Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 10 - Témoignages du 16 avril 2008
OTTAWA, le mercredi 16 avril 2008
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 18 h 20 pour étudier le budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2009. Sujet : La mise en œuvre de la Loi fédérale sur la responsabilité.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m'appelle Joseph Day, je représente la province du Nouveau-Brunswick au Sénat, et je suis président du comité.
[Traduction]
Le comité a pour mandat de se pencher sur les opérations et les dépenses gouvernementales, et notamment d'examiner les activités des hauts fonctionnaires du Parlement et de divers particuliers ou groupes qui aident les parlementaires à demander des comptes au gouvernement. Nous tenons le gouvernement responsable en examinant les budgets des dépenses et les fonds mis à la disposition des mandataires du gouvernement pour exercer leurs fonctions, de même qu'en étudiant les lois d'exécution des budgets et autres affaires confiées au comité par le Sénat.
Ce soir, nous poursuivons notre examen du Budget des dépenses. Cette séance se veut la dernière dans le cadre de notre examen des postes créés ou modifiés en application de la Loi fédérale sur la responsabilité. Jusqu'à présent, le comité a tenu six séances et convoqué une série de témoins sur ce dossier particulier.
Le 25 mars 2008, Kevin Page a été nommé directeur parlementaire du budget pour un mandat de cinq ans. Fonctionnaire de carrière, M. Page a acquis son expérience de la prévision et de la politique financières et budgétaires au ministère des Finances, au Conseil du Trésor et au Bureau du Conseil privé. Il a également œuvré au ministère des Pêches et des Océans et au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Il était dans le cadre de son affectation la plus récente secrétaire adjoint au Secrétariat de liaison de politique macroéconomique au Bureau du Conseil privé.
Monsieur Page, je tiens à vous féliciter pour votre nomination. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance. Au cours de la soirée, nous aurons l'occasion de nous présenter et vous pourrez nous donner un aperçu de vos responsabilités et de votre vision de ce nouveau poste qui, à notre avis, est très important pour les travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
J'aimerais également remercier William Young, bibliothécaire parlementaire, d'être de nouveau parmi nous ce soir. À la demande du comité, M. Young a comparu le 12 février 2008 pour nous parler du processus ayant donné lieu à la nomination de M. Page.
Si vous avez d'autres remarques à faire concernant le processus de nomination ou la création de ce bureau, n'hésitez pas à le faire.
William R. Young, bibliothécaire parlementaire, Bibliothèque du Parlement : Merci. Comme ce n'est pas moi qui retiens votre attention aujourd'hui, je serai bref. Je vous sais gré de m'avoir offert cette occasion de me présenter devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, en compagnie du nouveau directeur parlementaire du budget.
[Français]
À notre dernière rencontre, j'ai fait le point avec vous sur les efforts déployés par la Bibliothèque du Parlement pour établir la fonction de directeur parlementaire du budget. Aujourd'hui, je suis heureux de vous présenter le premier directeur parlementaire du budget, M. Kevin Page.
[Traduction]
Comme vous le savez, le Parlement a donné un cadre législatif à ces nouvelles fonctions et il a créé le poste au sein de la Bibliothèque du Parlement. Le titulaire du poste respectera donc le mandat établi de la Bibliothèque consistant à fournir aux parlementaires de l'information et des connaissances qui fassent autorité et qui soient dignes de foi, impartiales et indépendantes.
Pour moi et, à mon avis, pour vous aussi en tant que parlementaires, il importe que le directeur parlementaire du budget ajoute de la valeur à votre travail. Pour cette raison, je sais que nous pourrons bénéficier énormément de vos idées et de vos observations au moment où nous commencerons à instaurer de nouveaux services par l'intermédiaire du directeur parlementaire du budget. En fait, j'aimerais suggérer d'explorer la possibilité d'une démarche consultative comme élément essentiel du travail que fera la Bibliothèque pour façonner ces nouvelles fonctions de manière à assurer un service efficace aux parlementaires. Un dialogue informel suivi avec des membres de votre comité nous aidera à régler les questions qui se poseront sans doute à mesure que la prestation de nos nouveaux services précisera l'interprétation de dispositions législatives et les ancrera dans le quotidien.
Quels sont les besoins spécifiques des parlementaires? Comment établit-on l'ordre de priorité des demandes concurrentes? Qui donc seraient mieux placés pour répondre à ces questions que les clients qui reçoivent nos services, c'est-à-dire les parlementaires eux-mêmes? J'ose espérer que vous en conviendrez.
[Français]
Kevin Page, l'homme qui a accepté de relever le défi d'être le premier directeur parlementaire du budget du Canada, s'est joint à nous juste après Pâques. Des exemplaires de son curriculum vitæ sont disponibles pour ceux d'entre vous qui n'en auriez pas encore pris connaissance.
[Traduction]
M. Page est l'une des rares personnes à avoir travaillé aux portefeuilles des prévisions et des politiques financières et des dépenses au sein des trois principaux organismes économiques. Cette vaste perspective sera un atout considérable pour les parlementaires.
Vous constaterez que M. Page est une personne qui aime les gens et qui a un bon sens de l'humour. Sa réputation n'est plus à faire. Son téléphone n'arrête pas de sonner, et à l'autre bout du fil attendent plusieurs professionnels talentueux et désireux de travailler avec lui. C'est là une bonne nouvelle pour le Parlement.
C'est aussi une occasion incroyable pour nous d'accroître la capacité de recherche de la Bibliothèque et la valeur des services que nous fournissons déjà aux parlementaires.
[Français]
Je vous remercie encore une fois de nous avoir invités ce soir.
[Traduction]
Kevin Page, directeur parlementaire du budget, Bibliothèque du Parlement : Je suis heureux d'avoir le privilège de m'adresser à vous aujourd'hui. Je profite de l'occasion pour remercier M. Young pour tous les efforts qu'il a mis dans la création de ce poste, qui permettra à la Bibliothèque du Parlement de mieux servir le Parlement. Je remercie également M. Allan Darling, haut fonctionnaire maintenant à la retraite, qui n'est pas ici aujourd'hui, mais qui a travaillé avec diligence en collaboration avec le bibliothécaire parlementaire pour que ce poste devienne réalité.
Dans mes observations préliminaires, j'aimerais vous parler un peu de moi et vous expliquer de quelle façon je conçois mon travail comme directeur parlementaire du budget. J'ai quatre messages clés à vous livrer.
Tout d'abord, c'est un honneur et un privilège que de servir le Parlement. Ensuite, cette occasion est importante et se présente au bon moment pour élaborer le rôle du directeur parlementaire du budget. Enfin, l'acte de construire se veut un long processus. Et finalement, nous franchissons aujourd'hui une étape importante qui marque le début du processus de consultation.
[Français]
J'ai l'honneur d'être le premier à occuper le poste de directeur parlementaire du budget au Canada. Il s'agit d'un poste de fonctionnaire indépendant au sein de la Bibliothèque du Parlement, une institution qui possède une longue histoire, et qui jouit d'un grand prestige au Canada.
La Bibliothèque du Parlement a pour mission de fournir des analyses objectives et non partisanes et de formuler des avis au Parlement. Mme Sharon Sutherland, professeure bien connue, qui enseigne à l'Université d'Ottawa, a récemment déclaré que le niveau de service offert à la Bibliothèque lui a mérité la plus haute réputation qui soit.
[Traduction]
Je suis très heureux de pouvoir contribuer à l'accroissement de la capacité de la Bibliothèque du Parlement.
Il est important que les membres du Comité des finances nationales soient à l'aise avec moi et m'acceptent comme directeur parlementaire du budget. Pour qu'ils aient confiance en moi et pour que je sois un fonctionnaire efficace au service du Parlement, je me dois de fournir des avis professionnels, impartiaux et éclairés.
[Français]
Je suis né à Thunder Bay, en 1957. Ce sont mes grands-parents, des immigrants venus de la Pologne et de l'Ukraine, qui m'ont transmis, quand j'étais jeune, l'amour que j'ai pour mon pays. Mes parents ont voulu instaurer certaines valeurs à leur enfant : le respect des autres et la compassion, le dur labeur et la prudence en matière de finances. Je partage les valeurs de mes parents. Je suis heureux en ménage avec la femme que j'ai épousée, il y a 26 ans, et nous avons trois enfants. J'aime beaucoup Ottawa et je suis un ardent partisan des Sénateurs, mais je suis fier également d'être originaire de Thunder Bay.
[Traduction]
Comme l'a souligné le bibliothécaire parlementaire, j'ai passé plus de 25 ans au sein de la fonction publique fédérale. J'ai travaillé pendant une bonne partie de ces années pour des organismes centraux au sein desquels j'ai eu l'occasion de participer à la production d'analyses portant sur des questions économiques et financières et sur la gestion des dépenses. C'est la première fois cependant que j'ai la possibilité d'agir comme fonctionnaire indépendant au sein de la Bibliothèque du Parlement. J'ai encore beaucoup de choses à apprendre sur le fonctionnement du Parlement, mais j'ai hâte de travailler avec vous et pour vous, et j'intègre mes nouvelles fonctions avec détermination et enthousiasme.
[Français]
Je crois que le moment est opportun et bien choisi pour créer le poste de directeur parlementaire du budget. L'importance de la fonction découle du pouvoir de dépenser du Parlement, une caractéristique fondamentale de la démocratie.
[Traduction]
Si on a décidé de créer le poste de directeur parlementaire du budget, c'était pour dissiper les nombreuses préoccupations exprimées par les parlementaires au cours des 10 dernières années. Premièrement, on craignait que l'ampleur des erreurs sur le plan des prévisions budgétaires nuise aux débats publics et parlementaires sur les choix possibles touchant la politique budgétaire et entache la crédibilité du ministère des Finances. Deuxièmement, on estimait qu'il fallait en faire davantage pour accroître la responsabilisation et permettre au Parlement d'examiner plus en profondeur les dépenses gouvernementales et les plans de dépenses. Troisièmement, on était d'avis qu'il fallait évaluer le coût des projets de loi d'initiative parlementaire plus tôt dans le processus législatif afin de mieux en tenir compte dans les prévisions budgétaires.
Le mandat du directeur parlementaire du budget est énoncé dans la Loi fédérale sur la responsabilité et fait maintenant partie de la Loi sur le Parlement du Canada. Il comprend trois volets. Le titulaire est chargé de fournir au Sénat et à la Chambre des communes des analyses objectives sur la situation financière du pays, les prévisions budgétaires du gouvernement, les tendances de l'économie nationale et les budgets des dépenses du gouvernement. Il doit aussi effectuer des recherches d'ordre économique et financier, à la demande d'un comité du Sénat ou de la Chambre des communes — soit du Comité sénatorial permanent des finances nationales, du Comité permanent des finances et du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes. Enfin, il est responsable de l'évaluation des coûts des propositions présentées par un membre de l'une ou l'autre Chambre, autre qu'un ministre fédéral, ou par un comité.
[Français]
Le mandat du directeur parlementaire du budget inclut une disposition importante qui lui donne le droit de prendre connaissance à toute heure convenable de toutes les données financières ou économiques qui sont en possession du ministère et qui sont nécessaires à l'exercice de son mandat. Cette disposition va permettre d'accroître le budget consenti au directeur parlementaire du budget ainsi que la capacité d'analyse de son équipe.
[Traduction]
Je crois que la création du poste de directeur parlementaire du budget se fait à un moment opportun. La situation économique et financière du Canada est relativement bonne, selon de nombreux indicateurs macroéconomiques — croissance économique durable et continue, inflation faible, taux d'intérêt bas, taux de chômage faibles, équilibre budgétaire prévu, et un rapport dette-PIB grandement amélioré. On peut faire valoir qu'il est préférable de créer ce poste lorsque l'économie est relativement forte plutôt que faible.
Nous avons au Parlement un gouvernement minoritaire. Des experts en sciences politiques, comme le professeur Peter Russell, ont fait remarquer que cette situation favorise le débat sur les choix budgétaires ainsi que la négociation et les compromis dans les mesures législatives.
Dans l'avenir, nous pouvons prévoir la tenue de nombreux et importants débats. Des débats ont d'ailleurs déjà été entamés, notamment sur l'incidence qu'une économie américaine plus faible aurait sur l'économie canadienne et sur la situation financière du Canada, et également sur les pressions auxquelles fait face le secteur manufacturier, compte tenu de la force du dollar canadien et des coûts de production élevés.
[Français]
Il y aura aussi des débats importants à plus long terme sur l'augmentation du niveau de vie au Canada. Nous devons nous assurer que le revenu augmente en conséquence, que nous devons nous attaquer au problème démographique lié au vieillissement de la population, que nous devons mieux aligner les ressources financières sur les nouvelles priorités dans le cadre d'un équilibre budgétaire et sur le fait que nous devons nous assurer que la croissance économique se fait dans le respect d'un développement durable.
[Traduction]
Il faudra du temps pour développer les capacités nécessaires au soutien du mandat confié au directeur parlementaire du budget. Étant donné que le Budget 2008 a été déposé et que les comités permanents examinent actuellement le Budget des dépenses 2008-2009, pour le directeur parlementaire du budget, le prochain jalon clé dans un cycle budgétaire normal sera la mise à jour économique et financière pour 2008, l'automne prochain, suivie des consultations prébudgétaires pour 2009.
[Français]
Je prévois qu'il y aura un certain nombre de chevauchement dans le développement du processus de consultation. Premièrement, une étape de consultation des parlementaires par rapport aux priorités des besoins et aux résultats possibles ainsi que des consultations menées auprès des ministères et organismes sur la façon dont ils vont mettre en commun l'information. Deuxièmement, une étape de constitution d'une équipe au cours de laquelle seront recrutés des gens au sein de la Bibliothèque du Parlement pour travailler au service des parlementaires. Troisièmement, une étape de mise en œuvre au cours de laquelle des produits et services vont être fournis aux parlementaires.
Étant donné qu'il faut définir le rôle précis du directeur parlementaire du budget, certaines préoccupations ont été soulevées publiquement, notamment en ce qui a trait à l'impartialité des avis fournis et au budget qui sera consacré à cette fonction. Il faut aussi déterminer si le directeur parlementaire du budget fournira des prévisions indépendantes.
[Traduction]
À cet égard, je tiens à souligner que le directeur parlementaire du budget poursuivra la tradition de la Bibliothèque du Parlement et fournira des avis indépendants et impartiaux. J'utiliserai toutes les ressources mises à ma disposition de la manière la plus efficace qui soit, en mettant à profit notamment les ressources actuellement consenties à la Bibliothèque et aux ministères et organismes fédéraux grâce à la fourniture d'information, et en ayant recours à des intervenants de l'extérieur intéressés à se mettre au service des Canadiens. Je travaillerai en collaboration avec les prévisionnistes du ministère des Finances et du secteur privé pour m'assurer que les parlementaires comprennent et surveillent bien la conjoncture économique et financière, les risques y afférents et les incidences en matière de planification financière et de choix budgétaires.
En guise de conclusion, je tiens à vous remercier de m'avoir donné cette occasion extraordinaire d'entamer le dialogue sur la mise en place du rôle du directeur parlementaire du budget. Comme je l'ai indiqué précédemment, le pouvoir de dépenser que détient le Parlement est une caractéristique essentielle de la démocratie. Ce sera pour moi un honneur et un privilège que de vous appuyer dans les efforts que vous déployez pour faire en sorte que les mesures que le Parlement adopte en ce qui a trait aux recettes et aux dépenses soient saines sur le plan financier, répondent aux besoins des Canadiens en fonction des ressources disponibles et soient mises en œuvre d'une manière efficace et efficiente. Honorables sénateurs, je suis impatient d'entendre vos attentes par rapport à ce nouveau poste et vos points de vue sur la façon dont je pourrai soutenir vos activités.
Le président : Merci, monsieur Page. Nous vous remercions pour vos observations. Vous avez abordé de nombreux éléments qui revêtent un intérêt considérable pour nous.
Le sénateur Nancy Ruth : Monsieur Page, je tiens moi aussi à vous souhaiter la bienvenue et je me réjouis de travailler avec vous, à mesure que vous vous familiariserez avec votre mandat et renforcerez la capacité de votre bureau. C'est formidable. Nous vous attendons depuis longtemps.
Je m'intéresse particulièrement à votre cadre intellectuel. J'aimerais aujourd'hui que vous me disiez par où vous allez commencer et ce que vous envisagez pour l'avenir. Votre mandat consiste en partie à fournir des analyses objectives, indépendantes et impartiales sur la situation des finances du pays et les tendances de l'économie nationale. Comme vous le savez sans doute, l'analyse comparative entre les sexes est une question qui me tient particulièrement à cœur, tout comme à d'autres parlementaires.
Depuis que Marilyn Waring a publié, en 1988, son ouvrage précurseur intitulé If Women Counted : A New Feminine Economics, on critique de plus en plus l'affirmation selon laquelle la macroéconomie ne tient pas compte du sexe ni de la race. Des activités productives axées sur le marché sont privilégiées au détriment d'autres activités essentielles à notre qualité de vie. Je parle notamment des soins à domicile, de la garde d'enfants, des services aux aînés, de l'environnement, des rivières propres et de l'eau potable. D'après ce que je comprends, vous vous en remettez principalement aux organismes et ministères gouvernementaux pour obtenir des données, vraisemblablement microéconomiques. Pour beaucoup de groupes qui revendiquent l'égalité, « objectif », « indépendant » et « impartial » sont des notions qui signifient souvent « axées sur la norme dominante » ou qui correspondent à ce que pense la société en général, et cela exclut le travail des femmes.
Qu'est-ce que « objectif » signifie pour vous? Comment allez-vous tenir compte des critiques émergentes? De quelle façon aborderez-vous les données et les cadres macroéconomiques pour vous assurer que le Canada s'acquitte de ses obligations en matière d'égalité?
M. Page : Je vous remercie de votre accueil. Je vous en suis très reconnaissant. Toutefois, je ne peux pas m'excuser pour tout le temps que vous avez attendu, mais je suis certes content d'être ici aujourd'hui.
En ce qui a trait au cadre intellectuel dans lequel s'inscrira le bureau et à l'analyse comparative entre les sexes, sachez que des progrès ont été réalisés à cet égard au cours des dernières années. Nous pouvons vous remercier, sénateur, pour tout ce que vous avez fait pour attirer l'attention sur ce dossier particulier. Je sais que le sous-ministre des Finances a comparu devant le Comité permanent de la condition féminine pour discuter de cette question. Ces dernières années, en partie à cause de la pression exercée par votre bureau, on a accompli beaucoup de travail, particulièrement sur le plan des recettes, en examinant l'information pouvant être rassemblée dans l'optique d'une analyse comparative entre les sexes.
Même des représentants du ministère des Finances diraient qu'il reste encore beaucoup de travail à faire à ce chapitre. Nous sommes maintenant à un point où nous recueillons de l'information puis essayons de l'analyser, mais nous sommes encore loin d'une analyse sexospécifique et d'une perspective axée sur l'égalité des sexes.
À mesure que nous avançons et tentons d'établir les paramètres, nous devrons aller au-delà des recettes. Le ministère des Finances a commencé à examiner l'aspect des dépenses.
Sénateur, vous avez soulevé la question des données. Nous devons nous assurer de ne pas perdre les données recueillies au cours des dernières années. Je parle précisément des efforts qu'a déployés Statistique Canada. Cet organisme mène actuellement une étude, qui s'échelonnera sur cinq ans, sur les femmes au Canada. On compile un grand nombre de données à partir de divers sondages. Ce serait véritablement une honte si, pour quelques raisons que ce soit, le financement de ces efforts n'était pas maintenu. Si nous n'avons pas ces paramètres, il nous sera difficile d'effectuer le type d'analyse que vous envisagez, c'est-à-dire une analyse sexospécifique et axée sur l'équité entre les sexes.
Pour ce qui est du travail et de la vision du directeur parlementaire du budget, nous aurons une possibilité d'élargir la perspective. Ayant travaillé sur des budgets par le passé — et en sachant que dans certains cas, le Parlement mène des examens a posteriori —, plus nous intervenons tôt dans le processus, en nous fondant sur des recherches et en adoptant une approche axée sur l'équité des sexes, dans un contexte prébudgétaire, mieux nous arriverons à façonner les processus budgétaires.
Si nous parvenons à adopter cette approche, nous réaliserons des progrès. Le gouvernement et le ministère des Finances y prêteront davantage attention, par rapport aux analyses qui sont réalisées une fois que le budget a été déposé.
Nous pourrons nous pencher sur des questions relatives à l'égalité des sexes de même que sur les autres impacts sociaux et économiques des mesures relatives. Nous serons appelés à évaluer les coûts, et tant qu'à y être, nous devrions examiner la question dans une perspective plus large. Je suis impatient de travailler avec vous, sénateur, et j'en ferai une priorité. Je vais m'assurer d'être entouré d'une équipe formée et en mesure de mener ce type d'analyse.
Le sénateur Nancy Ruth : De quelle façon?
M. Page : On offre de la formation. Nous verrons à ce que nos analystes aient suivi ce type de formation. Nous disposons de beaucoup de documentation, en partie grâce à vous, sénateur.
Le sénateur Nancy Ruth : Ce n'est pas grâce à moi, mais bien grâce aux dizaines de femmes, de tous les partis, qui m'ont précédée.
Je vais vous donner quelques exemples. Je suis conservatrice, et je suis en faveur du fractionnement du revenu. Toutefois, cela n'est d'aucune aide pour les femmes pauvres, et selon ce qu'a dit le sous-ministre des Finances ce matin devant le Comité de la Chambre des communes, 40,4 p. 100 des femmes ne paient pas d'impôt et, par conséquent, ne tirent aucun avantage de ces programmes d'allégements fiscaux. Elles peuvent bien être endettées.
Des programmes comme les REEE n'ont aucun impact sur elles, sinon un impact négatif. Le modèle économique avec lequel vous avez probablement l'habitude de travailler, autant au ministère des Finances qu'au Bureau du Conseil privé, n'est peut-être pas suffisamment global pour permettre au Canada de respecter les engagements qu'il a pris à l'égard de l'égalité entre les sexes en vertu de la Charte, de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) ou dans le cadre mis en place en 1995.
Honnêtement, la formation en matière d'analyse comparative entre les sexes qui s'offre au sein des ministères ne m'intéresse guère. Elle n'est pas assez rigoureuse et n'a pas fait l'objet d'une évaluation. De plus, on n'a pas mesuré les résultats obtenus. J'inciterais donc tous les économistes à adhérer à l'International Association of Feminist Economics (IAFFE) afin qu'ils puissent au moins avoir accès à un site Web qui les aidera à mieux comprendre les défis que doivent relever les femmes de partout dans le monde. Pour un pays développé, le Canada traîne loin derrière.
Je vais continuer à me battre et constamment remettre cette question sur le tapis. Je veux vous voir entouré d'une équipe compétente. Chose certaine, il y a des gens qualifiés au Canada, et je serais ravie de vous proposer des noms, si vous le voulez bien. Le bibliothécaire en chef a indiqué qu'il y avait toutes sortes de gens qui postulaient à ces emplois. J'espère que vous vous fondez sur ce critère et l'appliquer.
La Bibliothèque du Parlement dit qu'elle fournit des analyses impartiales. Je ne suis pas d'accord puisqu'elle ne tient nullement compte de la pauvreté chez les femmes. Ces mots n'ont donc aucune signification pour moi, et je doute qu'ils en ont pour le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Embauchez des gens qui s'y connaissent.
J'ai lu votre document, mais j'aimerais vous l'entendre dire. De qui relevez-vous officiellement? À qui êtes-vous rattaché? Et en ce qui concerne votre collaboration avec le comité, faites-vous affaire avec le président ou avec le comité?
M. Page : Je suis placé sous l'autorité de la Bibliothèque du Parlement et des Présidents de la Chambre et du Sénat. Plusieurs comités sont énoncés dans le mandat prévu dans la Loi fédérale sur la responsabilité, notamment le Comité sénatorial permanent des finances nationales, le Comité permanent des finances et le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes. Je suis également lié à ces comités étant donné qu'ils font appel à mes services de recherche. Je suis aussi chargé d'évaluer le coût des propositions, à la demande des députés et des sénateurs. Dans une certaine mesure, je suis rattaché à peu près tout le monde ici sur la Colline, et j'espère nouer de solides relations afin d'être mieux en mesure d'établir l'ordre de priorité et de concevoir des produits adaptés à vos besoins.
Le sénateur Nancy Ruth : J'aimerais vous entendre dire que vous relevez du comité et non pas du président. Nous avons d'autre chats à fouetter ici; cela ne tient pas à vous ni à la façon dont vous vous acquittez de votre tâche. J'aimerais simplement vous l'entendre dire.
M. Page : Je relève du comité.
Le sénateur Nancy Ruth : Merci.
Le président : Il n'a toutefois pas dit qu'il ne relevait pas de la présidence.
Le sénateur Nancy Ruth : Le président ne devrait pas supposer qu'il est le comité.
Le président : Il ne ferait jamais cela.
M. Page : J'espère pouvoir renforcer la relation du côté de la fonction publique et appuyer l'analyse de l'information. Nous pourrions ainsi mieux tirer profit de nos ressources. De façon non officielle, je relève également de certains de mes anciens collègues fonctionnaires que j'ai quittés.
Le sénateur Nancy Ruth : Je dois dire que je suis en colère depuis que j'ai entendu le sous-ministre des Finances ce matin.
Faites mieux, je vous prie. Merci.
Le sénateur Mitchell : Félicitations, monsieur Page, pour votre nomination. Nous en sommes très heureux.
Je suis d'accord avec le sénateur Nancy Ruth et j'abonde dans le même sens qu'elle. Je le dis en toute humilité, étant donné que je suis un homme et que je n'ai pas vécu la situation à laquelle elle et d'autres femmes sont confrontées. En revanche, c'est une question qui concerne de nombreuses générations. Nous sommes bien placés pour changer le cours des choses, et sans vouloir sous-estimer l'ampleur de la tâche, il est relativement facile pour nous d'avoir un impact, simplement en ayant des gens, comme le sénateur Nancy Ruth, qui attire l'attention sur cet enjeu. J'appuie ses propos, et je suis très impressionné par toute la passion qui l'anime dans ce dossier.
À quel niveau vous situez-vous? Êtes-vous l'équivalent d'un sous-ministre adjoint?
M. Page : Oui, c'est exact.
Le sénateur Mitchell : Je ne pensais pas que les projets de loi émanant des députés pouvaient occasionner des coûts, et pourtant, dans votre déclaration liminaire, vous avez indiqué que votre mandat consistait en partie à évaluer le coût de ces mesures législatives. Je croyais que les projets de loi émanant des députés qui entraînaient des dépenses n'étaient tout simplement pas admissibles.
Est-ce que je me trompe?
M. Page : Dans le cas d'un projet de loi émanant d'un député qui a été largement médiatisé et qui a fait l'objet d'une décision du Président, si une mesure reflète une réduction de nos recettes, il y a forcément des coûts rattachés à cela. La même chose pour ce qui est des dépenses, si une mesure entraîne une diminution de nos dépenses, cela impliquera des coûts.
Le sénateur Mitchell : Les deux sont donc admissibles?
M. Page : Oui, tout à fait.
Le sénateur Mitchell : Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais je crois que vous avez indiqué qu'on a créé le poste de directeur parlementaire du budget car on se disait préoccupé par l'incapacité du ministère des Finances à fournir des prévisions budgétaires exactes. En ce qui a trait aux principales variables, telles que le prix du pétrole et les taux d'inflation et d'intérêt, pourriez-vous me donner un aperçu de la façon dont vous vous y prendriez pour faire des estimations plus justes?
M. Page : Quand j'ai parlé de l'ampleur des erreurs dans les prévisions budgétaires, sachez que quelques études ont été menées — dont une au début des années 1990 — sur les erreurs de prévisions commises par le ministère des Finances dans les années 1980. À l'époque, j'étais un de ces prévisionnistes au sein de ce ministère. On a réalisé une autre étude, mandatée par le ministère des Finances durant l'exercice 2002-2003, dans laquelle on s'est penché sur les erreurs de prévisions des 10 dernières années.
L'étude a été menée par un ancien économiste en chef du secteur privé, Tim O'Neill. L'étude portait sur les facteurs à l'origine des erreurs de prévisions au chapitre des dépenses et des recettes et comparait les prévisions du secteur public avec celles du secteur privé. D'après cette étude, en considérant ces prévisions dans une perspective plus large et en les comparant avec celles du secteur privé, je me suis rendu compte qu'elles n'étaient pas aussi catastrophiques qu'elles en avaient l'air. Compte tenu du montant des recettes et des dépenses dont il est question et du climat d'instabilité qui régnait, la marge d'erreur était de l'ordre de 3 à 5 p. 100 durant les périodes les plus instables.
Par ailleurs, nous avons également relevé des erreurs de prévisions au cours des quelques dernières années. La plupart d'entre elles concernaient l'aspect des recettes. Beaucoup de prévisionnistes — non seulement au ministère des Finances, mais aussi du secteur privé — ont beaucoup de mal à comprendre comment les recettes varient selon la perception des impôts. Étant donné que nous avons perçu plus d'impôts, nous avons généré beaucoup plus de recettes, et cela a donné lieu à des surplus beaucoup plus élevés que ce qui avait été prévu.
Quant à ce que je pourrais faire de plus dans mon rôle, je dois revenir un peu en arrière. Plusieurs changements ont été apportés à la façon dont le ministère des Finances travaille en collaboration avec le secteur privé au chapitre des prévisions. Il évalue désormais les prévisions du secteur privé — une vingtaine — et établit une moyenne. Le ministère ne fait plus sa propre prévision économique, ce que je faisais auparavant, avec très peu de succès. Il fonde ses prévisions financières sur quatre autres prévisions du secteur privé; il se compare avec la fourchette de prévisions.
Dans les médias ou lors de séances antérieures, on se demandait s'il ne serait pas préférable d'effectuer des prévisions indépendantes. Devrais-je faire ma propre prévision concernant le prix du pétrole et les taux d'inflation et d'intérêt?
Diverses options s'offrent à nous. Les prévisions indépendantes en sont une. Toutefois, il y a une autre option. Compte tenu de tout le travail qui est fait relativement à la collecte d'information — y compris toutes les prévisions du secteur privé —, nous pourrions nous pencher sur ces variations et les risques y afférents. Qu'est-ce que cela signifie du point de vue financier? Si nous nous appuyons sur les chiffres les plus bas ou les plus élevés, allons-nous nous retrouver en position de déficit ou de surplus? Quelles sont les incidences en matière de planification financière et de choix budgétaires dans le cadre des discussions prébudgétaires? Si nous menons cette analyse efficacement, cela pourrait être une valeur ajoutée.
C'est ce que je privilégierais comme option, du moins à court terme. Si les sénateurs et les autres députés préfèrent avoir des prévisions indépendantes, nous pourrions certainement envisager cette possibilité. À l'heure actuelle, notre budget prévoit que nous fassions notre propre analyse du risque en fonction de ces prévisions, en nous intéressant aux incidences en matière de choix budgétaires.
Le sénateur Mitchell : Je vous déconseille de réinventer la roue. Vous serez submergé par la charge de travail — une petite équipe qui essaie de refaire tout le travail du ministère des Finances. Vous devez faire preuve d'efficience dans le cadre de vos fonctions, à moins que les membres de comités soulèvent une préoccupation relativement à ces prévisions.
Je suis sensible à cette question car je viens de l'Alberta — et j'en suis d'ailleurs très fier. Durant les années 1990, le gouvernement conservateur a intentionnellement sous-estimé les recettes. Il laissait croire que c'était une bonne chose à faire dans l'établissement du budget. Il avait indiqué qu'il serait très conservateur dans ses estimations du prix du pétrole pour ne pas risquer de se retrouver avec un budget déficitaire, mais il a plutôt terminé avec un surplus.
Lorsque ce fut le tour des libéraux, M. Martin — qui a bâti l'une des plus vigoureuses économies du monde occidental depuis des décennies — a été fortement critiqué pour avoir intentionnellement sous-estimé les recettes en vue de combler le déficit. D'un côté, les conservateurs d'Alberta étaient très heureux de cette façon de faire les choses; d'un autre côté, les conservateurs du fédéral le reprochaient aux libéraux.
Je suis très curieux de savoir ce que vous ferez à ce chapitre, mais votre réponse était excellente.
Mon autre question concerne l'égalité entre les sexes. Si la problématique hommes-femmes est l'enjeu d'égalité du XXIe siècle — et ce, depuis trop longtemps —, un autre enjeu d'actualité important serait la relation entre l'environnement et l'économie et la capacité de notre économie à générer une force financière dans un gouvernement.
C'est une question difficile, et j'ignore la réponse. Toutefois, j'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez de fixer des prix pour les intrants environnementaux.
M. Page : C'est un enjeu du XXIe siècle. De toute évidence, il y a du travail qui se fait à l'échelle internationale, mais on a aussi remarqué certains progrès dans les provinces canadiennes. Par exemple, la Colombie-Britannique a introduit la première taxe sur le carbone. Quelques professeurs de l'Université Queen's ont publié récemment un document sur les taxes d'accise — sur ce que cela représente en termes de coûts des émissions si on appliquait cela de façon plus générale à la taxation et aux recettes.
Le travail qui se fait en ce moment pourrait nous en apprendre beaucoup sur la question de la taxation et de l'environnement. Cela pourrait constituer un important débat dans le futur, ne serait-ce que dans le budget 2009. En ce qui concerne la capacité en matière de recherche, la question de l'environnement et de l'économie, de l'environnement et de la taxation, devrait être une chose sur laquelle se penche le directeur parlementaire du budget.
Le sénateur Mitchell : Étant donné qu'on fera beaucoup appel à vos services — je suis sûr que les sénateurs et les députés seront très heureux de pouvoir compter sur vos ressources —, comment entendez-vous établir l'ordre de priorité pour ce qui est du Sénat et de la Chambre des communes?
M. Page : Je vais avoir besoin d'aide. Cela revient à la question du sénateur Nancy Ruth au sujet du cadre intellectuel et de la vision. Il s'agit d'un mandat de cinq ans; on espère pouvoir faire avancer certains dossiers importants au cours de cette période. L'environnement et le budget pourraient en faire partie. Il y a d'autres questions. Nous souhaitons également bâtir une organisation professionnelle qui incitera les gens à venir y travailler.
Il y a quelques autres organisations du genre au Canada; la Bibliothèque est maintenant de ce nombre. Le Congressional Budget Office aux États-Unis, d'après ce qu'on m'a dit, est un autre bureau où les économistes veulent travailler en raison des possibilités qui leur sont offertes.
De façon plus générale, nous espérons pouvoir nous pencher sur certains des grands enjeux afin de donner une forme au débat. Pour revenir à ce que vous avez dit, quand vous avez parlé des projets de loi émanant des députés et de la façon dont nous attribuons du temps, nous souhaitons nous attaquer aux grands dossiers — la pauvreté, l'environnement et l'examen des questions liées aux investissements afin d'avoir une saine administration des fonds —, pendant cette période de cinq ans, tout en relevant le niveau des débats et en vous fournissant le type d'information dont vous avez besoin, autant du côté du Sénat que de la Chambre des communes. Si nous y parvenons, j'en serai très fier.
Le sénateur Mitchell : Disposez-vous d'un budget, par exemple, pour aller observer votre homologue aux États-Unis dans le cadre de ses fonctions?
M. Page : Vous me demandez si avons prévu des ressources pour aller visiter ces organisations? Le bibliothécaire du Parlement a déjà mené une étude sur les directeurs parlementaires du budget dans d'autres pays. Il a relevé des pratiques exemplaires à l'échelle internationale. Ce travail a été fait avant même que j'envisage d'occuper ce poste.
Certains endroits revêtent un intérêt particulier : les États-Unis; le Royaume-Uni, qui est doté d'un petit bureau; les Pays-Bas, qui en ont plusieurs, comme d'autres pays ailleurs dans le monde.
Nous disposons d'un budget de référence de 2,7 millions de dollars. Pour ce qui est de la répartition des fonds, nous entendons embaucher environ 15 personnes et retenir les services d'entreprises privées afin de nous inspirer de leurs modèles. Une partie du budget servira également à nos déplacements afin que nous puissions visiter certains de ces endroits puis vous revenir avec les meilleures pratiques internationales relativement au rôle du directeur parlementaire du budget.
Le sénateur Nancy Ruth : Quand vous parliez de la conception de votre bureau, à mon avis, le fait que vous partiez de rien est une excellente chose. Il est presque impossible de verser du vin nouveau dans de vieilles bouteilles, ce qui est en partie à l'origine de la frustration des femmes parlementaires concernant cette analyse comparative entre les sexes. Vous avez la possibilité de partir de zéro et de faire des choix qui modèleront une analyse économique qui ne se fait pas encore dans l'ensemble du gouvernement — ou du moins, qui se fait différemment. C'est ce qui m'intéresse le plus dans la création de votre bureau. C'est une toute nouvelle sphère de compétence.
M. Page : Merci, sénateur.
Le président : Selon ce que vous dites, quand vous menez une analyse indépendante des autres prévisions, envisagez- vous de fournir un bulletin mensuel à tous les parlementaires — et non pas seulement au président des comités, comme le sénateur Nancy Ruth l'a indiqué, mais à tous les parlementaires?
M. Page : Compte tenu de la nature de l'information économique, de la façon dont elle évolue, il y a tellement de recherches qui sont menées sur l'analyse comparative entre les sexes, l'environnement, la taxation et toutes ces questions qui donnent matière à réflexion. Au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, le sénateur Murray a soulevé certaines préoccupations relativement à la planification et au caractère secret du processus budgétaire, de même qu'aux pressions connexes. Ces pressions sont fondées sur des facteurs existants. Vous avez la possibilité de produire des bulletins mensuels ou trimestriels sur la conjoncture économique, autant globale que régionale, qui mettront en évidence certaines recherches qui pourraient avoir une incidence sur le débat.
Sur le plan fiscal, nous avons les revues financières mensuelles publiées par le ministère des Finances qui précisent chaque trimestre si les prévisions du ministère sont sur la bonne voie. Nous pouvons adapter des produits en fonction de ces données pour vous donner une idée d'où peuvent se trouver les risques, et de ce que cela pourrait impliquer sur le plan des résultats financiers pour l'année en cours et les années à venir.
Je serai ravi de pouvoir travailler avec les sénateurs pour concevoir des produits adéquats et vous proposer les bons types de produits réguliers. Il serait important pour moi, en particulier durant cette période de consultation à laquelle j'ai fait allusion, de travailler avec vous pour faire en sorte que nous obtenions les produits ordinaires qui conviennent.
Le président : Comme vous l'avez indiqué, il s'agit de construction, alors nous devrons faire un peu d'expérimentation. Vous avez également dit que vous aurez besoin d'aide et de conseils pour ce qui est d'établir les priorités. Je suis sûr que vous fournirez des ressources au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement. L'un de nos représentants du Sénat à ce comité est le sénateur Murray, de Pakenham, en Ontario.
Le sénateur Murray : Je ne vais pas répéter les observations que j'ai formulées la semaine dernière lorsque nous avons entendu ces témoins au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement. Deux remarques me viennent en tête ce soir; je demanderais aux témoins de les prendre en considération ou d'y réagir, s'ils le jugent utile.
Je vais revenir brièvement sur une affirmation du sénateur Nancy Ruth, non pas en ce qui a trait particulièrement à l'analyse comparative ou à l'égalité entre les sexes, mais à son commentaire d'ordre général à propos de l'insuffisance de la macroéconomie, d'après ce que nous comprenons, pour ce qui est d'analyser et de mesurer le bien-être national.
Cela doit faire plus de 30 ans — soit depuis le début des années 1970 — que j'ai pour la première fois entendu parler, ou lu les écrits d'universitaires et autres commentateurs au sujet des limites du produit national brut ou du produit intérieur brut en tant que moyens d'évaluer adéquatement les progrès d'une nation, parmi d'autres aspects dont ils ne tiennent pas compte, comme ceux cités par le sénateur Nancy Ruth : l'environnement, la garde des enfants, et cetera.
J'ignore à quel point on a fait de réels progrès scientifiques dans ce sens. Lorsque j'assumais la présidence du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, il y a quelques années, le regretté sénateur Peggy Butts, moi-même et nos collègues du comité nous sommes penchés sur la question de la cohésion sociale. Je ne prétends pas que ce travail a été très approfondi, mais nous avons obtenu de l'aide précieuse d'experts et de témoins. Nous tentions de mettre en lumière le fait — et j'ai vu de la documentation en ce sens l'autre jour — que bien qu'il y ait eu une énorme création de richesse grâce à la mondialisation, la technologie et la libéralisation des échanges commerciaux, les gains de revenus réels sont allés au sommet de l'échelle, non pas à la base, et même pas au milieu.
Ces faits devraient nous inquiéter. Ils s'appuient sur une certaine science, et nous pourrions essayer de les asseoir sur des bases plus scientifiques et mesurables. Au moins, vous pouvez nous aider à le faire. Comme l'a dit le sénateur Nancy Ruth, le Parlement devrait accorder beaucoup d'attention à cette question, car autrement, qui le fera? Ce ne sont pas certaines personnes au gouvernement qui tourmentent le sénateur Nancy Ruth qui en prendront l'initiative, pas plus que ceux du gouvernement qu'elle tourmente elle-même.
Dans un tout autre ordre d'idées, ce comité examine une quantité considérable de projets de loi. Certains sont extraordinairement complexes, comme les projets de loi d'exécution du budget annuel. Il y a habituellement au moins deux projets de loi omnibus, qui peuvent être très compliqués. D'ordinaire, notre comité sénatorial reçoit ces mesures législatives vers la fin décembre, avant le congé des Fêtes, ou encore en juin, avant les vacances d'été, avec certaines dispositions des projets de loi qui présentent une certaine urgence. On nous dit qu'il nous faut les adopter, faute de quoi, nous causerons de grandes difficultés à une communauté ou à une autre, à tel ou tel groupe d'individus au pays, ou encore à la gestion financière du gouvernement.
Normalement, nous devenons préoccupés par une ou deux dispositions majeures des projets de loi, sur lesquelles nous nous concentrons. Pendant ce temps, d'autres questions importantes peuvent se glisser en douce, et ce n'est pas accidentel. Nos amis du ministère des Finances y voient une occasion de faire passer des choses qui ne passeraient pas aussi facilement si elles étaient en évidence. Ils les font adopter en catimini.
Pour le dernier projet de loi de mise en œuvre du budget, nous étions préoccupés par l'Accord atlantique, la péréquation et la controverse qui en a résulté et qui impliquait le gouvernement fédéral et deux des provinces atlantiques. Nous y avons consacré beaucoup de temps. Nous avons entendu des premiers ministres et des témoins spécialistes. Nous en avons débattu en long et en large, et le projet de loi de mise en œuvre du budget a fini par être adopté. Ce que personne ici ni à la Chambre des communes n'avait remarqué, c'est que le gouvernement avait intégré une petite disposition discrète dans ce projet de loi : un amendement à la Loi sur la gestion des finances publiques qui retirait le Parlement du processus d'emprunt. Pendant des générations, les gouvernements qui devaient, ou souhaitaient emprunter de l'argent s'adressaient au Parlement avec un projet de loi portant pouvoir d'emprunt. C'était l'occasion de débattre, de manière générale, de la gestion financière et économique, et parfois cela allait plus loin encore. C'était ainsi qu'on procédait.
Aujourd'hui, il n'y a plus de projets de loi sur le pouvoir d'emprunt. Nous avons voté pour nous retirer de cette procédure, malgré nous. Il s'agissait seulement d'une de ces petites dispositions que le ministère des Finances intègre en douce dans un projet de loi — honte à nous de ne pas l'avoir remarqué. Nous ne pouvons blâmer personne d'autre que nous-mêmes. Le ministère des Finances essaiera de s'en tirer du mieux qu'il peut. Dans ce ministère, on n'aime pas le Parlement, et on ne souhaite pas le faire participer à ce qu'on considère comme sa spécialité.
Par conséquent, nous avons besoin d'aide pour scruter les projets de loi complexes, en particulier les projets de loi omnibus où, lorsque notre attention est détournée par une question d'une importance vitale, d'autres dispositions peuvent se glisser à notre insu.
Un projet de loi de mise en œuvre du budget est actuellement devant la Chambre des communes. Nous en serons saisis en juin. J'y ai jeté un coup d'œil ce soir, mais je n'ai pu y relever quoi que ce soit qui vaille la peine d'être signalé. Rien ne m'a sauté aux yeux, mais je suis sûr que ce projet de loi contient quelque chose que je n'ai pas remarqué, et qu'un œil plus vif que le mien relèverait.
Je vous laisse y réfléchir en tant que question extrêmement importante. J'aime à penser que si vous aviez été en poste au moment où le projet de loi C-52, le projet de loi de mise en œuvre du budget, a été adopté, vous auriez soulevé la question pour nous, et nous y aurions réagi.
Le président : Monsieur Page, souhaitez-vous formuler des commentaires sur ces points? Ce n'est pas une nécessité, mais n'hésitez pas à le faire si vous le voulez.
M. Page : Il est question de deux grands éléments. Premièrement, il faut tirer profit du travail que vous avez effectué sur la cohésion sociale et examiner des indicateurs plus larges de bien-être, qui vont au-delà des comptes nationaux. Vous avez stimulé une bonne partie des travaux effectués ces récentes années, comme ceux de Statistique Canada, de même que pour ce qui est de considérer une définition élargie du terme « bien-être ». Je sais qu'à la suite de votre étude, des travaux ont été réalisés par l'Institut de recherche en politiques publiques sur ces types de définitions.
Récemment, je me trouvais à Ressources humaines et Développement social Canada, où l'on travaille toujours à ces définitions élargies également. Il s'agit d'un autre sujet sur lequel nous pourrions vous faire rapport, quant à la manière dont nous sommes reliés à ce travail et à la façon dont nous pourrions potentiellement intégrer ce genre d'analyses aux discussions entourant le débat budgétaire.
Quant à votre deuxième point important au sujet du genre de rectification qui serait nécessaire en ce qui concerne les lois sur le budget, parce qu'elles sont vastes et compliquées, nous ne pourrons pas reproduire les ressources du ministère des Finances en ce qui a trait à l'examen des questions qui pourraient poser problème sur le plan juridique. Donc, cette question m'inquiète un peu. Nous nous assurerons d'avoir les effectifs nécessaires et de travailler avec certaines ressources juridiques actuellement à la Bibliothèque du Parlement en vue de rectifier ces conséquences potentielles en aval.
Le sénateur Nancy Ruth a donné un judicieux conseil aujourd'hui en disant qu'il fallait nous assurer d'avoir les capacités appropriées dans notre équipe pour traiter de questions plus larges, de questions liées à l'analyse comparative entre les sexes, et veiller à avoir une capacité qui nous permette de corriger ces dispositions posant problème lorsque nous examinons les mesures législatives. Si nous notons quelque chose qui sort de l'ordinaire, nous pourrons le porter à votre attention et en discuter avec les fonctionnaires du ministère des Finances et du Bureau du Conseil privé également. Alors, vous obtiendrez ces informations rapidement, à mesure qu'elles se présenteront.
[Français]
Le sénateur De Bané : J'espère, monsieur Young, que la recommandation de notre comité, présidé par le sénateur Day, demandant au Conseil privé de relever le niveau de ce poste, vous a aidé. Vous nous aviez expliqué comment c'était extrêmement difficile car très peu de gens ont les compétences pour occuper ce genre de poste et qu'il fallait absolument le relever au niveau EX-4.
Les politologues nous disent que, dans un pays moderne, 80 p. 100 des lois ont une incidence économique. Je présume que, en tant que directeur bibliothécaire de la Bibliothèque du Parlement, c'est vous qui allouez les budgets aux différentes directions.
Pensez-vous, si c'est vrai que 80 p. 100 des lois votées par les pays modernes ont une incidence économique, que la direction dont M. Page sera à la tête aura les ressources nécessaires pour mener les études qu'ils veulent faire?
M. Young : Oui, mais pour nous les ressources sont établies par les demandes des parlementaires. S'il y a une augmentation de la demande, je vais demander plus de ressources par le biais du Sénat.
Vous savez, bien sûr, qu'il y a déjà 35 économistes qui travaillent à la Bibliothèque; dont deux sont présents ici ce soir et M. Page travaillera également avec eux. Je pense que la valeur ajoutée du directeur parlementaire du budget est très importante. Il ne faut pas faire la même chose que les recherchistes, qui sont présentement rattachés au comité. Je vois présentement son budget comme étant un budget intérimaire, tout simplement; et nous verrons au fur et à mesure la demande pour ces services.
C'est pourquoi j'ai recommandé au comité de mettre en place un processus consultatif avec vous pour définir comment il peut établir cette valeur ajoutée.
Je veux simplement faire un petit commentaire. Il est vrai que M. Page est de niveau EX-4, mais c'est une solution temporaire. C'est son niveau de titularisation, et non le niveau du poste. Le Bureau du Conseil privé n'a pas effectué une reclassification du poste lui-même, c'est sa classification personnelle. Nous aurons le même problème avec son successeur. Mais le Bureau du Conseil privé a fait quelque chose à ce sujet.
[Traduction]
Le Bureau du Conseil privé a pris l'engagement de revoir la classification, mais celle-ci n'a pas changé pour ce qui est de ce poste. Nous en sommes arrivés à un compromis pour l'entrée en fonction de M. Page et, de toute évidence, cela a porté fruits en l'occurrence. Mais pour un successeur potentiel, cet arrangement ne tiendra plus.
Le sénateur De Bané : Monsieur Page, vous travaillez pour le fédéral depuis 1981; vous possédez donc une connaissance approfondie du fonctionnement du gouvernement du Canada, et vous devez certainement avoir un large réseau.
Ce qui m'intrigue, c'est que, comme vous le savez, les ministères et les institutions — et je ne parle pas des gouvernements — n'aiment pas être critiqués. Nous avions autrefois le Conseil économique du Canada, qui employait les plus brillants économistes de ce pays, et à un certain moment, certains ministères — dont celui des finances — ne pouvaient plus endurer le CEC, et il a été aboli.
Je présume qu'à votre entrée en fonction, lorsque vous commencerez à demander des données aux différents ministères, ils coopéreront avec vous. Mais dès qu'ils commenceront à lire vos évaluations critiques de leurs prévisions et analyses — j'ai déjà travaillé au sein des institutions, bien que pas autant que vous —, je ne vois pas comment vous pourriez obtenir leur collaboration très longtemps encore. Vous faites partie des hauts fonctionnaires. Et ils n'aiment pas être remis en question par d'autres personnes.
Autrement dit, contrairement au vérificateur général, pour lequel travaillent un millier de personnes, et que la loi et autres dispositions rendent indépendant des institutions et lui permettent d'aller où il veut pour vérifier ce qu'il veut, faire son propre rapport au Parlement, et cetera, ici, tout le monde voudra collaborer avec vous au début. Cependant, dès que vous commencerez à critiquer les institutions, je me demande si elles ne vous fermeront pas la porte.
M. Page : Dans mon bureau, les questions de la fourniture de l'information et de la transparence sont importantes. Comme vous le savez, la Loi sur le Parlement du Canada prévoit une disposition pour que les ministères communiquent l'information dont j'ai besoin pour effectuer mon travail. Cela permettra de favoriser la circulation d'information. L'autre facteur qui encouragera la communication d'information est la confiance que le directeur parlementaire du budget doit bâtir au fil du temps. Elle sera améliorée si nous mettons au point des produits dans la transparence.
On pourrait nous demander d'établir les coûts de certaines propositions et d'examiner des questions de recherche potentielles concernant l'environnement ou l'imposition, ou encore l'analyse différenciée selon les sexes pour des propositions particulières, et nous fournirons nos produits d'une manière très professionnelle en considérant les différentes options, y compris peut-être celles du gouvernement. D'autres options existent, et beaucoup d'analyses de qualité sont encore effectuées. Le Conseil économique du Canada nous manque; beaucoup de bons économistes qui travaillaient sont partis. Certains d'entre eux se sont retrouvés au ministère des Finances lorsque nous avons éliminé le CEC; nous n'avons donc pas perdu la totalité de leurs capacités.
Nous pourrions emprunter beaucoup aux analyses faites dans les universités, à certains excellents groupes de réflexion que nous avons au pays, comme le C.D. Howe Institute et le Fraser Institute et autres organismes à Montréal et partout au pays. Nous pourrions rassembler ces analyses et proposer différentes options. Nous le ferons de manière transparente et professionnelle.
Si nous bâtissons de bonnes relations avec les ministères, et qu'ils se rendent compte que nous présenterons leurs points de vue de manière appropriée en même temps que nous faisons valoir d'autres perspectives et options, j'espère que cela contribuera à favoriser un bon dialogue entre mes collègues de la fonction publique et moi-même.
Le sénateur Ringuette : Je regarde votre curriculum vitae, qui est fort impressionnant. Nous trouvons en vous une excellente personne pour assumer ces fonctions, compte tenu de vos compétences et de votre degré d'expérience.
Vous comptez également parmi cette expérience de nombreuses années à travailler aux affaires intergouvernementales, aux relations fédérales-provinciales, et cetera. Il y a deux ans, j'ai présenté une motion au Sénat pour demander que tous les projets de loi émanant du gouvernement soient accompagnés d'une étude des impacts régionaux, en raison du mandat particulier du Sénat qui est de représenter les régions. Cette motion a été adoptée — j'admets que ce n'était pas à l'unanimité, mais elle l'a été. Selon moi, c'est une motion qui s'insère dans ce mandat et, par conséquent, cela devrait faire partie de l'information qu'on communique au Sénat.
Que pensez-vous de fournir au Sénat et aux membres de ce comité des études sur les impacts régionaux des projets de loi émanant du gouvernement? J'imagine que le projet de loi de première priorité serait celui sur le budget. Comment entrevoyez-vous cette tâche?
M. Page : Merci d'avoir souligné que j'ai passé un certain nombre d'années dans le domaine des relations fédérales- provinciales. Alors que j'étais à la recherche d'un changement, après 10 ans au ministère des Finances — et à l'époque, au début des années 1990, on discutait beaucoup de l'accord de Charlottetown —, on débattait de bien des questions d'ordre financier en ce qui a trait aux transferts, et j'ai vu cela comme une possibilité de servir mon pays dans un autre poste.
J'enviais mon frère, qui est agent de la GRC sur la côte Ouest. Il avait la forte conviction de faire partie d'une institution importante pour le pays, et pour ma part j'avais l'impression que si je travaillais dans le domaine des relations fédérales-provinciales, qui constitue une partie si importante de notre pays, je partagerais ce sentiment satisfaisant, et cela a été le cas.
J'ai passé beaucoup de temps à examiner des questions comme celles relatives aux paiements de transfert du gouvernement fédéral, car le fédéralisme fiscal est une dimension très importante au Canada. Je travaillais également pour le gouvernement; cela constitue aussi un élément essentiel du mandat du premier ministre.
En ce qui a trait à l'analyse comparative entre les sexes au ministère des Finances, d'après ce que j'ai remarqué, c'était un phénomène plus récent. Le sénateur Nancy Ruth l'a constaté au sein de ce ministère. Mais dans cette institution, on a fait beaucoup de chemin également au chapitre des impacts régionaux. On effectue ces études pratiquement comme un processus allant de soi lorsqu'on élabore des budgets. L'information n'est peut-être pas toujours partagée comme elle le devrait, mais on le fait certainement à l'interne, avant que les analystes du ministère des Finances n'aillent à huis clos pour le budget. Ils sont bien armés de statistiques sur la manière dont une mesure de dépenses s'appliquera dans telle région du pays, ou dont une mesure fiscale se déroulera potentiellement dans telle autre région; ainsi que des niveaux de revenus et des circonstances économiques différentes selon les régions et les secteurs.
Nous pourrions faire du bon travail. Par ailleurs, non seulement pendant le travail postbudgétaire, mais aussi pendant celui qui mène au budget, de même qu'au cours des délibérations prébudgétaires, nous pourrions examiner les problèmes d'ordre économique et fiscal qui ont lieu dans une province afin de pouvoir intégrer ces renseignements dans un budget.
Nous collaborerons avec les fonctionnaires du ministère des Finances pour nous assurer que vous ayez également accès à des renseignements qui proviennent des analyses effectuées, et qui sont de nature régionale ou peut-être même sectorielle, lorsque vous examinerez des projets de loi budgétaires.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Page, vous nous avez déjà fourni de l'information car, lorsque les représentants du ministère des Finances et du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada ont comparu devant ce comité, je leur ai demandé s'ils effectuaient des études sur les impacts économiques régionaux, et ils ont répondu que non, et que la motion que j'avais présentée au Sénat était trop coûteuse. Or, vous dites que cela se fait, et que grâce à votre pouvoir d'obtenir de l'information, vous pourrez faire parvenir cette étude sur les impacts régionaux au Sénat en ce qui concerne le budget.
Dernièrement, j'ai examiné le projet de loi sur les collectivités, où l'on n'a établi aucune norme. Selon moi, cette mesure était un gâchis total sur le plan de l'argent, et ne respectait pas les situations économiques des diverses provinces et régions.
Pourrons-nous compter sur vous et votre personnel de soutien pour nous fournir une étude d'impact régional en ce qui a trait aux effets d'un projet de loi tel que celui-là lorsqu'il est présenté au Sénat?
M. Page : Ce que j'entends aujourd'hui, c'est qu'il y a certains problèmes en ce qui a trait aux études des impacts régionaux. Je pense que vous proposez que nous allions au-delà de la distribution fiscale des fonds qui a parfois lieu dans un budget, et que nous tentions d'étudier, si nous mettons en place de nouvelles mesures des dépenses ou des revenus, le genre d'impact qu'elles pourraient avoir sur l'économie de diverses régions.
Vous dites qu'il s'agit d'une priorité. Le sénateur Nancy Ruth affirme que la priorité est d'effectuer le plus possible des analyses comparatives entre les sexes. Selon le sénateur Murray, nous devons nous assurer prioritairement que, tandis que nous examinons la législation sur le budget, nous passons au crible la loi et cherchons des éléments qui pourraient ne pas être évidents à première vue pour quelqu'un qui se concentre sur un ou deux questions majeures.
C'est ce que j'entends aujourd'hui. Si ce sont là quelques-unes des grandes priorités de ce comité sénatorial, nous ferons en sorte qu'il soit prioritaire, au moment d'établir notre budget au Bureau du directeur parlementaire du budget, de tâcher d'y consacrer suffisamment de ressources.
Le sénateur Ringuette : Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissant.
Le sénateur Nancy Ruth : Monsieur Page, j'ai entendu deux fois votre témoignage; et vous venez de réitérer que si l'on fait de l'analyse entre les sexes une priorité, vous examinerez la question. Or, ce n'est pas que l'analyse différenciée entre les sexes soit une priorité : c'est plutôt une composante fondamentale d'un modèle économique. Ce n'est pas un exercice qu'on applique occasionnellement à un projet de loi; il s'agit de la manière dont on considère le monde.
Il faut que je sache que vous comprenez que c'est ainsi que je conçois le monde, et que c'est comme cela que vous envisagerez de le considérer également. Il n'est aucunement question de priorités. Il s'agit d'une mentalité.
Le sénateur Di Nino : Je peux voir les turbines du cerveau très fonctionnel de M. Page s'activer. Je pense que ces 15 personnes seront bientôt 150, mais c'est un problème avec lequel vous devrez composer.
Monsieur Page, j'aimerais d'abord ajouter mes félicitations et mes meilleurs vœux. Pour toute administration adéquate d'une entreprise, y compris les affaires d'une nation, le processus budgétaire est l'un des éléments les plus importants pour en arriver à une conclusion réussie, quels que soient les objectifs.
Dans le même ordre d'idées, je propose que nous ayons des rôles similaires — par « nous », j'entends ce comité — et des responsabilités semblables. De notre part à tous, je vous affirme que nous sommes impatients de collaborer avec vous pour atteindre ces objectifs. Ils représenteront des défis. Vous verrez probablement que d'ici à ce que vous reveniez ici pour la troisième fois, on vous aura confié une telle quantité de mandats que ma prédiction concernant les 150 personnes sera probablement une sous-évaluation.
Permettez-moi de m'attaquer à une question dont le sénateur De Bané avait commencé à parler, quoique pas tout à fait dans le même sens. Je comprends que le mandat qu'on vous a confié contient également des exemptions relatives aux données que vous serez en mesure de demander, ou auxquelles vous pourrez accéder en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, entre autres. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Est-ce que ce sera un problème pour vous?
M. Page : Une énorme quantité d'information est disponible pour les économistes maintenant — c'est-à-dire en 2008 — par rapport à l'époque où j'ai commencé ma carrière au ministère des Finances, en 1981, alors que nous n'avions ni sites Internet, ni Bloomberg et Reuters, ni tableur Excel. Il est incroyable de voir la quantité d'information à laquelle nous pouvons accéder.
Dans le milieu académique et au sein des groupes de réflexion, il y a eu une croissance importante susceptible de contribuer aux débats sur les politiques. Par ailleurs, nous avons l'un des meilleurs organismes statistiques au monde. Statistique Canada est incroyablement bien géré. Il y a une foule de renseignements.
Comme j'ai travaillé dans des milieux budgétaires et que je connais l'importance des documents confidentiels du Cabinet, j'espère avoir une bonne idée des limites qu'il faudra fixer pour ce qui est de la manière dont l'information sera échangée entre le directeur parlementaire du budget et certains de ses collègues des organismes centraux, comme le ministère des Finances, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé. Je ne m'attends pas à obtenir de l'information inutilement, et cela pourrait inclure certaines des diverses options présentées aux ministres, aux premiers ministres et aux ministres des Finances en matière d'élaboration du budget. Nous devrons composer avec cette situation.
À ce stade-ci, il est difficile pour moi de dire à quel point cela réduira ma capacité d'honorer mon mandat. Pour ce qui est de la fourniture de renseignements de base et de la manière dont ils seront transmis lorsque nous aurons à examiner l'établissement des coûts et la recherche, à en croire les signaux que j'ai déjà reçus de mes collègues de la fonction publique — dont des sous-ministres — certains n'ont ménagé aucun effort pour m'assurer qu'ils souhaitaient apporter une aide.
Je pourrais être de retour à ma troisième séance, peut-être avec 150 personnes, et avec une toute autre histoire sur le plan de l'information; mais à ce stade-ci, je suis plein d'espoir. Il s'agit de l'un de ces cas où je devrai revenir devant vous dans six mois à un an pour vous laisser savoir comment la situation se développe et quels sont les problèmes possibles. C'est une question qu'on m'a posée lors de ma comparution devant le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, la semaine dernière. La question de l'information est une grande préoccupation. Les membres du comité voulaient que je les en informe si je trouvais difficile d'obtenir de l'information des ministères.
Le sénateur Di Nino : Nous le voulons également. Considérez cela comme une demande de notre part.
La loi vous confère-t-elle le pouvoir dont vous avez besoin pour être en mesure de demander des informations aux ministères?
M. Page : Elle stipule que l'accès à l'information en temps opportun est nécessaire pour l'accomplissement de mon mandat tel que précisé. Mon mandat repose sur trois grands piliers, c'est-à-dire les tendances économiques, les finances nationales et les prévisions budgétaires. Ce mandat devra être étudié avec des sous-ministres et des statisticiens en chef du gouvernement, et le processus se déroulera au cours des prochains mois.
Le sénateur Di Nino : Quelle est votre relation avec la vérificatrice générale?
M. Page : J'ai eu un bref entretien téléphonique avec la vérificatrice générale tout récemment. Je la rencontrerai de manière formelle dans un peu plus d'une semaine. Par le passé, à titre de fonctionnaire du Bureau du Conseil privé et du Secrétariat du Conseil du Trésor, j'ai déjà travaillé sur divers dossiers avec le personnel de la vérificatrice générale. J'ai toujours été fort impressionné par les normes professionnelles de ces gens.
Il me tarde d'avoir une discussion avec la vérificatrice générale quant à la manière dont nous collaborerons pour nous assurer qu'il y ait une gestion rigoureuse des fonds publics. Il s'agira d'une discussion sur la collaboration et la complémentarité. Certains aspects de nos mandats sont très différents. Aujourd'hui, nous avons parlé des prévisions. Il s'agit d'une discussion où l'on voit très loin dans l'avenir, tant sur le plan économique que financier. Et la vérificatrice générale a fait de l'excellent travail grâce à sa performance législative et à ses vérifications financières ayant soulevé des questions qui doivent être résolues dans divers ministères. Au bureau du directeur du budget parlementaire, il nous faut être en mesure de prendre cette information et de la communiquer dans le contexte d'un examen minutieux des budgets des dépenses. Voilà les grandes questions prioritaires dans les ministères. Je crois que notre relation sera celle d'une étroite collaboration, et nous pouvons nous inspirer du bon travail de la vérificatrice générale.
Le sénateur Di Nino : Je crois que vous avez dit que les parlementaires des deux Chambres auront accès à vos services, lorsque ce sera nécessaire et approprié. Est-ce exact?
M. Page : C'est exact, monsieur.
Le président : D'autres ont déjà posé toutes les questions que le sénateur Stratton voulait poser.
Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, laissez-moi vous remercier tous les deux, messieurs, de votre comparution. Monsieur Young, merci beaucoup pour le travail que vous accomplissez en tant que bibliothécaire parlementaire, et pour votre aide dans la construction de cette nouvelle fonction particulière de la Bibliothèque du Parlement, à ses toutes premières étapes. La Loi fédérale sur la responsabilité a été adoptée le 12 décembre 2006. Je sais que même avant cela, vous tentiez de déterminer les paramètres de ce qu'il fallait faire. Nous apprécions grandement le travail que vous accomplissez. Veuillez passer le mot à tous les analystes et les autres personnes qui travaillent à la Bibliothèque du Parlement, en leur disant à quel point nous comptons sur vous pour pouvoir effectuer le bon travail que nous réalisons ici, dans ce comité sénatorial.
M. Young : Merci.
Le président : Monsieur Page, nous avons hâte de travailler avec vous. Nous attendions avec impatience votre arrivée. Je sais qu'il faudra un certain temps pour bâtir les choses et déterminer les priorités. Nous serons enchantés de vous recevoir chaque fois que vous jugerez nécessaire de discuter de certaines questions avec nous. Laissez-le-nous savoir, et nous vous réserverons du temps.
Nous souhaitons la bienvenue à notre prochain groupe de témoins, qui est composé de Michael Nelson, directeur des lobbyistes, et de Marc O'Sullivan, secrétaire adjoint par intérim au Cabinet du Secrétariat du personnel supérieur et des projets spéciaux, au Bureau du Conseil privé.
Nous vous remercions, monsieur Nelson, d'être ici pour nous donner une mise à jour sur les changements qui transformeront le poste de directeur des lobbyistes en celui de commissaire des lobbyistes. Nous sommes intéressés à connaître l'évolution de la situation à cet égard.
M. O'Sullivan nous éclairera sur les développements et les progrès concernant les divers postes de mandataires du Parlement créés en vertu de la loi, et les changements touchant les lois et bureaux en place avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-2.
Nous comprenons que Joe Wild, directeur exécutif de la Politique stratégique, Priorités et planification ministérielles, qui avait une responsabilité première dans le dossier de l'implantation de ces divers bureaux et mandataires, a fait de son mieux pour être avec nous ce soir.
Monsieur O'Sullivan, j'aimerais que vous lui transmettiez de notre part notre reconnaissance envers ses efforts. Le temps que nous avons pour réaliser notre rapport nous a laissé une moins grande marge de manœuvre que ce que nous aurions eu autrement. La bonne nouvelle, c'est que M. Wild était ici avant Noël pour nous informer du stade d'avancement à ce moment-là. Nous lui avons demandé par écrit s'il pouvait nous faire part d'autres progrès que nous ignorions, le cas échéant.
Messieurs, si vous voulez bien, vous pouvez d'abord faire des remarques préliminaires sur le déroulement des choses en ce qui a trait à la transformation du poste du directeur des lobbyistes en celui de commissaire des lobbyistes, ainsi qu'à la commission des nominations. Ces deux domaines n'ont pas encore fait l'objet d'un examen.
Michael Nelson, directeur des lobbyistes, Bureau du directeur des lobbyistes : Je suis ravi d'être ici pour donner aux honorables sénateurs les dernières nouvelles concernant le Bureau du directeur des lobbyistes. Comme vous l'avez dit, en matière d'application des règlements, y compris ceux qui mettront en vigueur la nouvelle loi sur les lobbyistes, la première responsabilité incombe au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Il est important pour moi, bien que je ne sois ni un mandataire indépendant du Parlement, ni un haut fonctionnaire indépendant du Parlement — ce à quoi le projet de loi sur le lobbying remédiera — d'agir en toute autonomie par rapport au Parlement au cours de l'élaboration de ce règlement. Mon bureau a fourni des conseils d'ordre opérationnel à M. Wild et à son personnel, mais nous n'avons pas pris part au processus décisionnel en ce qui concerne le règlement. Je pense que si l'on conseille directement les ministres, on doit être prêt à recevoir directement leurs conseils en retour. Mais l'indépendance de mon bureau exige que je ne suive pas les avis des ministres; ainsi, je n'ai pas conseillé ces derniers, mais les fonctionnaires.
Néanmoins, je peux vous donner une mise à jour selon deux points de vue. Le règlement a été publié dans la partie I de la Gazette du Canada au début de janvier 2008; et une fois qu'un certain nombre de demandes ont été présentées au gouvernement, elles sont considérées en très peu de temps. Selon la première publication dans la Gazette, la nouvelle Loi sur le lobbying devait entrer en vigueur le 1er juillet. Je m'attends à ce que, d'ici-là, il y ait une seconde publication dans la Gazette. Ce règlement y sera publié pour une deuxième fois et confirmera la date d'entrée en vigueur de la Loi sur le lobbying. Je présume que cela aura lieu vers le 1er juillet. Je dois supposer que c'est bien à cette date, car j'ai du travail à faire.
Mon bureau s'est chargé de trois différentes sphères d'activité. Il faut premièrement préparer le Bureau et le Registre. Plus de 99 p. 100 des enregistrements au Bureau du directeur des lobbyistes se font en ligne. C'est une incroyable réussite du point de vue du cybergouvernement, et il en est ainsi depuis de nombreuses années. On peut s'enregistrer en ligne gratuitement, alors qu'il en coûte quelque chose par écrit. C'est également plus rapide. Afin d'appliquer certaines dispositions de la nouvelle Loi sur le lobbying, il nous faut reconstruire le système d'enregistrement en ligne. On l'appellera le système d'enregistrement des lobbyistes, version 5. Il s'agit d'une évolution assez importante. Lorsque je suis arrivé au Bureau, il y a quelques années, à une époque où on pouvait chercher n'importe quoi sur Internet à l'aide de Google, nous n'avions pas de capacité de recherche et d'enregistrement en ligne à la hauteur de ce à quoi les gens pouvaient s'attendre. Ce ne sont pas seulement les lobbyistes qui utilisent ce système en ligne, mais aussi les médias. Chaque fois que vous voyez un article dans les journaux où l'on déclare que telle ou telle personne est enregistrée en tant que lobbyiste pour untel, l'auteur a probablement trouvé cette information sur notre système d'enregistrement en ligne, que nous avons modernisé.
Le second domaine de préparation consiste à faire en sorte que l'information soit prête pour les lobbyistes et les titulaires de charge publique qui auront de nouvelles obligations, en particulier au regard de la loi. Il y a un certain nombre de nouvelles obligations, ainsi qu'une interdiction d'après-mandat de cinq ans visant les activités de lobbying pour un nouveau sous-groupe de titulaires de charge publique appelés « titulaires d'une charge publique désignée ». Je peux répondre à des questions là-dessus, si vous le souhaitez. Par ailleurs, il existe une nouvelle exigence, pour les lobbyistes qui échangent au moyen de certains types de communications avec ce sous-groupe, de faire rapport au commissaire aux lobbyistes tous les mois sur certains aspects des communications qu'ils ont eues.
Je vous lis une liste d'avis de mise en œuvre que nous envisageons de publier pour que les gens connaissent leurs obligations avant que ces règles n'entrent en vigueur. On ne souhaite pas que les gens enfreignent accidentellement la loi. Actuellement, il y a plus de 5 000 enregistrements. Un grand nombre de ces personnes ne sont pas ces lobbyistes fortement médiatisés auxquels on peut songer. La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes vise les associations, les universités, et cetera. Bien des lobbyistes ne sont pas des internautes avertis. Nous voulons nous assurer que personne n'enfreindra la loi par accident.
La troisième tâche consiste à préparer un manuel d'information à l'intention du nouveau commissaire aux lobbyistes afin que le bureau puisse être maintenu dans l'avenir. La nouvelle Loi sur le lobbying maintient très judicieusement les postes du personnel du Bureau du directeur des lobbyistes en tant que fonctionnaires. C'était important pour moi, ainsi que pour le personnel, afin de regarder vers l'avenir avec confiance. Nous avons pu mettre sur pied une excellente équipe, et le Parlement nous a donné des fonds pour poursuivre nos activités avec ces employés. Nous préparons le personnel à l'interne, tout comme le système pour les lobbyistes. Voilà où nous en sommes.
Le président : De combien d'employés prévoyez-vous que le commissaire aux lobbyistes aura besoin? Et de combien d'argent supplémentaire?
M. Nelson : Nous avons demandé autour d'un million de dollars de plus par année au Parlement. Nous avons évalué qu'il nous fallait trois enquêteurs additionnels, trois employés de plus à l'interne pour traiter les enregistrements et un avocat. Nous pourrions faire certains ajustements à l'interne relativement à ce personnel. Par exemple, en ce qui a trait à cette interdiction de cinq ans pour les activités de lobbying, une nouvelle disposition de la loi permet au commissaire aux lobbyistes d'accorder des exemptions, sous certaines conditions, à certains titulaires de charge publique désignée pour leur permettre dans certains cas de mener des activités de lobbying. Pour qu'on accorde une exemption, il faudra effectuer quelque chose qui se rapproche beaucoup d'une enquête. Si une personne affirme qu'elle devrait pouvoir faire des activités de lobbying, nous aurons à examiner le genre d'emplois que cette personne a occupés pour être capables de bien déterminer quels types d'exemptions, s'il y a lieu, devraient s'appliquer. Nous pourrions très bien faire de l'un des enquêteurs un agent des exemptions.
Ce n'est pas évident. Nous ne savons pas quand il y aura des exemptions, donc il pourrait y avoir une personne chargée des vérifications, qui pourrait les laisser en suspens s'il arrive une urgence. La personne pourrait alors faire le travail urgent en premier, puis reprendre sa vérification. Il faudra trouver le moyen d'équilibrer la charge de travail, si l'on veut.
Marc O'Sullivan, secrétaire adjoint au Cabinet par intérim, Personnel supérieur et Projets spéciaux, Bureau du Conseil privé : Je ne vous représenterai pas les documents que je vous ai présentés la dernière fois, en décembre. À la place, je vais mettre l'accent sur les activités qui avaient toujours cours quand j'ai comparu avec Joe Wild en décembre et vous donner un bref aperçu de l'état de la situation.
Le président : Vous avez beaucoup de nouveaux défis à relever.
M. O'Sullivan : Oui, bien sûr.
Premièrement, le gouvernement a annoncé le 18 février qui serait directeur des poursuites pénales. Il s'agit de Brian Saunders, qui assurait déjà l'intérim. Le gouvernement en a fait l'annonce conformément à la procédure prescrite par la loi. M. Saunders a été appelé à comparaître devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, mais sa comparution a été reportée en raison de poursuites en cours, et il n'a toujours pas pu témoigner.
Le président : C'est la raison pour laquelle il était toujours intérimaire au moment où il est venu ici.
M. O'Sullivan : C'est juste. Il nous faut l'approbation de ce comité parlementaire pour terminer la nomination au poste permanent. Nous espérons pouvoir terminer le tout bientôt.
Le président : Si le comité sénatorial était lui aussi autorisé à le faire, tout pourrait être déjà terminé.
M. O'Sullivan : Le libellé de la loi est un peu vague à ce sujet. Il y est question d'un comité établi par le Parlement plutôt que d'un comité clairement désigné.
La nomination du directeur parlementaire du budget est un fait accompli. M. Page a déjà comparu ici. C'était la procédure prévue dans la loi. C'est la Bibliothèque du Parlement qui a assumé le leadership, a fait ses recommandations et a conclu la nomination de M. Page à ce poste.
Comme M. Nelson est ici, je vais parler du directeur des lobbyistes. Nous sommes en train de mener un processus de sélection pour ce poste. L'annonce a paru à la mi-janvier. Nous avons pour but de terminer le processus avant que le règlement ne soit fin prêt, et la loi devrait entrer en vigueur en juillet. Nous espérons que tout soit fin prêt en même temps.
Le président : Le concours est-il clos?
M. O'Sullivan : Oui. Nous avons reçu les candidatures, et le comité de sélection est en train de les examiner.
Le président : Merci.
M. O'Sullivan : Encore une fois, cette nomination requiert l'approbation des deux Chambres. Ce sont les règles prévues par la loi pour l'approbation parlementaire des nominations. Tout doit être terminé d'ici la fin juin.
Le dernier élément, c'est la Commission des nominations publiques. Comme je l'ai mentionné en décembre, on a déjà essayé d'établir la commission par décret. Cette démarche n'a pas porté fruit parce que la personne nommée à la présidence n'avait pas été recommandée par le comité parlementaire qui a examiné sa candidature et depuis, la commission est restée sur la glace. Les membres qui avaient été nommés ont tous démissionné.
Entre-temps, le gouvernement poursuit ses nominations publiques. Il a fait des nominations clés de chefs d'organismes et de présidents de conseils, de manière ouverte et transparente. Nous avons entrepris plus de 100 nominations depuis février 2006. Le personnel réduit qu'il reste au Secrétariat de la Commission des nominations publiques prépare le terrain en vue de la création de la Commission des nominations publiques. Il a fait tout le travail préparatoire possible selon la loi, dont l'élaboration d'ébauches de codes de conduite et de règles de procédure. Notre objectif est que tous ces documents soient prêts pour être adoptés rapidement. Cependant, dans l'intervalle, il faut souligner que nous n'avons pas attendu l'établissement de la commission pour adopter une formule plus transparente pour annoncer les postes et tenir des comités de sélection. Nous avons établi des critères de sélection clairs et les avons annoncés dans la Gazette du Canada, ainsi que sur le site Web des nominations du gouvernement du Canada afin d'attirer des candidats hautement qualifiés.
Nous avons consacré beaucoup d'énergie à ce dossier depuis deux ans et nous nous sommes beaucoup aguerris dans la conduite des processus de sélection afin d'attirer des candidats qualifiés et de pouvoir affirmer avec certitude que les candidats à ces postes sont compétents.
Le président : Parlez-vous des nominations par décret?
M. O'Sullivan : Oui.
Le président : Combien avez-vous fait de nominations par décret depuis que la loi a reçu la sanction royale le 12 décembre 2006?
M. O'Sullivan : Je n'ai pas de chiffres exacts, mais ce gouvernement effectue environ 700 nominations par année.
Le président : Comment les commissaires des nominations publiques sont-ils nommés? Est-ce à l'issue d'un concours ou par décret sans concours?
M. O'Sullivan : Il revient au gouvernement d'en décider. L'une des options est de mener un processus de sélection ouvert, ce qui est logique en raison de la nature de la tâche qui sera confiée aux commissaires.
Le président : La commission que vous ne cessez de mentionner existait déjà avant l'adoption de la loi. Nous aimerions savoir ce qui s'est passé depuis la création de la Loi fédérale sur la responsabilité par le projet de loi C-2. Où en sommes-nous en ce qui concerne la Commission des nominations publiques? Y a-t-il des démarches en cours pour nommer les commissaires? Dans l'affirmative, le processus est-il enclenché?
M. O'Sullivan : Non, nous n'avons pas encore lancé le processus de sélection des commissaires. Nous nous sommes concentrés sur la préparation du terrain pour l'établissement de la commission, mais nous n'avons pas encore décidé de nommer les commissaires et de faire démarrer la commission.
Le président : Y a-t-il quelque chose par écrit qui indique que le gouvernement a décidé de ne pas établir cette commission?
M. O'Sullivan : Non, rien.
Le président : De qui attendez-vous des nouvelles?
M. O'Sullivan : La décision d'établir la commission doit être prise par le Cabinet, par le gouverneur en conseil, et le Cabinet n'a pas encore décidé d'entreprendre les démarches. Vous m'avez demandé s'il y avait quelque chose par écrit pour nous dire de ne pas aller de l'avant; il n'y a rien. Nous avons pour consigne de conserver un secrétariat minimal et d'être prêts à faire démarrer la commission rapidement.
Je ne crois pas que nous aurions reçu cette consigne s'il n'y avait aucune intention de créer une commission un moment donné. La question n'est pas si elle sera créée mais quand.
Le président : Nous vous remercions de nous le mentionner.
Le sénateur Ringuette : Monsieur O'Sullivan, j'ai une question principale à vous poser. Elle est peut-être naïve, mais je suppose que les gens du Bureau du Conseil privé parlent souvent à ceux du Conseil du Trésor. J'ai vu que vous aviez écouté notre témoin, M. Page, qui est le nouveau directeur parlementaire du budget. Notre comité a recommandé que ce poste soit élevé au niveau de sous-ministre, mais l'on n'a pas encore accédé à notre demande.
Lorsque vous reparlerez aux gens du Conseil du Trésor, pourriez-vous leur rappeler cette recommandation du comité? J'espère que le BCP le recommande aussi, mais je sais que vous ne pouvez pas en parler, à moins que vous le puissiez... Le pouvez-vous?
[Français]
M. O'Sullivan : Je serais heureux de répondre à cette question. Premièrement, je ne sais pas si mes collègues au Secrétariat du Conseil du Trésor voudraient admettre qu'ils discutent avec nous.
J'aimerais apporter une précision sur la question de la classification du poste. Cela a été une question épineuse parce que, d'une part, nous étions informés par M. Young de l'importance d'avoir un poste classé à un niveau assez senior pour pouvoir attirer des économistes d'expérience, qualifiés et aguerris. Nous étions au courant des recommandations du comité du Sénat.
En même temps, nous étions confrontés à la réalité telle qu'elle est démontrée dans la Loi sur le Parlement, qui établit que le bibliothécaire parlementaire a le contrôle et la supervision de la Bibliothèque et de tout son personnel. Et la façon dont le poste de M. Page est établi le place sous l'égide du bibliothécaire du Parlement.
Nous avions un problème à classifier le poste de M. Page à un niveau égal ou supérieur à celui de la personne qui a le contrôle et la supervision de son travail. La difficulté était que le poste de M. Young étant classé au niveau GC-6 — « gouverneur en conseil 6 » —, et celui de M. Page GCQ-5 — « Q » pour « quasi judiciaire », la nature du poste faisait en sorte qu'on devait lui accorder une certaine indépendance, qui est accrue avec la classification « gouverneur en conseil quasi judiciaire ». Mais on se demandait comment le mettre au même niveau que son patron. On l'a donc mis au niveau 5, un niveau plus bas.
Nous sommes également conscients de la frustration en termes de ce que cela donne comme résultats, du salaire disponible pour la personne et la difficulté de recrutement.
Le sénateur Ringuette : Et des responsabilités.
M. O'Sullivan : Ce sont des responsabilités majeures, mais c'est toujours le problème de se demander si la personne qui, selon la loi, est son patron, c'est-à-dire celui qui a le contrôle et la supervision de son travail, peut être à un niveau égal ou même inférieur. Et c'est là où on a eu de la difficulté.
Le sénateur Ringuette : Peut-être qu'il faut reclassifier le poste de bibliothécaire?
M. O'Sullivan : Oui, c'est de la reclassification vers le haut, c'est une force inflationniste, parce qu'il y a le poste de bibliothécaire, mais aussi les postes de conseillers juridiques, greffier, sous-greffier, il y a l'ensemble des postes. M. Young et ses collègues seraient peut-être contents de voir cette escalade des grades de chaque poste mais de notre côté, on doit essayer de prévenir de telles tendances inflationnistes dans la classification des postes.
On reconnaît l'importance du poste, l'étendue de ses fonctions, les attentes des parlementaires à l'égard de ces fonctions, et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes entendus avec M. Page que l'on permettrait une période de six mois pour voir la réalité et l'étendue du rôle. D'ailleurs, en vous écoutant ce soir, j'ai déjà l'impression que votre comité a des attentes élevées. On va en tenir compte et revoir la classification du poste.
Nous sommes arrivés à une solution spécifique à M. Page, qui lui a permis d'accepter le poste et de continuer, mais on va revoir la situation dans six mois, à la lumière de la réalité et à la lumière de l'étendue de son poste. On parlait de 50 ou de 150 employés, cela a une conséquence sur la classification du poste. On ajustera le tir, à ce moment-là.
[Traduction]
Le sénateur Ringuette : Ma deuxième question s'adresse à M. Nelson. Vous en êtes à la cinquième édition du registre en ligne. Vous avez mentionné que vous étiez en train de recevoir les rapports mensuels. Peut-être pas, mais vous vous préparez à le faire. Seront-ils diffusés en ligne?
Est-ce que les gens pourront soumettre leur rapport mensuel en ligne et y aura-t-il de la transparence? Je ne connais pas les noms des cabinets de lobbyistes, mais si un lobbyiste soumet son rapport, est-ce que j'y aurai accès en ligne? La transparence sera-t-elle à ce point?
M. Nelson : La grande réponse à cette question c'est oui et oui. Le premier « oui » c'est que dès maintenant, si l'on prend Hill & Knowlton Canada ou un autre cabinet de lobbying et qu'on veut connaître toute la liste d'activités pour lesquelles elle est enregistrée ou vérifier si des lobbyistes qui travaillent pour ce cabinet sont enregistrés, on peut déjà trouver l'information en ligne. Pour les rapports mensuels, ce sera exactement la même chose.
Selon la loi, tout lobbyiste qui est entré en contact avec l'un de ces titulaires d'une charge publique désignée (essentiellement les sous-ministres adjoints et leurs supérieurs, les ministres et leur personnel), quiconque a eu des communications ciblées par le Règlement, même s'il s'agit de communications orales ou de réunions organisées, sera tenu de présenter un rapport au commissaire au lobbying au plus tard le 15e jour de chaque mois sur toutes les communications visées par le Règlement qu'il a eu au cours du dernier mois.
C'est ce qui s'en vient. Nous nous attendons à des données assez volumineuses, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons dû moderniser notre registre parce qu'il n'avait pas été conçu pour cela. Il est né en 1996. Il n'était pas très bien documenté. Nous avons dû tout refaire. C'est pourquoi ma réponse est oui et oui.
J'ai voulu concevoir un registre que les gens pourraient découper en tranches et fouiller tout comme ils peuvent chercher des informations sur Google.
Le sénateur Ringuette : C'est très louable.
Mon autre question, c'est que si je prends Hill & Knowlton Canada, par exemple, un de ses rapports mensuels et que je suis au courant d'une réunion qui a eu lieu mais qui n'est pas mentionnée, qu'est-ce que je fais? Y a-t-il un mécanisme de plainte pour les Canadiens quelque part?
M. Nelson : Tout à fait. D'un certain sens, il existe déjà. La loi actuelle, et c'est la même chose dans le projet de loi sur le lobbying, n'empêche personne de se plaindre à moi.
Le sénateur Ringuette : Les gens peuvent se plaindre à vous?
M. Nelson : Oui, à moi, le directeur des lobbyistes. Nous examinons les cas problèmes.
Dans votre exemple, il y a deux façons d'obtenir l'information. D'abord, si vous savez qu'il y a eu une réunion, vous pourriez certainement la signaler au commissaire au lobbying. N'importe qui peut le faire; M. O'Sullivan pourrait la signaler au commissaire au lobbying. Il y a un autre aspect important à cette loi. Le commissaire a le pouvoir de demander des comptes aux titulaires d'une charge publique désignée que le lobbyiste affirme avoir rencontrés et de leur demander : « Avez-vous rencontré cet homme? Il affirme vous avoir rencontré. En fait, il affirme vous avoir rencontré à quatre reprises sur tel sujet à telles dates. Est-ce vrai? »
Le titulaire de charge publique en question doit répondre au commissaire dans les 30 jours afin de déterminer la véracité des faits, et le commissaire ira ensuite dire au lobbyiste ce qui se passe.
Le sénateur Ringuette : Il faut faire preuve de sens pratique et tenir compte du fait qu'il pourrait y avoir une omission ou deux dans un rapport mensuel.
Ce groupe de fonctionnaires comprend-il le Bureau du Conseil privé et le Cabinet du premier ministre? Qu'arrive-t-il si quelqu'un exerce des pressions sur M. O'Sullivan?
M. Nelson : M. O'Sullivan serait inclus, oui. Le groupe des titulaires de charge publique visés par la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et le projet de loi sur le lobbying est énorme. Ce groupe se compose de tous les honorables sénateurs, de tous les députés, de tous les membres des Forces canadiennes, de tous les membres de la GRC. C'est moi; c'est tout mon personnel; c'est nous tous ici présents. Les titulaires d'une charge publique désignée forment un petit sous-groupe de personne que la loi les définit comme des sous-ministres adjoints et des personnes de rang équivalent, mais le commissaire devra déterminer ce que signifie « rang équivalent ».
Par exemple, M. O'Sullivan est secrétaire adjoint. Je ne sais pas, mais il est probablement EX-4 ou ADM. Le commissaire sera en mesure de dire s'il s'agit d'un rang équivalent et qu'il fait partie des titulaires d'une charge publique désignée. Dans la diversité de la fonction publique, j'ai longtemps été ADM. J'ai porté le titre de vice- président, de directeur et toutes sortes d'autres titres. Le commissaire devra déterminer ce que signifie « rang équivalent ».
Les ministères ou organismes ne sont pas exclus de la liste; il suffit d'avoir un poste de rang équivalent. C'est le BCP, le Secrétariat du Conseil du Trésor, Santé Canada et la Défense nationale. C'est beaucoup de monde. Je serais porté à croire qu'il y a au moins 1 000 personnes et peut-être plus, qui sont titulaires d'une charge publique désignée.
Le sénateur Ringuette : Je le croirais aussi. Il y a 250 000 employés dans la fonction publique. Il y a 308 députés et normalement 105 sénateurs.
M. Nelson : C'est assez volumineux, madame le sénateur. Ce groupe comprend seulement les titulaires d'une charge publique désignée et seulement quand ils tiennent des réunions orales et organisées. Je vois ce qui se passe dans le registre seulement quand les gens enregistrent leurs activités tous les six mois. La différence avec cette nouvelle loi, c'est que nous pourrons voir le rythme des activités de lobbying. Plutôt que de recevoir des rapports tous les six mois, nous verrons si une personne exerce intensément des pressions sur tel titulaire d'une charge publique désignée. Supposons qu'il y ait un gros problème, qu'on voie les noms de sous-ministres et de sous-ministres adjoints. On pourra suivre mois par mois si le lobbyiste a parlé au SMA des finances à Santé Canada pendant le mois et que la semaine d'après, il a rencontré le sous-ministre.
Le sénateur Ringuette : Ils vont devoir préciser l'enjeu. Si je veux chercher quelque chose sur votre site pour savoir qui a fait des pressions sur qui, vais-je pouvoir le faire?
M. Nelson : Oui.
Le sénateur Nancy Ruth : Que le registre nous dira-t-il vraiment? Si vous me répondez en partie qu'on peut le diviser et le fouiller, voulez-vous ajouter quelque chose à ce que vous avez déjà dit?
M. Nelson : Je vais formuler ma réponse autrement. Il vous dira ce que vous lui demandez. Je suis justement en train de travailler à l'outil de recherche.
Le sénateur Nancy Ruth : Cependant, il ne me dira pas qui a rencontré qui dans un bar ou dans un ascenseur, comme cela arrive parfois.
M. Nelson : Peut-être. Il ne vous dira peut-être pas que les personnes se sont rencontrées dans un bar, mais si le lobbyiste est enregistré pour exercer des pressions sur Santé Canada, par exemple, la loi l'oblige actuellement à déclarer ses communications, y compris les communications informelles, et peut-être que l'intention est de rencontrer les gens de façon informelle.
Le sénateur Nancy Ruth : Le SMA n'est pas tenu de divulguer qu'il a rencontré telle et telle personne dans un ascenseur et qu'il a parlé de telle chose?
M. Nelson : Non, ce n'est pas obligatoire.
Le sénateur Nancy Ruth : Cela ne fonctionne que d'un côté?
M. Nelson : Oui.
Le sénateur Nancy Ruth : C'est l'un des facteurs sur lequel nous ne savons rien. Y a-t-il d'autres facteurs qui pourraient nous intéresser et sur lesquels ce registre ne nous renseigne pas?
M. Nelson : Par comparaison, les Américains s'intéressent toujours beaucoup plus à l'argent que nous. Notre loi ne parle pas d'argent, et la question a été soumise au Parlement et aux parlementaires à quelques reprises. En règle générale, les parlementaires affirment jusqu'ici ne pas s'intéresser autant à ce facteur qu'à d'autres. Le registre ne nous renseigne pas sur le salaire versé au lobbyiste. De temps en temps, il y a un article dans American Press sur ce que les lobbyistes en général dépensent en lobbying. En fait, il y a des commerciaux à la télévision en ce moment à ce sujet.
Notre registre ne parle pas d'argent. Il en parle quand même d'une façon; la nouvelle loi interdit en particulier le versement d'honoraires en fonction des résultats. On ne pourra plus entrer dans le bureau d'un lobbyiste en lui disant : « Si cette politique est adoptée, vous me payez; si je ne réussis pas à la faire adopter, vous n'avez pas besoin de me payer. » À partir de maintenant, ce sera illégal.
Le sénateur Nancy Ruth : Cela nous permettra de savoir que tel lobbyiste, telle personne et tel cabinet sont proches de telle personne, n'est-ce pas?
M. Nelson : Il permet de faire un suivi sur le lobbyiste, ses clients et d'autres éléments, comme si le client est une filiale d'une autre organisation ou si le client reçoit du financement gouvernemental. Nous demandons actuellement si les clients reçoivent du financement gouvernemental, particulièrement en ce qui concerne les associations et les personnes du genre. C'est toujours une question intéressante.
Le sénateur Nancy Ruth : J'aurais une question à poser sur un enjeu plutôt qu'une personne. Si je veux savoir combien de personnes ont fait du lobbying auprès de Monte Solberg depuis cinq mois afin qu'il augmente les congés parentaux au Canada, est-ce que c'est possible?
M. Nelson : Pour le moment, vous ne le pourriez pas. Actuellement, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes n'oblige pas un lobbyiste à déclarer qu'il a exercé des pressions sur Monte Solberg ou un autre député. Il faut dire quel ministère; on peut dire quel député. On peut choisir de ne pas divulguer l'information, parce qu'il n'y a pas d'obligation précise de la divulguer.
Le sénateur Nancy Ruth : Le lobbyiste n'est pas tenu de dire sur qui il exerce des pressions?
M. Nelson : Non, pas pour le moment.
Le sénateur Nancy Ruth : Quand vous dites « pas pour le moment », voulez-vous dire que ce pourrait changer?
M. Nelson : Oui, en vertu du projet de loi sur le lobbying, ce serait obligatoire si la personne est titulaire d'une charge publique désignée. C'est le sous-groupe dont je parlais. Si l'on exerce des pressions sur un titulaire d'une charge publique désignée et qu'on organise une réunion avec lui, qu'on prend le temps de s'asseoir pour lui parler, il faut donner le nom de la personne. C'est vraiment un grand pas en avant. Il faut déclarer qu'on va rencontrer tel ou tel ministre, si cette personne est titulaire d'une charge publique désignée. Pour faire la distinction, les sénateurs ne seront pas considérés comme des titulaires d'une charge publique désignée. Si une personne vous rencontre, elle n'aura pas besoin de vous nommer.
Le sénateur Nancy Ruth : Qu'arrivera-t-il si je reçois un courriel d'un organisme à but non lucratif, un ONG, qui me demande de bien vouloir parler avec le ministre de l'Agence canadienne de développement international afin qu'il augmente sa contribution aux réfugiés birmans sur la frontière thaïe parce que le prix du riz a bondi de 80 p. 100?
C'est du lobbying dans une certaine mesure, mais je ne sais pas si cet ONG est enregistré.
M. Nelson : Les ONG n'auront peut-être pas besoin de s'enregistrer. La loi autorise certaines choses. S'il se compose exclusivement de bénévoles, il n'aura jamais besoin de s'enregistrer parce que la loi actuelle comme la loi proposée sur le lobbying prescrivent qu'il doit y avoir un paiement. L'organisation doit payer des employés. C'est un critère d'application. Dans leur ensemble, les pressions exercées par l'organisation doivent représenter 20 p. 100 du temps d'une personne si c'est une personne en particulier qui fait du lobbying.
Si vous avez 20 employés et qu'ils font tous du lobbying 1 p. 100 de leur temps, ce sera un lobbying de 20 p. 100 pour toute l'organisation. C'est beaucoup plus facile dans le cas du vice-président des relations gouvernementales de Texaco, par exemple, parce qu'il est clair qu'il va consacrer 20 p. 100 de son temps à cette activité, ou peut-être ne devrait-il jamais se faire payer.
Ça devient plus hasardeux. Le commissaire devra être bien informé, parce que cette loi est obscure. Je serai le premier à admettre que même la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, pour une loi si courte, comprend bien des échappatoires. C'est le Parlement qui rencontre la diversité du monde. Dès qu'un projet de loi porte sur la diversité du monde, il y a toutes sortes de situations auxquelles les parlementaires n'ont pas pensé au départ.
Le commissaire au lobbying a un mandat explicite de sensibilisation et de communication afin de rendre les règles un peu plus compréhensibles pour que les titulaires de charge publique ne se posent pas exactement la question que vous posez : est-ce que je devrais me sentir mal à l'aise à cet égard? Je ne sais pas. Peut-être suis-je en train de parler à un lobbyiste non enregistré.
Il est plus judicieux, financièrement, d'aider les parlementaires et les titulaires de charge publique à comprendre la loi plutôt que de poursuivre les gens et de mener des enquêtes parce qu'ils ont peut-être contrevenu à la loi.
Le sénateur Nancy Ruth : J'essaie de la comprendre. Je vais utiliser un autre exemple : un certain nombre de personnes bien nanties ont des sociétés de portefeuilles où se trouve leur avoir. Le ministère des Finances du Canada essaie de trouver un moyen pour que les fondations privées reçoivent leur part de ces sociétés de portefeuilles et qu'elles jouissent d'une exemption sur les gains en capitaux. Cela équivaut à refiler le tout à une autre génération sans payer d'impôts en passant. C'est une idée qui ne me plaît pas trop, mais je sais que c'est quelque chose qui arrive.
Ces personnes croisent les ministres des Finances, les sous-ministres et autres hauts placés ici et là et partout, dans les réunions de partis et les comités de la Chambre de commerce. Ce n'est pas prévu. Je ne sais pas s'ils sont assez organisés pour embaucher un lobbyiste, mais je sais qu'ils sont partout et que le ministère des Finances du Canada se penche sur leurs agissements.
Puis-je savoir qui fait quoi pour organiser un blocus contre telle décision d'une manière que je n'estime pas saine pour le pays?
M. Nelson : Est-ce qu'il s'agit d'une coalition?
Le sénateur Nancy Ruth : Je ne sais pas.
M. Nelson : C'est difficile à savoir, parce que selon la loi, s'il y a une coalition et qu'elle embauche quelqu'un, le règlement s'applique. Vous mettez en relief l'une des difficultés de la loi, sauf qu'il est difficile de savoir sans mener enquête si telle personne doit s'enregistrer. C'est pourquoi si une personne pose la question à notre bureau et qu'elle décrit la situation que vous venez de décrire, puis qu'elle nous demande si elle doit s'enregistrer, nous allons lui dire que c'est à elle d'en décider. Nous lui montrerions la loi et l'informerions que si quelqu'un se plaint ou si nous croyons qu'elle devrait être enregistrée, nous allons la poursuivre.
Il y a beaucoup de cas où les gens n'exercent des pressions que de temps en temps et où ils ne sont pas payés, et le Parlement a déterminé dans sa sagesse que c'était permis.
Le sénateur Nancy Ruth : Cela arrive tous les vendredis dans tous les bureaux de députés.
M. Nelson : Il y a des principes énoncés au début de la loi qui précisent que c'est légitime. Il faut seulement déclarer sur qui on exerce des pressions, du lobbying. Ce doit être transparent. Le lobbying est légitime dans la mesure où il est transparent.
Le sénateur Nancy Ruth : Qu'y a-t-il d'autre que le registre ne nous dit pas à part les questions d'argent? Y a-t-il autre chose à dire dans l'exemple que vous nous avez donné?
M. Nelson : Il y a une chose que vous ne croyiez peut-être pas pouvoir savoir. Ce n'est pas tout à fait la réponse à votre question. Le registre indique si la personne a déjà été titulaire d'une charge publique et de quelle, un fait peu connu sur le registre. Si quelqu'un a déjà été sous-ministre, député ou même membre du personnel quelque part, nous avons la liste de tous les titulaires.
Le sénateur Nancy Ruth : Si la personne a déjà été emprisonnée, est-ce que c'est écrit?
M. Nelson : Non.
Le sénateur Nancy Ruth : Est-il écrit si la personne a déjà fait faillite?
M. Nelson : Non, ce n'est pas écrit; vous absolument raison. Je ne suis pas aussi bon que vous pour vous dire ce qui n'est pas là. C'est une excellente question.
Le sénateur Mitchell : C'est probablement une question évidente, mais je tiens à ce que ce soit bien clair. Vous avez mentionné que le vice-président des relations gouvernementales d'une entreprise atteindrait probablement facilement le seuil de 20 p. 100 et devrait déclarer ses activités. Si la présidente de la même entreprise participe à la dernière réunion afin d'y présenter un exposé, par exemple, devra-t-elle s'enregistrer en tant que lobbyiste ou échappera-t-elle à ce seuil?
M. Nelson : La réponse est oui, elle devra s'enregistrer. Il faut faire la distinction, la personne la plus haut placée dans une entreprise ou une organisation a la responsabilité d'enregistrer toutes les personnes au sein de son entreprise qui font du lobbying. Elle ne s'est peut-être pas enregistrée, mais si elle exerce des pressions ne serait-ce que 1 p. 100 de son temps ou que toute personne qui relève directement d'elle en exerce et que le seuil de 20 p. 100 est déjà atteint, dans la mesure où il s'agit d'un cabinet enregistré, la personne, la présidente, devra s'enregistrer elle aussi, tout comme le vice-président des services généraux de l'entreprise.
Le sénateur Mitchell : Supposons que ce ne soit pas une société de lobbying, mais une pétrolière.
M. Nelson : Oui, elle doit s'enregistrer si elle communique avec le gouvernement sur les sujets suivants, qui à mon avis, changent l'état des choses : les modifications législatives, les règlements, un programme; l'octroi d'un contrat, même si ce contrat est réservé aux lobbyistes consultants; ou l'octroi d'une subvention, d'une contribution ou d'un autre avantage financier. Si l'entreprise exerce des pressions à titre d'organisme du secteur de l'énergie, comme une société pétrolière, et qu'elle communique avec le gouvernement sur différentes questions politiques qu'on peut imaginer et qui tombent dans cette catégorie, c'est du lobbying.
Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné qu'on ne pouvait pas facturer d'honoraires en fonction des résultats pour avoir réussi à faire changer une politique ou peut-être obtenir une subvention.
M. Nelson : C'est ce que la nouvelle loi propose.
Le sénateur Mitchell : Cela se fonde sur les efforts de lobbying, ce qui semble sous-entendre à mon avis qu'on rencontre le titulaire d'une des charges publiques désignées.
Supposons qu'une entreprise remplisse simplement des formulaires de demande, qu'elle le fasse bien, qu'elle ait un bon bilan pour obtenir des subventions à ses clients, pourra-t-elle facturer des honoraires en fonction des résultats si son personnel ne rencontre pas le titulaire de la charge publique désignée?
M. Nelson : Cette interdiction s'applique aux lobbyistes consultants. Si une entreprise utilise son propre personnel afin d'exercer des pressions sur le ministre de l'Industrie pendant des mois afin d'obtenir une subvention ou une contribution, c'est du lobbying. Cependant, si elle donne à son personnel une prime au rendement, par exemple, pour ses bons résultats, ce ne sera pas considéré comme des honoraires en fonction des résultats. Par contre, si l'entreprise embauche un consultant extérieur afin de faire du lobbying pour elle, cette personne ne pourra pas facturer d'honoraires en fonction des résultats.
Le sénateur Mitchell : Cependant, le facteur d'application dans le contexte du lobbying, c'est qu'il faut que le lobbyiste rencontre quelqu'un. S'il ne rencontre personne ou qu'il ne rencontre pas le directeur général, ni le sous- ministre adjoint ni leurs supérieurs, qu'il parvient à ses fins à des échelons inférieurs, pourra-t-il facturer des honoraires en fonction des résultats?
M. Nelson : Il ne le pourrait pas. Votre question comporte deux parties. Si la personne n'a rencontré personne et qu'elle n'a organisé aucune réunion, ce n'est pas du lobbying. Si elle n'a fait que prodiguer des conseils stratégiques et dire : « Je pense que vous devriez rencontrer telle ou telle personne; je ne peux pas participer à la réunion; je ne peux pas faire d'appel pour vous, mais c'est ce que vous devriez faire », alors la personne pourra facturer des honoraires en fonction des résultats parce qu'elle ne sera pas enregistrée et ce ne sera pas considéré comme du lobbying.
Le président : Je voudrais être sûr qu'à votre avis, la nouvelle loi qu'on est en train de mettre en vigueur pour créer le poste de commissaire au lobbying lui conférera suffisamment d'indépendance pour faire son travail.
Si je me rappelle bien, c'est l'un des facteurs qui a motivé la nouvelle loi en vertu du projet de loi C-2, Loi fédérale sur la responsabilité. On jugeait que le Bureau du directeur des lobbyistes n'avait pas suffisamment d'indépendance pour parvenir aux résultats escomptés.
Au fur et à mesure que les choses avancent, avez-vous confiance qu'il y aura suffisamment d'indépendance?
M. Nelson : Je dois dire d'emblée que personnellement, je ne suis pas indépendant de la même façon que le commissaire le sera. J'ai incroyablement d'indépendance. Je n'ai jamais réussi à obtenir plus qu'un numéro d'identification de BlackBerry quand je travaillais pour des ministres, et j'ai travaillé pour quatre ministres dans deux gouvernements différents. Le personnel ne m'a jamais appelé, même s'il y a eu des moments de tentation dont on a entendu parler dans les médias. Personne n'est jamais allé plus loin que de demander ce qui se passait ici. C'est merveilleux. Je suis fier, en tant que fonctionnaire, de ce qui s'est passé.
Le commissaire au lobbying aura automatiquement ce statut. Il y a comme une aura autour du lobbying, même si les lobbyistes agissent honorablement, et jamais un politicien n'est allé jusqu'à m'appeler. Je pense que le commissaire au lobbying va être très indépendant et qu'il a les ressources qu'il faut pour faire son travail.
Le président : De qui le commissaire au lobbying relèvera-t-il?
M. Nelson : Il n'y a pas d'organigramme dans la loi. La Loi sur le lobbying dictera les exigences de rapport au Parlement.
Pour faire une distinction, en ce moment, je présente mes rapports au ministre Toews, par exemple. J'ai soumis quatre rapports d'enquête par son intermédiaire. Il a été remarquablement bon, tout comme ses prédécesseurs, parce que mes rapports ont été adoptés sans question. Le commissaire au lobbying soumettra directement ses rapports au Président de la Chambre, si je ne me trompe pas. Quoi qu'il en soit, il ne passera pas par un ministre. Il déposera un rapport annuel et tous ses rapports d'enquête.
Je pense, comme je l'ai dit devant d'autres comités, que quand je rencontre les représentants du Parlement devant les comités, c'est comme si je rencontrais mon patron. C'est ma seule chance de parler à mon patron. Je présume que le commissaire aura une attitude semblable à l'égard des comités.
Le président : Les comités cherchent habituellement d'autres indices pour assurer l'indépendance, comme le fait que le commissaire ait le pouvoir de soumettre des rapports séparément de son rapport annuel dès qu'il a le sentiment qu'il y a lieu de faire rapport au Parlement.
M. Nelson : C'est ce que prévoit la loi.
Le président : Il y a aussi sa nomination. Son mandat est d'une durée fixe, sauf révocation motivée, à moins que ce ne soit selon le bon vouloir du gouverneur en conseil?
M. O'Sullivan : Ce poste se caractérise par le maximum d'indépendance et de protection possibles, parce que c'est un poste de bon comportement. Le mandat dure tant que la personne se comporte bien, à titre inamovible pour un mandat de sept ans, ce qui est assez long. Habituellement, les nominations du gouverneur en conseil ne dépassent pas de trois à cinq ans. Par précaution, la personne ne peut être révoquée de son poste que pour une raison motivée par le gouverneur en conseil sur adresse du Sénat et de la Chambre des communes. Le commissaire jouit de cette protection supplémentaire. Ce n'est pas seulement le gouverneur en conseil qui décide; le gouverneur en conseil doit s'adresser au Parlement pour destituer la personne.
Le président : C'est un haut degré de protection pour que le commissaire puisse faire le travail qu'on attend de lui.
Pour ce qui est de son salaire, sera-t-il déterminé par un comité ou un groupe? Le budget du ministère ou du commissariat sera un autre objet de pression dès sa création. Le salaire de la personne sera toujours susceptible de faire l'objet de pressions si un gouvernement n'est pas heureux de la situation à l'avenir. Il peut couper les vivres, en gros, couper les fonds. Quelles sont nos garanties qu'il y aura de l'indépendance à cet égard?
M. Nelson : Au sujet du budget, celui de l'organisation est d'environ 4,5 millions de dollars par année. Il prévoit 28 équivalents temps plein (ETP). Le salaire affiché pour le poste plafonne à 181 000 $. Ce n'est pas très différent du salaire que je touche en ce moment, et il reste encore un million de dollars dans le budget. Si l'on regarde les choses sous cet angle, il semble y avoir de la place pour le salaire du commissaire.
Le président : Qui a décidé du budget et du nombre d'équivalents temps plein? Ces paramètres pourront-ils changer?
M. Nelson : C'est le Parlement qui a pris cette décision. Elle a été prise dans le cadre du Budget principal des dépenses et des rapports sur les plans et priorités, entre autres. Les comités parlementaires peuvent choisir de revoir ces paramètres chaque année, donc ils en auront le choix.
Le président : Alors est-ce le Conseil du Trésor qui prend cette décision et la soumet au Parlement?
M. Nelson : Je ne vous apprendrai rien, mais les présentations au Conseil du Trésor donnent au ministre responsable le pouvoir de demander au Parlement certaines sommes d'argent. C'est là où nous avons besoin des fonctionnaires du Conseil du Trésor. Ce serait très transparent si ce budget était réduit, parce que la proposition devrait être soumise au Parlement.
C'est tout ce que je peux vous dire sur le sujet, si ce budget était réduit, il le serait de manière très transparente.
Le président : La transparence serait utile.
Monsieur O'Sullivan, pouvez-vous nous éclairer davantage?
M. O'Sullivan : Ce poste fait l'objet d'une rémunération déterminée par le gouverneur en conseil. En gros, quand un poste jouit d'une protection si élevée, la rémunération témoigne du haut niveau hiérarchique du poste. Un gouvernement serait bien malavisé de couper les vivres au commissaire au lobbying en cours de route. Cela équivaudrait à congédier la personne et serait jugé contraire au bon comportement, à la protection de la loi qui prévoit que le commissaire ne pourra être destitué que pour des raisons motivées.
Le président : Je suis d'accord avec vous. Pour ce qui est du budget général du bureau, le budget de tout le personnel viendra du Conseil du Trésor. Y a-t-il de la protection à ce chapitre? Je me rappelle que quand nous avons rencontré la vérificatrice générale, c'était un sujet d'inquiétude pour son indépendance.
M. O'Sullivan : Je crains que ce soit hors de mon champ de compétence. Je ne voudrais pas m'exprimer à ce sujet.
Le président : Je comprends. Je sais que vous vous êtes déplacés tous les deux à très court préavis, mais j'ai pensé essayer de poser quelques questions. En fait, nous avons très bien réussi à aborder beaucoup de vos préoccupations.
Je vous remercie tous les deux d'être venus ici aujourd'hui. Nous avons hâte que le règlement sur le commissariat au lobbying soit approuvé et que le commissaire entre en poste autour du 1er juillet prochain. J'espère que tout se déroulera comme prévu et que nous aurons de bonnes nouvelles à célébrer. Il y a longtemps que nous l'attendions. Ce projet de loi suit sont cours depuis environ 18 mois, il a reçu la sanction royale il y a environ 17 ou 18 mois. Nous avons hâte que toutes les promesses qu'il comportait il y a deux ans portent fruit.
Je vous remercie tous les deux infiniment d'être venus ici. La réunion est terminée.
La séance est levée.