Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 2 - Témoignages du 4 décembre 2007
OTTAWA, le mardi 4 décembre 2007
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2008. Sujet : Régime de pensions du Canada.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour à tous. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m'appelle Joseph Day et je suis président de ce comité.
[Traduction]
Aujourd'hui, le Comité sénatorial permanent des finances nationales tient sa sixième réunion de la session. Le comité s'intéresse aux dépenses et aux opérations gouvernementales, y compris aux activités des hauts fonctionnaires du Parlement et des diverses personnes et divers groupes qui aident les parlementaires à en rendre le gouvernement redevable.
Nous le faisons en examinant les budgets des dépenses des hauts fonctionnaires du Parlement et les crédits qui leur sont affectés pour exécuter leurs mandats, ainsi que les lois de mise en œuvre des budgets et les autres questions qui nous sont renvoyées.
Aujourd'hui, nous examinons la question de la sécurité financière des personnes âgées et, plus particulièrement, des prestations et des paiements rétroactifs auxquels elles ont droit sous le Régime de pensions du Canada.
Nous allons entendre deux groupes de témoins ce matin, d'abord un groupe d'intéressés, suivi d'un groupe de hauts fonctionnaires.
Bill Gleberzon, directeur des relations gouvernementales, Canada's Association for the 50 Plus : Nous vous remercions de nous avoir invités à présenter les recommandations de l'association canadienne des individus retraités CARP sur le versement de prestations rétroactives par le Régime de pensions du Canada. Nous aimerions d'abord féliciter le comité pour la tenue de ces importantes audiences.
Avant de poursuivre, j'aimerais présenter CARP aux membres qui ne la connaissent pas. Notre association représente les gens de plus de 50 ans. Nous sommes une organisation nationale à but non lucratif et non partisane regroupant 400 000 membres. Nous publions un magazine, CARP for the Fifty Plus, qui compte près de 800 000 lecteurs canadiens, et nous avons deux sites Web, www.carp.ca et www.50plus.com, qui accueillent près de 200 000 visiteurs par mois. Notre mandat est de promouvoir et de protéger les droits et la qualité de vie des Canadiens de plus de 50 ans. Nous avons pour mission de faire des recommandations pratiques au sujet des problèmes que nous soulevons, plutôt que de nous en tenir à la critique. Afin de maintenir son objectivité et son indépendance, CARP ne reçoit aucun fonds d'exploitation du gouvernement.
CARP recommande que les personnes admissibles au RPC, mais qui n'en ont pas fait la demande, reçoivent pleine rétroactivité plus les intérêts dès leur 70e anniversaire jusqu'au moment où elles en ont fait la demande, plutôt que de recevoir un montant rétroactif calculé sur 11 mois, ainsi que le veut la politique actuellement en vigueur. De plus, les personnes qui ont obtenu pleine rétroactivité ne devraient pas être pénalisées, par exemple en étant tenues de rembourser le paiement du Supplément de revenu garanti (SRG) qu'elles ont pu recevoir dans l'intérim ou en étant imposées sur le montant rétroactif qui leur est versé comme s'il s'agissait d'un revenu annuel. L'impôt à payer sur ce montant devrait plutôt être étalé sur les années qui se sont écoulées entre l'année où le cotisant a atteint 70 ans et l'âge auquel le paiement du RPC a été effectué.
La pleine rétroactivité avec intérêt est juste et équitable. Si une personne doit de l'argent au gouvernement, ce dernier fait tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir plein remboursement. Le même principe devrait s'appliquer au gouvernement qui doit de l'argent aux personnes qui ont contribué au RPC. En fait, la pleine rétroactivité avec intérêt devrait réduire les versements du gouvernement au titre du Supplément de revenu garanti.
Les fonds du RPC proviennent des cotisations des travailleurs canadiens et de leurs employeurs — à moins que la personne ne soit un travailleur autonome, auquel cas elle versera une cotisation maximale. Le régime est fondé sur les paiements proportionnels, si bien que les personnes qui contribuent ont droit au montant de la pension équivalant à ce qu'elles ont cotisé.
L'argent du RPC n'appartient pas au gouvernement, qui en est le simple intendant. Le gouvernement a la responsabilité de s'assurer que le RPC sera un bon régime pour tous les cotisants ou bénéficiaires actuels et futurs et que tous les cotisants reçoivent les paiements qui leur sont dus.
Nous avons demandé à un de nos membres, M. Walter Klem, fonctionnaire à la retraite qui a joué un rôle déterminant dans l'élaboration et le maintien au début du RPC, pourquoi on avait adopté cette période de rétroactivité de 11 mois. Il nous a dit que la politique à ce sujet avait probablement été mise en œuvre à des fins administratives. Si c'est le cas, rien ne justifie le maintien de cette pratique injuste. De plus, la période de rétroactivité de 11 mois est désuète et inutile puisque l'argent est là.
Au 31 mars 2006, la valeur de l'actif net du RPC était de 101,1 milliards de dollars, contre 83,4 milliards en 2005. Le montant représentait environ quatre fois le total des pensions et des avantages sociaux de 2006 et 3,5 fois ceux de 2005.
D'après le Vingt-et-unième rapport actuariel, on prévoit que l'actif net atteindra 5,6 fois ce montant d'ici 2020. Selon ce même rapport, au 31 décembre 2003, l'importance relative du passif non capitalisé diminuera progressivement, car la croissance des actifs du régime sera plus rapide que celle des passifs au cours des prochaines décennies. Par la suite, cette croissance sera au moins aussi rapide que celle des passifs.
J'ai ici un tableau qui a été publié dans le Rapport annuel du Régime de pensions du Canada 2005-2006 par Ressources humaines et Développement social Canada et affiché sur son site Web. L'actif net, après avoir soustrait le passif des cotisations et des montants à recevoir des prestataires, était en 2006 de 101 milliards de dollars. D'après le site Web de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, au 9 novembre 2007 — il n'y a même pas un mois —, l'actif du RPC totalisait 121,3 milliards de dollars. L'objectif visé par l'Office est d'avoir accumulé 1,55 milliard de dollars d'ici 2050.
D'après le rapport de 2004-2006 de l'actuaire en chef du Canada, le RPC a les pieds solides pour les 75 prochaines années au moins. Son actif atteindra 260 milliards de dollars d'ici 2016, les cotisations excédant les prestations d'ici 2019. En d'autres mots, par le temps que la première vague de baby-boomers commencera à prendre sa retraite, l'argent sera là pour eux et pour ceux qui les suivront.
Bien sûr, dans 75 ans — à condition qu'il n'y ait pas d'imprévu comme des pilules qui prolongent la longévité, ce qui est fort possible — les baby-boomers ne seront plus qu'un souvenir, et l'actif du RPC suffira de loin à soutenir le passif durant l'après-baby-boomers. Soit dit en passant, comme vous le savez, j'en suis sûr, le député néo-démocrate Chris Charlton a déposé à la Chambre des communes en 2006 un projet de loi d'initiative parlementaire que CARP a appuyé.
En résumé, il faudrait verser des paiements du RPC pleinement rétroactifs, plus les intérêts, pour la période allant de la date du 70e anniversaire jusqu'à la date de dépôt de la demande. Il ne faudrait pas pénaliser ceux qui les reçoivent. C'est la politique juste et équitable à adopter parce que le RPC appartient à ceux qui y ont cotisé, qui en sont également les prestataires et qui ont le droit de recevoir la pleine pension qui leur revient.
Je répète que le fonds n'appartient pas au gouvernement, dont le devoir en tant qu'intendant du RPC est de faire en sorte que les cotisants reçoivent la pleine pension à laquelle ils ont droit. L'argent est là dès maintenant et il sera encore là pour 75 ans et plus.
Avant de conclure, je dois souligner qu'il existe plusieurs autres problèmes importants liés au RPC et communiqués à notre bureau national par nos membres comme par des non-membres, des problèmes que votre comité, selon nous, devrait également examiner. Je vais brièvement vous les énumérer.
Après le décès d'un époux ou d'un conjoint de fait, la rente de survivant représente 60 p. 100 du revenu de la personne décédée, plus le revenu du survivant, jusqu'à concurrence du maximum payable par le RPC au décès. Nous estimons plutôt que les prestations du RPC précédant le décès devraient être maintenues pour la durée de vie du survivant, qui est fort probablement une femme.
On ne semble pas être au courant qu'une pension du RPC peut être scindée dans le cas d'un divorce, ce qui affecte le plus le revenu après-divorce des femmes. La pratique qui consiste à intégrer ou « cumuler » les prestations du RPC avec la pension de l'employeur à 65 ans est odieuse. Cette pratique a cours dans les forces armées, chez les retraités et au sein de certaines sociétés.
Ceux qui souhaitent se prévaloir du RPC avant d'avoir 65 ans tout en continuant de travailler doivent soit cesser de travailler ou ne pas gagner plus que le montant maximal de la prestation du RPC dans le mois qui précède et le mois qui suit son versement. Par après, ils peuvent retourner au travail. C'est à la fois une comédie et, plus sérieusement, un désincitatif pour les travailleurs âgés qui souhaitent continuer de travailler, ce qui contribue au maintien d'une population active essentielle pour soutenir la productivité.
Les personnes âgées qui souhaitent continuer de travailler après 65 ans devraient être autorisées à continuer de cotiser au RPC — même si elles choisissent de toucher leur pension du RPC —, leurs prestations étant rajustées comme il convient pendant qu'elles continuent de travailler, ce qui éliminerait un autre désincitatif à l'employabilité des travailleurs âgés et permettrait de soutenir la productivité.
Il faut s'attaquer à la question du versement insuffisant des prestations du RPC. Cela se produit dans un cas sur six ou sept — surtout en raison d'erreurs commises soit par les demandeurs, particulièrement du fait qu'ils ignorent qu'ils peuvent se prévaloir de l'option de se retirer du RPC, ou par les bureaucrates. La disposition concernant le retrait du RPC devrait être élargie de manière à inclure les soignants non rémunérés qui doivent quitter leur emploi ou travailler des heures réduites pour prendre soin de personnes âgées à la maison.
Il faut revoir la décision prise il y a une dizaine d'années par le gouvernement d'alors de réduire les prestations du RPC, par exemple, les prestations d'assurance-invalidité et de décès, dans le cadre de sa campagne visant à éliminer le déficit. Étant donné le grand succès remporté par la campagne — illustré par les surplus du Trésor fédéral affichés pour la plupart des années du nouveau siècle, ainsi que les coffres débordants du RPC —, il est parfaitement possible de bonifier ces prestations de manière à refléter le coût de vie actuel.
CARP prendrait part avec plaisir à toutes audiences que tiendrait le comité sur ces questions essentielles, de même qu'à toutes audiences sur un sujet qui intéresse nos membres.
Richard Shillington, associé principal, Informetrica Limited : Je remercie le comité de me donner l'occasion de parler des problèmes d'administration du RPC.
Tout d'abord, je tiens à rappeler le poids névralgique de la SV, du SRG et du RPC dans la sécurité du revenu. Toutefois, cette sécurité est fonction du fait que les personnes âgées reçoivent les prestations que leur destinait le Parlement. Il faut reconnaître que la majorité des personnes âgées touchent leurs prestations. Le système fonctionne bien, sauf pour un faible pourcentage. Cependant, je conteste la façon dont les fonds sont utilisés pour ceux qui présentent une demande au RPC en retard. N'oubliez pas que le RPC est financé différemment de la SG et du SRG. Les fonds viennent de cotisations, et le RPC ne fait pas partie du Trésor public.
J'ai commencé à être actif dans ces dossiers, il y a six ans environ, quand j'ai attiré l'attention sur le fait qu'à peu près 300 000 personnes âgées admissibles ne recevaient pas le SRG. Le ministère avait alors déclaré qu'il violerait le droit à la protection de la vie privée des personnes âgées s'il tentait de communiquer avec elles. Quand la question a commencé à attirer l'attention des médias, le ministère s'est mis à aviser les aînés qu'ils avaient droit au SRG. Le nombre d'aînés qui ne reçoit toujours pas le SRG est tombé à 130 000.
Après toute cette publicité, des aînés se sont mis à communiquer directement avec moi pour me demander de les aider à régler leurs problèmes de SV, de SRG et de RPC. L'une d'entre eux était Marie Baxter, et j'aimerais prendre une minute pour vous raconter son histoire.
Marie a fait une demande de rente de survivant et une demande de pension de retraite en même temps. Mais le ministère a fait une erreur, et elle n'a reçu que la rente de survivant. Quelque dix ans plus tard, elle a découvert l'erreur et relancé le ministère, qui lui a répondu qu'il ne faisait pas de paiement rétroactif. Après la parution d'un article dans le Globe and Mail, on a découvert l'erreur administrative initiale. RHDSC a constaté qu'elle n'avait pas reçu les 11 mois de rétroactivité auxquels elle avait droit. Elle a finalement reçu une rétroactivité complète, mais sans intérêt.
La loi dispose que la rétroactivité due à une erreur administrative doit « placer la personne là où elle aurait été si l'erreur n'avait pas été commise ». Marie Baxter a demandé si elle avait droit à des intérêts, et on lui a répondu par la négative.
J'ai fait une petite recherche. D'après les données les plus récentes que j'ai obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, environ 55 000 aînés ne recevaient pas les prestations de retraite du RPC auxquelles ils avaient droit. Or, la plupart du temps, selon mon expérience personnelle, c'est la rente de survivant qui est en jeu. On peut donc penser qu'il y a des centaines de milliers de personnes qui ne reçoivent pas cette rente.
Pendant la seule année 2006, près de 3 000 personnes de plus de 70 ans ont fait une première demande de rente de retraite du RPC, dont 355 personnes de plus de 85 ans, et 287 d'entre elles étaient des femmes. Des milliers de Canadiennes ne reçoivent pas les prestations de retraite du RPC auxquelles elles ont droit.
Cependant, il semble qu'au Québec, le nombre de pareils cas soit à peu inexistant. On me dit que les fonctionnaires du RRQ utilisent l'ordinateur pour retrouver les aînés admissibles et qu'on leur téléphone ou même qu'on leur rend visite pour faire en sorte qu'elles vont bien faire leur demande. Un autre exemple me vient à l'esprit. C'est le topo habituel : c'est le fils ou la fille, non pas la personne âgée, qui constate qu'elle n'a pas eu les prestations auxquelles elle avait droit quand il ou elle prend en charge les finances de sa mère. J'ai le dossier interne d'Ernestine dans lequel ont été conservées les explications fournies pour lui refuser des prestations rétroactives.
Quand, à l'âge de 65 ans, Ernestine a fait une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV), le numéro d'assurance sociale (NAS) qu'elle avait inscrit sur la demande indiquait qu'elle avait déjà occupé un emploi. RHDSC ne l'a pas informée qu'elle était peut-être admissible au RPC. Je vous cite ce qui se trouve dans son dossier interne : « Si l'on se fie à des employés expérimentés qui travaillaient dans les CSC dans les années 1980, on peut raisonnablement conclure que personne n'a conseillé Mme... quant à la pension de retraite car c'était la consigne, étant donné son âge avancé à l'époque ». Il était rare que des « femmes âgées aient cotisé au RPC étant donné qu'un grand nombre d'entre elles demeuraient à la maison pour des raisons familiales ».
En 1988, elle a adressé au RPC une demande de rente de survivant, après le décès de son époux. Selon le dossier, « On ne lui a pas dit à ce moment-là non plus qu'elle pouvait être admissible à une rente de retraite parce qu'elle a fait sa demande par la poste ».
Ernestine n'a pas reçu de relevé de ses cotisations ni d'envois postaux destinés aux personnes admissibles au RPC en raison de « problèmes d'ordinateur ».
Un fonctionnaire a déclaré ce qui suit pour justifier la position du ministère : « Toutefois, je me rappelle qu'à l'époque où j'étais analyste dans ce genre de scénario, la consigne était que l'initiative revient au client... on publicise l'existence de nos prestations, ça suffit... Le ministre n'a pas à solliciter les demandes ».
La famille s'est plainte auprès du tribunal d'appel, mais le tribunal n'est pas autorisé à constater que RHDSC a commis une erreur administrative. Seul le ministère peut le faire, c'est-à-dire constater qu'il a commis une erreur administrative qui justifierait un versement complet et rétroactif. Ernestine n'a jamais reçu de rétroactivité au-delà des 11 mois prévus. Elle a présenté une demande à l'âge de 91 ans. Comme vous le savez, les cotisations au RPC sont obligatoires. Comme vous pouvez le voir, il en va tout autrement des prestations.
Parce que le RPC est un régime auquel on cotise, il me semble que la rétroactivité devrait faire partie des responsabilités du fiduciaire et les prestations ne devraient pas aller à d'autres bénéficiaires.
Une note d'information du ministère dit : « Rien ne justifie le prolongement de la période de rétroactivité. Une rétroactivité illimitée est peut-être bénéfique pour les clients qui ont contribué à l'économie canadienne et au Régime de pensions du Canada, mais elle impose un fardeau illimité aux contribuables canadiens ».
Je vous rappelle que le Régime des rentes du Québec verse cinq années de prestations rétroactives, avec intérêts, et que son taux de cotisation, de 9,9 p. 100, est le même que celui du RPC. De plus, presque tous les cotisants au Régime des rentes du Québec touchent leur rente. La disposition concernant la rétroactivité pour la SV et le SRG est de 11 mois. Elle est identique à la période prévue pour le RPC, en dépit du fait que c'est un programme auquel on cotise. Même si vous acceptez que le ministère n'est pas obligé de vous informer que vous avez peut-être droit au RPC quand vous présentez une demande de SV, c'est une question tout à fait distincte des prestations auxquelles vous avez droit et qui ont été financées par vos cotisations quand vous apprenez que vous êtes admissible.
Le président : Monsieur Shillington, je vous remercie. J'aimerais qu'on éclaircisse un point : vous avez tous deux parlé du Régime des rentes du Québec, qui verse des paiements rétroactifs pour cinq ans et qui a un meilleur service de diffusion pour rejoindre toutes les personnes admissibles. Le montant cotisé est-il administré séparément ou est-il administré conjointement avec les cotisations au RPC? Pouvez-vous éclairer notre lanterne à cet égard?
M. Shillington : Les hauts fonctionnaires peuvent vous le confirmer, mais je suis très sûr qu'il s'agit d'une caisse distincte.
Le président : Je vous remercie. Vous avez dit que le taux de cotisation est le même?
M. Shillington : Oui.
Le sénateur Stratton : Moi aussi, j'aurais besoin d'un éclaircissement. Depuis son accession au pouvoir, il y a 21 mois, l'actuel gouvernement a augmenté le nombre de points de service au pays. Le Canada compte maintenant 595 centres de service répartis un peu partout au pays afin d'aider les personnes âgées à toucher les prestations auxquelles elles ont droit. Nous avons adopté le projet de loi C-36 pour offrir des prestations à des milliers de nouvelles personnes âgées à faible revenu. Grâce au projet de loi C-36, les personnes âgées admissibles qui ont un faible revenu n'ont qu'à présenter une seule demande au SRG. Ils n'ont plus à remplir des formulaires année après année pour le redemander.
Le gouvernement a lancé une campagne pancanadienne de publicité complète dans les journaux, à la radio et à la télévision pour aider les personnes âgées à demander les prestations et à les recevoir. Nous avons communiqué proactivement avec les personnes âgées afin de les informer directement des prestations auxquelles elles ont droit en envoyant 268 000 trousses de demande du RPC et de la SV durant la seule année 2006. Tous les mois de mars, nous prenons les devants et communiquons avec des personnes âgées qui n'ont pas soumis de déclaration de revenu pour leur rappeler les prestations auxquelles elles ont droit. Nous avons des services mobiles pour mieux rejoindre les personnes âgées là où elles habitent. Nous avons des fiches d'information dans plus de 20 langues qui sont à la disposition des personnes âgées dans tous les centres de Service Canada à l'échelle du pays.
Les personnes âgées peuvent composer un no spécial, soit le 1-800-277-9914, n'importe quand pour recevoir de l'information sur les prestations auxquelles elles ont droit. Voilà ce qui a été fait durant les 21 mois au pouvoir du gouvernement. Et ce n'est pas fini. Il faut reconnaître que nous avons, avec les changements apportés à la fiscalité, soustrait presque à l'impôt de nombreuses personnes âgées.
Avez-vous une idée de ce que coûterait la rétroactivité?
M. Shillington : On ne peut pas établir comme il convient les coûts si on n'a pas accès à l'information, vu qu'elle n'est pas du domaine public.
Le sénateur Stratton : J'en suis conscient. Donc vous ne l'avez pas fait?
M. Shillington : Non. Puis-je continuer de répondre à la question, avec votre permission?
Le président : Vous avez la parole.
M. Shillington : Trois mille personnes âgées ont présenté chaque année une demande au RPC après leur 70e anniversaire. Quelque 300 l'ont fait après avoir atteint 85 ans.
On pourrait établir deux coûts. L'un serait celui de dédoubler ce que fait le Québec. Combien coûterait-il de fournir à chacune de ces 3 000 personnes âgées qui présentent leur demande en retard chaque année cinq ans de prestations rétroactives? Je sais que les prestations moyennes du RPC représentent 7 000 $ par année environ. Dans le cas des femmes plus âgées, qui n'ont pas cotisé pendant de nombreuses années, c'est probablement beaucoup moins. Je peux vous donner un chiffre, n'importe lequel, mais le ministère pourrait le calculer très exactement. C'est une simple question de calcul. Ce n'est pas compliqué, mais je n'ai pas les données pour le faire. Par exemple, si cela coûtait 20 000 $ par personne, à raison de 3 000 personnes, cela représenterait 60 millions de dollars. Le RPC verse 27 milliards de dollars de prestations chaque année. Par conséquent, 60 millions de dollars divisés par 27 milliards de dollars représente un tiers environ de 1 p. 100.
Le Québec a déjà rejoint presque tous ceux qui ont droit à des prestations. Le coût est le même que le coût de la pleine rétroactivité; vous versez simplement l'argent soit tout de suite, soit rétroactivement. Le Québec administre un régime qui verse des prestations à tous ceux presque qui y ont cotisé, et il offre une rétroactivité de cinq ans plus intérêts pour le même taux de cotisation.
Le sénateur Stratton : Donc, sur cinq ans, vous estimez que le coût serait de 60 millions de dollars par année?
M. Shillington : Non. J'ai dit — et c'est de la pure conjecture de ma part — que si l'on a au départ 3 000 personnes par année qui présentent leur demande en retard, à raison de 20 000 $ par personne, cela représente 60 millions de dollars.
Le sénateur Stratton : Quel est le coût sur cinq ans?
M. Shillington : À raison des 300 millions de dollars divisés par cinq fois 27 milliards de dollars, cela représenterait quand même une très petite part de 1 p. 100.
Le sénateur Stratton : Le gouvernement évalue ce coût à 1,5 milliard de dollars sur cinq ans.
M. Gleberzon : À combien?
Le sénateur Stratton : À 1,5 milliard de dollars sur cinq ans.
M. Shillington : Je serais extrêmement curieux de voir cette analyse.
Le sénateur Stratton : Moi aussi, cela m'intéresse parce que vos propos ont piqué ma curiosité. Le fait que le gouvernement l'évalue à 1,5 milliard de dollars montre bien qu'il y a un coût.
Mon autre question s'adresse à M. Gleberzon. C'est au sujet des paiements ou de la rétroactivité versés à ceux qui présentent une demande à l'âge de 70 ans plutôt qu'à l'âge de 65 ans. Savez-vous de quel groupe de personnes âgées il s'agit? J'en connais certaines qui agissent ainsi. La raison pour laquelle elles ne présentent pas de demande, c'est qu'elles ont assez d'argent et de revenu, qu'elles n'en ont pas besoin.
Avez-vous déterminé pourquoi les personnes ne présentent pas de demande?
M. Gleberzon : Nous recevons habituellement l'appel d'un enfant qui, en parlant avec sa mère ou son père — habituellement sa mère — se rend compte qu'elle a travaillé et qu'elle l'avait tout à fait oublié. C'est la raison. Ce n'est pas une question de ne pas avoir besoin d'argent parce que, souvent, ils ont le Supplément de revenu garanti. C'est simplement qu'ils ont oublié qu'ils ont travaillé et cotisé.
Le sénateur Stratton : Je suis curieux. Dans les cas que je connais, le plus souvent, ils ne veulent pas toucher l'argent jusqu'à ce qu'ils soient obligés de le faire parce que, dans les faits, leur revenu est trop élevé.
Le président : Je vous remercie de vos questions. Aux fins du compte rendu, le sénateur Stratton a lu une déclaration plutôt longue et, à la fin, il a déclaré : « Voilà ce que nous avons fait depuis que nous avons pris le pouvoir ». Il ne parlait pas du comité. Le « nous » employé ne désigne pas le comité, mais bien le gouvernement Harper. Il importe de bien saisir la nuance.
Le sénateur Stratton : Nous tentons essentiellement de rétablir les faits, de préciser que nous ne cachons pas le problème sous le tapis.
Nous nous attaquons au problème et nous tentons de savoir pourquoi ces personnes ne présentent par leur demande, de manière à pouvoir les aider à le faire. C'est là le message fondamental.
Le président : Dans le prochain groupe de témoins, nous accueillerons de hauts fonctionnaires, de sorte que les sénateurs auront l'occasion d'aborder ces questions avec eux.
Le sénateur Callbeck : Tout d'abord, je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent des finances nationales d'avoir accepté de prendre le temps d'examiner des questions relatives au Régime de pensions du Canada.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Je les remercie également d'avoir répondu à notre invitation.
Comme nous le savons tous, des milliers de personnes qui ont cotisé au Régime de pensions du Canada ne touchent pas les prestations. Vous avez tous deux travaillé auprès de personnes âgées pendant de nombreuses années et vous vous en êtes faits les porte-parole. Vous savez sûrement ce qui marche et ce qui ne marche pas.
Compte tenu du fait que certains Canadiens ne touchent pas les prestations auxquelles ils ont droit, que conseilleriez-vous au gouvernement comme moyen pour les rejoindre?
M. Shillington : J'ai acquis une certaine expérience de la question dans le dossier du SRG, si je puis l'exprimer ainsi. Dès 2001, après une certaine attention des médias, le ministère a commencé à envoyer des lettres à certaines personnes qui avaient soumis une déclaration de revenu pour les informer qu'elles avaient droit au SRG, ce qui a fait baisser leur nombre de moitié environ, mais ne l'a pas réduit à zéro. Ceux qui ne sont pas prestataires du RPC recevront à l'occasion une lettre du ministère les informant qu'ils y ont droit.
Je suis convaincu que si vous tenez vraiment à rejoindre chaque personne, non pas seulement à faire de la publicité de masse, il vous faudrait communiquer avec chaque personne âgée et faire ce que fait le Québec. Quand on demande un permis de conduire ou une carte d'assurance-maladie au Québec, l'ordinateur dit qu'il faudrait informer cette personne ou communiquer avec elle par téléphone. S'il existe 50 000 personnes admissibles qui n'ont pas présenté de demandes, et qu'il faut une heure pour les rejoindre à 10 $ de l'heure, cela coûtera 500 000 $ pour les informer. À Ottawa, ce n'est pas un montant faramineux comparé au 1,2 milliard de dollars qu'on leur doit. Nous pourrions dépenser un demi-million de dollars et verser 1,2 milliard de dollars, si les données sont exactes, aux personnes à faible revenu, dont un nombre disproportionnellement élevé est des femmes, et je les appellerais au téléphone. Nous savons tous que, dans la situation inverse où cette personne devrait 127 $ à Revenu Canada, tôt ou tard, on communiquera avec elle.
Le sénateur Callbeck : Vous recommandez qu'on communique avec ces personnes par téléphone. Il semble que l'envoi de lettres ne soit pas vraiment efficace. J'ai les données pour 2006-2007 : le ministère a envoyé 20 604 lettres à des personnes âgées de 70 ans et plus qui ne touchaient pas de prestations du RPC, mais il n'a reçu en retour que 1 877 demandes.
M. Shillington : Voilà qui confirme l'expérience que j'ai moi-même eue du SRG. Il y a six ou sept ans, quand j'ai appris que 300 000 personnes âgées admissibles ne touchaient pas de SRG, j'ai d'abord cru qu'il s'agissait de personnes qui ne parlaient ni anglais ni français, de personnes habitant des foyers, très marginalisées; je n'aurais pas pu me tromper davantage. J'ai parlé avec des centaines de milliers de personnes âgées. Elles ont travaillé comme caissiers à la banque, et ainsi de suite, des personnes qui ne sont tout simplement pas au courant.
Un bon ami à moi n'a pas présenté de demande au Régime de pensions du Canada, alors qu'il avait 68 ans, parce qu'il croyait devoir être à la retraite pour le faire. Il travaillait encore. Cet homme a un diplôme d'études supérieures et a vécu au Canada toute sa vie. La règle dit que vous ne pouvez pas toucher de prestations du RPC avant 65 ans, à moins que vous soyez à la retraite ou, du moins, que vous ayez quitté votre emploi depuis un mois. Toutefois, au 65e anniversaire, la règle change. Il ne croyait pas être admissible au RPC parce qu'il travaillait encore. Il règne beaucoup de confusion. Certains croient que ces mêmes règles s'appliquent à la Sécurité de la vieillesse, qu'il faut être à la retraite avant de pouvoir présenter une demande. Il y a beaucoup de confusion.
Pour revenir à la question initiale, vous pourriez effectivement envoyer des lettres, mais je crois que vous devez suivre le modèle du Québec, c'est-à-dire communiquer avec les personnes âgées et leur dire : « Nous avons de l'argent pour vous. » On verra ensuite combien d'entre eux diront : « Non, je n'en ai pas besoin, vous pouvez le garder. »
Le sénateur Callbeck : Y a-t-il un moyen quelconque d'accroître l'efficacité du processus d'envoi postal?
M. Shillington : J'ai reçu des documents d'une foule de personnes. La première femme qui m'a contacté au sujet du RPC, après l'histoire du SRG, s'appelait Isabelle Conn. Elle m'a montré l'état de compte du cotisant que le gouvernement continuait d'envoyer à son époux — vous savez, ce document que tout le monde reçoit chaque année. Sur le formulaire, on pouvait voir que celui-ci était né en 1903. Ce formulaire lui était toujours envoyé en 1999. C'est le même formulaire que je reçois et qui précise les prestations auxquelles j'aurai droit à partir de 65 ans. Cela faisait 15 ans que son mari était mort. Le ministère envoyait un formulaire à un homme décédé. Comme son époux n'avait jamais fait de demande, Mme Conn n'avait jamais touché de prestations de survivant. Comment aurait-elle pu savoir que ce formulaire qui était envoyé à son mari, décédé depuis des années, lui aurait bel et bien permis de toucher des prestations de survivant?
Je ne crois pas que ce soit grand-chose à demander. Il faudrait 10 personnes pendant quelques mois pour s'occuper des 50 000 noms.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais aborder deux questions précises. La rétroactivité est, je crois, un leurre, comme le démontrent vos chiffres. J'aimerais que vous souligniez que le montant de 1,5 milliard de dollars dont parle le sénateur Stratton s'échelonne sur cinq ans. Si on le répartissait par année, ce montant serait supérieur à votre estimation de 60 millions de dollars, mais il compterait quand même pour environ 1 p. 100.
M. Shillington : Étant mathématicien de formation, je serais ravi de faire le calcul. Je crois qu'il a dit 1,2 milliard de dollars.
Le sénateur Stratton : Non, 1,5 milliard de dollars.
M. Shillington : Cela revient à 300 millions de dollars par année. Il y a 3 000 personnes qui présentent leur demande en retard chaque année, ce qui veut dire 100 000 $ par personne? Ce n'est pas possible.
Il se peut que ce montant prenne en compte à la fois la rétroactivité des paiements et la pleine participation, c'est-à- dire l'hypothèse que nous retracerons toutes les personnes admissibles et qu'elles recevront toutes des prestations rétroactives. Cela a peut-être du bon sens, mais c'est leur argent après tout.
Le sénateur Mitchell : Ce qui m'amène à mon prochain point. Il ne s'agit pas d'un programme social où les gens se voient offrir de l'argent, mais plutôt d'un régime de pension auquel ils ont cotisé. C'est leur argent. Nous ne leur faisons pas une faveur en leur donnant de l'argent. Au minimum, c'est un contrat que nous avons conclu avec eux.
M. Shillington : Ce n'est pas un contrat. C'est ça le hic.
Le sénateur Mitchell : Ils ont cotisé à ce régime avec l'idée qu'ils auraient droit à des paiements.
M. Shillington : Je dis cela parce que j'ai eu une longue discussion, lors d'une conférence sur la retraite il y a un mois, avec un avocat qui m'a expliqué qu'il ne s'agit pas d'un contrat. C'est une loi, et le Parlement peut la changer unilatéralement. Voilà pourquoi ce n'est pas un contrat.
M. Gleberzon : Je crois qu'il faut mettre en contexte le montant de 1,5 milliard de dollars par rapport au chiffre que j'ai trouvé sur le site Web de l'Office d'investissement du RPC et qui a été évalué il y a moins d'un mois. L'actif du RPC s'élève aujourd'hui à 121,3 milliards de dollars. Il faut le comparer à celui d'il y a deux ans, puis faire une projection dans l'avenir.
Le montant de 1,5 milliard de dollars, même s'il est exact, représente 1 p. 100 d'un objectif qui est mobile. Nous devons l'utiliser dans ce contexte. Ce n'est pas 1 p. 100 d'un objectif qui stagnera.
J'aimerais également faire remarquer qu'une erreur s'est glissée dans la copie de mon discours. Il est écrit que l'objectif est d'accumuler 1,55 billion de dollars, et non milliard, d'ici 2050. Nous examinons un fonds qui prévoit gagner du terrain dans l'avenir, et il n'y a aucune raison de croire qu'il ne pourra pas atteindre cet objectif.
Le sénateur Mitchell : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je ne prétends pas le contraire. J'essayais de mettre en perspective le montant de 1,5 milliard de dollars, que je conteste également. Il n'y a clairement rien de vrai dans l'idée d'un passif illimité. De toute façon, on ne peut retourner qu'à 70 ans. Il ne s'agit pas d'un passif infini. C'est un leurre pour réfuter votre argument et pour le déformer de façon négative.
Ma prochaine question concerne le point que vous avez évoqué, à savoir la viabilité financière du RPC. C'était un sujet de très grande préoccupation dans les années 1990 où, selon la légende urbaine, on n'allait jamais toucher de prestations du RPC, car ce fonds ferait faillite. En fait, ce n'est pas le cas. Restructuré sous la direction de M. Martin, le RPC est maintenant bien financé et le sera assurément dans l'avenir. Par conséquent, le montant demandé ne fait pas peser un fardeau indu sur ce programme, et tant pis si c'est le cas. Les gens y ont droit.
M. Gleberzon : En rétrospective, je crois que c'était exagéré de prévoir des circonstances désastreuses à l'époque à cause du déficit national, et cetera. J'enseigne à temps partiel à l'université et, dix ans plus tard, mes étudiants sont toujours convaincus que le RPC ne sera plus là à leur retraite. Je leur dis de me faire confiance là-dessus, même s'ils ne me font pas confiance pour tout le reste. Le RPC existera encore.
M. Shillington : Par contre, je serais surpris qu'ils touchent leur pension à l'âge de 65 ans.
M. Gleberzon : C'est une autre question, et que je ne connais pas, mais je sais que le RPC sera là, peu importe l'âge auquel ils recevront leurs prestations.
Le sénateur Mitchell : Vous avez dit que près de 70 000 personnes devraient être admissibles, mais vous avez réduit ce chiffre à 50 000.
M. Shillington : J'ai fait une demande d'accès à l'information il y a cinq ans, ce qui m'a coûté une somme non négligeable. Le total était de 55 000 personnes. Toutefois, je ne fais pas de demande d'accès à l'information tous les ans.
Le sénateur Mitchell : D'après vous, quel pourcentage de femmes retrouve-t-on parmi les 50 000 personnes admissibles? C'est très élevé, évidemment.
M. Gleberzon : Elles vivent plus longtemps que les hommes.
M. Shillington : C'est de l'ordre de plus de 85; nous savons que c'est à peu près 290 sur 350.
Le sénateur Mitchell : Si c'était majoritairement des hommes, je me demande si cette situation se produirait.
M. Shillington : Il en va de même pour le SRG. J'ai vu les documents concernant l'identification de gens qualifiés d'admissibles au SRG, documents auxquels j'ai pu accéder, encore une fois, dans le cadre d'une demande d'accès à l'information, car ils n'étaient pas rendus publics. Si je me souviens bien, deux tiers des bénéficiaires du SRG sont des femmes et elles représentaient 80 p. 100 des personnes repérées.
Le sénateur Murray : Monsieur le président, à entendre certaines de ces histoires d'horreur sur les personnes admissibles qui n'ont pas touché de paiements, il me semble, même si l'idée est peu orthodoxe, qu'une partie de l'administration de ce programme devrait être transférée aux provinces.
Sénateur Callbeck, je suis sûr que le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard n'aurait aucune difficulté à retracer ceux qui sont admissibles au RPC et à s'assurer qu'ils reçoivent leur chèque.
Le président : Veuillez adresser vos commentaires à nos témoins.
Le sénateur Murray : Si le gouvernement fédéral n'est pas en mesure de s'occuper de l'administration d'un programme d'une telle envergure, il faudrait prendre d'autres arrangements.
Monsieur Gleberzon, j'ai été frappé par un passage de votre document :
Par ailleurs, la pratique permettant aux retraités de recevoir avant l'âge de 65 ans des paiements du RPC (« cumul des prestations ») et des revenus provenant de régimes de retraite d'employeur ou des régimes de retraite professionnels est scandaleuse. Il s'agit d'une pratique courante dans les forces armées, chez les retraités et dans certaines sociétés.
Veuillez nous expliquer cette pratique, dans quelle mesure elle est courante et comment ils s'en tirent.
M. Gleberzon : En fait, lorsque les gens prennent leur retraite, ils s'attendent à recevoir leur pension plus le RPC. Or, ils finissent par découvrir qu'en réalité, le RPC est intégré à leur pension. Disons que la pension est de 1 000 $ et que le RPC est de 800 $. Les gens s'attendent à recevoir 1 800 $, mais ils n'en reçoivent que 1 000 $ parce que le RPC est intégré à leur pension.
Le sénateur Murray : Comment s'en tirent-ils?
M. Gleberzon : Lorsque les gens s'en plaignent, personne ne leur prête attention. Ils viennent se plaindre à nous constamment, et nous envoyons des lettres à divers bureaux gouvernementaux sur ce problème.
En ce qui concerne les sociétés, j'ignore ce qu'on peut faire, car il s'agit probablement d'un arrangement conclu entre un syndicat et la société. Je ne suis pas sûr comment on peut intervenir dans ce genre de choses et je ne crois pas qu'il y ait des partisans du NPD ici; la seule façon serait de les amener à parler aux syndicats pour voir s'ils peuvent arrêter ce genre de pratique. Je sais que ce genre d'intervention prend les gens par surprise, comme en témoigne la correspondance que nous recevons.
Le sénateur Murray : Comment procède-t-on avec les retraités?
M. Gleberzon : Je ne connais pas les détails. J'ai l'impression qu'il s'agit d'un arrangement à l'interne et c'est quelque chose dont vous devriez parler au prochain groupe de témoins. Ils pourraient le savoir.
Le sénateur Murray : Où est la source d'indignation?
M. Gleberzon : La source d'indignation vient des gens qui communiquent avec nous et qui se demandent : « Que se passe-t-il? Je suis censé recevoir X montant d'argent, et je reçois plutôt X moins Y ou Z. Comment cela se fait-il? »
Le sénateur Murray : Si les dirigeants de leur syndicat ont accepté un tel arrangement en vertu de la convention collective, je suppose que les plaintes devraient leur être adressées.
Qu'en est-il des forces armées? Comment le font-elles?
M. Gleberzon : Encore une fois, je vous propose de leur parler directement. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous recevons des lettres de retraités des forces armées qui, après s'être rendu compte de cette situation, nous disent : « Que pouvez-vous faire à ce sujet? » Comme je le dis, tout ce que nous pouvons faire, c'est porter ces questions à l'attention des sénateurs, et c'est ce que je suis en train de faire maintenant.
Le sénateur Murray : Êtes-vous en train de dire que le ministère de la Défense nationale ou les forces armées intègrent les paiements du RPC dans la pension à laquelle a droit un retraité?
M. Gleberzon : Je dis seulement que c'est ce que les gens nous ont dit. Je ne fais que transmettre ce qu'ils nous ont dit.
Le sénateur Murray : Nous allons devoir examiner cela.
Le président : Monsieur Gleberzon, si vous pouviez nous fournir des renseignements plus précis sur cette question particulière, cela nous aiderait.
Le sénateur Mitchell : C'est très technique, mais je ne suis pas sûr que ce soit aussi pire qu'il y paraît. Je crois que cette pratique permet de payer la pension plus tôt. C'est pour les gens qui prennent leur retraite avant l'âge de 65 ans. Si vous prenez votre retraite à 55 ans, votre pension pourrait vous verser 1 000 $ par mois jusqu'à votre mort, disons jusqu'à l'âge de 90 ans, mais si vous l'intégrez à votre RPC à l'âge de 55 ans, on vous paiera 1 800 $ par mois jusqu'à l'âge de 65 ans, puis la pension devra vous verser 1 000 $ parce que vous recevez 800 $ de votre RPC jusqu'à l'âge de 90 ans. Il se peut que cette pratique permette à la caisse de pension de vous payer plus tôt, ce qui ne serait pas possible autrement.
Le président : Nous essaierons d'obtenir des renseignements précis à ce sujet. Cela ne sert à rien d'avancer des thèses sans avoir des renseignements objectifs. Nous savons qu'il y a un problème. Nous essayerons de déterminer de quoi il s'agit.
Le sénateur Di Nino : Moi aussi, j'avais une question à propos du cumul. Je défends la cause des personnes âgées et les questions qui les touchent depuis les trois dernières décennies à Toronto, et je n'ai jamais entendu parler de cette question. Je suis surpris. Je suis d'accord avec vous pour dire que nous devrions l'examiner. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un problème. C'est peut-être un cas isolé ou peut-être une obligation contractuelle avec un syndicat afin de mieux servir les clients à leur retraite. Je ne m'avancerai pas là-dessus.
Le président : Nous essaierons d'obtenir des renseignements. M. Gleberzon s'est engagé à essayer de nous fournir plus de détails.
Le sénateur Di Nino : Monsieur Gleberzon, notre collègue le sénateur Stratton a évoqué certaines des initiatives lancées par le récent gouvernement dans le cadre de ses efforts pour essayer de résoudre ce problème. Je crois que vous méritez, vous aussi, des félicitations parce que votre organisation a également fait du très bon travail. Le groupe des personnes âgées a grandement bénéficié de la CARP et de son approche envers les questions qui les touchent. Vous devriez vous en attribuer une part du mérite.
J'ai une question précise sur ce que vous avez dit à propos des personnes âgées qui recevraient des paiements rétroactifs sans devoir rembourser le SRG. En effet, cela signifierait que non seulement elles obtiendraient un remboursement total, mais qu'elles recevraient aussi un avantage inattendu. Quelle en est la justification?
M. Gleberzon : La justification, comme l'a expliqué M. Shillington et d'après ce que nous entendons, c'est que les gens qui ne font pas de demande au RPC n'agissent pas de façon intentionnelle — c'est un oubli de leur part. Donc, dans l'intervalle, ils utilisent souvent le SRG pour survivre. S'ils finissent par recevoir des prestations rétroactives du RPC, avec intérêts, et qu'ils se voient ensuite obligés de rembourser le SRG, ils ne seront pas plus avancés et devront retourner au SRG.
Notre crainte — et nous constatons ce phénomène dans plusieurs autres domaines —, c'est que les gens reçoivent de l'argent assujetti à l'impôt ou, s'ils touchent des prestations du SRG, ils doivent faire face à certains problèmes, ce qui ne les avance pas vraiment.
Je crois que la raison d'être de ces audiences consiste, en partie, à s'assurer que les gens reçoivent non seulement ce qu'ils méritent, mais qu'ils prennent une longueur d'avance et ne souffrent pas indûment. Si vous leur offrez une pleine rétroactivité avec intérêts, puis les forcez à rembourser le SRG durant la même période, s'ils l'ont reçu, alors où est la logique? Je ne vois pas comment le gouvernement ou les gens peuvent en bénéficier.
Le sénateur Di Nino : Sans contredit, l'initiative que votre organisation et d'autres avez prise pour essayer de régler le problème concernant les personnes âgées privées du plein paiement du RPC auquel elles ont droit, c'est de demander qu'on leur rembourse ces montants. Entre-temps, si elles ont reçu une forme quelconque de paiement à tout le moins partiel, ne croyez-vous pas que l'on doive en tenir compte dans le montant qui sera versé avec pleine rétroactivité?
M. Gleberzon : Non, parce qu'à l'époque, elles ne recevaient pas de RPC et dépendaient du SRG. Une fois qu'on leur rendra l'argent, il y a de fortes chances qu'elles n'aient plus besoin du SRG. Je crois que vous devez commencer à partir de là.
Le sénateur Di Nino : Peut-être que M. Shillington veut faire un commentaire.
M. Shillington : Je ne crois pas qu'il soit utile d'intégrer au régime une disposition qui facilite les fraudes. On ne veut pas créer une situation où les gens seront portés à accumuler des prestations en vue d'» exploiter le système ». Toutefois, dans le cas où une personne âgée reçoit un héritage inattendu et, par le fait même, touche un important revenu en intérêts durant cette année, on ne lui demandera pas de rembourser les prestations du SRG qu'il a touchées les cinq dernières années. Il en va de même pour les gains en capital; en effet, c'est le revenu accumulé sur de nombreuses années qui est versé en un an. Dans ce cas non plus, on ne demande pas aux gens de rembourser le SRG qu'ils ont reçu dans le passé.
Si j'avais à intégrer une disposition, j'exigerais des personnes qui recevront des prestations rétroactives du RPC qu'elles signent un document attestant qu'elles n'étaient pas au courant. Ce serait un engagement juridique selon lequel elles n'ont pas l'intention d'exploiter le système.
L'autre point que je voulais soulever, c'est que si nous devions suivre le modèle du Québec et obtenir un taux de participation de 100 p. 100, la question de la rétroactivité deviendrait caduque. En effet, elle disparaîtrait, sauf pour les personnes âgées qui sont touchées maintenant. On devrait veiller à ce que tout le monde fasse une demande tôt et, avec le temps, la question de la rétroactivité disparaîtra, on l'espère. À mon avis, vous pourriez demander aux gens de signer un engagement pour éviter que le système devienne une vache à lait.
Dans bien des situations, le SRG sert à combler les besoins immédiats. Cet argent est consacré à la nourriture, à l'épicerie, pour les gens à revenu extrêmement faible. C'est de l'argent dépensé. On ne demande pas un remboursement rétroactif du SRG lorsqu'une personne touche des cotisations de REER une année donnée, des gains en capital, un revenu en intérêts, et cetera, alors pourquoi l'exiger dans le cas du RPC?
Le sénateur Di Nino : Je crois qu'il s'agit d'une question beaucoup plus complexe à traiter dans le temps dont nous disposons ce matin, mais au moins on l'a consignée au compte rendu.
M. Shillington : Bon point.
Le sénateur Di Nino : Je suis déconcerté par ce que nous apprenons ce matin sur le nombre de personnes qui ne sont pas au courant de leurs prestations, malgré toutes les possibilités dont elles disposent pour s'informer. Le sénateur Callbeck nous a signalé que plus de 20 000 avis avaient été envoyés, mais que seulement 1 000 réponses ont été reçues.
Monsieur Gleberzon, comme je l'ai dit, j'ai beaucoup de respect pour votre organisation. Trouvez-vous cela logique? Pourquoi les gens ne réclament-ils pas ce qui leur est dû? Quelles en sont les principales raisons? Comment pouvons- nous empêcher que cela se produise, à part l'idée d'appeler les gens cinq ou six fois par année jusqu'à ce qu'ils nous répondent; d'ailleurs, je ne suis pas sûr si nous devrions le faire, du moins pas aussi souvent. Que disent les membres de votre organisation?
M. Gleberzon : D'après notre expérience, ce qui arrive souvent, c'est que les personnes oublient tout simplement ou ne comprennent pas. Ce sont leurs enfants qui assurent un suivi.
Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne suis pas économiste. J'ai une formation en histoire, donc je vois les choses sous un angle un peu différent. Vous avez besoin d'éléments de preuve. La seule façon de pouvoir répondre à cette question, c'est de demander à quelqu'un de faire une étude pour essayer de comprendre pourquoi cette situation se produit; autrement, nous ne faisons que formuler des hypothèses.
Mon expérience — et je ne sais pas si c'est le cas pour M. Shillington — se limite aux témoignages des gens. Quant à savoir si ces témoignages représentent bien les quelque 20 000 personnes, je ne pourrais vous le dire. Mes propos sont basés sur cette expérience limitée, et le reste ne serait qu'hypothèses.
Je crois que le ministère devrait entreprendre une étude pour essayer de comprendre pourquoi nous avons toujours autant de gens, malgré toutes les bonnes initiatives menées par le gouvernement pour les rejoindre. C'est possible de le faire.
Le sénateur Di Nino : Je me demande si l'une des raisons serait le fait que le Canada a changé, particulièrement ces 20 dernières années, avec la présence d'une variété de nouveaux Canadiens venus des quatre coins du monde. Serait-ce également une question de langue? Vous a-t-on donné cette raison?
M. Shillington : Oui, c'est arrivé à quelques reprises, mais ce n'est pas habituel. Je peux citer des exemples comme le caissier de banque, qui était évidemment très habile avec les chiffres, mais n'était tout simplement pas au courant de sa pension.
Le sénateur Di Nino : Je peux comprendre que la pleine rétroactivité soit justifiée dans le cas des personnes ayant des déficiences sur le plan du développement, des handicaps mentaux ainsi que celles ayant un avis du médecin.
Nous avons donc un groupe de personnes qui, pour des raisons valables, n'ont pas touché leurs prestations du RPC. Mais, à un moment donné, ne devrions-nous pas nous attendre aussi à ce que les gens — particulièrement un titulaire de doctorat, comme vous l'avez mentionné, monsieur Shillington — assument leur responsabilité?
M. Shillington : Bien sûr que nous le devrions, mais dans la vaste majorité des cas que j'ai vus, ce sont des gens assez avancés en âge.
Le sénateur Di Nino : Ils ne l'étaient pas lorsqu'ils ont pris leur retraite.
M. Shillington : C'était un nouveau programme à l'époque. Je sais que nous n'avons pas le temps d'aborder ce sujet, mais la raison pour laquelle j'ai réagi de façon émotive lorsque vous avez parlé des personnes handicapées, c'est parce que je me suis rappelé d'un cas. C'était une femme atteinte de la maladie de Huntington et placée dans un hôpital psychiatrique — contre son gré — qui avait manqué cinq ans de Sécurité de la vieillesse. La loi compte une disposition en vertu de laquelle si une personne est frappée d'incapacité et que c'est la raison pour laquelle elle présente une demande tardive, elle recevra la totalité des prestations avec rétroactivité. Pourtant, le ministère a refusé de les lui accorder.
Elle a comparu devant le tribunal de révision qui a jugé en sa faveur : elle avait droit à la pleine rétroactivité de ses prestations puisqu'elle n'avait pas la capacité de faire une demande. Le ministère a informé la famille qu'il contesterait cette décision devant la cour fédérale. C'est à ce moment que j'ai reçu un courriel un samedi soir d'une femme de Vancouver, qui était la fille de cette dame; elle disait avoir besoin d'un avocat pour se défendre contre le ministère afin d'obtenir les cinq ans de prestations rétroactives de sa mère qui était placée dans un hôpital psychiatrique. Au bout de trois ou quatre jours, j'ai réussi à trouver un avocat disposé à défendre la cause de façon bénévole. En fin de compte, le ministère est revenu sur sa position.
Lorsque vous avez parlé de la disposition relative à l'incapacité, il n'y a aucun doute que l'intention de la loi, c'est de s'assurer que lorsqu'on atteint l'âge de 65 ans, on reçoit la Sécurité de la vieillesse, sous réserve de certaines exigences de résidence. Il n'y a aucun doute sur l'année à laquelle cette femme a eu 65 ans.
Elle n'avait pas la capacité de faire une demande. La loi compte une disposition relative à l'incapacité. J'ai son dossier avec moi si quelqu'un d'entre vous est intéressé à voir l'argument présenté au gouvernement par le ministère pour expliquer la raison pour laquelle cette femme n'aurait pas droit à une pleine rétroactivité de sa Sécurité de la vieillesse. La loi est là, mais on peut l'interpréter, n'est-ce pas? Je suis désolé si je m'emporte.
M. Gleberzon : Ce que nous devons retenir, c'est que le RPC représente l'argent du cotisant. Le devoir du gouvernement, à titre d'intendant, consiste à faire en sorte que les cotisants reçoivent ce qui leur est dû. Par conséquent, il incombe au gouvernement, s'il a adopté la position d'intendant, de s'en assurer. La question de la responsabilité ne peut pas relever du cotisant, mais du gouvernement car il est l'intendant.
Le sénateur Di Nino : Nous n'en disconvenons pas. Pour utiliser une métaphore, c'est comme emmener le cheval à l'abreuvoir.
Le président : Sénateur Di Nino, votre temps est épuisé. Je propose que les deux sénateurs qui n'ont pas eu l'occasion de poser des questions à ce tour de questions, c'est-à-dire les sénateurs Chaput et Eggleton, soient les premiers à intervenir au prochain tour. Sénateur Eggleton, avez-vous une question à poser aux témoins actuels? Nous avons le deuxième groupe de témoins, qui sont des fonctionnaires fédéraux.
Le sénateur Eggleton : Je vais les attendre.
Le président : Et sénateur Chaput?
Le sénateur Chaput : Oui.
Le président : Merci. Nous allons prendre une pause de deux minutes pour permettre au nouveau groupe de témoins de s'installer, mais auparavant, j'aimerais remercier MM. Gleberzon et Shillington d'avoir été des nôtres. Monsieur Shillington, vous n'avez pas besoin de vous excuser pour votre emportement; nous valorisons l'ardeur avec laquelle vous défendez ce dossier.
[Français]
Yves Giroux, chef principal, Division de la politique sociale, ministère des Finances : Monsieur le président, je suis le chef principal à la Division de la politique sociale au ministère des Finances. Je suis accompagné de mes collègues de Ressources humaines et Développement social Canada, du Bureau de l'actuaire en chef et du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision.
Comme vous le savez, le Régime de pensions du Canada, le RPC, est l'un des trois piliers du système de revenu de retraite du Canada. Il procure une retraite de base remplaçant 25 p. 100 des gains moyens jusqu'à concurrence d'un plafond aux travailleurs qui ont cotisé au régime — c'est donc un régime à contribution. Il procure également des prestations d'invalidité, de survivant et de décès. Les tableaux 1 et 2 des documents, dont vous avez eu copies au préalable, fournissent des faits et des chiffres au sujet du régime.
Un autre pilier très important pour les Canadiens est le Programme de la sécurité de la vieillesse, qui procure une prestation mensuelle aux Canadiens âgés de 65 ans et plus qui satisfont aux critères de résidence — pas de cotisation, mais bien de résidence — et le Supplément de revenu garanti qui procure une prestation additionnelle aux Canadiens à faible revenu qui touchent les prestations de la sécurité de la vieillesse.
Le troisième pilier englobe les régimes enregistrés d'épargne- retraite et les régimes de pension agréés.
[Traduction]
Le Canada est reconnu internationalement comme l'un des rares pays à compter un régime public de pensions reposant sur une assise financière solide malgré le vieillissement de la population. Les réformes au RPC adoptées en 1997 ont mis le régime sur une base financière solide. Le tout dernier Rapport actuariel du RPC déposé au Parlement le mois dernier confirme que le régime demeure financièrement viable pour les 75 prochaines années au moins, au taux de cotisation actuel, soit 9,9 p. 100. Vous avez déjà ou vous aurez bientôt un exemplaire du rapport.
Le Régime de pensions du Canada est un programme autofinancé régi par une loi du Parlement. Le graphique A montre la structure de gouvernance du régime. Une caractéristique clé de cette structure est le fait que le gouvernement du Canada et les gouvernements des dix provinces assurent ensemble l'intendance du RPC. Cette cogérance se vérifie dans le fait que le ministre fédéral des Finances est tenu d'examiner la situation financière du RPC, tous les trois ans, avec ses homologues provinciaux. À la fin de chaque examen, les ministres des Finances recommandent, le cas échéant, des changements au taux de cotisation, aux prestations ou à la politique de financement du régime. Ces examens reposent sur les rapports actuariels préparés par l'actuaire en chef du RPC.
La cogérance fédérale-provinciale signifie également que toute modification de fond apportée aux dispositions législatives du RPC exige le consentement officiel d'au moins les deux tiers des provinces représentant au moins les deux tiers de la population du Canada, ainsi que l'accord du Parlement fédéral.
La cogérance se vérifie également dans le fait que les revenus et les dépenses du RPC ne font ni partie du Trésor du gouvernement du Canada ni du Trésor des gouvernements provinciaux. Les revenus et les dépenses du RPC sont comptabilisés dans un compte distinct dans les comptes du gouvernement du Canada. Par ailleurs, les revenus du RPC ne peuvent servir qu'au paiement des prestations du RPC.
Les revenus qui ne sont pas requis dans l'immédiat aux fins du paiement des prestations du RPC sont transférés à l'Office d'investissement du RPC. L'office a pour mandat d'investir ces fonds dans l'intérêt des cotisants et des bénéficiaires tout en évitant des risques de perte indus. Il exerce ses activités de façon indépendante des gouvernements et place les actifs du RPC dans un portefeuille diversifié de titres du marché.
L'Office d'investissement du RPC a été créé dans le cadre des réformes de 1997 visant à assurer la viabilité financière à long terme du RPC. Comme l'ont mentionné plus tôt les témoins, à la fin de mars 2007, les actifs du RPC gérés par l'Office d'investissement atteignaient environ 120 milliards de dollars. Selon les prévisions, les actifs vont poursuivre leur croissance. Toutefois, les éléments de passif du RPC sont également très élevés. M. Ménard peut vous donner plus de détails à ce sujet. Les actifs se chiffrent à 120 milliards de dollars, et les éléments de passif, eux, à près de 500 milliards de dollars.
M. Gleberzon a laissé entendre que le régime est bien nanti. Le problème, c'est que des sommes considérables devront être déboursées lorsque les membres de la génération du baby-boom vont prendre leur retraite. Or, les gains de placement de ce portefeuille permettront de payer les prestations du RPC dont le paiement nécessiterait autrement de hausser les taux de cotisation.
J'aimerais faire quelques observations au sujet des points qui ont été abordés plus tôt. J'ai déjà parlé des actifs.
[Français]
Bien que les premiers témoins aient mentionné que le fonds contenait environ 120 milliards, il faut considérer le fait que les obligations actuarielles représentent 500 milliards.
Monsieur Shillington a également mentionné qu'un employé de banque avait malencontreusement oublié de déposer une demande de rétroactivité au Régime de pensions du Canada et qu'aujourd'hui, à l'âge de 67 ans, c'était trop tard dans son cas pour demander de la rétroactivité.
Le Régime de pensions du Canada est conçu de façon à ce que les personnes qui demandent leurs prestations de retraite entre l'âge de 65 et 70 ans bénéficient d'un accroissement actuariel pour chaque mois au-delà de l'âge de 65 ans.
L'employé, dont M. Shillington a fait référence, bénéficie tout de même d'une forme de rétroactivité parce que celle- ci est incluse à l'intérieur de prestations qui sont plus élevées qu'elles ne l'auraient été autrement. Cela remet donc les choses en perspective.
Il a aussi été question du fait que le taux de paiement de prestations par le gouvernement du Québec atteint 100 p. 100. Je suis économiste de formation et les incitatifs sont pour moi quelque chose d'important à considérer.
Il faut se rappeler que les gouvernements provinciaux sont responsables du paiement des prestations d'assurance sociale, mais qu'ils ne sont pas responsables du paiement des prestations aux aînés. Le Régime des rentes du Québec est aussi un fonds séparé et non consolidé, et pour le gouvernement du Québec, les incitatifs font en sorte que si les prestataires d'aide sociale de 60 ans font une demande de prestations au Régime des rentes du Québec, les paiements de prestations d'aide sociale que le gouvernement du Québec leur verse sont d'autant réduits.
Sans supposer que c'est ce que le gouvernement du Québec fait, il faut tenir compte du fait que les incitatifs sont là pour que les gouvernements provinciaux encouragent les citoyens à réclamer des paiements de transfert qui ne sont pas consolidés. Cela pourrait peut-être expliquer la raison pour laquelle le gouvernement du Québec est plus proactif sur le plan des communications avec les personnes âgées de 60 ans et plus.
[Traduction]
Le président : Croyez-vous, tout comme le sénateur Murray, qu'il serait préférable que les provinces administrent le régime?
[Français]
M. Giroux : Cette question relève du Parlement. Je dois dire que dans ce cas, je suis content d'être un fonctionnaire. Si vous avez des questions, il me fera plaisir d'y répondre.
Jean-Claude Ménard, actuaire en chef, Bureau de l'actuaire en chef : Monsieur le président, je vous remercie de me donner la possibilité de vous parler du Régime de pensions du Canada. J'aimerais d'abord dire quelques mots au sujet du mandat et des activités du Bureau de l'actuaire en chef.
Notre mandat consiste à effectuer les évaluations actuarielles prévues par la loi à l'égard du Régime de pensions du Canada, du Programme de la sécurité de la vieillesse et des régimes de retraite et d'avantages sociaux des employés de la fonction publique fédérale, des Forces canadiennes, de la GRC, des juges de nomination fédérale et des membres du Parlement.
Depuis 2001, le Bureau effectue également l'examen actuariel annuel du Programme canadien de prêts aux étudiants. Le principal rôle du Bureau à l'égard du Régime de pensions du Canada est de fournir des services actuariels au gouvernement fédéral et aux gouvernements des provinces qui participent au Régime de pensions du Canada.
Ces services comprennent la préparation d'estimations actuarielles des coûts et du passif et de protections financières à long terme pour toute proposition de changement au Régime de pensions du Canada dont sont saisis les gouvernements en cause.
Le Canada s'est doté d'un système public de revenu de retraite qui devrait être abordable et viable à long terme malgré les changements démographiques. Nous avons pour mandat de surveiller la situation et de communiquer les risques démographiques et économiques qui pourraient se présenter à l'avenir en déposant des rapports actuariels périodiques au Parlement.
[Traduction]
Lorsque le Parlement est saisi d'un projet de loi qui risque d'avoir une incidence marquée sur la situation financière d'un régime de pension public relevant de la responsabilité de l'actuaire en chef, le Bureau de l'actuaire en chef doit soumettre au ministre concerné un rapport actuariel.
Je suis chargé de remettre ces rapports, y compris les rapports actuariels triennaux, au ministre des Finances, au ministre des Ressources humaine et du Développement social et au président du Conseil du Trésor. Le BAC fournit des conseils actuariels aux ministères afin de les aider à élaborer, financer et administrer ces programmes.
Permettez-moi de revenir à ce qu'a dit plus tôt M. Shillington. Il a affirmé qu'environ 3 000 personnes présentent une demande de prestations après l'âge de 70 ans. C'était peut-être le cas dans le passé, mais depuis deux ans, la moyenne est plutôt de 2 000 personnes et non pas 3 000.
Dominique La Salle, directeur général, Secrétariat des politiques sur les aînés et les pensions, Ressources humaines et Développement social Canada : Je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler du Régime de pensions du Canada.
[Français]
Je suis directeur général du Secrétariat des politiques sur les aînés et les pensions. Je suis ravi d'être parmi vous aujourd'hui.
[Traduction]
Les pensions de retraite du RPC sont basées sur le montant et la durée des cotisations d'une personne, ainsi que sur l'âge auquel la pension commence à être versée. Il est important de noter que la pension de retraite du RPC donne aux cotisants une grande marge de manœuvre, en ce sens qu'ils peuvent choisir de la recevoir à tout moment à partir de l'âge de 60 ans. La pension de retraite de base est payable à l'âge de 65 ans, pourvu que la personne ait versé des cotisations pendant au moins un an.
Si une personne choisit de présenter une demande de pension avant l'âge de 65 ans, la pension anticipée est réduite de 0,5 p. 100 pour chaque mois qui manque à la personne pour atteindre l'âge de 65 ans. Ainsi, la personne qui demande une pension à l'âge de 60 ans va subir une réduction maximale de 30 p. 100, ou de 6 p. 100 par année. Les personnes qui choisissent au contraire d'attendre avant de demander leur pension vont recevoir en contrepartie une augmentation de 0,5 p. 100 pour chaque mois au-delà de l'âge de 65 ans. La personne qui prend sa retraite à 70 ans va voir sa pension augmenter de 30 p. 100.
La plupart des Canadiens présentent une demande de pension de retraite entre l'âge de 60 et de 70 ans. En fait, environ 95 p. 100 des personnes qui présentent une demande au titre du RPC sont âgées entre 60 et 65 ans.
Concernant l'admissibilité aux prestations d'invalidité du RPC, les critères et le calcul des prestations varient considérablement du calcul d'une pension de retraite. Les prestations d'invalidité remplacent une partie du revenu des cotisants qui ne peuvent plus travailler en raison d'une invalidité. Le requérant doit d'abord démontrer qu'il a cotisé au régime pendant quatre des six dernières années, ce qui témoigne d'une participation récente au marché du travail. Une fois cette participation établie, il doit également démontrer qu'il est atteint d'une invalidité mentale ou physique grave et prolongée qui l'empêche de faire régulièrement n'importe quelle sorte de travail.
Habituellement, les personnes demandent des prestations d'invalidité lorsqu'elles deviennent invalides. La loi permet aux personnes de faire une demande bien après que l'invalidité se soit manifestée.
[Français]
Je sais que les membres du comité s'intéressent particulièrement aux limites imposées aux paiements rétroactifs des prestations du Régime de pensions du Canada.
[Traduction]
Dans les cas des aînés admissibles qui tardent à présenter leur demande, la loi prévoit le versement rétroactif des prestations pour une période maximale de 11 mois. Cette période de rétroactivité a été jugée raisonnable car elle permet de tenir compte des retards que peut poser l'obtention de renseignements ou de preuves nécessaires pour faire une demande, et aussi des mesures de suivi courantes qui sont liées au traitement d'une demande.
Les limites actuelles en matière de rétroactivité cadrent avec celles que l'on retrouve dans d'autres programmes similaires au Canada, notamment les programmes fédéraux et provinciaux de soutien du revenu comme le programme de prestations aux aînés de l'Alberta, le programme de supplément de revenu pour les personnes âgées de la Colombie- Britannique, le régime de revenu annuel garanti de l'Ontario, le programme d'allocation familiale du Québec, le programme de prestations aux aînés de Terre-Neuve-et-Labrador.
Sans ces limites, les Canadiens pourraient gérer les prestations du RPC comme s'il s'agissait d'un programme d'épargne. Les bénéficiaires pourraient retarder la présentation de leur demande de prestations de façon à tirer profit du SRG et des programmes provinciaux fondés sur le revenu. Par exemple, ils pourraient se prévaloir du régime d'assurance-médicaments, accumuler des prestations au titre du RPC et réclamer plus tard un gros montant rétroactif. On donnerait ainsi à des personnes qui autrement ne seraient pas admissibles l'accès à des avantages associés à un faible revenu.
Il existe des dispositions qui permettent au ministre d'autoriser le versement de prestations au-delà de la période de 11 mois lorsque le ministère a commis une erreur administrative ou fourni des conseils erronés, ou encore lorsqu'un requérant ne pouvait faire une demande en raison d'une incapacité mentale ou physique.
En vertu de ces dispositions, le ministère est responsable lorsqu'un employé autorisé donne un mauvais conseil ou commet une erreur qui a pour effet de priver une personne des prestations qu'elle aurait dû recevoir.
[Français]
Par exemple, si une personne tente de présenter une demande de pension de retraite à l'âge de 65 ans, mais qu'elle décide finalement de ne pas le faire en se fondant sur le conseil qu'un employé lui a donné, au moment où elle présentera éventuellement sa demande, elle pourra alors avoir droit à des prestations rétroactives remontant à son 65e anniversaire.
[Traduction]
Par ailleurs, le ministre peut autoriser le versement de prestations rétroactives pour la période durant laquelle une personne était frappée d'une invalidité et ne pouvait présenter de demande.
[Français]
La grande majorité des aînés reçoivent les prestations auxquelles elles ont droit. Le ministère fait de grands efforts pour informer les cotisants des prestations auxquelles elles ont droit en vertu du Régime de pensions du Canada. Le ministère le fait par des campagnes de publicité, des lettres ciblées et des activités de toutes sortes.
L'adoption du projet de loi C-36 permet également une simplification importante du processus d'application. Nous travaillons actuellement à cibler les tierces parties qui peuvent nous aider à diffuser l'information aux Autochtones, particulièrement dans les collectivités éloignées, aux personnes âgées immigrantes et aux sans-abri, et ce en travaillant en étroite collaboration avec les services sociaux et municipaux.
[Traduction]
J'ajouterais — et je reviens à ce que mon collègue du ministère des Finances a dit — que nous avons entrepris des discussions avec les provinces en vue de savoir combien de bénéficiaires de l'aide sociale elles comptent, pour que nous puissions établir un rapprochement entre ces chiffres et le nombre de personnes qui touchent le SRG. Bien entendu, nous fournissons des renseignements sur les bénéficiaires du SRG, les provinces utilisant souvent ces données comme critère d'admissibilité à leurs programmes. En effet, si vous touchez le SRG, vous avez également droit aux programmes X, Y, Z à l'échelle provinciale.
Ces renseignements nous sont utiles. Nous avons conclu avec l'Ontario une entente qui nous permet de savoir qui reçoit de l'assistance sociale, de voir si cette personne reçoit le SRG et, au besoin, de lui venir en aide.
Nos discussions avec la Colombie-Britannique vont bon train. Les pourparlers avec le Québec se poursuivent depuis trois ans. Nous réalisons des progrès du côté du Nouveau-Brunswick. Il s'agit d'une initiative très importante qui va nous permettre de boucler la boucle.
Les efforts de sensibilisation que nous déployons à l'échelle locale ont pour but de renseigner les personnes que même le meilleur système informatique ne nous permettrait pas de rejoindre. Je fais allusion ici aux sans-abri, ainsi de suite. Nous essayons de trouver des moyens innovateurs d'informer ces personnes. Nous travaillons à l'échelle locale. Nous avons mis sur pied un projet pilote avec le service de police de la ville d'Ottawa : nous formons les policiers qui agissent comme travailleurs de première ligne pour qu'ils sachent quelles questions poser et fournir le soutien qui convient.
Je tiens à dire aux honorables sénateurs que nous sommes déterminés à faire en sorte que toutes les personnes admissibles reçoivent les prestations auxquelles elles ont droit. Nous sommes d'avis que la période de rétroactivité de 11 mois permet à la majorité des aînés de recevoir les prestations qui leur reviennent. À cet égard, 93 p. 100 des requérants reçoivent leurs prestations un mois après en avoir fait la demande.
Nous continuons de prendre des mesures actives en vue de renseigner les personnes qui, présentement, ne reçoivent pas leurs prestations, notamment en faisant davantage connaître le RPC et en simplifiant le processus de demande.
[Français]
Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions dans les deux langues officielles.
Le président : Merci. Je donne la parole à M. Philippe Rabot.
Philippe Rabot, commissaire, Bureau du commissaire des tribunaux de révision, Régime de pensions du Canada/ Sécurité de la vieillesse : Merci, monsieur le président. Au cours du dernier exercice financier, mon bureau a reçu près de 5 000 appels de la part d'individus qui, pour la plupart, s'étaient fait refuser des prestations, surtout des prestations d'invalidité. Dans certains cas, que je chiffre entre 100 et 200, il s'agissait d'appels d'individus qui s'étaient vu accorder des prestations, mais la période de rétroactivité a été mise en cause. Quatre-vingt-onze p. 100 des appels que nous traitons concernent les pensions d'invalidité. Ce sont surtout dans ces dossiers que les questions de rétroactivité surgissent, mais il arrive à l'occasion, effectivement, que cela soit soulevé lorsque les pensions de retraite ou d'autres pensions sont en cause.
Il est très rare qu'un tribunal de révision puisse prolonger la période de rétroactivité puisque nous traitons, dans ces cas-là, d'individus qui se sont vu accorder la période de rétroactivité maximale permise par la loi. La seule exception — et M. Shillington l'a abordée — concerne les cas d'incapacité. Là encore, les critères sont assez rigoureux et rares sont les individus qui sont en mesure de démontrer qu'ils satisfont à ce critère.
[Traduction]
Dans certains appels concernant des dossiers où la rétroactivité maximale a été payée, on fait valoir que le retard à présenter la demande de prestations est attribuable à de mauvais renseignements fournis pas Service Canada. L'exemple cité le plus souvent est le suivant : la personne demande à être renseignée sur les prestations auxquelles les aînés ont droit. On lui indique les démarches à suivre pour présenter une demande de pension de vieillesse, mais aucune mention n'est faite du Régime de pensions du Canada, comme l'a laissé entendre M. Shillington. On présume, à tort, que les gens ne sont pas admissibles au programme.
M. Shillington a également mentionné le fait que le ministre a le pouvoir de prendre des mesures correctives s'il y a eu erreur administrative ou avis erroné, en prolongeant la période de rétroactivité de 15 mois prévue par la loi. Or, la loi n'accorde pas le même pouvoir à un tribunal de révision. Pourtant, toute personne qui s'est vu refuser ou accorder une pension a le droit de porter cette décision en appel si elle n'est pas satisfaite de celle-ci. Toutefois, si la personne a reçu la rétroactivité maximale permise et interjette appel, nos ne pouvons rien faire, car nous n'avons pas le pouvoir, en tant que tribunal de révision, d'examiner le dossier afin de déterminer s'il y a eu erreur administrative ou si les gens ont retardé à présenter leur demande à cause de renseignements erronés fournis par Service Canada.
La question de la rétroactivité est souvent évoquée dans le cas des personnes âgées entre 60 et 64 ans qui demandent une pension de retraite anticipée. Dans bien des cas, elles présentent une demande quand elles ne peuvent plus travailler. Toutefois, elles ne savent pas qu'elles pourraient plutôt demander à recevoir des prestations d'invalidité, celles-ci étant beaucoup plus généreuses dans la plupart des cas.
Lorsqu'elles s'en rendent compte deux ou trois ans plus tard, il est trop tard pour convertir la pension de retraite en pension d'invalidité. C'est ce que l'on constate dans presque tous les cas. Encore une fois, nous ne pouvons rien faire pour ces personnes, ce qui est malheureux, car lorsqu'on demande une pension de retraite anticipée, la pension risque d'être réduite jusqu'à concurrence de 30 p. 100. La personne va ressentir l'effet de ce choix pour le reste de ses jours. Si les gens avaient su qu'ils avaient droit à une pension d'invalidité, ils auraient peut-être reçu une pension plus élevée jusqu'à l'âge de 65 ans. À 65 ans, la pension d'invalidité aurait été automatiquement convertie en pension de retraite, sans qu'ils en fassent la demande.
Les limites imposées aux versements rétroactifs des prestations du RPC touchent beaucoup d'autres personnes, notamment les personnes handicapées qui font une demande de prestations d'invalidité au titre du RPC. Encore une fois, il peut s'agir de personnes qui ont attendu des années avant de présenter une demande d'invalidité souvent parce qu'elles ignoraient l'existence du programme.
Je tiens à signaler au comité que tout projet visant à modifier les dispositions rétroactives existantes de la loi qui s'appliquent aux prestations de retraite ou de survivant du RPC devrait peut-être aussi englober les autres pensions. Ainsi, les personnes qui, cinq ou dix ans plus tard, apprennent qu'elles avaient droit à une pension d'invalidité seront traitées comme les autres et pourront demander une rétroactivité qui va au-delà des limites permises par la loi.
Le sénateur Eggleton : Je voudrais revenir à la question fondamentale qu'a posée le sénateur Callbeck : pourquoi les gens ne réclament-ils pas ces prestations? J'essaie de situer la question de l'admissibilité au RPC dans le contexte d'aujourd'hui.
Il y a 20 ou 30 ans, les gens travaillaient jusqu'à l'âge de 65 ans. Le jour suivant, ils touchaient leur pleine pension et vivaient en fonction de celle-ci. Aujourd'hui, les gens travaillent au-delà de l'âge de 65 ans, mais pas nécessairement au même rythme. Ils travaillent à contrat ou encore à temps partiel, et touchent peut-être un revenu inégal, selon qu'ils travaillent un mois et l'autre, pas. Ils espèrent peut-être gagner beaucoup d'argent et constatent que ce n'est pas le cas.
Est-ce que cela crée de la confusion dans l'esprit des gens, pour ce qui est de leur admissibilité au RPC? Si j'ai bien compris, si votre revenu est supérieur à la pension à laquelle vous avez droit au titre du RPC, vous êtes jugé inadmissible. Vous pourriez peut-être nous donner des précisions à ce sujet, compte tenu du fait que les gens, aujourd'hui, travaillent à temps partiel ou à temps plein au-delà de l'âge de 65 ans.
M. Ménard : Il est vrai que cela suscite plusieurs interrogations. J'aimerais d'abord remercier le sénateur Callbeck, qui a soulevé le sujet le mois dernier, et aussi les questions que nous avons été appelés à commenter. Cela nous aide à vous fournir des réponses plus précises.
Selon le rapport actuariel, le taux d'admissibilité chez les hommes n'est pas de 100 p. 100, mais de 106 p. 100. Le Canada anglais, comme l'Australie, affiche l'un des taux de migration les plus élevés au monde. De très nombreuses personnes ont immigré au Canada ou ont quitté le pays au cours des 40 dernières années. Autrement dit, de nombreuses personnes ont cotisé au RPC entre 40 et 50 ans. Elles ont droit aux prestations même si elles habitent à l'étranger. J'insiste sur ce point. Ce segment de population est très différent de celui qui reçoit la pension de la sécurité de la vieillesse ou le supplément de revenu garanti.
Vingt-quatre millions de personnes ont cotisé pendant au moins un an au Régime de pensions du Canada depuis 1990. D'après le registre des gains, environ 284 000 personnes âgées de 70 ans ou plus ne touchent pas de prestations de retraite du RPC parce qu'elles ont, par exemple, quitté le Canada avant d'être devenues admissibles, ou après. Certaines personnes qui résident au Canada n'ont pas fait de demande. Elles ont peut-être présenté une demande au Régime de rentes du Québec. Nous n'avons pas accès aux données de ce régime. Il y en a beaucoup, parmi ces 284 000 personnes, qui ont même plus de 100 ans. Certaines ont cotisé à l'âge de 50 ans en 1966 et sont peut-être décédées en 1972. Nous ne le savons pas. Nous avons examiné l'âge de ces personnes, appliqué les quotients de mortalité et avons conclu qu'il y avait 118 000 personnes qui étaient peut-être toujours en vie au 1er juillet 2005.
L'administration nous a gracieusement offert une banque de données qui nous permet d'effectuer de meilleures prévisions. Grâce à elle, nous avons accès au registre des gains, au fichier maître des prestations de RPC, et au fichier maître des prestations de la Sécurité de la vieillesse. Ne vous inquiétez pas : nous n'avons pas accès aux nos d'assurance- sociale ou à d'autres données personnelles. Nous n'avons accès qu'à des chiffres, et nous pouvons faire beaucoup avec les chiffres.
Suite aux discussions que nous avons eues en mars au sujet du projet de loi C-36, nous avons identifié environ 26 000 personnes qui reçoivent la pension de la sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti ou la prestation de survivant, mais qui n'ont pas présenté de demande en vue de toucher des prestations du RPC. M. La Salle va vous parler, plus tard, des mesures qui ont été prises pour renseigner ces gens. Après tout, ces personnes reçoivent déjà un chèque, et nous savons qui elles sont.
Nous savons que parmi ce groupe de 118 000 personnes, environ 10 000 ont cotisé à deux régimes. La moitié touche des prestations du RRQ, et l'autre moitié vit à l'étranger. Cela veut dire que 82 000 personnes qui seraient toujours en vie ne touchent pas de pension de la sécurité de la vieillesse ou de prestations de survivant et n'ont cotisé qu'au RPC. Nous partons du principe que la plupart de ces personnes vivent à l'étranger.
Concernant les 284 000 personnes, deux tiers sont des hommes, le tiers, des femmes. La plupart n'ont cotisé au régime que pendant un an. En effet, 88 p. 100 de ces personnes ont cotisé pendant moins de cinq ans. Près de 2 000 personnes ont cotisé au RPC pendant de nombreuses années. Environ la moitié de celles-ci font partie du groupe de 26 000 personnes mentionnées plus tôt.
Pour ce qui est des personnes qui ont cotisé au RPC et qui ne reçoivent pas de prestations, je pense que, mis à part ces 26 000 personnes, la plupart d'entre elles vivent à l'étranger.
Le sénateur Eggleton : Vous n'avez pas répondu à ma question. Les renseignements que vous avez donnés sont fort utiles. Vous n'êtes peut-être pas la personne la mieux placée pour répondre à la question. M. La Salle devrait peut-être le faire.
Je voudrais savoir quels ajustements doivent être apportés au RPC pour tenir compte des tendances actuelles, s'il ce facteur doit être pris en considération, et comment vous entendez vous adapter à la situation dans les années à venir.
M. La Salle : Vous soulevez plusieurs points. Il s'agit d'un régime contributif. Si vous travaillez, vos prestations au titre du RPC vont être réduites en fonction de votre revenu. Mais ce n'est pas à cela que vous faites allusion. Vous parlez probablement du volet SRG du programme de la SV.
Essentiellement, il y a le RPC, qui est axé sur les cotisations, le montant que vous avez cotisé au régime et l'âge auquel vous prenez votre retraite. Il s'agit d'un programme distinct. Si vous avez 65 ans et comptez 10 années de résidence au Canada, vous êtes admissible à la prestation de la sécurité de la vieillesse. Si vous êtes une personne âgée à faible revenu, vous avez accès au supplément de revenu garanti. Or, le SRG est remis en question. Une certaine exemption est accordée si vous touchez des revenus, que vous occupiez un emploi à temps plein ou autre. Les premiers 500 $ sont exemptés. Ensuite, la réduction se fait selon le principe du deux pour un.
La prestation maximale du SRG est fixée à 7 000 $. Il faudrait toucher environ 15 000 $ pour ramener ce volet à zéro. Je ne sais pas si cela clarifie les choses.
Le sénateur Eggleton : Vous avez droit aux prestations du RPC quand vous prenez votre retraite. Or, aujourd'hui, les gens ne prennent pas nécessairement leur retraite. Ils continuent de travailler à temps partiel, par exemple. Quel impact ce travail a-t-il sur leur admissibilité au RPC? Comprennent-ils l'impact que cela peut avoir sur leur admissibilité?
M. La Salle : Quand vous présentez une demande de pension de retraite du RPC, le montant est gelé. Si vous continuez de travailler par après, vous n'avez pas droit à des prestations supplémentaires au titre du RPC.
Le sénateur Eggleton : Est-ce que la personne est toujours admissible aux prestations auxquelles elle a droit à 65 ans, qu'elle soit à la retraite ou non?
M. La Salle : Oui. Elle y est admissible et peut continuer de travailler. Elle ne cotise plus au régime.
Suzan Kalinowski, chef, Sécurité du revenu, Politique sociale, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances : Je veux simplement répéter, comme M. La Salle l'a mentionné, que la pension de retraite du RPC n'est jamais réduite.
[Français]
Le sénateur Chaput : J'aimerais revenir sur un point, et je pense que vous serez tous d'accord avec moi. Il y a encore un certain nombre d'aînés qui ne reçoivent pas de prestations pour lesquelles ils ou elles sont admissibles. Que ce soit une chose ou une autre, il y en a encore un certain nombre.
Vous nous avez dit que ce nombre diminue et c'est très bien. Vous nous avez parlé de certaines initiatives que vous avez entreprises avec succès.
Vous nous avez mentionné des incitatifs qui pourraient faire que certaines provinces réussissent mieux que d'autres à rejoindre tous ceux qui devraient recevoir les prestations pour lesquelles ils sont admissibles.
L'un de vous a mentionné quelque chose de particulier à propos d'un programme à succès qui se fait au niveau municipal, si j'ai bien compris, avec des travailleurs sociaux.
Je me demande quelle est la raison pour laquelle on ne considère pas les gouvernements municipaux un peu comme des partenaires? S'il y a un gouvernement qui connaît la situation, c'est bien les municipalités, non?
M. La Salle : Tout à fait, c'est là que cela se passe. Quand on parle de sans-abri, ce n'est pas à partir d'Ottawa que c'est géré, c'est au niveau de la communauté. C'est effectivement souvent des organisations paramunicipales ou ainsi de suite, comme la Soupière de l'amitié, et cetera.
Nous avons un projet pilote avec la ville d'Ottawa par lequel nous entraînons les employés , qui sont plus susceptibles de croiser les sans-abri dans la rue, pour qu'ils soient en mesure de leur poser les questions permettant d'identifier les candidats éligibles aux programmes que nous offrons. Il semble que cela soit un succès.
Nous prenons aussi des initiatives avec les Premières nations. Par exemple, le mois passé, en Colombie-Britannique, on a profité d'une réunion de l'Assemblée des Premières nations pour donner de l'information.
Nos initiatives visent également les immigrants qui ne parlent ni français ni anglais. Je sais que Service Canada développe du matériel d'information dans différentes langues. Donc, des efforts sont faits de ce côté aussi.
Le sénateur Chaput : Êtes-vous en mesure de faire une évaluation ou est-ce trop tôt pour savoir si vous avez réussi à réduire le nombre de personnes qui ne reçoivent pas de prestations?
M. La Salle : Je devrai vous revenir là-dessus, je n'ai pas l'information avec moi. Pour chacune de ces initiatives, on a un cadre d'évaluation, on veut voir ce qui se passe, et on mesure le succès.
Je me rappelle un projet au Nunavut ou dans le nord de l'Alberta, une région assez éloignée où, dans une communauté, une dizaine de personnes ont été bénéficiaires de prestations. Cela fait une grande différence dans une petite communauté.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck : Je sais que vous avez entendu les témoins précédents ainsi que les questions que je leur ai posées. Je m'inquiète profondément pour les milliers de personnes qui ont cotisé au RPC, mais qui ne reçoivent pas les prestations. Vous faites beaucoup de démarches en direction des groupes difficiles à atteindre, mais de toute évidence, d'après les chiffres que j'ai cités plus tôt, nous n'atteignons pas les résultats souhaités.
Quand j'ai demandé aux deux autres témoins quelles mesures ils nous recommandaient de prendre, ils ont parlé du fait qu'au Québec, on communique avec les gens par téléphone. Nous avons une liste de 26 000 personnes qui reçoivent une pension de vieillesse. Nous savons où elles habitent et nous savons aussi qu'elles ne touchent pas les prestations du RPC auxquelles elles ont droit.
A-t-on songé à communiquer par téléphone avec ces personnes comme cela se fait au Québec?
M. La Salle : Je peux vous dire que Service Canada est en train de faire parvenir à ces 26 000 personnes des formulaires remplis à l'avance. Mes collègues de Service Canada pourraient vous en dire beaucoup plus long à ce sujet. Nous leur envoyons une lettre qui concerne leur propre situation ainsi qu'un formulaire qui a déjà été rempli pour elles. Devrions-nous ensuite leur téléphoner? Ce ne serait pas une mauvaise idée, mais il s'agit d'une question à laquelle Service Canada devrait répondre.
Il existe de nombreux bureaux de Service Canada, et j'estime qu'il leur appartient de gérer cette affaire. M. Ménard a travaillé pour le gouvernement du Québec pendant de nombreuses années et il pourrait peut-être vous donner son point de vue sur les façons de faire dans cette province.
M. Ménard : J'ai travaillé pendant 18 ans pour le RRQ, qui a toujours bien réussi à joindre les groupes difficiles à atteindre, et rien n'empêche le RPC d'en faire autant. Pourrions-nous communiquer par téléphone avec ces personnes? Tout à fait. Serions-nous en mesure de joindre chacune d'entre elles? Non. Il se peut que certaines personnes soient très âgées et qu'elles aient besoin d'aide de la part de leurs enfants. Par conséquent, il est important de choisir le bon moment pour les appeler. L'exercice auquel nous nous sommes livrés ces derniers mois devrait être fait chaque année en vue de nous assurer que les gens reçoivent le montant auquel ils ont droit.
Le président : Avez-vous estimé combien il en coûterait pour parvenir à mieux atteindre ce groupe de gens? Le comité s'intéresse particulièrement à ce genre d'estimation.
M. Ménard : Je ne peux pas vous donner d'estimation en ce qui concerne ces 26 000 personnes précisément. Toutefois, dans le rapport actuariel, on a inclus le coût résultant des démarches effectuées pour joindre ces 26 000 personnes, car on a présumé qu'elles allaient faire une demande.
Le sénateur Callbeck : Donc, vous vous entendez tous pour dire qu'il s'agit d'une bonne idée.
Dans le Feuilleton du Sénat, j'ai demandé si on informe les aînés qui présentent une demande de pension de vieillesse qu'ils sont admissibles, le cas échéant, à des prestations du RPC. J'ai aussi demandé si le personnel de première ligne avait accès aux dossiers personnels.
La réponse que j'ai reçue se lit comme suit : « Les Canadiens peuvent demander des prestations du RPC à des âges différents. Le personnel de Service Canada ne confirme pas nécessairement si une personne qui présente une demande de pension de vieillesse reçoit des prestations du RPC ou y est admissible. » On précise ensuite que le personnel de première ligne qui a accès au dossier de pension de vieillesse d'un aîné a aussi accès à son dossier du RPC.
Pourquoi ne s'agirait-il pas d'une politique? Si une personne demande des renseignements au sujet de la pension de vieillesse, on pourrait automatiquement lui dire qu'elle doit présenter une demande de prestations du RPC. Il semble que les membres du personnel disposent des renseignements nécessaires pour ce faire.
M. La Salle : Je poserais cette question à des représentants de Service Canada, car il se peut que la question des systèmes informatiques entre en jeu. Je sais que Service Canada est en train de procéder à l'intégration des systèmes de gestion de la pension de vieillesse et des prestations du RPC.
Le président : Y a-t-il un représentant de Service Canada dans la salle qui pourrait venir à la table? S'il n'y en a pas, nous allons continuer.
M. La Salle : Il y a Mme Pam Menchions.
Le président : Est-ce que Service Canada fait partie de Ressources humaines et Développement social Canada?
M. La Salle : Oui.
Le président : Madame Menchions, vous avez entendu la question. Pouvez-vous répondre?
Pamela Menchions, directrice de la gestion des opérations, Service Canada : L'âge auquel les gens présentent une demande de prestations du RPC varie. Le personnel de première ligne a reçu la directive de ne pas nécessairement inviter une personne à présenter une demande de prestations du RPC lorsqu'elle fait une demande de pension de vieillesse.
Le sénateur Callbeck : L'employé sait qu'une personne est admissible à des prestations du RPC, alors pourquoi ne l'en avise-t-il pas?
Mme Menchions : Il appartient à la personne de décider quand elle veut présenter une demande de prestations du RPC.
Le président : Nous comprenons cette politique.
Le sénateur Murray : Le gouvernement du Canada est en mesure d'utiliser son bon sens et ses capacités informatiques et administratives pour éviter que ces personnes ne passent entre les mailles du filet. Autrement dit, comme l'un des témoins l'a déclaré, il doit les informer avant qu'elles ne se rendent compte plus tard qu'elles auraient dû demander une pension d'invalidité plutôt qu'une rente de retraite anticipée.
Lorsque je remplis ma déclaration de revenu en ligne, je suis toujours très impressionné par la rapidité avec laquelle le système détermine qui je suis ainsi que le montant qui m'est dû ou que je dois payer. Quelqu'un a parlé du projet de loi C-36, qui vise notamment à moderniser la prestation des services. Que contient cette mesure à cet égard? Elle comporte des dispositions sur les intérêts dus à Sa Majesté que doit contenir aussi la Loi sur la sécurité de la vieillesse!
Je voudrais vous parler d'un nouveau concept élaboré par vos collègues chargés des relations fiscales avec les provinces. Il s'agit de comparer les sommes auxquelles le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, par exemple, a droit en vertu d'un programme existant avec celles auxquelles il aurait droit au titre d'un programme fictif ou qui n'existe plus. Si le dernier montant est inférieur au premier, le gouvernement fédéral émet un chèque dont le montant correspond à la différence entre les deux.
Nous pouvons faire davantage par l'entremise de Service Canada, comme vous l'avez laissé entendre, étant donné que ce ministère semble être le mieux placé.
Monsieur Rabot, vous avez déclaré que les tribunaux devraient eux aussi disposer du même pouvoir qu'a le ministre d'autoriser certains paiements rétroactifs. Vous avez ajouté que si d'autres modifications sont apportées au RPC, elles devraient également s'appliquer à la pension de vieillesse et au supplément de revenu garanti. Voulez-vous dire que d'autres changements devraient être effectués?
Vous avez dit :
Le Parlement devrait songer à modifier le paragraphe 66(4) afin d'accorder aux tribunaux de révision le même pouvoir dont jouit actuellement le ministre de modifier la date d'entrée en vigueur des versements d'une pension s'il est établi qu'un retard dans la présentation d'une demande de pension fût occasionné par des renseignements erronés ou une erreur administrative.
D'accord, nous allons prendre cette proposition en considération. Y a-t-il d'autres amendements qui devraient être apportés selon vous en ce qui concerne la rétroactivité?
M. Rabot : Nous considérons la période de rétroactivité très courte parce qu'il s'écoule un certain temps avant que les gens apprennent qu'ils sont admissibles à des prestations. Outre les efforts que Service Canada et le ministère peuvent faire en vue de joindre les gens difficiles à atteindre, une prolongation de la période de rétroactivité contribuerait en partie à régler le problème des personnes qui ne savent pas qu'elles ont droit à des prestations.
Le sénateur Murray : Quelle devrait être cette période?
M. Rabot : J'ai entendu le sénateur Callbeck et d'autres parler du Québec, où la période de rétroactivité est de cinq ans. Je crois que ce serait convenable. J'ai entendu un des témoins ce matin affirmer que le Québec avait décidé de fixer une période plus longue en vue de diminuer le nombre de prestataires d'aide sociale. Je pense que le gouvernement fédéral devrait lui aussi chercher à réduire le nombre d'assistés sociaux.
[Français]
M. Ménard : Concernant l'expérience avec le Régime des rentes du Québec, j'aimerais clarifier un point très important. En 2007, pour le Régime de pensions du Canada, nous allons mettre en paiement environ 400 000 personnes. Ce sont des retraités, des gens recevant la rente de survivant, des invalides et des orphelins. Pour 99 p. 100 des gens, la période de rétroactivité, qui s'applique au Régime des rentes du Québec, est exactement la même qu'au Régime de pensions du Canada. La différence au Régime des rentes du Québec est la suivante : si vous en faites la demande après 66 ans, vous pouvez rétroagir jusqu'à 65 ans si vous le désirez. On parle donc d'une période de cinq ans. Toutefois, ce n'est pas une période de cinq ans, si vous faites votre demande à 67 ans. À l'âge de 67 ans, vous avez deux ans de rétroactivité. Vous pouvez décider de recevoir soit une rente plus élevée avec un facteur d'ajustement plus élevé ou une rétroactivité jusqu'à 65 ans.
Autre élément très important, le calcul de la rente, pour ceux qui en font la demande après 65 ans, est, dans tous les cas, soit égal ou supérieur dans le cas du Régime de pensions du Canada par rapport au Régime des rentes du Québec. Les périodes de travail après 65 ans peuvent remplacer d'autres années. Par conséquent, on n'étend pas la période de cotisation. Le montant initial, et non la rétroactivité, pour toute personne qui fait une demande de rente en vertu du Régime de pensions du Canada, est entre 4 et 10 p. 100 plus élevé que s'il avait fait sa demande, avec le même historique, au Régime des rentes du Québec.
[Traduction]
Mme Kalinowski : Au sujet des changements qui pourraient être apportés au RPC — par exemple, des modifications aux dispositions concernant la rétroactivité ou l'application de telles dispositions aux prestations d'invalidité — je tiens à souligner que le RPC est un régime administré conjointement avec les provinces. Par conséquent, ces questions devraient faire l'objet d'une discussion et d'une entente avec les provinces. Je crois qu'il faudrait également les examiner sur le plan des répercussions financières. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, il s'agit d'un régime qui s'autofinance, ce qui signifie que les prestations sont payées grâce aux cotisations. Ainsi, la rétroactivité a une incidence sur le montant nécessaire au versement de l'ensemble des prestations, et c'est pourquoi il faudrait évaluer le coût d'une prolongation de la période de rétroactivité et en discuter avec les provinces.
Le sénateur Di Nino : Monsieur Ménard, je crois que vous avez dit que les états financiers comportaient une provision pour la rétroactivité non financée — celle visant en particulier les 26 000 personnes. Est-ce exact?
M. Ménard : J'ai dit que dans le rapport actuariel, les prévisions englobent les coûts liés aux paiements rétroactifs destinés à ces 26 000 personnes. Autrement dit, nous avons présumé que ces gens avaient présenté une demande de prestations du RPC.
Le sénateur Di Nino : Quel est ce chiffre?
M. Ménard : Je ne le connais pas.
Le sénateur Di Nino : Peut-être pourriez-vous nous le fournir, car nous en parlions tout à l'heure.
On nous a dit que plus de 20 000 lettres avaient été envoyées aux 26 000 personnes, je présume, qui avaient présenté une demande. On a reçu seulement 1 000 réponses. Un suivi a-t-il été effectué pour savoir pourquoi les 19 000 autres destinataires n'ont pas répondu?
Mme Menchions : Je tiens à préciser que les 20 000 lettres dont on a parlé tout à l'heure ont été envoyées aux cotisants en même temps que leur état des cotisations. Il ne s'agit pas des 20 000 lettres dont nous parlons en ce moment. Ces lettres s'adressent à un groupe différent. Au cours des prochaines semaines, nous allons les faire parvenir aux 26 000 personnes en question.
Le président : Il serait utile pour les sénateurs de savoir à quel point le régime québécois est indépendant. Le Québec constitue son propre fonds de cotisations et c'est lui-même qui investit l'argent. Est-ce que la province fixe elle-même les taux de cotisation et de prestations ou sont-ils établis en fonction du régime fédéral?
Mme Kalinowski : Non, il existe une loi qui porte exclusivement sur le Régime de rentes du Québec. C'est la province qui perçoit les cotisations et qui détermine le montant des prestations. Il s'agit d'un régime indépendant. C'est l'Assemblée nationale du Québec qui prend les décisions concernant le RRQ.
Cependant, des discussions ont lieu entre les administrateurs du RRQ et ceux du RPC au sujet des prestations, des taux de cotisation, et cetera.
Le président : Les sénateurs ont trouvé que le fait de comparer le RPC avec le RRQ permettait de déterminer les avantages de l'un et de l'autre. Est-ce que toutes les provinces sauf le Québec participeront aux discussions sur les changements à apporter au RPC dans le cadre de l'examen triennal?
Mme Kalinowski : Non, le Québec aura voix au chapitre. Nous devons obtenir son approbation concernant les changements au RPC.
Le président : On demande le consentement du Québec aux changements visant le régime national, mais cette province fixe elle-même ses propres taux sans que les autres provinces n'aient leur mot à dire, n'est-ce pas?
Mme Kalinowski : C'est exact.
Le président : C'est bien ce que je pensais.
Le sénateur Murray : Ne vous inquiétez pas; l'Ontario a un droit de veto, car il représente les deux tiers de la population canadienne. Vous n'avez pas à vous préoccuper. Soyez sans crainte, l'Ontario a un droit de veto.
Le président : C'est vous qui venez de l'Ontario; je viens du Nouveau-Brunswick.
M. Lasalle : Pour revenir à une question qu'a posée le sénateur Murray au sujet des renseignements erronés ou d'une erreur administrative, sachez qu'en 1987, quand le Parlement a conféré au ministre le pouvoir de prendre une décision dans ces cas-là, il l'a fait parce qu'auparavant les paiements étaient faits à titre gracieux.
Le gouvernement a pris cette décision en se fondant sur le principe de justice naturelle, selon lequel chaque cas est étudié individuellement. Les demandes d'appels sont adressées à la Cour fédérale. La jurisprudence a permis jusqu'à maintenant de démontrer qu'il s'agit de la bonne voie à suivre.
Le président : Au nom des sénateurs du Comité permanent des finances, je tiens à remercier chacun d'entre vous. Vous effectuez un travail important pour les aînés et leur sécurité financière.
Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir consacré un peu de votre temps, qui est très précieux. Il se pourrait bien que nous ayons à vous poser d'autres questions maintenant que nous savons qui vous êtes et ce que vous faites.
La séance est levée.