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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 9 - Témoignages du 9 avril 2008


OTTAWA, le mercredi 9 avril 2008

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 18 h 22 pour examiner le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2009. Sujet : La mise en œuvre de la Loi fédérale sur la responsabilité

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour à tous et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Je m'appelle Joseph Day, je représente la province du Nouveau-Brunswick et je suis le président de ce comité.

[Traduction]

Le comité s'intéresse aux dépenses du gouvernement et aux opérations, notamment à l'examen des activités des agents du Parlement et des personnes et organismes qui aident les parlementaires à obtenir des comptes du gouvernement sur son action. Nous faisons cela par l'analyse des budgets de dépenses et des fonds mis à la disposition des agents du Parlement pour qu'ils s'acquittent de leurs tâches, ainsi que par l'examen des lois de mise en œuvre du budget et des autres questions renvoyées devant le comité par le Sénat.

Aujourd'hui, nous continuons notre examen des postes et bureaux créés ou modifiés par l'entrée en vigueur de la Loi sur la responsabilité fédérale, l'ex-projet de loi C-2.

J'ai le plaisir d'accueillir ce soir Brian Saunders, directeur intérimaire des poursuites pénales, du Service des poursuites pénales du Canada. Il occupe ce poste depuis le 12 décembre 2006, quand est entrée en vigueur la Loi sur la responsabilité fédérale portant création du Bureau du directeur des poursuites pénales. Avant cette nomination, M. Saunders avait occupé différents postes au ministère de la Justice, notamment ceux de sous-procureur général adjoint, Droit pénal, de sous-procureur général adjoint, Citoyenneté, immigration et sécurité publique, et d'avocat général principal et directeur général, Section du contentieux des affaires civiles à Ottawa.

M. Saunders est accompagné de plusieurs membres du Service des poursuites pénales du Canada, soit Chantal Proulx, directrice adjointe des poursuites pénales par intérim, Direction du litige réglementaire et de la justice pénale; George Dolhai, directeur adjoint des poursuites pénales par intérim, Direction du litige pénal et du crime organisé; et Marc Fortin, directeur exécutif et avocat ministériel.

Monsieur Saunders, madame et messieurs, je vous remercie de votre présence. Vous avez la parole pour votre déclaration liminaire, après quoi nous aurons une période de questions.

Brian Saunders, directeur intérimaire des poursuites pénales, Service des poursuites pénales du Canada : Bonsoir. Je suis heureux de pouvoir comparaître devant le Comité dans le cadre de son examen des nouvelles nominations découlant de la mise en œuvre de la Loi fédérale sur la responsabilité.

[Français]

Comme vous l'avez mentionné, j'ai avec moi ce soir M. Dolhai, Mme Proulx et M. Fortin. Vous avez noté que trois d'entre nous occupent des postes par intérim. À la création de notre ministère, nous étions, tous les quatre, les seuls membres dirigeants du Service des poursuites pénales du Canada. Heureusement pour nous, nous avons pu depuis embaucher d'autres directeurs pour nous aider à la gestion de ce ministère.

Avant de répondre à vos questions, j'aimerais effectuer un survol de notre organisation, pour donner un contexte à la discussion qui va suivre.

[Traduction]

Le Bureau du directeur des poursuites pénales est le nom officiel de notre organisation. Celle-ci est cependant désignée plus couramment par son titre usuel, Service des poursuites pénales du Canada.

Comme vous le savez, notre loi organique, la Loi sur le directeur des poursuites pénales, qui est la partie 3 de la Loi sur la responsabilité fédérale, décrit les attributions du directeur des poursuites pénales. Notre mandat est simple et notre unique objectif stratégique est clair : intenter des poursuites relativement aux infractions criminelles qui relèvent du procureur général du Canada, sans ingérence indue et dans le respect de l'intérêt public.

[Français]

Comme certains d'entre vous le savent peut-être, la création d'une nouvelle organisation n'a pas entraîné en soi des changements majeurs dans les travaux des procureurs de la Couronne fédéraux de toutes les régions du Canada.

[Traduction]

À maints égards, rien n'a changé le jour où le SPPC a été créé. Les procureurs de la Couronne qui engageaient des poursuites relativement à des infractions fédérales le 11 décembre 2006 étaient généralement les mêmes que ceux qui intentaient les mêmes poursuites le lendemain. Le SPPC a continué d'intenter des poursuites relativement à des infractions fédérales, par exemple des infractions en matière de drogue ou de criminalité organisée, des infractions réglementaires, des infractions au Code criminel qui sont commises dans nos territoires du Nord et des infractions de terrorisme.

L'une des modifications notables a été l'ajout aux infractions relevant du SPPC des infractions prévues par la Loi électorale du Canada. Avant le 12 décembre 2006, les poursuites intentées à l'égard de ces infractions ne l'étaient pas par notre prédécesseur, le Service fédéral des poursuites, mais plutôt sous la tutelle du directeur général des élections. Aujourd'hui, elles sont intentées par notre service.

La transition s'est faite sans heurts grâce au travail attentif de préparation et de planification de nombreux acteurs : ceux qui ont rédigé la loi, ceux qui l'ont étudiée, notamment un comité sénatorial, et ceux qui ont participé à sa mise en œuvre pour s'assurer qu'elle serait appliquée dans tous les cas prévus.

Je dois mentionner que le SPPC n'est pas devenu un organisme d'enquête, comme certains l'ont laissé entendre. Nous n'intentons de poursuites qu'après l'exécution d'une enquête par un organisme idoine. Le principe en vigueur dans notre pays est qu'on fait une distinction entre les organismes d'enquête et les organismes de poursuites, et elle a été maintenue dans notre loi organique.

Ce qui a changé le plus avec la création du Service des poursuites pénales du Canada, c'est l'intégration dans une loi de la notion d'indépendance des poursuites et la protection législative de cette indépendance. Cela s'est fait non pas, comme dans d'autres juridictions, à cause d'un problème qui se serait posé au palier fédéral mais plutôt afin d'empêcher qu'un problème se pose. Lorsqu'il a témoigné devant le comité sénatorial, l'ex-juge en chef Lamer a dit que créer le SPPC, c'était comme souscrire une assurance-incendie. Il n'y a peut-être pas le feu aujourd'hui mais mieux avoir une assurance au cas où il y aurait le feu à l'avenir.

Il importe aussi de souligner que le principe d'indépendance des procureurs est bien établi au Canada et a été souligné à plusieurs reprises par la Cour suprême. Cela veut dire que les procureurs, quand ils décident d'intenter des poursuites, de continuer les poursuites, de suspendre des poursuites ou de retirer une accusation, doivent être indépendants dans l'exercice de ce pouvoir et n'être guidés que par les principes et par la loi.

La Loi sur le directeur des poursuites pénales portait création d'un organisme gouvernemental indépendant. Nous avons tenté de concrétiser cette indépendance de manière rationnelle et efficiente. Nous savions que nous ne pouvions pas nous séparer du ministère de la Justice du jour au lendemain et nous avons donc commencé par nous concentrer sur les questions qui, selon nous, étaient nécessaires pour asseoir cette indépendance dans l'esprit du public. Nous nous sommes assurés d'engager immédiatement un agent de communications. Nous avons pris des mesures pour séparer physiquement nos employés de ceux du ministère de la Justice, en allant même jusqu'à obtenir des portes d'entrée séparées pour nos employés, ainsi que des laissez-passer et des panneaux de signalisation différents. Nous avons également veillé à ce que nos dossiers soient conservés séparément de ceux du ministère et que seuls les gens travaillant pour le SPPC puissent y avoir accès.

Afin de contrôler les coûts, nous n'avons pas quitté l'immeuble que nous partagions avec le ministère de la Justice. En règle générale, nous occupions des étages séparés. Nous n'avons pas déménagé parce que nous ne voulions pas encourir de coûts inutiles. Nous attendrons l'expiration des baux pour assurer notre séparation physique du ministère.

Nous continuerons de partager certains services avec le ministère de la Justice parce qu'ils n'ont à notre avis aucune incidence sur notre indépendance en matière de poursuites. La plupart de ces services seront progressivement remplacés mais, le 12 décembre 2006, nous n'avions pas les ressources nécessaires pour les assumer nous-mêmes.

Avant l'adoption de la Loi sur le directeur des poursuites pénales, le procureur général détenait le pouvoir d'intenter les poursuites. En vertu de la loi, il le conserve. Toutefois, s'il souhaite ou veut émettre une directive au sujet d'une poursuite donnée ou des poursuites en général, ou s'il désire assumer la responsabilité d'une poursuite, il est tenu de le faire de manière publique et transparente. Il doit le faire par écrit et sa directive ou sa décision d'assumer la responsabilité d'une poursuite est alors publiée dans la Gazette du Canada pour que chacun le sache. Ainsi, chaque fois que le procureur général interviendra dans une décision concernant une poursuite, cela fera l'objet d'un document public.

Je peux dire aux sénateurs que, depuis la création du SPPC le 12 décembre 2006, le procureur général a donné une directive et assigné trois attributions à notre organisme, qui ont été publiées dans la Gazette du Canada. Ces quatre communications peuvent être consultées sur notre site web. Elles portent uniquement sur des questions de procédure et de gouvernance. Le procureur général n'a encore émis aucune directive concernant une poursuite particulière ni n'a choisi d'assumer la conduite d'aucune poursuite.

[Français]

En ce qui concerne les communications au procureur général, l'article 13 de la loi prévoit que le directeur informe le procureur général en temps utile de toute poursuite ou de toute intervention qu'il se propose de faire soulevant d'importantes questions d'intérêt général. Jusqu'à maintenant, nous avons envoyé une vingtaine d'avis en vertu de l'article 13 de la loi.

[Traduction]

Cette façon de procéder ne nous a causé aucun problème et les réactions que nous avons reçues jusqu'à maintenant sont positives. Nous continuons de travailler de manière indépendante, transparence et responsabilité étant pour nous plus que des slogans, ce sont des principes qui fondent notre réflexion, notre planification, nos décisions et notre action.

Après quelques mois d'existence à peine, nous avons produit notre premier rapport annuel et préparons actuellement celui qui fera le point sur notre première année complète d'activité. Nous avons aussi produit deux rapports sur nos plans et nos priorités, et mes collègues et moi-même avons comparu à trois reprises devant des comités de la Chambre examinant notre budget des dépenses. Nous avons créé un site web et divulguons depuis de manière proactive nos contrats, nos dépenses, nos frais de déplacement et de représentation, ainsi que les décisions de reclassification de postes.

Comme vous pouvez le voir, notre première année a été occupée et les années à venir promettent de l'être encore plus, alors que nous continuerons de représenter l'État fédéral devant les tribunaux et d'évoluer comme organisme indépendant.

Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Saunders. Nous vous remercions de votre déclaration liminaire.

Le sénateur Murray : Monsieur Saunders, rencontrez-vous régulièrement le procureur général du Canada?

M. Saunders : Non.

Le sénateur Murray : Le voyez-vous fréquemment, occasionnellement ou jamais? Rencontrez-vous souvent le ministre?

M. Saunders : Nous n'avons pas de rencontres régulières. Je le vois de temps à autre. En ce qui concerne le ministre actuel, M. Nicholson, je l'ai peut-être vu deux ou trois fois.

Le sénateur Murray : Loin de moi l'idée de vous faire révéler le caractère nécessairement confidentiel de vos discussions mais, de manière générale, pourriez-vous me dire si ces rencontres portent sur des questions de politique générale ou sur des causes particulières?

M. Saunders : Quand il s'agit de causes particulières, notre méthode de travail habituelle consiste à envoyer un avis par écrit, conformément à l'article 13 de notre loi. C'est l'article en vertu duquel nous sommes tenus de l'informer de toute cause soulevant des questions d'importance générale.

Le sénateur Murray : Pourriez-vous mieux définir les questions d'intérêt public général? Quelle expression avez-vous employée?

M. Saunders : Des questions d'intérêt général. Il s'agit de causes soulevant des questions importantes du point de vue légal et qui, de par leur nature, sont importantes à cause des infractions en jeu. Il y a deux catégories générales...

Le sénateur Murray : Voulez-vous parler de questions risquant d'être portées en appel?

M. Saunders : Par exemple, la contestation constitutionnelle d'une loi, dans le cadre d'une poursuite, serait une chose que nous porterions à son attention.

Le sénateur Murray : Avez-vous des contacts fréquemment ou jamais avec le cabinet personnel du ministre?

M. Saunders : Nous avions l'habitude de nous voir environ deux fois par mois. Cela ne s'est pas fait ces derniers mois mais nous voyons plus son personnel que lui-même, la raison étant que nous parlons de questions d'ordre administratif.

Le sénateur Murray : Je comprends.

Permettez-moi d'évoquer une chose qui me préoccupe depuis longtemps, l'intervention du personnel ministériel — c'est-à-dire, comme nous le savons tous, le personnel politique — dans des dossiers criminels relevant légitimement du ministère, et les dangers qui en résultent. Je crois qu'il est dangereux de divulguer au personnel politique d'un ministre, à moins de raisons valides ou urgentes, les questions sur lesquelles se penche le ministère dans le cadre de causes pénales. C'est arrivé dans le passé et c'est pourquoi je le mentionne. Je crois qu'il faut faire l'effort particulier de s'assurer que ces choses-là restent le plus discrètes possible.

M. Saunders : Nous avons indiqué au personnel politique que nous ne discuterons pas avec lui de questions touchant le cœur même du pouvoir discrétionnaire du procureur. Nous n'en parlerons qu'au procureur général.

Le sénateur Murray : Je crois que vous venez de répondre en partie à la question que j'allais vous poser concernant la différence qui existe réellement entre votre service et l'ancien Service fédéral des poursuites. Vous avez dit que les choses ont continué comme avant le jour où votre service a été créé mais que la vraie différence a été d'enchâsser dans la loi la notion d'indépendance du procureur et la protection législative de cette indépendance.

Je constate que vous employez environ 900 personnes à temps plein, dont 500 procureurs, et que vous faites appel à plus de 810 avocats du secteur privé un peu partout au pays. Pouvez-vous me dire si les avocats du secteur privé s'occupent d'infractions particulières et les avocats à temps plein, d'autres parties du droit pénal?

M. Saunders : Nous engageons des avocats du secteur privé parce que nous agissons devant des tribunaux de tout le pays. Nous avons des bureaux régionaux dans 11 villes et des bureaux secondaires dans cinq autres. Dans certaines régions, nous sommes loin des tribunaux et nous pouvons donc naturellement engager des agents parce que c'est une méthode plus efficiente que d'ouvrir un bureau dans chaque petite collectivité. Nous engageons également des agents lorsque nos employés permanents ne peuvent pas se charger d'un dossier parce qu'il y a trop de travail dans leur ville.

Le sénateur Murray : Quand vous parlez d'avocats du secteur privé comme agents, je suppose que ce sont des gens de cabinets privés.

M. Saunders : Oui, c'est ça.

Le sénateur Murray : Ils se chargent de certains dossiers à certains moments. S'agit-il d'agents désignés?

M. Saunders : Oui. En vertu du paragraphe 7(2) de notre loi, nous sommes autorisés à engager des procureurs du secteur privé. Ils sont alors considérés comme des procureurs fédéraux au même titre que les fonctionnaires qui sont des procureurs fédéraux. En vertu de l'article 9, nous pouvons recevoir du directeur des délégations de pouvoir leur confiant le pouvoir d'exercer les fonctions des directeurs à l'égard des causes dont ils sont saisis.

Le sénateur Murray : Comment les payez-vous?

M. Saunders : À l'heure.

Le sénateur Murray : Aux tarifs locaux?

M. Saunders : Un barème a été fixé il y a quelques années et c'est celui que nous appliquons.

Le sénateur Murray : Y a-t-il certains types de poursuites que vous n'attribueriez pas à un avocat du secteur privé parce que vous voudriez absolument les confier à vos propres employés?

M. Saunders : Je peux en envisager plusieurs. Par exemple, un appel devant la Cour suprême du Canada ne serait pas confié à un agent mais toujours à l'un de nos propres avocats.

Nous essayons de conserver les dossiers les plus complexes. Bien que certains agents aient déjà été chargés de dossiers complexes, nous essayons de les conserver chez nous. Vous verrez que ce sont nos propres avocats qui s'occupent des grandes causes touchant le crime organisé. Les affaires de terrorisme en cours sont traitées par nos propres avocats.

Le sénateur Murray : Pour revenir à la question que je vous ai posée au sujet du personnel politique, je songe d'un seul coup que je devrais préciser que je n'ai aucune idée de qui fait partie du personnel politique du ministre actuel. Je soulevais simplement une question d'ordre général, je ne songeais aucunement à un ministre ou à un personnel politique particulier.

On dit également dans nos notes qu'à moins d'instructions écrites du procureur général, le directeur — vous-même, donc — a le pouvoir de prendre la décision exécutoire et finale d'intenter des poursuites au titre des lois fédérales. La police doit-elle obtenir votre autorisation ou celle de votre agent pour pouvoir porter une accusation? Je note que vous avez dit dans votre déclaration liminaire que votre organisme n'intente de poursuites qu'une fois qu'une accusation a été portée par un organisme d'enquête ou d'exécution des lois.

M. Saunders : Il n'y a dans le Code criminel aucune disposition obligeant la police à recevoir une approbation préalable avant de porter une accusation. Cela dit, trois provinces — le Nouveau-Brunswick, le Québec et la Colombie- Britannique — ont adopté la pratique consistant à exiger que les organismes d'enquête demandent une approbation préalable avant de porter une accusation.

Le sénateur Murray : Cela se fait avec la permission de votre service?

M. Saunders : Oui, ou aussi en vertu du pouvoir des provinces d'intenter des poursuites. Souvenez-vous que la plupart des poursuites dans les provinces sont intentées par des procureurs provinciaux.

Le sénateur Murray : Je sais.

M. Saunders : Dans ces trois provinces, nous suivons les mêmes méthodes que les autorités provinciales et donnons une approbation préalable. Cela veut dire que les autorités provinciales prennent contact avec nous quand elles ont terminé leur enquête et qu'elles sollicitent notre approbation des accusations qu'elles souhaitent porter.

À bien des égards, nous procédons au même exercice que dans les autres provinces. Nous appliquons dans ces trois provinces les mêmes critères d'approbation des accusations que nous appliquons dans les sept autres et dans les territoires, où la police porte les accusations et vient nous voir. Nous examinons alors les accusations et les preuves afin de décider si l'on a des chances raisonnables d'obtenir une condamnation.

Le sénateur Murray : Je vais sans doute révéler mon ignorance du fonctionnement du système de droit pénal mais pourquoi ne vient-on pas vous voir avant de porter une accusation?

M. Saunders : Stephen Owen a traité de cette question dans un rapport exhaustif de 1990 qui a débouché sur la modification de l'introduction du Crown Counsel Act. Il y a du pour et du contre à faire approuver l'accusation à l'avance. Au Canada, on fait une distinction entre la fonction d'enquête et la fonction de poursuite. D'aucuns pensent que faire approuver l'accusation à l'avance constitue une ingérence dans la fonction d'enquête, car cela touche non seulement l'enquête mais aussi le droit de la police de porter une accusation. Or, on estime au Canada que la police a le droit de décider sur qui mener une enquête, pourquoi et comment.

Le sénateur Murray : On ne devrait pas porter d'accusation si la Couronne n'entend pas intenter de poursuites.

M. Saunders : Tout le monde n'est pas de cet avis. Sept juridictions ne le partagent pas.

Le sénateur Murray : Monsieur Saunders, je comprends la répartition des pouvoirs selon la Constitution. Le rôle des provinces est d'assurer l'administration de la justice mais je parle ici d'accusations au titre d'infractions fédérales. Votre approbation est-elle nécessaire pour que la GRC ou qui que ce soit puisse porter une accusation?

M. Saunders : Dans la plupart des cas, non. Vous savez que, selon le Code criminel et d'autres lois, comme les lois sur le terrorisme, certaines accusations exigent l'approbation préalable du procureur général ou du sous-procureur général. Toutefois, dans la plupart des cas, aucune approbation préalable n'est exigée par la loi.

Votre question est de savoir si nous devrions adopter cette pratique.

Le sénateur Murray : Je pense que vous le devriez mais je n'insiste pas. Je ne suis pas un spécialiste.

Sur une autre question, je ne comprends pas cette affirmation figurant sur votre site web :

. . . le directeur doit informer le procureur général de toute poursuite ou de toute intervention envisagée qui est susceptible de soulever d'importantes questions d'intérêt général, afin de permettre au procureur général d'intervenir ou de prendre en charge une poursuite.

Cela veut-il dire qu'il revêt la robe et s'en va plaider?

M. Saunders : Non. Cela fait référence aux autres pouvoirs qu'a conservés le procureur général au titre de la Loi sur le directeur des poursuites pénales. L'idée de donner un préavis au procureur général procède de plusieurs raisons. Premièrement, c'est lui qui, en dernière analyse, rend des comptes au Parlement. Deuxièmement, il conserve le pouvoir résiduel en droit pénal. Il est toujours le premier conseiller juridique de l'État. Les dispositions figurant dans la loi sur le DPP de la Nouvelle-Écosse et celles en vigueur au Québec permettent au procureur général, quand il est informé d'une cause d'importance publique et du rôle que nous avons l'intention de jouer, d'émettre une directive sur la poursuite ou pour en prendre charge.

Le sénateur Murray : Que veut dire « prendre en charge une poursuite »?

M. Saunders : Il dessaisit le Service des poursuites publiques du Canada et confie la poursuite à un avocat du ministère de la Justice ou à un agent retenu par le ministère.

Le sénateur Murray : Il vous met sur la touche, alors?

M. Saunders : C'est ça.

Le pouvoir d'émettre une directive au sujet d'une poursuite donnée figure dans le Crown Counsel Act de 1990 de la Colombie-Britannique. Depuis lors, c'est-à-dire en 18 ans, il n'y a eu que cinq directives, ce qui est parcimonieux.

Le sénateur Murray : Vous êtes-vous penché sur la situation au Royaume-Uni où le procureur général est membre du Cabinet avec un statut particulier? Il n'assiste pas aux réunions du Cabinet sauf dans les cas rares où il a un avis à proposer aux ministres.

M. Saunders : Je connais la situation de manière générale, mais je crois comprendre qu'on repense actuellement la structure du système de justice pénale britannique.

Le sénateur Murray : Cela s'expliquait, je suppose, par le souci de permettre au procureur général de rester en dehors des basses considérations politiciennes dont un Cabinet doit se préoccuper.

M. Saunders : Cela étant, il est établi depuis longtemps que le Director of Public Prosecutions relève de l'Attorney General.

Le sénateur Murray : Dans ce cas...

M. Saunders : L'idée était qu'il devrait avoir plus d'indépendance.

Le président : Je veux vous poser quelques questions découlant de celles du sénateur Murray.

Si je comprends bien, quand une affaire revêt un intérêt général, le directeur des poursuites publiques prend la décision et informe le ministre.

M. Saunders : C'est cela.

Le président : Ensuite, le ministre décide de prendre charge de la poursuite. Cela doit-il être annoncé dans la Gazette du Canada?

M. Saunders : Oui.

Le président : Ses directives doivent aussi être publiées dans la Gazette du Canada. De quel type de directives pourrait-il s'agir?

M. Saunders : En vertu de la loi, il a le droit d'émettre une directive au sujet d'une cause ou d'une poursuite particulière. Les exemples issus de la Colombie-Britannique concernaient des causes où le procureur général avait donné à la personne responsable de la poursuite publique l'instruction de soulever certaines questions en appel. Il s'agissait de cinq causes en appel.

Le président : Je vois.

M. Saunders : Par exemple, le service des poursuites pourrait décider de ne pas se porter en appel alors que le procureur général pourrait estimer qu'il est dans l'intérêt public de le faire, auquel cas il émettrait une directive en ce sens.

Notre loi donne aussi au procureur général le pouvoir d'émettre une directive au sujet des poursuites de manière générale. La seule directive qui a été émise concerne les poursuites en général. Le procureur général nous a donné l'instruction de continuer à utiliser le Guide du Service fédéral des poursuites, où figurent les principes et lignes directrices que doivent suivre les procureurs quand ils exercent leur pouvoir discrétionnaire dans diverses circonstances. C'est un document public qu'on peut trouver sur notre site web. Nous nous en servons comme outil de responsabilité publique. Les gens peuvent y voir ce qui guide notre pouvoir discrétionnaire quand nous l'exerçons et ils peuvent nous demander d'en rendre compte.

Le président : Ce guide a-t-il été formulé depuis l'adoption de la nouvelle loi?

M. Saunders : Le Guide du Service fédéral des poursuites existe depuis 1993, je crois.

Le président : La directive dont vous venez de parler a été émise après le 12 décembre 2006?

M. Saunders : Oui, en mars 2007, je crois.

Le président : Qui porte l'accusation avant que vous preniez charge de la poursuite? Je constate qu'une de vos principales fonctions est d'engager et de mener les poursuites fédérales. « Engager » signifie certainement prendre charge?

M. Saunders : Non. Engager une poursuite peut être et a été interprété comme « prendre le contrôle de la poursuite une fois que l'accusation a été portée ».

Le président : Pourquoi avez-vous besoin du mot « engager » en plus de « mener »?

M. Saunders : C'était pour tenir compte de la réalité. Le législateur n'avait pas l'intention de modifier la situation existante. Avant l'entrée en vigueur de la loi, il y avait le pouvoir du SFP — notre prédécesseur — de donner son approbation préalable à la mise en accusation dans trois provinces. Dans les autres provinces, il suivait le principe établi par leurs propres services de poursuites et examinait les causes une fois que l'accusation avait été portée. L'emploi des deux verbes a permis de tenir compte des deux situations. On n'a pas voulu changer ce que faisait le SFP.

Le président : Le paragraphe 3(3) de la Loi sur le directeur des poursuites publiques existait-il dans la loi précédente?

M. Saunders : Il n'y avait pas de loi précédente.

Le président : C'est une loi toute nouvelle?

M. Saunders : Elle est nouvelle au palier fédéral.

Le président : On disait dans le projet de loi C-2 que le directeur des poursuites publiques a pour fonction centrale d'engager et de mener les poursuites fédérales. C'était une nouvelle formulation figurant dans le projet de loi C-2 qui est ensuite devenue la Loi sur la responsabilité fédérale.

M. Saunders : Oui. Mme Proulx peut sans doute nous aider à ce sujet, car elle a participé à la rédaction du projet de loi.

Chantal Proulx, directrice adjointe intérimaire des poursuites pénales, Direction du litige réglementaire et de la justice pénale, Service des poursuites publiques du Canada : La question du sens à donner au mot « engager » a été soulevée lors du débat sur le projet de loi, notamment au Sénat devant le Comité des affaires juridiques. On avait alors demandé au ministre de la Justice, M. Toews, si l'emploi du verbe « engager » signalait une sorte de changement constitutionnel entre les fonctions de la police et celles du procureur de la Couronne.

La terminologie employée dans la loi était nécessaire pour permettre au directeur d'engager des poursuites dans les cas où un consentement est requis. C'est aussi une terminologie qui, malgré son usage et malgré ce qui pourrait paraître comme signalant un changement, ne signale aucun changement dans la manière dont les poursuites seront menées ou l'étaient dans le passé avant l'adoption du projet de loi.

Autrement dit, comme l'a dit M. Saunders, dans les juridictions où il n'y avait pas d'approbation préalable à l'accusation, où la police portait l'accusation, apportait le dossier à la Couronne, celle-ci décidant alors si la poursuite devrait continuer en se présentant devant le tribunal pour la première fois, ce qui est aussi l'engagement d'une procédure, cette pratique n'a pas été modifiée par le projet de loi.

Le président : C'était l'opinion de M. Toews avant l'adoption du projet de loi mais est-ce encore celle du bureau du procureur?

Mme Proulx : Oui.

Le sénateur Eggleton : Le sénateur Murray et le président auront déjà posé toutes les questions et il me reste peu de choses à vous demander, si ce n'est une précision par curiosité. Pourquoi ces nominations sont-elles toutes par intérim? Vous occupez votre poste par intérim depuis la promulgation de la loi. Y a-t-il une raison technique ou a-t-on prévu une date quelconque de fin d'intérim?

M. Saunders : Ça a été une longue répétition, en effet.

On a prévu dans la loi un processus de sélection d'un DPP permanent, et c'est un processus assez complexe. Nous arrivons à la dernière étape. Le procureur général a reçu une recommandation de trois personnes d'un comité composé de parlementaires, de sous-ministres et de plusieurs personnes de l'extérieur du gouvernement. Il a choisi une personne; il m'a nommé à partir de ce groupe de trois. Avant qu'un DPP permanent puisse être nommé, il y a une dernière étape à franchir : je dois passer devant un comité parlementaire et obtenir son approbation.

Le sénateur Eggleton : Des deux Chambres?

M. Saunders : Cela fait encore débat.

Le président : Vous vous souviendrez que nous avons essayé d'apporter cet amendement mais sans succès.

Le sénateur De Bané : Monsieur Saunders, si j'en juge d'après les explications que vous avez données aujourd'hui, la création de votre Service n'aurait pas empêché l'injustice faite à l'ex-premier ministre Mulroney dans l'affaire Airbus. La police avait envoyé à un gouvernement étranger une lettre l'accusant de certaines choses mais il fut ensuite prouvé que ce n'était pas fondé. Évidemment, à ce moment-là, il en avait déjà énormément souffert.

Je ne comprends pas comment des policiers, après avoir suivi un cours d'un mois sur le Code criminel, peuvent agir sans avoir l'avis de gens comme vous, madame Proulx et monsieur Fortin, qui avez passé des années à étudier le droit pénal. La police peut faire certaines choses après un cours accéléré d'un mois sur le droit pénal et accuser un ancien premier ministre.

Plus je vous écoutais, plus je pensais que ça pourrait encore se produire. Ai-je raison?

M. Saunders : Je vais vous répondre assez longuement.

En vertu de notre loi, nous avons le mandat de conseiller les organismes d'enquête dans l'exécution de leurs investigations. Nous ne les conseillons cependant que s'ils mènent une enquête dans une affaire dont nous serions les procureurs.

Par exemple, s'il y avait une enquête au sujet d'un ancien premier ministre — ou de n'importe qui, d'ailleurs — en vertu du Code criminel au sujet d'une question dont nous ne serions pas les procureurs, la police serait peu susceptible de nous demander un avis juridique. Elle s'adresserait plutôt au service des poursuites de la province exécutant l'enquête. Il est courant aujourd'hui que la police et les organismes d'enquête sollicitent des opinions pendant l'exécution d'une enquête.

J'ai dit plus tôt que le Service des poursuites pénales du Canada n'effectue pas d'enquête indirectement. Nous ne sommes pas des enquêteurs mais nous conseillons les enquêteurs. Ce rôle a été entériné par la Cour suprême du Canada dans plusieurs arrêts soulignant qu'il est parfaitement logique que, considérant la complexité du droit contemporain et les dépenses encourues dans les enquêtes, la police sollicite l'opinion des procureurs sur les questions soulevées durant ses enquêtes.

Comme n'importe quel client, elle est libre de ne pas tenir compte de notre opinion, mais ce ne serait pas sage, selon nous, car si nous avions raison et que la poursuite échouait à cause d'une erreur commise durant l'enquête, ce serait regrettable pour toutes les parties concernées — l'accusé, la police et la société.

Le sénateur Murray : La lettre dont parlait le sénateur De Bané avait été envoyée par le ministère fédéral de la Justice aux autorités suisses.

M. Saunders : En effet, et je constate qu'elle n'avait pas été envoyée par le groupe chargé des poursuites, je suppose. C'est ce qu'on appelle le Groupe d'entraide internationale, qui fait toujours partie du ministère de la Justice. Il ne m'appartient pas de discuter des affaires du ministère de la Justice mais, en réponse à votre question demandant si notre service aurait pu empêcher cela, je peux vous dire que, si la police nous demandait notre avis sur une question quelconque dans le cours d'une enquête, nous ferions tous les efforts possibles pour lui donner un avis opportun, exact et lui permettant d'agir.

Le sénateur De Bané : Je comprends votre réponse exhaustive, monsieur Saunders, mais je pense que trois provinces exigent encore que la police présente le fruit de toute leur enquête à un avocat qui décide, à la lumière des rapports et de la jurisprudence, s'il y a matière à intenter une poursuite. Ça me paraît très cohérent.

M. Saunders : Je dois préciser que, même si une approbation préalable à l'accusation avait été exigée dans la juridiction où se tenait l'enquête Airbus, cela n'aurait pas nécessairement changé quoi que ce soit.

La police demande une approbation préalable de l'accusation à la fin de son enquête. Elle a présenté le fruit de son enquête au service des poursuites en lui présentant ce qu'on appelle le dossier de la Couronne. Si je me souviens bien de l'enquête Mulroney, la lettre au sujet de laquelle celui-ci décida d'agir en justice avait été envoyée au début des investigations dans l'affaire Airbus, pas à la fin.

Le sénateur De Bané : Je ne peux oublier qu'un ancien sous-ministre de la Justice avait déclaré qu'on ne peut pas écrire à un ancien gouvernement pour dire : « Nous avons des raisons de croire qu'un ancien premier ministre a commis un crime », alors que le président d'Air Canada lui-même avait déclaré que personne n'était intervenu. Je ne sais pas combien de comités se sont penchés sur l'affaire mais tous ont estimé qu'aucune pression n'avait été exercée. Je trouve donc tout cela absolument effarant. Je n'arrive pas à croire qu'on puisse faire ça à l'égard d'un ancien premier ministre sans même prendre la peine de lui parler.

Je voulais simplement faire le point à ce sujet. Il y a peut-être aujourd'hui des gens qui ne veulent pas faire de politique parce qu'ils ont vu où cela peut mener. Je n'arrive pas à imaginer qu'une chose comme ça ait pu se produire dans mon pays. Ça m'a brisé le cœur. C'est tout ce que je voulais dire.

Le président : Autre chose à ce sujet, monsieur Saunders?

M. Saunders : Non.

Le sénateur Di Nino : Vous avez plusieurs fois mentionné le mot « indépendance » dans votre déclaration liminaire. En fait, vous l'avez mentionné si souvent que je suis obligé de vous poser une question : y avait-il des problèmes qu'il fallait régler, du point de vue de l'indépendance ou de l'impartialité?

M. Saunders : Non. Je crois que le ministre, M. Toews, avait été clair quand il avait comparu devant un comité au sujet de la Loi sur le directeur des poursuites publiques. Il n'avait pas dit que c'était parce qu'il y avait des problèmes quelconques qu'il avait décidé de déposer le projet de loi mais plutôt parce qu'il souhaitait enchâsser dans une loi le principe de l'indépendance des procureurs, dans le sens de ce que j'ai dit au sujet de l'ex-juge en chef Lamer.

Le sénateur Di Nino : J'ai cependant trouvé intéressant que vous l'ayez mentionné plusieurs fois. Vous avez semblé y attacher beaucoup d'importance.

M. Saunders : Pour préciser ma pensée, permettez-moi de prendre l'exemple du problème qui s'est posé en Nouvelle- Écosse au sujet de Donald Marshall. La commission d'enquête mise sur pied pour se pencher sur cette erreur judiciaire avait recommandé la création d'un poste de directeur des poursuites publiques. Ce fut le premier poste de cette nature au Canada.

Il y a eu des problèmes en Australie, dans les années 1980 et 1990, avec certaines poursuites pénales. Pendant un certain temps, on a utilisé des procureurs spéciaux qui ont recommandé la création d'un service des poursuites publiques, ce qui fut fait dans tous les États australiens.

C'est devenu une sorte de mouvement. Le Québec a créé récemment un poste de directeur des poursuites criminelles et pénales. Dans le monde universitaire, feu le professeur John Edwards, l'expert absolu sur le rôle du procureur général et des conseillers de la Couronne, avait rédigé une étude dans laquelle il soulignait cette tendance à la création de postes de directeur des poursuites publiques. Il disait qu'il ne faudrait pas longtemps pour que chaque province adopte ce système afin d'assurer l'indépendance des poursuites.

Le sénateur Di Nino : Dans le même ordre d'idées, vous avez parlé de vous installer dans des locaux séparés à l'avenir. Cela a-t-il commencé?

M. Saunders : Oui. Dans la plupart des villes, nous sommes encore installés dans des locaux du ministère de la Justice, ce qui est compréhensible puisque nous étions auparavant un service de ce ministère.

En règle générale, nous occupons des étages séparés, ce qui assure la séparation concrète de nos employés. Par souci d'efficience et pour ne pas devoir dénoncer des baux, nous avons installé des portes et une signalisation séparées pour qu'il n'y ait pas de circulation libre entre le ministère et nous. Dans certaines villes, les baux sont arrivés à terme. À Winnipeg, par exemple, nous sommes en train de déménager dans un autre immeuble.

Dans les Territoires, la présence du ministère de la Justice est très limitée et ce sont alors ses employés qui ont déménagé, en laissant les locaux au Service des poursuites.

La situation est un peu plus difficile à Ottawa où il y a très peu de locaux disponibles pour les nouveaux organismes du gouvernement. Donc, pour le moment, nous continuons de partager l'édifice commémoratif de l'Est avec le ministère de la Justice, mais avec une entrée séparée.

Le sénateur Di Nino : Si des promoteurs nous écoutent, qu'ils en prennent note.

M. Saunders : Je leur recommande de s'adresser au ministère des Travaux publics.

Le sénateur Di Nino : Bien sûr.

Je voudrais maintenant parler plus des systèmes que des locaux eux-mêmes. Par exemple, vos systèmes informatiques seront-ils totalement séparés ou reliés?

M. Saunders : Nous avons notre propre serveur, pour certaines utilisations. Auparavant, nous partagions un système de gestion des fichiers appelé iCase, et l'une de nos premières décisions a été de nous assurer que nous n'aurions pas accès aux dossiers du ministère de la Justice, et vice versa.

Nous avons aussi essayé de séparer les dossiers papier pour nous assurer que nous n'aurions pas accès à ceux du ministère, et vice versa. Quand nous aurons déménagé dans des locaux séparés, ce sera plus facile.

En ce qui concerne nos systèmes informatiques, nous dépendons toujours du ministère de la Justice. Nous pensons qu'il sera possible d'assurer la séparation dont je viens de parler. Si nous devions installer nos propres systèmes informatiques, avec notre propre technologie, cela coûterait une fortune. Nous cherchons des solutions techniques nous évitant de dépenser cet argent.

Le sénateur Di Nino : Je tenais à le mentionner, car cette séparation me préoccupe beaucoup plus que celle des locaux.

Est-il exact que vous allez faire rapport au Parlement par le truchement du bureau du procureur général?

M. Saunders : Oui. En vertu de l'article 16 de notre loi, nous sommes tenus de déposer un rapport annuel sur nos activités.

Le sénateur Di Nino : Vous allez adresser votre rapport au Parlement en l'envoyant au procureur général qui devra alors le déposer devant les deux Chambres?

M. Saunders : Comme c'est au « Parlement », je suppose qu'il s'agit des deux Chambres.

Le sénateur Di Nino : Je voulais que ce soit clair.

Rien ne vous empêchera de comparaître devant des comités des deux Chambres?

M. Saunders : Non.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais maintenant parler de votre relation avec les différentes juridictions et voir comment elle fonctionne. Est-ce un avantage ou un obstacle?

M. Saunders : Notre relation avec les services provinciaux des poursuites revêt plusieurs aspects. Au niveau le plus élevé, il existe depuis plusieurs années un comité fédéral-provincial-territorial des chefs des poursuites qui se réunit deux fois par an et constitue durant l'année un point de contact pour discuter de questions d'intérêt commun.

L'une des questions dont nous discutons est la coordination, quand il y a des problèmes. C'est un comité axé sur l'opérationnel, composé du directeur des poursuites publiques de la Nouvelle-Écosse, du directeur des poursuites du Québec et des sous-ministres adjoints responsables des poursuites dans les autres provinces. On n'y parle pas de politique. L'objectif est de chercher les meilleures solutions aux problèmes qui se posent, dans l'intérêt de la justice pénale.

Nous avons aussi avec les provinces certains arrangements plus quotidiens dans le cadre desquels nous menons certaines de leurs poursuites et elles mènent certaines des nôtres.

Bien souvent, des accusés ont commis des infractions touchant à la fois les provinces et les autorités fédérales. Par exemple, quelqu'un peut être accusé d'avoir commis des infractions touchant les armes à feu et d'avoir été en même temps trouvé en possession de cocaïne ou d'héroïne.

La question qui se pose est la suivante : quelle est la manière la plus économique de mener la poursuite? Nous avons passé ce que nous appelons des ententes « majeure-mineure ». Si l'infraction la plus grave relève de la responsabilité du service des poursuites fédéral, nous laissons ce dernier mener toute la poursuite. De même, si la personne est accusée d'une infraction mineure relative aux drogues et en même temps d'une infraction majeure au Code criminel, c'est la province qui va mener la poursuite au sujet des deux infractions. Ces arrangements fonctionnent très bien.

Le sénateur Di Nino : Vous attendez-vous à des guerres territoriales?

George Dolhai, directeur adjoint intérimaire des poursuites pénales, Direction du litige pénal et du crime organisé, Service des poursuites pénales du Canada : Non. En fait, la coopération existant entre les services des poursuites mène aussi à des situations où un service, fédéral ou provincial, peut demander à l'autre de s'occuper d'une poursuite donnée à cause d'un conflit d'intérêts ou d'une apparence de conflit d'intérêts, ou demander son avis dans un cas particulier.

M. Saunders : Il nous arrive parfois d'intenter des poursuites ensemble. Il y a eu au Manitoba une poursuite concernant le crime organisé durant laquelle notre service et la province ont fourni des procureurs. C'est utile, surtout dans les petites juridictions.

Le sénateur Di Nino : Ma question découlait du fait que, trop souvent, les organismes publics ne se parlent pas, que ce soit dans le secteur de l'exécution des lois ou dans d'autres secteurs, ce qui entraîne des erreurs. Je suis heureux de vous entendre parler de collaboration.

Mme Proulx : Au sujet du dépôt du rapport annuel, je viens de vérifier dans la loi. Le paragraphe 16(2) dispose que le rapport est déposé devant les deux Chambres.

Le président : Je vous remercie de cette réaction rapide. Votre réponse nous rend tout chose.

Il serait utile, monsieur Saunders, que vous expliquiez aux sénateurs quelles questions de nature fédérale seraient traitées par un service provincial des poursuites. S'agirait-il seulement du Code criminel, les autres sujets d'intérêt fédéral, comme la pêche ou l'immigration, étant traités par vous dans les provinces?

M. Saunders : Laissons le Code criminel de côté pour un instant. Toute infraction à une loi fédérale autre que le Code criminel ferait l'objet d'une poursuite menée par un membre de notre service des poursuites. Donc, en ce qui concerne la Loi sur les pêches, ce serait notre affaire.

Pour ce qui est du Code criminel, nous menons toutes les poursuites dans les territoires. Dans les provinces, nous ne menons que certaines des poursuites, ce qui résulte de la définition de « procureur général » dans le Code criminel, qui nous donne compétence commune à l'égard de certaines infractions. Nous avons une entente avec les provinces au sujet de celles qui nous reviennent et celles qui leur reviennent.

Par exemple, nous avons compétence commune avec les provinces en ce qui concerne les poursuites intentées au titre des dispositions du Code criminel concernant la fraude, les articles 380 et 382. Notre entente avec les provinces est qu'elles ont un droit de refus. En général, elles s'en prévalent. S'il y a un conflit au sujet des personnes poursuivies, elles nous demandent de nous charger de la poursuite, conformément aux arrangements dont M. Dohlai vient de parler.

Autre domaine de compétence partagée, le terrorisme. Jusqu'à présent, à part dans l'affaire Air India, nous nous sommes chargés des poursuites relevant des dispositions du Code criminel concernant le terrorisme.

Le président : Imposer des tarifs exorbitants dans un contrat publicitaire au Québec serait-il une fraude? Le service des poursuites du Québec a-t-il revendiqué sa compétence dans l'affaire des commandites?

M. Saunders : Je ne me souviens pas si l'accusation a été portée au titre de l'article 380 ou de l'article 121 du Code criminel. Si c'était l'article 380, cela devait normalement relever du service provincial, donc du service des poursuites du Québec, comme ça s'est fait.

Le président : La situation sera-t-elle différente avec cette nouvelle loi?

M. Saunders : Non. Dans le cadre de la Loi sur la responsabilité fédérale, on a modifié la Loi sur la gestion des finances publiques pour alourdir les peines dans le cas des fraudes commises contre l'État par des employés fédéraux, à l'article 80, ou des fraudes commises par des agents de la Couronne — des employés des sociétés d'État — contre les sociétés d'État, à l'article 151.

Si une enquête était entreprise et que la police portait des accusations au titre de ces dispositions, c'est notre service qui se chargerait des poursuites.

[Français]

Le sénateur Chaput : Ma première question a été posée par le sénateur Di Nino. J'appuie les commentaires qu'il a faits à l'égard du système informatique et de la nécessité de surveiller de près les données puisque vous partagez encore le système avec le ministère de la Justice.

M. Saunders : Le système en place fait en sorte que les personnes qui travaillent pour le ministère de la Justice n'ont pas accès à nos documents et vice versa.

Le sénateur Chaput : Ma deuxième question concerne les langues officielles. Vous êtes un organisme indépendant, alors êtes-vous assujetti à la Loi sur les langues officielles? Si c'est le cas, quels services offrez-vous en français?

M. Saunders : Vous posez la bonne question parce que j'ai à côté de moi la championne des langues officielles au ministère, Mme Proulx.

Mme Proulx : Nous sommes un organisme assujetti à la Loi sur les langues officielles. Nous participons avec le ministère de la Justice à plusieurs organismes d'initiative. Tout récemment, nous avons participé avec le ministère de la Justice à une série d'événements organisés au cours de la Semaine de la francophonie ici à Ottawa et ailleurs. Nous offrons tous nos services en français. Il y a certaines obligations qui nous sont imposées en vertu du Code et d'autres législations de pouvoir permettre à tout accusé, qui le désire, d'obtenir un procès dans la langue de son choix. Nous sommes absolument capables d'offrir des services, et nous le faisons. Nous avons des procureurs capables de conduire ces procès dans les deux langues officielles.

Le sénateur Chaput : Le site web et les communications se font-ils dans les deux langues officielles?

Mme Proulx : Toutes nos communications se font dans les deux langues officielles.

[Traduction]

Le sénateur Stratton : Ma question est reliée à celle du sénateur Chaput. Y a-t-il eu des cas dans des régions éloignées où l'on a demandé l'autre langue officielle — le français, par exemple? Comment répondez-vous à une telle demande? Envoyez-vous quelqu'un sur place pour s'en occuper?

Mme Proulx : Tout dépend du lieu et des services existants localement, là où se tient le procès ou là où l'infraction a été commise.

Évidemment, nous mobiliserons nos ressources pour nous assurer que les services sont disponibles là où ils sont nécessaires. Les mesures que nous prendrons dépendront du lieu où se sont produits les événements et aussi des circonstances.

Le sénateur Stratton : Si un francophone demandait un procès dans sa langue, il l'obtiendrait, n'est-ce pas?

Mme Proulx : Oui. Dans un tel cas, nous allons désigner l'un de nos avocats, si nous en avons un qui est disponible, ou peut-être faire appel à un agent de la Couronne si nous n'en avons pas. Nous mobiliserons nos ressources pour nous assurer que le service est fourni conformément à la demande.

Le sénateur Stratton : Dans votre rapport annuel de 2007, vous parlez d'une « transition graduelle ». Je sais que le sénateur Day abordera la question et j'essaye de le faire avant lui. La première phase s'est déroulée avant le 12 décembre 2006 et la deuxième a débuté le 12 décembre 2006 pour se terminer le 31 mars 2007.

La troisième phase, qui a débuté le 31 mars 2007, amènera le SPPC à formuler son propre modèle de prestation des services. Nous avons une date de départ mais avons-nous une date d'arrivée, même approximative? Comme toujours, on négocie.

M. Saunders : La première fois que nous nous sommes rencontrés, tous les quatre, pour discuter de ce qu'il fallait faire pour créer une nouvelle organisation, étant entendu que le bureau régional fonctionnait bien, nous avons pensé que ce serait assez rapide. Dieu a créé le monde en sept jours mais il faut dire qu'il n'avait pas le Conseil du Trésor sur le dos, dont les politiques nous ont ralentis plus que nous l'avions prévu, sans parler des comités parlementaires.

Nous avons beaucoup avancé dans la création du service. Au début, comme je l'ai dit, nous n'étions que quatre à l'administration centrale. L'une de nos premières priorités a été d'engager un responsable des ressources humaines — sans lui, vous ne pouvez recruter personne — et un responsable des finances. Nous venons maintenant de recruter un directeur de l'information. Cela a produit un effet boule de neige, car nous les avons laissés engager les gens dont ils ont besoin pour nous permettre d'être indépendants.

L'un de nos autres objectifs clés, au début, fut d'établir une structure de gouvernance. Comme M. Fortin possède une certaine expertise en la matière, il a pu nous guider dans ce processus, ce qui nous permet d'établir une structure permettant aux gens de savoir où ils se situent dans l'organisation, de quoi ils sont responsables et à qui ils seront tenus de rendre des comptes. Dans l'ensemble, ce travail est terminé.

À l'heure actuelle, nous nous occupons de la conception de l'organisation. Nous examinons chaque poste pour nous assurer que ses fonctions sont correctement décrites et que son titulaire et son superviseur connaissent bien les lignes de responsabilité.

Il nous reste maintenant à choisir la meilleure méthode de prestation de nos services corporatifs dans les bureaux régionaux. On peut mettre sur pied une structure régionale dans laquelle chaque bureau régional est géré comme un fief séparé ou une structure plus centralisée, et c'est ce vers quoi nous penchons. Nous allons poursuivre l'analyse dans les prochains mois et, j'espère, mettre le système en place avant la fin de l'année.

Le sénateur Stratton : Votre objectif pour la conclusion de cette phase est donc la fin de l'année?

M. Saunders : Oui, si vous dites que c'est un objectif plutôt qu'une date limite. En fait, notre objectif est même de conclure cette phase plus tôt, mais nous voulons être réalistes.

Nous nous sommes penchés sur d'autres organisations créées récemment, comme l'Agence des services frontaliers du Canada. Nous savons qu'il y a encore des algies de croissance trois ou quatre ans après le démarrage. Nous ne pensons pas échapper à cette règle mais nous espérons que la majeure partie du travail sera terminée à la fin de cet exercice financier. C'est un objectif valable.

Le sénateur Stratton : Sachez que nous vous surveillerons.

Le sénateur Ringuette : J'examine votre tableau de la page 6 et je veux vous poser une question qui vous paraîtra très naïve. Je n'ai aucune formation en droit, mais je vois qu'il y a deux titres différents : le contentieux réglementaire en justice pénale, d'une part, et le contentieux criminel et le crime organisé, d'autre part. Quelle est la différence? Le crime organisé et la justice pénale sont similaires, mais pourquoi le contentieux réglementaire est-il séparé?

M. Saunders : Le Conseil du Trésor nous oblige à établir une architecture de programmes pour décrire nos différentes activités.

Dans cette architecture, nous indiquons que notre première activité est la poursuite des infractions touchant les drogues; le crime organisé, qui est typiquement actif dans le secteur des drogues; et les infractions au Code criminel dans les territoires du Nord, comme je l'ai expliqué. M. Dolhai est chargé de superviser cette activité de programme.

Notre deuxième grande activité de programme concerne les infractions à la réglementation. Il s'agit d'infractions à des lois fédérales autres que le Code criminel, comme la Loi sur les pêches, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la concurrence. Tout ce secteur relève de Mme Proulx.

L'organigramme de la page 6 représentant les grandes directions au sein de notre organisation reflète l'architecture de programmes que nous avons adoptée.

Le sénateur Ringuette : Je vois dans la Direction du litige réglementaire et de la justice pénale qu'il y a les communications, les Services corporatifs et le Secrétariat ministériel. Je pensais que vous étiez un groupe indépendant.

M. Saunders : C'est l'organigramme de l'an dernier. Ce devait être la phase 1 ou la phase 2. Nous en sommes maintenant à la phase 3. Si vous examinez notre Rapport sur les plans et les priorités, vous verrez qu'il y a eu quelques changements.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous toujours un Secrétariat ministériel?

M. Saunders : Oui.

Le sénateur Ringuette : Que fait-t-il?

Mme Proulx : Le Secrétariat ministériel exerce un certain nombre de fonctions. Malgré notre indépendance, qui est fréquemment et régulièrement mentionnée dans nos documents, nous assurons toujours une liaison régulière avec le bureau du procureur général, à plusieurs niveaux. L'un d'entre eux concerne les notes d'information au titre de l'article 13, que M. Saunders décrivait tout à l'heure. Un autre concerne les questions pouvant surgir par le truchement du Cabinet ou du Parlement. Un troisième concerne l'obtention de la signature du ministre sur les documents destinés au Cabinet, comme les mémoires, les soumissions du Conseil du Trésor, et cetera.

Le Secrétariat ministériel assure la coordination de ces divers éléments. Il centralise les documents qui sont destinés au bureau du procureur général. Il y a aussi d'autres documents, comme la correspondance. Si le procureur général reçoit une lettre concernant l'une de nos causes, par exemple, et qu'il estime que le DPP devrait y répondre, elle sera transmise au DPP pour qu'il prépare une réponse et le rôle du Secrétariat ministériel sera de recevoir la lettre, de coordonner la préparation d'une réponse et de veiller à ce qu'elle soit envoyée.

Le secrétariat intervient également dans les questions d'accès à l'information. Comme vous le savez, nous sommes assujettis à la Loi sur l'accès à l'information, comme tous les autres services gouvernementaux. Il y a donc au sein du Secrétariat ministériel une Direction de l'accès à l'information qui reçoit et traite toutes les demandes d'accès à l'information.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous mentionné les notes d'information destinées au ministre?

Mme Proulx : Oui. En vertu de l'article 13 de la Loi sur le DPP, le directeur est tenu d'informer le procureur général sur les questions importantes d'intérêt général. Normalement, cela se fait au moyen d'une note adressée au procureur général pour exposer les faits et expliquer pourquoi l'affaire est importante. C'est également le secrétariat qui se charge d'envoyer ces notes.

Le sénateur Ringuette : J'aimerais maintenant parler de votre personnel, autre question qui m'intéresse. Combien y a-t-il de postes au SPPC, dans la phase actuelle?

M. Saunders : On a dit tout à l'heure qu'il y en a 900, mais je crois que c'est trop. Nous avons certaines personnes qui travaillent chez nous deux mois seulement, pas toute l'année, ce qui gonfle les chiffres.

Je crois que nous avons environ 750 employés dont 450 sont des procureurs à temps plein. Ils sont dispersés dans tout le pays. Notre plus grand bureau est celui de Toronto, où nous avons environ 90 postes de procureur. Nous avons un bureau secondaire à Brampton et un autre à London.

Le sénateur Ringuette : S'agit-il de postes de soutien?

M. Saunders : Nous avons environ 60 parajuridiques qui aident les avocats. Il faut ajouter à cela les assistants ou le personnel de soutien.

Dans le Nord, nous avons des coordonnateurs des témoins de la Couronne qui aident les personnes appelées à témoigner devant les tribunaux du Nord. Nous avons aussi un grand nombre de personnes dans notre service des questions asiatiques.

Le sénateur Ringuette : Je suppose, comme ce nouveau bureau en est à la phase 1, qu'il y a des gens du ministère de la Justice qui se sont joints à vous.

M. Saunders : Oui.

Le sénateur Ringuette : Combien?

M. Saunders : En fait, selon les dispositions de transition figurant dans notre loi, quasiment tous les employés de l'ancien Service fédéral des poursuites du ministère de la Justice ont été automatiquement transférés au Service des poursuites pénales du Canada le 12 décembre.

En ce qui concerne les exceptions notables, le Service fédéral des poursuites englobait le Groupe d'entraide internationale et les avocats s'occupant des extraditions. Ces gens sont restés au ministère de la Justice. On a considéré que ce rôle relevait du ministère plutôt que du procureur général.

Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne la dotation en personnel, combien d'employés supplémentaires avez-vous dû engager dans votre Service pour la phase actuelle?

M. Saunders : La dotation en personnel de l'administration centrale n'est pas encore terminée. Nous constatons que l'administration centrale a beaucoup de rapports à produire. Par exemple, dans le seul domaine des ressources humaines, nous avons une trentaine de rapports à préparer pour les agences centrales, et il faut bien que quelqu'un s'en charge. Il faut aussi des gens pour préparer un rapport annuel.

M. Fortin me corrigera si je me trompe mais, jusqu'à présent, nous avons recruté 25 à 30 personnes à l'administration centrale pour nous acquitter de nos responsabilités maintenant que nous sommes un organisme séparé et indépendant.

Le sénateur Ringuette : Sur ces 25 à 30 nouveaux postes, combien ont été annoncés publiquement par la Commission de la fonction publique?

M. Saunders : Certains l'ont été alors que d'autres ont été dotés par des personnes provenant d'autres ministères. Dans certains cas, le redéploiement est la meilleure méthode pour répondre à un besoin immédiat. Nous découvrons malheureusement que la dotation d'un poste prend encore de cinq à six mois. Certains de nos employés sont venus chez nous dans le cadre d'un redéploiement.

Le sénateur Ringuette : À titre temporaire?

M. Saunders : Non. Par exemple, si quelqu'un du ministère de la Justice...

Le sénateur Ringuette : Comme excédentaires?

M. Saunders : Non, pas excédentaires. Quelqu'un peut vouloir aller travailler dans un autre ministère ou dans un organisme comme le nôtre.

Le sénateur Ringuette : Comment peut-il savoir qu'un poste est disponible?

M. Saunders : Dans certains cas, on le savait parce que tout le monde, au ministère de la Justice, savait que le service venait d'être créé. Certaines personnes souhaitant relever un nouveau défi ont pu s'adresser directement à nous en sachant que nous cherchions des employés dans divers domaines.

Le sénateur Ringuette : Les personnes arrivées chez vous dans le cadre d'un redéploiement provenaient-elles du ministère de la Justice?

M. Saunders : Oui, beaucoup provenaient du ministère de la Justice.

Le sénateur Ringuette : Les procureurs, par exemple?

M. Saunders : Le 12 décembre, le ministère de la Justice a perdu 750 employés et certains membres de son personnel se sont peut-être dit : « Je devrais peut-être y aller aussi parce que je travaillais pour le Service fédéral des poursuites et je vais continuer à travailler avec ces gens-là. »

Nous avons récemment lancé une campagne publicitaire nationale pour recruter de nouveaux avocats. Nous avons passé des annonces dans plusieurs journaux nationaux. Nous essayons le plus possible de recruter dans le public.

Le président : De nouveaux avocats à contrat?

M. Saunders : Non, permanents.

Le président : Recevez-vous encore du procureur général une liste des avocats des différentes provinces admissibles à être vos procureurs sur une base contractuelle?

M. Saunders : Non. En vertu de notre loi, c'est nous qui recrutons les avocats du secteur privé engagés comme agents pour être des procureurs fédéraux. Nous avons mis en place un processus d'annonces à cet effet. Au fond, il s'agit d'un concours tout comme lorsque nous engageons des avocats permanents. Nos critères de recrutement sont la compétence et l'intégrité. Le bureau du procureur général n'intervient absolument pas dans ce processus.

Le président : Si le ministère de la Justice engageait sur une base régulière un cabinet d'avocats pour lui rendre certains services d'ordre juridique, considéreriez-vous qu'il y aurait un conflit d'intérêts si vous engagiez un avocat du même cabinet comme procureur et que cela ne serait pas souhaitable du point de vue de votre indépendance?

M. Saunders : Je ne pense pas qu'il y aurait nécessairement un conflit. Nous devrions voir quel genre de services ce cabinet rend au ministère de la Justice mais notre pouvoir émane du procureur général, tout comme celui du ministère de la Justice. J'aurais du mal à considérer cela comme un conflit d'intérêts.

Quand nous engageons quelqu'un du secteur privé, nous vérifions s'il agit comme avocat de la défense dans le secteur pénal. Par exemple, si nous engageons quelqu'un pour mener des poursuites touchant les drogues, nous ne voulons pas que ce soit quelqu'un qui défend des personnes accusées de possession de drogues.

Le président : Je parlais de conflit ou d'apparence de conflit du point de vue de votre indépendance. Vous pensez qu'il est très important que le Service des poursuites pénales soit bien séparé du ministère de la Justice au niveau de l'administration centrale.

M. Saunders : C'est vrai.

Le président : L'apparence d'indépendance est-elle aussi importante sur le terrain?

M. Saunders : Je ne peux répondre directement à cette question, car je ne sais pas si certains des agents qui travaillent actuellement pour nous ont ou non un mandat du ministère de la Justice pour des questions de droit civil.

Le président : Vous ne le savez pas parce que vous n'avez pas vérifié?

M. Saunders : Non, je n'ai pas vérifié.

Le président : Ça n'a jamais été un problème?

M. Saunders : Non, ça n'a pas posé de problème. Typiquement, les agents que nous engageons sont des agents permanents. Ça ne veut pas dire qu'ils travaillent à temps plein pour nous mais que nous leur confions des dossiers. Le ministère de la Justice a tendance à engager des agents de manière ponctuelle, pour gérer un dossier en particulier. Généralement, nous ne nous adressons pas aux mêmes avocats.

Typiquement, les avocats que nous engageons sont des avocats du pénal alors que le ministère de la Justice engage des avocats du civil. Nous nous adressons donc un marché d'avocats différent. En outre, nos avocats travaillent dans les petites collectivités alors que ceux du ministère de la Justice travaillent typiquement dans les grandes villes et s'occupent de plus gros dossiers.

Le président : Vous avez dit au début qu'il est important pour vous que votre Service occupe à terme des locaux différents, à Ottawa, de ceux du ministère de la Justice.

M. Saunders : Oui.

Le président : Pour préserver l'apparence d'indépendance?

M. Saunders : Oui. En adoptant la loi, le législateur a tenu à ce que l'indépendance de notre organisme soit transparente. C'était l'une des recommandations du juge Kaufman ou du professeur Ghiz après l'examen de la poursuite en Nouvelle-Écosse. Je crois qu'il avait formulé 35 recommandations dans un rapport de 1993. L'une d'entre elles était qu'il était important que l'administration centrale soit clairement séparée. Son objectif était de faire disparaître l'impression, aux yeux de la population de la Nouvelle-Écosse, que le service des poursuites recevait des ordres d'un politicien.

Le sénateur Eggleton : Les poursuites touchant les crimes de guerre relèvent-elles de votre Service?

M. Saunders : Oui.

Le sénateur Eggleton : Pouvez-vous me dire comment ça se passe dans ce domaine, en général, pas dans des cas particuliers? Il y a le cas traditionnel des crimes de guerre nazis mais il y a aussi des cas plus contemporains concernant des crimes de guerre plus récents. Que se passe-t-il dans ces deux domaines? Avez-vous des avocats qui sont spécialement affectés à ces dossiers?

M. Saunders : Nous nous occupons d'une seule poursuite de cette nature, à Montréal. En ce qui concerne les cas de la Seconde Guerre mondiale, je pense que le gouvernement a décidé d'agir au moyen des lois sur l'immigration et de la dénaturalisation plutôt que d'intenter des poursuites pénales.

Le sénateur Eggleton : Et vous ne vous occupez pas de ces affaires-là?

M. Saunders : Non, ces affaires-là sont des affaires de droit civil. Nous ne nous occuperons des poursuites que s'il s'agit de la législation sur les crimes de guerre et sur les crimes contre l'humanité.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous du personnel qui se penche sur ces questions et qui s'occupe spécialement de ce genre de choses?

M. Dolhai : Ces affaires-là ne sont pas très fréquentes. Par exemple, en ce qui concerne notre poursuite actuelle, nous avons une équipe de procureurs qui s'en charge. Durant toute cette poursuite, ils deviendront de plus en plus experts dans ce domaine et nous pourrons donc faire appel à eux à l'avenir s'il y a une autre poursuite.

La charge de travail n'est pas suffisante, à l'heure actuelle, pour qu'on dise à ces procureurs : « Vous ne vous occuperez pas d'autre chose. » Nous avons tellement d'autres dossiers importants et complexes que nous avons besoin de ces gens-là pour s'en occuper.

Le sénateur Di Nino : Votre réponse me fait penser que nous n'avons pas de gens qui sont spécialisés dans ce domaine où les poursuites ne sont pas très fréquentes. Y a-t-il des gens à qui vous pouvez faire appel dans le cas de poursuites pour crimes de guerre, pour crimes contre l'humanité, et cetera? Y a-t-il des experts à ce sujet au Canada?

M. Dolhai : Absolument. Il y a au ministère de la Justice un service qui appuie les enquêtes pertinentes, si l'on a besoin d'experts concernant certains aspects particuliers d'une cause.

Quant à nous, nous nous concentrons sur les poursuites. Nous avons besoin d'experts capables d'analyser un type de preuves différent, par exemple, et de mener une poursuite complexe. À bien des égards, les compétences requises pour ce genre de poursuites sont similaires à celles qu'on peut acquérir dans le cadre d'une affaire de terrorisme ou d'une affaire complexe de crime organisé. C'est une question d'aptitude à maîtriser des dossiers très complexes.

[Français]

Le sénateur Chaput : J'ai une question supplémentaire sur le processus d'embauche de vos employés. Quelle est votre politique à l'égard de la nécessité des employés de maîtriser les deux langues officielles? Avez-vous établi que certains postes nécessitent d'être bilingue alors que pour d'autres, il n'est pas nécessaire de l'être? Comment procédez-vous?

M. Sanders : Dans les régions comme Montréal, la plupart de nos avocats sont bilingues. En ce qui a trait aux autres régions, s'il y a un besoin d'avoir recours à un avocat bilingue, nous les cherchons, c'est certain. Nous sommes en train de chercher des gestionnaires pour les bureaux de Halifax et de Winnipeg et nous demandons que les candidats soient capables de parler en français, au moins le niveau CBC. Vous êtes au courant des niveaux utilisés par la fonction publique.

Le sénateur Chaput : Vous ciblez les régions, les endroits?

M. Saunders : Oui. On a des directeurs bilingues dans les territoires, je ne sais pas exactement lesquels, mais il semble que les territoires attirent les gens du Québec, beaucoup vivent là-bas. Nous avons donc décidé que nos directeurs devraient parler français aussi.

Le sénateur Chaput : Quel pourcentage des fonctionnaires sont bilingues?

M. Saunders : Il me semble que la plupart des gens au siège social à Ottawa sont bilingues, mais dans les régions, je n'ai pas les chiffres avec moi.

Le sénateur Chaput : Pourriez-vous nous les faire parvenir?

Le président : Vous pouvez les envoyer à notre greffier.

[Traduction]

On vous a posé tout à l'heure une question qui m'est restée à l'esprit. Je ne comprends pas encore très bien la réponse. Cela fait 16 ou 17 mois que vous occupez un poste par intérim, tout comme M. Dolhai et Mme Proulx. Si je me souviens bien de la procédure, le procureur général avait dix noms et le comité de parlementaires en a retenu trois. Cette étape-là est terminée. Les trois noms ont été renvoyés au procureur général et, des trois, c'est le vôtre qu'il a choisi. Félicitations.

M. Saunders : Merci.

Le président : Il y a combien de temps que vous avez été choisi parmi les trois?

M. Saunders : Je crois que c'était à la mi-février.

Le président : De cette année?

M. Saunders : Oui.

Le président : Nous avons attendu depuis la mi-février. Quand lui avaient été communiqués les trois noms parmi lesquels choisir?

M. Saunders : Je ne sais pas.

Le président : Je ne comprends pas pourquoi ce processus qui semble si simple a pris tant de temps puisque c'est lui qui avait donné les noms au départ. La liste de dix noms avait été dressée par le procureur général.

M. Saunders : Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question.

Le président : Vous le savez puisque c'est dans la loi, à moins que vous ne l'ayez pas lue.

M. Saunders : J'ai lu la loi.

Le président : Vous savez que le procureur général prépare une liste de dix noms.

M. Saunders : Vous me demandez pendant combien de temps le procureur général a eu les noms. Je ne le sais pas.

Le président : J'ai dit que le processus est lancé quand le procureur général dresse la liste de dix noms. Vous ne contestez pas cela.

M. Saunders : Pas du tout.

Le président : Ce sont ses noms.

M. Saunders : Oui.

Le président : Depuis février, votre nom a été choisi. J'oublie ce qui doit se passer ensuite.

M. Saunders : Après ma nomination, il y a une résolution à la Chambre renvoyant ma nomination devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. J'ai comparu devant ce comité il y a trois semaines, à peu près, pour une audience de confirmation. Malheureusement, d'autres questions ont surgi et le comité n'a pas pu m'entendre.

Le président : Eh bien, quelle surprise! Merci de cette explication.

M. Dolhai et Mme Proulx doivent-ils rester en intérim jusqu'à ce que votre nomination soit confirmée?

M. Saunders : Ils peuvent arrêter quand ils veulent. J'espère qu'ils ne le feront pas, car leur contribution n'a pas de prix.

Le président : Leurs nominations par intérim sont-elles reliées à votre nomination par intérim?

M. Saunders : Non. En vertu de notre loi, une fois que le DPP permanent est choisi, il s'assied avec le ministre de la Justice et avec quelqu'un de la Fédération des professions juridiques du Canada pour choisir un sous-directeur des poursuites pénales. Cette personne doit ensuite être approuvée ou nommée par le gouverneur en conseil. C'est aussi une nomination par décret du conseil.

Le président : Qu'avons-nous créé là?

[Français]

Le président : Je vous remercie tous d'avoir assisté à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales et je vous souhaite bonne chance.

La séance est levée.


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