Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 10 - Témoignages du 10 juin 2008
OTTAWA, le mardi 10 juin 2008
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-206, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine),se réunit aujourd'hui, à 17 h 42, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je vais vous présenter les membres qui sont ici : le sénateur Pierre Claude Nolin, vice- président du comité, du Québec, le sénateur Willie Adams, du Nunavut; le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta; le sénateur Mira Spivak, du Manitoba; le sénateur Marilyn Trenholme Counsell, du Nouveau-Brunswick; et le sénateur Bert Brown, de l'Alberta.
Le projet de loi S-206 vise la modification de la Loi sur les aliments et drogues afin que celle-ci inclue l'eau provenant des réseaux de distribution d'eau, entre autres, à titre d'aliment régi par la Loi sur les aliments et drogues.
L'honorable Charlene Johnson, ministre de l'Environnement et de la Conservation du gouvernement de Terre- Neuve-et-Labrador, comparaît aujourd'hui devant nous. Elle est accompagnée de M. Bruce Hollett, sous-ministre, de M. Bill Parrott, sous-ministre adjoint, et de M. Martin Goebel, directeur des Ressources aquatiques.
Madame Johnson, vous pouvez y aller.
L'honorable Charlene Johnson, députée, ministre de l'Environnement et de la Conservation, gouvernement de Terre- Neuve-et-Labrador : Honorables sénateurs, j'aimerais remercier le comité, au nom du gouvernement de Terre-Neuve- et-Labrador, de m'avoir invitée à présenter un exposé sur le projet de loi S-206. Vous avez présenté les membres de mon personnel, mais j'aimerais souligner que M. Goebel est le président du Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable pour un troisième mandat consécutif. Si vous avez, plus tard, des questions techniques, c'est à lui que vous devriez vous adresser.
Je commencerai par souligner que la qualité de l'eau potable constitue une priorité pour le gouvernement de Terre- Neuve-et-Labrador. Il s'agit de l'un des enjeux les plus complexes auxquels font aujourd'hui face tous les ordres de gouvernement. Depuis la catastrophe de Walkerton, en mai 2000, qui a activé la sonnette d'alarme, ma province, comme les autres, a pris de nombreuses mesures importantes pour garantir aux Terre-Neuviens et aux Labradoriens une eau potable de qualité et propre. Tout n'est pas encore parfait, mais nous avons mis en place de nombreux freins et contrepoids et, par-dessus tout, nous disposons de normes, de politiques et d'outils de réglementation qui nous permettront de continuer à améliorer la qualité de notre alimentation publique en eau de façon à répondre à nos besoins.
D'après ce que nous en comprenons, le projet de loi S-206 vise à modifier la définition d'eau potable afin qu'elle soit considérée comme un aliment même si elle est offerte par l'entremise d'un réseau de distribution. Si elle était considérée comme un aliment, elle devrait respecter des normes de qualité et faire l'objet d'inspections en vertu du droit fédéral. Nous estimons que nous possédons déjà, à titre de province, des mécanismes suffisants et beaucoup plus appropriés nous permettant de garantir la qualité de l'eau potable. Mon exposé mettra l'accent sur la réglementation de la qualité de l'eau potable, qui relève de mon ministère à Terre-Neuve-et-Labrador.
Nous savons tous que la construction, l'exploitation et l'entretien d'un réseau d'aqueduc exigent un financement énorme, mais je suppose que le projet de loi S-206 traite strictement de réglementation et n'aborde pas la question du coût de tout changement de la réglementation. Comme je l'ai dit, Walkerton a sonné l'alarme à l'échelle du pays et, en mai 2001, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador publiait un rapport détaillé sur la qualité de l'eau potable intitulé, pertinemment, De la source au robinet. Le rapport contenait de nombreux détails sur la qualité de l'eau potable dans la province et énonçait un plan visant à améliorer l'alimentation en eau potable sur divers plans.
L'approche à barrières multiples pour de l'eau saine a évolué pour donner naissance au plan d'action stratégique à barrières multiples de Terre-Neuve-et-Labrador. Comme vous le savez, Santé Canada favorise l'approche à barrières multiples pour de l'eau potable saine, selon laquelle les impacts des menaces à la qualité de l'eau potable sont éliminés ou réduits au minimum à chaque étape que l'eau franchit tout au long des réseaux, de la source au robinet. Elle inclut, plus particulièrement, la protection de l'eau à la source, l'utilisation d'un traitement efficace et la préservation de la qualité de l'eau tout au long des réseaux de distribution. La stratégie inclut aussi des inspections prescrites par règlement, une surveillance de la qualité de l'eau, et la reddition de comptes de façon que nous puissions réagir à des menaces déclenchées par des conditions naturelles de sécheresse ou d'inondation, par des pannes et des accidents, ainsi qu'à toute autre menace.
La première barrière du plan d'action stratégique à barrières multiples constitue la protection de l'eau à la source. La très grande majorité des collectivités de Terre-Neuve-et-Labrador ont une chance unique : elles tirent leur eau de bassins hydrographiques vierges, qui n'ont généralement jamais subi les effets de l'urbanisation ou du développement industriel. Les premières mesures législatives sur la protection des bassins hydrographiques ont été adoptées en 1974 et permettaient à la province de réglementer de façon stricte les activités futures touchant les bassins hydrographiques. Les collectivités obtenaient le pouvoir de contrôler leur alimentation en eau même si le bassin hydrographique ne se trouvait pas dans les limites de la municipalité. En 2004, la province adoptait la Water Resources Activity, qui permettait, un peu de la même façon, de protéger les têtes de puits. En conséquence, il y a, à ce jour, 318 sources d'alimentation en eau visées par notre règlement de protection des bassins hydrographiques. Cela signifie donc qu'environ 92 p. 100 de la population approvisionnée en eau reçoit son eau à partir d'une source protégée.
Toute activité de développement, que ce soit les mines, la foresterie, l'agriculture, la construction résidentielle ou n'importe quelle autre activité menée dans une région d'alimentation en eau protégée doit recevoir un permis qui prévoit des modalités claires pour protéger la quantité et la qualité de l'eau. Dans le cas de quelques bassins hydrographiques, des activités importantes de développement ont déjà eu lieu; nous avons donc mis sur pied des comités de gestion hydrographiques dans le but de protéger la région de façon proactive afin de garantir une alimentation en eau. Votre comité serait peut-être intéressé à consulter certains de nos documents, dont notre directive en matière de politique, intitulée « Policy for Land and Water Related Developments in Protected Public Water Supply Areas » ainsi que le document qui l'accompagne, qui est intitulé « Management of Protected Water Supply Areas ». Nous avons conçu, récemment, un nouveau guide municipal pour l'élaboration de plans de gestion des bassins hydrographiques. Le grand public peut avoir accès à tous ces documents, ainsi qu'à d'autres renseignements publics, à partir de notre site web. Terre-Neuve-et-Labrador est en mesure de protéger efficacement ses bassins hydrographiques, et c'est pourquoi nous avons décidé de faire de la protection des bassins hydrographiques la pierre angulaire de notre approche stratégique à barrières multiples. Cela me mène à l'aspect suivant de l'approche à barrières multiples : le traitement de l'eau.
Peut-être parce que nous avons beaucoup insisté, par le passé, sur la protection des bassins hydrographiques, notre système de traitement de l'eau n'a pas atteint, en général, le même degré d'utilisation que les systèmes dans les autres régions du Canada. La province ne compte que 19 stations de traitement de l'eau au sens conventionnel. Elle compte aussi 84 systèmes offrant un quelconque type de traitement spécial, comme la filtration par UV, le retrait de l'arsenic ou le retrait d'un autre produit chimique. Le traitement le plus courant, de loin, est simplement la chloration de l'eau, qui est appliquée à 453 réseaux publics d'aqueduc dans la province. Le plus grand défi auquel nous faisons face, dans notre province, c'est de nous assurer que les municipalités, particulièrement les petites collectivités, entretiennent ces réseaux vieillissants afin qu'ils restent en état de marche. J'ajouterai, pour terminer ma description, que 223 collectivités n'ont pas du tout de réseau d'aqueduc et que les personnes qui vivent dans ces collectivités dépendent des puits privés pour leur alimentation en eau.
Les réseaux d'aqueduc sont régis par la Water Resources Act. Il faut un permis pour construire de nouveaux réseaux et pour exploiter les réseaux existants. Ces permis, bien qu'ils soient exécutoires en vertu de la loi, ne sont pas conçus pour être utilisés à des fins punitives. Ils sont plutôt adaptés sur mesure à chaque réseau en particulier, et ils contiennent des conseils et des objectifs que les collectivités doivent s'efforcer de respecter ou d'atteindre.
Bon nombre de nos petites collectivités rurales connaissent un déclin de leur population ou une diminution de leur assiette fiscale. Une approche locale conjointe entre les administrations provinciales et municipales peut permettre de réagir adéquatement à ces changements. Le projet de loi S-206, qui préconise une approche de réglementation très sévère, ne viendrait pas couronner nos efforts et pourrait même éventuellement nuire à ceux-ci. En d'autres termes, nous préférons la méthode de la carotte à la méthode du bâton.
L'aspect suivant est le réseau de distribution. Il s'agit d'une partie importante du réseau physique d'aqueduc en ce qui concerne la qualité de l'eau potable puisque c'est à cette étape que l'eau peut être contaminée de nouveau juste avant d'arriver dans le robinet du consommateur. C'est aussi la partie la plus complexe du réseau puisqu'elle compte des kilomètres de conduites, des valves, des bornes-fontaines et des réservoirs de stockage. Cette infrastructure est souvent située à proximité de la principale source de contamination, le réseau d'égout.
Le réseau d'aqueduc doit absolument faire l'objet d'une utilisation et d'un entretien adéquats. Encore une fois, mon ministère joue un rôle clé, d'abord parce qu'il émet les permis de construction, puis parce qu'il émet les permis d'exploitation. Les modalités associées à ces permis reflètent les lignes directrices de la province en matière de conception, de construction et d'exploitation d'un réseau d'aqueduc et d'un réseau d'égout. Ces lignes directrices sont à jour puisqu'on a terminé leur élaboration en décembre 2005, et elles figurent sur notre site web.
À notre avis, il est très peu probable que le projet de loi S-206 proposé vienne améliorer nos lignes directrices, qui comptent déjà environ 500 pages d'exigences détaillées et particulières concernant chacun des aspects de la conception et de l'exploitation d'un réseau d'aqueduc. Cependant, en ce qui nous concerne, ces trois barrières physiques — les bassins hydrographiques, le système de traitement de l'eau et le réseau de distribution — ne constituent pas le point final en tant que tel.
Comme nous l'a appris la catastrophe de Walkerton, il y a deux autres aspects essentiels à la sécurité de l'eau potable : l'opérateur et la personne responsable de la réglementation. Je vais parler brièvement de ces deux aspects. En ce qui concerne les opérateurs, nous estimons que l'élément clé en ce qui concerne la sécurité de l'eau potable est une formation adéquate qui met l'accent sur les compétences d'emploi. Terre-Neuve-et-Labrador a adopté une approche unique à ce sujet. Mon ministère offre de la formation dans le cadre d'un programme traditionnel en classe, ce qui est plutôt habituel. Toutefois, nous avons aussi mis sur pied des unités mobiles de formation qui amènent le programme de formation à la porte des opérateurs. Le Centre de Walkerton pour l'assainissement de l'eau a repris l'idée de cette formation sur le terrain. Des représentants de la Virginie occidentale ont aussi communiqué avec nous récemment pour en savoir plus sur ce que nous faisons.
L'avantage, c'est que les opérateurs de petits réseaux, qui n'ont parfois pas tous les préalables scolaires requis ou qui sont occupés par d'autres tâches, ce qui peut les empêcher d'avoir accès aux ressources de formation à l'extérieur, peuvent recevoir une formation sur leur propre équipement. Ils peuvent donc recevoir une formation sur la chloration, sur l'entretien des valves, sur les analyses de l'eau et sur nombre d'autres aspects de leurs responsabilités. Cette particularité a connu un énorme succès.
Il y a aussi un atelier provincial annuel auquel les opérateurs peuvent assister pour recevoir de la formation supplémentaire et de la formation officielle, et pour rencontrer des gens et établir des contacts. La certification des opérateurs est mise en place progressivement à Terre-Neuve-et-Labrador, mais elle n'est pas encore obligatoire. Je suis toutefois fière de dire que l'un des indices de la réussite de notre programme, c'est que les opérateurs qui tentent volontairement d'obtenir le niveau de certification approprié obtiennent à l'examen une note bien supérieure à la moyenne pour toutes les catégories de certification. L'atelier est gratuit, et le gouvernement collabore avec les municipalités pour subventionner les frais de déplacement de leurs employés.
Le dernier sujet de mon exposé, qui est peut-être le plus important, est la supervision réglementaire. Le 15 mai, John Cooper, de Santé Canada, venait témoigner devant ce comité au sujet de l'application des Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Il soulignait à juste titre que dix des provinces et territoires ont intégré les recommandations directement à une loi ou à un règlement, tandis que trois d'entre eux, dont Terre-Neuve-et- Labrador, les utilisent d'une autre façon.
Dans ma province, ces recommandations sont devenues les normes de la province. Il s'agit d'une approche unique puisque nous sommes la seule province au Canada à fonctionner de cette façon. Plutôt que d'adopter des mesures législatives qui obligent les responsables de l'alimentation publique en eau à surveiller et à analyser la qualité de l'eau, ainsi qu'à rendre des comptes à la personne responsable de la réglementation, nous préférons, à Terre-Neuve-et- Labrador, nous occuper nous-mêmes de cette tâche essentielle.
Cette approche comporte trois avantages. D'abord, nous réussissons à couvrir la totalité du territoire. Nous savons que toute l'alimentation publique en eau fait couramment l'objet d'analyses, à la fréquence prescrite dans les recommandations. Et comme nous utilisons un laboratoire du gouvernement provincial pour les analyses bactériologiques et un laboratoire contractuel agréé pour les analyses chimiques, nous savons que l'assurance et le contrôle de la qualité sont effectués de façon adéquate. Deuxièmement, nous effectuons la surveillance de la totalité des réseaux d'aqueduc. Nous recevons les résultats d'analyses directement du laboratoire, et elles sont entrées dans une seule base de données du contrôle de la qualité, ce qui signifie que nous sommes en mesure de réagir immédiatement pour réduire les risques.
Le troisième avantage constitue l'efficience des communications. C'est très simple, pour nous, d'afficher sur notre site web les résultats des analyses, et nous le faisons. En plus de fournir les résultats bruts, nous fournissons le rapport sur la qualité de l'eau et sur les paramètres chimiques et, ce qui est peut-être le plus important, des recommandations destinées à la ville touchée afin de l'aider à corriger toute lacune. Nous fournissons aussi aux collectivités un rapport annuel détaillé. Enfin, nous publions un rapport annuel sur la sécurité de l'eau potable dans la province. J'en ai apporté une copie avec moi et je pourrai vous la remettre à la suite de mon exposé si ça vous intéresse.
Le 17 avril, le sénateur Grafstein présentait un exposé devant le comité et parlait du droit des gens de connaître la qualité de l'eau qu'ils boivent. À Terre-Neuve-et-Labrador, les gens ont accès à ce renseignement, et ce sur divers plans.
Avant de conclure, j'aimerais aborder la question des avis d'ébullition de l'eau. Vous avez déjà entendu parler, au comité, du rapport publié récemment dans le Journal de l'Association médicale canadienne concernant les 1 766 avis d'ébullition de l'eau en vigueur au Canada. Le rapport mentionne 228 avis d'ébullition de l'eau à Terre-Neuve-et- Labrador, ce qui est presque exact puisque, selon un rapport, 227 avis ont été émis dans la province, soit un de moins. Les avis d'ébullition de l'eau en vigueur dans la province sont affichés sur le site web dès leur émission. C'est donc tout à fait possible que le compte ait changé pendant la journée, mais, ce qui me préoccupe véritablement, c'est que le rapport ne donne pas vraiment d'explication sur ce qui justifie ces avis d'ébullition de l'eau, ni sur leurs répercussions à Terre-Neuve-et-Labrador.
Si on examine les raisons qui justifient les avis d'ébullition de l'eau dans notre province, on constate que moins de 10 p. 100 sont émis parce que notre programme d'analyse a révélé une contamination bactériologique. En fait, la plupart des avis ont été émis seulement à cause du compte des coliformes totaux ou parce qu'une analyse manquée une première fois n'a pu être effectuée de nouveau dans les délais requis. La plupart des avis d'ébullition de l'eau — 34 p. 100 d'entre eux — ont été émis parce qu'il existe un risque lié à un taux résiduel de chlore inadéquat, et environ 40 p. 100 des avis étaient émis parce qu'il était impossible d'effectuer un traitement de l'eau ou de faire fonctionner le réseau.
Les risques qui entrent dans ces deux catégories sont associés à la deuxième ou à la troisième barrière de l'approche à barrières multiples dont j'ai parlé plus tôt. Environ 15 p. 100 des avis d'ébullition de l'eau sont émis à cause de risques associés au réseau de distribution qui surviennent quand des canalisations subissent une perte de pression à cause de travaux de construction, de réparation ou d'entretien courants. De plus en plus d'avis d'ébullition de l'eau émis entrent dans cette catégorie. Cette augmentation s'explique entièrement par le fait que nous réussissons à offrir notre formation aux opérateurs, qui savent maintenant qu'ils doivent émettre des avis s'il y a un risque de contamination du réseau.
Nous affichons publiquement tous nos avis d'ébullition de l'eau depuis six ans — nous avons été la première province à le faire au Canada — et, pendant toute cette période, il n'y a pas eu un seul ordre d'ébullition de l'eau émis dans notre province. Un ordre d'ébullition de l'eau signifie qu'il y a un problème très grave, comme une éclosion d'une maladie d'origine hydrique, tandis qu'un avis d'ébullition de l'eau signifie qu'il existe un risque et constitue l'une des multiples barrières qui permet d'éviter que l'éclosion survienne.
En conclusion, j'aimerais réaffirmer que nous nous efforçons tous de garantir aux Canadiens une eau potable de grande qualité. J'espère que mon exposé fera voir que nous avons réussi, grâce à des mesures de contrôle et à des règlements provinciaux, à couvrir tous les aspects liés à la sécurité de l'eau potable que le projet de loi doit couvrir. Nous sommes très satisfaits de la façon dont Santé Canada a présenté les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada, et nous adhérons tout à fait à ces recommandations. Terre-Neuve-et-Labrador préside actuellement le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable.
Nous entretenons une excellente relation et collaborons entièrement avec Santé Canada en ce qui concerne la salubrité de l'eau potable. Si cela est possible, c'est essentiellement parce que notre mandat provincial nous assure un grand respect et parce que nous pouvons appliquer ces recommandations utiles en fonction de la situation dans notre province.
Comme j'ai tenté de vous l'expliquer, nous avons adopté des méthodes uniques qui fonctionnent dans notre province. Si le projet de loi S-206 devait être adopté, nous ne pourrions continuer à tenter d'atteindre notre objectif avec nos propres méthodes. À Terre-Neuve-et-Labrador, comme dans d'autres provinces, j'en suis sûr, le gouvernement provincial qui collabore avec les municipalités est mieux en mesure de comprendre les besoins et les enjeux locaux et d'offrir aux Canadiens une eau potable de qualité.
Partout au Canada, dans les petites collectivités, les dirigeants et les employés municipaux sont souvent des bénévoles qui se dévouent à l'amélioration de leur collectivité. À Terre-Neuve-et-Labrador, nous avons élaboré des processus, des normes et des règlements concernant l'eau potable qui nous permettent de collaborer efficacement avec les petites collectivités dans le but d'offrir une eau potable dont la qualité s'améliore. Le fait d'imposer de nouveaux règlements et de nouvelles pénalités dans un système qui fonctionne déjà serait inutile et risquerait même de nuire aux efforts déployés par la collectivité et essentiels à ce système.
Je vous remercie encore de m'avoir donné cette belle occasion de m'adresser à vous. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président : Est-ce que l'un ou l'autre de vos collègues aimerait parler avant que nous entreprenions la ronde de questions, ou pouvons-nous simplement amorcer le débat?
Mme Johnson : Nous pouvons amorcer le débat.
Le président : J'aimerais signaler à nos invités que le sénateur Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador, et le sénateur Grafstein, auteur et parrain du projet de loi, se sont joints à nous.
Le sénateur Mitchell : Vous êtes certainement très occupée, mais nous sommes heureux que vous ayez décidé de prendre le temps de venir devant le comité.
Que faites-vous avec les collectivités autochtones? Assumez-vous directement la responsabilité de ces collectivités, ou si vous vous en remettez au gouvernement fédéral? Est-ce que vous collaborez avec elles?
Mme Johnson : Nous nous occupons de toutes les activités de surveillance et d'analyse de la qualité de l'eau pour les collectivités autochtones aussi.
Martin Goebel, directeur des ressources aquatiques, ministère de l'Environnement et de la Conservation, gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador : Nous leur offrons les mêmes services à ce sujet qu'à toutes les municipalités.
Le sénateur Mitchell : Est-ce que c'est le gouvernement fédéral qui paie pour ces services, ou s'ils sont couverts par votre budget provincial?
M. Goebel : Les activités de surveillance et d'analyse de la qualité de l'eau font partie de notre budget. Elles sont simplement absorbées. Nous leur offrons aussi la formation dont elles peuvent avoir besoin.
Mme Johnson : Tout cela fait partie de notre budget provincial.
Le sénateur Mitchell : Avez-vous des compteurs d'eau dans les grands centres de la province?
Mme Johnson : Non. Un projet pilote est envisagé à St. John's, mais il relèverait de l'administration municipale. À l'heure actuelle, il n'y a pas de compteurs.
Le sénateur Mitchell : Il n'y a jamais eu de pénurie d'eau? Vous avez en fait vraiment beaucoup d'eau dans la province.
Mme Johnson : Pendant certaines périodes de sécheresse l'été, il y a parfois des avertissements pour que les gens évitent d'arroser la pelouse, de laver leurs voitures, et tout cela, mais, de façon générale, nous avons une importante alimentation en eau.
Le sénateur Mitchell : Il y a sûrement des régions tout au nord de Terre-Neuve-et-Labrador qui sont des régions de pergélisol. Y a-t-il des collectivités autochtones ou d'autres collectivités dans ces régions?
Nous avons parlé un peu des changements climatiques avant le début de la rencontre. Le comité revient tout juste des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon. Là-bas, les gens font face aux répercussions directes des changements climatiques, dont la fonte du pergélisol. L'une des préoccupations à ce sujet, c'est que la fonte du pergélisol entraîne la libération de métaux lourds comme le mercure. Étiez-vous au courant? Est-ce que ça vous préoccupe?
Mme Johnson : Nous ne nous sommes pas encore beaucoup occupés de cette question des changements climatiques. Nous avons observé ce qu'ont fait les autres provinces et territoires. Certaines personnes affirment qu'il y aura des pénuries d'eau à cause des changements climatiques et que le prix de l'eau embouteillée connaîtra une hausse.
Dans notre province, il est prévu que les précipitations augmenteront, ce qui veut dire que nous aurons plus d'eau, mais nous n'avons pas analysé en profondeur la question des métaux lourds. Dans notre dernier budget, nous avons annoncé pour la première fois une stratégie concernant l'eau potable, et l'eau potable seulement. Je suppose que cette stratégie aborderait entre autres la question des métaux lourds. Elle dissiperait nos préoccupations actuelles concernant les avis d'ébullition de l'eau, les trihalométhanes — les THM —, l'arsenic, et tout le reste. Il s'agit d'un financement de 21 millions de dollars sur trois ans qui servira uniquement à fournir aux résidents de la province une eau potable saine.
Le sénateur Mitchell : Collaborez-vous avec le gouvernement fédéral d'une quelconque façon, mis à part le fait que vous utilisez les recommandations formulées par Santé Canada?
Mme Johnson : Nous entretenons une bonne relation avec Santé Canada.
M. Goebel : Notre collaboration concerne les enjeux en matière d'eau potable mentionnés dans les recommandations. Elle suppose donc un échange et un partage de données, l'élaboration d'autres lignes directrices et de pratiques exemplaires, de séminaires et d'ateliers sur les petites collectivités et les petits réseaux d'aqueduc, et l'échange de documents. Notre collaboration touche tous les secteurs d'activités liées à l'eau potable dont s'occupe Santé Canada.
Le sénateur Mitchell : Vous avez dit que votre province dispose de mesures législatives pour protéger les bassins hydrographiques. Possédez-vous une carte de vos bassins hydrographiques? Avez-vous fait un inventaire des aquifères? Vous ne faites pas beaucoup de forage à l'intérieur des terres, ce qui fait que vous n'avez pas à vous préoccuper de la contamination des puits, comme c'est notre cas en Alberta.
Mme Johnson : Il n'y a pas beaucoup d'urbanisation ni d'activités industrielles dans notre province. Nous disposons de lignes directrices pour les activités forestières et minières et nous avons un processus d'évaluation environnemental très strict, ce qui nous permet aussi de nous occuper de ces enjeux.
Le président : Avez-vous dit, pour répondre à la question du sénateur Mitchell, que vous avez cartographié les aquifères à Terre-Neuve-et-Labrador?
M. Goebel : Nous avons des cartes détaillées de l'eau souterraine, mais je pense que la question traitait aussi des bassins hydrographiques. Nous avons des cartes détaillées. En fait, elles sont accessibles par le grand public, par exemple, par l'entremise de Google Earth. Vous pouvez télécharger l'application et voir chacun de nos bassins hydrographiques.
Le président : Est-ce que les cartes incluent les aquifères?
M. Goebel : Elles incluent les têtes de puits qui sont protégées. Certaines sources d'eau de surface et certaines têtes de puits ou puits instantanés sont protégés. Ils figurent tous sur des cartes.
Le président : Y a-t-il une carte des aquifères à Terre-Neuve-et-Labrador?
M. Goebel : Certaines études qui datent un peu incluent des cartes des régions de la province sur lesquelles figurent la géologie et l'eau souterraine. Il y a quelques coins où personne ne vit qui ne sont pas cartographiés, mais la plupart des zones habitées sont cartographiées.
Le président : Nous posons la question parce que l'une de nos préoccupations est liée au fait qu'il n'existe pas de carte complète des aquifères au Canada, ce qui fait qu'il n'y a personne qui sait où se trouve l'eau dans les autres régions.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'aimerais revenir à votre réponse concernant les collectivités des Premières nations. J'ai cru comprendre que vous n'avez pas eu de problèmes depuis six ans à Terre-Neuve-et-Labrador puisque vous avez mentionné des données concernant les six dernières années.
Je suis originaire du Nouveau-Brunswick, et il y a, là aussi, beaucoup de très petites collectivités et de régions rurales, comme chez vous. Nous les appelons les « districts de services locaux ». Je parle aux gens, j'observe et j'écoute. Je suis préoccupée par le sentiment de responsabilité, ou l'absence de ce sentiment, chez les citoyens concernant l'eau, les fosses septiques et leur isolation adéquate, et je me demande si notre gouvernement se préoccupe suffisamment de cette question et effectue suffisamment d'inspections.
Dans quelle mesure effectuez-vous une surveillance de l'eau potable et des zones où il y a des chalets dans les régions rurales de Terre-Neuve-et-Labrador? Vous estimez peut-être que cela ne fait pas partie de vos compétences, mais j'aimerais savoir ce qu'il en est des questions de contamination de l'eau potable dans les régions rurales.
Mme Johnson : En ce qui concerne le premier point que vous avez abordé — les collectivités des Premières nations — il n'y a, à l'heure actuelle, aucun avis d'ébullition de l'eau pour les trois collectivités des Premières nations pour lesquelles nous effectuons des activités de surveillance et d'analyse de la qualité de l'eau.
En ce qui concerne les zones rurales de la province, bon nombre d'entre elles sont aussi des municipalités ou des districts de services locaux dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous sommes la seule province canadienne à effectuer une surveillance de la qualité de l'eau. L'année dernière seulement, nous avons effectué 19 000 analyses bactériologiques et 2 800 analyses chimiques dans la province, et bon nombre d'entre elles concernaient évidemment une région rurale.
Nous prenons ces données, ces analyses, nous les faisons faire dans notre laboratoire, dans la province, et nous pouvons ainsi offrir une solide assurance de la qualité. Nous fournissons directement les résultats aux municipalités et aux districts de services locaux.
Nous avons une relation fantastique avec eux. Nous leur téléphonons ou nous leur envoyons une lettre si les résultats obtenus peuvent entraîner une alarme. Nous nous occupons immédiatement de la question.
Nous collaborons aussi étroitement avec les municipalités et les districts de services locaux en ce qui concerne la formation et la certification des opérateurs et, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration d'ouverture, nous organisons une séance de formation chaque année; cette année, j'y ai participé. Plus de 300 personnes de partout dans la province, des opérateurs bénévoles qui s'occupent de la qualité de l'eau, ont participé à cet événement et y ont trouvé une quantité incroyable d'informations. Nous collaborons avec les affaires municipales pour être en mesure d'offrir l'atelier. Il est gratuit pour les opérateurs parce que nous pensons qu'il faut les outiller en leur fournissant l'information dont ils ont besoin. Il s'agit d'une mesure préventive : on leur fournit une base de connaissances importante.
Ces collectivités ont de la difficulté à faire face aux coûts, évidemment, parce qu'elles sont petites. Dans certaines parties de la province, la population diminue, et les coûts d'infrastructure représentent une difficulté. Nous collaborons avec ces collectivités. L'an dernier, les Affaires municipales ont offert 13,5 millions de dollars pour l'infrastructure, comme je l'ai mentionné plus tôt. Cette année, nous avons annoncé la stratégie relative à l'eau potable, ce qui signifie que nous avançons dans la bonne direction en ce qui concerne le financement. Nous avons une merveilleuse relation avec nos municipalités et nos districts de services locaux.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je pensais plutôt aux zones à l'extérieur des municipalités. Est-ce que le fait de s'assurer qu'une fosse septique adéquate est installée et fait l'objet d'un entretien constitue une responsabilité personnelle? Il y a certainement des règlements provinciaux à ce sujet. Comment les mettez-vous à exécution? Faites- vous des vérifications ponctuelles? Comment procédez-vous? Est-ce que vous vous en remettez à la bonne foi des gens?
Mme Johnson : Il y a des règlements; ils sont administrés par notre ministère des Services gouvernementaux, par l'entremise de nos agents d'hygiène du milieu. Nous avons environ 24 employés qui se promènent dans la province afin de s'assurer que les choses sont faites adéquatement.
Nous partageons la responsabilité de notre eau potable avec le ministère des Services gouvernementaux et le ministère de la Santé et des Services communautaires, et nous travaillons tous en étroite collaboration à ce sujet. Cependant, l'aspect en particulier que vous mentionnez fait partie des responsabilités du ministère des Services gouvernementaux.
Le sénateur Trenholme Counsell : Faites-vous preuve de vigilance dans le cas des chalets situés près d'un lac? Est-ce que vous vous montrez très strict à ce sujet aussi?
Mme Johnson : Tout à fait. Dans certains cas, quand il y a de la construction près d'un bassin hydrographique, nous mettons en place un plan concernant le bassin. Nous mettons aussi sur pied, dans ces collectivités en particulier, des comités responsables des bassins hydrographiques.
M. Goebel : Au sujet de la construction dont vous parlez, qui peut entraîner des problèmes, par exemple à cause d'une fosse septique, quand une personne veut construire un chalet, elle doit au préalable obtenir un permis pour l'installation d'une fosse septique. La région fait alors l'objet d'une évaluation de sa capacité d'accueillir des chalets, c'est-à-dire qu'on évalue si le lac est en mesure d'accueillir ce nombre de chalets et, encore une fois, comme l'a dit la ministre, le ministère des Services gouvernementaux s'occupe d'appliquer les règlements.
Le sénateur Trenholme Counsell : Cela s'appliquerait aux petites collectivités rurales de la province, où des gens vivent depuis toujours et éliminent leurs déchets par d'autres moyens. Je ne sais pas depuis combien de temps, mais je suppose que cela fait des dizaines d'années que vous avez des règlements pour les fosses septiques et les choses de ce genre.
À quand cela remonte-t-il pour les régions rurales de Terre-Neuve-et-Labrador?
Mme Johnson : Cela remonte à il y a longtemps.
Bill Parrott, sous-ministre adjoint, ministère de l'Environnement et de la Conservation, gouvernement de Terre-Neuve- et-Labrador : Cela remonte au milieu des années 1970.
Le sénateur Nolin : Quand vous vous êtes préparé pour le témoignage de cet après-midi, avez-vous consulté d'autres membres du comité national?
M. Goebel : J'ai consulté le président du comité, M. John Cooper. Nous avons discuté de cette question à plusieurs occasions.
Le sénateur Nolin : De quelle province est-il?
M. Goebel : Il est le directeur du Bureau de l'eau, de l'air et des changements climatiques de Santé Canada. J'en ai aussi discuté avec plusieurs de mes collègues membres du comité.
Le sénateur Nolin : Sans tomber dans le piège du ouï-dire, pouvez-vous nous faire part de certaines conclusions que vous avez tirées à la suite de ces consultations?
M. Goebel : Je pense que les autres provinces devraient venir parler en leur nom. Je vous dirai toutefois, honnêtement, que les autres provinces sont préoccupées. J'aimerais ne pas en dire plus.
Le sénateur Nolin : Vous devrez nous expliquer ce que vous entendez par « préoccupées ».
M. Goebel : Nous nous demandons comment tout cela fonctionnera à l'échelle nationale. Nous avons les mêmes préoccupations que celles dont la ministre a parlé concernant Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Nolin : Êtes-vous préoccupés parce que vous estimez que vous prenez déjà les mesures requises, ou parce que vous vous demandez de quelle façon tout cela sera coordonné à l'échelle fédérale? Soyez plus précis, s'il vous plaît.
M. Goebel : Tous les représentants des provinces qui font partie du comité sur l'eau potable que je préside travaillent avec diligence. Nous nous réunissons deux fois par année. Nous nous assoyons et nous passons en revue les lignes directrices concernant la qualité bactériologique et chimique de l'eau, puis nous dressons une liste des éléments qui doivent faire l'objet d'une évaluation en priorité. Santé Canada reçoit ensuite les recommandations du comité, évalue ces produits chimiques, et nous fournit des renseignements scientifiques et contextuels qui nous permettent de formuler des lignes directrices. Enfin, nous publions ces lignes directrices, qui sont alors en vigueur.
C'est ensuite au tour des provinces et territoires de recevoir ces lignes directrices et de les appliquer en fonction de leurs propres mandats. Certaines provinces en font un règlement. D'autres en font une norme — c'est notre cas, et nous tentons de la respecter sans obligatoirement en faire un règlement. Comme l'a fait remarquer la ministre, nous effectuons nos propres analyses, notre propre échantillonnage et notre propre préparation de rapports à Terre-Neuve- et-Labrador. D'autres provinces ou territoires exigent que les municipalités s'en occupent elles-mêmes.
Chaque province et chaque territoire applique les lignes directrices concernant la qualité de l'eau potable à sa manière, selon ce qui lui convient et selon ce avec quoi il ou elle est à l'aise. Chaque province et chaque territoire met en place une méthode avec laquelle il ou elle se sent à l'aise.
Le sénateur Adams : J'ai des proches parents qui vivent au Labrador; certains sont Inuits. Je m'y suis rendu, tout comme le premier ministre, pour les célébrations à la suite des revendications territoriales du Nunavut au Labrador.
Je crois que Sheshatsheits possède un puits, ou qu'il y a une canalisation qui permet d'acheminer l'eau. Comment est-ce que cela fonctionne dans certaines des collectivités innues du Labrador?
M. Goebel : Je crois que vous avez raison, sénateur. Ils ont un puits. Je sais qu'il y a un puits à Sheshatsheits ; il y a un puits à Natuashish; à Conne River, ils utilisent une source d'eau de surface; et la collectivité de Black Tickle puise son eau dans un lac. La situation varie selon la géographie et selon les sources d'eau auxquelles les collectivités ont accès.
Le sénateur Adams : Les Inuits du Nunavut ne peuvent pas fonctionner de cette façon. Il y a des gels l'été. À l'heure actuelle, seules trois collectivités du Nunavut ont un réseau de ce type. Là où je vis, à Rankin Inlet, il y a un réseau d'aqueduc et d'égout.
Le réseau d'égout se déverse dans la baie d'Hudson. La capitale du Nunavut, Iqaluit, possède un réseau d'aqueduc et d'égout. Un autre vient tout juste d'être mis en fonction, il y a quelques jours, tout en haut, dans l'Extrême-Arctique, à Resolute Bay. Grâce à la souveraineté dans l'Arctique, le gouvernement investit plus d'argent.
En même temps, je sais que, dans certaines collectivités, les gens ne boivent pas l'eau du robinet. Quand je suis à la maison, nous utilisons la radio locale, et quelqu'un se rend jusqu'à la rivière pour aller chercher de l'eau. J'ai un réservoir vide que je remplis d'eau pour boire et pour faire du thé parce que je ne sais pas comment fonctionne le réseau.
L'eau est peut-être de meilleure qualité au Labrador qu'au Nunavut. La plupart des collectivités sont petites. Elles disposent d'un réservoir construit par le gouvernement, et il y a, dans la collectivité, un bassin de stabilisation des eaux usées.
Nous avons découvert cette année que trois collectivités sont inquiètes parce que des oies blanches viennent se poser dans le réservoir. Il y a des gens qui chassent les oies blanches pour les manger, mais la saison de chasse commence en septembre. Elles n'ont donc pas le droit de les chasser quand elles arrivent au printemps. À Baker Lake, nous avons des caribous depuis l'hiver dernier. Ils buvaient dans le déversoir du bassin de stabilisation des eaux usées.
Je sais que vous avez de nombreuses politiques concernant l'eau potable. Il y a toujours quelque chose de nouveau. Il n'y a pas que les politiques; il y a aussi le comité responsable des avis d'ébullition de l'eau. Le réservoir des eaux usées a commencé à déborder, et les animaux se sont retrouvés là, et les gens n'avaient pas le pouvoir légal d'agir.
Près de la baie d'Hudson, des caribous viennent se nourrir près du dépotoir. Nous aimerions savoir s'il y a une politique qui nous permettrait d'installer une clôture et si vous pouvez fournir l'argent pour que nous puissions le faire dès maintenant. Certaines personnes affirment que nous n'avons pas d'argent. Pour l'instant, nous ne pouvons pas déplacer le bassin de stabilisation des eaux usées. Nous devrons placer une barrière sur le dessus afin de nous assurer que les canards ne s'y posent pas entre-temps. Ce sont les problèmes que nous tentons actuellement de régler.
Est-ce que vous disposez de politiques concernant ce type de problèmes liés à la qualité de l'eau potable?
Mme Johnson : Oui, et, comme vous l'avez fait remarquer, la question de l'eau potable est liée à de nombreux enjeux, certains maîtrisables, mais d'autres non. L'an dernier, juste avant Noël, notre premier ministre a dit que l'une de ses priorités pour 2008 était de s'assurer que les habitants de la province aient accès à une bonne eau potable.
Nous avons entre autres, dans le cadre de notre stratégie relative à l'eau potable, examiné l'exemple de SaskWater, en Saskatchewan. Je ne suis pas certaine que ça fonctionnerait dans vos collectivités. Nous avons, entre autres, examiné les unités de distribution d'eau potable. Vous connaissez probablement cela. Je ne sais pas si ça fonctionnerait dans votre province compte tenu des caractéristiques géographiques, de la topographie et du pergélisol, par exemple.
Nous pensons qu'il s'agit d'une occasion formidable. Cela nous permettrait de maîtriser davantage le milieu. Nous pourrions nous assurer que les oies blanches et d'autres animaux n'entrent pas en contact avec l'eau. Une autre des difficultés à laquelle nous faisons face dans la province, c'est que bon nombre de collectivités ont choisi de ne pas chlorer leur eau parce que les habitants n'aiment pas le goût du chlore. Ces unités de distribution d'eau potable permettraient certainement d'éliminer ce problème. Monsieur Goebel, vous pourriez peut-être ajouter quelque chose. Je sais que vous faites face à des difficultés uniques, qui se situent dans d'autres parties de la province. Quand nous avons effectué un examen de ce qui se fait dans les autres provinces et territoires, ce système nous a semblé intéressant, et nous souhaitons en faire l'essai dans le cadre d'une stratégie relative à l'eau potable.
M. Goebel : Vous avez souligné de nombreuses préoccupations éprouvées par bon nombre de petites collectivités ou de collectivités du Nord. Ce qu'il faut faire, dans notre province, comme l'a mentionné la ministre, c'est nous en occuper dans le cadre du plan d'action stratégique à barrières multiples et protéger les bassins hydrographiques, traiter l'eau et donner de la formation aux opérateurs afin de dissiper ces préoccupations et d'éliminer les menaces pour les réseaux d'alimentation en eau.
Le sénateur Adams : Ce n'est pas facile pour nous, surtout depuis qu'il y a de plus en plus d'eau embouteillée qui entre dans les collectivités. Cette eau coûte cher. Elle doit être transportée par avion, comme la plupart des marchandises qui nous parviennent, et comme elle est lourde, son coût est encore plus élevé. Il n'y en a pas assez pour aller d'une côte à une autre. Les gens se demandent pourquoi ils doivent payer pour de l'eau.
Il paraît que la meilleure eau au Canada se trouve dans le Nord, mais les gens doivent acheter de l'eau embouteillée parce qu'ils n'ont pas confiance en l'eau du robinet et qu'elle contient trop de chlore ce qui fait qu'ils ne veulent pas la boire. Les gens se rendent dans les magasins Coop, mais ils ne veulent pas acheter cette eau parce qu'elle n'est pas aussi bonne que celle des lacs et des rivières. L'eau transportée par avion coûte très cher. Un litre de lait coûte autour de 13 $ ou 14 $. Les gens ne peuvent pas boire d'eau ni de lait parce qu'ils sont incapables d'en acheter.
Quel est le meilleur système pour l'eau potable?
Même si le projet de loi est adopté, les gens diront qu'ils devront simplement payer l'eau plus cher. Je n'utilise pas le réseau public pour l'eau potable; j'achète l'eau. Les seules fois où nous nous inquiétons de la situation, c'est quand quelqu'un tombe malade à cause de l'eau.
Mme Johnson : C'est vrai, l'eau est source de vie. Nous en avons besoin pour assurer notre subsistance. Vous pourriez peut-être entrer en contact avec le personnel pour discuter de la possibilité d'utiliser des unités de distribution de l'eau potable dans votre région. À l'heure actuelle, six collectivités de la province le font, et la rétroaction à ce sujet est très positive. Vous devriez sûrement en discuter avec notre ministère pour déterminer s'il pourrait s'agir d'une solution adéquate pour votre région.
Le sénateur Spivak : Quelle est la population de Terre-Neuve-et-Labrador?
Mme Johnson : Environ 500 000 personnes.
Le sénateur Spivak : Cela correspond environ à la taille de ma ville — un peu moins. Vous brossez un portrait des plus positifs, et j'aime bien l'idée de l'approche à barrières multiples. Pourriez-vous nous fournir d'autres détails sur la façon dont vous réagissez à l'égard des industries forestière et minière et du secteur de l'élevage du saumon? L'élevage du saumon se fait-il en eau douce ou est-ce toujours en eau salée? L'élevage du saumon se fait souvent au moyen de nombreux pesticides.
Mme Johnson : Les industries forestière et minière doivent se soumettre à notre évaluation environnementale, et tout projet, notamment dans le domaine de l'aquaculture, devrait également faire l'objet de notre évaluation environnementale. L'évaluation ferait ressortir tout aspect négatif possible, et nous pourrions prendre les mesures qui s'imposent à ce moment. Nous ne délivrerions aucun permis tant que nous ne serions pas convaincus que les milieux sont protégés.
Pour ce qui est des industries forestière et minière, outre l'évaluation environnementale, nous avons mis en place des lignes directrices en matière d'exploitation des forêts que les sociétés forestières doivent inclure dans leur plan d'activité quinquennal. Elles collaborent étroitement avec notre ministère, et il en est de même pour les entreprises du secteur minier.
Il n'y a aucun élevage de saumon dans les bassins hydrographiques de notre province.
Le sénateur Spivak : L'élevage de saumon se fait-il en eau douce ou en eau salée?
Mme Johnson : À ma connaissance, les installations d'élevage se trouvent en milieu maritime.
Le sénateur Spivak : Ce que j'ai retenu de mon expérience avec l'utilisation des évaluations environnementales dans l'Ouest du pays, c'est qu'elles sont davantage transgressées que respectées. Je crois comprendre que vous avez mis en place diverses politiques. Dans quelle mesure leur application est-elle rigoureuse? Interrompez-vous des activités forestières ou minières si elles risquent de nuire à l'intégrité des bassins hydrographiques? Avez-vous empêché certaines entreprises d'exploiter la forêt dans des régions où vous estimiez qu'une telle activité présentait trop de risques? Aux fins de la protection des bassins hydrographiques, quel est le taux d'approbation et de refus des projets?
Mme Johnson : Notre évaluation environnementale est rigoureuse et donne à la population l'occasion de participer à toutes les étapes du processus une fois le projet enregistré. Après une période de 30 jours, pendant laquelle on examine le projet enregistré et on recueille les commentaires de la population, on détermine s'il est nécessaire de réaliser un examen approfondi, à savoir un rapport environnemental préliminaire, un REP, ou une étude d'impact environnemental, une EIE, et de tenir d'autres consultations publiques. Il est certain que des projets ont été annulés, déplacés ou modifiés, car des mesures de protection sont en place. Comme vous le savez, en réalisant une évaluation environnementale, on cherche à vérifier si tous les aspects biophysiques d'un milieu sont protégés. Comme ministre de l'Environnement, ce rôle me revient, et je le prends au sérieux.
Le sénateur Spivak : Pouvez-vous affirmer catégoriquement que, aujourd'hui, à Terre-Neuve-et-Labrador, les activités industrielles ne portent aucunement atteinte à l'intégrité des bassins hydrographiques?
Mme Johnson : L'évaluation environnementale est un processus rigoureux, et, à ma connaissance, aucune activité industrielle ne contribue à la dégradation d'un bassin hydrographique en particulier. Nous pouvons également compter sur la participation des municipalités. Elles ont les plans des bassins et collaborent avec nous si nous devons réaliser une évaluation environnementale, et nous sommes attentifs à leur message.
Le sénateur Spivak : Puisque vous avez une longueur d'avance sur le reste du pays, avez-vous envisagé des méthodes autres que l'ajout de chlore dans l'eau? Si je ne m'abuse, il y a notamment un procédé qui se caractérise par l'utilisation de l'oxygène. Avez-vous songé à employer d'autres procédés?
Mme Johnson : Oui, nous y avons songé. Comme je l'ai dit plus tôt, l'installation d'unités de distribution d'eau potable, qui utilisent les rayons UV, est l'une des composantes de notre stratégie relative à l'eau potable. Nous pourrions aussi opter pour un traitement par osmose. Les gens préfèrent bouillir l'eau plutôt que de boire une eau qui goûte le chlore, et c'est sans aucun doute l'une des raisons pour lesquelles nous devons donner tant d'avis d'ébullition de l'eau. Nous en sommes conscients, et il s'agit là d'une des solutions possibles. Les unités de distribution d'eau potable élimineraient le goût et l'odeur du chlore, car le traitement de l'eau se ferait au moyen de rayons UV.
Le sénateur Spivak : Avez-vous des réticences à l'égard de l'eau en bouteille et du type de bouteilles utilisé? Y a-t-il des entreprises qui puisent l'eau de vos rivières et qui l'embouteillent?
M. Goebel : Oui, il y en a.
Le sénateur Spivak : Peuvent-elles le faire gratuitement ou doivent-elles payer?
M. Goebel : Elles doivent payer le permis les autorisant à puiser l'eau.
Le sénateur Spivak : Et, à partir de ce moment, peuvent-elles s'approvisionner en eau autant qu'elles le veulent?
M. Goebel : Elles le peuvent, oui.
Le sénateur Spivak : Vous ne semblez pas vous inquiéter outre mesure des changements climatiques. Comme vous l'avez mentionné, ils pourraient augmenter vos réserves d'eau.
Mme Johnson : Cela pourrait se produire; c'est à tout le moins ce qu'on prédit pour notre province.
Le sénateur Spivak : Qu'en est-il des règlements à l'égard du type de bouteilles que ces entreprises utilisent? Dernièrement, on a beaucoup parlé du bisphénol A, le BPA.
Le sénateur Nolin : Cette question se rapporte à un autre projet de loi.
Le président : Sénateur Spivak, je crois que nous nous écartons du sujet. Nous n'abordons pas la question des bouteilles ou du plastique pour l'instant; nous le ferons à un autre moment.
Le sénateur Spivak : C'est parfait. Je voulais seulement sauter sur l'occasion.
Le président : C'était une belle tentative. Les digressions sont toujours les bienvenues.
Le sénateur Brown : Je ne sais pas si la ministre Johnson a l'impression d'être sur la sellette. Si j'ai bien saisi tout ce que vous avez dit, vous disposez d'un arsenal — règlements, analyses, traitements, procédés de filtration et mesures de surveillance —, et vous vous renseignez auprès de Santé Canada. Est-ce que j'ai bien résumé votre approche?
Mme Johnson : Votre énumération est assez complète, en effet. Notre division des ressources hydriques peut compter sur un personnel vraiment compétent, et, en raison du travail que nous avons accompli, on fait appel à nous à l'échelle nationale, et, parfois, à l'échelle internationale, pour obtenir des conseils relativement à certains projets.
Le sénateur Brown : Diriez-vous que les procédés de filtration et de traitement sont les deux meilleurs moyens vous permettant de garantir la salubrité de l'eau?
Mme Johnson : Je vous dirais que la qualité de notre eau repose plutôt sur une combinaison de facteurs. D'abord et avant tout, il y a la source de notre eau. Dans notre province, nos sources sont d'une grande pureté, comme nous l'avons dit plus tôt, parce que le développement industriel est modeste. Nous sommes chanceux. Toutefois, pour ce qui est des autres provinces, si elles ne font rien pour protéger leurs sources d'eau, il y aura sûrement des problèmes au bout du compte. Puisque nos sources sont très pures, nous n'avons pas nécessairement besoin de traiter l'eau avec tous les procédés que doivent utiliser les autres provinces. La distribution représente la troisième étape où il faut protéger la qualité de l'eau, de sorte qu'il est essentiel de mettre en place des normes. Par exemple, il est important de former les techniciens pour qu'ils possèdent les connaissances et les compétences nécessaires pour savoir qu'un avis d'ébullition de l'eau doit être émis lorsque les installations requièrent un entretien ou que les pluies sont abondantes et que la turbidité est élevée. La qualité de l'eau repose donc sur la combinaison de ces trois éléments, et j'ajoute qu'il est très important de ne pas négliger la formation des techniciens et que nous, le gouvernement provincial, procédions à des analyses et exercions une surveillance.
Le sénateur Brown : C'est précisément ce que je voulais entendre. Je me rappelle vous avoir entendu dire que ce n'est que lorsque les pluies sont abondantes, qu'il y a des risques d'inondation et que les installations font l'objet de travaux que vous craignez vraiment une contamination de l'eau. Selon moi, si votre réseau fonctionne si bien, c'est que vous le tenez constamment à l'œil. Vous vérifiez et contrôlez la qualité de l'eau, et, au besoin, vous la traitez, la filtrez ou peu importe, ou vous donnez un avis d'ébullition de l'eau. Vous disposez probablement du meilleur réseau dans le Canada, mais d'autres provinces, dont mon coin de pays, l'Alberta, disposent également de très bons réseaux.
Le sénateur Cochrane : J'aurais aimé avoir plus de détails sur vos lignes directrices se rapportant à la délivrance de permis et de licences exécutoires à des usines de traitement, selon leurs caractéristiques. Pourriez-vous nous expliquer vos lignes directrices et leur application?
Mme Johnson : Vous voulez savoir à quelles exigences doivent se soumettre les municipalités détentrices d'un permis, c'est bien cela?
Le sénateur Cochrane : C'est cela.
Mme Johnson : Elles doivent se conformer à différentes dispositions. Si elles utilisent du chlore, le produit doit être certifié et acheté d'un organisme certifié, comme la National Sanitation Foundation, la NSF. Par ailleurs, il y a des lignes directrices concernant la fréquence à laquelle elles doivent vérifier le chlore.
M. Goebel : Elles englobent l'ensemble des aspects pertinents, qui s'appliquent dès le début de la construction de l'installation, en ce sens qu'elles précisent les matériaux, les moyens technologiques et les procédés de traitement à utiliser. Il s'agit ici de l'étape de la construction. Ensuite, les lignes directrices encadrent les activités de l'usine, expliquant comment faire fonctionner et entretenir ses installations et comment remplacer les matériaux. C'est un document de 500 pages qui a récemment été mis à jour, alors il est très actuel. Enfin, les modalités relatives aux permis de construction ou d'exploitation délivrés à toute nouvelle installation de traitement et de distribution d'eau sont le reflet de ces lignes directrices.
Le sénateur Cochrane : À quelle fréquence les usines doivent-elles faire rapport au gouvernement provincial?
M. Goebel : Nous nous occupons du contrôle de la qualité de l'eau. En fait, nous nous rendons dans les collectivités, nous prenons des échantillons d'eau et nous leur transmettons les données qui les concernent.
Le sénateur Cochrane : À quelle fréquence le faites-vous?
M. Goebel : Nous nous conformons aux directives du gouvernement fédéral. Pour évaluer la qualité bactériologique de l'eau, on doit prendre un minimum de quatre échantillons d'eau par mois dans le cas d'une collectivité de 5 000 personnes ou moins, et le nombre minimal d'échantillons augmente en fonction de la population. En pratique, on s'y rend normalement deux fois par mois et on divise les échantillons. On nous recommande de procéder à des analyses chimiques deux fois par année pour la plupart des substances chimiques, à l'exception des trihalométhanes, les THM, et des acides haloacétiques, les AHA, qui sont des sous-produits de la désinfection dont la concentration doit être évaluée quatre fois par année.
Le sénateur Cochrane : Qu'en est-il des collectivités de moins de 5 000 personnes?
M. Goebel : Dans le cas des collectivités qui comptent moins de 5 000 personnes, on doit recueillir quatre échantillons par mois. On prend ces échantillons aux deux semaines pour arriver à un total de quatre par mois. La seule exception concerne les très petites collectivités, celles de moins de 100 personnes. Dans leur cas, il s'agit d'un échantillon par mois.
Le sénateur Cochrane : Vous vous conformez à cette procédure en tout temps?
M. Goebel : On le fait pour chaque collectivité à Terre-Neuve.
Mme Johnson : On en fait également état sur notre site web.
Le sénateur Cochrane : À quel moment ces directives sont-elles entrées en vigueur? Depuis combien de temps les appliquons-nous?
Mme Johnson : Le Plan d'action stratégique à barrières multiples de Terre-Neuve-et-Labrador est entré en vigueur en 2001, et c'était le fruit d'une évolution. D'abord, nous nous sommes penchés sur les éléments caractérisant les sources d'approvisionnement en eau, puis nous avons poursuivi notre examen en aval jusqu'à la formation des techniciens. La parution du rapport précis, était-ce en 2005?
M. Goebel : L'initiative a commencé en 2001, et en 2003, tout était pratiquement en place. On avait le personnel nécessaire pour procéder à une surveillance chimique complète.
Mme Johnson : Je voulais dire le document de 500 pages, qui a été publié en 2005.
M. Goebel : C'est exact.
Le sénateur Cochrane : Quelles améliorations avez-vous remarqué au cours de cette période?
Mme Johnson : Avant l'adoption du plan d'action stratégique à barrières multiples, il y a eu 322 avis d'ébullition d'eau dans 223 collectivités de la province. Aujourd'hui, environ 227 avis d'ébullition d'eau sont en vigueur dans 156 collectivités; il y a donc eu une baisse marquée depuis ce temps. Grâce à notre nouvelle stratégie relative à l'eau potable, que nous avons annoncée cette année, il y aura encore plus d'améliorations. Les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Le sénateur Cochrane : Quel est l'objectif de ces avis d'ébullition d'eau?
Mme Johnson : Ils sont à titre préventif. Nous les diffusons pour plusieurs raisons. Dans certaines collectivités, il n'existe aucun procédé de désinfection; dans d'autres cas, un procédé de désinfection est en place, mais la municipalité décide de ne pas l'utiliser. Certaines personnes préfèrent bouillir leur eau plutôt que de boire une eau qui goûte le chlore. Des avis d'ébullition de l'eau de courte durée sont émis si on construit une nouvelle conduite ou on procède à l'entretien d'installations, ou bien, comme je l'ai dit plus tôt, lorsque les pluies sont abondantes et que la turbidité est élevée. On peut aussi donner un avis d'ébullition de l'eau si on craint une contamination bactériologique.
Le sénateur Cochrane : À votre connaissance, y a-t-il d'autres provinces qui utilisent un ensemble de lignes directrices semblables?
Mme Johnson : Je crois que nous avons été la première province à afficher les avis d'ébullition de l'eau sur Internet. Toutefois, je crois savoir que, depuis ce temps, d'autres provinces, sinon l'ensemble, nous ont emboîté le pas.
M. Goebel : Je crois que la plupart des provinces affichent maintenant assez régulièrement les avis sur Internet.
Mme Johnson : Les nôtres sont affichés en temps réel.
Le sénateur Cochrane : Certaines provinces ont mis en place des dispositions législatives.
Mme Johnson : Certaines provinces ont adopté des lois, d'autres, des règlements, et, dans notre cas, nous appliquons des normes. Nous comptons parmi les trois provinces qui utilisent des normes. Si je ne m'abuse, la Colombie- Britannique et le Nouveau-Bruswick sont les deux autres.
Le sénateur Cochrane : Cette approche présente-t-elle des lacunes, ou vous la recommanderiez à toutes les provinces?
Mme Johnson : Récemment, le gouvernement de la Virginie occidentale s'est adressé à nous parce qu'il veut avoir une idée de la formation que nous offrons dans le domaine et du type de rapport que nous rédigeons. La ville de Walkerton se sert du même modèle que nous. On reçoit assez fréquemment des appels d'un peu partout.
Selon ce que j'ai entendu, notre approche récolte de nombreux éloges. Par conséquent, je la recommanderais sans hésiter.
Le sénateur Cochrane : Elle donne de bons résultats.
Mme Johnson : Oui, en effet.
Le sénateur Cochrane : Avez-vous une base de données? Êtes-vous M. Bruce Hollett?
Bruce Hollett, sous-ministre, ministre de l'Environnement et de la Conservation, gouvernement Terre-Neuve-et- Labrador : Oui, c'est moi.
Le sénateur Cochrane : Il y a également un Bruce Hollett au sein du gouvernement. Je crois qu'il est au ministère des Finances du Canada.
M. Hollett : J'ai travaillé au ministère des Finances Canada.
Le sénateur Cochrane : Tout ira bien, monsieur.
M. Hollett : Vous devez sans doute parler de M. Alton Hollett.
Le sénateur Cochrane : Oui, vous avez raison. Excusez-moi, c'est l'âge.
Alton Hollett a créé un formidable système de comptes communautaires, et il a conçu une base de données. On peut s'en servir à toutes sortes de fins, et chaque collectivité peut s'y référer. La base de données comporte une multiplicité de volets.
Disposez-vous d'un système semblable pour gérer la protection de l'environnement?
Mme Johnson : Tous les résultats de nos analyses apparaissent en ligne, et nous publions un rapport annuel. Nous communiquons constamment avec les municipalités. Tout se trouve en ligne, des résultats d'analyse de l'eau jusqu'aux activités de surveillance. Comme je l'ai dit, si les résultats des analyses font ressortir un risque possible ou réel, nous communiquons immédiatement avec la municipalité concernée.
Si vous jetez un œil à notre site web, vous remarquerez que les concepteurs ont fait du bon travail.
Le président : Le sénateur Kenny vient de se joindre à nous; il remplace le sénateur Mitchell, qui avait d'autres engagements.
Nous vous avons retenu plus longtemps que prévu, mais j'espère que vous accepterez de rester avec nous, car, comme vous pouvez le constater, les sénateurs ici présents trouvent votre témoignage fascinant. Pourriez-vous nous accorder quelques minutes de plus?
Mme Johnson : Vous pouvez nous garder aussi longtemps que vous le voulez. La question de l'eau potable est très importante. De toute façon, je suis ici jusqu'à 8 heures.
Le président : Les réunions des comités du Sénat peuvent parfois être très longues.
Le sénateur Grafstein : C'est un plaisir de vous avoir parmi nous. Par le passé, nous avons invité des représentants des gouvernements provinciaux à venir témoigner, et, si je ne m'abuse, c'est la première fois que nous entendons le point de vue d'un gouvernement provincial. Par conséquent, j'aimerais vous remercier d'avoir eu la courtoisie de nous rendre visite et de nous fournir des renseignements très intéressants et utiles.
J'aimerais vous poser une question d'ordre personnel. À quel endroit demeurez-vous?
Mme Johnson : Ma circonscription est Trinity-Bay De Verde. J'ai grandi dans la collectivité de Gull Island. Je passe beaucoup de temps là-bas lorsque la Chambre ne siège pas.
Le sénateur Grafstein : Combien y a-t-il de réseaux d'approvisionnement en eau potable dans votre circonscription?
Mme Johnson : Ma circonscription compte quelque 15 municipalités, auxquelles s'ajoutent 15 ou 16 collectivités qui sont des districts de services locaux ou qui disposent de puits privés.
Le sénateur Grafstein : Combien d'avis d'ébullition de l'eau ont été émis dans votre circonscription l'an dernier?
Mme Johnson : J'ai avec moi le tableau qui donne les chiffres.
Le sénateur Grafstein : Je vais vous avouer qu'il est un peu difficile de s'y retrouver parce que nous recevons de l'information anecdotique, nous recevons des données qui proviennent de représentants du gouvernement qui tirent leur information du ministère de la Santé et d'associations médicales. Franchement, il s'agit surtout de données ponctuelles ou d'instantanés. Elles représentent le nombre d'avis émis à un moment précis.
Il serait utile de connaître la somme de ces avis. Pourriez-vous nous dire, en vous appuyant sur les résultats en ligne obtenus en temps réel, combien d'avis d'ébullition de l'eau ont été donnés jusqu'à maintenant pour l'année en cours à Terre-Neuve et dans votre circonscription?
Mme Johnson : Je peux vous donner le nombre d'avis pour ma circonscription parce que nous avons un tableau qui présente les données par ordre alphabétique.
Pour ce qui est des avis d'ébullition de l'eau, il est important de souligner qu'environ 70 p. 100 des avis sont de longue durée. Les 25 à 35 p. 100 restants concernent plutôt des avis de courte durée découlant de l'entretien d'installations, d'une turbidité élevée, et ainsi de suite.
Le sénateur Grafstein : Êtes-vous en train de nous dire que votre approche, qui repose non pas sur une réglementation, mais bien sur des normes, s'applique à 30 p. 100 du réseau parce que les 70 p. 100 restants sont, en pratique, non couverts? Que voulez-vous dire par ces pourcentages?
Mme Johnson : Les 70 p. 100 représentent la part d'avis d'ébullition de l'eau en vigueur depuis plus d'un an.
Le sénateur Grafstein : Ils ne sont pas provisoires. Ils ne se rapportent pas à des inondations ou à de fortes pluies. Sont-ils presque permanents?
Mme Johnson : Ils restent en vigueur si le réseau de la collectivité concernée ne comporte pas d'installations de désinfection, si une telle installation est en place mais ne fonctionne pas, ou si la collectivité a choisi de ne pas faire désinfecter l'eau.
Le sénateur Grafstein : Quel pourcentage des 500 000 personnes résidant à Terre-Neuve-et-Labrador ont accès à de l'eau potable qui provient de leur robinet?
Mme Johnson : Quatre-vingt-douze pour cent de la population qui est servie...
Le sénateur Grafstein : Je parle de l'eau qui sort du robinet. Combien de personnes peuvent boire sans risque l'eau du robinet? Le projet de loi concerne l'eau du robinet.
M. Goebel : Environ 400 000 personnes.
Le sénateur Grafstein : Ce qui signifie que 100 000 personnes — 20 p. 100 de la population — n'ont pas accès à de l'eau potable à partir de leur robinet?
Mme Johnson : Oui.
Le sénateur Grafstein : Croyez-vous que vous serez bientôt en mesure de résoudre cette situation grâce à votre politique?
Mme Johnson : La stratégie relative à l'eau potable est l'une des solutions possibles.
M. Goebel : Je crois que votre question se rapportait aux collectivités qui ne disposent pas d'installations.
Le sénateur Grafstein : Ma question n'est pas très compliquée. Combien de personnes peuvent consommer l'eau du robinet, si l'on suppose que cette eau a été traitée au moyen de procédés normalisés la rendant salubre?
M. Goebel : Environ 400 000 personnes. Approximativement 20 p. 100 de la population consomme l'eau provenant d'un puits privé situé sur leur terrain.
Le sénateur Grafstein : Parle-t-on de 20 p. 100 qui doivent disposer d'un accès privé, vu qu'ils ne sont pas alimentés par un réseau?
M. Goebel : Leur collectivité ne dispose pas de réseau de distribution d'eau. La ministre a parlé de 223 collectivités qui n'ont pas de réseau d'approvisionnement en eau potable.
Le sénateur Grafstein : Vous nous avez dit que vous aviez fait des progrès remarquables, et je vous crois. Vous êtes passé d'un nombre quelconque d'avis d'ébullition de l'eau à 227 avis pour 156 collectivités.
Quel est le nombre total de collectivités?
Mme Johnson : Il s'agissait de 322 avis d'ébullition d'eau pour 223 collectivités. Le nombre de collectivités touchées est passé de 223 à 156.
Le sénateur Grafstein : Nous avons le temps, madame la ministre. Si les chiffres que je vous demande de fournir au pied levé ne sont pas exacts, vous pouvez nous les faire parvenir plus tard, car nous voulons avoir un portrait précis de la situation. Je ne veux pas être injuste envers vous et vous demander des chiffres qui varient constamment.
Mme Johnson : Ils changent chaque jour.
Le sénateur Grafstein : J'en suis conscient. Je veux être juste pour que vous et le comité ayez une idée juste de la situation.
Un nombre considérable de personnes à Terre-Neuve-et-Labrador n'ont pas accès à de l'eau potable à partir de leurs robinets.
Mme Johnson : Ce que nous voulons dire, c'est que 100 000 personnes ne sont pas alimentées par un réseau de distribution d'eau; elles s'approvisionnement à partir de leur propre puits. Cette eau de puits pourrait être potable.
Le sénateur Grafstein : Les puits privés sont-ils soumis à vos normes?
Mme Johnson : Non, ils ne le sont pas.
Le sénateur Grafstein : Parlons de la question des collectivités autochtones. Combien y a-t-il de collectivités autochtones à Terre-Neuve-et-Labrador?
Mme Johnson : Je dois rectifier ma dernière réponse. Je crois savoir qu'ils ne sont pas soumis à nos normes.
Le sénateur Grafstein : Nous tentons ici de mettre des faits en lumière. Nous n'essayons pas de marquer des points dans un débat.
M. Goebel : Vous posez beaucoup de questions.
Le sénateur Grafstein : Ce sont des questions très techniques.
M. Goebel : La ministre faisait allusion au fait que les normes et lignes directrices s'appliquent à l'ensemble des réseaux d'approvisionnement en eau potable de la province, qu'ils soient privés ou publics. Nous n'analysons pas l'eau provenant de puits privés. Cette tâche appartient au propriétaire du puits.
Le sénateur Grafstein : Elle incombe aux collectivités qui s'approvisionnent à partir d'un puits?
M. Goebel : Les collectivités qui s'approvisionnent à partir d'un puits utilisent des installations publiques, de sorte que c'est la province qui procède aux analyses. Si une collectivité possède et exploite un puits, et qu'une personne utilise l'eau de ce puits, nous estimons qu'il s'agit d'un approvisionnement en eau public, et, par conséquent, nous analysons et surveillons la qualité de cette eau et nous transmettons les résultats.
Le sénateur Grafstein : Selon ce que vous avez dit à notre savant sénateur Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador, la fréquence à laquelle vous devez procéder aux analyses varie : quatre fois par mois, deux fois par année ou quatre fois par année.
M. Goebel : Elle varie selon la substance chimique dont la concentration doit être mesurée.
Le sénateur Grafstein : Avez-vous des données montrant la corrélation entre les cas de maladie liés à la mauvaise qualité de l'eau potable et les coûts en matière de santé dans votre province? Si vous avez dû donner des avis d'ébullition de l'eau, c'est que, à l'évidence, des personnes sont tombées malades.
M. Goebel : À vrai dire, ce n'est pas forcément le cas.
Le sénateur Grafstein : À proprement parler, ça l'est, et ceci est anecdotique : je crois que les témoignages donnés par les représentants du ministère font ressortir qu'il y un logarithme indiquant que, même parmi les personnes buvant de l'eau dûment analysée, il y a un nombre considérable de Canadiens qui tombent malades après avoir bu de l'eau et qu'on ne peut recenser au moyen des formules utilisées par les statisticiens du ministère de la Santé.
Avez-vous des statistiques à cet égard qui pourraient nous être utiles?
Mme Johnson : Non, je n'en ai pas. Je ne suis pas au courant des préoccupations que vous avez soulevées en ce qui concerne les problèmes de santé attribuables à l'eau potable dans notre province.
Le sénateur Grafstein : Cette corrélation entre les deux n'a été mise au jour que récemment par le ministre de la Santé; il s'agit donc de données relativement nouvelles. Il y a deux ans, il nous était impossible d'obtenir ce type d'information. Mais, cette année, nous avons réussi. C'est une statistique en évolution.
Pourriez-vous nous donner des renseignements se rapportant aux cas de maladies liées à la mauvaise qualité de l'eau potable que vous auraient transmis votre ministère de la Santé, vos municipalités ou vos hôpitaux?
Le président : Monsieur Goebel, pendant que vous réfléchissez à cette question — vous pouvez nous donner ces renseignements à un autre moment —, pourriez-vous, s'il vous plaît, compléter la réponse que vous donniez au sénateur Grafstein au sujet du fait que le lien entre les deux n'est pas évident, pour que nous puissions entendre votre point de vue.
M. Goebel : La ministre a souligné le fait que nous n'avons eu aucun ordre d'ébullition de l'eau dans notre province depuis de nombreuses années, si je ne me trompe pas.
Le président : Y a-t-il une différence entre un ordre et un avis?
M. Goebel : On émet un ordre d'ébullition de l'eau lorsqu'on constate l'éclosion d'une maladie hydrique résultant de la contamination du réseau d'approvisionnement en eau. Dans notre province, aucune situation semblable ne s'est produite depuis nombre d'années.
Le sénateur Grafstein : Tirez-vous cette information de l'Association médicale canadienne, l'AMC? Je ne me suis pas renseigné auprès de cet organisme en ce qui touche cette question.
Le président : Nous allons devoir consulter le rapport de l'AMC pour connaître la réponse.
Le sénateur Grafstein : J'aimerais répliquer à votre principale objection concernant le projet de loi. Si j'ai bien compris, vous le trouvez redondant. Nous envisageons les choses différemment que vous ne le faites à Terre-Neuve-et- Labrador. Je crois que le ministre a dit : « Nous préférons la méthode de la carotte à la méthode du bâton. » En quoi la méthode de la carotte peut-elle nous être utile si les gens ne font pas bien leur travail?
Mme Johnson : Comme je l'ai précisé, nombre de ces personnes sont des bénévoles, et si nous appliquions des règlements, il y aurait des conséquences sous le régime du Code criminel, et, malgré tous les progrès que nous avons faits, qui sont considérables, nous reculerions de dix pas. Nombre de ces collectivités s'en laveraient les mains et nous diraient franchement que, si nous leur imposions des exigences réglementaires, elles ne sauraient pas où prendre l'argent pour s'y conformer.
Il ne s'agit pas d'une mesure punitive. Nous ne croyons pas que nous devrions punir les gens parce qu'il y a un avis d'ébullition de l'eau en raison de la turbidité élevée. Nous pensons que ce n'est pas la bonne façon de résoudre le problème. Nous avons mis en place un mécanisme qui fonctionne.
Le sénateur Grafstein : Sauf qu'une grande partie de votre population ne peut toujours pas consommer directement l'eau de leur robinet.
Mme Johnson : Je crois qu'il y a un malentendu. Les 100 000 personnes dont on parle ont accès à de l'eau potable, à la différence près qu'elle provient d'un puits privé. Ce n'est pas comme si elles n'avaient pas accès à de l'eau potable.
Le sénateur Grafstein : Je vois. Combien y a-t-il de personnes dans votre province qui ne disposent pas d'un puits privé et qui ne peuvent consommer directement l'eau de leur robinet? Y a-t-il des gens auxquels votre approche ne s'applique tout simplement pas?
Mme Johnson : Si on tient compte des cas où il y a un risque ou des avis émis à titre préventif, selon le chiffre le plus récent, environ 50 000 personnes doivent actuellement faire bouillir leur eau avant de la consommer.
Le président : Je crois que vous avez dit que ce nombre correspondait à environ 150 collectivités.
Mme Johnson : Il s'agit en fait de 156 collectivités.
Le sénateur Grafstein : J'aimerais conclure par la question suivante : Qu'arrive-t-il lorsqu'une collectivité se montre récalcitrante et ne se conforme tout simplement pas à vos lignes directrices ou à vos normes? Que faites-vous alors? Cela peut arriver.
Mme Johnson : Nous restons en contact avec les collectivités. Nous avons de très bonnes relations.
Le sénateur Grafstein : Je sais que vous gardez le contact, mais cela arrive. Vous ne pouvez affirmer que l'ensemble de vos collectivités se conforment rigoureusement à vos lignes directrices.
Mme Johnson : Nous pouvons certainement vous affirmer que toutes nos collectivités font analyser et surveiller la qualité de l'eau parce que nous nous en chargeons.
Le sénateur Grafstein : Je ne mets pas cela en doute. Je suis conscient du fait que l'eau est surveillée et analysée, mais il s'agit d'une vérification périodique. La qualité de l'eau n'est pas vérifiée chaque jour.
Mme Johnson : Elle est vérifiée, conformément à nos lignes directrices.
Le sénateur Grafstein : L'eau n'est pas analysée chaque jour. Vous venez de dire quelles étaient vos directives à l'égard de la fréquence : quatre fois par mois, deux fois par année et quatre fois par année, selon le type d'analyse.
Mme Johnson : Nous suivons les recommandations canadiennes pour la qualité de l'eau potable.
Le sénateur Grafstein : Je comprends. Je veux seulement dire que l'eau n'est pas analysée à l'instant même. Elle ne l'est pas en temps réel, chaque jour.
Mme Johnson : Dans les collectivités, oui, elle l'est. Les municipalités sont responsables de leur réseau de distribution d'eau, et elles en font la vérification quotidiennement.
Le sénateur Grafstein : Elles font leurs propres analyses, et vous vous chargez des inspections ponctuelles.
Mme Johnson : À cet égard, nous nous conformons aux recommandations canadiennes pour la qualité de l'eau potable.
Le sénateur Grafstein : C'est ce que j'ai cru comprendre. Je ne veux pas tomber dans le jargon administratif. Vous vous chargez de réaliser des inspections ponctuelles pour vérifier si les municipalités font bien leur travail. Les municipalités exigent-elles que vous analysiez leur eau chaque jour, selon vos normes?
M. Goebel : Elles doivent mesurer la concentration de chlore résiduel chaque jour. C'est tout.
Le sénateur Grafstein : Prenons l'exemple de Walkerton. Il y avait un règlement. On procédait à des analyses, il y avait des réseaux et des réserves d'eau, et c'était la même chose à North Battleford, en Saskatchewan. Mais, devinez quoi? Le réseau a failli. Qu'arrive-t-il lorsque le réseau ou la collectivité ne donne pas les résultats escomptés? Que se passe-t-il alors?
Mme Johnson : Elles ne procèdent pas à des analyses. Elles reçoivent un avis d'ébullition de l'eau.
Le sénateur Grafstein : Elles se retrouvent simplement sur une liste quelque part. Y a-t-il pour elles des conséquences autres que le fait d'être visées par un avis public?
Mme Johnson : Évidemment, nous communiquons avec elles et leur soulignons qu'il est important de chlorer l'eau. Sans quoi, elles reçoivent un avis d'ébullition de l'eau.
Le sénateur Grafstein : Sauf que l'avis d'ébullition de l'eau paraît une fois que l'eau a été analysée, selon ce que vous venez de dire. Dès que vous obtenez les résultats des analyses, vous les affichez en ligne, puis vous dites à la collectivité, en passant, qu'elle doit faire bouillir son eau. Dès le moment où vous obtenez les résultats, à moins que je comprenne mal votre témoignage — vous avez dit que tout se faisait en temps réel —, vous les affichez en ligne ou vous informez les collectivités qu'il y a des risques, est-ce bien cela? Qu'arrive-t-il?
Mme Johnson : Nous les avertissons également aussitôt.
Le sénateur Grafstein : Vous leur donnez un avis d'ébullition d'eau, et ils s'y conforment, et quel est le temps de réaction? Comment réagissez-vous à l'égard des récalcitrants? À Toronto, il y a beaucoup de gens qui résistent, mais ce n'est peut-être pas le cas à Terre-Neuve. Bon nombre de nos fonctionnaires ne donnent pas suite à ces avis; ils ne font pas ce qu'on attend d'eux.
Mme Johnson : À ma connaissance, aucune situation semblable ne se produit dans notre province. Les collectivités se conforment à nos directives. Si nous leur téléphonons pour les informer d'un risque possible, elles sont plus que disposées — et il devrait en être ainsi — à intervenir et à afficher un avis d'ébullition de l'eau.
Le sénateur Grafstein : Les gens avec lesquels vous collaborez sont-ils pour la plupart des bénévoles?
Mme Johnson : En effet, la majorité sont des bénévoles très dévoués.
Le sénateur Grafstein : Les installations d'approvisionnement en eau comptent-elles chacune un professionnel affecté à temps plein à la surveillance du réseau?
Mme Johnson : Non.
Le sénateur Grafstein : Et pourquoi donc?
Mme Johnson : Nombre de ces collectivités comptent de 100 à 200 habitants. Certaines voient leur population décliner. Cela étant dit, les bénévoles font un travail admirable dont ils sont fiers. Ils réservent du temps dans leur horaire pour suivre la formation de technicien. Qui plus est, nous les formons dans leur municipalité pour qu'ils puissent apprendre à travailler avec l'équipement qu'ils auront à utiliser par la suite.
Le sénateur Grafstein : J'aimerais parler des grands centres. Parlons de St. John's. Y a-t-il des problèmes à St. John's?
Mme Johnson : Non.
Le sénateur Grafstein : À quand remonte le dernier avis d'ébullition de l'eau à St. Johns?
M. Goebel : Aux alentours d'août 2001. Je ne suis pas certaine de la date exacte.
Le sénateur Grafstein : N'y a-t-il jamais eu un risque grave à St. John's ou dans d'autres grands centres urbains au cours des cinq dernières années?
Mme Johnson : Aucun ordre d'ébullition de l'eau n'a été émis dans la province au cours des six dernières années.
Le sénateur Grafstein : Par conséquent, en guise de « bâton », vous ne disposez seulement que des avis d'ébullition de l'eau, des analyses et des appels.
Mme Johnson : Je ne dirais pas « seulement », car, lorsque nous donnons un avis d'ébullition de l'eau à une collectivité, il s'agit d'une situation sérieuse. Elle sait ce que cela veut dire. À mon avis, le fait de dire « seulement » diminue la portée d'un avis d'ébullition de l'eau.
Le président : Je vais vous poser une dernière question, si vous me le permettez, qui va dans le même sens que les propos du sénateur Grafstein. À Terre-Neuve-et-Labrador, on retrouve des abattoirs, des usines d'emballage de poissons et d'autres installations de transformation des aliments. La viande, les légumes, le poisson et d'autres produits comestibles sont tous soumis à une réglementation.
Tout ce que nous consommons fait l'objet d'une réglementation. Si vous produisez ou fournissez un produit qui rend quelqu'un malade, il y a des sanctions. Indépendamment du fait que cela ne s'est jamais produit à Terre-Neuve-et- Labrador, ce qui peut s'expliquer par la pureté de vos sources d'eau. Pour tout ce que nous ingérons, il y aura des sanctions, des conséquences quelconques pour la personne assez négligente ou irréfléchie pour nous fournir un produit nous ayant rendus malades. De tels gestes entraînent des conséquences beaucoup plus graves que le simple fait d'émettre un avis selon lequel certaines personnes ont vendu un produit qui a rendu des gens malades.
Je crois que le sénateur Grafstein allait en venir à cette question. Il peut être difficile d'infliger des sanctions semblables à un bénévole, et c'est peut-être justement ce que vous soutenez. À Terre-Neuve, prévoit-on des sanctions pour ceux qui ne se conforment pas aux normes, des sanctions qui vont au-delà d'une stigmatisation résultant d'un avis d'ébullition de l'eau?
Mme Johnson : Non, il n'y en a pas. Comme je l'ai dit plus tôt, nous ne croyons pas aux méthodes punitives. Il s'agit d'un réseau d'approvisionnement en eau public. Oui, il fournit de l'eau potable, mais il est également utilisé à d'autres fins.
Nous ne vendons pas cette eau comme on vendrait de la viande ou des boissons gazeuses. En outre, nombre de collectivités, à mon avis, ne facturent pas assez pour l'eau qu'elles distribuent. Elles ne font pas d'argent avec l'eau, et, à ce titre, elles se distinguent des fabricants d'aliments ou d'autres types d'entreprises.
Pour toutes ces raisons, la méthode punitive serait pour nous un recul.
Le sénateur Milne : Madame la ministre, croyez-vous que le passage suivant du projet de loi aura une incidence sur l'industrie minière dans votre province? L'article 3 du projet de loi S-206 précise qu'un inspecteur peut procéder à la visite de tout lieu « d'où peut s'échapper toute substance susceptible de contaminer des aliments ». Je vais vous donner le temps de lire l'article.
On vous a interrogés au sujet de l'industrie de la pêche et de l'industrie alimentaire, mais qu'en est-il de l'industrie minière, si l'on pense à cet article en particulier?
M. Goebel : Nous avons nos propres inspecteurs qui procèdent à l'inspection des bassins hydrographiques. Si une mine se situant à proximité d'un réseau d'approvisionnement en eau constitue une source de risque, nous avons des inspecteurs qui inspecteront le bassin et la mine et qui corrigeront toute situation qui pourrait se présenter.
Le sénateur Milne : S'agit-il d'inspecteurs bénévoles?
M. Goebel : Non, ces inspecteurs font partie du personnel du ministère. S'il s'agit d'une nouvelle mine, elle sera soumise aux modalités très strictes du permis relatif aux activités dans ce bassin. Il peut s'agir d'exigences telles que des mesures de surveillance supplémentaires, des zones tampons supplémentaires ou l'interdiction d'entreposer des carburants dans les limites du bassin.
Ces entreprises sont soumises à nombre de modalités. Ces modalités auraient force exécutoire à l'égard de la mine ou de toute autre entreprise voulant exercer ses activités dans le bassin hydrographique.
Le sénateur Grafstein : Savez-vous combien de bouteilles d'eau sont vendues dans votre province?
Mme Johnson : J'ai essayé d'obtenir le nombre exact pour une autre raison. Je sais que certaines collectivités boivent en effet de l'eau en bouteille. En fait, les résidents puisent l'eau dans des sources, et ce n'est pas quelque chose que notre ministère préconise, car cette eau de source n'a pas été analysée.
J'ai des statistiques se rapportant à l'ensemble du Canada, et non précisément à Terre-Neuve-et-Labrador. De plus en plus de gens le font parce qu'ils ont adopté un mode de vie en particulier, mais les statistiques révèlent que 20 p. 100 des gens au Canada puisent de l'eau à partir d'une source. On pourrait probablement faire une déduction et se dire que, s'ils consomment cette eau, ils achètent probablement aussi de l'eau en bouteille. Par ailleurs, certaines personnes dont l'eau du robinet est de très bonne qualité achètent aussi de l'eau en bouteille. S'ils consomment de l'eau en bouteille, c'est pour différentes raisons.
Le sénateur Grafstein : Quelles sont-elles?
Mme Johnson : Ces personnes peuvent être influencées par la publicité ou avoir opté pour un mode de vie en particulier. C'est ce que je crois.
Le président : Vous vous êtes montrés très coopératifs. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus témoigner. Nous aimerions que d'autres provinces répondent à notre invitation comme vous l'avez fait. Nous sommes très heureux de vous avoir accueillis.
Chers collègues, nous allons lever la séance, mais je vous rappelle que le sénateur Milne, le sénateur Spivak, le sénateur Nolin et moi devons convoquer une réunion du comité de direction.
La séance est levée.