Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 12 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 13 mai 2008
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2009.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
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Le président : Bonjour à tous et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m'appelle Joseph Day, je représente la province du Nouveau-Brunswick au Sénat, et je suis le président du comité.
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Notre comité s'intéresse aux crédits et aux modes de fonctionnement du gouvernement. Nous le faisons en examinant les budgets des dépenses et les crédits présentés aux agents du Parlement pour qu'ils puissent exercer leurs fonctions ainsi que les lois d'application des budgets et autres questions renvoyées devant le Sénat et rapportées au Sénat par notre comité.
Aujourd'hui, dans le cadre de l'examen effectué par notre comité du Budget des dépenses de 2008-2009, nous nous penchons sur l'étude des crédits fédéraux affectés aux infrastructures et aux activités connexes, notamment en ce qui a trait à la participation des organismes fédéraux de développement régional à l'affectation des crédits liés aux infrastructures.
J'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui le président de la Fédération canadienne des municipalités, le conseiller Gord Steeves, de la Ville de Winnipeg. M. Gabriel Miller, directeur des relations intergouvernementales, l'accompagne.
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J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue aux étudiants et étudiantes du cégep de Sainte-Foy, gagnants du concours oratoire, qui sont ici aujourd'hui comme invités du sénateur Dawson, sénateur de la ville de Québec.
Nous allons débuter la séance avec la présentation de M. Steeves et nous continuerons avec une période de questions et de discussions.
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Gord Steeves, président, et conseiller, Ville de Winnipeg, Fédération canadienne des municipalités : L'un de vos collègues, le sénateur Stratton, représente Winnipeg, et nous sommes très fiers de lui. C'est avec plaisir que nous nous présentons devant votre comité aujourd'hui.
Comme il l'a déjà fait par le passé, votre comité a bien voulu inviter la Fédération canadienne des municipalités, et nous en sommes très honorés. Nous ferons de notre mieux pour vous exposer nos grandes orientations et les différentes politiques que nous préconisons. Si vous estimez que nous nous égarons ou si vous tenez à aborder des sujets que nous n'avons pas abordés, n'hésitez pas à intervenir et à orienter la discussion dans le sens que vous souhaitez. Notre rôle est évidemment ici d'informer et d'aider votre comité dans toute la mesure de nos moyens.
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Ce matin, je vais surtout parler en anglais, qui est ma langue principale, mais si vous avez des questions en français, on peut essayer de répondre en français. La fédération est une organisation bilingue, donc M. Miller et moi serons heureux de vous répondre dans les deux langues.
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Nous souhaitons que notre comparution d'aujourd'hui réponde aux attentes de votre comité. Les sénateurs connaissent la FCM et savent ce que nous faisons. Notre organisation représente l'ensemble des municipalités du Canada. À l'heure actuelle, 1500 municipalités sont affiliées à notre organisation. Par voie de conséquence, nos membres représentent environ 90 p. 100 de la population canadienne. Bien entendu, notre rôle est avant tout d'essayer d'orienter, dans toute la mesure de nos moyens, les politiques du gouvernement fédéral pour le plus grand bien des municipalités de notre pays.
Je vais axer ma présentation sur les principes clés que nous avons communiqués au gouvernement du Canada en ce qui concerne un modèle de financement fédéral efficace et efficient pour les infrastructures. Je crois que ces principes peuvent offrir un cadre utile qui permet d'évaluer les programmes fédéraux passés, actuels et à venir.
Avant d'exposer nos principes, je me propose de souligner les raisons qui expliquent toute l'importance de ces questions en évoquant les principaux résultats d'un sondage entrepris récemment au niveau national par la FCM sous l'égide de notre conseiller stratégique. La santé, et ce n'est pas une surprise, a été considérée comme la grande priorité en matière de politiques publiques. Nous avons été quelque peu surpris, toutefois, de voir que pour les Canadiens la deuxième priorité était l'aide devant être apportée aux municipalités en matière d'infrastructures, ceci bien avant d'autres priorités concurrentes telles que l'enseignement supérieur, les changements climatiques, le développement économique ou les questions touchant la politique étrangère et l'Afghanistan. Ce sont là évidemment des sujets graves et importants, mais les questions qui nous intéressent préoccupent désormais au plus haut point la population canadienne.
La moitié ou plus de la moitié des Canadiens et 70 p. 100 des habitants des grandes villes considèrent que les investissements en matière d'infrastructures ont pris du retard, et plus de 90 p. 100 d'entre eux estiment que le gouvernement fédéral devrait apporter une aide financière aux municipalités en matière d'infrastructures. Environ 67 p. 100 des Canadiens considèrent que tout excédent budgétaire devrait être affecté aux secteurs ayant besoin de financement plutôt qu'à la baisse des impôts.
De toute évidence, les infrastructures ont leur importance aux yeux des contribuables de notre pays. Il faut donc féliciter votre comité de se pencher sur ces questions aujourd'hui.
Un autre engagement du gouvernement du Canada que je tiens aussi à souligner, c'est son soutien en faveur des infrastructures municipales de notre pays. L'histoire récente des investissements fédéraux dans les infrastructures municipales remonte au premier programme lancé en 1994, mais c'est au cours des trois ou cinq dernières années que les crédits affectés par le gouvernement aux municipalités ont subi un bouleversement complet. C'est l'insistance sur le long terme de la part du gouvernement, tout à fait la bienvenue, qui a fait toute la différence. À compter du budget de 2006, le gouvernement a clairement reconnu la nécessité d'une perspective d'investissement à long terme en matière d'infrastructures, la période prévue au départ étant de sept ans. Le budget de 2008 a fait un grand pas en avant en établissant un impôt permanent. Pour la première fois, le gouvernement entérine la nécessité de planifier et d'investir à très long terme, sur une durée incroyablement longue, en matière d'investissements. C'est le premier principe, tout à fait fondamental, par lequel je voulais commencer.
Le financement des infrastructures doit se faire à très long terme, sur des périodes de 30, 50 ou même 70 ans. Les crédits ponctuels affectés par le gouvernement fédéral ont certes été utiles, mais ils n'ont pas pu apporter la solution à long terme dont nous avions besoin pour résorber le déficit permanent estimé à 123 milliards de dollars en matière d'infrastructures. Il faut en matière d'infrastructures municipales que les investissements fédéraux tiennent compte du fait que ce sont des investissements à long terme qui exigent de la part de tous les paliers de gouvernement des engagements et des crédits affectés à une stratégie à long terme comportant des priorités sur lesquelles tout le monde s'est entendu.
C'est exactement de cette façon qu'on s'y est pris ces dernières années, avec que tant de succès, pour résorber le déficit budgétaire fédéral. Les pouvoirs publics ont pris résolument l'engagement de supprimer ce déficit dans les cinq ans. Ce fut, dans une large mesure, un succès, et nous nous en souvenons tous.
Dans le cas des infrastructures, il a fallu une génération pour en arriver au déficit actuel. Nous croyons qu'avec une bonne planification et des ressources suffisantes, il est possible de l'éliminer en une génération, soit environ 20 ans. Un plan à long terme amènera une certitude à long terme pour le financement des infrastructures, qui favorisera de nouvelles mesures d'efficacité, de nouvelles technologies et des pratiques exemplaires dans le domaine des infrastructures. Ce plan doit être basé sur un engagement réel visant à éliminer le déficit des infrastructures, ainsi que sur des priorités et des stratégies d'investissement convenues à l'avance.
À notre avis, il convient que le gouvernement fédéral, en collaboration avec les gouvernements des provinces et des territoires, et en association avec les municipalités par l'intermédiaire de la FCM, élabore un projet législatif à long terme visant à répondre aux besoins nationaux en matière d'infrastructures. Dans l'idéal, il faudrait que ce projet prévoie l'établissement d'un mécanisme d'indexation de la taxe sur l'essence pour protéger la valeur de cet investissement indispensable afin de lutter contre les effets de l'inflation et de l'augmentation des besoins.
Vous devriez savoir, et vous le savez probablement, qu'il est d'usage au sein des municipalités et à d'autres paliers de gouvernement chargés de financer des projets d'infrastructures de prévoir des augmentations budgétaires de 2 p. 100 par mois au titre de l'inflation pour chacun des projets. Voilà un taux d'inflation élevé, quel que soit le projet, mais il s'est confirmé ces trois dernières années étant donné l'accélération des coûts enregistrés au titre de ces projets très onéreux.
En second lieu, il convient de prévoir un prolongement à long terme des programmes mis en place pour être plus sûr de l'avenir, faciliter la programmation à long terme, réduire les délais entraînés par les négociations et éviter toute interruption inopinée du financement. Même si, par exemple, le Fonds Chantiers Canada est à bien des égards un excellent programme, lorsqu'on arrive au niveau des provinces et des territoires, on constate que bien des crédits qui ont été engagés il y a déjà plusieurs mois ne sont pas encore parvenus entre les mains des municipalités, qui en ont précisément besoin pour leurs projets.
Troisièmement, nous avons besoin d'un plan d'intervention et d'un projet d'études d'ensemble visant à mieux déterminer la nature des besoins de nos municipalités en matière d'infrastructures et à nous fixer des objectifs pour ce qui est de résorber notre déficit dans ce domaine tout en nous dotant d'indicateurs nous permettant de comparer les progrès réalisés par rapport aux objectifs fixés sur une période donnée. Il nous faut intégrer ce plan a un programme d'établissement et de communication de normes d'excellence concernant les façons d'opérer et l'application des nouvelles techniques et des nouvelles méthodes de recherche entre les différents paliers de gouvernement.
Il convient aussi d'intégrer à long terme les crédits fédéraux en matière de transport urbain, dont le montant s'est révélé essentiel, mais aléatoire et à court terme, ces dernières années. Le problème que nous avons pu relever récemment, compte tenu du mode de fonctionnement au jour le jour des municipalités, c'est qu'à partir du moment où les crédits prévus pour le transport urbain ne sont pas placés dans une caisse permanente dans laquelle on peut toujours prélever des crédits dans un but bien précis, les programmes de transport urbain ne voient tout simplement pas le jour. Cela s'explique par le fait que le transport urbain peut se perdre dans les méandres de l'établissement des crédits et des priorités des provinces ou des territoires en matière d'infrastructures.
La difficulté, dans la pratique, vient du fait qu'au niveau des provinces et des territoires, en chiffres absolus, la plus grande partie des municipalités n'ont aucun besoin en matière de transport urbain. Ainsi, la Saskatchewan compte près de 800 municipalités, et il n'y en a même pas cinq qui ont besoin du moindre programme de transport urbain. À partir du moment où l'on demande aux municipalités de se prononcer en termes de priorités sur les programmes d'infrastructures, seule une minorité va demander à bénéficier d'un programme de transport urbain, ce qui fait que ce programme deviendra parfois moins prioritaire, compte tenu justement du fait qu'un si grand nombre de municipalités n'en verra pas l'intérêt.
L'inconvénient d'un tel mode de fonctionnement, c'est que des grandes villes comme Toronto, Montréal, Vancouver, Edmonton et Calgary n'arrivent pas dans certains cas à toucher les crédits nécessités par ces programmes de transport urbain très onéreux. Si les grandes villes ne réussissent pas à avoir cet argent, le risque, bien entendu, c'est que l'on abandonne les programmes de transport urbain. Les avantages de ce mode de transport, sur le plan de la circulation et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sont tout simplement astronomiques, comparativement à la rentabilité des crédits affectés aux municipalités rurales.
La seule solution, à notre avis, c'est que le gouvernement fédéral en revienne à affecter spécialement des crédits au transport urbain. Nous n'en voulons pas moins maintenir les crédits de financement s'appliquant à des infrastructures comme les routes et les ponts; c'est une chose très importante. Nous sommes très favorables au programme de financement du transport urbain. En son absence, nous avons constaté qu'il y avait moins de projets qui se réalisaient.
Il faut aussi que le gouvernement prenne l'initiative de la mise en place de nouveaux programmes de financement nationaux au titre des nouveaux défis qui s'annoncent en matière d'infrastructures, notamment l'adaptation aux changements climatiques et l'établissement de nouvelles normes nationales concernant les eaux usées. Je me suis rendu dernièrement dans le Nord, au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Laissez-moi dire aux honorables membres de ce comité que l'éventualité de changements climatiques dans le nord, vous le savez probablement, est une chose du passé. Il s'agit aujourd'hui dans le nord du Canada de lutter activement contre les effets réels de ces changements climatiques. Là-bas, toutes les constructions ont des fondations ancrées dans le pergélisol. L'étendue du pergélisol diminuant, les routes se mettent à onduler et les infrastructures à s'enfoncer. Les gens de la région estiment que loin de s'améliorer, le problème va empirer, et pas à moyen ou à long terme, mais à court terme, ce qui va avoir d'énormes répercussions financières.
Ce sont là des problèmes que nous devons aborder. En ce qui concerne les normes s'appliquant aux eaux usées, vous êtes certainement au courant de la situation qui règne à Winnipeg. Dernièrement, la province du Manitoba a décrété que, si elle voulait conserver son permis d'adduction d'eau à ses citoyens, la Ville de Winnipeg devait mettre en place un programme d'amélioration de ses infrastructures d'un montant de 1,5 milliard de dollars pour rénover ses canalisations d'adduction d'eau lors des 20 prochaines années; 1,5 milliard de dollars, c'est beaucoup d'argent pour une ville qui en moyenne a un budget d'investissement de quelque 250 à 300 millions de dollars chaque année. Voilà qui obère terriblement la fiscalité de la Ville de Winnipeg, ce qui va probablement entraîner un doublement, au cours des 15 prochaines années, des tarifs d'adduction d'eau et d'égouts par la municipalité de Vancouver. On voit se reproduire le même genre de situation, pour des raisons différentes, à l'échelle du pays.
Nous incitons par ailleurs le gouvernement à établir des partenariats entre le public et le privé, des financements PPP, à se doter de bureaux et à prévoir des crédits visant à optimiser les programmes d'accès et à renforcer l'innovation. Il faudra dans ce cadre prendre des dispositions pour mettre en place des projets répondant aux besoins des petites communautés urbaines et rurales afin de rénover les infrastructures.
Enfin, la FCM et ses membres ont défini un certain nombre de moyens visant à améliorer le fonctionnement et l'efficacité des programmes de mise en place des infrastructures. Nous avons rédigé un rapport. Nous incitons le gouvernement à mettre en application ces recommandations.
Nous considérons qu'une bonne comptabilité des crédits d'investissements fédéraux en matière d'infrastructures municipales passe d'abord par l'établissement de critères de mesure et d'objectifs clairs et faisant l'objet d'un consensus. Le devoir de rendre des comptes exige qu'on puisse rapprocher les résultats obtenus des buts et des objectifs fixés. Il conviendra bien sûr de tenir compte des priorités politiques fédérales en vigueur dans ce cadre, mais les principes généraux seront arrêtés en collaboration avec les provinces, les territoires et les municipalités dans le cadre de l'élaboration d'un plan à long terme. Seul un cadre comptable élaboré en commun permettra de procéder à l'évaluation et de rendre compte des données pertinentes à la population canadienne et à chacun des paliers de gouvernement.
Alors, où en sommes-nous aujourd'hui? De toute évidence, l'annonce dans le budget de 2008 visant à rendre permanente la taxe sur l'essence représente un énorme pas en avant en vue d'atteindre ces principes clés et offre un modèle sur lequel tous les investissements futurs devraient être basés : une administration à long terme, souple et simplifiée. Ce qui manque, c'est une justification claire — éliminer le déficit des infrastructures municipales d'ici 2025. Nous croyons que la prochaine étape consiste à enchâsser l'engagement de rendre permanente la taxe sur l'essence dans une loi, avec un cadre de responsabilité intergouvernementale clair, pour éliminer le déficit des infrastructures d'ici 20 ans.
Enfin, je tiens à évoquer brièvement la conception administrative des programmes existants, qui a été l'un des sujets de discussion lors de vos dernières réunions. Les responsables municipaux, qui sont en première ligne pour ce qui est de la fourniture des services essentiels aux collectivités canadiennes, comprennent bien que le gouvernement exige que l'on rende des comptes. Tous les jours, ils ont le devoir de rendre compte de la façon dont ils fournissent ces services.
Le devoir de rendre des comptes, bien évidemment, n'est pas unilatéral. Tous les gouvernements impliqués dans cette opération doivent rendre compte de la façon dont ils dépensent leur argent. Ce n'est pas non plus la multiplication des formalités administratives qui permet de bien rendre des comptes. Elles ne font qu'augmenter le coût de mise en application. Il nous faut écarter l'expédient qui consiste à exiger toujours plus de formalités. Un sondage mené auprès de nos membres en 2006 et notre propre expérience des programmes d'infrastructures fédéraux nous incitent fortement à penser que le fardeau administratif imposé aux municipalités est trop lourd. Cela nous amène à dire que pour le moins une rationalisation s'impose et que des critères de rendement doivent être appliqués à tous les nouveaux projets.
Il sera plus difficile de rendre des comptes au contribuable local et d'assurer une bonne comptabilité publique d'ensemble si l'on fait passer les critères fédéraux avant les critères d'application municipaux. Il convient de reconnaître la véritable nature des municipalités — ce sont des paliers de gouvernement responsables — et ne pas les traiter comme des sociétés privées ou à but non lucratif qui signent des accords de participation avec le gouvernement fédéral.
En ce qui a trait au Fond sur l'infrastructure municipale rurale (FIMR) et à la mise en place du Fonds Chantiers Canada (FCC), si tant est que votre comité se penche sur cette question, laissez-moi vous dire, en tant que responsable municipal et compte tenu de notre expérience en matière d'application et d'administration de l'ancien FIMR, que les résultats obtenus par ce programme n'ont pas été excellents. Par conséquent, nous avons grand espoir que l'administration et la conception du FCC sera novatrice et donnera de bien meilleurs résultats.
Il faut que l'aménagement du FCC sur le plan administratif offre plus de souplesse et de garanties d'exécution, comme ce fut le cas pour les programmes antérieurs, afin de conserver et renforcer les avantages des plans municipaux existants. Nous considérons que la trop grande rigidité administrative de ces programmes influe défavorablement sur l'établissement des priorités locales et donne lieu à une affectation des crédits qui n'est pas optimale. La FCM estime qu'au lieu de mettre en place des programmes exécutés au coup par coup, le gouvernement du Canada ferait mieux de s'inspirer du modèle du Fonds de la taxe sur l'essence.
L'établissement du Fonds de la taxe sur l'essence représente un progrès marquant sur le plan de l'aide apportée par le gouvernement du Canada aux municipalités qui investissent en matière d'infrastructures. Non seulement la politique de transferts a permis d'augmenter de manière significative le montant des investissements fédéraux en matière d'infrastructures, mais elle représente en outre un outil de financement auxquels les municipalités et les collectivités peuvent accéder plus facilement, ce qui leur permet de mieux planifier les priorités locales en matière d'infrastructures. En prenant l'engagement de pérenniser la taxe sur l'essence, le gouvernement actuel a fait un pas dans la bonne direction pour appuyer la planification effectuée par les municipalités. Il n'en reste pas moins qu'aucune disposition n'a été prise en matière d'indexation, comme je l'ai évoqué tout à l'heure, afin de protéger la valeur des montants de transfert lors de prochaines années. Sans ce dispositif d'indexation, la valeur réelle du FTE diminuera de manière significative par rapport aux besoins effectivement rencontrés au cours des prochaines années. Les municipalités sont actuellement placées devant ce déficit de 223 milliards de dollars qui a été évoqué, et l'on ne pourra véritablement y faire face que si l'on adopte véritablement une politique à long terme. À notre humble avis, le gouvernement du Canada doit se demander quelle est sa vision pour l'avenir des villes et des collectivités canadiennes et quels problèmes il est prêt à régler pour préserver la qualité de vie, la santé et la sécurité des Canadiens.
Je conclurai en disant que même si les défis à relever sont énormes, nous considérons, au sein de la Fédération canadienne des municipalités, que nous avons réussi dans une large mesure à établir un véritable partenariat avec le gouvernement fédéral pour faire face aux difficultés rencontrées par les municipalités en matière d'infrastructures lors de ces cinq dernières années et même plus. Nous comptons sur la collaboration permanente de tous les partis fédéraux pour répondre aux besoins très réels des citoyens que nous représentons.
Le président : Merci, monsieur Steeves. J'apprécie que vous ayez pris le temps de passer en revue un certain nombre des entretiens que nous avons eu avec d'autres organismes de subventions et divers programmes et organismes de développement économique régional. Vous nous avez présenté différents arguments qui vont éventuellement susciter un certain nombre de questions.
Le sénateur Stratton : Je vous retourne le compliment en vous disant que vous faites un excellent travail pour les citoyens de notre ville.
J'aimerais revenir sur votre déplacement dans le nord. La fin de semaine dernière, je suis allé à The Pas, Wabowden et Thompson, au Manitoba, pour le compte de Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, DEOC, parce que je voulais voir sur place comment fonctionnait cet organisme, que nous avons étudié. On n'y parlait pas de changements climatiques. Il faisait froid là-bas, les gens attendaient le printemps comme dans tout le reste du pays, et ils étaient très impatients parce que l'hiver a été long et froid.
The Pas avait besoin d'argent pour une station de pompage des eaux usées, financée par DEOC, et dans le cas de Wabowden il s'agissait d'une nouvelle station de traitement des eaux. Il faut généralement cinq ans pour mener à terme le dossier d'affectation des crédits entre le moment où la première demande est présentée et la fin de l'opération. J'aimerais que le conseiller me dise ce qu'il en pense. Il y a ensuite la question du mécanisme de sélection. Un conseil des régions du Nord examine toutes les demandes et se prononce ensuite. On peut comprendre dans une certaine mesure pourquoi la procédure est si longue, mais c'était assez intéressant à observer. Les collectivités étaient très contentes de pouvoir disposer de cet argent.
Le Nord du Manitoba est en pleine expansion. Le bois d'œuvre se porte mal, mais ce n'est pas le cas des pâtes et papiers. Quant aux mines, c'est une véritable explosion économique. On ne peut pas trouver assez de personnel. DEOC a affecté des crédits à un programme de formation des Autochtones pour les futurs mineurs de Vale Inco parce que cette dernière manque terriblement de personnel. On veut là-bas que la formation des Autochtones se poursuive. C'est un point de plus. Il me semble que DEOC fait un bon travail. La difficulté vient du temps qu'il faut pour qu'un projet voit le jour.
Le transport urbain est un gros problème pour les grandes villes — Montréal, Toronto, Vancouver et dans une moindre mesure des villes comme Winnipeg — mais à partir du moment où l'on exprime l'intention de financer des métros ou des trains suspendus pour les grandes villes, les habitants des petites municipalités deviennent nerveux et se demandent ce que l'on compte faire pour le réseau routier. C'est ce qui les intéresse.
Y a-t-il un compromis possible? Je pense que la Saskatchewan possède le plus grand nombre de kilomètres de grandes routes de toutes les provinces du pays. On se plaint toujours du financement des grandes villes alors que la Saskatchewan a un problème bien particulier. Qu'avez-vous à dire au sujet des compromis possibles? Nous sommes au Canada, un pays où l'on s'est toujours efforcé de maintenir un certain équilibre.
M. Steeves : Voilà une excellente question. Plus qu'une question en soi, c'est un bon résumé des impératifs de la politique de notre pays et des défis qu'il nous faut parfois relever au plan régional. Un très gros pourcentage de notre population vit dans un petit nombre de grandes villes. Mais il est évident par ailleurs que nous devons être les gardiens et prendre la responsabilité d'une quantité de petites collectivités éparpillées sur un énorme territoire. Le sénateur vient de mettre le doigt sur une des plaies qui caractérisent les relations entre nos municipalités en matière d'infrastructures.
Je peux prendre l'exemple du Manitoba, car il illustre bien ce qui se passe à l'échelle du pays. Lorsque la taxe sur l'essence a été instaurée, par exemple, une répartition a été faite entre la grande ville et le reste du Manitoba. Les deux tiers de la population du Manitoba sont à Winnipeg. Il y a eu une répartition au prorata des crédits résultant de la taxe sur l'essence, mais un certain montant a été mis de côté pour affecter des crédits au transport urbain parce que ce problème n'existe pas ailleurs.
Je n'irai pas jusqu'à dire que le problème a été résolu, mais je reviens au fait que la FCM s'est véritablement penchée sur le problème et a cherché à le résoudre avec ses membres à l'échelle du pays. Nous en sommes inévitablement venus à la conclusion que pour éviter que les municipalités en viennent à des luttes intestines pour financer les besoins municipaux et obtenir les crédits nécessités par le transport urbain il était préférable — de notre point de vue — de mettre de côté un certain montant d'argent au niveau fédéral pour financer le transport urbain afin que tout le monde sache qu'il s'agit là d'une priorité établie par le gouvernement fédéral et que c'est au transport urbain que cet argent doit être affecté. Si j'en crois mon expérience, cela soulage d'autant les municipalités, qui n'ont plus à se battre pour cet argent, et permet de dégager l'immense majorité des crédits consacrés aux infrastructures pour que les petites municipalités puissent les affecter en fonction de leurs priorités, comme le réseau routier par exemple.
Bien des gens ont alors la satisfaction de savoir que ces projets de transport urbain sont largement pris en compte, et de leur côté les grandes villes sont rassurées en voyant que l'on tient compte des nécessités du transport urbain, l'une de leurs grandes priorités.
Dans les grandes villes, tout le monde s'intéresse en priorité désormais au transport urbain, étant donné, notamment, le coût de l'essence. Traditionnellement, la Ville de Winnipeg ne dépensait pas beaucoup au titre du transport urbain. Toutefois, elle a enregistré cette année un million de passagers supplémentaires en raison uniquement du coût de l'essence, ce qui a totalement pris par surprise notre administration.
Nous devons vraiment mettre ces montants de côté. Par le passé, nous avions besoin de 2 milliards de dollars au titre de notre plan de transport urbain, ce qui est plus ou moins réaliste dans le cadre actuel. L'essentiel, c'est de disposer d'une caisse distincte, nous réglerons la question des montants plus tard.
Le sénateur Stratton : Le gros problème, c'est celui de l'âge des infrastructures. Les infrastructures de The Pas datent de 1970 et celles de Wabowden de 1973, elles ont donc bien vieilli. Winnipeg est placée devant la difficulté de devoir rénover ses infrastructures d'adduction d'eau au coût de 1,5 milliard de dollars. Vous pouvez imaginer les coûts que représente le financement des infrastructures de The Pas et de Wabowden au Manitoba, multipliés à l'échelle du pays. Vous l'avez dit, cela se monte à 123 milliards de dollars. Sur 20 ans, cela représente quelque 6 milliards de dollars par an, en plus de l'indexation.
M. Steeves : C'est le chiffre, j'imagine. Nos prévisions sont probablement plus réalistes que les vôtres pour ce qui est des fonds que peuvent accorder les autres gouvernements.
Le sénateur Stratton : Nous aimerions tous pouvoir le faire, mais je suis inquiet parce que 6,5 milliards de dollars par an plus une clause d'indexation, cela fait beaucoup d'argent chaque année. Nous savons qu'il faut répondre à ces besoins. Merci de votre exposé et nous vous souhaitons bonne chance dans tout ce que vous essayez de faire pour les citoyens de Winnipeg.
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Le président : Avant de passer au prochain sénateur, j'aimerais poser une petite question concernant l'infrastructure au Québec.
Si on parle du pont de Québec ou des autres ponts sur les routes au Québec, le gouvernement fédéral a-t-il la responsabilité de réparer ces infrastructures?
M. Steeves : Oui, bien sûr, je crois qu'il existe un nouveau programme ou une nouvelle direction, à Québec, faisant en sorte que le gouvernement provincial a pris la responsabilité de l'infrastructure des ponts particulièrement. Je sais qu'il y a un nombre exact au Québec où le gouvernement provincial a confirmé qu'ils étaient maintenant responsables de la maintenance de ces ponts.
Ma réponse est oui, le gouvernement fédéral a la responsabilité. Il peut probablement se décharger de cette responsabilité par un transfert de fonds d'un palier du gouvernement fédéral à un palier du gouvernement provincial afin d'examiner les projets d'infrastructures au Québec. Et le gouvernement provincial doit travailler avec les gouvernements municipaux au Québec afin de trouver des solutions spécifiques au niveau municipal. Je ne suis pas un expert en ce qui concerne les détails des programmes, mais je crois que le gouvernement provincial travaille fort pour reprendre la responsabilité de la maintenance des ponts spécifiques à la province du Québec. Je ne suis pas certain du nombre de ponts exactement ou de la situation des ponts, mais c'est un peu différent au Québec.
Je ne sais pas si c'est la réponse que vous cherchiez, mais oui, il y a un rôle, une responsabilité du gouvernement fédéral, mais il y a aussi une organisation spécifique au Québec qui est différente des autres provinces et territoires.
Le président : Merci. Nous avons maintenant l'ancien maire de Toronto et un ancien ministre fédéral, le sénateur Eggleton.
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Le sénateur Eggleton : Vous mettez l'accent sur le transport urbain et sur la nécessité d'y affecter un fonds spécial. Je suis tout à fait d'accord. Le ministre chargé des questions urbaines a annoncé il y a un an — je crois que c'était lors de votre conférence de Calgary — que l'on allait adopter une stratégie en matière de transport urbain. Dans le dernier budget, 500 millions de dollars ont été affectés au transport urbain.
Tout d'abord, avez-vous été consultés au sujet de cette stratégie de transport urbain annoncée par le ministre? En second lieu, que représentent ces 500 millions de dollars par rapport aux besoins de transport urbain? Il convient d'apprécier les enjeux du transport urbain en termes de congestion de nos grandes villes et des blocages économiques qu'ils entraînent, ce qui justifie qu'on s'y intéresse de près. Pouvez-vous nous dire quelques mots de cette consultation et de l'importance des crédits alloués par rapport aux besoins?
M. Steeves : C'est là encore une excellente question. Comme toujours, les sénateurs savent relever les points importants.
Notre organisation a pris part à l'élaboration de l'accord-cadre s'appliquant aux transports urbains. Je pense que c'est ainsi que l'a qualifié le gouvernement fédéral. Nous avons pris part à l'opération en compagnie du ministre et de ses fonctionnaires. Je pense que l'accord-cadre a été mis en place dans une large mesure, mais je serai franc avec vous : nous sommes bien entendu tout à fait en faveur d'un accord-cadre et d'une stratégie de la part du gouvernement fédéral — il est évident que cela fait partie intégrante d'un vrai programme sur les infrastructures — mais nous avons toujours soutenu, et nous continuerons à le faire, monsieur le sénateur, qu'un accord-cadre et une stratégie doivent prévoir l'établissement d'un fonds spécialement affecté au transport urbain. Nous voyons bien qu'au point où nous en sommes ce fonds n'existe pas et qu'il ne fait pas partie de l'ensemble.
Cela dit, 500 millions de dollars ont été affectés dans le dernier budget aux projets de transport urbain. Des délais relativement stricts ont été fixés aux municipalités pour qu'elles puissent bénéficier de ces crédits, ce qui doit se faire sous la forme d'une demande présentée par écrit par les gouvernements des provinces et des territoires. Les crédits sont acheminés selon cette procédure décentralisée, sur laquelle je suis sûr que les provinces et les territoires se sont entendus avec les municipalités participantes. Un montant de 500 millions de dollars, c'est évidemment mieux que rien et ces crédits sont les bienvenus. Notre façon de voir à la FCM c'est, aujourd'hui comme hier, que même si les affectations de crédits au coup par coup sont mieux que rien, elles ne valent pas un modèle consistant à affecter des crédits réguliers et fixes d'une année sur l'autre comme dans le cas, par exemple, de la taxe sur l'essence.
Nous félicitons le gouvernement fédéral d'avoir mis ces crédits en place dans le budget, parce qu'on pourra ainsi mettre sur pied d'excellents projets, mais cela ne va pas tout à fait aussi loin que ce que souhaite la FCM en termes de financement du transport urbain.
Le sénateur Eggleton : Cela permettrait à peine de construire deux stations de métro à Toronto, mais c'est un début.
Ma deuxième question porte sur l'ensemble du financement des infrastructures. Il y a quelques mois, le gouvernement nous a présenté un programme de 33 milliards de dollars qui, selon lui, représentait l'apport le plus significatif en matière d'infrastructures municipales depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Toutefois, lorsqu'on examine en détail ce programme, on constate qu'il s'agit principalement d'une redistribution de programmes existants, tels que la taxe sur l'essence, la TPS et d'autres programmes mis en place par le gouvernement précédent.
En outre, lorsqu'on examine les choses de plus près, on s'aperçoit que certains de ces programmes ne seront tout simplement pas mis à la disposition des municipalités ou qu'ils les obligent à entrer en concurrence avec les provinces pour bénéficier de ces crédits. Il y a par exemple une affectation de crédits directement aux provinces qui échappe évidemment aux municipalités. Je ne sais pas dans quelle mesure le Fonds de partenariat entre le public et le privé bénéficiera aux municipalités. Par ailleurs, le Fonds Chantiers Canada semble avoir été créé en abrogeant les dispositions précédentes du gouvernement libéral en faveur des infrastructures. Je ne sais pas jusqu'à quel point ces crédits iront aux municipalités et non pas aux provinces.
Quelle est la réaction de vos membres face à des fonds comme le Fonds PPP ou le Fonds Chantiers Canada? Y a-t-il eu des consultations? Savez-vous quelle est la part qui va être affectée éventuellement aux municipalités? Avez-vous été consultés lors de la conception de ces programmes?
M. Steeves : Je m'en tiendrai aux généralités et je me ferai aider par mon adjoint aux politiques, M. Miller. Le Fonds Chantiers Canada a été annoncé dans le budget de 2007, je crois, en même temps que nombre d'initiatives PPP. Oui, il y a eu une consultation, en ce sens que nous avons été consultés par le ministre avant l'annonce du budget. Nous avons eu des réunions sur des points précis et nous avons évoqué les sujets qui nous intéressent. Donc, effectivement, nous avons pu prendre part à la procédure.
La mise en place du Fonds Chantiers Canada a quelque peu surpris la FCM lors de la présentation du budget. C'est un programme qui n'avait pas été demandé par notre organisation et nous n'étions pas nécessairement au courant de sa présentation dans ce budget.
Comme bien des Canadiens, nous avions le sentiment que l'on s'orienterait de manière générale vers un financement des projets PPP ou un appui en faveur de ces projets et que le gouvernement fédéral pourrait en faire une priorité. Là encore, ce n'était pas nécessairement ce qu'avait demandé notre organisation, même si nous avions eu des discussions au sujet des infrastructures avant l'annonce budgétaire. Nous avons toujours été prudents en ce qui a trait aux différents projets PPP dans le cadre de nos consultations. Le financement des projets PPP, si l'on en croit notre expérience, qui est grande étant donné la nature de nos membres, peut donner de bons ou de mauvais résultats, et il en va de même des affectations de crédits traditionnelles, selon le type de projet considéré. Les crédits de financement PPP ne représentent pas de l'argent neuf, et ne supprime évidemment pas l'obligation pour la municipalité de procéder à son propre financement. En fin de compte, c'est sur le terrain que tout se joue. Parfois on peut obtenir un peu plus, mais les crédits PPP ne sont pas la panacée, ce n'est qu'une méthode de financement comme les autres. Il y a eu bien des malentendus au fil des ans concernant la nature des crédits PPP.
Le président : Pouvez-vous nous dire en quoi cela consiste, pour qu'il en soit pris acte dans notre procès-verbal?
M. Steeves : Lorsqu'une municipalité a besoin de faire construire un pont de 50 millions de dollars, elle lance habituellement un appel d'offres, trois entreprises vont soumissionner, par exemple, et c'est le plus faible enchérisseur qui l'emporte. La municipalité emprunte l'argent et paye l'entreprise pour que celle-ci construise le pont en 18 mois. La municipalité rembourse ensuite sa dette auprès du prêteur. C'est la méthode de construction traditionnelle.
Selon le système PPP, il y a un partenariat entre le public et le privé. Ainsi, lorsque la municipalité lance un appel d'offres pour faire construire un pont de 50 millions de dollars, trois entreprises soumissionnent. L'entreprise dont la soumission a été acceptée entreprend de construire le pont à ses frais et va par exemple en être propriétaire pendant 30 ans, la municipalité la remboursant chaque année par tranches pendant 30 ans. La municipalité est donc tenue de rembourser la construction du pont pendant 30 ans alors que l'entreprise privée est tenue d'entretenir ce pont. Au bout de 30 ans, l'entreprise restitue à la municipalité un pont parfaitement en état de fonctionnement qui a été intégralement payé. Voilà comment ça fonctionne.
Dans le cadre d'un mécanisme PPP, il y a un partenariat à long terme entre le public et le privé. Pendant que le secteur privé est propriétaire et administre le pont, il peut y avoir quelque intérêt, en vertu du jeu de la concurrence, à ce que le pont soit entretenu par une entreprise privée par opposition à une administration publique. C'est peut-être là un avantage dont peut bénéficier la municipalité. Il semble y avoir eu de bons exemples de fonctionnement et d'autres qui le sont moins, il faut l'avouer.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais bien que vous nous parliez davantage des consultations ou de l'affectation des crédits dans le cadre du Fonds Chantiers Canada, mais vous pourrez nous apporter des réponses dans le cadre d'une question plus large. Selon votre étude, 123 milliards de dollars sont nécessaires pour remédier à la situation actuelle en matière d'infrastructures. Je crois comprendre aussi que 79 p. 100 de la durée de vie des infrastructures publiques est déjà écoulée, de sorte que la situation ne s'améliore pas et va empirer. Nous avons besoin d'un plan à long terme. Vous nous avez dit que vous souhaitiez qu'un plan à long terme nous mène jusqu'en 2025.
Je crois comprendre que les engagements actuels du gouvernement fédéral représentent environ 2,2 milliards de dollars par an en termes de crédits fédéraux. À cela doivent venir s'ajouter les crédits provinciaux et municipaux. Traditionnellement, il y a toujours eu un partenariat tripartite avec, éventuellement, un certain montant de crédits provenant aussi du secteur privé.
Quel est le montant des crédits fédéraux dont on aurait besoin chaque année pour atteindre raisonnablement cette somme globale de 223 milliards de dollars? Quelles sont vos prévisions à long terme pour faire face à cette situation?
M. Steeves : Nous avons nous aussi bien des difficultés à le déterminer. Jusqu'à ce que l'on abaisse récemment la TPS de 1 p. 100, nous estimions, compte tenu des prévisions faites par le Conference Board du Canada, qu'on allait enregistrer, bon an mal an, au cours des six prochaines années, un excédent de quelque 4 à 6 milliards de dollars, peut- être un peu plus, à l'échelle du pays. La réduction de la TPS, venant s'ajouter aux dernières prévisions économiques, a fait baisser ce chiffre. Nous considérions qu'il fallait que la population canadienne prenne ses responsabilités et décide de ce qu'elle voulait faire de l'excédent annuel. Si, par exemple, nous en arrivions à un excédent annuel de 6 milliards de dollars sur les six prochaines années, qu'est-ce que le Canada devait faire de cet argent? Pour remédier de manière significative à notre déficit en matière d'infrastructures, ces 6 milliards de dollars par an sont probablement nécessaires. Il est probable aussi que ce n'est pas réaliste d'un point de vue politique ou économique. Nous espérions pouvoir obtenir deux ou 3 milliards de dollars supplémentaires et en tirer un maximum de profit. Nous nous efforçons aujourd'hui de revoir notre position à l'échelle canadienne. Va-t-on enregistrer le moindre excédent lors des années à venir? Nous n'en savons rien. Si ce n'est pas le cas, que va faire notre pays?
Le premier ministre nous a dit qu'éventuellement, étant donné que le gouvernement fédéral leur laisse une marge de manœuvre en réduisant de 1 p. 100 la TPS, les provinces et territoires, et peut-être même les municipalités, pourraient venir se substituer à lui. Voilà ce qui nous préoccupe à l'heure actuelle.
On imagine mal à quel point la réduction de 1 p. 100 de la TPS et l'évolution des prévisions économiques ont pu changer la situation. L'excédent ne sera probablement pas celui qui était prévu. Il nous faudra probablement nous tourner vers d'autres paliers de gouvernement pour prendre la relève. Jusqu'alors, nous comptions sur ces quelques milliards de dollars du gouvernement fédéral; nous ne savons pas si cette possibilité existe toujours. Si ce n'est pas le cas, il nous faudra revoir les priorités au sein du budget de fonctionnement actuel du gouvernement fédéral, ce qui est plus difficile, ou encore s'adresser aux autres paliers de gouvernement. Il apparaît, du moins à court terme, que la conjoncture économique ne va peut-être pas nous permettre de disposer de ces crédits. C'est pourquoi nous estimions, avant la réduction de 1 p. 100 de la TPS, qu'il fallait bien réfléchir avant d'agir. Cela dit, ce qui est fait est fait.
Le sénateur Eggleton : Trop tard. J'aurais d'autres questions à poser, mais je vais laisser la parole à quelqu'un d'autre.
Le sénateur Murray : Je vais enchaîner avec ce que nous a dit le sénateur Eggleton au sujet du versement des crédits au moyen du Fonds Chantiers Canada. Votre fédération publie la revue nationale Forum sur les questions municipales. J'ai devant moi le numéro de mars-avril. Certaines informations sont peut-être dépassées compte tenu des événements. C'est à ce sujet que je veux vous interroger.
À propos de la Colombie-Britannique, M. Frank Leonard, maire de Saanish, nous dit dans un article :
« Le premier ministre, Gordon Campbell, est un ancien maire et croit au gouvernement local. Il donne sa signature sur ces questions sans chercher à siphonner une partie des crédits en faveur de la province. »
Il n'en reste pas moins que... Les responsables municipaux continuent à attendre l'arrivée des crédits près de cinq mois après la signature de l'accord-cadre par le gouvernement Campbell. « Nous n'avons pas encore vu de lettre à en-tête avec la mention Fonds Chantiers Canada ni de formule de demande Chantiers Canada », nous dit Léonard.
Il est possible en fait que les responsables municipaux de la plupart des régions du pays soient obligés d'attendre encore un peu avant que cela se produise. Le gouvernement fédéral a signé des accords l'année dernière avec la Nouvelle-Écosse (9 novembre), le Nouveau-Brunswick (7 décembre) et Terre-Neuve-et-Labrador (17 décembre). Des accords semblables ont été signés avec le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest en février 2008. Toutefois, les négociations avec les six autres provinces et le Yukon étaient en cours lorsque Forum a été mis sous presse, et la patience d'un certain nombre de maires et de conseillers municipaux du pays a ses limites.
À propos du budget de 2007 et du Fonds Chantiers Canada, pourriez-vous nous dire ce qu'il en est? Cette information est-elle toujours à jour où est-ce que la situation a évolué?
M. Steeves : Il y a eu quelques mises à jour.
Gabriel Miller, directeur, Relations intergouvernementales, Fédération canadienne des municipalités : En lisant la transcription des délibérations de votre comité lors d'une séance antérieure, je vois que l'on a déjà discuté des mêmes problèmes. Pour l'essentiel, autant que nous puissions en juger, vous n'avez pas été rattrapés par les événements. Des accords-cadres ont été signés par un certain nombre de provinces et de territoires, pas par tous cependant, et pas en majorité par les grandes provinces. Nous croyons savoir qu'aucun crédit n'a été acheminé par l'intermédiaire du Fonds Chantiers Canada et qu'aucune demande n'a été reçue ou examinée dans une province ou un territoire quelconque, parce qu'il y a des problèmes de logistique qui doivent être réglés avant que l'on puisse acheminer ces demandes.
Le sénateur Murray : La difficulté se situe-t-elle au niveau des provinces ou des localités, ou est-ce qu'elle vient d'ici?
M. Miller : Je ne peux pas vous répondre avec certitude. Ce que je peux vous dire, c'est que nous croyons comprendre qu'à la suite de la signature d'un accord-cadre, il faut que les accords de participation soient mis en place pour que l'on puisse affecter les fonds aux municipalités. Ces accords de participation sont signés entre les provinces et le gouvernement fédéral. Je ne peux pas vous dire si la difficulté vient des différentes provinces ou du gouvernement fédéral. Tout ce que je sais, c'est que ces ententes ne sont toujours pas en place, à notre connaissance.
Le sénateur Murray : C'est bon à savoir.
M. Steeves : Je crois pouvoir vous dire que le conflit se situe essentiellement entre le gouvernement fédéral et les provinces, et qu'il s'est poursuivi tout au long de l'année écoulée à l'échelle du pays.
Le sénateur Murray : Ce sont simplement des complications.
M. Steeves : À partir du moment où cette question sera réglée, je pense que l'acheminement des crédits entre les provinces où les territoires et les municipalités se fera de manière relativement souple.
Le sénateur Murray : L'argent est là, nous le savons tous. Le problème se pose, toutefois, à partir du moment où certaines municipalités attendent la signature d'un accord-cadre, dans le cas des grandes provinces, ou encore que les crédits puissent être acheminés.
Il existe un autre fonds appelé Fiducie nationale pour le développement communautaire. C'est un fonds d'un montant de un milliard de dollars visant à aider les régions et les travailleurs ayant souffert de retournements de conjoncture économique.
Le premier ministre du Canada a publié un communiqué de presse en association avec le premier ministre du Nouveau-Brunswick le 10 janvier, et avec le gouvernement de la Saskatchewan le 17 janvier. Je ne sais pas ce qui s'est produit depuis, quelles sont les autres provinces qui ont signé ou qui ont passé une entente avec le gouvernement. Je pense que c'est le ministère des Finances qui s'en occupe.
Il a fallu adopter séparément un projet de loi pour régler cette question. La Chambre des communes l'a adopté en 11 minutes avant de nous le renvoyer. Nous pensions devoir y consacrer une journée au sein de notre comité, mais l'un de vos collègues les plus crédules, le maire de Miramichi, est intervenu, bien évidemment à la demande du gouvernement fédéral ou de ses mandataires, et nous a fait parvenir des lettres, qui sans être des lettres de menaces, nous enjoignaient d'adopter ce projet de loi en toute hâte, pour que l'argent puisse être versé.
Je me demande si des crédits ont déjà été versés à Miramichi ou ailleurs depuis cette annonce. D'autres provinces ont-elles signé? Que savez-vous au sujet de ces crédits?
M. Steeves : Je ne peux pas dire que le problème se soit véritablement posé pour nous à l'échelle nationale. Ce programme visait à régler des problèmes bien précis et de nature locale dans des régions du pays en difficulté; il est vraisemblable que l'immense majorité du pays n'a pas vraiment été concernée par ce financement.
Des crédits ont été versés dans certains secteurs, mais je ne crois pas qu'ils ont véritablement afflué dans les collectivités, même si je ne suis pas personnellement en mesure de comptabiliser chaque dollar. C'est l'impression générale que j'en retire.
Le sénateur Murray : Vous n'avez encore aucune précision détaillée?
Le président : Si je me souviens bien, on a distribué 10 millions de dollars par province et le reste a été calculé en fonction du nombre d'habitants. C'est un montant non négligeable à l'échelle du pays.
M. Miller : Sur cette question, je pense que votre comité est probablement mieux informé que nous. Nous avons adopté en la matière une position de principe; nous nous sommes prononcés en faveur de la fourniture d'une aide. Nous avons par ailleurs toujours été partisans d'une diversification économique dans les différentes régions du pays.
Le sénateur Murray : Vous adoptez une position de principe et vous nous laissez faire le sale travail.
M. Miller : Parfois, oui.
Le sénateur Murray : Je vais donc vous poser une dernière question.
Le président : M. Miller a une observation à faire au sujet de votre dernière question.
M. Miller : Quand vous aurez fini, j'aimerais revenir sur votre dernière observation au sujet du Fonds Chantiers Canada et obtenir davantage de précisions.
Le sénateur Murray : C'est utile. Éventuellement, le conseiller Steeves pourrait nous dire ce qu'il pense de la proposition de M. Dion qui consiste à se servir de l'excédent budgétaire, au-delà de 3 milliards de dollars, pour combler le déficit des infrastructures municipales. Jusqu'à 3 milliards de dollars, l'excédent budgétaire éventuel servirait à rembourser la dette nationale. Ce qui reste serait affecté aux infrastructures municipales.
Monsieur Steeves, je sais que vous avez accueilli favorablement cette annonce. La question ne se pose plus maintenant, je pense, étant donné qu'il ne semble pas que l'excédent soit beaucoup plus élevé que 3 milliards de dollars. Qu'en pensez-vous?
M. Steeves : Vous avez raison. Cette annonce a été faite au début février lors de l'une de nos conférences qui s'est tenue à Ottawa. Cette initiative, que l'on peut applaudir, allait bien entendu dans le même sens que notre politique qui vise à réduire le déficit touchant nos infrastructures. Nous avons toujours dit que nous étions contre l'alourdissement de la fiscalité s'appliquant aux contribuables canadiens. S'il doit y avoir un excédent, il faudra en réinvestir une bonne partie dans les infrastructures. Il est évident que cette politique répond bien à cet objectif.
Vous l'avez dit, c'est du passé et, dans une large mesure, la situation n'est plus la même. Deux choses, principalement, ont changé. En raison de la baisse de la TPS venant s'ajouter désormais à la mauvaise conjoncture économique — même si je considère que tout n'est pas encore joué — nous avons de bonnes raisons de penser que l'excédent budgétaire sera moindre que nous ne l'avions prévu à l'origine. Cela ne veut pas dire que cette politique soit mauvaise ou que nous ne l'appuyons pas; il n'en reste pas moins qu'il n'y aura peut-être pas d'excédent au bout du compte. Si l'on adoptait cette politique sans qu'elle permette de fournir des crédits aux municipalités, notre organisation serait obligée de chercher un autre mode de financement.
Nous avons effectivement accueilli favorablement cette politique, mais elle ne permet pas de fournir les garanties et le degré de certitude dont ont besoin les municipalités pour leur financement.
M. Miller : Je voudrais évoquer rapidement le Fonds Chantiers Canada. La question a déjà été évoquée, tel que cela ressort de la transcription de la réunion précédente de notre comité; j'ai vu que vous aviez du mal à la résoudre, et c'est une chose terriblement importante. On a parlé des retards et de ce que cela entraînait, lorsqu'on ne peut pas faire face à l'augmentation des coûts de construction et aux différents besoins. Selon l'exemple fourni par le sénateur Stratton, le coût des projets n'a parfois plus rien à voir entre le moment où a été présentée la demande et celui de leur réalisation. Les gens doivent attendre longtemps avant d'obtenir ce dont ils ont besoin.
Je considère que chaque fois que l'on repense complètement un programme fédéral et que l'on se déplace dans tout le pays pour en parler avec chacun des gouvernements, des retards surviennent, ce qui justifie qu'on évite de le faire trop souvent. Si ces programmes étaient conçus à long terme, on ne serait pas obligé de s'interrompre tous les deux ou trois ans pour discuter de leurs caractéristiques essentielles. On peut toujours apporter des rectifications ou procéder à des mesures et à des contrôles, mais nous sommes tout à fait disposés à faire en sorte que l'argent soit toujours disponible et que par principe ces programmes aient une application permanente. Cela supprimerait bien des incertitudes et des retards dont souffrent ces programmes. J'ajouterai qu'il y a aussi un certain gâchis, à partir du moment où de nombreux responsables doivent s'engager dans de longues négociations, avec des résultats qui sont loin d'être au niveau des efforts accomplis.
J'aimerais poursuivre l'argument soulevé par les sénateurs Murray et Eggleton au sujet du coût global de l'opération et des 123 milliards de dollars. C'est un chiffre énorme, les défis à relever sont considérables; il faut penser aux changements climatiques et au renforcement de la réglementation, les pressions qui vont s'exercer seront de plus en plus fortes. Nous en sommes à un point où le gouvernement fédéral s'est véritablement doté des outils pour régler cette question. Sur 20 ans, la taxe permanente sur l'essence va rapporter 40 milliards de dollars. Cela résout une bonne partie du problème. Les programmes d'application permanente, les programmes actuels, vont rapporter 8 milliards de dollars sur sept ans. Lorsqu'on fait les calculs sur 20 ans, on en arrive à des sommes assez significatives. Il nous reste à adopter une stratégie permettant de combiner ces différents types d'investissement et à prendre un engagement sur le long terme pour en tirer le meilleur parti.
Le meilleur exemple est celui du transport urbain. Notre pays, à commencer par le gouvernement précédent, et cela se poursuit à l'heure actuelle, a investi au niveau fédéral de gros montants d'argent en matière de transport urbain, soit quelque 300 millions de dollars par an, sur les quatre ou cinq dernières années. Étant donné toutefois que ces investissements ne font pas partie d'un plan d'ensemble et n'ont pas été annoncés sur une période déterminée, ils n'ont pas eu l'effet et l'efficacité auxquels on aurait pu s'attendre compte tenu de nos besoins.
Nous disposons d'outils qui peuvent faire toute la différence et des intervenants tels que votre comité, d'autres décideurs ainsi que les responsables des politiques municipales ont véritablement la possibilité de s'en prévaloir de manière efficace afin de voir ce que cela peut donner.
Le sénateur Murray : C'est une excellente observation. Ce qui amène entre autres à repenser les programmes — et les plus vieux d'entre nous ont vu la chose se produire un certain nombre de fois — c'est le fait que chaque fois qu'un nouveau gouvernement arrive au pouvoir, ses membres veulent apposer leur propre marque sur ce programme, en changer le nom, bricoler certaines modifications et éventuellement procéder à des consultations inutiles, le tout ayant un certain coût. C'est ce que nous voulons dire.
M. Steeves : Je n'ai pas pu donner la réponse au sénateur Eggleton, mais au sujet du Fonds Chantiers Canada, nous estimons que sur les 33 milliards de dollars qui se trouvent dans le fonds, 18 milliards environ sont mis à la disposition des municipalités. Le reste sera affecté aux infrastructures, mais à celles qui ne relèvent pas de la compétence des municipalités. Les municipalités ne retiennent pas le chiffre de 33 milliards de dollars; nous employons le chiffre de 18 milliards de dollars, qui pour l'essentiel n'est que le maintien des engagements antérieurs au titre des programmes d'infrastructures précédant le FCC.
Le sénateur Ringuette : Merci d'être venus comparaître dans le cadre de notre étude sur les infrastructures. J'avais relevé le chiffre de 33 milliards de dollars, mais vous venez juste d'évoquer celui de 18 milliards de dollars. Si je considère cette période de neuf ans qui correspond à la durée des programmes liés aux infrastructures, avec une augmentation s'élevant en moyenne à 2 milliards de dollars par année, je constate que ces 18 milliards de dollars ne permettent de prendre en compte que les augmentations annuelles sur cette période de neuf ans. Nous en sommes essentiellement revenus à zéro.
M. Steeves : C'est une évaluation approximative, d'autant plus approximative qu'il est parfois difficile de savoir quelles sont les sommes d'argent dont on va pouvoir se prévaloir une municipalité, parce qu'il y a parfois des alternatives au sein des programmes. Pour l'essentiel, les sommes mises à la disposition des municipalités sont à peu près les mêmes ou éventuellement légèrement supérieures à celles qu'aurait supposées le maintien des programmes antérieurs, l'ancien FIMR ou le Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique, le FCIS. Pour l'essentiel, seuls les noms ont changé. On peut cependant espérer que ce nouveau programme permettra en fin de compte de remédier aux difficultés qui se présentaient continuellement par le passé en matière de constitution des dossiers. Ce pourrait être une grosse amélioration.
Le sénateur Ringuette : Je vois, en prenant connaissance de votre exposé, que vous avez relevé des citations et que vous vous êtes penchés sur nos réunions précédentes. Vous pouvez bien comprendre que j'ai quelques hésitations à accepter huit programmes différents en matière d'infrastructures, d'un montant de 33 milliards de dollars, sur une période de neuf ans. Tous les témoins chargés de l'application des différents programmes d'infrastructures à l'échelle du pays ont comparu devant nous. Si ma mémoire est bonne, seule la province de Québec a un plan stratégique en matière d'infrastructures.
Pouvez-vous nous le confirmer? Est-ce ainsi que vous voyez les choses? Votre organisation s'intéresse-t-elle à la question des infrastructures depuis longtemps?
M. Steeves : Notre organisation a pour objet de collaborer avec le gouvernement fédéral et de participer à l'élaboration de ses politiques. À l'échelle de la province ou du territoire, il existe des organisations provinciales ou territoriales qui se chargent d'intervenir, cela ne relève pas de notre compétence. Nous nous attendons, par exemple, à ce que l'AMO, l'Association des municipalités de l'Ontario, ou l'UMQ, l'Union des municipalités du Québec, fassent partie du groupe chargé d'œuvrer avec les gouvernements provinciaux.
Il est assez juste de dire que le Québec prend une part plus active aux infrastructures municipales et qu'elle dispose d'un plan. Il en a toujours été ainsi. D'ailleurs, ce n'est que très récemment que la province de Québec a autorisé les municipalités à entrer directement en relation avec le gouvernement fédéral. Dans le cadre d'une telle relation de subordination, on imagine toutes les difficultés rencontrées lorsque le Parti québécois était au pouvoir à Québec et voyait d'un mauvais œil tout lien direct entre une municipalité et le gouvernement fédéral. La situation s'est améliorée au Québec, mais les vieilles habitudes subsistent. Je ne voudrais pas systématiquement les critiquer, parce qu'il arrive qu'elles donnent de bons résultats. Les ponts sont probablement un bon exemple, la province de Québec prenant le contrôle de certains ponts sur les grandes voies de circulation à la suite du malheureux accident survenu à Laval. Pour répondre précisément à votre question, il est exact de dire que le Québec a une stratégie provinciale plus élaborée.
Le sénateur Ringuette : Pour en revenir à la planification stratégique, d'où tirez-vous ce chiffre de 123,4 milliards de dollars?
M. Steeves : C'est la mise à jour du chiffre tiré de notre étude permanente. Il s'agit probablement de la troisième ou de la quatrième mise à jour de l'étude de notre déficit en matière d'infrastructures, qui remonte à trois ou quatre décennies. La dernière mise à jour a été effectuée à la fin des années 1990. Elle a été faite dans le cadre d'une étude menée à l'Université McGill de Montréal, sous la direction du professeur Saeed Mirza. La mise à jour nous donne un instantané du déficit en matière d'infrastructures lors de l'année précédant l'étude. L'équipe de l'Université McGill se rend sur le terrain, recueille les données auprès des municipalités, les intègre à un programme informatique et obtient au bout du compte une mise à jour de ce déficit. Depuis deux décennies, nous utilisons le même modèle pour suivre l'évolution du déficit en matière d'infrastructures. C'est un chiffre constamment mis à jour.
Je tiens à préciser que ce déficit de 123 milliards de dollars recouvre à la fois les grandes priorités des municipalités et des projets moins urgents sur le plan de la sécurité et de la santé, comme c'est bien normal dans toute étude de ce genre.
M. Miller : Comme le dit M. Steeves, ce rapport a été rédigé par le professeur Mirza de l'Université McGill. C'est l'un des grands spécialistes au Canada de l'état des infrastructures publiques, et ce chiffre est tiré des données qu'il a recueillies auprès des municipalités. Nous nous servons de ce chiffre parce que c'est un moyen d'apprécier l'ampleur du défi qu'il nous faut relever pour rattraper le retard pris en matière d'infrastructures. On relève cependant dans l'étude du professeur Mirza un élément encore plus important et dont on parle moins souvent touchant la nature des investissements effectués en matière d'infrastructures. Ce sont essentiellement des investissements à long terme. Trop souvent, on considère que les équipements sont construits un beau jour et que l'on n'en parle plus. C'est la façon dont les budgets d'équipement étaient traditionnellement conçus. Nous savons tous, cependant, qu'un équipement une fois sorti de terre ne met pas fin à nos obligations financières. Il faut encore, par la suite, l'entretenir, le réparer et éventuellement le remplacer.
Un autre élément de l'étude du professeur Mirza, qui revêt une énorme importance, consiste à savoir ce qui se passe lorsque les réparations et le remplacement des équipements ne sont pas faits en temps utile. On s'aperçoit alors que les obligations financières augmentent de manière exponentielle, une petite réparation relativement facile à faire se transformant en la nécessité de remplacer intégralement l'ouvrage.
Cela nous ramène à la question de la stratégie, que vous avez évoquée aujourd'hui et lors des réunions précédentes. Je ne sais pas ce que l'on peut faire au niveau provincial, mais au plan national nous préconisons qu'un plan stratégique accompagne les investissements que fait le Canada. Notre pays fait de gros investissements en matière d'infrastructures. Nous considérons qu'il faudrait en faire plus, mais à partir du moment où il y a des besoins, nous devons pouvoir nous les représenter exactement. L'une des conclusions que nous avons tirées du rapport Mirza, c'est que le gouvernement doit faire davantage de recherches. Il ne s'agit là que d'un premier pas dans la voie des recherches qui doivent être faites. Nous devons faire des recherches en commun pour comprendre les besoins et il nous faut des objectifs et des critères de mesure pour évaluer nos progrès, de sorte que, lorsque nous reviendrons vous voir dans cinq ans, nous serons en mesure de vous parler des réalisations effectuées en fonction des objectifs qui étaient fixés au lieu de nous contenter de citer des gros chiffres.
Le sénateur Ringuette : Il n'est pas question pour moi de défendre ici le programme fédéral en matière d'infrastructures ou la politique fédérale qui s'y rattache, mais vous nous dites, il me semble, qu'il faut que le gouvernement fédéral ait une stratégie financière à long terme. Je me retourne vers les municipalités et les provinces, compte tenu des responsabilités de chacun en matière d'infrastructures, et je vous dis de mon côté qu'il vous faut savoir quels sont vos besoins à moyen et à long terme pour bien connaître les réalités. Je ne conteste pas ce chiffre de 123 milliards de dollars, mais comment savoir que nous faisons des progrès, que tout est fait dans les règles et compte tenu des priorités, si les parties prenantes ne nous donnent pas l'information, les chiffres dont on a vraiment besoin pour élaborer un plan stratégique?
M. Steeves : Votre réaction est logique, sénateur. Votre frustration s'explique en partie par le fait qu'on ne sait pas qui établit les priorités et d'où elles doivent venir en fait. Je vais être prudent. Nous avons toujours déclaré que les priorités devaient être établies par les municipalités. Il est assez inquiétant de parler des stratégies provinciales lorsqu'on sait que dans toutes les municipalités — que ce soit Calgary, Vancouver, Toronto ou Ottawa — les priorités sont parfaitement bien établies. Vous pouvez aller dans n'importe quelle ville, grande ou petite, et je prendrai l'exemple de Winnipeg. La ville de Winnipeg dispose d'un plan d'équipement sur cinq ans dont tout le monde peut prendre connaissance. Tout le monde peut savoir, à un moment donné, quelles sont les priorités de la ville de Winnipeg. Nous nous sommes servis de l'argent procuré par la taxe sur l'essence pour renforcer tout simplement les priorités existantes et accélérer nos investissements dans les années à venir.
Je comprends la nécessité des stratégies provinciales, mais je ne voudrais pas en venir à une situation qui ferait que la stratégie provinciale prenne en quelque sorte le pas sur des stratégies d'équipement municipales en place depuis longtemps. Je ne sais pas si on me comprend bien.
Le sénateur Ringuette : Je crois que nous vous comprenons. Les infrastructures municipales sont aussi importantes que les infrastructures provinciales. La question n'est pas là. Mon problème, c'est qu'il y a quelque 33 milliards de dollars de crédits destinés aux infrastructures qui se trouvent quelque par, sur une période de neuf ans, à l'intérieur de huit programmes et de mécanismes différents. En fin de compte, il n'appartient pas seulement au gouvernement fédéral de faire le nécessaire en matière d'infrastructures, il faut aussi que les provinces et les municipalités fassent leur part.
Vous représentez l'un des principaux intervenants, et vous nous dites que les municipalités ont une planification sur cinq ans. Je crois donc que vous êtes en la matière l'une des parties prenantes la mieux à même de se faire une bonne idée de l'ensemble des besoins en ce qui a trait aux infrastructures municipales, leur coût et les moyens les plus efficaces de répondre à ces priorités. Je sais bien que, dans les différentes provinces, les municipalités n'ont pas les mêmes priorités selon l'état de leurs propres infrastructures, même si c'est la question de l'eau qui devrait passer en premier lieu. Je crois savoir que des crédits sont disponibles, même si les montants ne sont peut-être pas suffisants étant donné l'augmentation des coûts au fil des années, mais il nous faut nous asseoir à la table des négociations pour régler le problème. Je me souviens d'avoir déjà dit la même chose il y a trois ans. Nous nous contentons de faire des annonces et de publier des communiqués de presse, ce qui ne permet pas de présenter des projets concrets, avec des résultats mesurables, à la population canadienne.
M. Steeves : Vous avez tout à fait raison, sénateur. À l'échelle municipale, nous préconisons le modèle de la taxe sur l'essence. Si l'on se réfère, par exemple, à l'ancien programme FIMR, vous avez parfaitement raison de faire cette observation. Nous nous retrouvons aux prises avec les impératifs de la politique locale et la question de savoir qui va inaugurer quoi, et dans quelle circonscription, ce qui n'intéresse personne. Par contre, le financement au moyen de la taxe sur l'essence n'a jamais été discuté ou contesté, parce que les crédits sont affectés aux plans d'équipement des municipalités, avec des projets qui se réalisent. Nous sommes très favorables à ce modèle comparativement aux autres.
Le président : Sénateur, si vous avez une autre question à poser, vous pourrez le faire lors du deuxième tour.
Le sénateur Di Nino : Soyez les bienvenus, messieurs, c'est une réunion intéressante. Je vais vous demander quelques précisions au sujet de votre intervention.
Monsieur Steeves, vous nous avez dit que sur ces 33 milliards de dollars, 18 milliards allaient aux municipalités.
M. Steeves : C'est notre estimation.
Le sénateur Di Nino : À quoi est affectée cette différence de 15 milliards de dollars?
M. Steeves : Nous prévoyons qu'elle sera consacrée à d'autres priorités en matière d'infrastructures, au niveau fédéral ou provincial. Ainsi, les grandes routes provinciales font aussi partie des priorités, mais dans leur majeure partie elles ne relèvent pas des responsabilités des municipalités. Lorsqu'elles évoquent leurs besoins en matière d'infrastructures, les municipalités ne se réfèrent pas à cela. Je ne dis pas que ce n'est pas un projet utile, car je suis certain que c'est le cas.
Le sénateur Di Nino : Il est important d'établir cette distinction, parce que ces grandes routes n'en répondent pas moins aux besoins des habitants de ces municipalités. Ce n'est pas vous qui entérinez les projets ou qui engagez les crédits, mais ces 33 milliards de dollars doivent bénéficier à votre population.
M. Steeves : C'est tout à fait exact, qu'il s'agisse du financement des grandes routes ou des ports.
Le sénateur Di Nino : Sans la route, on ne peut pas se rendre à Winnipeg.
M. Steeves : Je ne vais pas vous contredire.
Le sénateur Di Nino : Vous nous avez dit que le budget des infrastructures augmentait de 2 p. 100 par mois. Pouvez- vous nous donner des précisions?
M. Steeves : Tout simplement, et c'est grotesque, si aujourd'hui une municipalité lance un appel d'offres pour un projet qui doit coûter un million de dollars, il faut rajouter 2 p. 100 à ce chiffre dans un mois. C'est le taux d'inflation prévu.
Le sénateur Di Nino : Vous nous dites que ce taux est de 2 p. 100 par mois, soit 24 p. 100 par an.
M. Steeves : Effectivement, je regrette, mais c'est bien le taux.
Le sénateur Di Nino : Il nous faudrait le vérifier, parce que cela semble un peu trop élevé. Vous nous avez dit que tout avait complètement changé l'année dernière. De quoi s'agissait-il?
M. Steeves : Je pense que je parlais de l'établissement d'un fonds permanent alimenté par la taxe sur l'essence.
Le sénateur Di Nino : Vous voulez parler de l'établissement d'une taxe permanente.
M. Steeves : C'était un commentaire en faveur de cette mesure.
Le sénateur Di Nino : Je voulais m'assurer que c'est bien ce que vous aviez dit.
M. Steeves : Effectivement.
Le sénateur Di Nino : Ça portait sur cette question en particulier.
M. Miller : Je comprends toute la frustration des gens, le fait qu'ils s'en prennent au gouvernement fédéral chaque fois qu'il y a un problème et qu'ils lui demandent d'y remédier. Je tiens à souligner que notre pays a fait d'énormes progrès dans ce genre de politique et que les perspectives d'amélioration à l'avenir sont assez bonnes. Au début des années 1990, lorsqu'on a présenté les premiers programmes d'infrastructures, ils s'appliquaient tous à des projets particuliers et l'accent était mis avant tout sur la relance économique. On s'est donc de plus en plus intéressé à l'ensemble des infrastructures, le gouvernement précédent a mis en place la taxe sur l'essence, dont le caractère permanent a complètement changé la situation. Nous avons vu le rôle du gouvernement fédéral évoluer et l'on devrait de plus en plus se réunir autour d'une même table. Il y a de quoi être encouragé par les positions adoptées par toutes les parties prenantes sur cette question et par le travail effectué par un certain nombre de gouvernements. Les perspectives d'avenir sont encourageantes.
Le sénateur Di Nino : Je vais enchaîner sur ce que dit le sénateur Ringuette. L'étude que vous avez commandée nous révèle que les infrastructures de notre pays sont tout près de s'écrouler. Je pense que vous nous avez dit que 79 p. 100 de ces infrastructures sont dans ce cas. Comment en est-on arrivé là? J'aimerais que vous dégagiez les responsabilités en nous précisant quels sont les paliers de gouvernement qui n'ont pas fait leur travail.
M. Steeves : En 30 secondes, je vais vous dire ce qui s'est passé, à mon avis, sénateur. Après la Seconde Guerre mondiale, lorsque tout le monde est rentré chez soi, tous les paliers de gouvernement ont massivement investi dans les infrastructures. Tout le monde s'est mis à construire en s'endettant de façon considérable. Ensuite, il a fallu faire face à la musique. Les gouvernements provinciaux ont réussi à faire rentrer davantage d'argent en augmentant les taxes de vente provinciales. À terme, ils ont réussi à rétablir leurs finances. Le gouvernement fédéral s'est, de son côté, débattu pendant de longues années pour résorber une énorme dette jusqu'à l'entrée en vigueur de la TPS au cours des années 1990. Cela a permis à ce gouvernement de se retrouver en bien meilleure position sur le plan financier. Pendant la même période, et même si elles étaient aussi pressées par le temps, les municipalités n'ont jamais bénéficié de ce nouveau modèle fiscal. Aujourd'hui encore, elles s'en tiennent aux taxes sur la propriété pour financer ces énormes et très coûteux projets d'infrastructures. C'est pourquoi elles ont aujourd'hui besoin de coordonner leurs efforts avec les autres paliers de gouvernement pour satisfaire leurs besoins financiers.
Je simplifie à l'extrême, mais c'est en fonction de cette théorie économique que j'explique en gros la situation dans laquelle s'est retrouvé notre pays. Les municipalités se sont efforcées de payer des ponts de 50 millions de dollars financés par des propriétaires versant se des taxes immobilières de 2 000 $ par an. Ce modèle est défectueux. Le gouvernement fédéral et les provinces l'ont reconnu dans une certaine mesure. C'est pourquoi les nouveaux programmes sont mis en place, mais c'est un modèle financier qui n'est pas viable.
Le sénateur Di Nino : La faute est à tout le monde, j'imagine.
M. Steeves : En effet.
Le sénateur Di Nino : Lorsqu'un gros problème se pose, il faut que quelqu'un en assume la responsabilité. C'est pourquoi nous devons affirmer que tous les paliers de gouvernement ont une certaine responsabilité en la matière. C'est une chose qu'il nous faut admettre si l'on veut pouvoir régler le problème.
J'aimerais revenir sur une des observations que vous avez faites, à savoir que les priorités des gouvernements provinciaux ne devraient pas passer avant celles des municipalités. Comment est-ce possible à partir du moment où les municipalités ne sont que des entités émanant des gouvernements provinciaux? Que doit faire le gouvernement fédéral face à ce problème de compétence?
M. Steeves : Si l'argent était versé aux provinces, elles pourraient faire des choix entre les différentes priorités provinciales, comme les autoroutes, les routes secondaires ou encore les ponts qui ont besoin de travaux. C'est le premier sujet de préoccupation, et cela s'applique à la plupart des provinces et des territoires. Par le passé, il y a eu parfois des difficultés à cet égard, et nous aimerions tout simplement que les crédits soient versés directement, sans passer par les provinces. Si, par exemple, des crédits sont alloués à la Ville de Toronto, à charge pour le gouvernement provincial de les administrer, très bien, il n'y a pas de problème. Toutefois, une certaine partie de ces crédits doit être versée directement à la Ville de Toronto, qui a fait à la base tout le travail pour se doter d'un plan d'équipement sur cinq ans, et il convient de tenir compte de ces priorités. S'il y a des exigences précises en matière de transports urbains, il faut s'en tenir à ces exigences.
Le sénateur Di Nino : Les questions de compétence entrent toujours en jeu. De toute évidence, l'heure est grave et il convient de remédier aux difficultés. Ces infrastructures sont près de s'écrouler, il ne faut pas qu'elles s'écroulent car ce serait une catastrophe. Nous devons faire face à un nombre incroyable de priorités. Nous avons évoqué les infrastructures et le transport urbain, mais il faut aussi financer les services sociaux, l'éducation ainsi que les arts et la culture. Une aide est nécessaire en matière d'environnement, ainsi que pour assurer la sécurité des collectivités, et il y a aussi les coûts imprévus, en cas d'inondation, par exemple.
Monsieur Steeves, je crois que vous nous avez dit que les crédits devaient être affectés à des secteurs précis. Pouvez- vous nous donner davantage de précisions afin de conseiller notre comité dans la rédaction de son rapport? Est-ce que chaque secteur devrait bénéficier de son propre financement? À quoi servent les gouvernements provinciaux si nous procédons ainsi?
M. Steeves : Nous parlions de crédits spécialement affectés au transport urbain, et vous pouvez comprendre comment on peut procéder en la matière.
Le sénateur Di Nino : On pourrait aussi affecter spécialement des crédits aux services sociaux, ce que l'on fait déjà dans certains cas.
M. Steeves : Voici ce que propose la FCM en matière d'affectation spéciale de crédits : nous avons évoqué les questions du transport urbain et du logement, qui s'écartent un peu des modèles traditionnels en matière d'infrastructures. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral est en train de revoir les projets de financement du logement, qui doivent venir à échéance en mars 2009. Il n'a pas dit qu'il allait mettre fin à ces programmes, mais il est en train de les revoir. Là aussi, il s'agit d'une affectation spéciale de crédits. Nous savons que des règlements doivent entrer en vigueur en ce qui a trait au financement des projets de traitement des eaux potables et des eaux usées, qui peuvent faire l'objet d'une affectation spéciale de crédits.
Si nous décidons de procéder à des affectations spéciales de crédits, il nous faut faire bien attention et ne pas oublier que selon les régions, les provinces ou les territoires, elles peuvent venir s'opposer à une bonne répartition générale des crédits. Nous devons tenir compte de ce problème. En matière d'affectation spéciale des crédits, ce sont là des considérations dont il nous faut tenir compte pour nous assurer que la répartition générale des crédits à l'échelle du pays n'est pas déséquilibrée, car cela s'est déjà produit par le passé. Les besoins ne sont pas les mêmes selon les endroits.
Si le financement est bien conçu, les crédits vont être distribués comme il se doit aux provinces et être affectés logiquement aux différents programmes concernés. J'ai toujours soutenu que lorsqu'une ville bénéficie d'un financement au titre d'un programme précis — transport urbain, par exemple —, il est possible de l'intégrer au modèle d'infrastructures municipales pour enlever de la pression à la municipalité, qui peut alors s'occuper de ses autres besoins. Même s'il n'est pas possible d'affecter spécialement des crédits à chacun des programmes concernés, chaque crédit particulier contribue à soulager le problème d'ensemble.
Que ce soit au titre du transport urbain ou des plans cadastraux, un financement est disponible. Tous ces programmes donnent des résultats. Le principe fondamental est cependant celui du lien direct avec les priorités municipales. Les crédits sont acheminés jusqu'aux services relevant de la compétence municipale, ce qui est une bonne chose quel que soit le programme.
Le sénateur Di Nino : Je sais que cela ne relève pas de la compétence fédérale, mais croyez-vous que les municipalités devraient avoir des pouvoirs de taxation?
M. Steeves : Vous voulez dire en plus des pouvoirs dont elles disposent déjà?
Le sénateur Di Nino : Oui.
M. Steeves : Je considère personnellement, car ce n'est pas une politique de la FCM, qu'il ne serait pas mauvais que la Ville de Winnipeg reçoive à partir de maintenant une part déterminée de la taxe de vente provinciale perçue dans cette ville. J'estime que cela inciterait ses administrateurs à entreprendre davantage plutôt que de chercher à étendre les banlieues de la ville pour augmenter la base d'imposition. Les administrateurs de la ville seraient davantage incités à faire venir plus de conférences, plus de tourisme et plus d'entreprises au centre-ville. La politique de la ville serait marquée par un meilleur esprit d'entreprise. Je vous parle ici à titre personnel et non pas dans le cadre d'une politique administrative de la FCM.
Le sénateur Eggleton : Pour enchaîner sur les arguments du sénateur Di Nino, je dirai que les besoins des administrations locales dépassent largement leurs ressources. Lorsqu'on dépend aussi exclusivement de la taxe immobilière, on ne peut pas tout faire. Notre comité a rédigé il y a un an un rapport sur les déséquilibres fiscaux après avoir étudié la péréquation et les déséquilibres horizontaux, ce qui nous a amenés ensuite à nous pencher sur les déséquilibres verticaux. S'il y a quelque part un déséquilibre vertical, c'est bien celui qui implique les municipalités.
Nous avons évoqué tout à l'heure la proposition de M. Dion en vertu de laquelle tout excédent enregistré chaque année au-delà d'un montant de 3 milliards de dollars serait consacré aux infrastructures, mais cela ne devrait pas finalement nous procurer de nombreuses recettes étant donné la situation financière actuelle du gouvernement fédéral. Nous avons parlé du fonds alimenté par la taxe sur l'essence, qui a la faveur des municipalités. Nous pourrions peut- être envisager que les municipalités puissent tirer un plus grand parti de ce fonds, et cela par deux moyens : soit en augmentant la part qu'elles perçoivent, mais quelqu'un d'autre va en souffrir en conséquence, soit en augmentant la taxe sur l'essence. Étant donné le prix de l'essence à l'heure actuelle, c'est peut-être la mesure la plus impopulaire que l'on puisse prendre.
J'ai une autre idée qui n'a peut-être pas votre faveur. La Fédération canadienne des municipalités est-elle prête à demander officiellement que le gouvernement fédéral relève à nouveau de 1 p. 100 la TPS? Ce 1 p. 100, qui représente à peu près 5 milliards de dollars par an, permettrait de répondre aux besoins des municipalités en matière d'infrastructures. Après tout, cette différence de 1 p. 100 n'est à peu près ressentie par personne. Par contre, l'absorption de ce déficit de 123 milliards de dollars aurait de grosses répercussions, non seulement sur les villes, mais sur l'ensemble de la conjoncture économique et de l'environnement de chacun à l'échelle du pays. Êtes-vous prêts à préconiser officiellement cette mesure?
M. Steeves : Je ne suis pas prêt à le faire ici. En fait, avant même que l'on ait procédé à cette réduction de 1 p. 100, la FCM avait adopté comme politique, lors de sa dernière assemblée générale, que si l'on en venait à discuter de cette mesure, on ne procède pas à cette réduction de manière à pouvoir affecter l'argent correspondant aux infrastructures et aux priorités municipales. Nous avons rencontré le premier ministre et nous en avons discuté bien franchement avec lui. Il nous a déclaré qu'il avait promis aux citoyens de notre pays de faire baisser la TPS et qu'il avait l'intention de tenir sa promesse, ce qu'il a fait. J'imagine donc qu'il y avait des priorités concurrentes à l'époque. Lorsqu'elle s'est rendu compte que selon toute probabilité le gouvernement fédéral allait réduire la TPS de 1 p. 100, la FCM a changé de politique, demandant que, si des crédits pouvaient être dégagés par le gouvernement fédéral, des montants équivalents soient affectés aux municipalités.
Sénateur, je ne suis pas prêt à demander officiellement que l'on adopte une telle mesure, étant donné que la Fédération canadienne des municipalités a pour politique de ne pas alourdir le fardeau fiscal des contribuables canadiens et de partager les recettes existantes. En résumé, la FCM n'a pas pour politique de demander au gouvernement fédéral de rajouter ce 1 p. 100 à la TPS. Je suis sûr que nous avons certains de nos membres à l'échelle du pays qui seraient d'accord avec cette mesure, mais je ne peux pas en faire une politique de notre organisation, parce que ce n'est tout simplement pas le cas.
Je donne peut-être l'impression de ne pas vouloir répondre à votre question, mais en tant que président de notre organisation, je ne peux pas improviser une politique au pied levé.
Le président : Monsieur Steeves et monsieur Muller, je vous remercie. Votre témoignage nous a été très utile et vous nous avez rappelé tout le travail que nous avons fait précédemment, comme l'a indiqué aussi le sénateur Eggleton, en ce qui a trait aux équilibres budgétaires et financiers, verticaux ou horizontaux. Le rapport se trouve sur notre site Internet. Nous espérons pouvoir rendre public dans quelques semaines un autre rapport sur les infrastructures, qui aura bien bénéficié de votre apport. Vous serez les derniers témoins que nous aurons entendus dans le cadre de cette étude.
M. Steeves : Nous suivons de près les travaux de votre comité. Nous en sommes très satisfaits. Nous considérons qu'il nous aide bien dans notre tâche et nous apprécions ses positions. Son travail est très utile et fait bien avancer les choses.
La séance est levée.