d'une évaluation environnementale conjointe par l'Alberta et le gouvernement fédéral. Je parle de projets différents, et l'évaluation environnementale stratégique est faite séparément.

Le sénateur Spivak : Parlons du projet de loi sur les biocarburants. De quels enjeux discute-t-on lorsqu'une politique du gouvernement est proposée?

M. Paquette : Si un projet de loi a été présenté, comme c'est le cas ici, c'est le ministre qui a la responsabilité de préparer une proposition qui sera soumise au Cabinet. À ce moment-là, la plupart des discussions tournent autour de l'évaluation de l'impact sur l'environnement car, dans ce domaine, c'est souvent ça l'élément déclencheur.

Au lieu de se reporter à l'évaluation stratégique, le document est alors beaucoup plus détaillé. Dans le cas de certaines propositions, le document contient une évaluation précise, et cela devient la justification de la proposition, avec le pour et le contre.

Le sénateur Spivak : Si je m'adresse au service d'accès à la formation, je réussirai peut-être à avoir une idée du genre de commentaires qui ont été faits.

M. Paquette : Oui.

Le sénateur Spivak : J'aimerais bien savoir ce que vous avez dit à ce moment-là. Avez-vous dit : « C'est formidable »? Qu'est-ce qui s'est passé?

M. Paquette : Une proposition comme celle sur les biocarburants est préparée par plusieurs ministères, notamment Environnement Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada, et Ressources naturelles Canada, et c'est sur cette base que le gouvernement prend une décision. On tient compte aussi souvent d'études faites par d'autres groupes. En substance, c'est à peu près comme cela que ça fonctionne.

Le sénateur Spivak : Vos réponses sont déprimantes, c'est le moins que l'on puisse dire, car on pourrait s'attendre à ce que, pour faire un travail sérieux, vous examiniez les avantages et les impacts. Et que, lorsque vous estimez que les impacts sont manifestement supérieurs aux avantages, vous disiez au gouvernement : « À notre avis, ce n'est pas une bonne politique. » Certes, le gouvernement peut quand même aller de l'avant, mais au moins, les gens auraient une idée des arguments qui ont été avancés par ce qu'on considère souvent comme l'une des meilleures fonctions publiques au monde. Vos réponses ne sont que des mots. Vous ne répondez pas vraiment à ma question.

M. Paquette : Je ne me suis peut-être pas bien exprimé.

Certaines des propositions qui sont soumises sont fondées sur des études et des évaluations exhaustives. Vous avez donné l'exemple des biocarburants, qui comportent beaucoup d'enjeux.

Le sénateur Spivak : C'est celui qui m'est venu à l'esprit.

M. Paquette : Pour ce genre de proposition, les ministères préparent des études approfondies et examinent le pour et le contre pour déterminer l'impact de la proposition; finalement, le document qui est présenté est le résultat de tout ce travail. En d'autres termes, pour reprendre les mêmes exemples, la discussion qui a lieu au Cabinet porte sur le pour et le contre, sur la façon de procéder, et sur les avantages à court terme et à long terme.

Pour certaines propositions, il n'y a même pas de problème, car elles sont le résultat d'évaluations et d'études approfondies.

Le sénateur Spivak : Tout cela, bien sûr, est fortement teinté de politique. Pendant des années, j'ai bien vu que les revenus des agriculteurs ne correspondaient pas du tout à ce qu'ils faisaient. À leur actuelle, ils bénéficient des augmentations des prix mondiaux de l'alimentation.

Le sénateur Gustafson : À condition que les fabricants d'engrais n'empochent pas tout.

Le sénateur Spivak : En effet, s'ils n'empochent pas tout. C'est une autre question pour laquelle le Cabinet n'a rien fait.

Je veux dire par là que je comprends qu'un gouvernement puisse vouloir aider les agriculteurs, mais on ne les aide pas nécessairement en transformant leurs céréales en biocarburants. Par contre, on les aide inévitablement si leurs céréales servent à l'alimentation. Est-ce qu'on tient compte de toutes ces considérations dans les discussions, ou bien est-ce le gouvernement qui décide tout seul?

En fait, ma question est la suivante : à quoi servent les évaluations environnementales stratégiques par opposition à tout ce que vous nous racontez avec de bien grands mots?

M. Paquette : En fait, cela dépend du dossier. Ce que je veux dire, c'est qu'au final, nous ne sommes pas le gouvernement en ce sens que nous ne sommes pas les ministres. Les ministères préparent une proposition et ils en évaluent le pour et le contre. Dans certains cas, les choix sont difficiles. Comme vous le savez, dans certains cas, il n'y a pas de solution facile.

Les biocarburants sont certainement un bon exemple, car, d'un côté, le gouvernement cherche à diminuer les émissions et, de l'autre, les biocarburants proviennent des céréales. La cellulose serait une bonne solution, mais nous n'en sommes pas encore là. C'est le genre de choix que le gouvernement doit faire chaque jour. Par conséquent, il y a toujours des avantages et des inconvénients.

Le sénateur Spivak : Sauf que les études scientifiques penchent lourdement d'un autre côté. Mais j'ai terminé. La seule chose que j'aimerais vous conseiller, c'est d'avoir un peu de courage, car le monde en dépend.

Le président : Monsieur Paquette, permettez-moi de résumer la situation. Vous avez décrit le système, vous avez dit qu'il marchait bien, que vous vous y preniez de telle façon, que tout marchait bien et qu'au final, le gouvernement prenait une décision. Par contre, le commissaire, lui, il dit que cela ne fonctionne pas. Le commissaire du Bureau du vérificateur général dit que cela ne marche pas, et que le système ne donne pas les résultats escomptés. Bref, que cela ne marche pas, que la politique n'atteint pas ses objectifs. Êtes-vous d'accord avec le commissaire?

M. Paquette : Nous avons eu des discussions, et oui, je suis d'accord pour dire qu'il faut améliorer les évaluations stratégiques. J'ai dit aussi que, pour certaines propositions qui sont présentées au Cabinet, notamment celles qui portent sur des questions comme les biocarburants, par exemple, et c'est l'exemple dont nous discutions, pour ces propositions, donc, il n'y a même pas de problème, car des évaluations approfondies ont été faites au préalable. En fait, c'est même la raison pour laquelle la proposition est présentée : la proposition est le résultat de l'évaluation. Là où le problème se pose, et où nous allons devoir améliorer le système, c'est lorsque les projets présentés au cabinet ont un lien avec l'environnement qui n'est pas évident pour les ministères. C'est là que nous devons intervenir, pour nous assurer que, même si ces liens ne sont pas évidents, les évaluations ont quand même été faites avant que la proposition ne parvienne au Cabinet. En d'autres termes, nous devons nous assurer que tous les éléments qui doivent être évalués l'ont bien été, même si le lien avec l'environnement n'est pas toujours évident.

Dans certains cas, le lien avec le développement durable est tellement évident que nous n'avons pas besoin de demander au ministère de s'assurer que les évaluations adéquates sont faites. Le problème se pose davantage quand le lien n'est pas aussi évident et que nous devons exercer des pressions.

Le président : Reconnaissez-vous que certains ministères du gouvernement ne font pas un très bon travail en ce qui concerne les stratégies de développement durable?

M. Paquette : Je parlais de l'évaluation stratégique préparée pour un ministre du Cabinet. Pour ce qui est de la stratégie de développement durable, c'est notre collègue de l'Environnement qui pilote le dossier.

George Redling, secrétaire adjoint, Affaires réglementaires, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Je ne prétends pas vous donner une réponse complète, mais je voudrais prendre un petit exemple pour montrer au sénateur Spivak ce qu'est l'évaluation environnementale stratégique dans le contexte de la réglementation.

L'évaluation environnementale stratégique repose sur au moins trois piliers : la perspective économique, la perspective sociale et la perspective environnementale. Un projet de réglementation sur les effluents miniers est un bon exemple où ces trois perspectives interviennent. Dans le Nord, il arrive qu'une mine veuille s'implanter à côté d'une petite collectivité; l'évaluation environnementale stratégique sert à déterminer les coûts et les avantages du projet, par rapport aux bienfaits économiques que cela apporte à la collectivité, à la société minière, et cetera, ainsi que ses impacts négatifs, comme des résidus toxiques qui peuvent être dangereux, je veux parler d'émissions toxiques, de cyanure, et cetera. Les évaluations tiennent alors compte de ces trois éléments, et essaient de trouver des solutions pour atténuer le dépôt des résidus, par exemple. Au cours du processus, nous apprenons que la meilleure solution est de faire en sorte que ces résidus se déposent dans l'eau, même si cela risque de nuire à l'habitat des poissons. Il faut alors faire une évaluation environnementale pour voir dans quelle mesure cela nuit à l'habitat, si on peut le remettre en l'état par la suite, ou s'il faudra obliger la société minière à aménager un autre habitat en aval.

Je voulais donc vous donner un exemple de la façon dont les analyses de rentabilité et les évaluations environnementales stratégiques se font.

Le sénateur Spivak : Votre exemple a-t-il été une réussite?

M. Redling : J'estime que c'en est une en ce sens qu'on s'est fondé sur les trois piliers, que les règlements ont été soumis au public avant leur entrée en vigueur, et que par conséquent toutes les parties prenantes ont pu donner leur avis sur les évaluations. Une décision est ensuite prise à partir de la recommandation du ministre responsable, décision qui tient compte de tous ces facteurs.

Le sénateur Mitchell : Permettez-moi de revenir sur le processus de collaboration entre les différents ministères qui, selon vous, monsieur Paquette, semble si évident et si efficace.

En 2006, le gouvernement, peu après son élection, a aboli tous les programmes d'adaptation aux changements climatiques, au motif que ces programmes ne servaient à rien. Je pense même que le gouvernement niait carrément qu'il y avait un problème de réchauffement climatique. Aujourd'hui, grâce à l'accès à l'information, nous apprenons que le ministère de l'Environnement avait en fait évalué ces programmes et qu'il les avait jugés très efficaces car ils permettaient de nous approcher des cibles de Kyoto.

Deuxièmement, Environnement Canada et Ressources naturelles Canada avaient entrepris la préparation de ce qui allait être un épais document intitulé : Vivre avec les changements climatiques au Canada : édition 2007. Le document évalue, région par région, les incidences réelles du changement climatique.

Environnement Canada et Ressources naturelles Canada ont-ils eu la possibilité de dire au gouvernement, à ce moment-là, qu'il y avait bien un problème de changement climatique et qu'il fallait faire quelque chose? Environnement Canada a-t-il eu la possibilité de dire au ministre d'alors que les programmes ne devraient pas être annulés étant donné qu'ils étaient efficaces? L'autre explication est qu'Environnement Canada n'a jamais été consulté et que le gouvernement a décidé d'imposer sa volonté. Le gouvernement a-t-il décidé d'imposer sa décision sans vous consulter?

J'espère quand même qu'ils vous ont consultés car, dans le cas contraire, cela voudrait dire que les ministères n'ont aucune influence.

M. Paquette : En dernière analyse, c'est le gouvernement qui prend sa décision. Notre rôle, pour l'essentiel, est de fournir les meilleurs conseils possibles, de façon non partisane, et c'est ensuite aux ministres du gouvernement qu'il appartient de prendre une décision.

Le président : Je croyais que la question avait été posée à Mme Bowser.

Le sénateur Mitchell : Peu importe qui répond, les deux ministères sont concernés. En fait, celui de M. Paquette ne l'est peut-être pas nécessairement, mais celui de Mme Bowser l'est certainement, en tout cas je l'espère.

Mme Bowser : Lorsqu'un nouveau ministre est nommé, nous lui soumettons bien entendu beaucoup de notes de breffage, et nous lui en avons soumis pour ce dossier en particulier.

Une étude avait été entreprise, déjà avant l'élection, sur les programmes d'adaptation aux changements climatiques. Cette étude n'était pas pilotée par Environnement Canada, mais plutôt par le Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé. Elle portait sur les différents programmes d'adaptation aux changements climatiques, et chacun des responsables avait transmis des données sur les résultats de ces programmes. Comme je n'y ai pas participé, je ne peux pas vous dire exactement comment ces informations ont été utilisées, mais en tout cas, une étude avait été entreprise avant les élections sur l'efficacité de ces programmes.

Le sénateur Gustafson : J'aimerais d'abord dire une chose au sénateur Mitchell : vous n'étiez pas là. Ce n'est pas vous qui vous occupiez du dossier.

Cessons ce petit jeu politique. Pendant toutes les années où Brian Mulroney a été premier ministre, j'ai été son secrétaire parlementaire. Je peux vous dire, et j'étais bien placé pour le savoir, que ce dossier comptait parmi ses priorités; il suffit de se souvenir, par exemple, de Stan Darling et de la question de l'assainissement des lacs, notamment.

Croyez-moi, la population est très inquiète. Je viens d'un milieu rural; j'étais à ma ferme la semaine dernière, et j'ai l'intention d'y retourner cette semaine. Le sénateur Mitchell a parlé de crédits de carbone. Nos agriculteurs ne savent pas s'ils doivent acheter des crédits de carbone ou pas. Ils ne savent pas qui est derrière ça. Certains ont accepté de le faire, mais ils se souviennent aussi comment ils ont perdu leurs droits pétroliers lorsqu'ils ont jadis embarqué dans certains programmes. Ils aimeraient bien savoir d'où vient cette idée, car cela les inquiète beaucoup.

Il y a aussi toute la question des carburants qu'on fabrique à partir des céréales. J'ai assisté au conseil des gouverneurs, aux États-Unis. L'année dernière, ils ont construit 139 usines sans avoir suffisamment de maïs pour les alimenter. Et ils se demandent maintenant pourquoi ils les ont construites.

Le sénateur Spivak : C'était une grave erreur.

Le sénateur Gustafson : L'important est d'être bien conseillé. Il faut que nous réfléchissions sérieusement à la responsabilité que vous exercez auprès des ministres et du gouvernement, car il faut que les conseils qui leur sont donnés soient les plus objectifs. C'est une chose qui me préoccupe beaucoup, moi et ceux que je sers.

Encore une fois, il faut cesser d'en faire un jeu politique. Nous devons réfléchir à la question de façon rationnelle et raisonnable, et prendre des mesures. Bien sûr, nous ferons peut-être des erreurs, mais il faut espérer qu'il y aura plus de succès que d'échecs. C'est tout ce que j'ai à dire. C'est là où nous en sommes, et c'est là où en sont les agriculteurs. Il vont aussi avoir un rôle important, car, après tout, ce sont eux qui cultivent la terre. Nous savons ce qu'est pénurie alimentaire. Je parlais justement à quelqu'un à New York, l'autre jour, et il me disait que la pénurie alimentaire mondiale était grave, et que les gens ne s'en rendaient pas compte. Nous ne sommes absolument pas conscients de la gravité du problème. Au Canada, nous avons de la chance, mais nous avons quand même une responsabilité à l'égard du reste du monde.

Le président : Nos témoins sont-ils d'accord? Merci, sénateur Gustafson. Avez-vous une question précise, plutôt qu'une déclaration?

Le sénateur Gustafson : Avez-vous un rôle à jouer dans la façon dont nous allons nous adapter à ce genre de problèmes, à l'avenir? Comment la société va-t-elle y faire face?

Le président : Je suis vraiment désolé, mais la question de savoir comment la société va s'adapter aux changements climatiques n'est pas le sujet de notre réunion d'aujourd'hui. Permettez-moi de vous rappeler, avant de reprendre nos questions, que notre sujet d'aujourd'hui est la stratégie fédérale de développement durable, ainsi que la question de savoir si les rapports que doivent faire les ministères tous les trois ans sont efficaces et nous permettent d'atteindre les objectifs fixés.

Le sénateur Gustafson : Mon fils a un Français qui travaille pour lui, dans son exploitation agricole. Ce Français est venu s'établir au Canada. Il a vendu sa ferme en France parce que, comme il dit : « Il y avait beaucoup trop d'inspecteurs qui venaient inspecter ma ferme. Je voulais venir au Canada pour y acheter une ferme et avoir plus de liberté. »

Je ne voudrais pas qu'on en arrive là.

Le sénateur Kenny : Vous ne voulez pas plus de liberté?

Le sénateur Gustafson : Nous voulons beaucoup de liberté mais pas beaucoup d'inspecteurs.

Le président : Madame Bowser, puis-je vous demander si, à votre avis, les rapports que doivent soumettre les ministères dans le cadre des stratégies de développement durable sont utiles, si je puis dire, et substantiels? Je suppose que certains ministères produisent de bons rapports, qui contiennent des résultats probants, et je parle des programmes de développement durable adoptés par le gouvernement, mais qu'il y en a d'autres qui ne sont guère efficaces. Auriez- vous des chiffres à nous donner, et même des noms?

Mme Bowser : Je n'aime pas donner des noms. Quant aux chiffres, je crois qu'ils sont peu nombreux.

Le président : Vous voulez dire qu'il y a peu de ministères qui répondent aux exigences?

Mme Bowser : Je veux parler des ministères qui ont une stratégie rigoureuse et bien étayée, mais je reviendrai là- dessus dans un instant.

J'ai beaucoup de respect pour le commissaire et son bureau. Il a parfaitement su souligner les lacunes que contenaient certains rapports. Mais voici ce sur quoi je voulais revenir : nous avons un système de stratégies qui ont été établies verticalement, je veux dire ministère par ministère. C'est une question que votre comité a déjà examinée. Donc, il n'y a rien qui relie les stratégies les unes aux autres.

Mettez-vous à la place du fonctionnaire d'un ministère à qui l'on dit : « Allez, faites votre stratégie de développement durable. » Savez-vous comment vous y prendre? Donc, je pense qu'il est injuste de dire que les ministères ne font pas bien leur travail. Il y a des problèmes systémiques, si l'on peut dire, qui sont dus à la façon dont nous avons structuré les stratégies de développement durable. Ce sont justement ces problèmes que le commissaire nous a demandés d'examiner pour que le gouvernement puisse prendre une décision.

Le président : Vous voulez parler d'un objectif d'ensemble, qui serait clair pour tous?

Mme Bowser : C'est ce que nous avons accepté de faire, suite à la recommandation du commissaire, et ensuite, ce sera au gouvernement de décider ce qu'il veut faire.

Le président : Je ne voudrais pas vous mettre sur la sellette, commissaire, mais combien y a-t-il de ministères... 17?

M. Thompson : À l'heure actuelle, 28 ministères sont tenus de préparer des stratégies de développement durable.

Le président : Si on vous demandait, au pied levé, de dire combien d'entre eux fournissent des rapports qui répondent aux exigences de départ, que diriez-vous?

M. Thompson : Je ne voudrais pas esquiver la question, mais à mon avis, il n'y en a vraiment pas beaucoup. Nous n'avons pas dressé une liste des ministères qui ont bien fait et de ceux qui ont mal fait, car en réalité, c'est le système qui ne marche pas.

Le président : C'est exactement ce que Mme Bowser a dit.

M. Thompson : Oui, et je voudrais ajouter, sans vouloir trop insister, que c'est vraiment un problème qu'il faut régler. Je suis ravi que le comité s'y intéresse et entende des témoins aujourd'hui là-dessus.

Le président : Est-ce vraiment l'objectif vers lequel nous nous dirigeons, madame Bowser? J'irai même plus loin : pensez-vous que le gouvernement ait vraiment accepté l'idée d'une stratégie d'ensemble qui soit concrète et visible en matière de développement durable?

Mme Bowser : Il m'est difficile de répondre à votre question, sénateur.

Le président : Pourtant, vous êtes la personne la mieux placée pour y répondre.

Mme Bowser : On nous a demandé de faire cet examen. Cela est significatif, et je n'ai pas besoin d'en dire plus.

Le président : Vous avez raison.

Le sénateur Mitchell : M. Thomson, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit. Il va bien falloir, en dernière analyse, qu'un ministère se charge de l'établissement de ces objectifs d'ensemble et qu'il ait aussi la responsabilité de s'assurer que les ministères font bien leur travail. Quel ministère devrait assumer ce rôle? Devrait-on le confier au BCP, au Conseil du Trésor, au ministère de l'Environnement ou à Travaux publics? Si vous étiez le premier ministre, à qui confieriez-vous cette responsabilité?

M. Thompson : Croyez-moi, je ferais un mauvais premier ministre. Je préférerais ne pas spéculer sur le ministère qui devrait avoir cette responsabilité, mais il me paraît évident qu'il faut un responsable, un organisme qui a suffisamment de pouvoir pour s'assurer que le travail est fait et que le développement durable fait bien partie de la culture et des pratiques du gouvernement fédéral. Je ne sais pas qui devrait assumer cette responsabilité. Lors d'une autre réunion sur un autre sujet, nous avons parlé de la possibilité d'avoir un regroupement de deux ou trois ministères qui pourraient assumer ce leadership. Il faut un responsable, mais pour le moment, je ne sais pas vraiment qui devrait l'être.

Permettez-moi, sénateur, de revenir sur certains commentaires positifs qui ont été faits tout à l'heure. À l'heure actuelle, nous disposons de deux outils : l'évaluation environnementale stratégique et la stratégie de développement durable. Si ces deux outils n'existaient pas, il faudrait les inventer. Le fait est qu'ils existent, depuis un certain temps déjà, mais qu'on ne les utilise pas. Si on les utilisait précisément comme cela avait été prévu au départ, il serait alors facile de dissiper vos inquiétudes en vous répondant que le système fonctionne bien. C'est ce que, nous l'espérons, l'examen du processus des stratégies de développement durable et du processus de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale nous permettra de dire. Pourquoi ces deux outils ne sont-ils pas efficaces? Qu'est-ce qu'il faut faire pour qu'ils le soient? Ce serait vraiment extraordinaire que ces outils soient efficaces, car on pourrait alors dissiper toutes vos inquiétudes quant aux nouvelles politiques et aux nouveaux programmes ainsi qu'à leur application.

Je suis convaincu que nous y parviendrons. La réunion que nous avons aujourd'hui au sujet du processus des stratégies de développement durable est un bon signe. Manifestement, les ministères s'y intéressent, grâce à vos encouragements. La population canadienne s'y intéresse aussi beaucoup. C'est le moment idéal pour examiner sérieusement ces deux outils et voir s'il faut les modifier pour les rendre efficaces. Mais nous restons convaincus qu'il faut avoir une stratégie d'ensemble.

Le sénateur Mitchell : Madame Bowser, j'aimerais vous poser deux questions. Au cours de votre examen, allez-vous vous demander quel ministère, quel organisme, quel ministre, quel comité du Cabinet devrait finalement avoir la responsabilité de ces stratégies de développement durable à l'échelle du gouvernement?

Mme Bowser : Justement, je voulais ajouter, et vous m'avez devancée, que l'une des choses que nous allons devoir préciser, ce sont les règles et les responsabilités que cela implique.

Le sénateur Mitchell : J'en conclus que cela n'existe pas pour l'instant. Vous avez dit « nous allons devoir ».

Mme Bowser : Nous y travaillons, et quand je dis : « Nous allons devoir », cela veut dire qu'au final, le gouvernement va devoir prendre une décision. C'est ce que nous attendons.

Le sénateur Mitchell : À l'heure actuelle, existe-t-il un comité du Cabinet sur l'environnement?

Mme Bowser : Oui, c'est le comité du Cabinet sur l'environnement et la sécurité énergétique.

Le sénateur Mitchell : Au cours de l'examen de votre stratégie de développement durable, dans votre propre ministère, avez-vous songé sérieusement à cette augmentation de deux degrés centigrades qui, selon les scientifiques, est le point de bascule? Allez-vous structurer votre stratégie de développement en fonction de cela?

Mme Bowser : Bien sûr, lorsque nos chercheurs et décideurs réfléchissent à ce que nous allons devoir faire et recommander au gouvernement dans le domaine du changement climatique, il sont parfaitement au courant de ce seuil des deux degrés dont vous parlez, et ils font leurs recommandations au gouvernement en tenant compte de cela, entre autres.

Le sénateur Mitchell : Madame Burack, nous vous avons négligée. Votre ministère a-t-il mis au point un programme d'achats verts, qu'il impose aux autres ministères?

Ellen Burack, directrice générale, Bureau de l'écologisation des opérations gouvernementales, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada : Je suis ravie que vous me posiez la question, sénateur Mitchell, car j'espérais bien que quelqu'un me la poserait. Oui, comme vous l'avez recommandé en 2005, le 1er avril 2006, une politique d'achats verts est entrée en vigueur à l'échelle du gouvernement. Jusqu'à présent, des progrès considérables ont été faits. D'ici à la fin de cette année civile, nos offres permanentes pour des achats de biens et services verts représenteront une valeur de 4 milliards de dollars.

Le sénateur Mitchell : Quatre milliards sur 250 milliards?

Mme Burack : Sur 21,5 milliards de dollars, dont une partie ne peut pas être écologisée car il s'agit d'équipements militaires, par exemple, ou de paiements tenant lieu d'impôts. Comme je vous l'ai dit, il s'agit d'une initiative à l'échelle du gouvernement. Il est assez compliqué d'identifier les grandes catégories de biens qui auront le plus d'impact sur l'environnement. Nous avons constaté qu'il ne valait pas la peine d'écologiser chaque achat du gouvernement du Canada. Écologiser chaque produit et chaque service n'apporterait pas nécessairement de grands avantages environnementaux. Nous nous concentrons donc sur les produits et services qui ont le plus gros impact sur l'environnement, comme la technologie de l'information, les véhicules automobiles, les fournitures de bureau et les services d'imprimerie. D'ici à la fin de l'année, 60 catégories de biens seront incluses, et, comme je l'ai dit, les offres permanentes vertes représenteront une valeur de 4 milliards de dollars. Ce n'est qu'un début. En fait, c'est un processus d'amélioration continue. Le programme s'applique à l'échelle du gouvernement. Chaque sous-ministre est responsable de l'application de cette politique, et nous sommes satisfaits des progrès réalisés jusqu'à présent. Je constate que le commissaire a donné une cote satisfaisante à un élément de cette politique, à savoir le processus de gestion des produits, c'est-à-dire l'élaboration de ces offres permanentes vertes. Comme je l'ai dit, il a jugé ce processus satisfaisant dans le rapport qu'il a publié en mars dernier.

Le sénateur Mitchell : Madame Bowser, est-ce que les ministères continuent de présenter leur stratégie de développement durable annuelle ou bien l'exercice a-t-il été suspendu pendant que l'examen se poursuit?

Mme Bowser : Dans le rapport de rendement qu'ils font chaque année, les ministères font un rapport sur leur stratégie de développement durable. Mais pour ce qui est des stratégies elles-mêmes, la dernière série était celle de 2006- 2009. Par conséquent, ils continuent de faire rapport là-dessus, et l'examen servira de point de départ à la nouvelle série de stratégies.

Ils n'ont rien suspendu puisqu'ils font simplement un rapport, ils n'élaborent pas des plans. La prochaine série de plans sera présentée en décembre 2009.

Le sénateur Spivak : Avant de poser ma question, madame Burack, j'aimerais vous dire que, si Wal-Mart peut le faire, le gouvernement du Canada peut le faire aussi.

Il y a un « gros éléphant » dans la salle, et cet éléphant, c'est le leadership politique. Imaginez ce qui se passerait si John Polanyi était ministre de l'Environnement.

Commissaire, je vous félicite. Je me demande comment vous faites pour écarter tout esprit partisan face à une nouvelle approche. Je veux parler de tous les gouvernements, quelle que soit leur allégeance politique.

Si je vous dis cela, c'est parce que, pour beaucoup de gens, les mesures qu'on a prises ne sont pas suffisantes et, s'il faut en croire les études scientifiques, il va falloir prendre des mesures bien plus draconiennes. C'est exactement comme pour la Seconde Guerre mondiale. On n'a pas idée de la gravité de la menace.

Allons-nous devoir nommer un grand commis de l'État à un dollar par an? De façon très objective et non partisane, que pensez-vous que nous devrions faire?

M. Thompson : Notre vérification du processus des stratégies de développement durable et l'autre vérification que nous avons faite du processus des évaluations environnementales stratégiques nous ont permis de constater que les pratiques de gestion étaient bonnes.

Cela n'a rien à voir avec la partisannerie; la question est plutôt de savoir si le gouvernement du Canada gère correctement le dossier de l'éducation en développement durable et les programmes de développement durable. On ne peut pas faire de la partisannerie, et le bureau du commissaire encore moins. Ce n'est pas notre rôle. En fait, ce n'est le rôle de personne.

La question est donc de savoir si les bureaucrates, c'est-à-dire les gestionnaires du gouvernement, qui sont des gens dévoués et qui travaillent dur, gèrent bien les programmes en tenant compte des principes du développement durable. Deux outils efficaces ont été mis en place pour aider les gestionnaires à atteindre les objectifs fixés. Ces outils ne fonctionnent pas, et nous avons entrepris un examen pour savoir pourquoi. C'est tout simplement de la bonne gestion.

L'intérêt que votre comité manifeste pour ces examens, et ce qui en résultera, permettra d'améliorer la gestion de ces programmes et d'intégrer l'éducation en développement durable à la culture organisationnelle du gouvernement fédéral.

Le sénateur Spivak : Bien sûr. Ma question n'avait pas pour but d'encourager les fonctionnaires à se montrer partisans. Pas du tout. Je voulais dire que, dans les entreprises privées, ils essayent de trouver une solution. Ils ont des comités de vérification, ils demandent à des gens de l'extérieur de recommander des salaires. Ça ne fonctionne peut-être pas mieux mais ça existe.

Pensez-vous que certaines pratiques de gestion pourraient vous aider, ou bien estimez-vous qu'on est allé aussi loin qu'on pouvait aller?

M. Thompson : À mon avis, il serait préférable de donner une chance aux deux examens de faire leurs preuves. Madame Bowser, je suppose qu'ils vont s'intéresser à ce que font d'autres pays, car nous ne sommes pas les seuls. La Suède, la Grande-Bretagne et l'Autriche font la même chose. Il y a beaucoup de gens dans le monde qui s'intéressent à la bonne gestion des programmes de développement durable. Je suis sûr qu'au cours de ces examens, on tiendra compte de l'exemple et de l'expérience de ces pays.

Par conséquent, je pense qu'il vaudrait mieux attendre de voir ce que le processus qui a été entrepris, à savoir ces deux examens, va donner. Nous en connaîtrons les résultats d'ici à la fin de l'année civile. Mme Bowser a indiqué que l'examen des SDD sera terminé d'ici octobre, et je crois comprendre que l'examen des EES par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale doit être fait d'ici à la fin de l'année civile. C'est bientôt là. Attendons de voir.

Si ça ne marche pas, il faudra envisager des mesures plus draconiennes.

Le sénateur Spivak : Merci.

Le sénateur Kenny : J'aimerais poser une petite question supplémentaire à Mme Burack. Vous dites être satisfaite du plan d'écologisation de votre ministère. Cela veut-il dire qu'il y aura davantage de consultations pour la préparation du rapport annuel relatif à la Loi sur les carburants de remplacement?

Le sénateur Spivak : Bonne question!

Le président : Le sénateur Kenny est le parrain de la Loi sur les carburants de remplacement.

Mme Burack : Je vais demander à M. Redling, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, de répondre à la question concernant la Loi sur les carburants de remplacement, car je crois que c'est davantage son domaine.

Le président : Avant de lui donner la parole, madame Burack, puis-je vous demander, étant donné que votre ministère est celui qui achète le plus grand nombre de véhicules, dans quelle mesure vous achetez des véhicules verts?

Mme Burack : Permettez-moi de vous corriger. Je ne pense pas que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada soit le plus gros acheteur de véhicules parmi tous les ministères du gouvernement canadien. Par contre, c'est le ministère qui a conçu une offre permanente verte pour les voitures de tourisme, notamment. Pour ce qui est des véhicules, nous avons fait des progrès dans deux secteurs : il y a d'abord une directive du Conseil du Trésor sur le parc automobile qui exige que, dorénavant, les nouvelles voitures de fonction soient hybrides, avoir un rendement élevé ou être alimentées par un carburant de remplacement.

De même, nous avons maintenant une offre permanente à l'échelle du gouvernement pour toutes les voitures de tourisme; autrement dit, tout nouvel achat de voiture de tourisme doit être fait à partir de l'offre permanente, où on ne trouve que trois types de véhicules : les hybrides, les voitures à carburant de remplacement et les voitures à rendement élevé.

Même si notre ministère n'achète pas plus de véhicules que les autres, il encourage l'achat de véhicules écologiques par les autres ministères.

Le président : Par curiosité, j'aimerais savoir quel est le ministère qui achète le plus de véhicules? M. Redling connaît sans doute la réponse.

M. Redling : Je vais demander à mon collègue, qui est directeur adjoint de la politique, de vous donner une réponse.

Le président : Pouvez-vous, s'il vous plaît, vous identifier?

Mohan Denetto, directeur par intérim, Affaires réglementaires, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Je m'appelle Mohan Denetto, et je suis directeur par intérim des Affaires réglementaires au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

S'agissant du rapport qui sera présenté par le président du Conseil du Trésor, je peux vous dire que, sur les 4 648 véhicules qu'il a achetés en 2006-2007, le gouvernement a acheté 354 véhicules à carburant de remplacement, capables de fonctionner avec du carburant à l'éthanol E85.

Par ailleurs, chaque ministère se fixe une cible annuelle pour ce qui est de l'achat de véhicules à carburant de remplacement. On compare ensuite le coût, sur toute la durée de vie, des véhicules à carburant de remplacement par opposition aux véhicules conventionnels. On doit donc respecter deux critères avant de décider d'acheter un véhicule à carburant de remplacement : le premier consiste à savoir si c'est de l'argent bien dépensé, et le deuxième, si le véhicule répondra aux besoins opérationnels.

Par exemple, il n'est peut-être pas indiqué d'acheter un véhicule à carburant de remplacement pour une voiture de police, car le moteur n'est pas assez puissant. Cela vous donne une idée du rapport qui va être présenté.

Le sénateur Kenny : L'exemple que vous venez de donner me surprend beaucoup, car je sais qu'un certain nombre de voitures de police fonctionnent avec des carburants de remplacement.

M. Denetto : Quand on achète un véhicule à carburant de remplacement, il faut aussi tenir compte de la disponibilité du carburant sur le marché. À l'heure actuelle, il est impossible de trouver carburant E85 dans certaines régions. C'est donc un autre critère dont le ministère doit tenir compte.

Le sénateur Kenny : Puis-je poser une autre question, monsieur le président? Combien de véhicules comprend le parc automobile? C'est toujours autour de 30 000? Quel pourcentage de véhicules fonctionnent avec des carburants de remplacement?

Mme Burack : Nous en sommes toujours à environ 30 000, à raison de 4 000 nouveaux véhicules environ chaque année. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui combien fonctionnent avec des carburants de remplacement, mais je vais voir si je peux vous faire parvenir ce renseignement.

Le sénateur Kenny : Merci d'avance.

Le sénateur Spivak : Puis-je poser une question supplémentaire?

Le président : Je vous prie de nous faire savoir si vous êtes en mesure de nous communiquer ce renseignement, madame Burack. S'agissant de la disponibilité du carburant de remplacement, il est bien évident qu'il ne faut pas acheter des véhicules E85 là on ne peut pas se procurer le carburant. On vient de nous dire qu'on achète chaque année environ 3 400 nouveaux véhicules, dont 400, à peu près, sont des véhicules à carburant de remplacement. Il en reste donc 3 000 qui ne fonctionnent pas avec un carburant de remplacement, et dans ce chiffre, il y a des camions. J'aimerais que vous donniez au greffier une ventilation aussi précise que possible de ce chiffre et vous en remercie d'avance.

Mme Burack : J'aimerais ajouter une dernière chose, puisque que le sénateur Kenny a demandé si cela avait déjà une incidence sur les offres permanentes et la directive du Conseil du Trésor. Les offres permanentes sont relativement récentes, mais au fur et à mesure que le parc sera renouvelé, on constatera une diminution des émissions de gaz à effet de serre liées au parc automobile du gouvernement. C'est là l'objectif que nous sommes donné, plutôt que de fixer un pourcentage pour tel type de technologie.

Le sénateur Spivak : Il est peut-être temps d'élargir la définition des carburants de remplacement, car, d'après les dernières nouvelles et ce que nous avons entendu à Globe 2008, c'est la transition aux véhicules électriques qui sera la plus facile. Le Canada en fabrique. Ils ne dépassent pas un certain nombre de milles à l'heure, mais cela est-il important pour des véhicules du gouvernement?

Le sénateur Kenny : Excusez-moi, sénateur, mais les véhicules électriques sont couverts par la loi.

Le sénateur Spivak : Tant mieux. Pourquoi n'envisagez-vous pas cette solution? Laissez tomber les véhicules E85, car nous n'aurons pas de stations d'hydrogène ou d'E85 de sitôt. Lors de cette réunion, ils ont descendu l'hydrogène par ce que ça ne serait jamais prêt à temps. Pourquoi n'envisagez-vous pas sérieusement d'acheter des véhicules électriques, étant donné qu'on en fabrique au Canada?

Mme Burack : Monsieur le président, je ne dis pas nécessairement que les véhicules électriques ne sont pas la voie de l'avenir. Je dois vous dire, cependant, que l'un des problèmes qui se posent avec ce genre de véhicule, c'est que les sources d'électricité varient d'une région à l'autre. Dans certains cas, c'est le charbon ou d'autres procédés qui produisent davantage de gaz à effet de serre. Dans d'autres régions, les procédés utilisés produisent moins de gaz à effet de serre.

Étant donné que, pour ce qui est des sources de carburant et de la technologie des automobiles que nous achetons, notre priorité est de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de respecter les normes de pollution atmosphérique, ce n'est pas, à court terme, une solution que nous envisageons.

Le sénateur Spivak : Nous devrions faire venir un spécialiste des véhicules électriques, pour qu'il puisse répondre à nos questions.

Le président : Je prends note de votre suggestion. Je prends note également de celle du commissaire, c'est-à-dire de consacrer une autre réunion aux évaluations environnementales stratégiques.

Des témoins ont-il quelque chose à ajouter avant que je ne lève la séance?

Merci d'être venus. Vos témoignages nous ont été très utiles. Si nous avons d'autres questions, j'espère que vous accepterez d'en envoyer la réponse à notre greffier. Merci, sénateurs et invités.

La séance est levée.


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