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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 9 - Témoignages du 8 avril 2008


OTTAWA, le mardi 8 avril 2008

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 33 pour examiner le budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2009. Sujet : La mise en œuvre de la loi fédérale sur la responsabilité.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Le comité s'intéresse aux dépenses et au fonctionnement du gouvernement et examine notamment les activités des mandataires du Parlement et des personnes et groupes qui aident les parlementaires à obliger le gouvernement à rendre des comptes. Pour ce faire, nous examinons le budget des dépenses et les crédits mis à la disposition des mandataires du Parlement pour s'acquitter de leurs fonctions et en étudiant les lois de mise en œuvre du budget et autres questions qui sont renvoyées à notre comité par le Sénat.

Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude des postes créés ou modifiés par la mise en œuvre de la Loi fédérale sur la responsabilité, qui a reçu la sanction royale le 12 décembre 2006.

Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir des représentants du Commissariat à l'intégrité du secteur public : Christiane Ouimet, commissaire, Wayne Watson, sous-commissaire, et Joe Friday, avocat général.

Le l2 juin 2007, le premier ministre du Canada a annoncé la nomination de Mme Ouimet au poste de commissaire à l'intégrité du secteur public. Cette loi est généralement et familièrement appelée la « législation sur les dénonciateurs ». Au moment de sa nomination, Mme Ouimet était sous-ministre associée à Agriculture et Agroalimentaire Canada. Tout au long de ses 25 années de carrière, Mme Ouimet a acquis une expérience et une expertise considérables dans le domaine de la vérification, des affaires réglementaires et de l'application de la loi.

Nous vous remercions beaucoup d'être venue. Nous savons que vous avez un bref exposé après quoi nous aurons une brève période de questions.

[Français]

Christiane Ouimet, commissaire, Commissariat à l'intégrité du secteur public : Monsieur le président, il nous fait plaisir de comparaître ce matin devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Mes collègues et moi serons enchantés de répondre à vos questions.

Presque un an s'est écoulé depuis ma première comparution devant le comité plénier du Sénat. C'est un honneur d'avoir reçu la confiance du Parlement. Et sachez qu'on a travaillé sans relâche pour mettre sur pied une toute nouvelle institution, tout en exécutant le mandat fort complexe qui nous a été confié.

Ce matin j'aimerais vous parler du mandat, de l'approche que j'ai adoptée pour l'exécuter, de l'établissement de l'institution et finalement conclure avec le budget.

[Traduction]

À l'intention des sénateurs qui n'étaient pas présents à la séance du Sénat en juin dernier, je voudrais commencer par vous dire qui nous sommes et quelle est notre raison d'être. J'aime toujours me reporter au préambule de la loi, qui énonce des principes importants comme le rôle essentiel de l'administration publique fédérale pour assurer la démocratie canadienne et qui souligne l'importance de l'intérêt public. C'est l'intérêt public qui nous guidera dans la mise en œuvre de la loi. J'aime à décrire notre rôle de la manière suivante : nous sommes un instrument pour renforcer la confiance envers nos institutions publiques au moyen de la transparence et en application d'une loi qui a été adoptée par le Parlement.

Pour être plus précis, aux termes de cette loi, mon bureau est chargé de mettre en place un système de divulgation des actes répréhensibles et de protéger ceux qui divulguent de tels actes et ceux qui font l'objet d'une enquête contre toutes représailles. Quand un acte répréhensible est découvert, nous devons décider s'il y a lieu de lancer une enquête. Nous informons l'administrateur du ministère en question, nous formulons des recommandations et nous faisons rapport au Parlement.

La loi interdit expressément d'intenter des représailles contre des fonctionnaires. C'est la base même de notre mandat. Notre champ de compétence vise plus de 400 000 employés du secteur public et nous pouvons également recevoir des plaintes du grand public. Les organismes de sécurité comme le SCRS, le CST et les Forces canadiennes sont exclus parce qu'ils ont leur propre système interne.

Je vais maintenant vous fournir quelques précisions au sujet de notre mandat afin de mieux vous éclairer sur notre rôle visant à améliorer la confiance envers nos institutions publiques. La loi définit un « acte répréhensible » comme la contravention d'une loi fédérale ou provinciale; l'usage abusif des fonds ou des biens publics; les cas graves de mauvaise gestion, le fait de causer, par action ou omission, un risque grave pour la vie, la santé ou la sécurité humaine ou pour l'environnement; la contravention grave d'un code de conduite; et le fait de sciemment ordonner à une personne de commettre l'un des actes répréhensibles visés.

Aux termes de la loi, j'ai le pouvoir discrétionnaire de déterminer au cas par cas si une enquête est justifiée mais, par ailleurs, le Parlement doit s'assurer qu'il n'y a pas dédoublement. En fait, nous avons le pouvoir discrétionnaire de décider si l'affaire ne devrait pas être plutôt traitée dans le cadre d'un autre mécanisme en application d'une loi du Parlement, par exemple si la divulgation n'est pas faite de bonne foi.

Nous lançons l'enquête en mettant à profit l'expertise et l'expérience de mon personnel et nous portons un jugement éclairé, menons une analyse juridique rigoureuse et utilisons de solides techniques d'enquête pour essayer de régler du mieux possible chaque cas. La loi stipule expressément que les enquêtes doivent être menées de façon aussi officieuse et expéditive que possible, tout en respectant les principes de justice naturelle. Voilà ce qui nous guide dans l'exercice de notre mandat.

[Français]

Voici quelques mots sur la protection des représailles. Le deuxième aspect du mandat est connexe mais tout de même distinct. Il s'agit de la protection des fonctionnaires qui divulguent des renseignements sur des actes répréhensibles. Quelques fois on les appelle les dénonciateurs. Je pense que le Parlement a franchi une étape novatrice et très importante.

Le Canada est un pionnier. Il n'y a aucune législation au monde qui ressemble à la nôtre et qui offre de concert un processus de divulgation et aussi la protection contre les représailles. C'est la caractéristique importante, mais, encore une fois, on se base sur la bonne foi des renseignements. Il faut s'assurer que notre champ de compétence est exclusif dans un domaine tout à fait particulier.

La loi définit une représailles comme étant une sanction disciplinaire, une rétrogradation, un licenciement et toute mesure portant atteinte à l'emploi, aux conditions de travail et à toute menace à cet égard.

Quelquefois les faits sont être très importants parce qu'il n'est pas toujours facile de discerner ce genre de situation. Lorsqu'une plainte nous est adressée, nous devons déterminer si une enquête est justifiée. On dispose alors d'un délai d'environ 15 jours pour décider prima facie s'il y a suffisance de preuve pour débuter une enquête.

La loi nous accorde le pouvoir discrétionnaire de refuser de traiter une plainte si la plainte n'a pas été faite de bonne foi ou si elle excède le champ de compétence.

L'enquête va être menée avec célérité et informellement. Je peux également m'adresser à un nouveau tribunal présidé par M. Pierre Blais. Ce nouveau tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles peut émettre une ordonnance concernant des mesures de réparations ou des mesures disciplinaires.

En dernière analyse, le mandat confié au commissariat est puissant et important. Il vise à protéger les fonctionnaires qui divulguent en toute honnêteté les renseignements sur des actes répréhensibles.

[Traduction]

Je m'en voudrais de ne pas mentionner que je crois vraiment que la prévention est au cœur même de notre mandat. Je pense que mon bureau vise d'abord et avant tout l'intégrité et non pas seulement les atteintes à l'intégrité. Nous aurons un parti pris en faveur de la prévention par rapport aux enquêtes.

Au cours de ma première semaine en fonction, j'ai envoyé à tous les parlementaires un message précisant que je ferais de vastes consultations auprès de tous les gens qui sont touchés par la loi. J'ai le plaisir de signaler que j'ai eu plus de 70 rencontres bilatérales et que mon bureau a organisé plus de 80 réunions de groupes où l'on trouvait des cadres supérieurs, des universitaires, des chefs syndicaux et des cadres intermédiaires d'un océan à l'autre afin d'expliquer en quoi consiste notre mandat, mais aussi pour préciser ce qu'il n'est pas. Durant les premiers mois, il y avait beaucoup de confusion quant à la nature du mandat et nous voulions nous assurer qu'il n'y avait aucun dédoublement.

Nous avons rejoint un très vaste éventail d'intervenants. Le message clé, et tous sont d'accord là-dessus, est que la prévention est une responsabilité commune. Elle doit aller de paire avec la loi que nous administrons.

Quand j'ai comparu devant le comité plénier du Sénat, j'ai dit qu'une autre priorité serait le règlement extrajudiciaire des différends. Nous examinons encore comment cela pourrait s'appliquer dans le contexte de nos enquêtes. La loi comprend une disposition prévoyant explicitement la conciliation à la rubrique des représailles. En fin de compte, nous voulons trouver la meilleure solution au moindre coût en vue de renforcer la réputation des institutions publiques.

En ce qui a trait à l'établissement du commissariat, je dois avouer que j'ai été un peu étonné de l'ampleur des défis à relever pour la création d'une nouvelle institution. Une nouvelle organisation représente toujours un défi pour un gouvernement ou une entreprise, et Intégrité du secteur public Canada ne fait pas exception. Comme la loi est entrée en vigueur le 16 avril, l'ancien bureau administratif a dû traiter les plaintes rapidement, mais j'ai fait en sorte que nous ayons les lignes directrices nécessaires et que nous interprétions la loi. En même temps, je recrutais du personnel, j'établissais le bureau et je mettais en place les systèmes de base. J'ai interviewé personnellement tous les employés anciens et actuels parce que le calibre des gens, leurs compétences et leur bagage étaient absolument critiques pour l'accomplissement du mandat qui nous a été confié.

Nous avons un défi particulier en ce sens que nous explorons un nouveau domaine du droit et de la politique où l'incertitude règne. Chaque décision peut constituer un précédent. En même temps, la loi prescrit des échéanciers très serrés.

J'ai également mis l'accent sur la gouvernance et la responsabilisation et j'étais consciente des défis uniques que doivent relever les petites organisations, étant donné qu'elles ont les mêmes exigences sur les comptes à rendre que les plus grandes. Je me suis rapidement tournée vers les services communs pour fournir l'expertise et le soutien dont nous avions besoin, par exemple dans le domaine des ressources humaines, les contrôles financiers et la gestion de l'information.

J'ai le plaisir de signaler que nous avons bâti une nouvelle organisation, doté les postes nécessaires, défini notre mission et nos valeurs, mis en place les procédures de gestion et ouvert nos portes au public en moins de quatre mois, tout en veillant à ce qu'aucun dossier ne soit laissé de côté. J'ai également établi une procédure par laquelle je suis personnellement mise au courant dès que nous sommes en présence d'une allégation de représailles. Que nous décidions ou non de lancer une enquête, selon l'importance du dossier, je tiens à l'examiner personnellement, de concert avec le sous-commissaire et l'avocat général.

[Français]

J'ai donc établi les grandes lignes de ce que nous sommes, mais surtout ce que nous ne sommes pas.

Étant le tout nouvel agent du Parlement, j'aimerais me pencher maintenant sur les comptes publics. Notre budget est de 6,5 millions de dollars. À ce stade, nous avons suffisamment de ressources pour répondre à la demande. Je pense que cela va se dessiner beaucoup plus au cours des prochaines années. Je m'engage à faire une analyse des tendances, à réexaminer nos besoins, à faire rapport sur la célérité d'intervention, à examiner notre capacité et à dresser un tableau plus exact des ressources nécessaires après trois ans d'opération.

Entre-temps, j'ai la chance d'avoir recruté des collègues de très haut calibre et nous sommes là pour nous assurer que notre mandat est exécuté selon les attentes du Parlement et des Canadiens.

[Traduction]

Ma comparution devant vous aujourd'hui est un honneur et un plaisir. La responsabilité qui m'a été confiée par le Parlement est importante et je la prends très au sérieux. Mes nombreuses années d'expérience à titre de fonctionnaire ainsi que mon respect profond et inconditionnel envers la fonction publique me servent grandement à assumer les fonctions de mon poste. Il s'agit pour moi d'un grand honneur de pouvoir servir à titre de première commissaire à l'intégrité du secteur public du Canada.

Monsieur le président, je suis prête à répondre aux questions des membres du comité.

Le président : Merci beaucoup, madame la commissaire. Nous vous sommes reconnaissants, ainsi qu'à vos collaborateurs, d'être venus et nous vous remercions de votre allocution.

Vous avez mentionné la date du 16 avril.

Mme Ouimet : C'est la date à laquelle la loi est entrée en vigueur. J'ai comparu devant le Parlement en juin, mais j'ai occupé mon poste le 6 août.

Le président : Vous avez été nommée le 6 août 2007?

Mme Ouimet : C'est exact.

Le président : La loi est entrée en vigueur le 16 avril 2007; c'est bien cela?

Mme Ouimet : C'est exact.

Le président : La loi a été adoptée et a reçu la sanction royale le 12 décembre 2006; c'est bien cela?

Mme Ouimet : C'est exact, mais l'entrée en vigueur de cette disposition de la loi a eu lieu en avril.

Le président : Vous avez dit que vous avez bâti le service. Est-ce que du travail a été fait entre le 16 avril 2007 et la date de votre nomination, en vue de mettre sur pied le service.

Mme Ouimet : Un petit bureau administratif fonctionnait en application d'une politique et faisait partie du noyau de base de la fonction publique. C'était une expérience de cinq ans; cependant, il y avait d'importantes distinctions quant au rôle que jouait ce bureau. Il était administratif; il fonctionnait en application d'une politique et n'avait pas les pouvoirs qui nous ont été ensuite confiés. Il n'était pas indépendant et n'était pas un agent du Parlement et il n'avait pas les mêmes pouvoirs ou possibilités de protéger les divulgateurs, ce qui est un élément unique de cette loi.

Le président : Si ma mémoire est bonne, il existait une loi, mais elle n'a jamais été promulguée avant le projet de loi C-2 et la création de la nouvelle loi. Est-ce que du travail a été fait en prévision de la promulgation de cette loi, ou bien a-t-on tout bâti à partir de zéro, à part ce que vous avez décrit?

Mme Ouimet : Il se faisait pas mal de travail, mais étant donné que c'était un tout petit bureau qui n'avait pas de ressources, de budget ou de pouvoirs conférés par la loi, à mon arrivée, il nous a vraiment fallu mettre au point la procédure. J'ai pris le dossier en main. Cependant, en application de l'ancienne politique, des dispositions transitoires ont permis de faire le pont pour certains dossiers, mais ils étaient en minorité. Même avant que j'entre en fonction en août, j'ai posé des questions. En particulier, j'ai demandé au personnel de veiller à ce que nous ayons l'expertise nécessaire. De plus, j'ai chargé l'ancien bureau de commencer à élaborer des lignes directrices pour la procédure et des cours de formation pour mettre en œuvre une loi très complexe. Elle compte 54 pages et une foule de dispositions qu'il faut lire très attentivement.

Le président : Je voudrais obtenir d'autres précisions, mais elles vont peut-être nous être données en réponse aux questions des sénateurs.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie beaucoup de comparaître ce matin. Vous occupez un poste très important, comme vous l'avez dit. Nous vous souhaitons le meilleur succès dans vos fonctions. Je pense que cela aidera à inspirer davantage confiance envers notre fonction publique et donnera aussi confiance aux gens qui y travaillent.

Vous avez dit que vous avez ouvert vos portes il y a environ quatre mois. Pouvez-vous me parler de votre expérience jusqu'à maintenant? Y a-t-il eu une avalanche de plaintes ou sont-elles peu nombreuses? Comment décririez-vous les plaintes? Est-ce qu'il y en a qui vous ont étonnée jusqu'à maintenant?

Mme Ouimet : Premièrement, après 100 jours d'existence, le bureau administratif a été ouvert. Je me suis vite rendu compte qu'il y a beaucoup de confusion quant à notre identité. Nous avons reçu plus de 200 demandes de renseignements émanant de divers niveaux durant l'année dernière. Quelques dossiers exigent une étude approfondie et nous sommes en train de compléter ces enquêtes. Nous serons ensuite en mesure d'en faire rapport dans notre rapport annuel.

La grande majorité des cas ne relève pas de notre mandat et de nos compétences. Pour cette raison, même si cela ne relève pas exactement de notre mandat, j'ai pris l'initiative dès le début de discuter avec d'autres agents du Parlement, notamment la vérificatrice générale, pour m'assurer que si une affaire relève de sa compétence à elle ou encore du Tribunal de la dotation ou de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, que le dossier est renvoyé aux organisations en question.

De plus, la source de la confusion réside à l'occasion dans l'opposition entre intérêt privé et intérêt public. Si certaines affaires qui ont été soulevées sont fort sérieuses, il y a un autre organisme qui a une expertise semblable, nommément la Commission canadienne des droits de la personne. Elle pourrait constituer une autre tribune valable.

Nous devons faire davantage de campagnes de sensibilisation, de communication et d'éducation. Nous sommes là pour les affaires très graves. Nous avons un pouvoir discrétionnaire assez étendu pour décider de ce qui relève de notre mandat mais, en fin de compte, je veux servir le Parlement. Je veux protéger l'identité du « divulgateur » et trouver une solution au problème quel qu'il soit, mais il y a encore beaucoup de confusion pour l'instant.

Le sénateur Eggleton : Vous avez dit 200 demandes de renseignements. S'agit-il de demandes portant sur des cas précis que les gens veulent faire examiner, ou bien de gens qui veulent se renseigner sur ce que vous faites?

Mme Ouimet : Les deux. La grande majorité des demandes porte sur des affaires précises, mais de nature privée.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous des chiffres à nous communiquer là-dessus?

Mme Ouimet : À l'heure actuelle, la ventilation est plutôt générale, mais la grande majorité traite d'affaires privées comme la dotation, la classification et les droits de la personne et cela ne relève pas de notre mandat. Nous nous ferons un plaisir de vous fournir une ventilation plus détaillée. Nous sommes en train de terminer l'analyse en prévision de notre rapport annuel.

Le sénateur Eggleton : Je voudrais vous interroger sur les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes qui entrent dans la catégorie des dénonciateurs ou divulgateurs. La discussion sur cette loi a en grande partie porté sur cette question précise.

Bien sûr, des inquiétudes au sujet des représailles ont été exprimées à maintes reprises. Si les représailles sont flagrantes, vous le découvrez probablement, mais parfois ce n'est pas fait ouvertement. Les représailles peuvent s'étaler sur une longue période et rendre misérable la vie d'une personne. Comment allez-vous surmonter cela? Pensez-vous qu'il y a beaucoup de craintes dans la fonction publique au sujet des représailles?

Mme Ouimet : Ce sont des observations très valables. En fait, j'ai eu le privilège de consulter des universitaires qui ont étudié le domaine. J'ai également fait des recherches comparatives sur d'autres systèmes. Encore une fois, le Canada est à l'avant-garde. Il n'y a pas beaucoup de statistiques, sauf dans des affaires très célèbres comme l'affaire Enron. La suite des choses a été lamentable pour beaucoup de divulgateurs, même si l'histoire leur a donné raison.

Les outils que nous donne la loi sont extraordinairement importants, par exemple la confidentialité du processus et la protection non seulement des divulgateurs, mais aussi de tout le processus lui-même. L'un des messages clés que je transmets quand je m'entretiens avec des cadres supérieurs ou des sous-ministres, quand nous frappons aux portes, fait qu'il est très important d'obtenir une collaboration rapide pour découvrir les faits. Je vais citer une personne qui a travaillé avec nous et qui est l'ancienne présidente de la Commission des droits de la personne. En fait, elle a passé quelques jours avec nous pour étudier les techniques extrajudiciaires de règlement des différends : ce que nous sommes, c'est un mécanisme conjoint de recherche de la vérité. Nous voulons nous assurer de connaître les faits et d'établir une approche de base dans nos efforts pour résoudre une affaire. D'après notre courte expérience, il y a souvent des problèmes de communication. Les gens ne comprennent pas la nature du problème et nous parvenons souvent à tirer l'affaire au clair de manière informelle.

Pour en revenir à la question fondamentale de la protection du plaignant, nous utiliserons tous les moyens à notre disposition pour ce faire et aussi pour nous assurer que l'identité de la personne est protégée.

Par ailleurs, il faut également tenir compte des principes de justice naturelle. Aux termes de la loi, dès que nous recevons une plainte, nous devons en aviser toute personne dont la conduite ou la réputation a été mise en doute. C'est également un élément de la solution.

Je ne dirai pas que les défis seront faciles à relever, mais j'ai eu l'occasion de diriger, au niveau le plus élevé de la fonction publique, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans la foulée du 11 septembre. J'ai eu à prendre des décisions relativement à des concours et à des mises à pied. J'ai dirigé les programmes de fraude commerciale et d'interception des drogues aux douanes. Je pense qu'il faut utiliser un mélange de toutes ces techniques et que la possibilité d'avoir un processus confidentiel est la clé du succès pour l'application de cette loi.

[Français]

Le sénateur Chaput : Félicitations pour votre nomination et pour le travail que vous avez accompli durant ces premiers mois. Je suis vraiment impressionnée.

Si je comprends bien, la loi vous guide et, à partir de cette loi, vous avez développé vos lignes directrices. Dans ces lignes directrices, vous avez défini ce qu'est une plainte recevable et ce qu'est une plainte non recevable. Afin de bien comprendre la différence entre les deux, pourriez-vous donner un exemple d'une plainte non recevable chez vous, mais que vous pouvez diriger ailleurs, ainsi qu'un exemple d'une plainte recevable?

Mme Ouimet : Je passerai à deux extrêmes pour illustrer mes exemples. Je tiens à préciser que ce ne sont pas des dossiers pour lesquels on fait enquête présentement.

Une plainte de harcèlement serait non recevable. Effectivement, c'est une situation inacceptable, mais ce n'est pas notre mandat. Ce dossier serait plutôt traité par un organisme comme la Commission des droits de la personne.

Un autre exemple serait un dossier relatif aux langues officielles, lesquelles ne font pas partie de notre mandat. Encore là, il y a des pouvoirs d'enquête, et le principe des tribunaux administratifs est justement de développer une expertise afin de traiter des dossiers rapidement. On ne veut pas être un duplicata de toute l'expertise qui existe dans les tribunaux administratifs. On est là jusqu'à un certain point pour des situations exceptionnelles.

De plus, il ne faut pas oublier que les gens peuvent frapper à notre porte, mais ils peuvent également frapper à la porte de leur superviseur immédiat, l'agent supérieur nommé dans chaque ministère. Chaque ministère ou organisme a son processus interne.

Ceci étant dit, les plaintes non recevables sont de nature privée plus que publique.

Par rapport aux exemples d'intérêt public, je vais simplement me référer aux grands dossiers qui ont fait les manchettes, sur lesquels les comités parlementaires se sont penchés et pour lesquels on doit l'existence de cette loi.

Sans les nommer, ces cas ont certainement fait les manchettes et ce sont des situations dans lesquelles non seulement on veut intervenir, mais prévenir. Et c'est pour cela que je parlais du rôle de prévention de mon bureau.

Le sénateur Chaput : Dans le cas où quelqu'un veut loger une plainte, peut-il la loger dans la langue officielle de son choix, en anglais ou en français? Et est-ce qu'il obtient le service dans la langue choisie à chaque étape du processus de divulgation?

Le service est-il disponible du début à la fin dans les deux langues officielles?

Mme Ouimet : Absolument. Je veux rassurer madame le sénateur que, effectivement, toute mon équipe est parfaitement bilingue. J'aimerais rajouter que sur le plan du soutien offert dans les deux langues officielles, c'est la première fois qu'on peut fournir des avis juridiques et cela est tout à fait unique à notre législation.

Ce n'est pas de la représentation juridique, mais c'est aussi un élément très particulier de la loi. Une somme d'argent est accordée et j'ai une certaine discrétion pour doubler cette somme. Tout cela se fait à l'appui des divulgateurs pour qu'ils sachent quelles sont ses obligations, quelles sont nos obligations de protection et quel sera le processus à suivre.

[Traduction]

Le sénateur Stratton : Je suis content de vous rencontrer.

Je voudrais revenir à des affaires précises à propos desquelles nous avons entendu des témoins au comité. Certains témoignages étaient très difficiles à entendre et je suppose que la loi est censée s'appliquer à des dossiers de ce genre à l'avenir. Sans entrer dans les détails et sans préciser l'identité de ces personnes, y a-t-il des faits nouveaux dans ces affaires ou bien ces dossiers ne relèvent-ils pas de votre compétence parce qu'ils ont été très médiatisés? Où en est-on?

Mme Ouimet : Je vais faire une déclaration générale sur les dispositions transitoires de la loi. Un échéancier précis s'appliquait aux affaires qui relevaient du bureau administratif et qui pouvaient être reportées ou bénéficier de droits acquis aux termes de la loi. L'échéance est maintenant passée et cette disposition ne s'appliquera donc plus à de nouveaux cas. Cependant, toutes les affaires qui ont retenu l'attention des médias ont eu lieu avant l'entrée en vigueur de la loi et nous n'avons donc pas de mandat à cet égard. Un dossier qui est du domaine public nous a été renvoyé pour qu'une décision soit prise. Nous sommes actuellement en train d'en terminer l'étude en conformité des instructions de la Cour fédérale.

Le sénateur Stratton : À qui nous adresserions-nous pour savoir où en sont les cas qui dépassent les limites de votre mandat?

Mme Ouimet : Je crois savoir que certains de ces cas se trouvent peut-être devant les tribunaux fédéraux. Plusieurs autres cas pourraient même faire l'objet de poursuites au civil. Pour ma part, je me concentre sur le mandat qui m'est confié par la loi. J'ai un classeur où je suis l'évolution de ces cas parce qu'il y a des leçons que nous pouvons en tirer, mais, en règle générale, je ne peux pas vraiment me prononcer parce qu'ils ne relèvent pas de notre compétence.

Le sénateur Stratton : Oui, je comprends cela, mais j'essaie de déterminer à qui nous pourrions nous adresser pour savoir ce qu'il en est de chacun de ces cas. Comment pouvons-nous obtenir cette information?

Mme Ouimet : Le ministère responsable aurait cette information.

Le sénateur Stratton : Il nous faudrait nous adresser aux ministères concernés.

Mme Ouimet : C'est ce que je vous conseillerais de faire, sénateur.

Le sénateur Di Nino : Je vous félicite pour votre nomination et je vous souhaite bonne chance. La tâche ne sera pas facile, comme vous l'avez dit.

J'ai, moi aussi, une question au sujet de l'effet rétroactif du projet de loi. Ai-je bien compris ce que vous avez dit? Le projet de loi vous confère le pouvoir de traiter des nouveaux cas plutôt que des cas présentés auparavant? Qu'arrive-t-il de ces cas précédents qui étaient en cours de traitement ou dont le traitement n'était pas achevé? Pourriez-vous nous donner des précisions?

Mme Ouimet : La loi prévoyait une très courte période de transition. En ce qui concerne les cas précédents, d'autres recours étaient disponibles à l'époque et je crois savoir qu'ils sont passés par ces autres mécanismes. Bien entendu, nous avons l'obligation d'examiner la recevabilité des diverses circonstances et des divers faits liés aux cas qui nous sont présentés.

Le sénateur Di Nino : Ils pourraient être présentés à nouveau, et vous pourriez alors vous en occuper.

Mme Ouimet : Aux termes de la loi, lorsqu'un autre organe ou un autre mécanisme a déjà été saisi du cas, nous devons refuser d'intervenir.

Le sénateur Di Nino : Ma deuxième question concerne l'envers de la médaille, si vous voulez. Vous avez parlé de protéger le plaignant, à juste titre. C'est là quelque chose de très important. Par contre, certains de ces cas sont très graves et comportent des accusations qui compromettent la vie de ceux qui font l'objet d'une plainte. Quel est votre mandat à cet égard? Je ne parle pas ici des plaintes frivoles, car je suis sûr que vous pouvez les déceler et les écarter sans tarder, mais bien des plaintes dont le fond aurait un caractère plus malicieux. Pouvez-nous faire part de vos observations à ce sujet?

Mme Ouimet : La question est importante. Aux termes de la loi, qu'il s'agisse du plaignant ou de la personne dont le comportement est remis en question, il est expressément interdit à quiconque, dans le cadre de la divulgation d'un acte répréhensible ou d'une enquête, de faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse, oralement ou par écrit, à un supérieur hiérarchique, à l'agent supérieur ou au commissaire, ou aux personnes agissant en leur nom. D'autres dispositions qualifient d'infraction le fait d'entraver délibérément l'action de ces personnes.

La loi prévoit en fait des dispositions très détaillées qui visent à protéger toutes les parties à l'enquête. Le processus est confidentiel pour toutes les parties en cause, précisément pour la raison que vous venez de soulever. Nous sommes conscients de l'incidence que peuvent avoir les cas qui nous sont soumis sur les institutions, les personnes et la perception des Canadiens. C'est pour cette raison que j'ai fait allusion au préambule de la loi, où il est question de la démocratie et de l'importance de notre institution. C'est pour cette raison que l'expertise et le savoir-faire de mes collaborateurs, de même que les gestes que je poserai moi-même, seront d'une importance cruciale pour ce qui est d'examiner de façon préliminaire les éléments de preuve et de prendre les décisions qui s'imposent.

Le sénateur Di Nino : Croyez-vous alors que la loi prévoit les dispositions nécessaires pour que votre personnel et vous puissiez protéger toutes les parties concernées, comme le plaignant et les personnes qui sont l'objet d'une plainte? Pensez-vous avoir le pouvoir voulu en vertu de la loi pour les protéger tous?

Mme Ouimet : Aux termes de la partie II de la Loi sur les enquêtes, j'ai aussi le pouvoir de citer des témoins à comparaître et d'exiger la production de documents. Je n'hésiterai pas à exercer ce pouvoir, toujours en vue de protéger toutes les parties intéressées et de dégager la vérité le plus rapidement possible. Plus vite on peut établir les faits, plus vite on peut résoudre un cas. Le principal récipiendaire de ma recommandation demeure le premier dirigeant de l'organisation du secteur public qui est en cause, car c'est la personne qui est responsable du fonctionnement et de la prestation des services, quels qu'ils soient. Nous avons pour objectif de régler les problèmes le plus rapidement possible, et nous utiliserons tous les pouvoirs que nous confère la loi pour y arriver.

Le sénateur Di Nino : Le délai de deux semaines dont vous avez parlé semble très court. Êtes-vous en train de nous dire que vous devrez accuser réception de la plainte ou prendre des mesures? Que devez-vous faire pendant ce délai de deux semaines pour éviter que la plainte ne se perde pas dans la nature?

Mme Ouimet : Le sénateur a raison. Dans le cadre de l'examen quinquennal, nous avons déjà noté certains des problèmes ou des défis que présente la loi, et ce dont il parle figurera certainement sur notre liste. Cependant, pour que nous puissions traiter toutes les plaintes en toute équité et justice, le compte à rebours commence dès que nous avons assez de preuves pour faire une détermination. Essentiellement, après 15 jours, nous devons décider si nous allons mettre un terme à l'enquête préliminaire et lancer une enquête officielle en donnant à cette fin l'avis voulu. Voilà en quoi consiste le délai de 15 jours.

Comme je l'ai expliqué, il y a beaucoup de confusion en ce moment pour ce qui est de savoir ce qui constitue des représailles. Bien souvent, il y a confusion avec une question ou un intérêt privé. Dans l'intervalle, cependant, nous étudions chaque cas soigneusement et rapidement, bien sûr, parce que les 15 jours passent vite.

Le sénateur Di Nino : Avez-vous dit qu'il s'agit là d'une question que vous voudrez peut-être revoir quand la loi sera réexaminée?

Mme Ouimet : Oui, en effet.

Le sénateur Murray : Vous parlez de justice naturelle, madame Ouimet. Quand je vous entends dire que vous avez dans votre coffre à outils des pouvoirs comme ceux qui sont accordés en vertu de la partie II de la Loi sur les enquêtes, je ne peux pas m'empêcher de me demander quelles mesures de protection la procédure accorde aux cibles éventuelles de certaines des plaintes ou des enquêtes que vous allez effectuer.

Mme Ouimet : J'ose espérer qu'il sera très rare que nous ayons à utiliser les pleins pouvoirs qui nous sont conférés par la partie II de la Loi sur les enquêtes. Il s'agit là de pouvoirs exceptionnels, tout comme les pouvoirs de perquisition et de saisie qui sont exercés en vertu d'autres lois. Encore là, nous agirons avec le plus grand soin pour tenter de nous assurer la collaboration, d'abord et avant tout, de toute personne mise en cause directement ou indirectement dans une allégation. Par conséquent, nous agirons avec beaucoup de prudence.

Il convient d'ajouter que la partie II de la Loi sur les enquêtes se trouve citée dans bien d'autres lois. D'autres mandataires du Parlement sont habilités en vertu de cette loi; il y a en fait d'autres instances au Canada qui disposent aussi de ces pouvoirs. Je le répète, cependant, ils sont très rarement utilisés. Je me suis rendue au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse la semaine dernière. Les deux provinces ont des pouvoirs équivalents et ont indiqué qu'elles ne les avaient jamais exercés.

Le sénateur Murray : Vous avez dit que vous n'hésiteriez pas à utiliser les pleins pouvoirs qui vous sont conférés par la loi. Je ne voudrais pas donner l'impression que je me range du côté des patrons, mais il faut tout de même penser à ceux qui, comme je l'ai dit, pourraient être les cibles de plaintes et d'enquêtes. Nous voudrions nous assurer que l'équité en matière de procédures et la justice naturelle seront rigoureusement protégées dans ces cas.

Mme Ouimet : Si cela peut rassurer le sénateur, c'est bien là notre intention.

Le sénateur Murray : Monsieur le président, j'ai des questions auxquelles j'aimerais obtenir réponses. Je le dis d'entrée de jeu, et j'espère pouvoir compter sur l'indulgence de mes collègues et des témoins.

Vous dites, madame Ouimet, que les organismes comme le SCRS, le Centre de la sécurité des télécommunications et les Forces canadiennes ne relèvent pas de votre compétence, mais vous dites que la loi dispose qu'ils doivent avoir leurs propres mécanismes pour gérer les divulgations. Sauriez-vous lesquels de ces organismes ont déjà mis en place leurs propres mécanismes pour gérer les divulgations?

Mme Ouimet : Si vous me permettez de corriger le compte rendu, il n'y a pas de disposition dans la loi. Ces organismes sont exclus pour ce qui est des mécanismes internes. Je sais que cela fait partie de leurs obligations. Je n'ai pas été partie aux discussions d'orientation qui ont abouti à la décision de les exclure, mais on m'a informée qu'ils auraient leurs propres mécanismes et qu'ils étaient les mieux placés pour s'en occuper parce que la sécurité nationale est un enjeu tellement important.

Il est question dans la loi des cas qui pourraient mettre en jeu la sécurité nationale. Dans ces cas-là, je ne peux déléguer l'enquête à plus de quatre enquêteurs, si bien qu'il pourrait arriver à l'occasion — il est difficile de savoir dans quelles circonstances — que nous ayons à nous pencher sur des questions qui toucheraient ces organismes. D'après ce que j'en sais en ce moment, cependant, il semble qu'ils ont leurs propres mécanismes.

Le sénateur Murray : La GRC relève-t-elle de votre compétence?

Mme Ouimet : Oui.

Le sénateur Murray : Qu'arrive-t-il si un employé du Sénat ou de la Chambre des communes souhaite déposer une plainte? Sommes-nous inclus dans votre mandat?

Mme Ouimet : Non, vous ne l'êtes pas.

Le sénateur Murray : Nous nous sommes exemptés nous-mêmes. Nous, les sénateurs et les députés, nous sommes commodément exemptés de l'application de cette loi.

Mme Ouimet : Mary Dawson, commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique de la Chambre des communes, et Jean Fournier, conseiller sénatorial en éthique, ont compétence en la matière.

Le sénateur Murray : Pensez-vous que leur mandat est comparable dans ce sens-là?

Mme Ouimet : Non, ils ne sont pas comparables en ce qui concerne la dénonciation. Vous avez raison, sénateur.

Le sénateur Murray : Êtes-vous assujettie à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels?

Mme Ouimet : L'information ne peut être obtenue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Les enquêtes que nous réalisons sont exclues, d'où l'importance d'assurer le caractère confidentiel du processus.

Le sénateur Murray : Cela vaut-il également pour la Loi sur la protection des renseignements personnels?

Mme Ouimet : Cela vaut également pour la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Le sénateur Murray : Vous n'êtes pas expressément exclu en tant qu'organisme de l'application de ces lois. Vous n'êtes pas exclu de l'application de ces lois pour le reste.

Mme Ouimet : Non, pas en tant qu'organisme, mais le contenu de nos enquêtes est protégé.

Le sénateur Murray : Je suppose qu'un fonctionnaire pourrait déposer une plainte au sujet d'instructions venues d'un ministre de la Couronne ou d'un membre du personnel d'un ministre.

Mme Ouimet : Cela ne relève pas de notre mandat. Notre mandat englobe 400 000 employés, les institutions, la fonction publique en tant que telle. N'importe qui peut venir déposer une plainte au sujet du fonctionnement de la fonction publique et d'actes répréhensibles conformément à la définition, y compris les simples citoyens. N'importe qui peut présenter une allégation ou divulguer un acte répréhensible relativement au fonctionnement de la fonction publique dans son ensemble.

Le sénateur Murray : Cela vaut-il pour les faits et gestes d'un ministre de la Couronne ou d'un des membres de son personnel?

Mme Ouimet : Non, sénateur. Ils ne sont pas visés par la définition du fonctionnaire.

Le sénateur Murray : J'imagine que vous présenterez un rapport annuel aux Présidents des deux Chambres. Quand devez-vous présenter le premier, si ce n'est déjà fait?

Mme Ouimet : Non, mais nous avons hâte de déposer notre premier rapport. Nous y mettons justement la dernière main. Nous devons le déposer dans les trois mois suivant le 1er avril et nous serions ravis de pouvoir le faire au cours des prochaines semaines.

Le sénateur Murray : Est-ce bien aux présidents que vous le présenterez?

Mme Ouimet : Oui, monsieur le sénateur.

Le sénateur Murray : Vous avez dit que votre budget et vos besoins financiers seront fonction du nombre de demandes d'information ou de divulgations, du nombre de plaintes de représailles et du nombre d'enquêtes que vous devrez amorcer quand vous déposerez le rapport de vos activités pour le premier exercice. J'imagine que ces renseignements y figureront de façon détaillée.

Mme Ouimet : Absolument. La loi définit ce qui doit figurer dans le rapport annuel, notamment toutes ces statistiques. Nous ne savons pas quelle sera notre charge de travail future, mais l'information y figurera.

Le sénateur Murray : À qui présentez-vous votre budget? Au président du Conseil du Trésor?

Mme Ouimet : Le Rapport sur les plans et les priorités a été déposé auprès du président du Conseil du Trésor. Quant au rapport annuel, il sera déposé directement.

Ayant rencontré le Président de la Chambre des communes, je sais qu'il existe un comité regroupant les mandataires du Parlement et que ce comité étudie les besoins budgétaires. Je n'ai pas encore eu à comparaître devant lui car le commissariat est un tout nouvel organisme. Nous sommes à réunir les ressources nécessaires pour remplir notre mandat. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons assez de ressources pour répondre à la demande, et l'avenir dira si elles seront suffisantes à long terme.

Il ne faut pas oublier non plus qu'il existe à l'intérieur de chaque organisation des systèmes internes. Ce n'est pas le commissariat qui recueille ces données. L'Agence de la fonction publique est chargée de recueillir ces renseignements auprès de tous les ministères et elle doit déposer un rapport à ce sujet.

Le sénateur Murray : Je sais que vous relevez du Parlement, mais n'y a-t-il pas un ministre avec lequel vous entretenez des contacts réguliers?

Mme Ouimet : Non. Nous ne le faisons que dans des circonstances exceptionnelles. Le président du Conseil du Trésor, par exemple, a signé un instrument de délégation de pouvoirs que j'ai à mon tour délégués à mon sous- commissaire. Mis à part cela, le Bureau du vérificateur général, tout comme celui du commissaire aux langues officielles, fait partie d'un portefeuille. Ces rapports sont cependant limités parce qu'en tant que mandataire du Parlement, je ne relève d'aucun ministre.

Le président : Ces questions revêtent de l'importance pour notre comité, parce que nous nous attachons toujours à la question de l'indépendance. Il est possible que nous y revenions plus tard pendant la séance. Je vous remercie des réponses que vous m'avez données jusqu'ici.

[Français]

Le sénateur Ringuette : En ce qui a trait à votre processus d'embauche pour la mise sur pied de vos opérations, combien avez-vous d'employés permanents à temps plein?

Mme Ouimet : Vingt-deux, pour l'instant.

Le sénateur Ringuette : À temps partiel?

Mme Ouimet : Aucun à temps partiel. Nous avons une personne qui travaille quatre jours/semaine, mais ce n'est pas du temps partiel.

Le sénateur Ringuette : Des employés temporaires?

Mme Ouimet : Non, pas pour l'instant non plus.

Le sénateur Ringuette : Combien de ces 22 postes ont été publiés à travers la Commission de la fonction publique?

Mme Ouimet : Je dirais au moins 60 p. 100. Il y avait déjà des concours en marche avant même que j'arrive en poste. Donc, il y a plusieurs concours auxquels j'ai participé en dernière analyse, tous les postes d'exécutifs, dont celui du directeur général des enquêtes, qui a été comblé par voie de concours. M. Watson est venu en mutation latérale d'un autre mandataire du Parlement, la Commission de la protection des renseignements, et présentement, beaucoup de gens sont venus en prêt de service. Nous sommes à stabiliser l'organisation. Des processus de sélection et des entrevues ont eu lieu pour chaque personne recrutée. Nous avons encore certains postes à combler. Il était très important d'avoir des personnes rapidement.

J'ai commencé ma carrière à la Commission de la fonction publique à titre de présidente de comité d'appel. Il est très important de nous assurer du respect du principe du mérite et des critères de formation auprès de la loi. C'est une nouvelle loi, personne n'avait la compétence sur le plan de la mise en œuvre. Un petit noyau d'employés était là. Je me propose, dans les semaines à venir, de finaliser l'organigramme et les classifications de postes parce qu'ils ne reflétaient pas complètement l'ampleur de la tâche et finalement, donner tous les avis nécessaires que ce soit après une reclassification ou à une dotation. Je compte le faire dans les semaines et les mois à venir avec un modèle un peu novateur, mais qui se veut pratique, réaliste et selon le principe du mérite.

Le sénateur Ringuette : En ce qui a trait aux plaintes, vous avez dit avoir reçu jusqu'à présent plus ou moins 200 appels. Combien de ces appels méritaient une investigation et combien ont été rejetés?

Mme Ouimet : Comme je l'ai indiqué, la vaste majorité des plaintes n'étaient pas de notre ressort; cela ne faisait pas partie de notre mandat. Il y a beaucoup de confusion, donc on va investir davantage au niveau de l'information, de l'éducation et de la communication. Ce sera un aspect important tout au long de mon mandat. On peut compter environ 80 dossiers qui ont nécessité un examen plus approfondi, c'est-à-dire le passage à une autre étape, et peut-être une demi-douzaine de dossiers sont en cours dont certains aspects sont actuellement finalisés. Certains dossiers sont très complexes.

Lorsque nous recevons un dossier qui vient de la Cour fédérale avec des directives particulières, il faut absolument investir; deux personnes ont travaillé à temps plein quand la Cour fédérale est intervenue. On met tous les efforts et les ressources nécessaires pour nous assurer d'être conforme à la toute nouvelle loi et nous assurer qu'on ne fait pas fausse route. Chaque dossier peut être un précédent très important et créer des attentes par rapport à ce qu'on peut faire.

Le sénateur Ringuette : Je suis surprise, vous mentionnez que vous avez eu deux cas qui venaient de la Cour fédérale?

Mme Ouimet : Oui, sous l'ancien régime, l'ancienne politique. Ce sont des dossiers qui ont fait les manchettes.

Le sénateur Ringuette : Vous mentionnez que vous recevez des plaintes de la part de personnes à l'intérieur de la fonction publique et de la part du public. Quelles seraient les proportions observées jusqu'à maintenant?

Mme Ouimet : C'est difficile de donner une proportion exacte parce qu'on est en train de terminer l'analyse. D'ici quelques semaines nous aurons un peu plus d'indications, mais encore là, il y a un peu de confusion sur la façon dont nous allons caractériser certains de ces intérêts privés. Parmi les 200 plaintes, plusieurs étaient plutôt de nature générale; on demandait des explications. Pour d'autres, c'était des scénarios qui n'avaient aucun rapport à notre agenda. On a reçu les dernières données il y a à peine quelques jours.

Le sénateur Ringuette : Votre analyse et les données que vous recevrez pourront-elles identifier les plaintes par région?

Mme Ouimet : On peut le faire, mais encore là, la majeure partie sontà l'administration centrale; mais c'est une bonne idée, nous allons examiner cela également.

Le sénateur Ringuette : Ce serait bien pour pouvoir comparer. On sait que 80 p. 100 de la fonction publique se trouve dans la région de la capitale nationale, donc il serait intéressant de voir si les proportions se maintiennent.

Mme Ouimet : Cette suggestion est excellente et tombe à point puisque nous sommes en train de préparer notre rapport annuel.

[Traduction]

Le sénateur Nancy Ruth : Je m'intéresse au mécanisme extrajudiciaire de règlement des différends et aux employés qui y sont affectés. Étant féministe, j'estime que le public est privé et que le privé est public. Depuis 25 ans, ce principe sous-tend le monde des idées et de la législation. J'en arrive à l'équilibre que vous devez trouver. Au moment de choisir des employés qui s'occuperont de mécanismes extrajudiciaires de règlement des différends, tenez-vous compte de facteurs comme le sexe et la race?

Mme Ouimet : J'ai eu la chance de recruter Joseph Friday, qui travaillait pour le ministère de la Justice; c'est un des grands experts du règlement extrajudiciaire des conflits. J'ai pu le recruter en vertu d'un détachement parce que le Commissariat est entièrement indépendant du reste de la fonction publique. Je voulais aller chercher la personne la plus compétente et il a accepté une mutation latérale pour venir au Commissariat. C'est un spécialiste du domaine et je vais lui céder la parole pour qu'il vous décrive ses nombreuses années d'expérience.

J'ai toujours été une ardente partisane du règlement extrajudiciaire des différends, dans tous les ministères où j'ai travaillé, notamment la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Je vais maintenant céder la parole à M. Friday.

Joe Friday, avocat général, Commissariat à l'intégrité du secteur public : Un des grands principes sur lesquels reposent la création et le maintien d'un système efficace de règlement extrajudiciaire des différends est la reconnaissance du fait que des processus non judiciaires de règlement des conflits ou des différends, dans lesquels les parties jouent un rôle absolument essentiel, sont plus susceptibles d'aboutir à des décisions et à des solutions plus efficaces, plus rapides et plus durables étant donné que les parties intéressées ont elles-mêmes pris part au règlement du conflit ou du différend.

Par ailleurs, l'intervention d'une tierce partie neutre est cruciale au processus de règlement des différends car elle veille à ce que les parties s'entendent sur une solution adaptée aux besoins et aux intérêts de chacune. L'intervention d'un tiers permet également de compenser l'inégalité du rapport de forces entre les parties à un conflit.

À mon avis, il faut veiller à ce que les personnes qui interviennent dans des processus de règlement des différends soient expérimentées et connaissent aussi bien la théorie que la pratique de ce processus afin de pouvoir collaborer avec les parties dans l'atteinte de ces objectifs fort louables.

Mme Ouimet : Permettez-moi de signaler que dans tous les postes antérieurs que j'ai occupés, j'ai toujours travaillé en étroite collaboration avec les syndicats. Je me suis toujours occupée de questions liées à l'équité d'emploi. J'en étais plus ou moins le porte-parole à bien des égards, si bien que je suis très sensible à ces questions. Dans la réalisation de nos enquêtes, nous devons être bien au fait des méthodes du règlement extrajudiciaire des différends.

Le sénateur Nancy Ruth : Combien aurez-vous d'employés qui s'occuperont de ce processus? Quels genres de situations se prêtent au règlement extrajudiciaire des différends plutôt qu'au processus habituel de poursuites?

Mme Ouimet : J'ai tenu une séance de formation de deux jours sur le règlement extrajudiciaire des différends avec tous les employés qui participeront directement ou indirectement aux enquêtes. Cette séance a eu lieu avant Noël. Outre M. Friday, nous avons fait appel à certains des spécialistes les plus connus de ce domaine.

Le règlement extrajudiciaire des différends n'est pas seulement un mécanisme, mais bien une approche. Il me semble tout particulièrement indiqué pour le régime de divulgation.

En ce qui concerne les représailles, le Parlement a déjà prévu la médiation, qui est mentionnée dans la loi. En fait, l'enquêteur formule une recommandation. Il peut recommander en tout temps la nomination d'un conciliateur. Nous pouvons également présenter les demandes au tribunal, ce qui est un autre processus.

D'après mon interprétation de la loi, il faut considérer le processus de divulgation dans son ensemble pour bien cerner notre rôle dans la définition d'un acte répréhensible, et pour savoir quand nous ne pouvons intervenir et quand nous pouvons le faire en vertu de nos pouvoirs discrétionnaires.

À cet égard, si nous réussissons à régler le problème et à trouver une solution satisfaisante et pour le plaignant, et pour l'institution, nous aurons bien fait notre travail. Cela apaiserait aussi les préoccupations du sénateur Murray quant au recours à tous les pouvoirs prévus dans la partie II de la Loi sur les enquêtes. Nous cherchons l'équilibre en explorant toutes les avenues prévues par la loi afin de régler le problème, et le règlement extrajudiciaire des différends est un moyen très important de le faire.

Le sénateur Nancy Ruth : En parlant de ces médiateurs, vous avez utilisé le pronom masculin « il », peut-être par erreur. Pouvez-vous m'assurer qu'au moment de recruter, vous tâcherez d'assurer la diversité de votre personnel?

Mme Ouimet : Oui, et je m'excuse d'avoir utilisé le masculin. C'est une erreur machinale.

Le sénateur Nancy Ruth : Il y a bien des années, au début des années 1980, je faisais partie d'un groupe de contestation judiciaire appelé le FAEJ qui s'est adressé souvent à la Cour suprême du Canada pour défendre les droits des femmes à l'égalité. À ses débuts, le FAEJ avait pour stratégie de défendre les affaires faciles que la cour ne jugerait pas trop provocatrices. Notre objectif était ainsi de nous bâtir une réputation, de faire en sorte que les gens nous fassent confiance et que les travailleuses n'hésitent pas à s'adresser à nous.

Je ne dis pas que telle devrait être votre stratégie, mais il est difficile de rallier des centaines de milliers de gens autour d'une nouvelle institution, de gagner leur confiance et de faire en sorte qu'ils s'adressent à vous. C'est ainsi que nous avons procédé et cela nous a réussi. Vous, que faites-vous?

Mme Ouimet : C'est une bonne question. Je dois dire que lors de nos consultations, la question s'est posée : « Pourquoi devrions-nous faire confiance au système? Votre équipe aura-t-elle la crédibilité qu'il faut pour mener des enquêtes? »

Ma réponse était basée sur le calibre de mon équipe. Je dois préciser que le sous-commissaire a passé plus de 31 ans à la GRC et qu'il est bien au fait des techniques d'enquête. Je viens aussi de rappeler les antécédents de M. Friday. Je pourrais en faire autant pour le reste de l'équipe.

De plus, les postes que j'ai occupés dans le secteur public reliés à des activités pénales ou quasi judiciaires exigeaient que l'équipe travaille comme il faut; de là l'importance de la dotation et de trouver les gens qu'il faut. Le défi pour nous sera d'interpréter la loi en conformité avec l'intérêt public mais aussi en appliquant le bon sens, selon les voeux du Parlement, tout en étant très conscients de la réputation de l'institution et en s'assurant d'agir comme il se doit. C'est ici que jouera la latitude que nous laisse la loi.

Au final, mon engagement à moi et celui de mon équipe est que nous sommes très conscients de l'importance et de la délicatesse de notre rôle. Je ne peux pas m'engager à employer la même stratégie que la vôtre parce que nous devons accepter les affaires qui nous sont soumises. Nous sommes tenus d'examiner chacune d'elles dans le cadre de la loi et c'est ce que nous allons faire. Nous allons aussi nous assurer qu'il n'y a pas de dédoublement et que nous atteindrons les résultats escomptés par le Parlement. C'est l'engagement que nous prenons envers vous.

Le président : Il y a deux ou trois autres points que je voudrais éclaircir, madame Ouimet.

Une allégation d'acte répréhensible commis par un fonctionnaire enclenche une enquête de votre part. Imaginons que le fonctionnaire ne s'adresse pas à vous mais qu'une communication anonyme est faite aux médias, ce qui semble être assez courant dans le cas des dénonciateurs. L'affaire est-elle alors écartée ou pouvez-vous lancer une enquête sur la foi d'informations reçues sous une autre forme que ce qui est décrit ici, soit une allégation par écrit ou de vive voix d'acte répréhensible?

Mme Ouimet : Nous avons eu des cas semblables et le sous-commissaire s'en est occupé en mon nom.

À strictement parler, la loi ne nous autorise pas à instruire des plaintes anonymes du fait qu'il n'est pas possible d'établir la bonne foi, un élément essentiel du processus. Toutefois, nous avons l'obligation morale de faire une offre à l'organisation d'où proviennent la plainte et l'allégation, d'en discuter avec son premier dirigeant, à qui revient la responsabilité première, et qu'il doit décider de faire ou non enquête et de prendre les mesures qui s'imposent. Un cas comme celui-là déborde du cadre de la loi et de notre mandat.

Le président : Si un sous-ministre s'adresse à vous et vous demande d'enquêter sur cette allégation faite dans les journaux, est-ce que vous lui fourniriez des moyens pour l'aider dans son travail?

Mme Ouimet : C'est une question très intéressante. De fait, je vais dire au comité que certains premiers dirigeants nous ont contactés pour discuter de cette possibilité. Le défi pour nous, évidemment, est de nous assurer que nous sommes perçus comme une organisation neutre et indépendante. La loi n'interdit pas aux premiers dirigeants de s'adresser à nous. Tout citoyen, quelle que soit sa situation, peut nous présenter une plainte.

Je voudrais faire une distinction importante : nous ne sommes pas un ombudsman. Nous sommes un organe indépendant et neutre qui relève directement du Parlement et qui doit mettre dans la balance des droits et des obligations importantes. En tout temps, nous devons être perçus comme absolument impartiaux et indépendants. Il n'y a pas de dispositions particulières au sujet de quiconque veut frapper à notre porte, y compris les sénateurs.

Le président : Quand le projet de loi C-2, qui comprenait la Loi sur la protection des dénonciateurs qui vous régit, a été étudié par le Sénat, il y a eu bon nombre de recommandations de changements de notre part. Vous allez procéder à un examen dans trois ans, avez-vous dit, et la loi prévoit un examen après cinq ans. Avez-vous à l'esprit les amendements proposés par beaucoup de membres du comité et du comité du Sénat il y a trois ans quand le texte a été adopté?

Mme Ouimet : Si vous me permettez, une précision : l'examen qui doit se faire après trois ans porte sur nos moyens et nos capacités. En vertu de la loi, le ministre peut demander un examen après cinq ans et nous comptons faire partie intégrante de cet examen très important. Nous aurons eu recours à la loi et saurons où se situent les lacunes et nous serons très heureux de faire des recommandations. Notre attention portera surtout sur l'emploi qui a été fait de la loi. Toutefois, dès l'an prochain, nous allons examiner des modèles étrangers. Pour l'instant, nous sommes les chefs de file en la matière.

Avant trois ans, il sera difficile d'avoir la crédibilité qu'il faut pour parler, par exemple, des problèmes systémiques, et la loi nous donne cette flexibilité. Chaque année, nous essaierons de dégager des tendances, notamment en région, comme l'a mentionné le sénateur Chaput. Nous examinerons constamment ce que nous avons observé. Cela fera partie de notre rapport annuel.

L'année dernière a été très exigeante, ne serait-ce que pour monter l'institution et nous assurer que nous avions des processus rigoureux et de grande qualité, la bonne interprétation et la bonne équipe en place. Nous nous engageons à faire ça, jusqu'à l'examen quinquennal.

Le président : Laissez-moi vous rafraîchir la mémoire au sujet des recommandations du Sénat. Nous étions préoccupés par le délai de soixante jours pour le dépôt d'une plainte relative à des représailles. Nous trouvions que c'était trop court. Nous avons parlé du renversement du fardeau de la preuve en ce qui concerne les représailles. Une fois établi que quelque chose est arrivé à un dénonciateur, on sait qu'il y a anguille sous roche. Nous avons proposé de renverser le fardeau de la preuve et que ce soit à l'employeur de prouver qu'il n'y a pas eu de représailles. Nous avons aussi estimé que la somme de 1 500 $ en frais juridiques est grossièrement insuffisante. Je ne me souviens pas de toutes les recommandations mais ce sont celles qui me viennent à l'esprit. Êtes-vous au courant? Quand vous passerez en revue votre activité pour déterminer si vos mécanismes sont efficaces dans la pratique, tiendrez-vous compte de ces recommandations de manière à conclure que telle chose était une bonne idée et que telle autre ne l'était pas pour telle ou telle raison?

Mme Ouimet : Au début de mon mandat, j'ai rencontré les Présidents des deux Chambres, donc le Président du Sénat, qui avait beaucoup travaillé à certains des projets de loi. J'ai aussi examiné diverses recommandations concernant plusieurs projets de loi ainsi que les changements de dernière minute apportés au projet de loi C-2. Par exemple, une proposition relative à une instance futile et vexatoire a été supprimée. Il y aura aussi le fardeau de la preuve. Je me souviens de certaines dispositions, y compris sur les options relatives aux rouages qui étaient sur la table à l'époque. J'ai même parlé avec certains dirigeants de ces organisations pour connaître leur point de vue de manière à comprendre la philosophie et l'objectif du Parlement. L'histoire est utile.

J'ai dit que j'allais d'abord me concentrer sur la mise en œuvre de la loi de manière à pouvoir produire rapidement un rapport, d'ici cinq ans, sur les difficultés. C'est une loi très complète. Je m'en remettrai au Parlement dans cinq ans et sur ce qu'il décidera sur la foi de nos constatations, des faits et de l'analyse des tendances. Je garderai à l'esprit certaines des observations que vous avez faites aujourd'hui et qui ont été faites pendant l'élaboration du projet de loi.

Le président : Pouvez-vous me rafraîchir la mémoire au sujet de l'examen quinquennal? Est-ce une exigence prévue par la loi?

Mme Ouimet : Le ministre responsable de l'Agence de la fonction publique en a l'obligation, oui.

Le sénateur Stratton : Le Conseil du Trésor?

Mme Ouimet : Oui, vous avez raison, c'est le Conseil du Trésor.

Le président : Il a l'obligation de vous convoquer?

Mme Ouimet : Oui. Le ministre a pour tâche spécifique de sensibiliser et de communiquer par l'intermédiaire de l'agence. L'agence a aussi la responsabilité première de produire des rapports sur les systèmes internes et les constatations faites par toutes les organisations. L'agence, même si elle est tout à fait indépendante de nous, a un rôle important, y compris l'énoncé des valeurs et le code de conduite. La question de savoir s'il y aura un nouveau code de conduite devra être négociée avec des parties importantes comme les syndicats. Je crois savoir qu'il y a eu un report. Dans l'intervalle, il y a des codes de conduite dans la quasi totalité des organisations de la fonction publique et ce sera l'outil dont nous nous servirons.

Le président : Tout à l'heure, vous avez dit que le ministre est tenu de faire procéder à un examen indépendant. Il ne s'agit pas d'un examen parlementaire, n'est-ce pas?

Mme Ouimet : C'est parlementaire. Je me suis mal exprimée; mes excuses.

Le président : Il s'agit d'un examen parlementaire?

Mme Ouimet : C'est indépendant. Je crois comprendre qu'il s'agit d'un examen parlementaire. Corrigez-moi, comme M. Friday l'a dit.

Le président : Monsieur Friday, selon vous, il y aura un examen effectué par d'autres que les parlementaires?

M. Friday : La loi prévoit que cinq ans après l'entrée en vigueur de cette disposition, le ministre doit faire effectuer un examen indépendant de la loi, de son application et de son fonctionnement et doit faire déposer un rapport de l'examen devant chaque Chambre du Parlement.

Le président : D'aucuns pourraient soutenir qu'un examen indépendant pourrait être effectué par l'un des comités du Parlement, mais normalement un examen parlementaire est décrit comme un examen effectué par le Parlement. Le fait que ce ne soit pas dit en toute lettre donne sans doute à penser qu'un autre organe indépendant s'en chargerait. Êtes-vous d'accord avec moi sur ce point, monsieur Friday?

M. Friday : Oui, la loi parle d'un examen indépendant.

Le président : Mes dernières questions porteront sur des points abordés par mes collègues au sujet de l'indépendance. Quand il examine les fonctionnaires et les mandataires du Parlement, le comité tient toujours à vérifier si vous êtes suffisamment indépendants pour accomplir la tâche qui vous est confiée et informer les parlementaires des actes répréhensibles que vous mettez au jour et les choses qui doivent être corrigées. Estimez-vous bénéficier du degré d'indépendance qui vous permet de vous en acquitter sans ingérence du pouvoir exécutif?

Mme Ouimet : Tout à fait, monsieur le président. J'estime l'indépendance être absolument essentielle à ma capacité de mettre en œuvre la loi — tant la lettre que l'esprit de la loi tels qu'énoncés par le Parlement. Cela ne signifie que j'agirai isolément en matière de sensibilisation et de prévention conformément à mon mandat. Toutefois, en ce qui concerne la conduite des enquêtes, je peux vous assurer que nous jouissons d'une pleine indépendance et que notre rapport ira directement au Parlement.

Le président : La vérificatrice générale a exprimé des préoccupations en ce qui concerne le budget, et Mme Barrados, de la Commission de la fonction publique, en a fait autant. Vous avez dit que votre budget actuel vous a été imposé mais on vous a assuré qu'à l'avenir votre budget serait examiné par un comité. Pouvez-vous nous dire quel comité?

Mme Ouimet : J'ai des relations étroites avec d'autres mandataires du Parlement. Je fais partie d'un groupe de discussion qui porte sur la façon dont les activités des mandataires du Parlement sont touchées par les politiques. Pour l'instant, la question du budget n'est pas un sujet d'actualité mais on m'a demandé de me pencher sur la question pendant le premier mois de mes activités. On me l'a demandé pour garantir que nous avons les ressources financières nécessaires à la protection de notre indépendance. J'ai même soulevé la question auprès de personnes directement intéressées. Je suis liée étroitement avec les autres mandataires du Parlement et je travaille en étroite collaboration avec eux sur cette question, y compris avec la vérificatrice générale.

Excusez-moi de ne pouvoir répondre à votre question. Quant au groupe en question, il remonte à il y a un certain nombre d'années. En fait, il s'est penché par exemple sur le récent budget d'Élections Canada. Le groupe a fait une recommandation portant sur les ressources nécessaires. Je n'ai pas eu besoin de comparaître devant le groupe. Bien entendu, si on me demande des précisions sur mes dépenses, je les fournirai volontiers comme je les fournirai à des comités parlementaires.

Le président : Parmi les choses qui ont retenu notre attention, nous nous sommes penchés sur l'indépendance dont vous disposez pour constituer votre équipe, laquelle vous avez décrite. Qu'en est-il de votre nomination? Êtes-vous en fonction suivant la bonne volonté du pouvoir exécutif ou êtes-vous nommée pour un mandat fixe, ce qui vous garantit l'indépendance nécessaire au travail qui doit être accompli?

Mme Ouimet : Quatre ou cinq critères constituent ce qui différencie un mandataire du Parlement d'un haut fonctionnaire du Parlement, car il s'agit de deux catégories différentes. Un des critères porte sur le mandat et mon mandat est de sept ans.

Le président : Merci de cette précision. Avez-vous la possibilité de faire rapport plus d'une fois l'an, si vous estimez que c'est nécessaire?

Mme Ouimet : Tout à fait, monsieur le président. En fait, c'est une obligation. En présence d'une malversation grave, nous avons 60 jours pour préparer un rapport et nous devons respecter cette exigence.

Le président : En terminant, je tiens à vous dire que si dans les modalités de votre nomination ou dans la création de la commission il se trouve des éléments qui entravent l'indépendance à laquelle vous vous attendez pour exercer vos fonctions, n'hésitez pas à contacter notre greffière et notre comité car nous essayons de surveiller la situation de tous les mandataires du Parlement et de tous les hauts fonctionnaires du Parlement pour veiller à leur maintenir l'indépendance cruciale dont ils ont besoin pour remplir leurs fonctions.

Mme Ouimet : Je vous en suis très reconnaissante, monsieur le président, et je remercie les membres du comité.

Le président : Les honorables sénateurs ont-ils des questions à la suite des remarques que j'ai faites? Puisqu'il n'y en a pas, cela termine notre séance.

Au nom des membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je tiens à remercier Mme Ouimet.

[Français]

Je remercie également M. Watson et M. Friday d'avoir assisté à la réunion de ce matin.

La séance est levée.


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