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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 11 - Témoignages du 19 juin 2008


OTTAWA, le jeudi 19 juin 2008

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui a été saisi du projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999, se réunit aujourd'hui, à 8 h 33, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs.

Avant de commencer, je vais prendre quelques minutes à nos invités pour régler quelques petits détails de notre ordre du jour. En passant, le Sénat a siégé jusqu'à 23 h 45 avant-hier soir. Nous avons tous commencé à 8 heures hier matin, et le Sénat a siégé jusqu'à 22 heures hier soir. Je suis heureux de vous voir tous ici ce matin.

Tard hier soir, après que le Sénat ait ajourné, je vous ai envoyé des courriels que vous n'avez peut-être pas encore lus. C'était au sujet de l'ordre du jour de ce matin. J'ai des copies, mais seulement en anglais, parce que c'est une copie du courriel que je vous ai envoyé hier soir. Puis-je vous les distribuer et vous demander de le lire?

C'est suffisamment explicite. Sénateur Spivak, en plus de ce que vous lisez maintenant, il y aura une très courte réunion du comité directeur au sujet de la convocation d'autres témoins à propos du projet de loi C-33, immédiatement après la réunion d'aujourd'hui. Nous avons bien d'autres demandes à examiner. Le comité directeur a fait un choix de témoins, et j'aimerais vous dire qui ils sont, avec qui nous avons communiqué et qui a pu accepter notre invitation. Le tout ne prendra que quelques minutes.

Sénateurs, je pense que vous avez probablement tous lu ceci. Est-ce que le sénateur Brown a vu le courriel? Si vous voulez bien accepter ma proposition de modifier l'ordre du jour, il nous faudrait une motion pour le faire. Est-ce que quelqu'un peut le proposer?

Le sénateur Nolin : Je le propose.

Le président : Le vice-président, le sénateur Nolin, propose que nous modifiions l'ordre du jour conformément au message que je vous ai remis aujourd'hui. Qui est d'accord avec cette motion? Est-ce qu'il y en a qui sont contre? Je vous remercie. La motion est adoptée. Voici le nouvel ordre du jour.

Merci messieurs; j'apprécie votre patience.

J'ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui se réunit aujourd'hui pour examiner le projet de loi C-33. Je suis Tommy Banks, président du comité, et je viens de l'Alberta.

J'aimerais vous présenter les membres du comité qui sont ici : le sénateur Trenholme Counsell, qui représente le Nouveau-Brunswick; le sénateur Mitchell, de l'Alberta, qui est le parrain de ce projet de loi au Sénat; le sénateur Brown, aussi de l'Alberta; le sénateur Cochrane, qui représente Terre-Neuve-et-Labrador, le sénateur Sibbeston, qui représente les Territoires du Nord-Ouest; et le sénateur Spivak, qui représente le Manitoba.

À ma droite se trouve le distingué vice-président du comité, le sénateur Nolin.

Nous accueillons M. Gordon Quaiattini, président de l'Association canadienne des carburants renouvelables; M. Tim Haig, président de BIOX Corporation; et M. Bliss Baker, vice-président des Affaires générales de GreenField Ethanol.

Messieurs, nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous aujourd'hui. Nous vous saurions gré de faire des observations préliminaires aussi brèves et concises possible pour laisser du temps pour les questions.

Nous avons lu le témoignage que vous et d'autres avez rendu devant le comité de la Chambre des communes au sujet de ce projet de loi. Nous apprécierions que vous vous concentriez sur les aspects qui pourraient être nouveaux.

Gordon Quaiattini, président, Association canadienne des carburants renouvelables : Monsieur le président, avec votre indulgence, je ferai une présentation au nom de mes collègues et nous laisserons le temps qu'il restera aux sénateurs pour poser leurs questions.

Merci de nous donner la possibilité de témoigner devant vous ce matin. En ma qualité de président de l'Association canadienne des carburants renouvelables, l'ACCR, c'est un grand plaisir pour moi d'être ici pour vous parler du projet de loi C-33, une mesure législative qui aidera le Canada à diversifier son approvisionnement en carburant, à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à revitaliser les économies rurales partout au Canada.

Avec le programme fédéral sur les biocarburants écoÉNERGIE de 1,5 milliard de dollars et le Fonds de biocarburant ProGen de 500 millions de dollars, dont le ministre vous a parlé mardi soir, le Canada va devenir l'un des principaux producteurs de carburants renouvelables. En deux mots, cette nouvelle mesure législative permettra au Canada d'aller au-delà du pétrole grâce à une nouvelle industrie de l'éthanol et du biodiésel dynamique et bien à nous.

Le comité sait certainement que l'énergie et l'environnement sont les grands enjeux du moment. Ils engendrent des changements importants dans le comportement des consommateurs, l'expansion et l'activité commerciale et les politiques publiques. En même temps, l'émergence de la bioéconomie n'est plus que de la conjecture, c'est une réalité, surtout en ce qui concerne les carburants renouvelables, le biodiésel et l'éthanol en particulier. Ceci s'ajoute à la demande accrue, aux nouveaux débouchés et à l'expansion constante.

Les biocarburants sont aussi le plus important changement agricole survenu depuis au moins une génération. Au cours de la prochaine génération, il s'avérera le plus important changement qu'ait connu notre secteur énergétique. En fait, je crois qu'il est de plus en plus évident que la biorévolution qui a lieu aujourd'hui aura des effets tout aussi fondamentaux et profonds que la révolution de l'information qui s'est amorcée au début des années 1980.

C'est donc maintenant que nous avons la possibilité d'accéder à ce marché, alors que les avantages de son potentiel ne font que commencer à vraiment se révéler. L'éthanol et le biodiésel sont à la croisée de deux grandes tendances du moment, dans la conjoncture actuelle. Je parle ici de la hausse permanente du cours du pétrole et des efforts internationaux pour lutter contre les effets des changements climatiques.

Ces deux tendances ne sont pas que passagères, elles vont définir le monde de l'avenir, à tout le moins pour ces deux prochaines décennies, et entraîneront des changements profonds dans l'utilisation de l'énergie, la croissance industrielle et le comportement des consommateurs. Au moment-même où nous nous parlons, le baril de pétrole a dépassé le seuil impensable des 100 $ pour fluctuer autour des 135 $ du baril. Ce matin, il se vendait quelque chose comme 137 $ du baril.

Les compagnies pétrolières enregistrent les plus importants profits jamais vus dans l'industrie, de toute l'histoire. Cette réalité est inébranlable et incontournable. L'ère du pétrole à bon prix est révolue. Et pourtant, un autre rapport récent de l'Agence internationale de l'énergie nous apprend que la demande mondiale d'énergie devrait augmenter d'au moins 50 p. 100 d'ici 2030.

Tout cela s'ajoute au fait que les ressources limitées et très coûteuses de pétrole proviennent de régions de plus en plus instables et les plus antidémocratiques du monde. Le Dr Kent Moors, cadre de direction chez Risk Management Associates, International, une firme d'avant-garde dans le domaine de l'énergie mondiale, estime que le marché conventionnel du pétrole brut et durable n'en a plus que pour une trentaine d'années. à l'avenir, le coût du pétrole sera prohibitif.

Avec la croissance de la classe moyenne en Chine, en Inde et au Brésil, combinée au manque flagrant de discipline en matière de consommation dans les pays industrialisés comme le nôtre, le défi est clair comme le jour : il y a un écart très coûteux entre nos besoin et ce dont nous disposons; entre l'offre et la demande.

Et c'est dans cet écart que l'éthanol, le biodiésel et les carburants renouvelables de la prochaine génération trouvent leur place. Dans un avenir où la demande va excéder l'offre, les biocarburants sont à la fois nécessaires et financièrement viables. Une fois de plus, l'Agence internationale de l'énergie a récemment affirmé qu'il faudrait plus d'un million de barils de pétrole brut additionnels pour remplacer les biocarburants actuellement sur le marché mondial. Sans les biocarburants, cette nouvelle demande de pétrole brut entraînerait une hausse considérable des prix, ce qui ne ferait qu'encore aggraver la crise alimentaire et miner les budgets de l'aide alimentaire. Je sais que le comité s'est vivement intéressé à cette question quand le ministre a comparu mardi soir. Nous sommes impatients d'en parler plus longuement ce matin.

Selon les spécialistes des produits de consommation de Merrill Lynch, dont les bureaux sont à London, sans les biocarburants, le prix du pétrole brut augmenterait de 15 p. 100. Les avantages d'une réduction des prix du pétrole excèdent les coûts minimes liés à l'augmentation de la production de biocarburants à base de grains.

Ici, au Canada, nous avons compris qu'il faut agir maintenant. Comme vous le savez, le projet de loi C-33 permettra d'apporter les modifications nécessaires à la loi pour que le gouvernement fédéral puisse atteindre son objectif de 5 p. 100 d'éthanol et de 2 p. 100 de biodiésel dans l'essence et le diesel.

Cette réglementation garantit un marché de 3 milliards de litres de biocarburants au Canada. Le fait est que la politique énergétique ne fera qu'accroître l'importance de l'éthanol, de l'éthanol cellulosique, du biodiésel et des biocarburants des prochaines générations, ici au Canada, et particulièrement aux États-Unis.

Il importe de souligner que les fabricants de voiture relèvent aussi le défi. Tous les grands fabricants se sont engagés à utiliser l'E10, le carburant contenant 10 p. 100 d'éthanol. Il existe actuellement en Amérique du Nord 6 millions de voitures et de camions qui peuvent rouler avec du E85. Cette année, General Motors a annoncé une autre grande poussée en faveur de l'éthanol, avec un nouveau plan de fabrication, d'ici à 2012, de la moitié de ses nouveaux véhicules alimentés au E85. C'est dans quatre ans seulement.

Le biodiésel, au Canada, comporte tout autant de promesses. Cet hiver, plus de 60 camions subiront le test du froid ultime de Climate Change Central, un organisme public-privé sans but lucratif de l'Alberta qui se consacre à la réduction des gaz à effet de serre et aux nouvelles technologies environnementales. La démonstration dans le froid hivernal albertain est très intéressante pour les mélangeurs et des distributeurs de carburant, les compagnies de camionnage à longue distance et les chauffeurs. La plupart des fabricants se sont déjà engagés à produire des véhicules alimentés au B20, c'est-à-dire 20 p. 100 de biodiésel. Bien entendu, ces progrès ne sont pas uniquement stimulés par le prix et la production du pétrole, mais aussi par les préoccupations liées à la sûreté de l'offre.

Aux États-Unis, le président ne manque jamais quand il fait un discours sur l'énergie, de souligner que 60 p. 100 du pétrole utilisé aux États-Unis provient de sources étrangères, dont plus de 3 millions de barils par jour qui viennent de l'Arabie saoudite et du Venezuela. Même le Canada, un pays exportateur de pétrole, importe environ la moitié du pétrole brut utilisé pour le transport. Les Canadiens ne sont pas très au courant de ce fait.

La deuxième tendance marquante du moment est celle des changements climatiques, un défi qui met aussi en valeur les avantages des biocarburants. Le pétrole brut n'est pas seulement coûteux et de plus en plus rare; c'est une source importante de gaz à effet de serre, les GES. Par contraste, le biodiésel et l'éthanol sont une source d'énergie propre, sans carbone ni autres polluants. Alors que les gouvernements tentent d'atténuer notre dépendance collective au carbone, il n'y a que peu d'autres solutions meilleures ou plus pratiques que l'adoption des biocarburants.

Selon Ressources naturelles Canada et d'autres sources du gouvernement et du milieu de la recherche, l'éthanol à base de maïs pourrait réduire les émissions GES, par litre, d'au moins 40 à 60 p. 100 selon la matière première utilisée, et le biodiésel de 70 à 95 p. 100, selon la matière première employée. Les biocarburants sont une matière propre pour faire tourner les moteurs de nos voitures, nos camions, nos tracteurs, notre équipement lourd et nos navires. L'automobile joue un rôle crucial dans la lutte aux changements climatiques.

Une norme sur les carburants renouvelables de 5 p. 100 pour l'éthanol et de 2 p. 100 pour le biodiésel représente 4,2 mégatonnes de réductions des GES, soit le retrait d'un million de voitures de nos routes chaque année.

Ce qui est d'une importance fondamentale pour les producteurs canadiens de grains et d'oléagineux, c'est que ces matières revitaliseront les exploitations agricoles et les communautés rurales partout au pays, les producteurs de blé et de canola dans l'Ouest et les producteurs de maïs et de soja dans l'Est. La hausse des prix des produits de consommation suscite une réaction des agriculteurs sur les marchés du monde entier, qui crée de nouvelles possibilités pour les régions rurales dans les pays en développement. Déjà, le cours élevé des grains incite les agriculteurs à produire plus. De plus en plus, les agriculteurs vont adopter les technologies requises pour devenir encore plus productifs et efficaces. Tandis que les agriculteurs plantent plus, les prix n'ont déjà commencé à fléchir — bien que, comme nous l'avons découvert ces deux dernières semaines, il y ait des anomalies sur ce plan, avec ce qui se passe aux États-Unis relativement à l'établissement des prix du maïs et l'incidence des précipitations de pluies.

Notre industrie reconnaît depuis longtemps l'importance des récoltes pour l'alimentation et les combustibles, et la nécessité de stimuler la durabilité. L'industrie des biocarburants et de nombreux gouvernements investissent dans la conception de nouvelles méthodes et technologies de conversion des copeaux de bois, des résidus agricoles, du panic raide, des déchets municipaux et d'autres matières cellulosiques en biocarburants. Les chefs de file de l'industrie qui ont lancé la première génération de biocarburants à base de grains investissent aujourd'hui dans ces processus de la deuxième génération.

De nouvelles usines de biocarburants de classe mondiale seront construites, représentant de nouveaux investissements de 1,5 milliard de dollars et entraînant la création de 14 000 emplois dans la construction et les secteurs connexes dans des communautés rurales. Une fois établie, cette industrie créera 10 000 emplois directs et indirects et générera une activité économique annuelle de l'ordre de 600 millions de dollars. Le projet de loi C-33 créera un nouveau marché pour plus de 200 millions de boisseaux de grains et d'oléagineux au Canada.

Dans une perspective mondiale, le projet de loi C-33 intégrera le Canada à un mouvement mondial de transition vers les biocarburants, avec nos principaux concurrents qui sont notamment les États-Unis, le Brésil et l'Europe. Le projet de loi C-33 nous aidera à participer à la concurrence sur un pied d'égalité, et fera en sorte que nous récoltions les fruits économiques de ce nouveau secteur à la croissance phénoménale.

Sénateurs, sachez que les Canadiens continuent d'appuyer en grand nombre le développement au pays d'une industrie dynamique des biocarburants. Un sondage national mené du 23 au 27 avril conclut que 74 p. 100 des Canadiens soutiennent la norme nationale de 5 p. 100 pour l'éthanol et de 2 p. 100 pour le biodiésel, et que 67 p. 100 soutiennent une augmentation de ces taux à 10 et 5 p. 100 respectivement.

Les travaux qu'entreprend ce comité arrivent à point nommé. Les biocarburants jouissent du soutien de tous les partis, et nous espérons que les législateurs au Sénat adopteront rapidement le projet de loi C-33. Une adoption rapide assurera la croissance continue d'une industrie nationale et permettra d'ajouter rapidement des biocarburants dans les combustibles canadiens.

Je vous remercie pour votre temps et vos efforts, et de créer les conditions qui nous permettront d'aller au-delà du pétrole, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et de revitaliser les collectivités rurales du Canada. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Quaiattini. Je dois corriger mes propos de tout à l'heure. Quand je vous ai présenté le sénateur Mitchell, j'ai dit qu'il était le parrain du projet de loi, mais bien entendu, le parrain du projet de loi est le sénateur Brown, et je ne doute pas que vous le saviez déjà.

Le sénateur Adams, du Nunavut, et le sénateur Kenny, de l'Ontario, se sont joints à nous.

Monsieur Quaiattini, vous avez parlé d'atténuation des prix; et M. Baker, dans une lettre que vous avez écrite le 5 juin, vous avez aussi parlé de réduction des prix à la pompe. Je vis en Alberta, où l'essence contient 10 p. 100 d'éthanol et non 5 p. 100, et c'est assez répandu en Alberta depuis, je crois, les fins des années 1980. Ma voiture actuelle et ma voiture précédente n'ont jamais eu que de l'essence contenant 10 p. 100 d'éthanol.

L'essence à l'éthanol coûte plus que l'essence qui n'en contient pas. Comment allez-vous changer cela pour réduire les prix à la pompe?

Bliss Baker, vice-président, Affaires générales, Greenfield Ethanol : Nous suivons tous les jours les cours de Nymex et du Chicago Board of Trade, le CBOT. Ces dernières semaines, l'éthanol se vendait à 70 cents à 1 $ par gallon de moins que l'essence de Nymex. C'est moins cher de nos jours, et de beaucoup.

Le président : Si vous permettez, il en a toujours été ainsi, mais le coût vient du processus de mélange.

M. Baker : Ça n'a pas toujours été moins cher. Il fut un temps où c'était plus cher. Cependant, la hausse des prix de l'essence et les énormes gains d'efficience qu'a réalisés le secteur de l'éthanol depuis une dizaine d'années ont fait baisser les prix de l'éthanol tandis que ceux de l'essence montaient.

Le président : Nous pouvons compter sur une réduction du prix à la pompe.

M. Baker : Au niveau macroéconomique, absolument, oui. À l'échelle mondiale, nous ajoutons un million de barils par jour à l'approvisionnement en carburant. Si on se fie au principe économique de l'offre et de la demande, les prix vont baisser.

Le président : Merci, vous avez raison, c'était dans votre lettre.

Le sénateur Kenny : Je me suis intéressé, pendant un temps, aux carburants de remplacement. Je m'inquiétais du risque de survente du pétrole. La présentation d'aujourd'hui était assez agressive. Le prix des biocarburants va inévitablement augmenter, tout comme le prix du pétrole va inévitablement augmenter. Par exemple, nous avons vu le rapport poids/prix de l'éthanol monter en flèche quand les agriculteurs l'ont utilisé pour assécher les cultures, et nous avons aussi vu l'offre d'éthanol pour le marché de l'automobile presque s'épuiser.

Nous entendons dire des choses, comme un économiste reconnu qui a dit qu'il n'y aura plus de pétrole à un prix raisonnable d'ici quelques années. Il y a d'énormes réserves de pétrole; tout dépend tout simplement de ce qu'on est prêt à payer pour l'avoir. Le risque qu'il ne reste plus de pétrole est relativement faible. Il s'agit simplement de savoir si l'économie est prête à en payer le prix.

La quantité de matière pour fabriquer des biocarburants est aussi limitée. Sa disponibilité pour les Canadiens changera de manière radicale quand il y aura plus de véhicules qui pourront en être alimentés et que nous passerons de 5 à 10 p. 100, puis à 85 p. 100 de contenu d'éthanol. Tout d'un coup, les gens qui voudront s'emparer du marché se rueront sur les terres, mais ce sera cher.

Vous faites des déclarations assez générales sur l'aspect économique de ce carburant nouveau, important et plus propre qui, je pense que nous le concédons tous, devrait faire partie du mélange de carburants. Cependant, j'ai l'impression que si on le vend trop maintenant, il y aura une réaction brutale quand les Canadiens découvriront soudainement qu'ils ont un autre choix qui est un peu plus propre, mais qu'ils devront se saigner aux quatre veines pour se le payer. J'ai l'impression qu'on peut payer maintenant ou plus tard, mais il faudra un jour ou l'autre payer beaucoup plus pour le transport, quel que soit le carburant utilisé, que ce soit celui dont vous parlez aujourd'hui ou un autre.

Je trouve intéressant que vous disiez que cela reviendra à supprimer un million de voitures par année de nos routes. Je sais que votre but n'est pas d'éliminer des voitures de sur les routes, mais quelqu'un devrait avoir un tel objectif. Vous vous souvenez, monsieur le président, lors d'une visite que nous avons faite il n'y a pas très longtemps, nous avons appris que la Californie avait un programme selon lequel si on pouvait amener le vieux tacot jusqu'à la station- service, on en obtenait quelque chose comme 500 $, et ils estimaient que cela en valait la peine.

Si je devais comparaître devant un comité parlementaire, j'essaierais d'être convaincant. Je ne dis pas que vous n'essayez pas d'être convaincant, mais donnez-moi un peu une idée des désavantages. Parlez-moi de l'envers de la médaille.

M. Quaiattini : J'apprécie vos commentaires. L'industrie, au Canada, a eu une approche très équilibrée et n'a pas trop exagéré l'importante contribution que nous pouvons faire.

Mettons donc en perspective ce que nous espérons du projet de loi C-33. Nous produisons environ 1 milliard de litres d'éthanol au Canada de nos jours, et environ 100 millions de litres de biodiésel. Ce projet de loi permettra d'augmenter cette production à un peu plus de 2,5 milliards de litres d'éthanol et environ 500 millions de litres de biodiésel, pour un total de 3 milliards de litres. Ceci se compare à une consommation annuelle totale de carburants pour les transports, au Canada, d'environ 60 milliards de litres.

Alors je ne pense pas que mon industrie exagère l'incidence que nous pouvons avoir. C'est une mesure modeste, mais néanmoins importante pour amener, comme vous le dites, un carburant de remplacement sur le marché. Nous ne sommes pas ici pour donner à penser que nous sommes sur le point de remplacer les produits à base de pétrole comme principal carburant de transport dont les Canadiens et le reste du monde continueront de dépendre.

Je suis d'accord que les réserves de pétrole ne s'épuiseront pas d'ici demain. Cependant, quand on regarde l'orientation des tendances des prix et de l'offre, on parle notamment d'un système économique qui soutient la production de pétrole, comme les propos que j'ai tenus aujourd'hui ont dû vous le faire comprendre. Comme vous l'avez si bien fait remarquer, le coût du maintien de ce système est sur le point de devenir prohibitif. Par conséquent, les gouvernements, les consommateurs, l'industrie et d'autres devront faire d'importants choix en réfléchissant à l'incidence que cela aura sur l'ensemble de notre économie.

Je ne pense pas que l'industrie dont je fais partie, au Canada, cherche à exagérer la valeur de ses produits. Nous disons simplement que les Canadiens veulent avoir un autre choix. Mon industrie est prête à se mettre en branle pour offrir cet autre choix, mais avec mesure et prudence. Nous ne parlons pas de cibles et de seuils qui soient excessivement élevés.

Nous voulons adopter l'approche appropriée pour consolider l'industrie au Canada même. Il faut que vous compreniez que tandis que nous consoliderons l'industrie, nous ferons la transition d'une technologie fondée sur les grains, pour la production d'éthanol, par exemple, vers les carburants de la prochaine génération faits de matières premières comme les copeaux de bois ou les déchets municipaux et d'autres produits. Je ne suis pas sûr que les Canadiens diraient comme vous que nous n'avons pas assez de déchets au Canada pour cela. Nous produisons une quantité énorme de déchets actuellement, et nous pourrions trouver le moyen d'exploiter ces déchets par un procédé de gazéification pour en faire du carburant.

Le sénateur Kenny : Je ne parlais pas des déchets.

M. Quaiattini : Non, c'est vrai, vous ne l'avez pas dit. Cependant, vous avez parlé d'autres matières premières qui seraient contestées dans le futur.

Le sénateur Kenny : Vous avez dit que vous n'êtes pas sûr que les Canadiens seraient d'accord avec moi au sujet des déchets. Je n'ai absolument pas parlé de déchets.

M. Quaiattini : Je retire mes propos. Cependant, quand on pense à l'abondance des matières premières, il faut penser aux déchets de façon générale qui sont une partie viable de ce que nous faisons.

Le sénateur Spivak a parlé de méthane. Cependant, nous pouvons réellement utiliser la technologie de la gazéification pour convertir l'éthanol en un carburant de transport à partir des déchets municipaux, et cette technologie est destinée à être commercialisée très rapidement au Canada.

Le sénateur Kenny : Je vous remercie pour ces explications. Elles sont utiles.

Pourriez-vous nous parler brièvement des retombées auxquelles vous avez fait allusion lors de la réunion précédente, quand le ministre était ici?

Nous comprenons de quoi il s'agit, quand on parle des déchets et des copeaux de bois. Alors qu'augmentera la demande et que les agriculteurs se rendront compte des débouchés qu'il peut y avoir là, pouvez-vous nous donner une idée de l'incidence de la croissance du marché de l'éthanol sur le cours du maïs?

M. Baker : Il ne fait aucun doute qu'elle a une incidence sur le cours du maïs. Certaines lois américaines visaient à stimuler les prix pour que les agriculteurs puissent finalement vivre de la culture du maïs. Nous savons qu'à 2 ou 3 $ du boisseau, il n'y avait aucun retour sur l'investissement pour la ferme. Les exploitations agricoles couraient le risque de couler, et beaucoup ont coulé parce qu'elles ne pouvaient pas survivre à ce prix.

L'industrie de l'éthanol a eu des répercussions sur le prix du maïs, mais bien d'autres facteurs ont plus d'effets que celui que nous avons sur le secteur céréalier actuellement en poussant les prix à la hausse. La demande de l'Asie et la spéculation, comme vous le savez, sont d'énormes facteurs sur les marchés des matières premières.

De plus, le prix de l'énergie se répercute sur tout. J'ai mangé une banane au petit-déjeuner, qui venait du Costa Rica. Elle a été cultivée dans les terres, transportée jusque sur la côte, chargée sur un bateau, transférée à Philadelphia, mise en conteneur, expédiée au port de Toronto, chargée sur un camion et transportée jusqu'au Loblaws de mon quartier. C'est une banane. Les prix de l'énergie ont d'énormes répercussions sur les aliments et sur tout.

Le sénateur Kenny : Ils feraient des économies s'ils en envoyaient plus d'une à la fois.

Vous avez parlé du sondage qui concluait que l'éthanol est un carburant très populaire. Nous avons affaire à un public pour qui la courbe d'apprentissage est abrupte. Il « découvre » certaines de ces nouvelles solutions. Nous avons la responsabilité de brosser pour lui un tableau exhaustif des nouvelles possibilités.

Je ne dis pas cela en tant qu'opposant à votre démarche. Mon passé démontre que je ne m'oppose pas à ce que vous faites. Cependant, il est important que si nous laissons entendre que les carburants de remplacement sont une bonne idée — et cette théorie jouit de vastes soutiens — il nous incombe d'informer aussi les consommateurs de certaines autres choses qui leur arriveront quand ils emprunteront la voie des carburants de remplacement.

Je ne vous demande pas de faire une autocritique, mais plutôt de nous aider à donner aux téléspectateurs une perspective plus équilibrée de ces autres choses qui arriveront. Le public est très intéressant dans ses réactions; il peut devenir très favorable à quelque chose, et quand il découvre des effets indésirables qu'il n'avait pas prévus, il freine sec et repart très rapidement dans l'autre sens.

Pourriez-vous consacrer deux ou trois minutes à cela?

M. Quaiattini : Vous soulevez là d'excellents éléments. Encore une fois, si on regarde l'ensemble de l'industrie — et M. Haig peut parler avec plus d'éloquence que moi du développement du biodiésel et du travail que fait sa compagnie — ils utilisent, en fait, un produit issu de déchets pour fabriquer le biodiésel de nos jours. Ils n'utilisent pas un produit de base de bonne qualité pour cette production. Quand on pense à la production de biodiésel au Canada et à ce qu'il faut expliquer aux Canadiens, il est important de les renseigner sur le fait qu'il ne s'agit pas que de l'éthanol; nous parlons aussi de biodiésel, au plan de l'utilisation des déchets. Je vais laisser M. Haig parler de son carburant.

Tim Haig, président, BIOX Corporation : Le biodiésel est un carburant de remplacement du diésel, comme l'éthanol est un produit de remplacement de l'essence. Une grande part, sinon la plus grande partie de nos produits est livrée par des véhicules au diésel; cette banane qui a fait tout ce chemin sur un très petit bateau pour finir sur les rayons de Loblaws a été transportée par des moteurs au diésel.

Les produits que nous utilisons réduisent les émissions de gaz à effet de serre de 93 p. 100. Nous utilisons des cuves d'huiles usées, et aussi des graisses de cuisson de restaurants. La prochaine génération de biodiésel sera faite d'algues. Les algues, au plan du, contiennent 50 p. 100 de matières grasses et le reste est presque uniquement de l'amidon, qui pourrait servir à fabriquer de l'éthanol.

La plupart d'entre nous n'aimons pas manger des déchets de marais, alors les algues constituent la prochaine génération qui pourrait le faire. Tout le monde parle de la forêt de l'Amazonie qui est le plus vaste puits de carbone, mais les algues, dans l'océan, forment le plus grands puits de carbone qui capture le dioxyde de carbone de l'atmosphère. Ainsi les algues, dont les cellules croissent rapidement, deviendront — et nous travaillons activement là- dessus en ce moment — la prochaine matière première du biodiésel, ce qui pourrait être très intéressant.

Vous avez fait un commentaire, tout à l'heure, en disant que nous sommes un peu plus propres. J'en suis un peu vexé, parce que 93 p. 100, c'est une réduction énorme des gaz à effet de serre. Nous produisons aussi 50 p. 100 de moins en matière particulaire comparativement au diésel conventionnel fait de pétrole. La matière particulière du diésel est l'un des plus grands contributeurs à l'asthme infantile. Par conséquent, nous avons une énorme incidence sur l'environnement quand il s'agit de biodiésel et des effets qu'il pourrait avoir, et aussi de durabilité. Les algues poussent vite. Si vous avez une piscine, vous savez certainement qu'il est facile de cultiver des algues.

Nous devons nous concentrer sur l'aspect de la durabilité. Je pense que la question que vous posez, c'est comment nous pouvons assurer notre durabilité. Je vous demanderais, comparativement à quoi? On demande à l'industrie des carburants renouvelables d'être durable, et c'est ce que nous faisons.

Mais en fait, comparativement à quoi? Est-ce que le pétrole est durable? Est-ce que les normes infrastructures pétrolières et gazières auxquelles nous nous sommes tous habitués et que nous voyons tous un peu avec désinvolture, est durable? Je dirais que c'est douteux, compte tenu du fait que nous consommons 87 millions de barils par jour alors que nous en produisons 86 millions. Dans une certaine mesure, peu importe combien il y en a dans le sol, ce qui compte, c'est combien on peut extraire et raffiner. En quoi est-ce durable?

Nous pouvons extraire environ 5 millions de barils de pétrole par jour des sables bitumineux du Canada. C'est énorme; mais pendant ce temps, nous consommons 87 millions de barils par jour. Je fais aussi partie de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, et nous avons démontré qu'il y aura une augmentation de 42 p. 100 de consommation d'énergie d'ici à 2030. Ces 5 millions de barils n'auront que peu d'effet sur cette demande toujours croissante.

Il faut trouver d'autres possibilités. C'est une obligation de cette industrie, que nous prenons très à cœur. Nous allons assurer la durabilité. Bien des commentaires ont été faits sur les aliments, mais nous passons déjà à la prochaine génération. On ne peut se rendre à la génération suivante sans d'abord passer par la première, et c'est ce que nous demandons à ce comité de faire. Aidez-nous à faire passer le projet de loi C-33, pour que nous puissions avoir accès au marché, et nous pourrons nous rendre à cette génération suivante. Notre prochain projet, ce sont les algues, et je suis sûr que M. Baker peut parler de durabilité, de l'autre côté.

M. Baker : Ce sont des compagnies comme la nôtre qui s'investissent dans le secteur actuellement. Le projet de loi C-33, et la législation américaine pour l'industrie américaine, constituent l'assise sur laquelle nous pouvons bâtir la prochaine génération.

Nous investissons actuellement des millions de dollars dans la technologie de l'éthanol cellulosique de la prochaine génération. Nous avons des projets conjoints avec des compagnies canadiennes, une technologie d'ici, pour commercialiser les projets d'éthanol cellulosique et utiliser des déchets municipaux triés pour les convertir en gaz de synthèse, puis en alcool qui devient un carburant.

Cela ne serait pas arrivé si nous n'avions pas eu au Canada un marché et l'infrastructure pour l'éthanol, comme nous n'aurions pas de télévision au plasma s'il n'y avait d'abord eu la télévision couleur et, avant cela, la première télévision noir et blanc. Le projet de loi C-33 constitue pour notre industrie cette solide assise sur laquelle nous pouvons créer la technologie de l'avenir.

C'est une excellente assise. Le projet de loi C-33 présente une approche pondérée; il ne va pas trop loin. Il stimulera l'investissement dans notre industrie et poussera les compagnies comme la nôtre à développer cette technologie de l'avenir. C'est une importante loi pour nous. Sans elle, il n'y aurait pas de marché pour notre éthanol, pour produire l'éthanol cellulosique de la prochaine génération, alors elle nous est indispensable.

À propos de la durabilité, l'industrie y est entièrement ouverte, tant que le point de départ de ce débat, c'est que le pétrole n'est pas durable. Par exemple, au Québec, on impose des critères de durabilité aux cultivateurs de maïs. Ils ont des critères stricts que nous négocions avec les syndicats d'agriculteurs et le gouvernement provincial, selon lesquels ils doivent satisfaire à certains critères de durabilité pour pouvoir vendre leur maïs à notre usine au Québec. Ce sont des facteurs comme la baisse du niveau des rivières et l'emploi de nitrogène. S'ils ne satisfont pas à ces critères, nous n'achetons pas leur maïs. C'est le genre d'effet énorme que vous pouvez avoir si l'industrie agit de manière responsable, ce que je pense qu'elle fait.

C'est une façon d'assurer cette durabilité. Il ne fait aucun doute qu'il y a des éléments qui vont à l'encontre de la durabilité, mais il y en a dans toute industrie. L'approche canadienne, et en grande partie l'approche américaine, ont été très progressives, particulièrement au plan de la durabilité.

M. Quaiattini : Vous avez parlé du point de vue du public et de la nécessité de le renseigner. Vous avez brièvement soulevé la question des aliments. Je dirais qu'il est important de donner ces renseignements aux Canadiens et de leur exposer cette perspective.

Bien évidemment, le plus important marché de l'éthanol en ce moment est celui des États-Unis. Il dépend principalement, actuellement, de l'éthanol fait à base de maïs, bien qu'une transition soit en cours. Vous savez que le projet de loi sur l'énergie, aux États-Unis, vise 36 milliards de gallons pour 2022, dont un maximum de 15 milliards doit être produit à partir de maïs. La loi ne permet pas de dépasser ce taux de croissance.

Si vous mettez cela dans le contexte actuel, le nombre total de boisseaux de maïs a été de 14,4 milliards sur le marché aux États-Unis l'année dernière. Là-dessus, 42 p. 100 était réservé à la nourriture des animaux et au secteur de l'élevage du bétail; 22 p. 100 était réservé à la production d'éthanol; les exportations représentaient 17 p. 100; d'autres utilisations nationales en prenaient 9 p. 100, et il y avait un surplus de 10 p. 100.

Les inondations que subit en ce moment l'Iowa poseront quelques défis cette année, et pourraient avoir une incidence sur la saison des récoltes. Cependant, quand on met en perspective la croissance de l'industrie de nos jours, je pense que nous agissons de manière très responsable en informant le public du fait que tandis qu'augmente la demande et le nombre d'emplois du maïs, l'offre en a fait autant. M. Baker en a parlé.

Pour la première fois, les agriculteurs du pays profitent de la hausse des prix des matières premières et le gouvernement, en contrepartie, réduit en fait, pour la première fois, les paiements de soutien du revenu aux cultivateurs de céréales. Statistique Canada a déclaré que sur 12 mois, les paiements de soutien du revenu ont été réduits de 1,3 milliard de dollars au Canada en raison de la hausse du tarif payé aux agriculteurs pour les produits de base. Aux États-Unis, cette réduction s'est chiffrée à 7 milliards de dollars l'année dernière.

Ce qu'il y a de bon, c'est que quand on regarde les répercussions additionnelles de la production des biocarburants, dont vous m'avez demandé de parler, les avantages que présente le programme sont, premièrement, que les cultivateurs de céréales en profitent et, deuxièmement, que le gouvernement verse maintenant moins aux agriculteurs pour le soutien du revenu et, par conséquent, peut investir les économies ainsi réalisées sur d'autres priorités de politique publique.

Le sénateur Spivak : Il ne fait aucun doute que les Canadiens applaudiraient si tout l'éthanol et le biodiésel était fait d'algues, d'insectes, de déchets, et cetera. Cependant, vous venez de parler de 200 millions de boisseaux de céréales. C'est ce que vous pensez qui sera utilisé.

Aussi, en ce qui concerne les agriculteurs, les aliments seront en grande demande en Chine et en Inde. Ce n'est pas que le carburant qui fait monter les prix du maïs et des céréales, c'est la demande. Je pense que le prix des céréales augmenterait de toute façon.

Le ministre a dit hier qu'il faudrait dix à 15 ans avant que des installations de fabrication de carburant de deuxième génération soient en place. Il a aussi dit qu'on ne peut convertir les installations qui font l'éthanol à partir de grains en installations de production d'éthanol cellulosique.

J'aimerais savoir, quand vous parlez de transition, et cetera combien de temps cela prendra.

Aussi, quelle part de la production — la question s'adresse à tous deux — est à base de grains; combien en utilisez- vous? Quelles subventions recevez-vous? Je crois que les subventions prennent fin quand vous avez un rendement de 20 p. 100. J'aimerais en connaître l'envergure.

Aux États-Unis, certaines installations sont en train de péricliter; elles ne peuvent pas continuer parce qu'il n'y a pas de profit. Alors il y aura une crise aux États-Unis, je n'en doute pas. Elle est déjà amorcée, d'après les journaux, en ce qui concerne la capacité d'utiliser les grains.

La question la plus importante que j'ai à vous poser concerne la quantité de grains qu'il vous faudra utiliser. Quand vous parlez de 200 millions de boisseaux, quel pourcentage est-ce que cela représente de tout le grain cultivé au Canada?

M. Quaiattini : Vous avez soulevé une question au sujet de l'établissement des installations de fabrication des carburants de la prochaine génération, et des commentaires du ministre. Nous sommes convaincus que le délai à envisager, en ce qui concerne la construction d'usines commerciales utilisant des matières premières cellulosiques de la prochaine génération serait de l'ordre de trois à cinq ans.

Le sénateur Spivak : Est-ce que le ministre se trompe?

M. Quaiattini : Ce n'est pas à moi de corriger ce qu'a dit ou n'a pas dit le ministre. Je crois néanmoins l'avoir entendu dire qu'il s'agissait de remplacer l'intégralité du volume de biocarburants par la production de carburants de la prochaine génération. Il est certain que cela prendra du temps.

Nous parlons de construire des usines dont la production sera de l'ordre de 40 à 90 millions de litres. Les installations qui utilisent le grain, actuellement au Canada, ont une production de 150 à 200 millions de litres. La capacité d'augmenter et de commercialiser cette technologie est en hausse. Nous sommes certains qu'au cours des prochaines semaines, les sénateurs entendront des annonces très prometteuses concernant la construction d'installations au Canada, et nous en sommes emballés.

Pour ce qui est de votre question sur l'infrastructure existante, la réponse est que oui; on peut, de fait, convertir les installations de fabrication d'éthanol à partir de grains pour le fabriquer avec des matières premières de la prochaine génération. Il s'agit de faire des ajustements des unités de fabrication initiale de ces usines.

Le sénateur Spivak : Prise numéro deux pour le ministre.

M. Quaiattini : Il m'incombe de vous exposer les faits.

Le président : Nous avons entendu un témoin lors de la dernière réunion — vous pourrez en lire le compte-rendu — qui a dit qu'on ne pouvait pas, sans repartir de zéro, convertir les usines de fabrication à partir de grains pour fabriquer de l'éthanol avec d'autres matières premières.

M. Quaiattini : Ce n'est pas exact. M. Baker peut vous parler, par exemple, des installations de démonstration qu'ils ont près de leur usine de Chatham, qui utilise actuellement des matières cellulosiques et du grain. Cela se fait au moment où nous nous parlons, à une installation de démonstration du travail que nous faisons. Je vais le laisser vous en parler.

Le sénateur McCoy : Pour être clair, le ministre n'a rien dit d'aussi net. Il a dit qu'une fois obtenue la matière liquide, on pourra utiliser les installations de raffinage. Il faudrait être juste, monsieur le président. Toutefois, je m'en remets aux experts.

M. Baker : Je ne connais pas le contexte des commentaires du ministre, alors je ne les corrigerai pas.

Le sénateur Spivak : C'est bon.

M. Baker : Actuellement, nous avons une bio-usine à Chatham, en Ontario, qui fabrique de l'éthanol cellulosique avec différentes matières premières. D'habitude, j'emporte de petites bouteilles avec moi pour montrer que tel éthanol a été fabriqué avec de la tige de maïs et cet autre avec des copeaux de bois. Cela se fait déjà.

Nous avons une usine commerciale en voie de préparation. Nous ne l'avons pas encore annoncée. Elle utilise des déchets municipaux triés. Nous avons une entente de partenariat avec une compagnie du Québec, Enercam Dynamotive. Nous sommes en train de faire deux usines commerciales en ce moment même. Ils ont une usine pilote qui existe depuis 2003 à l'Université de Sherbrooke, qui utilise des déchets municipaux triés et des déchets de bois de construction.

Le sénateur Spivak : J'aimerais que les propos du ministre soient au compte rendu. Il a dit :

À l'heure actuelle, il n'est pas possible de convertir une usine d'éthanol à base de céréales en installation de première génération ou de production d'éthanol cellulosique sans la technologie nécessaire pour mettre la matière à l'état liquide. Nous travaillons là-dessus.

M. Baker : Je pense que le ministre parle de deux choses différentes ici. Tout d'abord, il est certain que cela n'est pas encore fait. Les compagnies étudient la question. Nous examinons les aspects techniques de la conversion de l'usine de Tiverton en Ontario pour en faire une usine de fabrication à partir de matière cellulosique, en ce moment même.

Deuxièmement, le ministre a aussi parlé des enzymes qu'on est en train de concevoir pour dissoudre en sucre la biomasse traitée, ce sur quoi travaille la compagnie Iogen Corporation ici, à Ottawa. Ces enzymes sont en voie de développement, mais pas encore commercialisées.

Le sénateur Spivak : Je vois. Cependant, j'aimerais avoir une réponse au sujet des 200 millions de boisseaux et aussi au sujet de l'argent. Pouvez-vous me donner ces réponses?

M. Quaiattini : Si on parle d'une usine typique de production d'éthanol à partir de grains de nos jours — permettez- moi d'utiliser comme exemple l'usine GreenField Ethanol qui en construction en ce moment à Johnstown — elle produira 200 millions de litres. Sur une base annuelle, elle prendra 20 millions de boisseaux de maïs pour produire les 200 millions de litres d'éthanol.

À partir de là, on peut calculer la production totale éventuelle de ces usines, et on arrivera à votre chiffre en termes de consommation de grains. Pour mettre cela en contexte, le Canada produit généralement un peu plus de 50 millions de tonnes de grains par année.

Encore une fois, si on envisage un mandat non pas de 5 p. 100, mais de 10 p. 100 d'éthanol, si nous envisageons, ce dont parlait le sénateur Kenny, une augmentation graduelle de la teneur en éthanol, qu'est-ce que cela signifie?

Ce serait une hausse comparativement à l'utilisation actuelle d'éthanol à base de grains — et vous avez entendu que nous prenons des mesures pour effectuer une transition, mais en supposant que seule la technologie de la fabrication à partir de grains puisse répondre à cette demande — il faudrait alors 8 à 9 millions de ces 50 millions de tonnes de grains que nous produisons. Des 50 millions de tonnes de grains produites par année, nous en exportons la moitié. Nous faisons notre part du commerce mondial pour que ces grains soient accessibles sur le marché. Selon la perspective de la source de culture, une acre de terre produirait en moyenne environ 70 boisseaux de grains, selon la tendance typique des cultures d'il y a 20 ans. Aujourd'hui, c'est environ 150 boisseaux par acre, et d'ici une dizaine d'années environ, selon les projections, ce sera de l'ordre de 300 boisseaux par acre. Nous pouvons utiliser la technologie et l'innovation pour produire plus de grains avec le temps, afin de pouvoir résoudre le problème que peut poser cette croissance, sans vraiment avoir à défricher une autre acre de terre.

Le sénateur Spivak : C'est bon à savoir. Est-ce que vous diriez que ce serait une bonne idée de s'inspirer de l'exemple américain et de dire que d'ici à une certaine date, si nous voulons modifier ce projet de loi, il nous faut avoir un certain montant d'éthanol cellulosique?

M. Quaiattini : Le projet de loi ne vous le permet pas, mais ces seuils pourraient être imposés par le règlement. Je le comprends.

Le sénateur Spivak : Est-ce une bonne idée?

M. Quaiattini : Bien sûr. Vous avez entendu des représentants de l'industrie, aujourd'hui, vous dire qu'il est clair que ce serait une priorité pour nous tandis que nous viendrons à dépasser les cibles fixées par ce projet de loi et les engagements du gouvernement. Par conséquent, si nous envisageons un monde où le carburant contient 5 à 10 p. 100 d'éthanol, ce que nous ne demandons pas, en supposant qu'avec le temps, l'industrie prenne de l'envergure et la capacité augmente, nous regarderions ces seuils et dirions que le carburant de la prochaine génération devrait être fait de biocarburants de la prochaine génération.

Au sujet des subventions, vous savez que la subvention écoÉNERGIE pour l'initiative des biocarburants est un programme de 1,5 milliard de dollars d'option de paiement au producteur qui est entré en vigueur en avril 2008. C'est un programme unique d'une durée de neuf ans, dont une installation peut tirer parti pendant une période de sept ans. Il est encore en train d'être peaufiné, et il n'a encore versé aucune subvention à aucun producteur de biocarburant jusqu'à maintenant. Les paiements se feront tous les trimestres, et les producteurs actuels commencent à présenter leurs demandes. Les paiements représentent jusqu'à 10 p. 100 par litre pour l'éthanol, et jusqu'à 20 p. 100 par litre pour le biodiésel. Une formule déterminera combien sera versé à un producteur donné, ce qui fait qu'une installation pourrait ne pas recevoir l'intégralité des 10 p. 100 pour l'éthanol ou de 20 p. 100 pour le biodiésel, en fonction des conditions du marché et de plusieurs autres facteurs pris en compte dans la formule du gouvernement.

En parlant du programme, vous avez utilisé le terme « subvention », mais je préfère celui d'« investissement ». Pour être juste, le rendement économique pour l'industrie sera de l'ordre de 600 millions de dollars par année. Le programme sera plus que rentable en peu de temps. À titre de comparaison — et je ne dis pas cela pour juger les investissements du gouvernement — 44 milliards de dollars ont été investis dans l'exploitation des sables bitumineux dans l'Ouest du Canada. La somme investie dans le secteur des biocarburants est modeste par comparaison.

Le sénateur Cochrane : Combien d'employés avez-vous, et combien vous attendez-vous à en avoir?

M. Baker : Nous avons 200 employés, et nous pensons doubler l'effectif d'ici quatre ou cinq ans. Nous investissons 452 millions de dollars de notre dernière campagne de financement en Ontario et au Québec et nous nous attendons à recevoir 200 à 300 millions de plus pour investir dans la technologie de la prochaine génération d'ici une dizaine de mois.

M. Haig : Nous avons 50 employés et espérons en avoir une centaine d'ici deux ou trois ans. Nous avons investi environ 140 millions de dollars au Canada et sommes en voie d'obtenir un financement de 150 millions de dollars. Ce sont les capitaux propres pour la construction de quatre autres usines, dont deux au Canada et deux à l'étranger. Nous avons une excellente technologie canadienne issue de l'Université de Toronto — un bel exploit canadien. Nous sommes la prochaine génération. Nous n'utilisons que des déchets. J'ai plaisir à nous donner de bonnes tapes de félicitations dans le dos.

Le sénateur Cochrane : Je peux le comprendre.

Le sénateur Mitchell : Voilà qui est des plus intéressants. Je sais qu'il y a une controverse à ce sujet, mais pour bien des raisons, nous sommes sur le point de faire une percée sur ces trois plans. J'ai trois observations à faire : tout d'abord, si la production d'éthanol fait monter le prix des aliments, ce que je n'accepte pas nécessairement, je trouve intéressant qu'au moment-même, à peu près, où les agriculteurs commencent à obtenir un bon prix pour leurs produits, nous leur disons de baisser leurs prix. Nous n'allons pas voir les compagnies pétrolières pour leur dire de baisser leurs prix. Nous n'allons pas voir les compagnies d'engrais pour leur dire de baisser leurs prix. Nous faisons porter tout le fardeau aux agriculteurs. Je dirais que ce n'est pas aux agriculteurs de résoudre le problème des coûts élevés des aliments et de subventionner le problème alimentaire dans le monde. C'est le problème du monde.

Deuxièmement, le problème des changements climatiques est immensément complexe et difficile, mais il est moins difficile à contrer que nous le pensons. Il nous faut commencer quelque part, et chaque fois que quelque chose d'important est entrepris, de virulentes critiques fusent de partout. Il nous faut encourager l'industrie à nous mener quelque part, avec les changements climatiques, et je pense que cette industrie, justement, fait quelque chose en ce sens.

Troisièmement, la réaction aux changements climatiques n'est pas un coût économique ou un problème économique. C'est plutôt la prochaine révolution industrielle, qui sera propre et durable.

Quels sont les coûts économiques des autres technologies? Combien de plus est-ce que cela coûte de produire du biodiésel pour l'éthanol cellulosique que pour produire son équivalent à base de grains?

M. Haig : Actuellement, nous coûtons moins cher qu'une usine de fabrication de biodiésel à base d'oléagineux et de produits du biodiésel. Cela dépend du coût de la matière première. Je voudrais répondre à la question très simplement d'une autre façon. Le projet de loi C-33 est important et fait le lien avec la question des subventions parce qu'il nous permet d'avoir une offre et une demande qui sont fonction de nos matières premières. Actuellement, nos produits font concurrence à un produit pétrolier. Nous avons une substance utile à une extrémité et une substance utile à l'autre extrémité, et nous vendons en fonction de ces éléments. Il faut un investissement pour faire que l'industrie soit viable dans un premiers temps. Dès que le projet de loi C-33 entrera en vigueur et stimulera la demande, il y aura découplage. Pour revenir à votre question, plus précisément, nous serons prêts au Canada parce que nous sommes un grand producteur d'oléagineux, et que nous avons de grandes quantités de matières d'équarrissage et d'autres lipides qui sont utilisés dans la fabrication du biodiésel.

Nous avons une belle occasion d'être un fournisseur à faible coût sur le marché mondial, comme le Brésil est un fournisseur à faible coût de canne à sucre. Le projet de loi C-33 est la pierre angulaire de cette démarche, parce qu'il permet à ces deux industries de se découpler, et alors, le prix sera fixé par le prix des produits de base au départ, et non pas ultimement. D'aucuns ont soutenu que ce sera plus coûteux, mais ce n'est absolument pas vrai. Je ne sais pas ce que coûtera le pétrole en 2010, mais nous avons une bonne idée pour le prix des grains, à cause de la possibilité d'acheter à l'avance des grains et des oléagineux. Ainsi, nous avons la possibilité d'être moins coûteux, et cet élément de subvention ou d'investissement deviendra partie de l'ensemble, et diminuera graduellement. Il est important de permettre à l'industrie de pousser les prix des matières premières à la baisse, et avec ce projet de loi, nous en avons la possibilité.

M. Baker : La première usine que nous allons construire l'année prochaine coûtera probablement plus pour l'éthanol fait de maïs, mais nous nous attendons à ce que ce coût diminue par la suite. Tout dépend du produit de base utilisé. Si nous utilisons les déchets municipaux triés, la partie non recyclable des dépotoirs, alors l'aspect économique sera bien mieux que si nous utilisons des matières premières de la biomasse; et c'est un avantage supplémentaire.

Un autre avantage accessoire à l'utilisation des déchets, c'est que nous nous sommes adressés à plusieurs municipalités pour qu'elles nous fournissent les déchets municipaux pour les usines futures, mais nous ne pouvons pas prendre de déchets à moins qu'ils ne soient triés. Alors plusieurs municipalités ont décidé de se mettre à trier les déchets, parce que c'est une occasion fabuleuse pour elles de se débarrasser de la partie des déchets qui n'est pas recyclable.

Le sénateur Mitchell : Étant donné que les prix des aliments suivent les prix du carburant, si l'éthanol est moins cher et fait diminuer le prix du carburant, cela contribuera à réduire les prix des aliments.

En ce qui concerne l'utilisation de l'eau, certaines critiques ont été émises au sujet de la consommation d'eau pour produire de l'éthanol. On sait qu'il faut beaucoup d'eau pour l'exploitation des sables bitumineux, mais est-ce que vous pourriez parler de la consommation de l'eau pour la production de l'éthanol?

M. Quaiattini : Le sénateur Spivak a soulevé la question de l'eau avec le ministre, et n'a pas reçu de réponse claire mardi soir.

Malheureusement, sénateurs, dans ce débat sur les biocarburants, certains chiffres assez choquants ont été énoncés. Une bande vidéo populaire diffusée sur certains sites d'opposition aux biocarburants prétend qu'il faut de 1 000 à 9 000 litres d'eau pour produire un litre d'éthanol. C'est absolument insensé.

En réalité, il faut environ trois litres d'eau pour produire un litre d'éthanol. Un tiers de cette eau est utilisée dans le processus de séchage de la matière première, quand elle entre dans l'usine.

Le sénateur Spivak : Les chiffres viennent du ministère de l'Énergie des États-Unis.

M. Quaiattini : Ce sont les chiffres que vous avez cités, sénateur. Les données que j'ai proviennent des installations elles-mêmes qui enregistrent le volume d'eau qu'elles consomment. Elles sont obligées, en fait, de les enregistrer, et elles doivent payer pour l'eau.

Le président : Monsieur Quaiattini, les chiffres englobaient non seulement l'eau utilisée directement dans le processus, mais l'eau nécessaire à la culture des grains.

M. Quaiattini : C'est l'analyse du cycle de vie dont je parlais. Je pense que vous pouvez comprendre que quand on parle de chiffres aussi gros qui sont ainsi lancés, il faut en établir le contexte.

Si vous regardez le marché américain, 85 p. 100 des champs de maïs des États-Unis ne sont pas irrigués. Il faut de l'eau pour cultiver. L'eau vient sous forme de pluie, laquelle arrose les champs de maïs tout autant qu'elle tombe sur le toit de cet immeuble et sur l'asphalte des rues, comme ce matin. Elle est là, tout simplement. Vous devez comprendre qu'il n'y a pas une seule acre de maïs utilisée dans la production de biocarburants au Canada qui soit irriguée. Nous n'irriguons tout simplement pas les cultures de maïs dans ce pays.

L'eau que nous utilisons pour cultiver les céréales tombe du ciel. Ce qu'il y a de beau, avec l'utilisation du maïs, c'est qu'il absorbe et, de manière disproportionnée, rend plus à l'atmosphère grâce à ce cycle. Par conséquent, la production d'une plus grande quantité de maïs sur nos terres agricoles a du bon pour notre environnement.

Pour mettre cela en contexte, la production d'un baril de pétrole nécessite environ 7 000 litres d'eau. Ce chiffre est en hausse, de même que l'incidence que cela peut avoir. La production d'une tonne de métaux prend environ 230 000 litres d'eau.

Je vous dirais qu'il est clair qu'il y a des demandes concurrentes sur divers fronts, pour l'utilisation de l'eau. C'est quelque chose que mon industrie prend très à cœur. Un tiers de l'eau utilisée dans les installations de production des biocarburants au Canada est recyclée, retournée à l'installation et réutilisée. Malheureusement, l'eau utilisée pour l'extraction des sables bitumineux, comme vous le savez, finit dans des bassins de décantation.

Le sénateur McCoy : N'en parlez pas, je ne crois pas que vous connaissiez vraiment le sujet. Cependant, poursuivez. Vous défendez bien les biocarburants.

M. Quaiattini : Je veux seulement faire une comparaison à cause de tout ce qu'on laisse entendre au sujet de la consommation d'eau dans le secteur des biocarburants, et les données que j'ai énoncées mettent la situation en perspective.

M. Baker : Pour résumer, une bonne part des plaintes et des critiques qui visent notre industrie relativement à la consommation d'eau viennent de secteurs dont les aquifères sont stressés, où il n'y a pas beaucoup d'eau souterraine, et l'approvisionnement en eau suscite bien des préoccupations, ce qui est tout à fait compréhensible.

Nous n'extrayons pas d'eau de l'aquifère pour cultiver le maïs en Amérique du Nord. À l'exception d'un faible pourcentage des cultures, le maïs cultivé n'est pas irrigué; il est produit avec l'apport des précipitations de pluie. Si nous sommes accusés d'utiliser de grandes quantités d'eau de pluie, nous plaidons coupables, car c'est vrai.

Le sénateur Spivak : Oui, mais il y a le blé et le canola.

Le sénateur Mitchell : L'un des gros problèmes que posent la capture et l'entreposage du carbone aux grandes centrales électriques et aux usines de traitement des sables bitumineux, à ce que je comprends — je ne suis pas ingénieur — c'est l'obtention d'un débit de monoxyde de carbone suffisamment concentré pour pouvoir le capter. Il existe des processus pour le faire, qui sont apparemment très coûteux. Cependant, avec les algues, il suffit de prendre l'effluent qui contient le monoxyde de carbone, de le disperser en bulles dans l'eau et les algues feront la séparation pour vous. C'est bien cela?

M. Haig : Absolument. Je défends d'autres sources d'énergie aussi. Par exemple, avec le charbon propre, l'idée de souffler l'effluent de charbon dans les champs d'algues. C'est très efficace, et cela permet une capture d'environ 50 p. 100. La capture ne peut se faire que quand il fait jour, pas la nuit. C'est pourquoi ce n'est que 50 p. 100. C'est très, très efficace.

Comme je l'ai dit, l'algue est un brillant petit organisme. Sur ce que nous pouvons utiliser pour le biodiésel, environ la moitié du poids est de la graisse; un tiers environ est de l'amidon que nous pouvons utiliser pour l'éthanol; et le reste est une protéine qui fait un excellent aliment pour animaux. Ce sera la prochaine génération.

Je sais bien que l'une des critiques qui sera formulée, c'est que les algues nécessitent beaucoup d'eau. Les algues, généralement, poussent mieux dans l'eau salée. Par conséquent, le meilleur endroit pour ce genre de traitement serait près des côtes, pour capturer l'eau salée et ainsi nous ne ferions pas l'objet des mêmes critiques.

Je suis sûr que vous entendrez des arguments semblables avec le temps, comme quoi la cellulose monopolisera des terres qui pourraient servir à cultiver des aliments. C'est vrai dans une certaine mesure, mais ce sont des terres marginales. Il est question de durabilité. C'est l'aspect qui ne cesse d'être soulevé.

Cependant, l'algue est un magnifique petit organisme. Personne ne s'y intéresse à grande échelle pour l'instant. Nous ne ménageons pas nos efforts en ce sens et, comme dans le cas de la cellulose, nous n'aurons pas à attendre dix ou 15 ans avant que son usage ne soit généralisé; cela aura lieu d'ici trois à cinq ans. Nous y arriverons. C'est important.

Le sénateur Mitchell : Imaginez qu'on puisse cultiver des algues dans les bassins de décantation des sables bitumineux. Vous pourriez les pomper dans les bassins.

Le sénateur Spivak : Vous plaisantez?

Le sénateur Mitchell : Pas du tout.

Le sénateur Spivak : Mais c'est toxique!

Le sénateur Mitchell : Peut-être n'est-ce pas aussi impossible que vous le pensez. Je ne veux pas sembler excessivement optimiste, mais une fois qu'on commencera à concentrer les cerveaux et les énergies sur ce problème, nous le résoudrons, je crois, beaucoup plus rapidement.

M. Haig : Le fait qu'il y a une industrie permet l'investissement. C'est pourquoi il est important de faire passer ce projet de loi. Il permet à des gens comme nous d'avoir une industrie, d'avoir un revenu à investir dans les grandes idées.

Le sénateur Mitchell : Pour terminer, ce qu'il y a d'ironique dans ce débat sur les aliments contre l'essence, c'est que s'il y a un changement climatique, ils fera d'énormes torts à la production d'aliments; il réduit déjà les stocks d'aliments, probablement plus que l'éthanol ne le fera jamais — s'il est vrai que l'éthanol peut réduire les stocks d'aliments.

Pourriez-vous nous donner une idée générale de ce que vous pensez de la taxe sur le carbone comparativement à d'autres possibilités?

Nous parlions de la table ronde nationale qui propose l'imposition d'une taxe sur le carbone — et tant mieux pour eux. Ce débat permet au marché de prendre les milliards de décisions qu'il faut prendre pour que la machine fonctionne au lieu d'un système de plafonnement et d'échange des droits d'émission, qui est exigeant au plan réglementaire, abusif et axé sur le gouvernement.

Y a-t-il une différence, du point de vue de la production d'éthanol?

M. Haig : Tout d'abord, la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie n'a pas pris position sur la taxe sur le carbone comparativement au système de plafonnement et d'échange. Je tiens à ce que ce soit clair, puisqu'il se trouve que je siège au conseil exécutif de la table ronde nationale.

Le président : Aux fins du compte rendu, comme il existe diverses tables rondes nationales, pourriez-vous nous dire de laquelle vous parlez.

M. Haig : La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie en arrive à sa 20e année de fonctionnement. Nous examinerons diverses questions, dont le système de plafonnement et d'échange et la taxe sur le carbone.

Vous voulez savoir ce que cela signifie pour nous, en tant qu'industrie? Ce que tout le monde doit comprendre, c'est que le système de plafonnement et d'échange garantit la réduction des émissions de carbone parce qu'on peut réglementer le montant de la réduction de carbone, et l'aspect de la taxe donne une garantie sur le coût, alors les deux solutions présentent des avantages. Je ne crois pas qu'elles soient mutuellement exclusives, mais ce n'est que mon point de vue et non celui de la Table ronde nationale.

Pour nous, en tant qu'industrie, cela n'a pas vraiment d'importance. Avec le biodiésel, nous assurons une réduction de 93 à 95 p. 100 des gaz à effet de serre. Il y a un flux de rentrées que nous n'avons pas encore pu réaliser dans notre démarche de modélisation parce que nous n'avons ni le système de plafonnement d'échange, ni un système de taxes. L'un ou l'autre serait avantageux.

Le sénateur Mitchell : Vous pourriez vendre des crédits.

M. Craig : Oui, ou cela pourrait compenser le prix du carburant; par conséquent, l'un ou l'autre est avantageux. Créons le crédit sur le carbone aussi, mais pour l'instant, le projet de loi C-33 est plus important pour nous.

Le sénateur Brown : Pour clarifier quelque chose, vous parliez de trois litres d'eau pour un litre d'éthanol. Il a été question d'énormes quantités d'eau utilisées pour le maïs. Je pense, à moins de me tromper, que la consommation d'eau dont a parlé le ministère de l'Énergie des États-Unis est l'eau pour l'irrigation. L'eau utilisée pour l'irrigation retourne en grande partie dans l'atmosphère.

La plante n'utilise pas vraiment l'eau; elle l'emprunte. L'eau passe par son système et s'évapore dans l'atmosphère. Les chiffres sont trompeurs si on utilise le terme « consommer » et on pense que les plantes font réellement disparaître l'eau. Elles empruntent l'eau pour pousser, et l'eau s'évapore à nouveau dans l'atmosphère.

Je pense que ce que vous faites est très valable pour l'environnement, l'industrie et les cultivateurs, puisque nous essayons de concevoir un moyen d'utiliser les déchets de toutes sortes. J'applaudis cette démarche.

Je me demande pourquoi il y a une telle différence entre ce que disent les gens sur l'éthanol cellulosique et ce que vous dites. Je suppose que c'est parce qu'actuellement, vous êtes en train de faire une espèce d'expérimentation en laboratoire pour la production d'éthanol cellulosique. Par conséquent, il vous faut du temps pour prouver que vous pouvez faire que la production cellulosique soit valable à grande échelle, au plan économique.

M. Baker : Je dirais que c'est vrai en partie. Nous avons dépassé depuis longtemps le stade du laboratoire. Nous avons deux petites usines pilotes en marche, dont une à Chatham en Ontario et l'autre au Québec. Une usine de démonstration de 10 millions de litres par année est en construction actuellement, et sera en fonction en octobre.

Le président : Est-ce que Iogen Corporation en a une assez grande?

M. Baker : Oui, ici à Ottawa, et la compagnie envisage de construire sa première usine à grande échelle. Enercam Dynamotive a une usine en construction à Westbury au Québec, en ce moment; elle sera en marche en octobre. Ils vont faire du gaz synthétique; et d'ici à décembre environ, ils convertiront ce gaz synthétique en éthanol ou en alcool. Ensuite, d'ici le premier trimestre de l'année prochaine, ils fabriqueront de l'éthanol à partir de déchets de bois.

De fait, c'est l'entente que nous avons conclue avec Hydro-Québec. Ils ont un programme de recyclage de poteaux d'électricité. Ils récupèrent des milliers et des milliers de tonnes par année de vieux poteaux de téléphone et d'électricité. Cette usine va utiliser ces vieux poteaux de téléphone, de manière continue, ces dix prochaines années. C'est une merveilleuse technologie, et l'usine est en construction en ce moment.

Nous avons depuis longtemps dépassé le stade du laboratoire, mais vous avez raison; il nous faut un peu plus de temps pour en faire une grande usine commerciale à part entière.

Le sénateur Brown : Pour revenir à l'une des questions du sénateur au sujet du coût des biocarburants qui est plus élevé en ce moment que celui des carburants conventionnels, est-ce que ce ne sera pas toujours un fait que, quand on développe un nouveau produit, son prix est déterminé par ce qu'on peut produire comme surplus sur le marché? C'est ce qui fait baisser les prix.

C'est toujours lorsqu'on nage dans l'abondance que les prix baissent. C'est le cas pour le pétrole également. Dans les années 1970, les gens faisaient la file sur plusieurs pâtés de maisons pour avoir de l'essence, et c'est par après que nous avons produit plus que nécessaire.

Je suis très favorable à l'idée d'établir une industrie des biocarburants, car la compétition permet toujours de discipliner le marché.

M. Baker : Vous avez abordé quelque chose dont nous n'avons pas traité aujourd'hui, c'est-à-dire la concurrence. Actuellement, l'industrie pétrolière détient le monopole. On ne peut faire le plein qu'avec de l'essence ou du diesel.

Le projet de loi C-33 permettrait de lancer sur le marcher un produit qui concurrencerait le pétrole et le diesel. Quand la concurrence sera suffisante, elle exercera des pressions qui forceront l'industrie pétrolière à diminuer ses prix. Cette industrie détient le monopole depuis 100 ans, et c'est une bonne chose qu'elle ait à se colleter à un concurrent au moment où le prix du baril de pétrole atteint 135 $.

Le président : Je suis désolé, c'est peut-être vrai dans certaines régions du pays, mais pas en Alberta. Nous y avons 10 p. 100 d'éthanol depuis des décennies, et nous l'utilisons.

M. Baker : C'est vrai, mais il faut que les volumes soient considérables. Le sénateur Kenny a posé une question à laquelle aucun d'entre nous n'a voulu répondre, mais je vais le faire maintenant. Il faisait référence à certains des défis ou des problèmes auxquels nous sommes confrontés; il voulait que nous critiquions notre propre industrie.

Notre plus gros défi consiste à produire rapidement des quantités suffisantes. Le sénateur Kenny a déposé le projet de loi S-7 il y a plusieurs années, lequel était très avant-gardiste. Cependant, il n'y avait pas assez d'éthanol à l'époque pour approvisionner la flotte. Nous devons pénétrer suffisamment le marché pour pouvoir démontrer rapidement l'intérêt de ce produit.

Le sénateur Brown : Je suis d'accord avec le sénateur Kenny lorsqu'il dit qu'il ne faut pas exagérer les qualités de ce carburant nouveau genre. Si nous le faisons, les sceptiques ne tarderont pas à se faire entendre.

C'est ce qu'il y a de bien avec le projet de loi. Actuellement, on y propose d'intégrer 5 p. 100 d'éthanol et 2 p. 100 de biodiésel. Les États-Unis réagissent déjà à ce qui a peut-être été un enthousiasme débridé : on a produit trop de plantes d'un seul coup, ce qui a provoqué une crise alimentaire à l'échelle mondiale.

Nombreux sont ceux qui se demandent si l'Amérique a provoqué la crise alimentaire mondiale, ce qui n'est tout simplement pas le cas. La plupart des pays frappés par la crise manquent de riz et non de maïs. La plus grande partie du maïs que cultivent les États-Unis n'est pas destinée à la consommation humaine de toute façon.

Voilà pourquoi je trouve la suggestion du sénateur Kenny très appropriée. Il ne faut pas exagérer les qualités de l'éthanol.

M. Quaiattini : Voilà qui me semble très juste.

Ici encore, mon industrie, en partenariat avec mes homologues des États-Unis et de l'Europe, a réagi favorablement aux engagements pris lors du Sommet alimentaire mondial de Rome. Comme vous le savez, les Nations Unies ont demandé aux gouvernements de mener des études supplémentaires sur les répercussions que les biocarburants peuvent avoir à moyen et long terme et sur la manière dont ils peuvent aider les pays en développement à établir une agriculture viable. C'est une tâche que nous prenons au sérieux, et nous nous réjouissons que l'on veuille approfondir la question.

Comme je l'ai indiqué dans mon mot d'ouverture, ce que le gouvernement a cru bon de proposer dans ce projet de loi, c'est l'approche équilibrée proposée par mon industrie. Nous devons établir une capacité de production au Canada. Nous ne progressons peut-être pas aussi rapidement que certains le voudraient, mais je crois que c'est une approche tout à fait adéquate pour le Canada.

Je rencontre régulièrement mes homologues des autres régions du monde. Nous prenons très au sérieux la responsabilité qui nous incombe d'étudier les défis et les occasions qui se présentent à moyen et à long terme.

Le sénateur McCoy : Je poserai une question plutôt que d'essayer de faire un témoignage.

Corrigez-moi si je me trompe, mais je ne suis pas certain qu'on nous ait indiqué le nombre d'acres de terre arabe non exploités l'autre soir. C'est ma première question.

Ensuite, si l'on remonte raisonnablement dans le temps, combien d'acres de terre arable ont disparu en raison de l'étalement urbain? Je ne crois pas qu'on ait mentionné de chiffres, mais c'est certainement une superficie substantielle. Savez-vous ce qu'il en est?

M. Quaiattini : Je suis désolé, je n'ai pas de chiffres sur l'étalement urbain. Je peux vous redonner ceux de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. Actuellement, on trouve dans le monde 41,1 millions — disons 42 millions — de kilomètres carrés de terre arable, dont environ 15 millions sont exploitées. Nous n'utilisons donc pas toute la terre à notre disposition. Des terres exploitées, environ 0,1 million de kilomètres carrés, soit un peu moins de 1 p. 100, peut servir à la culture de céréales directement destinées à la production de biocarburant. Nous ne représentons qu'une partie infime de la demande mondiale.

Les données du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire me donneront peut-être tort, mais je crois qu'au Canada, nous disposons d'environ trois millions d'hectares de terre arable actuellement non exploités, ici encore pour des raisons évidentes. Jusqu'à il y a 14 ou 15 mois, les producteurs de céréales n'avaient pas les moyens d'exploiter de manière rentable les céréales et les oléagineux; il y a donc des terres arables disponibles.

Si vous examinez les tendances dont j'ai parlé plus tôt concernant l'amélioration du rendement découlant de la nouvelle technologie, vous constaterez que l'on peut atteindre les objectifs des Nations Unies, qui souhaitent une augmentation de 50 p. 100 de la production alimentaire mondiale d'ici 2030. Nous disposons des terres et de la technologie novatrice pour faire plus avec moins, et nous recourons à des pratiques dignes du XXIe siècle. Au Canada, nous cultivons sans labours, effectuons une rotation adéquate des cultures et utilisons de moins en moins d'engrais et d'azote dans l'agriculture.

Le sénateur McCoy : Pour y aller rapidement, je poserai mon autre question à M. Haig. Combien de litres de biodiésel BIOX Corporation produit-elle?

M. Haig : Nous produisons environ 70 millions de litres annuellement.

Le sénateur McCoy : Où se trouve l'usine?

M. Haig : Au quai 12 de Hamilton, en Ontario, où vous pouvez venir jeter un coup d'œil.

Le sénateur McCoy : Il y a deux ou trois ans, nous avons effectué une étude sur les sources de biodiésel en Alberta et avons conclu qu'on ne pouvait, pour des raisons différentes, satisfaire la demande avec les huiles végétales usagées ou les résidus des usines d'empaquetage de bœuf, qui constituent deux sources de gras. En effet, il était très difficile d'établir un réseau de collecte recueillant les gras usés dans tous les petits commerces locaux; en outre, il y a une limite à la quantité de gras que les usines d'équarrissage peuvent produire. De toute façon, quelqu'un a tout arrangé.

M. Haig : Je vais vous expliquer brièvement les aspects économiques de la chose. Il existe deux raisons pour lesquelles vous en êtes arrivés à cette conclusion. La première, c'est qu'avant l'arrivée de BIOX Corporation, on ne disposait pas de la technologie permettant de transformer efficacement ce gras en biodiésel. On perd environ 20 p. 100 de la production, on peut donc éliminer la perte de nos chiffres.

Le sénateur McCoy : C'est un facteur dont on n'a pas tenu compte dans notre étude.

M. Haig : C'est l'une des études que j'ai vues.

Au Canada, on prévoit que ce projet de loi aura pour effet de stimuler une demande de 500 à 600 millions de litres. Avec les gras et les huiles de rebut — y compris les résidus d'équarrissage — nous avons probablement 400 millions de litres de matière première; le reste viendrait donc des oléagineux ou des algues.

Le sénateur McCoy : J'aimerais savoir comment vous vous approvisionnez.

M. Haig : L'industrie est très perfectionnée, vous savez.

Le sénateur McCoy : Je veux savoir comment vous obtenez vos lipides.

M. Haig : Nous les achetons d'usines d'équarrissage. C'est la raison pour laquelle nous nous installons dans les zones hautement industrielles, où l'on trouve ces gras et ces huiles. Il est très difficile d'en obtenir en Alberta, parce que la population ne se trouve pas au même endroit que les huiles et les gras. Dans la région de Toronto et de Vancouver, des réseaux très élaborés sont en place.

J'ignore quand votre étude a été faite. Nous payons pour obtenir notre matière première. Même si on aime bien dire que ce sont des déchets, ce n'en sont pas. Nous payons 600 ou 700 $ la tonne pour ces huiles. On les récupère, les nettoie et les livre à nos installations.

Le sénateur McCoy : S'agit-il d'huiles à friture utilisées dans les établissements de transformation alimentaire?

M. Haig : Oui.

Le sénateur McCoy : Elles sont le fruit de procédés industriels?

M. Haig : Oui.

Le sénateur McCoy : C'est de la production de masse.

M. Haig : Les exploitations familiales entrent également en jeu. Je ne sais pas ce qu'il en est de cette étude, mais l'autre étude indique que l'on ne pouvait pas ramasser les huiles parce qu'elles ne valaient que 120 $ la tonne. Actuellement, le prix est de 800 $ la tonne. L'industrie qui récolte les huiles dans les entreprises familiales vous étonnerait. L'augmentation des prix a permis le développement d'une industrie qui n'aurait pas existé autrement. Comme la loi interdit que l'on jette les huiles dans les réseaux d'égout, les exploitations familiales veulent maintenant qu'on les ramasse; la demande dépasse maintenant les 400 millions de litres dont j'ai parlé.

Le sénateur McCoy : Quelqu'un d'autre veut-il poser une question?

Le président : Oui, mais vous avez toujours la parole.

Le sénateur McCoy : Non, je ne ferais que lancer un débat, alors je m'abstiendrai. Je laisse la parole au prochain intervenant.

Le président : J'aimerais bien que tous les sénateurs soient aussi avisés, sénateur McCoy. Je vous remercie beaucoup. Je suis à la veille de faire un rappel à l'ordre à cet égard.

Le sénateur Trenholme Counsell : Messieurs, nous avons eu une discussion des plus intéressantes. Je ne voudrais pas débattre de la question avec vous, monsieur Quaiattini.

J'ai écouté et j'ai appris ce matin, et plusieurs de mes questions ont déjà été abordées. Je veux vous poser des questions sur l'utilisation des terres et de la production d'algues dans le Canada atlantique. L'étalement urbain y est somme toute minime, et on y trouve des terres en quantité. C'est une province fort agréable. Je ne veux pas que les gens croient que les forêts pourraient y être menacées; il y a des arbres à perte de vue.

Avez-vous envisagé de produire des céréales dans les provinces de l'Atlantique? Comme nous sommes entourés d'eau, quelles chances le Canada atlantique a-t-il de produire des algues de façon rentable? Vous dites qu'il faut de l'eau salée; eh bien, nous en avons.

M. Haig : Vous en avez beaucoup. Pour le moment, je ne suis pas en mesure de parler directement des algues. Elles sont manifestement essentielles, et nous trouverons des moyens de les cultiver là où il y a de l'eau salée et du soleil, et que tout ira très bien. Sachez que dans une petite île appelée l'Île-du-Prince-Édouard, on cultive beaucoup de pommes de terre, que l'on frit par la suite. Pourquoi ne pas faire la rotation des cultures avec le canola pour produire de l'huile avec laquelle on frirait ces pommes de terre, pour utiliser ensuite les gras et les huiles de rebut pour faire du biodiésel? Cette solution durable permettrait, à mon avis, de produire 20 à 30 millions de litres juste à partir de la friture des pommes de terre. C'est une idée qui a du potentiel. Nous examinons des études et avons communiqué avec le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard. Les agriculteurs doivent améliorer leurs pratiques de rotation des cultures. Ils doivent y intégrer le canola, idéale pour la friture des pommes de terre. Cette méthode de rotation et l'idée seraient très intéressantes.

Le sénateur Trenholme Counsell : C'est une bonne idée tant que les pommes de terre restent sur l'Île-du-Prince- Édouard, où leur renommée n'est surpassée que par celle d'Anne aux pignons verts. Quelle vue on a lorsque l'on parcourt l'Île, entouré de ces immenses champs de pommes de terre.

Il y a, au Nouveau-Brunswick, d'immenses terres où les agriculteurs s'essaient à la culture des bleuets et des canneberges. J'espère que vous penserez sérieusement au Canada atlantique, à ses terres et à son eau — je vous demande seulement de protéger nos arbres.

M. Quaiattini : Nous y avons pensé. Il y a quelques semaines, j'ai eu le plaisir de prendre la parole lors d'une conférence sur la bioénergie donnée au Nouveau-Brunswick, à laquelle participaient des représentants de tous les aspects des secteurs forestier et agricole. Dans le Canada atlantique, le potentiel réside dans la production de biocarburants de prochaine génération et les résidus de l'agriculture qui sont, en fait, créés.

Par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard et dans d'autres régions du Canada atlantique, on peut exploiter la betterave à sucre, qui pourrait servir à la production d'éthanol. Toutefois, le véritable potentiel du Canada atlantique se trouve dans les résidus agricoles.

Nous avons discuté avec un certain nombre d'organisations agricoles, qui se sont adressées à nous pour parler des perspectives, et nous poursuivrons nos échanges dans ce domaine. En ce moment-même, l'Île-du-Prince-Édouard élabore une stratégie en matière de bioénergie. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick examine également de la possibilité des biocarburants sur ce marché.

Nous poursuivons le dialogue avec ces gouvernements et ceux qui sont intéressés à établir l'industrie. Comme je l'ai dit, le potentiel réside véritablement dans la prochaine génération d'éthanol.

Le sénateur Trenholme Counsell : Lorsqu'il est question de « prochaine génération », est-ce dans cinq, dix ou 15 ans?

M. Quaiattini : Non, c'est dans le laps de temps dont on a parlé — trois ou cinq ans. On utiliserait les résidus agricoles. Cette norme nationale s'appliquera au Canada atlantique. Cette norme obligera Irving Oil à intégrer de l'éthanol à l'essence qu'elle vend dans le Canada atlantique.

Comme on l'a déjà souligné ce matin, je crois, il serait plus rentable de construire ces installations le plus près possible des raffineries pour limiter les coûts de transport. On examine actuellement cette possibilité, qu'il s'agisse de mélanger de l'éthanol à de l'essence ou du diesel. Et on y parviendrait dans les trois à cinq prochaines années, pas dans dix ou 15 ans.

M. Baker : Le secteur forestier est également intéressant. Il faudrait peut-être un peu plus que trois ou cinq ans, toutefois. Mais partout où il y a de la biomasse, il existe des possibilités. L'industrie forestière est aussi mal en point dans l'Est canadien que dans le reste du pays. Nous avons donc une occasion de créer de la valeur ajoutée dans le secteur forestier secondaire.

Je ne veux cependant induire personne en erreur. Il faudra plusieurs années avant que l'on puisse installer une usine d'éthanol à côté d'un atelier de pâtes pour produire de la pulpe, des panneaux de fibres et de l'éthanol.

C'est toutefois vers là que l'industrie se dirige. Si vous lisez les publications professionnelles de l'industrie, vous constaterez que tous les yeux sont braqués vers les biocarburants comme source de valeur ajoutée dans ce secteur.

M. Quaiattini : Notre industrie et les gouvernements concentrent actuellement leur attention sur les bioraffineries. Je sais que Ressources naturelles Canada et ses équivalents provinciaux examinent le concept des bioraffineries en consultation avec le secteur forestier. Au Canada, on trouve dans de petites collectivités rurales plusieurs infrastructures qui ne sont plus pleinement exploitées. On envisage diverses solutions pour les rendre plus viables. Les gouvernements et l'industrie s'intéressent au concept de bioraffinerie et aux investissements dans le processus intégré dont M. Baker a parlé pour en déterminer le potentiel à long terme.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'aimerais obtenir une réponse plus exhaustive sur la question des algues.

M. Haig : Elles constitueront une source importante, et je ne vois pas pourquoi le Canada atlantique ne serait pas propice à leur production. On revient donc au projet de loi : en incitant des sociétés comme Irving Oil à ajouter de l'éthanol dans leur raffinerie, des gens comme nous pourront évaluer la rentabilité de la production d'algues dans des régions comme le Canada atlantique. La mesure législative nous en donnerait la possibilité.

Je ne vois pas pourquoi on ne pourra pas y produire aussi bien ou même mieux qu'ailleurs, car on y trouve du soleil et de l'eau. Il est impossible de dire quand cela se concrétisera, mais ce projet de loi pourrait grandement contribuer à accélérer le processus.

Une entreprise du Canada Atlantique, Ocean Nutrition Canada, transforme actuellement les résidus de poisson en biodiésel. Elle extrait les acides gras oméga et transforme les résidus de la production en biodiésel.

Le sénateur Trenholme Counsell : C'est une possibilité que je vous demande d'étudier attentivement.

M. Haig : Tout dépend de l'adoption du projet de loi.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous pourriez acheter une résidence secondaire. Vous ferez suffisamment d'argent pour prendre votre retraite. Vous pourriez avoir une maison de plaisance dans le Canada Atlantique.

M. Haig : Cela me plairait bien.

Le président : Messieurs, vous comprenez peut-être mieux que nous la nature des règlements qui seront promulgués en vertu de ce projet de loi. Ce dernier, dans les faits, autorise le gouvernement à adopter des règlements relativement au biocarburant. M. Quaiattini a parlé des normes nationales, soulignant qu'il était logique d'installer des usines de production de biocarburant le plus près possible des sources de matières premières.

Cependant, la situation pourrait se révéler difficile dans certaines régions du pays. Si j'étais, par exemple, propriétaire d'une petite raffinerie à Terre-Neuve, il est peu probable que je puisse accéder facilement et à juste prix à des biocarburants produits à partir de céréales ou d'autres matières.

D'après vous, devrait-on exiger que tous les fournisseurs d'essence et de diésel comprenant du biocarburant de toutes les régions du pays respectent la même norme nationale, qu'il s'agisse de grandes sociétés nationales ou de petits fournisseurs locaux, ou devrait-on exempter quelques régions du pays de certains règlements qui seront adoptés aux termes du projet de loi?

M. Quaiattini : La politique permet d'étudier la possibilité d'accorder des exemptions aux petits fournisseurs de carburant comprenant de l'éthanol.

Le président : Je ne parle pas de ceux qui ne produisent que 400 litres par année, mais des fournisseurs et des détaillants de carburant de taille moyenne.

M. Baker : La norme en matière de carburant renouvelable prévoit une moyenne nationale variable, soit un contenu de 5 p. 100 de biocarburant. Les sociétés pétrolières peuvent donc décider de l'endroit où elle ajoute l'éthanol. Par exemple, Imperial Oil peut décider de mettre 10 p. 100 d'éthanol en Ontario et au Québec, et rien du tout dans le reste du Canada. Une autre compagnie peut décider de n'ajouter de l'éthanol qu'au Québec en raison des infrastructures en place. C'est l'industrie pétrolière qui a demandé cela lors des consultations préalables à l'élaboration du projet de loi.

Il s'agit donc d'un contenu moyen.

Le président : Je reviens à mon exemple hypothétique : j'exploite une petite raffinerie à Terre-Neuve-et-Labrador, où je suis également détaillant de carburant. Si je dois respecter une certaine moyenne, je n'ai aucune chance raisonnable de pouvoir lutter à armes égales avec Irving Oil ou Esso pour obtenir les biocarburants que je mélangerai à mon essence.

M. Quaiattini : Les normes sont fixées pour la vente de gros, mais je crois que ces questions seront soulevées pendant le processus d'élaboration de la réglementation, au cours des 12 à 14 prochains mois. L'Association canadienne des carburants renouvelables n'a pas de politique sur l'entrée en vigueur des mesures. Nous convenons que l'industrie devrait disposer d'une certaine marge de manœuvre pour le respect des normes.

En outre, il faut tenir compte des questions débattues actuellement. Comme je l'ai indiqué en répondant au sénateur Trenholme Counsell, certains gouvernements provinciaux envisagent d'adopter des politiques régionales sur l'ajout de biocarburant. Vous avez dit que l'Alberta et la Colombie-Britannique pensaient imposer les normes E5 et B5 à compter de 2010. Ces normes sont déjà en vigueur au Manitoba, en Saskatchewan et en Ontario. La politique nationale prévue au projet de loi C-33 ne fait que s'ajouter à cela. En outre, il se pourrait que les provinces puissent prendre des mesures supplémentaires si elles le souhaitent.

L'industrie préférerait toutefois que l'on rehausse la norme nationale avec le temps pour que le marché national ne soit pas envahi par des carburants comprenant n'importe quel pourcentage d'éthanol. Pour donner une idée de l'ampleur du défi, il faut voir les données économiques et les mélanges que l'on fait dans l'industrie pétrolière. On y échange et mélange couramment des carburants pour résoudre certains problèmes de production qui se posent à l'occasion.

Vous avez toutefois raison : on peut trouver des situations particulières dans des provinces comme Terre-Neuve. On pourra débattre de la question au cours du processus réglementaire. Nous sommes disposés à examiner le problème et à trouver des solutions pour que les Canadiens, notamment ceux de Terre-Neuve-et-Labrador, ne soient pas désavantagés.

Le président : Ceci s'appliquerait également aux petits producteurs.

M. Quaiattini : Bien sûr.

Le président : Le gouvernement vous consultera certainement pour élaborer ces règlements.

M. Quaiattini : En effet.

Le président : J'espère que vous tiendrez compte de l'exemple hypothétique que je viens de vous donner pour que les Canadiens de toutes les régions du pays soient traités équitablement.

M. Quaiattini : Je suis on ne peut plus d'accord avec vous.

M. Baker : Depuis le tout début du processus, l'industrie a demandé qu'on lui permette de mélanger l'éthanol là où c'est le plus rentable, insistant pour qu'on accorde une certaine souplesse aux sociétés qui n'ont pas accès aux côtes. La dernière chose que nous souhaitons, c'est que cette mesure législative échoue.

Le président : Il ne faut acculer personne à la faillite.

M. Baker : En effet.

Le sénateur Grafstein : Je suis désolé d'être en retard. J'assistais à notre caucus, où l'on annonce actuellement la politique sur le virage vert. C'est tout un changement d'optique dans le domaine.

Notre association a de quoi se réjouir, car on annonce un investissement substantiel dans la nouvelle énergie.

Il y a quelques semaines, j'ai été invité à Santa Fe, au Nouveau-Mexique, et on m'a autorisé à inspecter le centre de recherche du département américain de l'Énergie, qui s'intéresse à tous les carburants de remplacement. J'ai été particulièrement étonné qu'on y traite des algues, une source qui m'était inconnue et dont vous avez parlé, je crois. On m'a dit que les algues qui existent actuellement, si on les utilisait convenablement, pouvaient fournir suffisamment d'énergie pour alimenter tout le réseau de transport des États-Unis. Si j'ai bien compris, il ne s'agit pas seulement des algues d'eau salée, mais également de celles qui poussent dans les étangs et les rivières. Tout ce qu'il faut, c'est de l'eau et du soleil. Cet amas informe peut se transformer en carburant.

Quelle priorité votre association a-t-elle accordée à cette source? Il me semble qu'on n'aurait plus à craindre d'accaparer les terres arables pour la production de carburants écologiques, puisque cette source n'aurait aucune incidence sur l'agriculture.

Le président : Sénateur Grafstein, je suis désolé, mais nous devons étudier votre projet de loi. Avec tout le respect que je vous dois, je vous ferais remarquer que nous avons déjà traité de cette question.

Le sénateur Grafstein : Je lirai alors la transcription. Veuillez m'excuser.

Le président : Nous allons maintenant examiner le projet de loi S-206, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (au potable saine).

Les sénateurs discutent de ce projet de loi depuis des années. Cela fait-il cinq ans, sénateur Grafstein?

Le sénateur Grafstein : Sept ans.

Le président : On peut dire, sans crainte de se tromper, qu'on a eu tout le temps d'examiner attentivement ce projet de loi. Si je ne m'abuse, il n'a absolument pas changé en sept ans. C'est une mesure législative très simple, qui vise à ajouter l'eau des réseaux de distribution à la liste des aliments assujettis à la Loi sur les aliments et drogues.

Notre comité a déjà adopté ce projet de loi deux fois. Il a été adopté par le Sénat, qui l'a renvoyé à la Chambre des communes, et le revoici sur la liste de nos travaux.

Convenons-nous de procéder maintenant à l'examen article par article du projet de loi S-206, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine)? Est-on d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

Le sénateur Kenny : Comme nous l'avons déjà examiné si souvent, serait-il raisonnable de procéder avec une seule motion?

Le président : C'est possible. Chers sénateurs, nous pouvons, comme vient de le proposer le sénateur Kenny, accélérer un peu les choses et avoir quelques minutes libres avant la prochaine partie de la réunion en réglant ce dossier au moyen d'une seule motion.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Nolin : Il y aura dissidence, que ce soit par une ou dix voix.

Le président : Quelle motion devrions-nous proposer si nous voulons procéder en une seule étape?

Le sénateur Kenny : Certains peuvent dire oui, d'autres non.

Le président : Sénateur Kenny, voudriez-vous proposer une motion pour que l'on adopte le projet de loi intégralement?

Le sénateur Kenny : Je propose que l'on adopte le projet de loi et son titre. Le greffier aurait-il une formulation à me proposer?

Le président : Non, ce sont les mots d'usage.

Le sénateur Kenny : Je propose que nous adoptions le projet de loi, y compris son titre, dans sa forme actuelle.

Le président : Est-ce quelqu'un a des questions ou des observations à ajouter à ce sujet? On propose d'adopter le projet de loi, y compris son titre, tel qu'il est actuellement et dans son intégrité. Sommes-nous en faveur de la motion?

Des voix : Oui.

Le sénateur Cochrane : Je m'y oppose.

Le président : Vous vous opposez à la motion?

La motion est adoptée, avez dissidence, à six voix contre trois.

Le sénateur Sibbeston : La prochaine motion concerne le rapport sur le projet de loi.

Le président : Merci, sénateur Sibbeston.

Devrais-je faire un compte rendu au Sénat sur le projet de loi le jeudi 26 juin?

Le sénateur Kenny : Faites-le le plus tôt possible.

Le président : On propose de faire rapport sur le projet de loi dès que possible. Sommes-nous d'accord?

Des voix : Oui.

Le président : Est-ce que quelqu'un s'y oppose? La motion est adoptée avec dissidence.

Le sénateur Grafstein : Merci de ne pas avoir écouté mon discours, car je suis certain que je me serais mis à dos la plupart des gens présents.

Je tiens à remercier le comité d'avoir étudié attentivement le projet de loi. Il est toujours préférable d'examiner les mesures législatives et d'informer le public le plus possible. J'espère maintenant que nous pourrons le soumettre au Sénat, puis à l'autre Chambre.

Le président : Je vous remercie de votre persévérance, sénateur Grafstein.

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit pour l'examen du projet de loi C-474, que nous a renvoyé le Sénat hier en vertu d'un ordre de renvoi.

Nous avons devant nous l'auteur du projet de loi dans sa forme actuelle, l'honorable John Godfrey. Monsieur Godfrey, j'espère que vous nous direz ce que nous devrions savoir sur cette mesure législative et que vous êtes prêt à répondre aux questions des sénateurs.

John Godfrey, député de Don Valley Ouest, parrain du projet de loi : Je vous remercie beaucoup.

J'aimerais tout d'abord exprimer ma profonde gratitude à l'égard du Sénat, pour lequel j'ai la plus grande admiration depuis que mon père en a fait partie. J'aurais seulement préféré que les sénateurs soient nommés selon le principe d'hérédité, qui fait que le titre de sénateur passe au fils aîné; j'ajouterais que mes sœurs ne partagent pas mon avis.

En fait, c'est la deuxième fois que je suis convoqué devant un comité sénatorial. La première fois, mon père était présent, ce qui était pour le moins étrange.

Par le plus grand des hasards, votre comité a adopté, le mardi 11 juin, son neuvième rapport, dans lequel il reprend les arguments qui figurent dans le rapport d'octobre 2007 du commissaire à l'environnement et au développement durable. Comme vous l'aviez fait dans votre rapport de juin 2005, vous demandez instamment au gouvernement d'élaborer une stratégie fédérale claire en matière de développement durable. Une telle stratégie permettrait de réaffirmer l'engagement du gouvernement dans ce domaine et aiderait les ministères fédéraux à préparer leurs propres stratégies. Plus important encore, elle offrirait peut-être une vision commune pour un avenir durable. Or, c'est exactement l'objectif de ce projet de loi. C'est la réponse à vos attentes.

Si seulement nous pouvions toujours progresser aussi vite.

Il s'agit d'une conjoncture remarquable, si je puis dire, de la convergence d'un point de vue commun à toutes les parties. Depuis 1995, les ministères élaborent séparément des stratégies de développement durable que rien ne relie au sommet de la hiérarchie; elles ne s'inscrivent pas dans une vision globale. Comme il n'existe pas de méthode commune d'évaluation des réussites et des échecs, on a l'impression qu'à tous les trois ans, on confie le mandat à un subalterne pour qu'il effectue le travail. C'était, de façon générale, la façon de procéder.

Tous les récents ministres de l'Environnement — Stéphane Dion, Rona Ambrose et John Baird — ont reconnu que cette méthode était un échec, ce qu'ont d'ailleurs admis les commissaires à l'environnement successifs, qu'il s'agisse de Johanne Gélinas ou du commissaire par intérim, Ron Thompson. Le Groupe d'experts en environnement et développement durable du Bureau du commissaire à l'environnement et au développement durable a fait exactement le même constat.

Tout le monde est d'accord, et le gouvernement lui-même a demandé à Environnement Canada de se pencher sur la question pour formuler des recommandations à l'automne.

Il fallait donc résoudre un problème que tout le monde s'attendait à trouver difficile. On souhaitait élaborer une vision commune pour l'ensemble du gouvernement fédéral, préparée centralement par un comité du Cabinet pour permettre aux ministères et organismes de faire une contribution conforme à une stratégie globale et évaluée dans son ensemble; on voulait également que le commissaire à l'environnement approuve le résultat. On en est ainsi arrivé au projet de loi C-474. Il s'agissait initialement d'un modèle, que la Fondation David Suzuki a présenté en se fondant sur une étude menée sur d'autres pays, comme la Suède. Cette étude comprenait déjà cette vision globale, cette stratégie nationale de développement durable.

En tirant parti du processus parlementaire de la Chambre et des comités, malgré les différends qui peuvent nous opposer et qui ont parfois des répercussions au sein des comités, comme celui de l'environnement, nous avons pu collaborer avec le secrétaire parlementaire du ministre conservateur de l'Environnement, M. Warawa. Nous avons travaillé avec le Bloc québécois et le NPD, écoutant attentivement les objections soulevées à la deuxième lecture.

Nous avons fait des compromis. Par exemple, nous avions prévu initialement la nomination d'un commissaire à l'environnement indépendant. C'est une idée qui a encore de nombreux adeptes, dont certains viennent de l'extérieur du Bureau du vérificateur général. Elle exigeait toutefois une recommandation royale et de nouveaux débours. Nous avons donc fait savoir que nous travaillerions avec les conseillers juridiques, le commissaire à l'environnement et le vérificateur général pour fonctionner avec le système actuel, car c'est tout ce dont nous disposons. C'est un changement notable par rapport au projet de loi original, qui prévoyait la nomination d'un commissaire indépendant.

Initialement, le projet de loi comprenait ce que nous appelions une stratégie nationale de développement durable. Mais nous n'avons pas tardé à nous retrouver dans des domaines de compétences conjointes, au risque de faire réagir les provinces.

Certains intervenants, et même les commissaires à l'environnement actuels et antérieurs, nous ont conseillé de parler plutôt d'une stratégie fédérale de développement durable, qui couvrirait toutes les activités et les politiques de l'ensemble des ministères fédéraux et de certains organismes figurant dans l'annexe du projet de loi; nous demeurerions ainsi clairement dans notre sphère de compétences. Cela a été un point tournant pour le Bloc québécois, qui a changé d'avis et nous a appuyés.

Fait plutôt inhabituel, j'ai déposé, lors de la comparution devant le comité, une sorte de deuxième version non officielle, qui tenait compte des commentaires recueillis des deux côtés de la Chambre, et ce, pour montrer que nous étions disposés à faire des compromis et à travailler en collaboration. Les gens ne discutaient pas vainement d'aspects qui, il faut en convenir, n'en valaient pas la peine.

Je dois féliciter le gouvernement, en particulier le secrétaire parlementaire, pour la bonne volonté dont ils ont fait preuve dans le cadre de la modification du projet de loi et de son adoption à la Chambre des communes. C'est le fruit d'un énorme effort de collaboration avec le bureau du commissaire, ses conseillers juridiques, le conseil législatif et le Cabinet du ministre.

Je me réjouis que le projet de loi en soit rendu à la présente étape, car c'est ici que mon rôle prend fin. Je comprends, bien sûr, que vous avez un devoir à accomplir. Ce serait tout à fait déplacé de ma part de laisser entendre, d'une manière ou d'une autre, que si un aspect du document qui vous est soumis ne vous convient pas, vous ne feriez pas ce pourquoi vous êtes ici, c'est-à-dire effectuer une analyse objective et repérer des erreurs qui, je le sais, parsèment occasionnellement les projets de loi approuvés par la Chambre des communes. Nous savons que vous ne ferez rien de moins que votre devoir, en prenant cette mesure législative au sérieux plutôt que de vous contenter de l'approuver sans lui donner toute l'attention qu'elle mérite.

Je puis toutefois vous assurer que ce projet de loi a fait l'objet d'intenses négociations et d'un examen attentif au sein du gouvernement. Je suis très heureux que tous les partis de la Chambre l'aient approuvé à l'unanimité vendredi dernier, à toutes les étapes, pour que vous puissiez au moins réfléchir à la question avant les vacances d'été.

J'espère vous avoir donné un aperçu de l'historique du projet de loi, du contexte dans lequel nous sommes parvenus là où nous en sommes et, je l'espère, de l'esprit qui nous amènera à la prochaine étape.

Le président : Merci, monsieur Godfrey. Je tiens à ce que vous compreniez, comme je sais que c'est le cas, que si ce projet ne correspondait pas aussi parfaitement à ce que nous réclamons depuis des années, comme vous l'avez fait remarquer, et, pour être honnête, si ce n'était pas vous qui le présentiez, nous ne serions pas en train de l'examiner. Il y a d'autres dossiers, dont des projets de loi du gouvernement, qui sont prioritaires et qui doivent être réglés avant le congé d'été. C'est un grand compliment que nous faisons au projet de loi et à vous-même, monsieur, car nous avons tous une dette envers vous pour les efforts que vous déployez en matière d'environnement.

J'aimerais vous donner un peu de contexte au sujet des erreurs et des omissions que — vous l'avez fait remarquer — laisse parfois échapper la Chambre des communes et la commission; nous en trouvons aussi à l'occasion.

Il y a un point que les sénateurs aborderont au sujet des projets de loi, particulièrement dans le domaine environnemental, qui sont passés par la Chambre des communes et le gouvernement, tant celui au pouvoir que les précédents, un point qui nous préoccupe et dont j'ai déjà fait mention — vous saurez ainsi que ce n'est pas nouveau; c'est le fait que l'on omet de dire que les rapports du commissaire ne sont remis qu'à la Chambre des communes et non au Sénat, comme c'est le cas dans le présent projet de loi, par exemple, à la page 7, dans les nouveaux paragraphes 23(2), (4) et (5). Le vice-président nous en parlait justement avant de commencer. Je vous dis cela pour que vous compreniez pourquoi certaines questions vous seront posées.

Le sénateur Nolin : Je vous remercie d'avoir accepté de comparaître. Je vais continuer dans la même ligne que le président. Lorsque l'on lit la première ébauche de la mesure législative, la version de la première lecture et le résultat final adopté par la Chambre des communes, on constate une évolution notable à plusieurs égards, comme le nouveau bureau créé en vertu de l'article 7, qui s'appellera le « bureau de développement durable ». Ce dernier préparera un rapport d'étape — prévu au paragraphe 7(2) — qu'il ne remettra qu'à la Chambre des communes. Pourquoi seulement à la Chambre?

M. Godfrey : Il ne fait aucun doute que ce rapport devrait également être remis au Sénat. Il n'y a aucune raison que ce ne soit pas le cas. Je suppose que lorsque nous avons préparé le document, nous nous efforcions de nous concentrer sur les aspects qui relèvent de notre sphère de compétences. Vous avez toutefois entièrement raison; cette activité serait incomplète si le rapport n'était pas remis au Sénat en même temps. Ce que vous dites est tout à fait juste.

Le sénateur Nolin : J'ai un commentaire semblable au sujet de l'ébauche de la stratégie fédérale de développement durable. Au paragraphe 9(3), on peut lire que la version préliminaire — ou « draft » dans la version anglaise — ne sera envoyée qu'à la Chambre des communes, puis au Comité permanent de la Chambre des communes chargé des questions environnementales. Est-ce pour la même raison?

[Français]

M. Godfrey : J'ai tout à fait la même réaction; je crois que, pour améliorer le plan, cela devrait être soumis aux deux Chambres, d'une façon ou d'une autre. Un deuxième examen ne pourrait que renforcer et améliorer le plan.

Le sénateur Nolin : Je comprends que la version officielle du plan sera distribuée aux deux Chambres du Parlement.

M. Godfrey : Oui.

Le sénateur Nolin : J'aurais une question sur l'article 11 où vous faites référence à l'annexe 1, qui établit les agences. Pourquoi s'être limité uniquement aux agences qui relèvent de l'autorité fédérale et ne pas avoir inclus toutes les entités qui sont dans le rayonnement de la juridiction fédérale?

M. Godfrey : Il y avait toute une discussion à ce sujet car je dois dire que les agences qui sont nommées dans l'annexe sont des agences qui déjà, par règlement, sont soumises à la nécessité de soumettre une stratégie sur le développement durable. Il y avait une liste, à l'origine, de six agences, et deux ont été rajoutées par règlement plus tard. Donc, c'est la liste existante pour les stratégies de développement durable.

Nous avons débattu de la question, par exemple, des sociétés d'État. Finalement, nous nous sommes avisés que les sociétés d'État sont couvertes par le fait qu'elles relèvent des ministères déjà nommés. Je dois vous dire qu'il y avait tout un débat sur ce qu'il fallait inclure ou non; et je crois que c'est au moins la liste existante que nous prenons de l'acte du vérificateur général de 1995, avec des ajustements depuis par règlement.

[Traduction]

Le sénateur Nolin : Je comprends l'article 12, mais j'aimerais que vous expliquiez ce qu'on entend par « contrats fondés sur le rendement ».

M. Godfrey : Je vais essayer d'en expliquer l'intention. Cependant, j'aimerais d'abord dire à quel point je me réjouis que le gouvernement nous autorise à déroger de la procédure habituelle; en effet, c'est un comité du Cabinet qui devrait être chargé du dossier. Ces comités, qui font partie des rouages gouvernementaux et relèvent du premier ministre en poste, n'aiment pas qu'on se mêle de leurs affaires. Vous remarquerez toutefois que l'on propose de confier la supervision du développement et de la mise en œuvre à un comité du Conseil privé de la reine pour le Canada, qui est le terme exact pour « comité du Cabinet ». Une autre loi prévoit quelque chose de semblable : la Loi sur la gestion des finances publiques, aux termes de laquelle on a créé le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Il y a eu un petit précédent, mais il ne s'agissait pas d'un projet de loi émanant d'un député.

Le défi consistait notamment à élaborer un mécanisme qui nous permettrait d'envoyer un signal très clair non seulement aux ministères, mais également à leurs principaux dirigeants. Les contrats fondés sur le rendement prévus à l'article 12 constituent un incitatif, car nous invitons les sous-ministres, jusqu'à un certain niveau, à considérer que ces aspects relèvent de leurs responsabilités. S'ils font preuve de négligence en s'acquittant des obligations qui leur incombent aux termes de la loi, ce sera indiqué dans l'examen de leur contrat. Auparavant, les stratégies de développement durable ministérielles n'étaient pas prises au sérieux, car les ministères n'avaient pas de conséquences à assumer. Avec le projet de loi C-474, nous voulions non seulement centraliser le processus et en confier la surveillance à un comité spécial créé au sein d'Environnement Canada et au commissaire à l'environnement et au développement durable, mais également imposer des conséquences aux hauts dirigeants des ministères qui ne se conforment pas à la mesure législative.

Si le projet de loi ne précise pas la teneur de la stratégie, il exige néanmoins que les ministères en élaborent une bien concrète, qui pourrait être soumise à l'évaluation de tiers. Permettez-moi d'ajouter quelque chose que j'aurais dû dire plus tôt. Cette démarche s'inscrit dans un processus intérimaire, car ce ne sera certainement pas la dernière étape de la création d'une stratégie fédérale de développement durable. Ce n'est que le premier pas. À mesure que nous en apprenons davantage au sujet des défis et des facteurs environnementaux dont nous ne nous soucions pas il y a vingt ans, nous devrons intégrer ce savoir dans les indicateurs.

C'est un processus en constante évolution. Nous ne pourrons jamais nous asseoir sur nos lauriers, parce que notre compréhension des questions environnementales ne cessera de s'améliorer à mesure que nous découvrirons de nouvelles horreurs et des façons novatrices de résoudre les problèmes.

Le président : La mentalité écologique, à laquelle le vice-président a fait référence concernant les contrats fondés sur le rendement, existe déjà un peu sous la forme d'une entente philosophique. Par exemple, le fond sur l'infrastructure actuel exige le respect de certaines normes, n'est-ce pas?

M. Godfrey : C'est exact, mais il n'y a jamais eu de stratégie globale. Lorsque j'étais ministre de l'Infrastructure, je me suis rendu compte que nos programmes prenaient une tangente de plus en plus écologique à chaque nouvelle mise à jour. Lorsque nous avions à choisir parmi différents projets proposés, nous options pour des projets écologiques comme l'assainissement des eaux ou le transport en commun. Toutefois, tous ces projets ne faisaient pas partie d'un plan global et les décisions étaient prises en fonction des impressions du moment. J'avais la conviction que le développement durable était la voie à suivre.

Une situation semblable s'est produite dans le cas de la taxe sur l'essence, c'est-à-dire que nous avons décidé d'établir des infrastructures municipales durables et de vérifier cinq ans plus tard dans quelle mesure ces investissements avaient permis de nettoyer l'air et l'eau et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Aussi, au bout de cinq années, il a fallu mettre en place un plan intégré de développement durable communautaire pour tous ceux qui bénéficiaient de la taxe sur l'essence. Malheureusement, cela ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une initiative globale.

Le modèle suédois prône les progrès collectifs de la société, alors chacun des éléments qu'il propose sont interreliés. Quand on parle d'infrastructures, il faut aussi penser aux transports, et l'on doit veiller à ce que toutes les politiques pointent dans la même direction et à ce qu'elles ne s'annulent pas entre elles.

Le président : Précisément.

Le sénateur McCoy : Je vous félicite d'avoir présenté ce projet de loi. Je sais que vous avez dû faire beaucoup de compromis pour y arriver. Je tiens à souligner particulièrement l'article 5, qui se lit comme suit :

Le gouvernement du Canada... reconnaît la nécessité de prendre ses décisions en tenant compte des facteurs environnementaux, économiques et sociaux.

Voilà ce qu'est réellement le développement durable, à l'opposé de la prémisse populaire voulant qu'on le protège pour les générations futures. Au moins, cette partie est préservée, et je dis tant mieux.

J'appuie totalement l'article 12 à propos des contrats fondés sur le rendement, parce que je crois qu'aucune autre stratégie prévue par le projet de loi n'aura autant d'impact que celle-là.

J'ajouterais aussi que je suis d'accord avec les commentaires selon lesquels les rapports présentés à la Chambre des communes devraient également être soumis au Sénat.

J'essaie de bien comprendre les échéanciers présentés. C'est quelque chose qu'il faudrait regarder de plus près. Le paragraphe 9(1) prévoit un délai de deux ans pour l'élaboration, par le ministre, d'une stratégie fédérale de développement durable. On indique que la version préliminaire devra être transmise au Conseil consultatif sur le développement durable, au commissaire à l'environnement et au développement durable, ainsi qu'au gouverneur en conseil, c'est-à-dire au Cabinet, de même qu'à la Chambre des communes ou au Sénat, selon ce qui est décidé.

On répète également la mention « dans le délai prévu au paragraphe 9(1) ». Pouvez-vous nous expliquer quelle est l'intention ici?

M. Godfrey : Le défi consistait à allouer suffisamment de temps pour faire le travail correctement et pour ne pas qu'on se retrouve coincés avec quelque chose qui, après mûre réflexion, s'avérerait problématique. Il fallait qu'un document préliminaire soit produit après les deux premières années et que celui-ci puisse être examiné par le plus de gens possible avant qu'on ne se remette au travail. C'est un peu le même principe pour la publication de projets réglementaires. J'ai dû faire preuve de prudence. Nous voulions exercer suffisamment de pression pour que les choses bougent et que les gens puissent formuler leurs commentaires et apporter les améliorations et les amendements nécessaires au document préparé, avant de mettre en place des initiatives dont on pourrait suivre l'évolution. Nous avons mené de vastes consultations. Initialement, le projet de loi prévoyait un délai d'un an, ce qui était tout à fait impensable.

Nous avons consulté le commissaire pour savoir ce qui serait, d'après son expérience, un délai raisonnable pour produire des documents préliminaires (même inefficaces), les faire examiner et revenir avec quelque chose de concret. Nous avons fait la même chose auprès du gouvernement, en sachant bien qu'un comité du Cabinet devrait être établi.

De plus, une fois la stratégie globale établie, il faut bien sûr que les stratégies ministérielles viennent s'y rattacher. Il est alors nécessaire de créer un cadre de travail dans lequel ils devront fonctionner. Toutefois, ils ne peuvent pas le faire avant de savoir à quoi ressemble le plan. Entre-temps, ils continuent à soumettre leurs plans comme ils le font depuis 1995. Une fois la stratégie globale en place, les ministères et organismes soumettront leurs plans, qui seront aussi examinés par le commissaire, et ainsi de suite. C'est donc un processus par étapes interreliées que nous avons élaboré, sans nous limiter à des contraintes artificielles, mais en exerçant suffisamment de pression pour faire avancer les choses.

Le sénateur McCoy : Ce sera serré. Vous faites souvent mention d'une période de trois mois, ou de 120 jours, mais je présume que les choses se feront simultanément.

M. Godfrey : Oui, mais dans certains cas, il faudra y aller une étape à la fois. Le délai de 120 jours a été jugé acceptable par tout le monde. Les gens que l'on a consultés étaient d'avis que ce n'était pas une demande déraisonnable, mais qu'on éviterait tout de même ainsi de faire traîner les choses indéfiniment.

Le sénateur McCoy : Au paragraphe 8(3) on indique que les représentants nommés au Conseil consultatif exerceront leurs fonctions sans aucune rémunération et ne pourront pas se faire rembourser les frais entraînés par l'exercice de ces fonctions. Croyez-vous que cela pourrait dissuader des personnes réputées de siéger à ce conseil?

M. Godfrey : Je vais vous expliquer d'où vient ce paragraphe. Dès qu'il était question de remboursement ou de rémunération sous quelque forme que ce soit, il fallait penser à obtenir la recommandation royale, mais je n'ai pas eu de chance avec les questions d'argent. Nous avons donc décidé que ce conseil allait probablement se rencontrer, je ne dirais pas virtuellement, mais par l'entremise notamment de téléconférences. Nous espérons attirer les bonnes personnes, en leur demandant de considérer leurs fonctions comme un service public. Dans un monde idéal, ce n'est pas nécessairement ainsi que j'aurais voulu procéder, mais si je n'avais pas énoncé clairement qu'aucune dépense additionnelle n'allait être engagée, j'aurais dû entreprendre des démarches pour obtenir la recommandation royale, ce que je n'avais envie de faire.

En se réunissant ainsi, c'est aussi une façon d'éviter les émissions de carbone.

Le sénateur McCoy : La nouvelle version de votre projet de loi est beaucoup moins explicite que la version initiale en ce qui a trait aux éléments qui allaient composer la stratégie de développement durable, nationale ou fédérale, et c'est regrettable. Honnêtement, c'était là un des faits saillants de votre projet de loi initial, parce que cela nous permettait d'avoir une très bonne idée des initiatives qui pourraient être entreprises. Je ne vous demanderai pas comment vous vous sentez à propos de cette nouvelle version. Je ne voudrais pas jouer aux journalistes.

M. Godfrey : J'aurais l'impression d'être chez Oprah.

Le sénateur McCoy : Comment allons-nous faire pour garder l'erre d'aller que pouvaient nous donner les articles en question de votre projet de loi initial? Comment pouvons-nous être sûrs que le ministre, et je présume aussi le comité du Cabinet — qui m'inspire moins confiance que vous —, vont bel et bien présenter des projets de substance qui porteront réellement à l'action, contrairement à beaucoup des stratégies de développement durable en place qui n'ont pas eu d'effets notables?

M. Godfrey : Les responsabilités confiées au Cabinet et l'obligation de rendre compte au Parlement forcent le ministre — c'est maintenant le ministre de l'Environnement qui a la tête sur le billot — à élaborer ce plan, et il ne le fait pas tout seul. Le ministre doit travailler en collaboration avec ses collègues du Cabinet au sein d'un comité, alors je crois que nous avons mis en place des conditions gagnantes. Il y a une ligne directe de responsabilité, alors qu'auparavant, toute l'entreprise était vraiment diffuse, avec les plans de chacun des ministères.

Le sénateur McCoy : Je suis d'accord avec vous, mais c'est l'essence de la stratégie.

M. Godfrey : Nous avons mis de côté beaucoup d'énoncés idéalistes. Par exemple, le projet de loi initial contenait une certaine dose de poésie, si je peux m'exprimer ainsi. Nous avions établi des objectifs précis, notamment de devenir un leader mondial pour ce qui est d'adopter des habitudes de vie favorisant le développement durable et la protection de l'environnement, par l'utilisation efficiente et efficace de l'énergie et des ressources. L'annexe contenue dans le projet de loi original était très ambitieuse. Le premier objectif consistait à générer une richesse véritable. C'est toutefois quelque chose qui est très difficilement mesurable. Le deuxième était d'accroître l'efficience environnementale en adoptant des sources d'énergie propre, en réduisant la production de déchets et la pollution et en protégeant l'air; des objectifs tout à fait acceptables, mais n'ayant aucune réelle signification sur le plan juridique, parce qu'il sont avant tout idéalistes. Ce sont des éléments que le gouvernement peut examiner à titre d'indicateurs, d'objectifs et de buts.

Comme nous ne pouvons pas tout avoir, nous disons au gouvernement qu'il doit prendre la situation en main. Nous lui donnons des idées, mais il n'est pas tenu de les suivre. Il n'a pas à respecter la liste qu'on lui donne. Il s'agit d'éléments que nous jugeons importants.

Donc, nous devons prendre la gageure — et c'est ce que je fais en tant qu'historien — que nous ne reviendrons pas en arrière et que nous n'en saurons pas moins sur les problèmes environnementaux. Le développement durable demeurera un projet en constante évolution qui pointera toujours dans la même direction. Nous devons croire que ces questions revêtiront encore la même importance à nos yeux dans le futur.

Il aurait été utile d'avoir toutes ces choses dans le projet de loi, mais cela ne change pas le principe fondamental, c'est-à-dire que nous avons besoin d'un plan global, peu importe le gouvernement en place ou les allégeances politiques. Différents gouvernements pourront choisir d'accélérer le processus et de miser davantage sur d'autres mesures; des impondérables que nous ne pouvons pas toujours envisager. C'est là que les choses se compliquent. Nous savons que nous devons faire les premiers pas. Cela aurait été fantastique d'avoir été en mesure d'inclure tous ces éléments dans le projet de loi. J'y avais incorporé des idées proposées par le groupe Natural Step Canada, qui est une de mes organisations préférées, mais il est encore plus important de partir le bal et de reconnaître que le tout va prendre de l'essor. Il faut croire que l'initiative prendra son envol dans le cadre de ce processus critique. Si nous ne faisons pas bouger les choses, rien ne se passera.

Le sénateur McCoy : Il existe des lois qui incluent ce genre d'objectifs et qui précisent qu'il ne s'agit pas d'une liste exhaustive. Dans l'intention de faire avancer les choses, vous avez laissé tomber cet aspect pour le moment. Il semble alors encore plus important que ceux qui ont le mandat d'examiner les dossiers en profondeur et à penser à long terme — comme nous, les sénateurs — sont amenés à prendre part au processus. C'est ce genre de comité qui pourra probablement intervenir et maintenir cette liste de façon à mesurer si les objectifs que nous souhaitons tous atteindre avec votre projet de loi ont bel et bien été mis de l'avant par le ministre en poste. Merci, et beau travail.

M. Godfrey : Merci.

Le sénateur Kenny : Bienvenue, monsieur Godfrey. C'est un superbe document qui me touche particulièrement et qui rejoint sûrement aussi les autres membres du comité. Vous avez entendu aujourd'hui un des membres, voire tous les membres du comité, dire qu'avant de pouvoir l'adopter, il faudra modifier le projet de loi de façon à mieux tenir compte du Sénat.

J'aimerais vous poser une question à propos de l'article 5. Revenons au temps du gouvernement Mulroney. Vous vous rappellerez que juste avant leur discorde, M. Mulroney avait nommé M. Bouchard ministre de l'Environnement. Il s'agissait là d'une nomination remarquable étant donné que M. Mulroney semblait faire d'Environnement Canada un organisme central du gouvernement; c'était à tout le moins l'impression que l'on pouvait avoir vu de l'extérieur. Tout semblait indiquer que pour inciter son ami à être plus actif sur la scène fédérale, il lui avait promis un ministère ayant les pouvoirs des Finances ou du Conseil du Trésor. Chaque loi devait être présentée au préalable à Environnement Canada, et tant et aussi longtemps que la signature de M. Bouchard n'était pas sur le projet de loi, celui-ci ne passait pas à la prochaine étape.

Vous n'allez pas aussi loin ici, mais vous vous dirigez dans la même direction. Vous êtes en train de jeter les bases, si vous voulez, du même genre de rapports.

Vous étiez là lorsque cette histoire d'amour a pris fin, et vous avez dû voir avec un certain intérêt que le ministère, dès le départ de M. Bouchard, a repris son rôle quasi invisible au sein de la fonction publique.

Quels compromis aviez-vous en tête pour ce projet de loi? Avez-vous envisagé la possibilité d'employer le modèle que MM. Mulroney et Bouchard avaient établi? Si oui, pourquoi ne l'avez-vous pas fait?

M. Godfrey : C'est une excellente question. En tant qu'ancien historien et député libéral sur le point de se retirer, je crois que je serai bientôt plus lucide que jamais face à cette question.

La situation que vous avez décrite, ce grand moment pour l'environnement, s'est produite à la fin du gouvernement Mulroney. Toute personne raisonnable reconnaît que le ministre s'est vu confier d'énormes responsabilités, c'est-à-dire le plan écologique du jour et l'élaboration d'indicateurs; tous des éléments auxquels nous revenons aujourd'hui.

Vous avez soulevé une question intéressante, à savoir comment sortir Environnement Canada de son ghetto. Si vous regardez ce qui était initialement prévu par le projet de loi, vous constaterez que l'entreprise ressemblait plus à un Cabinet de guerre pour l'environnement ou quelque chose du genre. Le plan original n'était pas de donner autant de pouvoirs à Environnement Canada, parce que le ministère ne semblait pas occuper la place qu'il faut pour exercer ce genre d'autorité. Comment Environnement Canada peut dire au ministère des Finances de changer ses règlements sur le pétrole et le gaz naturel?

Nous voulions trouver un équilibre en utilisant l'autorité centrale du Bureau du Conseil privé, reconnaissant, comme la réalité politique du jour, que nous avions en fait régressé par rapport à la surveillance environnementale, si je peux m'exprimer ainsi. Nous tentions ainsi de regagner du terrain.

C'est un projet de loi d'initiative parlementaire; je suis membre de l'opposition; il y a un gouvernement en place — voilà où nous en sommes. Sur quoi le gouvernement du jour, l'opposition et les autres partis peuvent-ils s'entendre, au minimum, pour enclencher le processus?

Si j'avais à choisir, j'établirais évidemment une entité semblable au Conseil du Trésor ou un organisme central qui gèrerait le tout, mais ce n'est pas à moi de décider. Je vis actuellement un moment historique.

Il a été assez difficile de dégager cette loi sur le développement durable du remous entourant le Protocole de Kyoto et les changements climatiques. Toutes ces choses sont bien sûr reliées, mais je ne voulais pas me retrouver dans une impasse. Vous vous souviendrez sans doute que le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes était déchiré par des différends à propos de deux autres projets de loi d'initiative parlementaire : la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, le projet de loi C-288 de Pablo Rodriguez, et le projet de loi C-377 de Jack Layton. C'était tout à fait improductif, à mon avis.

Même si j'appuyais les principes véhiculés par ces projets de loi, le processus en soi a été grandement destructeur. Notre comité a jugé que le projet de loi de Jack Layton, le projet de loi C-377, constituait de l'obstruction politique. Nous n'avons même pas réussi à régler les différends par nous-mêmes. Nous avons dû transmettre le dossier à la Chambre pour qu'elle trouve une solution pour certains amendements que nous n'avions même pas prévu examiner.

Si j'ai appris quelque chose au cours de mes 14 années au Parlement, c'est qu'il faut être réaliste. Il faut comprendre comment travailler avec les forces en place. Je dirai encore que parce que je crois que l'histoire a montré que ces stratégies nationales de développement durable sont toujours en constante évolution — compte tenu des nouvelles réalités, des nouvelles perceptions et des développements scientifiques —, il était plus important de faire les premiers pas. Je me répète souvent d'ailleurs les paroles de Voltaire : le mieux est l'ennemi du bien. Je n'aurais pas été plus avancé de présenter un projet de loi parfait si je n'avais pas au moins pu me rendre à cette étape-ci. C'est ainsi que je vois les choses.

Si j'étais au pouvoir pendant une minute, je crois que je reviendrais au régime de M. Mulroney et de M. Bouchard. Ce n'est toutefois pas le cas. Je suis un simple député d'arrière-ban, qui tente du mieux qu'il peut d'enclencher le processus.

Le sénateur Nolin : J'aimerais préciser les propos de mon collègue, le sénateur Kenny. Je tiens à indiquer que j'étais proche du gouvernement à ce moment-là.

Le sénateur Kenny : Il était l'un des artisans des plans en question.

Le sénateur Nolin : Il n'y avait pas que sur les projets de loi que le ministère avait son mot à dire; il faisait autorité sur toutes les dépenses du gouvernement. C'était en fait comme une réplique du Conseil du Trésor, mais avec une dimension environnementale. Il fallait obtenir deux approbations avant de pouvoir dépenser de l'argent au gouvernement.

Vous avez raison à propos des rapports entre les deux individus et du fait que le ministre de l'Environnement avait été saisi de pouvoirs semblables à ceux d'un organisme central. C'était très efficace. Bien sûr, tous les autres ministres n'étaient pas d'accord avec cette façon de faire, mais cela fait partie du travail de premier ministre d'essuyer la critique.

Le sénateur Mitchell : Toutes mes félicitations, monsieur Godfrey. C'est vraiment une très belle réalisation. Je sais que vous avez travaillé dur pour obtenir ce que vous récoltez aujourd'hui.

Des réserves ont été exprimées à propos de l'absence du Sénat dans le processus d'examen prévu par le projet de loi. C'est toujours un sujet délicat, et vous avez très bien répondu aux commentaires formulés.

Je crains toutefois que cela nous amène à modifier le projet de loi et à le renvoyer à la Chambre.

M. Godfrey : Voilà le problème.

Le sénateur Mitchell : J'ai employé une analogie un peu plus tôt : vous êtes en train de gagner la course quand un chien vous mord. Vous vous arrêtez pour lui donner un coup de pied. Vous vous sentez mieux pendant quelques secondes, mais vous venez de perdre la course.

J'aimerais éviter ce genre de situation.

Le sénateur Kenny : Le sénateur Mitchell compare le Sénat à un chien, et je n'apprécie pas beaucoup.

M. Godfrey : Le chien ne s'appelle pas Kyoto.

Le président : Nous sommes des saint-bernards dans la situation actuelle.

Le sénateur Mitchell : Pendant que les chiens aboient, la caravane passe.

M. Godfrey : Il ne faut pas se contenter d'aboyer.

Le sénateur Mitchell : Bon, passons. J'ai été surpris d'entendre le sénateur Nolin dire plus tôt, dans le cadre de notre discussion informelle, que — et peut-être y avez-vous fait allusion dans vos commentaires en français — le Sénat faisait partie du processus d'examen dans une version précédente du projet de loi.

Le président : Les comités du Parlement.

Le sénateur Mitchell : Oui, ce qui nous porte à croire qu'il y a peut-être eu un compromis qui a mené à un amendement; un compromis pour apaiser certaines inquiétudes ou satisfaire certains intérêts de la Chambre des communes.

M. Godfrey : J'essaie de doser entre la franchise et la diplomatie. Les amendements qui sont venus supprimer ces mentions ont été proposés par le gouvernement. J'imagine qu'il avait ses raisons.

Je comprends parfaitement pourquoi vous voulez rectifier la situation, mais je me demande s'il n'y aurait pas une façon de le faire sans proposer un amendement. Comme j'ai décidé de me retirer, si le projet de loi est modifié de façon formelle, il serait renvoyé à la Chambre et il faudrait choisir à l'unanimité un nouveau porte-parole.

Ayant passé au travers de ce processus pas plus tard que vendredi dernier, je peux vous dire qu'il est difficile d'obtenir un consentement unanime pendant la plus tranquille des journées de la semaine à la Chambre des communes. Nous avons essayé trois fois jusqu'à ce que nous arrivions aux initiatives parlementaires, et, dans un élan de bonne volonté et parce qu'il n'y avait que trois personnes à la Chambre cette journée-là, nous avons réussi à nous entendre.

Je serais tout à fait disposé à trouver une autre façon de procéder pour ne pas déclencher ce fastidieux processus et ainsi compromettre le projet de loi. À la deuxième lecture, tous ont consenti d'envoyer le projet de loi en comité, sauf pour un membre du gouvernement qui s'est prononcé contre, mais cela n'avait rien de personnel. C'est un chic type, mais il avait envie de ne pas se montrer coopératif. Comme le consentement unanime n'était pas nécessaire pour adopter la proposition, il a tout simplement décidé de s'y opposer. C'est un risque. Si le projet de loi a été quelque peu édulcoré, c'est attribuable aux amendements proposés par le gouvernement.

Le sénateur Mitchell : Cela faisait partie du processus.

M. Godfrey : Oui, je ne dirais pas qu'il y avait des raisons cachées derrière tout ça.

Le sénateur McCoy : Ce serait un autre débat.

Le sénateur Kenny : Cela ne change rien à mon avis si c'est délibéré ou non. C'est un principe que nous devons suivre de façon conséquente. C'est en étant conséquent que nous pourrons veiller à ce que le Sénat fonctionne comme il se doit.

Ayant moi-même déjà présenté un projet de loi, je suis tout à fait disposé à ce qu'on choisisse le bon moment et le bon vendredi pour présenter quelque chose. Je comprends les difficultés que cela comporte. Ceci dit, nous voulons toutefois faire comprendre à tout le monde, le gouvernement y compris, que si l'on envisage d'adopter un projet de loi qui prévoit la présentation de rapports, ceux-ci doivent être soumis aux deux Chambres du Parlement. Et cela vaut pour les bons et les mauvais projets de loi.

Le président : Je tiens à rappeler aux membres que, comme nous l'avons souligné lors de notre rencontre avec M. Godfrey avant le début de la réunion, c'est un point que nous avons souvent fait valoir aux rédacteurs, aux ministres et aux hauts fonctionnaires. Le sénateur a raison : il faut se faire entendre.

Toutefois, nous devons examiner la situation, comme le sénateur Mitchell l'a suggéré, en pensant à long terme. Nous allons donc veiller à ce que ce soit fait avant de présenter notre rapport sur le projet de loi la semaine prochaine.

Le sénateur Mitchell : Je suis aussi de cet avis. Je suis très attaché à ces institutions, notamment le Sénat, et je sais que vous l'êtes aussi.

C'est une question de principe d'inclure le Sénat au processus, mais ça l'est aussi de faire adopter ce projet de loi. J'ai indiqué que si nous ne le faisons pas maintenant, il est possible que ça n'arrive jamais; que se passera-t-il s'il était abandonné à notre retour à l'automne ou s'il y avait une prorogation ou quelque chose comme ça? Ce serait très malheureux, parce que nous devons faire avancer les choses, et nous n'avons tout simplement pas le temps.

M. Godfrey : Je crois me rappeler qu'il existe un processus qui nous permet d'annexer un commentaire lorsqu'on renvoie un projet de loi. D'abord, on peut faire valoir qu'il y a deux Chambres; elles méritent toutes deux d'être traitées avec respect. Ensuite, il y a peut-être aussi moyen d'arriver à une entente plus tôt dans le processus — pourquoi le Sénat n'entreprendrait-il pas l'étude? Ce ne sera pas un document privé. Cela pourrait être utile de recourir à cette méthode, même si ce n'est pas écrit noir sur blanc et que cela n'a pas fait l'objet d'une ordonnance. Ce pourrait simplement être par courtoisie ou par tout autre moyen qui nous permettrait de contourner le problème.

Le président : Différents processus seront envisagés, dont celui-ci.

Le sénateur Kenny : D'ailleurs, la vérificatrice générale se rapporte uniquement à la Chambre des communes. Toutefois, celle-ci nous écrit et nous avertit si quelque chose qui pourrait nous intéresser pointe à l'horizon. Elle nous consulte régulièrement. Elle fait même la vérification du Sénat une fois par année. Il existe donc des mécanismes. Reste cependant à savoir s'ils vont satisfaire nos collègues.

Le sénateur Mitchell : La notion derrière la stratégie de développement durable — et vous en avez peut-être parlé —, peut être difficile à comprendre pour certaines personnes.

Pouvez-vous nous dire concrètement en quoi cela pourrait consister?

Clairement, la stratégie comporte deux volets. Vous nous avez très bien expliqué comment les ministères fédéraux devront se rattacher à cette stratégie globale. Par contre, si vous deviez la rédiger — maintenant que vous aurez amplement de temps pour le faire —, pensez-vous que vous la diviseriez en sections? Par exemple, les changements climatiques, l'eau, les émissions toxiques, l'utilisation des terres arables et l'idée de réserver des terres à des fins précises?

Le gouvernement pourrait ensuite établir une série de politiques, d'objectifs et de marqueurs pour chaque section. Est-ce que l'on pourrait procéder ainsi?

M. Godfrey : Je crois que oui. Ce qui rend entre autres les choses difficiles, c'est que le développement durable, dans le sens large du terme, ne se limite pas à l'environnement. La définition à laquelle le sénateur Kenny a fait référence, je crois, c'est-à-dire les principes fondamentaux du développement durable, est celle tirée du forum international qui a eu lieu à Rio de Janeiro. Je pense qu'elle est également énoncée dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999). L'idée était d'utiliser une définition que tout le monde pourrait comprendre.

Dans l'annexe comprise dans la version initiale du projet de loi et qui a par la suite été supprimée, je mentionnais brièvement que nous voulions nous pencher sur la qualité de l'air, la qualité de l'eau, la salubrité des aliments, la restauration de la nature et tout ce qui vient avec. Au bout du compte, ces éléments doivent pouvoir être mesurés. Par exemple, la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie a travaillé sur ce genre d'indicateurs.

Nous devons reconnaître que nous en savons beaucoup plus sur certains domaines par rapport à d'autres. Par exemple, nous avons acquis beaucoup de connaissances sur les villes durables et le bilan carbone. Si on se reporte à la Loi sur le vérificateur général adoptée en 1995, qui a mené à la création du poste de commissaire à l'environnement et au développement durable, on s'attendait à ce que le commissaire ne s'occupe pas seulement de l'environnement, mais aussi des enjeux sociaux et économiques, de même que culturels et patrimoniaux, si je peux ajouter ces deux dimensions, et de la façon dont ces facteurs sont interreliés.

En passant, c'est ce que nous tentons de faire avec le nouveau pacte pour les villes. Nous avons parlé de quatre piliers de durabilité. Nous sommes cependant très loin de bien comprendre tout ce que cela implique, de même que la différence entre ce qui est durable du point de vue de la nature — comment pouvons-nous remettre la nature à neuf? — par rapport au point de vue social.

Du point de vue de la société, nous n'essayons pas de maintenir la pauvreté; nous tentons de l'éliminer. Nous voulons aller de l'avant, à l'opposé de la situation avec l'environnement, où nous voulons revenir en arrière pour retrouver la nature dans son état d'antan.

Tout ça pour dire que ce sera un sujet qui évoluera sans cesse et qui sera toujours fascinant. Nous devons commencer avec des aspects qui peuvent absolument être mesurés, comme les émissions de gaz à effet de serre, la qualité de l'eau et les espèces menacées — combien il reste de salamandres, et cetera. Toutefois, cette discussion ne s'arrêtera pas avec nous. Cela se transformera en une conversation plus complexe et intégrée, et on tentera toujours de trouver un équilibre entre les bons emplois et la mobilité par rapport aux enjeux soulevés en ce moment dans le contexte de la crise de l'énergie — tous ces arguments et la justice sociale. C'est l'œuvre de toute une vie, et nous ne faisons que nous mouiller les orteils avec ce projet de loi.

Le président : Ne pensez-vous pas qu'il est préférable d'avoir quelque chose d'un peu plus général, plus vaste — et, par le fait même, pouvant plus être soumis à un énoncé interprétatif selon les circonstances — plutôt qu'une liste? Une liste devient exclusive; si un événement se produit et que celui-ci n'est pas couvert par la liste, c'est à ce moment que des questions sont soulevées.

M. Godfrey : C'est exact. Toutefois, on indique bien qu'il est nécessaire d'établir des indicateurs vérifiables et des éléments de mesure. Le commissaire doit évaluer la justesse des informations telles qu'elles sont présentées. Cela varie évidemment d'un secteur à l'autre et d'un indicateur à l'autre.

Le sénateur Adams : Merci de votre présence, monsieur Godfrey. Je me souviens très bien d'avoir côtoyé votre père au Sénat. Bien peu de sénateurs de cette époque sont encore ici aujourd'hui.

M. Godfrey : Je suis heureux que vous ayez un bon souvenir de lui.

Le sénateur Adams : Ma question porte sur l'article 8 du projet de loi. Je sais que vous avez mentionné les territoires et les peuples autochtones et l'environnement, mais pas notre gouvernement. Nous avons trois gouvernements territoriaux. Est-ce que le ministre fédéral aurait la tâche de superviser le tout sans la collaboration des gouvernements territoriaux? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Le gouvernement du Nunavut a un ministère responsable du développement durable. J'aimerais savoir comment les choses se passeraient de l'extérieur des trois gouvernements territoriaux. Nommeriez-vous qu'une seule personne?

M. Godfrey : Le défi consistait à faire avancer les choses tout en respectant les gouvernements des niveaux provincial et territorial. Vu la nature de la fédération, si nous voulons avoir une stratégie efficace au bout du compte, nous devons coordonner nos efforts avec ceux de chacun des gouvernements. Ce sont eux, en grande partie, qui tirent les ficelles et qui décideront des résultats en matière d'environnement.

Nous voulons au moins qu'ils aient l'impression de faire partie du processus, même si au départ nous ne mesurons pas les efforts qu'ils déploient. J'imagine que dans un monde futur, nous pouvons nous attendre à ce qu'il y ait des équivalents provinciaux et territoriaux du commissaire à l'environnement et au développement durable; l'ensemble de ces commissaires, de même que le commissaire fédéral, formeraient l'essence du système. On pourrait voir l'avenir de cette façon.

Par contre, à l'heure actuelle, certaines provinces et territoires n'ont rien qui se rapproche d'un tel poste. Nous tentons le plus possible de garder le processus ouvert pour prévoir le coup; mais nous voulions également nous assurer que personne ne pourrait dire qu'il n'avait pas eu la chance de participer à la table des discussions pour faire entendre le point de vue de son gouvernement. Nous voulions vraiment veiller à respecter la Confédération.

La prochaine partie, qui porte sur la société civile, visait à reconnaître les différents intérêts acquis — c'est-à-dire tous les intervenants, peu importe leur participation. Évidemment, ce pourrait devenir un processus très compliqué si nous n'imposions pas de limites. Nous avons tenté de formuler le libellé de façon à faire référence au moins de façon générale aux peuples autochtones, aux syndicalistes et aux organisations environnementales.

Après tout, il s'agit d'un conseil consultatif, dont les membres ne sont pas rémunérés, comme vous l'avez remarqué. Comme toujours, il faut faire des compromis dans ce genre de situation. Il faut tenter d'inclure le plus de gens possible, sans toutefois trop compliquer les choses. Je le répète, il faut faire des compromis.

Nous avons tenté de faire une distinction, par exemple, entre les gouvernements territoriaux et les peuples autochtones. Nous n'avons pas tenu pour acquis que l'un avait nécessairement les mêmes vues que l'autre. Nous devions refléter clairement cette réalité, puisque l'on a prévu trois représentants pour chacune des parties. Évidemment, il sera extrêmement important d'inclure les gens du Nord au processus, parce que ce sont eux les plus touchés à l'heure actuelle.

Le sénateur Adams : Dès qu'on parle d'études environnementales, le gouvernement fait appel, la plupart du temps, à des scientifiques et à d'autres spécialistes du genre. J'aimerais savoir comment on va procéder. De plus en plus de gens ont été embauchés dans des postes liés au développement durable. Cela fait un certain temps qu'il n'y a pas eu de conseil sur le développement durable dans le Nord, même si plusieurs personnes travaillent à la question des changements climatiques. Peut-être en avez-vous entendu parler. Je me demandais s'il serait plus utile d'avoir des gens dans le Nord pour étudier les effets de l'environnement sur les peuples autochtones.

M. Godfrey : J'en prends note. Encore là, nous avons essayé d'être normatifs tout en demeurant flexibles. Nous reconnaissons que ces groupes doivent être représentés, mais si nous commençons à donner dans la microgestion en précisant quels groupes environnementaux ou quels peuples autochtones sont visés, nous ne nous en sortirons jamais. Je le répète, il a fallu faire des compromis.

Le président : Cela ne signifie pas que les représentants syndicaux, d'entreprises et des différentes organisations ne peuvent pas être Autochtones.

M. Godfrey : Non, absolument pas.

Le président : Étant donné les circonstances, particulièrement en ce qui a trait au Nunavut, il est fort probable qu'il y ait plus que trois Autochtones siégeant au conseil. Il pourrait y en avoir quatre, si ce n'est pas plus.

M. Godfrey : C'est un excellent point.

Le président : Monsieur Godfrey, nous sommes enchantés par ce projet de loi, mis à part les quelques réserves que nous avons exprimées. Nous avons prévu présenter notre rapport sur ce projet de loi au Sénat le jeudi 26 juin, en après- midi. Ce que le rapport dira ou recommandera, je ne peux l'affirmer pour le moment.

Toutefois, nous tiendrons compte dans nos délibérations de toutes les choses que vous avez entendues, y compris l'idée apportée par le sénateur Mitchell et d'autres, c'est-à-dire qu'il ne faut pas laisser le mieux faire obstacle au bien. Le but ultime n'est pas d'empêcher de faire les premiers pas. Comme vous l'avez souligné, ce projet de loi constitue cette très importante première étape.

M. Godfrey : Puis-je poser une question? Je demeure, bien sûr, à votre entière disposition si vous avez encore besoin de moi. Croyez-vous que ce sera le cas?

Je serais tout à fait disposé à revenir vous voir. Toutefois, je vous laisse le soin de communiquer avec moi au besoin. Je tiens à vous remercier. Je sais que ce temps de l'année est terrible pour tout le monde, particulièrement au Sénat. La Chambre des communes n'arrête pas de vous transmettre des projets de loi en vous disant : « Occupez-vous-en, nous, nous avons terminé. » Je sais que ce n'est pas très respectueux.

Le sénateur Kenny : Nous sommes payés à temps et demi.

M. Godfrey : Tant mieux. J'espère que vous êtes payés en fonction de votre rendement.

Le président : Tout est lié au rendement ici.

M. Godfrey : Merci de m'avoir invité. Je sais que votre agenda est rempli. Je comprends tout à fait le point que vous avez soulevé par rapport à l'omission de références appropriées au Sénat. Le sénateur Kenny a peut-être mis le doigt sur quelque chose. Nous pourrions utiliser l'ingéniosité du Sénat pour faire ce qu'il faut grâce à la fonction de commissaire à l'environnement et au développement durable, ou à d'autres mesures du genre, même si ce n'est pas écrit noir sur blanc dans la loi.

Le président : Pour répondre à votre question, il est possible que devions vous inviter de nouveau. Pensez-vous être à Ottawa pendant la prochaine semaine?

M. Godfrey : Oui, je serai ici. Mon seul empêchement, c'est que je devrai peut-être aller reconduire mon enfant au camp jeudi matin, mais je pourrais revenir. Je ferai tout ce qui est nécessaire.

Le président : Nous pourrons probablement vous joindre si c'est nécessaire.

M. Godfrey : Je serai ici.

Le président : Nous nous rencontrons pour discuter d'autres questions le mercredi 25 juin et le matin du 26 juin. Par contre, nous ferons l'étude article par article de ce projet de loi avant 16 heures le jeudi 26 juin, et nous tenterons de trouver les moyens pour servir les intérêts du pays à cet égard.

M. Godfrey : Je vous suis très reconnaissant.

Le président : Merci, monsieur Godfrey.

La séance est levée.


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