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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 13 - Témoignages du 29 mai - Séance de l'après-midi


OTTAWA, le jeudi 29 mai 2008

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 13 heures pour étudier l'objet du projet de loi C-50, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 26 février 2008 et édictant des dispositions visant à maintenir le plan financier établi dans ce budget.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m'appelle Joseph Day, je représente le Nouveau-Brunswick au Sénat et je suis président de ce comité.

Le comité s'intéresse aux dépenses et aux activités gouvernementales. Nous examinons les budgets des dépenses et les fonds mis à la disposition des hauts fonctionnaires du Parlement pour remplir leurs fonctions ainsi que les lois d'exécution des budgets et d'autres questions qui nous sont renvoyées par le Sénat.

Le 15 mai 2008, nous avons reçu du Sénat l'autorisation et le mandat d'étudier le sujet du projet de loi C-50, heureusement mieux connu sous le titre de projet de loi d'exécution du budget de 2008. Nous avons tenu des audiences au cours des deux derniers jours sur différentes parties du projet de loi. Je rappelle à ceux qui suivent ces audiences que le projet de loi est divisé en dix parties.

Notre premier groupe de témoins cet après-midi, qui comparaîtra jusqu'à 14 h 30, est composé de différentes personnes qui ont chacune leur intérêt particulier. Je demanderais aux honorables sénateurs de poser leurs questions à chacun des témoins après le bref exposé que ceux-ci feront en se fondant sur leur expérience et leur expertise. Ils n'auront pas préparé un aperçu de l'ensemble du projet de loi d'exécution du budget et de ses 170 articles, et nous ne leur avons pas demandé de le faire non plus.

Lorsque vous ferez votre exposé, veuillez nous indiquer quelle partie du projet de loi vous intéresse et nous expliquer les répercussions probables de ce projet de loi. Puis il y aura une période de questions. La meilleure façon de procéder serait probablement que chacun d'entre vous fasse un exposé afin que vous ayez la chance de faire valoir vos opinions avant que nous passions aux questions, à moins qu'un sénateur qui n'a pas compris quelque chose demande une explication.

[Français]

Tout d'abord, accueillons M. Pierre Céré, du Conseil national des chômeurs et chômeuses.

Pierre Céré, porte-parole, Conseil national des chômeurs et chômeuses : Dans un premier temps, je voudrais, au nom du Conseil national des chômeurs et chômeuses que je représente, vous remercier, monsieur le président, ainsi que tous les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales de nous avoir invités à comparaître.

Nous avons étudié le projet de loi C-50, particulièrement la septième partie, celle traitant de la mise en place de l'Office de financement de l'assurance-emploi. Nous avons fait nos devoirs très studieusement. On l'a aussi comparé avec l'actuelle législation de l'assurance-emploi pour constater que la plupart des dispositions prévues dans le projet de loi modifient peu de choses au texte de loi qui est déjà en vigueur.

À titre d'exemple, le projet de loi C-50 prévoit un équilibre entre les revenus et les dépenses, alors que l'article 66.(1) de l'actuelle Loi de l'assurance-emploi stipule que le montant des cotisations doit être suffisant pour couvrir les paiements. Le projet de loi C-50 prévoit que la variation du taux de cotisation ne pourra jouer de plus de 0,15 p. 100 sur une année, alors que c'est l'article 66.(2) de l'actuelle loi qui est en vigueur présentement.

L'article 66.(3) de la présente loi prévoit déjà que le gouverneur en conseil peut substituer un autre taux de cotisation. La liste pourrait continuer longtemps comme cela parce que les similitudes du genre sont nombreuses.

Par contre, il y a une différence entre la situation actuelle et la mise sur pied de l'Office de financement de l'assurance-emploi, et c'est la création d'un compte d'instinct appelé à gérer la réserve et les surplus annuels du compte d'assurance-emploi. Cette différence n'est pas quelconque puisqu'elle exprime la volonté qu'il ne soit plus possible d'utiliser à d'autres fins les cotisations versées par les travailleurs et par les employeurs au fonds d'assurance-emploi.

En effet, cela a été largement documenté pendant plusieurs années. De 1995 jusqu'au 31 mars 2007, il a été calculé que 54,1 milliards de dollars d'excédents de la caisse ont été confisqués par le gouvernement et utilisés à d'autres fins. Ce n'est pas documenté par des gens comme nous, mais par le rapport de la Commission de l'assurance-emploi.

Je répète : 54 milliards de dollars de cotisations ont été confisqués par le Trésor et dépensés à d'autres fins. L'annonce de la mise sur pied de l'Office de financement au seul pouvoir de gérer un compte distinct et de fixer le taux de cotisation n'est donc pas pour nous une mauvaise nouvelle. Ceci dit, il aurait été possible et plus simple d'envisager que ce même mandat soit confié à la Commission de l'assurance-emploi.

Avec ou sans l'Office de financement ou sous la responsabilité ou non de la commission, précision qu'il n'y a pas lieu de prétendre que tout est réglé. En effet, plusieurs problèmes demeurent entiers, dont le surplus de 54 milliards qui a été confisqué et les énormes compressions qui ont été imposées au régime.

En ce moment le ratio prestataire-cotisant est de 46,1 p. 100, ce qui signifie que sur 100 travailleurs qui ont cotisé au régime et qui se retrouvent en situation de chômage, 54 n'auront pas accès au régime à cause des compressions imposées en 1996 et 1997. Tout cela est documenté également.

Pour ce qui est de la question des 54 milliards de surplus confisqués, il nous semble important de rappeler que nos institutions, nos lois et nos peuples au Canada ne doivent jamais oublier ce qui peut être qualifié comme étant l'un des grands scandales financiers canadiens du XXe siècle, c'est-à-dire le détournement à coups de milliers de millions de dollars de cotisation au régime d'assurance-emploi, argent qui devait servir à mieux protéger notre population.

On ne construit pas sa famille et ses enfants dans le mensonge et dans l'oubli. C'est la même chose pour la confiance d'une population envers ses lois et ses institutions. Il y a parfois des expériences politiques ailleurs dans le monde qui peuvent nous servir d'enseignement. Un grand homme politique, qui s'appelle Nelson Mandela, nous a appris que la réconciliation avait un prix.

Ce prix s'appelle la vérité, et ce n'est qu'une fois la vérité établie que la réconciliation est possible. Sur cette question précise des 54 milliards de dollars qui ont été confisqués, il doit y avoir réparation. C'est pourquoi nous avons quelques recommandations à proposer pour amender la septième partie du projet de loi C-50.

Premièrement, le projet de loi C-50 pourrait être amendé de façon à prévoir la tenue comptable avec intérêts de ce surplus accumulé jusqu'à son remboursement complet. Nous recommandons que ce surplus soit considéré comme une dette du Trésor au compte de l'assurance-emploi et que cette somme soit progressivement réinjectée à l'office de l'assurance-emploi. Je dis bien progressivement.

Bien sûr, on ne s'attend pas à recevoir un chèque de 54 milliards la semaine prochaine. Cela pourrait se faire de façon à ne pas affecter l'équilibre des comptes pour la fixation du taux de cotisation. Nous proposons aussi que le concept d'avance remboursable prévu à l'article 80, de la page 121 du projet de loi, soit remplacé par des paiements non remboursables, tirés à même le surplus accumulé, tant que le solde créditeur de celui-ci demeure positif.

Nous proposons aussi que la réserve prévue à l'article 70.(1), page 119 du projet de loi où on prévoit une réserve prévue de deux milliards de dollars, c'est insuffisant. Ce n'est pas clair non plus s'ils vont verser les 2 milliards. Il en coûte entre 16 et 18 milliards de dollars par année pour l'assurance-emploi, entre les prestations, l'administration et les mesures actives d'emploi. Il faut hausser cette réserve probablement à 15 milliards de dollars à défaut de quoi, il faut que le versement des surplus annuels n'affecte jamais l'équilibre des comptes dans la fixation du taux de cotisation.

Toujours relativement au projet de loi C-50, on mentionne un processus de nomination prévu au conseil d'administration. Cela ressemble un peu à quelque chose derrière des portes closes. On propose que les nominations au conseil d'administration et son président soient sujettes à l'approbation du Ccomité permanent des ressources humaines, ce qui rendrait le processus plus démocratique et transparent.

Le grand message qu'on veut transmettre aux parlementaires réunis aujourd'hui est que la création de l'Office de financement ne dispose pas du problème réel. Celui qui fait, comme il a été mentionné plus tôt, que plus de 50 p. 100 des travailleurs ne peuvent plus se qualifier à l'assurance-emploi même s'ils y ont cotisé. Cette question est la plus importante pour nous. Le Régime d'assurance-emploi doit être amélioré de façon à mieux protéger économiquement les travailleurs entre deux emplois. Cette question est éminemment politique et nous devons chercher des formules rassembleuses susceptibles de dégager les majorités désirées et c'est à cela, humblement, que nous appelons les parlementaires et les différents partis politiques représentés au Parlement canadien.

Michel Bédard, membre, Groupe de travail sur le financement de l'assurance-emploi, Institut canadien des actuaires : Je vous remercie d'avoir invité l'Institut canadien des actuaires à comparaître devant le comité pour discuter de la création de l'Office de financement de l'assurance-emploi. Notre profession fait passer l'intérêt du public avant celui de nos membres ou de la profession elle-même et c'est dans cet esprit que nous avons rendu public, en décembre 2007, notre rapport sur le financement de l'assurance-emploi et que nous comparaissons aujourd'hui.

Nous appuyons la création d'un office indépendant, mais croyons que plusieurs aspects du projet de loi soulèvent des problèmes importants. Le principal mérite du nouveau système est de garantir qu'après 2008, les coûts et les cotisations du Régime d'assurance-emploi demeureront en équilibre.

Cependant, le fait d'obliger l'Office de financement à atteindre cet équilibre sur une base annuelle, un an à la fois, constituera un sérieux handicap et provoquera des fluctuations erratiques des taux de cotisation, mais surtout des taux qui devront augmenter aux premiers signes d'une récession de façon procyclique.

[Traduction]

Imaginons le scénario suivant : une récession frappe le Canada et le taux de chômage augmente jusqu'à, mettons, 8 p. 100, ce qui entraînera une augmentation d'environ 3 milliards de dollars dans des prestations versées aux chômeurs canadiens. La réserve de 2 milliards de dollars de l'office est épuisée. Le compte d'assurance-emploi est forcé d'emprunter un autre milliard de dollars au gouvernement, même si, d'ailleurs, il y a encore un excédent cumulatif. Le niveau de chômage continue peut-être à augmenter. Le gouvernement enregistre un déficit.

Pour couvrir l'augmentation des coûts, il faudrait augmenter d'environ 0,6 p. 100 les cotisations à l'AE, soit 0,1 p. 100 pour rembourser l'emprunt d'un milliard de dollars; 0,2 p. 100 pour rétablir la réserve de 2 milliards de dollars qui, d'après le projet de loi, devra être regarnie immédiatement la même année; enfin, 0,3 p. 100 pour tenir compte du nombre plus élevé de Canadiens ayant perdu leur emploi et réclamant des prestations.

Augmenter les cotisations au-delà de la limite de 0,15 p. 100 prévue dans la loi deviendrait alors un véritable problème. Ce sont les ministres qui seraient forcés de prendre cette décision rendue d'autant plus difficile que l'économie et la situation financière du gouvernement seraient affaiblies. Il suffit de se rappeler les nombreuses fois où le gouvernement s'est substitué à la Commission de l'assurance-emploi du Canada pour comprendre qu'il y a là un risque réel.

Les conséquences pour les entreprises canadiennes, qui versent près de 60 p. 100 des cotisations à l'AE, seront importantes, puisque dans une situation semblable les bénéfices et l'encaisse sont limités. Les travailleurs qui versent 40 p. 100 des cotisations seront également durement touchés par de telles augmentations.

Nous croyons qu'une période de cinq à sept ans, plus proche d'un cycle d'affaires normal, éliminerait la nécessité d'augmenter les cotisations au moment même où elles devraient rester stables.

D'après nos calculs, il faudrait que la réserve actuarielle soit de 10 à 15 milliards de dollars afin de stabiliser les taux de cotisation pendant une telle période. Le reste de l'excédent, qui se chiffre à l'heure actuelle à 56,4 milliards de dollars au 31 mars 2008, n'est pas nécessaire pour gérer le programme de l'AE.

En vertu du régime proposé dans le projet de loi C-50, il est probable que les taux de cotisation fluctueraient de manière imprévisible d'une année à l'autre même en temps normal en raison des variations normales dans les coûts.

La soi-disant réserve de 2 milliards de dollars n'empêcherait rien, puisqu'elle doit être reconstituée chaque année. Ainsi, ce n'est pas une vraie réserve; elle n'aidera pas du tout à stabiliser les taux de cotisation.

Nous terminons avec trois recommandations. Premièrement, l'Institut canadien des actuaires recommande de fixer les taux de cotisation en se fondant sur une période de cinq à sept ans et que soit constituée une réserve actuarielle de 10 à 15 milliards de dollars provenant de l'excédent actuel de 56 milliards de dollars — peut-être pas d'un coup, mais étalée sur un certain temps. Deuxièmement, le projet de loi C-50 devrait être modifié afin d'accorder davantage de latitude à l'office et à son actuaire quant aux hypothèses et aux projections utilisées pour déterminer les taux de cotisation. Troisièmement, l'institut réitère sa position de principe, soit que l'excédent de 56 milliards de dollars appartient au régime d'AE et à ses cotisants et que cette question doit être abordée clairement plutôt que d'être écartée encore une fois.

David Stewart-Patterson, vice-président directeur, Conseil canadien des chefs d'entreprise : Je tiens à remercier le comité de me donner l'occasion de comparaître devant vous cet après-midi pour discuter du projet de loi C-50.

Je me propose de vous faire part de mes réflexions au sujet de trois dispositions spécifiques de ce projet de loi, à savoir les dispositions touchant l'assurance-emploi, l'aide aux étudiants et l'immigration, mais j'aimerais tout d'abord faire ressortir les résultats de quelques récentes recherches que nous avons faites dans le domaine de la fiscalité des entreprises. Ce n'est pas que la fiscalité des entreprises soit un élément central du projet de loi C-50, mais c'était un élément très important de l'énoncé économique d'octobre 2007 et elle reste un levier essentiel pour accroître la compétitivité du Canada.

L'an dernier, nous avons convenu de travailler avec PricewaterhouseCoopers pour dresser un tableau complet des recettes fiscales engendrées par les activités des grandes entreprises canadiennes, et le genre d'entreprises que sont nos membres, celles qui sont actives sur les marchés internationaux et qui ont tendance à être plus sensibles à la compétitivité du régime fiscal canadien. La méthodologie qu'utilise PricewaterhouseCoopers, appelée contribution fiscale totale, permet essentiellement de mesurer quatre types de paiements : les impôts versés directement par les entreprises, les taxes perçues par les entreprises dans le cadre de leurs activités et qui sont remises au gouvernement, les autres paiements tels les loyers et redevances et les coûts de l'observation fiscale.

Il y a trois messages clés. Premièrement, l'impôt sur le revenu des sociétés, qui est au cœur de la politique actuelle, n'est qu'un des nombreux aspects du fardeau fiscal des entreprises. En fait, même au niveau fédéral et provincial l'impôt sur le revenu des sociétés représente seulement deux des 49 différentes taxes que paient les grandes entreprises. Cette liste comprend un seul impôt, l'impôt foncier qui est prélevé au niveau municipal. Les autres sont des impôts fédéraux et provinciaux. Pour chaque dollar versé en impôt fédéral et provincial sur le revenu des sociétés, les entreprises ont payé un autre 0,82 cents en autres taxes et 0,67 cents en autres paiements aux gouvernements. En outre, elles perçoivent et remettent au gouvernement un autre 3,41 $ de leurs clients et de leurs employés dans l'exercice de leurs activités normales.

Deuxièmement, les grandes entreprises font d'importantes contributions en impôt. En 2006, les 39 compagnies qui ont participé à cette enquête ont payé 10,5 milliards de dollars en impôt canadien direct et ont collecté un autre 19,8 milliards de dollars pour le compte des gouvernements. Les dix plus importantes contributions — un quart de l'échantillon — ont généré près des deux tiers des recettes fiscales.

J'aimerais que vous reteniez ce message : avoir de grandes entreprises au Canada est important, et c'est important pour les gouvernements.

Troisièmement, la complexité du régime fiscal du Canada augmente le coût de l'observation. Les sociétés qui ont participé à cette enquête ont dépensé en moyenne 2,1 millions de dollars et ont eu besoin de 11 employés à temps plein ou l'équivalent simplement pour remplir les déclarations d'impôt. Cela ne comprend pas les rapports financiers ni les vérifications; c'était seulement pour s'occuper des questions fiscales.

Nous reconnaissons que la productivité et l'innovation des grandes entreprises contribuent de manière importante à la compétitivité du Canada. Je ne sais pas au juste combien de Canadiens se rendent compte de l'importance d'avoir ne serait-ce qu'un petit nombre de grandes entreprises en raison de leurs contributions aux recettes des gouvernements canadiens.

Permettez-moi d'aborder maintenant trois autres facteurs de compétitivité visés spécifiquement par le projet de loi C-50.

En ce qui a trait au régime de l'assurance-emploi, le milieu des affaires fait valoir depuis des années que les cotisations d'assurance-emploi devraient être établies par un organisme indépendant et que les fonds recueillis par la perception de ces cotisations devraient être administrés dans une caisse en gestion distincte. Par conséquent, nous appuyons fortement la création proposée de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada.

Nous nous inquiétons de la tendance à utiliser le régime de l'assurance-emploi pour verser des prestations qui seraient davantage caractérisées comme étant des programmes sociaux. À long terme, nous croyons que l'utilisation des sommes constituées par la perception des cotisations d'assurance-emploi devrait être axée plus précisément sur l'essentiel de son mandat consistant à fournir une assurance contre une perte temporaire d'emploi et que les autres programmes devraient être financés par le revenu général, et non pas par les cotisations de l'AE. Cependant, la création du nouvel office marque une étape critique dans la bonne direction.

J'aimerais maintenant aborder la question de l'aide aux étudiants. Dans une économie de plus en plus fondée sur le savoir, nous devons nous assurer que chaque Canadien et Canadienne est motivé et en mesure de poursuivre des études postsecondaires que ce soit à l'université ou dans des collèges, en milieu de travail dans le cadre d'un stage.

Le Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire a connu un départ difficile mais, avec le temps, a trouvé des moyens de travailler avec les gouvernements provinciaux pour devenir un catalyseur de l'innovation dans l'amélioration de l'accès aux études postsecondaires. Le gouvernement a choisi de dissoudre la fondation et de remplacer ses bourses par une nouvelle approche plus robuste à l'aide aux étudiants. La conception des nouvelles règles sera critique dans l'assurance que les ressources fédérales consenties à l'aide aux étudiants contribueront le plus efficacement possible à surmonter les obstacles financiers au succès de l'éducation postsecondaire.

Je crois également que le gouvernement devrait conserver et mettre à profit la capacité de recherche de la fondation. Je suggèrerais, notamment, que son mandat de recherche soit confié au Conseil canadien sur l'apprentissage qui est devenu une source importante et crédible d'informations au sujet de la situation de l'éducation au Canada et des politiques qui donnent les meilleurs résultats. Pour ce faire, il faudra renouveler le financement du CCA qui, autrement, expirera en avril prochain. J'attire simplement votre attention sur cette question.

Enfin, j'aimerais dire quelques mots au sujet des dispositions du projet de loi C-50 qui affectent l'immigration. Le Canada fait face à de sérieuses pénuries de main-d'œuvre qualifiée qui vont en s'aggravant. Ces pénuries sont plus évidentes et plus aiguës dans le secteur des ressources, mais elles touchent les entreprises de toutes tailles, dans toutes les industries et dans toutes les régions. Ces pénuries n'iront qu'en s'aggravant avec le vieillissement de notre population.

Les employeurs canadiens et les immigrants potentiels sont ensevelis dans une masse énorme de quelque 900 000 demandes qui, selon les règles en vigueur, doivent être traitées par ordre de réception. Le résultat est qu'un travailleur qualifié, prêt à contribuer immédiatement à l'économie canadienne, doit attendre des années avant même que sa demande soit examinée.

Le projet de loi qui nous occupe donnerait au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration le pouvoir discrétionnaire d'établir des priorités au sein du système. Cette disposition devrait aider à accélérer le flux des immigrants ayant les compétences dont notre économie a un besoin urgent. S'il est vrai que toute disposition législative accordant des pouvoirs discrétionnaires au ministre peut légitimement soulever des inquiétudes, le processus énoncé dans ce projet de loi à l'égard de l'émission de directives ministérielles prévoit, à mon avis, à la fois la transparence et l'obligation de rendre compte.

Le système actuel ne sert pas les intérêts des immigrants et les intérêts du Canada. Nous devons apporter des améliorations maintenant et nous ne pouvons gaspiller des années à rechercher la perfection. Quelles que soient les failles qu'on pourrait y détecter, le processus proposé ici représente une nette amélioration qui commencera immédiatement à faire une différence.

Sur les trois points — assurance-emploi, aide aux étudiants et immigration — le projet de loi C-50 conduit la politique publique vers de meilleures solutions. Dans chaque cas, il reste du travail à accomplir, mais nous appuyons les intentions de ce projet de loi et nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement pour faire en sorte que les nouveaux programmes et institutions qui en résulteront donneront les meilleurs résultats possibles aux Canadiens.

Le président : Merci, monsieur Stewart-Patterson. Cela nous sera très utile. Comme vous avez fait plusieurs recommandations, je signale à mes honorables collègues que nous avons votre rapport et qu'il est en train d'être traduit. Nous le distribuerons à tous les membres du comité lorsque nous l'aurons dans les deux langues officielles. Nous aurons également la transcription de la présente séance dans les deux langues officielles.

Garth Whyte, vice-président, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Au nom de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la FCEI, et des 105 000 propriétaires d'entreprise de tous les secteurs et de toutes les régions du pays que nous représentons, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à venir faire des observations sur le projet de loi C-50.

Les petites et moyennes entreprises jouent un rôle majeur dans la croissance économique et la création d'emplois au Canada, contribuant près de 50 p. 100 du PIB et 60 p. 100 de tous les emplois au Canada. J'ai distribué un document sur les résultats de sondages effectués auprès de dizaines de milliers de propriétaires d'entreprise. Je vais m'y reporter.

Je vous demanderais de regarder le premier graphique du document. Ce graphique montre le PIB et l'indice du baromètre des affaires de la FCEI établi à partir des attentes des propriétaires à l'égard de leur propre entreprise.

Le sénateur Nancy Ruth : Pourriez-vous ralentir un peu?

M. Whyte : Bien sûr. Je m'excuse. Je regardais l'horloge. J'ai beaucoup d'information à vous transmettre.

Comme vous le voyez, nos membres font preuve d'un optimisme prudent en ce qui concerne le ralentissement économique.

Je vous demanderais d'aller à la page 2. Comme vous le voyez, 30 p. 100 des propriétaires de petites entreprises prévoient créer de nouveaux emplois en 2008 comparativement à 8 p. 100 qui prévoient réduire le nombre de leurs emplois. C'est une bonne nouvelle pour le taux de chômage, les cotisations d'AE et l'excédent de l'AE.

La page 3 montre les grandes priorités des petites entreprises. Vous voyez que le projet de loi C-50 touche les six questions qui intéressent le plus nos membres.

Vous trouverez dans l'évaluation que nous avons annexée au document qui vous a été distribué notre réaction immédiate au budget. Nous serions heureux de répondre à toutes questions que vous pourriez avoir au sujet de cette évaluation, mais le reste de mon exposé portera sur la création de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada.

Le message que nous sommes venus vous transmettre aujourd'hui c'est, essentiellement, que l'AE constitue une grande préoccupation pour les propriétaires de petites entreprises. Ils estiment que le régime d'AE a besoin d'être amélioré pour trois raisons : premièrement, le processus d'établissement des cotisations laisse à désirer; deuxièmement, l'excédent de la caisse de l'AE continue à augmenter; et, troisièmement, le programme de l'AE ne répond plus aux besoins du marché du travail. Cette préoccupation est si grande que j'ai, à l'heure actuelle, dans mon bureau 20 000 formulaires Alerte Action signés par des propriétaires d'entreprise et nous allons les remettre au ministre Solberg, responsable des Ressources humaines et du Développement social, dans quelques semaines.

À la page 4, vous voyez que de tous les types d'impôt que doivent payer les entreprises, les propriétaires ont identifié les charges sociales, l'AE notamment, comme étant celle qui nuit le plus à la croissance de leur entreprise. Le graphique de la page 5 montre que la réduction des impôts et des cotisations à l'AE permettrait aux propriétaires d'entreprises d'augmenter les salaires, d'embaucher de nouveaux employés, et d'accorder plus de formation à leurs employés.

La page 6 montre que nos membres estiment que le gouvernement devrait commencer par séparer le compte d'assurance-emploi du Trésor fédéral pour en faire un fonds distinct. En outre, ils pensent qu'il y aurait lieu d'améliorer la gestion et la direction de la caisse de l'AE.

À l'heure actuelle, un tiers seulement de nos membres sont satisfaits des méthodes adoptées par le gouvernement fédéral pour gérer l'AE. Ils croient que les cotisations à l'AE devraient servir exclusivement aux fins de ce programme.

La FCEI appuie la création de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada. Le mécanisme d'établissement des cotisations a été amélioré, tout en conservant des aspects positifs, comme l'annonce, à date fixe, des nouveaux taux de cotisation et des limites visant à empêcher des fluctuations trop grandes d'une année à l'autre.

Nous sommes heureux d'apprendre que l'excédent opérationnel de l'AE ne sera plus versé dans le Trésor fédéral. Les nouveaux mécanismes de rapport devraient assurer l'imputabilité et la transparence.

Cependant, il reste des problèmes qui nous préoccupent et qui doivent être réglés. Par exemple, est-ce qu'il y aura des coûts de fonctionnement élevés qui devront être financés à même les cotisations des employeurs et des employés? Est-ce que cet office sera véritablement indépendant ou sera-t-il composé de partisans d'un parti politique qui seront remplacés après chaque élection? Est-ce que cet office pourra s'attaquer au problème des centaines de millions de dollars de cotisations excédentaires versées par les employeurs, une question à laquelle nos membres attachent la plus grande importance, comme vous le voyez à la page 8?

Nous craignons également que le nouveau régime crée des pressions qui forceront l'augmentation des cotisations plutôt que leur réduction en raison des coûts d'administration et de la réserve insuffisante qui est prévue, en plus de l'augmentation annuelle du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable.

Enfin, nous craignons que les employeurs et les employés ne soient forcés de faire les frais des ralentissements économiques, après avoir cotisé un excédent de 56,4 milliards de dollars, comme l'ont dit les experts. C'est honteux et injuste. À tout le moins, le gouvernement fédéral devrait combler tout déficit futur de la caisse de l'AE, s'il y a lieu.

Cependant, c'est un pas dans la bonne direction pour régler les problèmes de l'AE, et nous sommes d'accord pour dire que l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada ne devrait pas participer à l'élaboration des politiques et des programmes d'AE, mais c'est à ce niveau que les besoins sont les plus criants.

Le régime d'AE est un échec. Il ne répond pas aux besoins des employeurs ni à ceux des employés. En 2006, 44 p. 100 seulement des cotisations ont été utilisées pour des prestations ordinaires. Cela se trouve à la page 11.

La page 12 montre que la vaste majorité des quelque 9 000 entreprises qui ont répondu à un sondage ne connaissaient pas ou n'utilisaient pas les programmes d'AE, comme les partenariats de développement du marché du travail, les programmes d'aide au travail indépendant, les partenariats pour la création d'emplois et les services d'aide à l'emploi.

Il est injuste que des entreprises, surtout des petites entreprises, continuent à verser 60 p. 100 des cotisations. Nous estimons qu'il faudrait graduellement se diriger vers un partage à parts égales des cotisations ou par une formule où les employeurs et les employés cotiseraient 40 p. 100 et le gouvernement 20 p. 100.

Enfin, le régime d'AE doit être amélioré parce qu'il ne répond plus aux tendances du marché du travail. En raison du vieillissement de la population, de nombreuses entreprises ont désespérément besoin d'employés.

Le graphique de la page 14 montre clairement que plus le taux de chômage diminuait au cours de la dernière décennie, plus nos membres s'inquiétaient de la pénurie de main-d'œuvre. La pénurie de main-d'œuvre qualifiée s'est creusée de façon constante et devrait continuer à s'aggraver pendant de nombreuses années encore. En mars 2008, la FCEI a publié son rapport Du travail à revendre sur les taux de postes vacants à long terme. Comme vous le voyez à la page 15, ce taux a doublé depuis notre première étude en 2004. Le taux de postes vacants à long terme de 4,4 l'an dernier s'est traduit par 309 000 postes vacants à long terme. Il existe des postes vacants dans toutes les provinces. Les membres nous ont dit qu'il devient de plus en plus difficile de trouver des employés.

Le Canada a besoin d'une vaste stratégie à long terme pour faire face aux pénuries de main-d'oeuvre. La FCEI travaille avec les gouvernements provinciaux et fédéral dans plusieurs domaines pour régler ce grave problème. Nous nous sommes occupés de l'éducation et de la formation, de l'apprentissage, des programmes d'alternance travail- études, de la succession des entreprises et de l'immigration. Cependant, nous nous sommes peu occupés de la politique d'AE. Celle-ci peut jouer un rôle important soit pour atténuer ou exacerber les pénuries de main-d'oeuvre. Il est préoccupant pour nous que l'actuel programme d'AE empêche, au lieu d'aider les employeurs et les employés à trouver une solution à la pénurie de main-d'œuvre.

Comme vous pouvez le voir à la page 18, un employeur sur cinq dit avoir eu des difficultés à embaucher des employés car ces derniers préféraient bénéficier de l'AE. Dans certaines provinces, c'est vrai pour près de 40 p. 100 des employeurs. Nous devons améliorer l'AE afin qu'elle réponde mieux aux besoins des employeurs et des employés. C'est un programme trop important pour qu'on le laisse dans l'état actuel pendant encore 15 ans.

La création de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada est un premier pas utile, mais il reste encore beaucoup à faire à court terme.

Erin Weir, économiste, Métallurgistes unis : Merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui pour représenter les Métallurgistes unis. J'aimerais vous donner un aperçu de l'orientation que le projet de loi C-50 vise à mettre en œuvre et souligner certaines des modifications qu'il apporte au programme d'assurance-emploi.

Le budget de 2008 a été préparé alors que le pays faisait face à des défis assez sérieux. Le secteur manufacturier du Canada est en crise. Il a perdu 378 000 emplois depuis novembre 2002. Cela représente environ un sur six emplois qui existaient dans ce secteur en novembre 2002. Comme le récent recensement l'a confirmé, le revenu d'emploi est resté pratiquement inchangé depuis 25 ans et l'écart entre les riches et les pauvres continue de s'élargir. Les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter au Canada. Notre infrastructure publique est en train de tomber en ruine. La liste continue.

Étant donné tous ces besoins pressants nécessitant l'intervention du gouvernement, je trouve assez scandaleux que celui-ci ait déposé un budget dont les nouvelles dépenses publiques sont les plus faibles depuis dix ans. Ce grave manque de fonds pour des objectifs publics importants est le résultat direct des réductions d'impôt massives qui avantageront de manière démesurée les particuliers riches et les entreprises rentables. Lorsque les réductions d'impôt annoncées par le gouvernement actuel seront toutes entrées en vigueur en 2012-2013, elles auront occasionné un manque à gagner de 14,8 milliards de dollars en recettes de TPS et de 11,2 milliards de dollars en impôt sur le revenu des particuliers. Cela donne un manque à gagner total de 40,2 milliards de dollars. C'est le grand total et il dépasse les 40,1 milliards de dollars que le gouvernement fédéral prévoit pour le Transfert canadien en matière de santé et pour le Transfert canadien en matière de programmes sociaux ensemble pour 2012-2013.

En d'autres mots, si le gouvernement fédéral n'avait pas réduit les impôts, il aurait pu doubler ces transferts pour les soins de santé, l'enseignement postsecondaire et le bien-être social.

Ce que nous reprochons fondamentalement au projet de loi C-50 c'est qu'il met en œuvre un budget qui ne tient pas compte des défis urgents auxquels le Canada fait face et qu'il prive les gouvernements futurs de la capacité financière de le faire.

J'aimerais maintenant parler plus particulièrement des modifications que le projet de loi C-50 apporte au régime d'assurance-emploi, un grand sujet de préoccupation pour notre syndicat et le reste du mouvement syndical.

Au cours des 15 dernières années, alors que l'économie canadienne était en plein essor, que le taux de chômage diminuait et que les cotisations à l'assurance-emploi étaient constamment plus élevées que les prestations versées, le gouvernement était trop heureux d'inclure les cotisations dans ses recettes générales. Maintenant que l'économie ralentit, que le chômage augmente, il se pourrait que les cotisations soient insuffisantes pour couvrir les prestations et le gouvernement dit que les cotisations ne doivent plus aller dans le trésor public mais être placées dans un fonds distinct.

Nous sommes d'accord avec le principe d'un compte d'assurance-emploi distinct. Nous nous préoccupons cependant du fait que le gouvernement fédéral ait l'intention de ne verser dans ce compte que 2 milliards de dollars alors qu'un excédent de 54 milliards de dollars s'y est accumulé. Cette somme est aussi loin des 10 à 15 milliards de dollars qui seraient nécessaires pour empêcher qu'il ne faille augmenter les cotisations d'assurance-emploi en cas de récession. M. Bédard vient de confirmer ces chiffres. Compte tenu de ce qui est proposé dans le projet de loi C-50, en cas de récession, il faudrait soit augmenter les cotisations, soit réduire les prestations. Ce serait complètement impensable s'il y avait une récession. Avec une capitalisation de 2 milliards de dollars seulement, le compte d'assurance-emploi ne pourrait plus jouer son rôle de stabilisateur automatique de l'économie canadienne.

Nous déplorons également le fait que le projet de loi C-50 ne prévoit aucune bonification des prestations d'assurance-emploi. Au cours de la dernière décennie et demie, le pourcentage des chômeurs admissibles aux prestations d'assurance-emploi est passé de 80 p. 100 à 40 p. 100. À notre avis, l'excédent de 54 milliards de dollars qu'affiche le compte d'assurance-emploi est plus que suffisant pour bonifier les prestations d'assurance-emploi et pour faire en sorte que la plupart des chômeurs soient admissibles à une aide. Or, le projet de loi C-50 exclut cette possibilité.

Le projet de loi C-50 dispose également que tout nouvel excédent que pourrait afficher ce compte, maintenant distinct, devrait être affecté à la réduction des cotisations et non à la bonification des prestations.

Bref, nous craignons que les changements proposés par le projet de loi C-50 fassent en sorte que ce compte distinct, dans lequel ne seraient maintenant versés que 2 milliards de dollar, ne permettrait pas de verser des prestations suffisantes aux travailleurs canadiens en chômage.

Le sénateur Ringuette : J'ai écouté très attentivement chaque exposé.

[Français]

Évidemment, je comprends le malaise de votre association face à la décision d'investir un fonds de 2 milliards de dollars, par ce projet de loi, dans le nouveau bureau plutôt que de donner suite à ce qu'on estimait pour avoir une réserve de 15 milliards de dollars. Votre association a-t-elle consulté des actuaires, comme M. Bédard dans sa présentation l'a indiqué, pour en arriver à la même conclusion?

M. Céré : Un consensus se dégage au Québec. Nous avons travaillé étroitement à l'étude du projet de loi C-50 avec les centrales syndicales. Certaines personnes, qui sont des incontournables de ce milieu syndical dans le dossier de l'assurance-emploi, ont des relations assez étroites avec l'Institut canadien des actuaires. Nous avons, bien sûr, consulté la documentation produite par l'institut et les mémoires qui ont été déposés. Un consensus semble se dégager de notre côté, le groupe des chômeurs et les centrales syndicales. Nous avons comparus récemment devant le Comité des finances de la Chambre des communes et le Comité des ressources humaines. Tous s'entendent pour dire que la réserve prévue de 2 milliards de dollars est nettement insuffisante. Cette réserve est également incertaine, étant donné l'emploi du conditionnel dans l'article de loi.

On ne sait pas s'ils déposeront cette somme de deux milliards de dollars — qui soit dit en passant est insuffisante. Le régime coûte entre 16 à 18 milliards de dollars par année. S'il arrive un coup dur, cette somme de 2 milliards est insuffisante. Il faut une réserve plus importante. Or, le Trésor est présentement créditeur au compte de l'assurance- emploi et a une dette de 54 milliards de dollars.

Les derniers chiffres indiquaient pour l'année se terminant le 31 mars 2007 des surplus de 3 milliards. D'ici quelques mois, nous connaîtront les chiffres pour l'année fiscale se terminant le 31 mars 2008. Selon des personnes qui suivent de près l'évolution du régime, on s'attend de nouveau à un surplus annuel de l'ordre de 2 milliards de dollars. Il serait plus important et responsable vis-à-vis du régime que cet argent soit versé dans un fonds de réserve.

Le sénateur Ringuette : Si les surplus dépassent les 2 milliards dans le fonds de réserve, il en résultera des diminutions de cotisations plutôt que des augmentations des bénéfices. Votre groupe s'est-il penché, comme l'indiquait M. Weir, sur cet aspect en particulier du projet de loi C-50?

M. Céré : Oui, et nous considérons cet aspect avec beaucoup de crainte. Supposons qu'au 31 mars 2008 on ait un surplus de 2 milliards, d'après ce que nous comprenons, l'Office de financement serait mis en place, et le Trésor verserait à l'office ce surplus de 2 milliards. L'office, à son tour, doit tenir compte de ces argents lorsqu'elle fixera le prochain taux de cotisation. Elle baisserait donc, toujours avec une variation maximale de 0,15 $, le taux de cotisation. Or, ces argents doivent servir à améliorer la situation.

Au cas où on en douterait, il est chiffré par le ministère des Ressources humaines que le ratio prestataire quotidien de 45,1 p. 100 doit être augmenté. Il s'agit de la couverture du régime. Pour ce faire, il faut assouplir les critères d'admissibilité, il faut prolonger la période de prestation, il faut amener une façon de calculer le taux de prestation qui soit plus humaine et plus intelligente. Sans entrer dans des termes trop techniques, soit la période de base et les dénominateurs, il suffit de dire que le calcul en ce moment est un peu barbare. Ces ajustements nécessitent des sommes d'argent dont on dispose présentement dans le Trésor et qui pourraient être versées au compte et à l'office pour gérer une réserve plus importante.

M. Bédard : Je suis en mesure de confirmer les données de M. Céré. Nous avons fait l'évaluation des simulations. La réserve nécessaire pour stabiliser les taux de cotisation s'élève vraisemblablement entre 10 à 15 milliards de dollars. Je peux vous l'affirmer d'autant plus que j'étais l'actuaire en chef pour le compte de l'assurance-emploi jusqu'en 2003.

Ce que M. Céré décrit au sujet de l'effet de la réduction des taux de cotisation est tout à fait réel. Évidemment, la limite de 0,15 p. 100 pour faire en sorte que les taux de chômage puissent diminuer lorsqu'on atteint un seuil de chômage élevé. Lorsque des surplus importants se dégagent, il pourrait arriver que la limite de 0,15 p. 100 contraigne l'Office de financement à maintenir ces surplus.

J'ai fait d'autres simulations qui montrent que ce surplus pourrait même grimper à 6, 8 ou 9 milliards de dollars auprès de l'Office de financement si la limite de 0,15 p. 100 est imposée lors d'une baisse des taux de chômage.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous fait des simulations concernant une augmentation du taux de chômage? Il ne faut pas se leurrer, l'économie n'est pas à la hausse mais à la baisse.

M. Bédard : Tel qu'indiqué dans ma présentation, si le taux de chômage augmentait soudainement à 8 p. 100 — on se rappellera des deux dernières récessions, où le taux est passé à plus de 10 p. 100 — on pourrait alors s'attendre à ce que les coûts augmentent d'une marge équivalente à 60 cents d'augmentation du taux de cotisation. Or, la limite fixée dans la loi est de 0,15 p. 100. Est-ce que les gouvernements interviendraient? Ils l'ont fait par le passé pour faire sauter ce genre de limite.

M. Weir : J'aimerais ajouter qu'il ne s'agit pas seulement d'une simulation mais d'un fait actuel. En ce moment, le taux de chômage est à la hausse au Canada. Selon le dernier rapport de Statistique Canada, on compte 1,1 million de chômeurs au Canada, et ce pour la première fois depuis novembre 2006, et je crains que la situation ne s'empire.

Le sénateur Ringuette : Certaine personnes et groupes sont encore accroché au vieux modèle économique Keynésian, qui dit que si les coûts diminuent, nous augmenterons la production et le nombre d'employés. Or, si nous avons une bonne gestion, soit une bonne combinaison de capital et de ressources humaines, on maximise notre production. Qu'il y ait une variation plus ou moins du coût des ressources humaines, le taux de ressources humaines nécessaire pour maximiser sa production demeure le même.

Monsieur Whyte, les statistiques que vous avez reçues de vos membres révèlent que s'il se produisait une diminution du taux de cotisation à l'assurance-emploi, une augmentation s'ensuivrait et prendrait ces diminutions pour augmenter le nombre d'employés. C'est pourquoi je vous réfère au système d'économie Keynésian, qui date des années 1950 et 1960, mais qui n'est plus réaliste à notre époque si on se dit bons gestionnaires.

[Traduction]

Nous représentons l'économie moderne et non l'économie keynésienne. Nous représentons les entrepreneurs. Nous avons été les premiers — ce que M. Bédard confirmera — à nous plaindre de l'accumulation de cet excédent. Tout le monde parle maintenant de cet excédent de 56 milliards de dollars. Nous avons été les premiers à le faire.

Joyce Reynolds, vice-présidente-directrice générale, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires : Nous vous avons suivi de près.

M. Whyte : Vous avez raison. Nous avons dénoncé ce fait, ce qui n'a pas plu à M. Martin. Nous savions que cet argent servait à d'autres fins. Nous n'avons pas de leçon à recevoir de qui que ce soit là-dessus.

Alors que les aciéries mettaient à pied des employés, nos membres conservaient les leurs et créaient même de l'emploi. C'est ce qu'on a vu après le 11 septembre. Ce ne sont pas Enron ou Nortel qui ont permis à l'économie canadienne de continuer à tourner, mais plutôt nos membres. Nos membres savent exactement ce qu'ils font. Nous leur avons demandé ce qu'ils feraient s'ils pouvaient conserver l'argent qu'ils gagnent, non pas les cotisations d'assurance- emploi, mais l'argent qu'ils versent en impôts. Ils ont répondu qu'ils investiraient dans le capital humain, dans leurs employés et dans leurs collectivités. C'est ce que veulent les Canadiens.

Nous sommes tous d'accord pour dire que 2 milliards de dollars n'est pas une somme suffisante. Nous nous opposons à l'idée que le gouvernement constitue un filet de sécurité en cas de récession. Le gouvernement devrait remettre dans le compte l'excédent qui s'y est accumulé. De cette façon, il ne serait pas nécessaire d'augmenter les cotisations des employés et des employeurs.

Nous avons une autre solution à proposer. La raison pour laquelle nous nous sommes retrouvés dans une situation déficitaire et que les cotisations ont tellement augmenté, c'est que le gouvernement a cessé d'en payer 20 p. 100. Autrefois, le gouvernement payait 20 p. 100 des cotisations. S'il le faisait de nouveau, ce serait une autre façon d'éviter qu'il soit nécessaire d'augmenter les cotisations.

Nous faisons cette suggestion parce que nous ne croyons pas qu'il soit juste que les employeurs du Nouveau- Brunswick — et nous comptons beaucoup de membres dans cette province — aient à verser des cotisations plus élevées sans qu'ils y gagnent quoi que ce soit.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous demandé à vos membres ce qu'ils pensaient de la proposition que le gouvernement actuel a faite lorsqu'il constituait l'opposition officielle, à savoir tenir compte d'un facteur de risque dans l'établissement des cotisations à l'assurance-emploi?

M. Whyte : Je répète que nous ne nous opposons pas à une réforme de l'assurance-emploi, mais je ne vois pas comment ce genre de système, ou un système de taux particulier, pourrait fonctionner. Il n'a pas fonctionné dans de nombreuses commissions des accidents du travail. C'est un système qui pose de grandes difficultés. À notre avis, le programme actuel est mal géré. On ne mesure pas l'efficacité du système, mais plutôt le taux de participation. On ne mesure pas les résultats obtenus, à savoir le nombre d'emplois créés. On chiffre le nombre de personnes qui suivent des cours de formation, mais on ne cherche pas à établir si cette formation mène à un emploi. Je doute qu'un système de taux particulier soit un système stable. Nous serions prêts à étudier cette question, mais la première étape constituait à créer un compte distinct pour que le gouvernement ne puisse pas se servir de cet argent à d'autres fins.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Whyte, combien de vos membres sont des employeurs saisonniers?

M. Whyte : Il y en a beaucoup.

Le sénateur Ringuette : Quel serait le pourcentage approximatif de vos membres qui sont des employeurs saisonniers?

M. Whyte : Ce pourcentage se situe entre 20 et 30 p. 100. Nous représentons des pêcheurs, des agriculteurs et des camionneurs.

Le sénateur Ringuette : C'est un pourcentage représentatif de l'économie canadienne où 25 p. 100 des employeurs doivent embaucher des travailleurs saisonniers.

M. Whyte : Voilà pourquoi nous devons adapter le système aux besoins des gens qui s'en servent. Le système actuel ne fonctionne pas.

Le président : Je veux vous présenter un autre témoin. Vous comprendrez qu'il a été difficile avec un préavis aussi court de rassembler un groupe de témoins aussi talentueux et compétent. C'est notre faute. Je ne vous ai pas encore présenté Joyce Reynolds, vice-présidente directrice générale de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Nous ne vous avons pas communiqué l'avis à temps et nous nous en excusons. Nous sommes très contents que vous ayez pu venir aujourd'hui parce que nous pensions que vous ne pourriez le faire que plus tard. Nous vous invitons à vous joindre au groupe. Nous venons tout juste de commencer la période de questions. Nous avons beaucoup parlé de la réserve de 2 milliards de dollars. Un consensus semble se dégager sur cette question.

Mme Reynolds : Je comparais aujourd'hui au nom de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, l'ACRSA. Je suis heureuse de pouvoir présenter le point de vue des exploitants de restaurants et de services alimentaires du Canada. J'ai déjà comparu à de nombreuses reprises sur la question de l'assurance-emploi devant divers comités permanents de la Chambre, soit le Comité permanent des finances, le Comité permanent des ressources humaines et du développement social et le Comité sur la condition des personnes handicapées. C'est la première fois que je comparais devant un comité sénatorial.

Comme l'industrie des services alimentaires est une industrie à forte concentration de main-d'œuvre — 3 $ de chaque tranche de 10 $ de ventes vont au salaire —, nous estimons payer des charges sociales disproportionnément élevées. Consciente du fardeau que des cotisations artificiellement élevées à l'assurance-emploi constituent pour les industries à forte concentration de main-d'œuvre, notre association s'oppose depuis longtemps à la chose et a dénoncé, comme l'organisme que représente M. Whyte, le fait que le compte d'assurance-emploi serve à d'autres fins qu'au paiement des prestations d'assurance-emploi.

Notre association a conclu il y a longtemps que la seule façon d'empêcher que les cotisations d'assurance-emploi excèdent les prestations d'assurance-emploi est de constituer un compte distinct des comptes publics du Canada dont la gestion ne serait pas confiée au gouvernement.

Au cours des 12 dernières années, les taux des cotisations d'assurance-emploi ont toujours dépassé de beaucoup les coûts du programme, entraînant l'accumulation d'un excédent de 54 à 56 milliards de dollars dans le compte d'assurance-emploi. Il en est résulté un fardeau financier énorme pour les employeurs et les employés qui financent de façon exclusive le programme.

Nous pouvons débattre de la question de savoir si cette somme de 2 milliards de dollars suffit. En principe, l'idée d'un processus d'établissement des taux qui fasse contrepoids aux cycles est une bonne idée, mais cela ne fonctionne pas en pratique. Déjà en 1994, dans un mémoire présenté au Comité permanent des ressources humaines, notre association a exprimé des inquiétudes à l'égard de cette méthode. Voici ce que nous disions à l'époque : « Malheureusement, l'expérience nous enseigne que les gouvernements ne peuvent pas s'empêcher de puiser dans les excédents et de s'en servir à d'autres fins qu'aux fins initialement prévues. Notre association ne peut pas appuyer la méthode de financement anticyclique à moins qu'une loi ne nous assure que le gouvernement ne pourra puiser dans cet excédent qu'en cas de ralentissement économique. »

Les craintes que nous exprimions en 1994 étaient bien fondées puisque les gouvernements se sont mis à compter sur les fonds dans le compte d'assurance-emploi. La directive dans laquelle le vérificateur général recommandait en 1986 que le programme d'assurance-emploi soit intégré aux finances générales du gouvernement a servi de justification pendant de nombreuses années au détournement des fonds du compte d'assurance-emploi. Or, le vérificateur général a précisé à maintes reprises qu'il n'avait jamais été question que les cotisations d'assurance-emploi soient considérées comme faisant partie de l'ensemble des recettes fiscales générales du gouvernement ni qu'elles servent à d'autres fins qu'au financement de l'assurance-emploi. La seule explication à la directive qui avait été émise à cette époque, c'est que le compte d'assurance-emploi était déficitaire et que ce déficit venait accroître le déficit global du Canada avec les conséquences que cela entraînait pour ce qui est des besoins en matière d'emprunt du gouvernement. Nous savons que les finances du gouvernement fédéral se sont énormément améliorées depuis lors.

Nous savons aussi que le gouvernement fera toujours l'objet de pressions pour qu'il augmente ses dépenses au titre des programmes et des activités et pour qu'il diminue les impôts de tous genres. Par conséquent, nous sommes heureux qu'en raison de la partie VII du projet de loi C-50, le programme d'assurance-emploi ne pourra plus être traité comme une vache à lait. Les charges sociales ne tiennent pas compte des profits et sont régressives. Elles n'auraient jamais dû être intégrées à l'assiette fiscale générale du gouvernement.

L'établissement des cotisations pour faire contrepoids aux cycles économiques n'aurait servi à rien tant que le compte d'assurance-emploi était intégré aux recettes générales puisque les méthodes comptables du gouvernement interdisent le report des excédents d'une année sur l'autre. Les employeurs et les employés pouvaient toujours s'attendre à une augmentation des taux de cotisations à l'assurance-emploi dès qu'il y avait augmentation du taux de chômage, sans égard à la somme accumulée dans le compte d'assurance-emploi.

Notre association reconnaît que l'excédent de 4 milliards de dollars dans le compte d'assurance-emploi est un excédent théorique et que compte tenu des réalités financières, il ne peut pas aisément ou immédiatement être remis à l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada dont on propose la création.

Une meilleure façon pour le gouvernement de rembourser cet excédent de 54 milliards de dollars serait sans doute qu'il commence à contribuer de nouveau au programme d'assurance-emploi. Puisqu'un pourcentage croissant des prestations n'est pas lié à la situation du marché du travail, notre association estime que le moment est venu pour le gouvernement de contribuer de façon permanente au financement du programme d'assurance-emploi. Une vaste gamme de programmes sociaux sont maintenant financés par l'assurance-emploi, comme les congés parentaux et les congés pour raisons familiales. Ces prestations qui répondent à d'authentiques besoins sociaux n'ont cependant rien à voir avec l'intention originale de l'assurance-emploi et représentent maintenant plus de 40 p. 100 des coûts du programme.

À ses débuts, le programme d'assurance-emploi visait à assurer un soutien du revenu aux personnes temporairement et involontairement au chômage. Le financement du programme était réparti entre les employeurs, les employés et le gouvernement. Le gouvernement a progressivement réduit sa contribution au financement du programme et, en 1990, y a complètement mis fin. Aujourd'hui, les employeurs assument 60 p. 100 du coût du programme, les employés assumant le reste. Or, sur les 14,4 milliards de dollars qui ont été retirés du compte en 2006, seulement 8 milliards de dollars représentaient des prestations d'assurance-emploi régulières ou authentiques.

L'ACRSA s'est prononcée il y a longtemps en faveur d'une répartition plus équitablement du financement de l'assurance-emploi. Notre association recommande une formule à frais partagés dans le cadre de laquelle les employeurs assumeraient 40 p. 100 du financement du programme, les employés, 40 p. 100 et le gouvernement, 20 p. 100. La participation du gouvernement au financement du programme serait équitable, elle permettrait de réduire l'excédent de 54 milliards de dollars dans le compte d'assurance-emploi et améliorerait éventuellement la reddition de comptes.

En conclusion, notre association appuie la création de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada ainsi que la mise sur pied d'un compte d'assurance-emploi distinct dont la gestion ne serait pas confié au gouvernement. C'est la seule façon équitable et responsable de permettre que les cotisations d'assurance-emploi soient établies de manière à faire contrepoids aux cycles économiques. Cette solution permet aussi d'assurer la viabilité du programme et de le soustraire aux visées du gouvernement.

Notre association pense que le moment est venu pour le gouvernement de participer de nouveau au financement du programme de façon à ce qu'on ne puisse plus contester l'équité du fait qu'il puise dans l'excédent de 54 milliards de dollars. Notre association estime également que la partie 7 du projet de loi C-50 protège adéquatement les employés et les employeurs en interdisant que leurs cotisations durement payées ne puissent servir à d'autres fins qu'aux fins prévues.

Le président : Je vous remercie beaucoup, madame Reynolds. Nous vous savons gré des recommandations précises que vous nous avez faites. Elles nous aiderons à nous concentrer sur les questions qui ont été soulevées.

Le sénateur Di Nino : Je voudrais d'abord traiter de cet excédent de 54 ou 56 milliards de dollars. Il faut bien comprendre que ces fonds ont été perçus et dépensés. Ils n'existent plus. Dans sa sagesse, le gouvernement précédent a décidé de se servir de cet argent pour éponger le déficit. C'était une autre forme de taxe.

Il n'existe pas de réserve. Il n'y a pas un compte bancaire rempli à craquer d'argent. Je tiens à le dire parce que je trouve que c'est important. Tout le monde parle de cet excédent, mais personne ne dit qu'il n'existe plus. Voilà, c'est fait. Je l'ai dit.

Je voudrais maintenant parler quelque peu de ce changement à l'assurance-emploi. Mes questions et mes observations s'adressent à qui voudra y répondre.

J'aimerais d'abord que nous discutions de ce nouvel office qui sera chargé de gérer le compte et d'établir les cotisations. Nous engageons-nous dans la bonne voie en recherchant pour faire partie de cet office des spécialistes ayant les compétences et les connaissances nécessaires en gestion financière, à savoir des personnes qui pourront anticiper autant que possible ce qui se passera pendant l'année afin d'établir le taux des cotisations? Nous engagerons- nous dans la bonne voie?

M. Bédard : Nous nous engageons dans la bonne voie en créant un mécanisme précis et en lui confiant un mandat clair. Le mandat de l'office est cependant tellement clair que ses pouvoirs seront très limités. La principale tâche des gens qui travailleront pour l'office sera de préparer des états financiers trimestriels et annuels. Ils n'auront pas grand- chose d'autre à faire. Même les 2 milliards de dollars qu'ils doivent investir devront être investis à court terme. Le fait qu'on leur demandera d'établir les cotisations pour un an restreindra beaucoup leur marge de manœuvre. C'est un pas dans la bonne direction, mais il faudrait faire bien davantage.

Vous avez raison de signaler que les 54 ou 56 milliards de dollars ont été dépensés. La Cour suprême du Canada est maintenant saisie de cette affaire. Soit dit en passant, cette somme continue de rapporter des intérêts au gouvernement.

M. Stewart-Patterson : D'abord, en ce qui a trait à l'expertise et aux compétences des personnes qui seront nommées à l'office, le gouvernement a tout à fait raison de vouloir s'assurer que ceux qui travailleront pour l'office possèdent des compétences qui aient un lien avec sa mission.

Je suis d'accord avec mon collègue. J'espère qu'avec le temps l'office jouera un rôle plus important et qu'il ne devra pas simplement s'en tenir à des questions à court terme. On devrait peut-être envisager la possibilité que l'office puisse faire des recommandations au gouvernement sur le mandat général du système d'assurance-emploi.

La réforme de l'assurance-emploi doit comporter une seconde étape. Je ne conteste pas qu'il s'agisse d'un bon point de départ, mais ce n'est effectivement qu'un point de départ. Il faudrait nommer à l'office des personnes qui pourront non seulement l'aider à s'acquitter de ses responsabilités immédiates, mais aussi à se pencher sur les questions de fond.

Avec votre permission, sénateur, je voudrais comme vous bien insister sur le fait que ces 56 milliards de dollars n'existent plus. Nous ne serions certainement pas favorables à la réinjection soudaine de 50 milliards de dollars dans le compte d'assurance-emploi. Je ne suis pas prêt à recommander que le gouvernement accuse un déficit de 50 milliards de dollars. Je ne suis certainement pas prêt non plus à recommander qu'on augmente les autres impôts de 50 milliards de dollars. Et je ne préconise pas qu'on fasse des coupures de 50 millions de dollars dans d'autres domaines. Le fait est que les gouvernements antérieurs ont dépensé cet argent à d'autres fins que l'assurance-emploi. Ils ont décidé à l'époque que cela se justifiait.

Cela étant dit, le gouvernement a le devoir moral, ayant soutiré de l'argent du compte d'assurance-emploi pendant de nombreuses années, de contribuer de nouveau à son financement puisque nous constituons un fonds distinct au moment même où un ralentissement économique se profile à l'horizon.

Cela soulève la question de savoir ce qui constitue un excédent ou une réserve appropriée et la façon de constituer cette réserve. Je n'ai pas vraiment de réponse à cette question. On semble s'entendre pour dire qu'une réserve de 2 milliards de dollars est insuffisante et ne permettra pas d'assurer la stabilité des cotisations pendant un cycle économique de cinq à sept ans. La réserve traditionnelle de 10 ou de 15 milliards de dollars suffirait-elle? Je dois m'en remettre à cet égard à la compétence de mes collègues, mais je me permets de faire remarquer que par rapport à l'époque où l'excédent se constituait — et la norme actuarielle qu'on utilisait était de 10 à 15 milliards de dollars — les taux de chômage sont maintenant structurellement plus bas. Autrement dit, en raison de la situation démographique, je ne pense pas que nous nous retrouverons dans la situation où le taux de chômage sera dans les deux chiffres. Peut-on dire qu'il y a moins de risque maintenant d'augmentation en flèche du taux de chômage?

À l'heure actuelle, une grande part des prestations financées à même le compte d'assurance-chômage sont des prestations versées pour congé de maternité ou congé pour raison parentale, lesquelles ne fluctuent pas en fonction des cycles économiques. Autrement dit, le fait qu'une si grande part des prestations ne variera pas en fonction de l'état de l'économie réduit-il le risque de fluctuations et, par conséquent, la taille de la réserve nécessaire?

La question de savoir à combien doit s'élever exactement la réserve n'est pas encore réglée. Dans la mesure où l'on semble s'entendre pour dire que cette réserve devrait être supérieure à 2 milliards de dollars, il s'agit de savoir comment constituer cette réserve de la façon la moins intrusive possible.

J'ai suggéré qu'on songe à des sources de revenu comme les excédents de fin d'année non prévus du compte des recettes générales et qu'on envisage d'en inclure certains dans le compte d'assurance-emploi et ne pas les affecter à la réduction de la dette, jusqu'à ce que la réserve atteigne le niveau voulu. C'est la façon la moins intrusive de s'y prendre, mais ce n'est pas la seule. Cela revient à ce que vous disiez au départ, sénateur, à savoir que cet argent doit provenir des ressources financières dont dispose actuellement le gouvernement.

Le sénateur Di Nino : Si j'ai demandé à tous les témoins de répondre à la question, j'ai fait une erreur parce que cela utiliserait tout le temps disponible. Je veux faire deux ou trois autres observations et je préciserai la personne à laquelle elles s'adressent.

Monsieur Bédard, lorsqu'on nous a présenté le plan budgétaire de 2008, l'information qui nous a été fournie comprenait les prévisions relatives au taux de chômage pour les deux ou trois prochaines années. Le ministère des Finances nous informe que d'après un sondage effectué auprès de prévisionnistes du secteur privé — et je présume qu'une bonne partie d'entre eux, sinon tous, sont des économistes —, ces taux seraient inférieurs à ceux que vous avez mentionnés et se situeraient entre 6 et 6,5 p. 100.

Le gouvernement a établi ses propres prévisions en se fondant sur des données réelles recueillies auprès d'un ensemble de personnes et non pas d'une seule. D'où tirez-vous ce taux de 8 p. 100 puisque la plupart des spécialistes s'entendent pour dire que le taux de chômage sera de deux à trois points de pourcentage de moins?

M. Bédard : Ce taux a été établi à partir d'une simulation. Vous avez raison de dire que la situation actuelle semble moins sombre. Je vous signale cependant qu'on ne prévoit jamais les récessions. Je pourrais vous montrer des prévisions datant du début des années 1980 et du début des années 1990 et selon lesquelles le taux de chômage devait se situer entre 6 et 7 p. 100. Ce taux a pourtant franchi la barre des 10 p. 100. Je ne dis pas que c'est ce qui va se produire, mais il faut se préparer au pire. J'espère que nous ne reverrons pas de tels taux, mais c'est une possibilité.

Le sénateur Di Nino : Permettez-moi de revenir là-dessus. Monsieur Stewart-Patterson a parlé de l'obligation morale. Le Trésor du gouvernement du Canada constitue en fait cette obligation morale qu'on recherche. Comme vous l'avez dit, si la réserve doit être de 5 milliards de dollars au lieu de 2 milliards de dollars, il nous faudra demander à la FCI dans quels domaines nous devons réduire les prestations. Ce sera difficile.

Pour poursuivre dans la même veine que M. Bédard, ne convenez-vous pas que la principale raison d'être de ce nouvel office est de veiller à ce qu'un gouvernement canadien futur — quelle qu'en soit l'allégeance — ne puisse pas puiser de nouveau dans les poches des Canadiens? Le gouvernement pourra peut-être s'y prendre d'autres façons, mais il ne pourra pas puiser dans le compte d'assurance-emploi. N'est-ce pas la principale raison d'être de l'office?

Le président : Vous auriez peut-être dû utiliser une autre expression que celle de « puiser dans les poches des Canadiens ».

Le sénateur Stratton : Qui essayez-vous de convaincre?

M. Bédard : Si ce système avait existé en 1986, il aurait été impossible d'accumuler un excédent 56 milliards de dollars. C'est vrai que le taux des cotisations aurait été complètement farfelu.

Compte tenu du fait qu'il s'agira d'un compte distinct et que la réserve atteindra 2 milliards de dollars, cela ne coûtera rien au gouvernement puisque les comptes du nouvel organisme seront complètement consolidés. Puisque le compte n'est pas encore complètement indépendant, il est toujours possible que certains gouvernements cherchent à s'immiscer dans la conduite des affaires de l'office.

Le sénateur Di Nino : Je vous le concède, mais on pourrait aussi faire valoir l'inverse.

M. Whyte : Je suis d'accord avec vous, mais la première étape consistait à fermer le robinet. C'est ce que nous avons fait. Voilà pourquoi nous appuyons la création de l'office.

Le sénateur Stratton : Amen.

M. White : Deuxièmement, on nous dit depuis un certain temps qu'il s'agit d'un compte théorique. Ils nous disent essentiellement : « Faites-nous confiance. Nous allons recueillir l'argent pour vous, et il sera là lorsque les temps seront difficiles »; et voilà que l'argent a disparu. « Dommage, il n'est plus là, c'est la vie; passons à autre chose. »

Nous ne croyons pas que ce soit approprié. Voilà le message. Tout à coup, on sort un chiffre d'un chapeau — 2 milliards de dollars. Collectivement, nous croyons que cette somme est insuffisante. S'il y a ralentissement économique, nous et nos employés ne devrions pas avoir à supporter ce fardeau. Le gouvernement devrait faire sa part. Peut-être que les 2 milliards de dollars seront suffisants — on ne le sait pas — mais il s'agit de l'une de nos réserves. Nous ne voulons pas risquer un déficit pour refinancer l'argent, mais il faut agir de manière responsable.

On nous dit qu'avec cette nouvelle entité, nous devrons éponger un nouvel excédent ou payer des cotisations plus élevées en cas de manque à gagner. Ce n'est pas approprié.

Le sénateur Di Nino : Je comprends.

M. Weir : J'aimerais parler de la question de savoir si oui ou non l'excédent de 54 milliards de dollars existe vraiment. Il s'agit d'une question importante. Nous reconnaissons tous que Jim Flaherty n'a pas 54 milliards de dollars comptant sous son matelas.

Le sénateur Di Nino : On ne le croit pas, de toute manière.

Le sénateur Cowan : Et Dieu merci.

M. Weir : Nous croyons toutefois, qu'en termes comptables, cette somme doit être reconnue — et elle l'était dans les livres du gouvernement jusqu'à récemment — elle figure au compte de l'assurance-emploi et elle accumule des intérêts.

Pour ce qui est de savoir comment on peut recouvrer cet argent, M. Stewart-Patterson a fait une proposition, soit que les excédents soient affectés au compte d'assurance-emploi plutôt qu'au remboursement de la dette du gouvernement pendant un certain temps.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, les réductions d'impôt prévues par le gouvernement coûteront plus de 40 milliards de dollars par an une fois entièrement appliquées. Si le gouvernement est prêt à renoncer à ces réductions d'impôt ou à les réduire, il serait facile de récupérer les 54 milliards de dollars; c'est une question de priorité et de choix budgétaire.

Le sénateur Di Nino : J'imagine que la plupart des Canadiens seraient en désaccord. Ce dialogue me plaît, mais je crois que mon temps est écoulé. J'aurais d'autres questions.

Le président : Le sénateur Ringuette figure sur ma liste pour le deuxième tour. J'y ajoute votre nom également?

Le sénateur Di Nino : Absolument

Le sénateur Nancy Ruth : Je suis ravie de vous entendre tous après les témoins du comité des finances ce matin.

Vos propos rejoignent en partie ce que je pensais. M. Bédard aimerait élargir la portée de l'office afin qu'il ait plus de pouvoir et puisse s'adonner à d'autres tâches. M. Weir, du syndicat des métallos, a émis des hypothèses qui ne se réaliseront peut-être pas. J'ajouterais qu'il peut oublier des améliorations comme la réduction du nombre d'heures nécessaires pour que les employés soient admissibles à l'assurance-emploi, ou même leur réduction suffisante pour que des travailleurs à temps partiel soient admissibles à l'assurance-emploi.

Ce matin, les représentants du ministère des Finances m'ont donné l'impression qu'il y a peut-être certains avantages à limiter la portée de l'office en matière de fixation des taux. La décision de réduire le nombre d'heures travaillées pour être admissible à l'assurance-emploi est une décision politique qui ne devrait pas revenir à l'office. Compte tenu de vos autres commentaires, j'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.

M. Weir : Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'une décision politique, et c'est normal; l'assurance- emploi est un programme public. L'une des choses qui nous préoccupent c'est que cet office crée un autre niveau de bureaucratie entre le ministre qui, d'après nous, devrait être responsable et l'administration du programme. Nous appuyons l'idée d'un fonds distinct, mais nous ne sommes pas vraiment sûrs que le programme devrait être administré par cet office.

Le problème ce n'est pas que nous pensions que l'office devrait avoir le pouvoir d'améliorer les prestations mais que nous pensons que l'argent doit être investi dans le programme afin de financer ces améliorations. Par conséquent, ce qui limite les prestations c'est l'effet qu'on y affecte deux millions de dollars plutôt que 54 millions de dollars, et pas tellement l'étendue des pouvoirs de l'office.

M. Bédard : Je suis totalement d'accord. La hausse des prestations est, évidemment, une décision politique.

Ce que nous disons c'est que si les taux de cotisation ne sont pas soutenus par une réserve, en temps de récession, il y a le risque que les cotisations doivent augmenter mais également que les prestations doivent être réduites. Cela s'est certainement produit dans le passé, au début des années 1990.

L'idée d'avoir un financement stable est de protéger non seulement les cotisants mais également les prestataires, ceux pour qui le programme a été conçu.

Le sénateur Nancy Ruth : On s'entend en général pour dire que le gouvernement a une obligation morale envers ceux qui ont faim, mais cela n'a pas beaucoup de poids sur le plan strictement comptable. Est-ce cela que vous voulez dire?

M. Bédard : Ce sont des décisions politiques; qu'est-ce que je peux ajouter?

Le président : Il nous reste environ dix minutes et j'ai deux noms sur ma liste pour le deuxième tour. Veuillez poser des questions succinctes afin que chacun ait son tour.

Le sénateur Ringuette : Tout d'abord, j'aimerais faire une observation générale. Quelle que soit l'institution financière à qui vous posez des questions, elles disent que chacun devrait économiser au moins six mois de salaire pour faire face à des imprévus.

À l'heure actuelle, les prestations se situent entre 16 et 18 milliards de dollars par an. Je m'attendrais à ce que les experts financiers du Canada ne s'éloignent pas de cette règle d'une réserve de six mois afin de faire face aux périodes difficiles. Est-ce que je me trompe, monsieur Bédard?

Nous devrions avoir une réserve de huit à neuf milliards de dollars pour faire face aux périodes difficiles. Peu importe les fluctuations des prestations et du programme. Nous devrions avoir au moins cela dans la réserve.

Ma question s'adresse à Mme Reynolds, qui est arrivée après que j'ai eu fini de poser mes questions. Combien d'employés y a-t-il dans l'industrie de la restauration et de l'alimentation?

Mme Reynolds : Un peu plus d'un million.

Le sénateur Ringuette : Combien d'entre eux travaillent à temps partiel, c'est-à-dire moins de 20 heures par semaine?

Mme Reynolds : Je ne peux pas vous citer de chiffres exacts, mais je peux vous dire que 44 p. 100 des travailleurs de l'industrie ont entre 15 et 24 ans. Bien sûr, ils ne travaillent pas tous à temps partiel, soit 20 heures par semaine. Je ne peux pas dire au juste. Je devine environ 30 p. 100.

Le sénateur Ringuette : C'est semblable au secteur de la vente au détail où environ 30 p. 100 des employés travaillent moins de 20 heures.

Est-ce exact qu'avant 1996-1997, votre secteur ne versait pas un cent de cotisations à l'AE pour 30 p. 100 des ressources humaines qu'il utilisait?

Mme Reynolds : Ces employés ne touchaient pas de prestations. C'est une autre façon de voir la question.

Le sénateur Ringuette : Est-ce exact?

Mme Reynolds : Maintenant, bon nombre de ces employés cotisent au programme et versent en fait un pourcentage beaucoup plus élevé en cotisations que n'importe qui d'autre. C'est un impôt très régressif. Ils versent tout cet argent dans le programme d'une manière disproportionnée et cet argent a servi à réduire d'autres impôts et à financer d'autres programmes. Il est extrêmement injuste envers les employés peu rémunérés qu'ils aient été forcés de constituer cet excédent de 54 milliards de dollars.

C'est injuste aussi envers les employeurs. De notre point de vue, il y avait moins d'emplois disponibles parce que les charges sociales ont une incidence tellement négative sur les employeurs dans cette industrie à prédominance de main- d'œuvre. Ils sont perdants parce qu'ils ont dû cotiser davantage, mais ils ont obtenu moins d'heures de travail et ont pu créer moins d'emplois en raison du coût élevé de l'AE.

Le sénateur Ringuette : En gros, je suis d'accord avec cette hypothèse qui, comme je le disais, est un héritage de l'ère économique des années 1950. Par exemple, si je suis propriétaire d'un restaurant et que j'ai des réservations pour 30 personnes ce soir, je vais m'assurer d'avoir suffisamment de ressources humaines pour servir ces 30 personnes, peu importe ce que cela me coûtera en cotisations à l'AE et peu importe leurs cotisations, mais ça c'est une autre question.

Mme Reynolds : D'ailleurs, l'ancienne règle était de 15 heures, pas de 20 heures.

Le sénateur Ringuette : Oui, une personne devait travailler 15 heures. Alors, elle travaillait 15 heures dans un restaurant puis allait travailler dans un autre restaurant et dans un troisième, et travaillait ainsi pour trois ou quatre restaurants différents au cours d'une année sans toucher la moindre prestation.

Mme Reynolds : La plupart d'entre eux sont des étudiants.

Le sénateur Ringuette : Je ne dis pas que le système actuel est parfait; loin de là. Cependant, au moins, à l'heure actuelle, le système protège les travailleurs les plus vulnérables contre certains employeurs.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais changer de sujet, si vous le permettez. Ma question a été inspirée par l'exposé de M. Whyte. Je sais que nous n'en avons pas parlé, mais une partie du projet de loi C-50 modifie la Loi sur l'immigration, et ne fait pas l'unanimité. J'ai été frappé de voir à la page 17 de votre document que votre recherche auprès de vos membres a révélé très clairement les résultats que ces modifications produiront, d'après nous.

Votre enquête indique qu'environ les deux tiers de vos membres disent qu'il sera plus difficile pour eux de trouver des employés à l'avenir. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de lire les modifications proposées à la Loi sur l'immigration, qui visent à répondre à la fois aux besoins des milieux immigrants qui souhaitent venir dans notre pays et aux besoins du Canada. Nous pensons que ces modifications seront avantageuses pour vos membres et pour tous les employés. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Le président : Sénateur Di Nino, comme je l'ai mentionné au début de la séance, chacun de ces témoins a été invité pour discuter de l'assurance-emploi.

Le sénateur Di Nino : Je comprends.

Le président : Si quelqu'un se sent compétent pour répondre à une question qui touche à autre chose, même sans qu'on lui ait demandé de se préparer à cela, nous sommes tout à fait disposés à l'entendre.

Le sénateur Di Nino : M. Whyte a soulevé la question dans son exposé, sinon je ne l'aurais pas posée.

Le président : Je comprends. Comme ce sera la dernière question, je vais vous accorder une certaine latitude.

Le sénateur Di Nino : Merci, monsieur le président. Vous êtes un vrai gentleman.

M. Whyte : Nous avons traité également dans notre exposé de la partie du projet de loi C-50 sur l'immigration. Nous avons préparé un rapport important sur l'immigration et nous avons constaté que la politique ne répond pas aux besoins en main-d'œuvre de notre secteur. Nos membres ont besoin d'hommes de métier et non pas de professionnels. Il y a une véritable discordance. Bon nombre de nos suggestions ont été adoptées par le gouvernement actuel et par l'ancien gouvernement parce que nous voulons qu'il soit plus facile de faire venir des personnes pour occuper ces emplois — par exemple en prolongeant les permis des travailleurs temporaires d'un an à deux ans. Nous avons donc vigoureusement préconisé l'amélioration du régime d'immigration.

Pour ce qui est de ce projet de loi et des dispositions qu'il renferme, nous ne savons pas si ce qu'il propose est la meilleure solution, mais nous savons qu'il faut agir. Si vous pouvez accélérer le traitement des demandes des personnes dont nous avons tous besoin au Canada, il serait important de le faire. C'est pourquoi il faut non seulement améliorer les règles d'immigration mais aussi la politique d'AE.

Il est important de faire tout ce qui est possible pour qu'il soit plus facile de combler la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. Cela devrait être une occasion en or pour tous. Nous devrions lutter contre le chômage systémique et aider ces personnes qui ont de réels besoins. Parallèlement, nous devrions faciliter le processus en améliorant la politique en matière d'immigration, la politique d'AE, l'éducation et la formation, les programmes d'apprentissage, les programmes pour les étudiants, tout ce qui peut aider. Il nous faut une stratégie. C'est une occasion en or.

Je ne sais pas si je réponds pleinement à votre question, mais, c'est vrai, l'immigration est un élément important.

Mme Reynolds : J'aimerais dire un mot au sujet de la partie 6 du projet de loi C-50. Nous aussi, nous nous félicitons de l'importance accordée au remaniement du régime d'immigration. Nous prévoyons qu'il y aura des pénuries dans notre industrie en raison des changements démographiques. Il faut apporter des modifications audacieuses; cela ne fait aucun doute.

Je tiens à dire que je trouve préoccupant que vous examiniez uniquement les compétences mais pas nécessairement les catégories C et D. Il serait très utile d'inclure ces deux catégories.

Le sénateur Stratton : Que sont les catégories C et D?

Mme Reynolds : Il s'agit des professions de spécialisation réduite.

M. Weir : Je ne suis pas convaincu qu'il y ait une pénurie de main-d'œuvre au Canada. Nous avons mentionné qu'il y a officiellement 1,1 million de travailleurs en chômage. Il y a beaucoup plus de travailleurs qui sont sous-employés ou coincés dans des emplois peu rémunérés ou peu productifs. Un élément de solution à cette prétendue pénurie de main- d'œuvre serait simplement que les employeurs offrent de meilleurs salaires pour attirer davantage de travailleurs. C'est certainement une solution qui nous plairait.

En ce qui concerne l'immigration, je suppose que notre principale préoccupation concerne le programme des travailleurs étrangers temporaires en vertu duquel, à l'heure actuelle, on fait venir en Alberta et en Colombie- Britannique un plus grand nombre de personnes que par l'entremise du programme d'immigration normal. Les personnes qui viennent ici en vertu du programme des travailleurs étrangers temporaires sont en fait liées aux employeurs qui les parrainent à long terme et ils ont peu de droits et peu de moyens de protection juridiques de sorte qu'ils sont susceptibles d'être exploités. Nous préférerions que les gens viennent au Canada par les voies d'immigration normales qui mènent à la citoyenneté plutôt que comme travailleurs étrangers temporaires.

Le président : Je sais qu'un certain nombre d'entre vous aimeraient parler de l'immigration. Vous pourriez peut-être revenir lorsque nous examinerons cette question la semaine prochaine. Aujourd'hui, c'est l'assurance-emploi que nous examinons.

Le sénateur Murray : Pour l'avenir, je vois que le fonds sera encore passablement excédentaire, d'après les projections du gouvernement. Cette année, les recettes seront de 16,5 milliards de dollars et les dépenses de 15,2 milliards de dollars. L'an prochain, les cotisations seront de 17,3 milliards de dollars et les dépenses de 15,8 milliards de dollars.

Je suis assez vieux pour me rappeler, tout comme M. Stewart-Patterson et d'autres, les discussions euphémiques que nous avions auparavant sur les mesures passives et actives en matière d'assurance-emploi, et cetera.

J'aimerais savoir si vous êtes tous du même avis que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et d'autres selon lesquels le fonds devrait être utilisé uniquement pour les « prestations régulières », et que les autres prestations spéciales, par exemple la formation, devraient être financées à même les recettes générales. Si nous adoptions cette politique, elle aurait des répercussions profondes.

M. Whyte : Nous ne préconisons pas que ces éléments soient retirés du programme pour le moment, puisqu'ils y sont déjà. Nous demandons qu'il n'y ait plus de nouveaux programmes financés à même la caisse de l'AE.

Le sénateur Murray : Car les programmes qui existent déjà sont acceptables?

M. Whyte : Ils sont déjà là, comment faire pour les retirer? Par exemple, nos membres sont en faveur du congé parental. Comment faire pour le retirer? Que les 2 milliards de dollars pour la formation servent vraiment à aider les gens à se trouver un emploi et pas seulement à les inscrire à un programme de formation.

Le président : Monsieur Whyte, vous demandez comment faire pour les retirer, et je me rappelle qu'un premier ministre à qui on posait une question semblable a répondu : « Regardez-moi faire. »

[Français]

M. Céré : Prenons l'exemple du Québec, où une expérience particulière se vit depuis plusieurs années, où les mesures actives d'emploi ont été rapatriées du fédéral au provincial en 1998. Depuis 2006, on a mis en place un régime québécois d'assurance parentale. Tout le volet des prestations spéciales du fédéral, surtout en termes de mesures actives d'emploi, ainsi que les volets maternité et parental, et cetera, ont été rapatriés au Québec. On s'est donné un régime québécois d'assurance parentale de meilleure qualité, qui protège mieux les familles, et ce avec notre propre taux de cotisation. Il y a eu transfert des compétences fédérales au provincial.

J'aimerais revenir sur le fameux surplus de 54 milliards de dollars. J'aimerais attirer votre attention à l'article 131, l'article 80, page 121 du projet de loi. Il est déjà prévu depuis très longtemps que si le compte d'assurance-emploi est déficitaire, le Trésor va lui prêter de l'argent. Et c'est déjà arrivé dans l'histoire de l'assurance-emploi, au début des années 1990, où à cause d'une période de récession, le compte d'assurance-emploi était déficitaire. C'est le Trésor qui a prêté de l'argent au compte de l'assurance-emploi. Le compte de l'assurance-emploi est resté débiteur, avec une dette au Trésor, dette qui a été remboursée avec intérêt.

Ce qui est vrai dans un sens devrait aussi l'être dans l'autre sens. En d'autres mots, la dette de 54,1 milliards de dollars ne devrait-elle pas rester inscrite comme une dette face aux travailleurs et à la population canadienne qui devra être ramenée progressivement au Régime de l'assurance-emploi? On pourra discuter des modalités et trouver des formules rassembleuses.

[Traduction]

M. Weir : Nous ne voulons pas réduire ni les prestations régulières ni les mesures actives. Nous souhaiterions que l'assurance-emploi finance de meilleurs programmes de formation, mais j'appuie ce que disait M. Céré, c'est-à-dire que ces mesures actives sont de petites initiatives qui ne coûtent pas particulièrement cher comparé à l'excédent de 54 milliards de dollars qu'on a accumulé au cours des 15 dernières années. On pense que ce qu'il faut faire, c'est utiliser cet excédent pour augmenter les prestations.

Le président : Madame Reynolds, vous aurez le dernier mot sur cette question.

Mme Reynolds : J'aimerais dire — et j'ai raté ce qui a été dit tout à l'heure — que nous souffrons d'une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et non qualifiée et de travailleurs manuels spécialisés. Nous aimerions nous assurer que les programmes seront axés sur des résultats. Nous devons nous assurer qu'ils fonctionnent. C'est notre principale préoccupation.

J'aimerais beaucoup dire un mot au sujet de l'excédent de 54 milliards de dollars.

Le sénateur Murray : Il est de 56 milliards de dollars.

Mme Reynolds : Tout à l'heure, quelqu'un a dit qu'il n'existe pas, qu'il a été utilisé et nous le savons. Cependant, nous reconnaissons également qu'on s'interroge sur le fait de savoir si une réserve de 2 milliards de dollars est suffisante. S'il faut augmenter les cotisations, attendez-vous à une révolte de la part des employeurs. Il est absolument hors de question que les employeurs et les employés acceptent que les cotisations augmentent après avoir trop cotisé pendant tant d'années. Notre industrie est particulièrement touchée par les charges sociales et nous serons les premiers à marteler la porte du gouvernement si celui-ci essaie d'augmenter les cotisations pendant une récession prolongée. Je tenais à le dire aux fins du compte rendu.

Le président : Merci, madame Reynolds. Cela met fin à cette partie de la séance.

Nous étudions le projet de loi C-50 et ses nombreuses ramifications. Ceux d'entre vous qui souhaitez prendre part au débat sur l'immigration et sur la façon dont les changements affectent l'emploi, veuillez le faire savoir à notre greffier lorsque nous lèverons la séance afin que nous puissions prendre en compte vos idées. Nous allons examiner cette question la semaine prochaine, mardi après-midi, du moins c'est ce que nous prévoyons pour le moment.

Merci à tous et merci beaucoup d'être venus. Vous nous avez fait des suggestions intéressantes et vous nous avez aidés à comprendre les conséquences possibles et parfois imprévues et non intentionnelles d'apporter des changements majeurs, des changements considérables à une loi qui a un impact sur les Canadiens.

Je voudrais informer le groupe suivant que le projet de loi est toujours à la Chambre des communes. Cependant, comme les sénateurs sont impatients de se mettre au travail, nous avons demandé si nous pouvions étudier la question avant de recevoir le projet de loi.

Notre dernier groupe de cet après-midi nous aidera à comprendre certaines questions dont nous ont parlé les représentants du gouvernement. Nous recevons donc de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, Mme Amanda Aziz, présidente nationale, et M. Ian Boyko, coordonnateur des relations gouvernementales; de la Gairdner Foundation, M. John Dirks, président; de l'Alliance canadiennes des associations étudiantes, M. Zach Churchill, directeur national, et Mme Lisa Fry, agente des politiques et de la recherche; et de l'Université de la Colombie- Britannique, le professeur Ron Giammarino.

Nous allons demander à M. Dirks, de la Gairdner Foundation, de commencer, puisqu'il doit prendre un avion plus tard cet après-midi.

John Dirks, président, Gairdner Foundation : C'est une histoire de réussite pour la science. Depuis 48 ans, la Gairdner Foundation, qui a été fondée à Oakville, en Ontario, a reconnu 293 scientifiques de 13 pays. Le processus de sélection est tel que 70 ont par la suite remporté le prix Nobel en médecine ou en chimie. Au cours des six dernières années, parmi les 14 personnes qui ont reçu le prix Nobel en médecine, 11 avaient auparavant reçu le prix Gairdner.

Quarante-deux Canadiens ont remporté le prix Gairdner international, dont Sam Weiss, de Calgary et Nahum Sonenberg, de Montréal. Un lauréat connu du prix Nobel a déclaré que le prix Gairdner était un prix de prestige et d'importance au niveau international qui permet de reconnaitre tous les scientifiques qui font preuve de créativité. Ce prix est considéré comme un prix de stature international pour le Canada.

Le 26 février, le ministre des Finances a annoncé que 20 millions de dollars seront affectés à la dotation du prix Gairdner. À compter de 2009, le prix portera le nom de prix international Canada-Gairdner. Une entente a par la suite été ratifiée entre la Fondation Gairdner et les Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC, au nom du ministère de la Santé.

Cette dotation a deux objectifs. Le premier consiste à maintenir la valeur des prix à 100 000 $ chacun à l'échelle mondiale. Les prix étaient devenus inférieurs à d'autres prix internationaux respectés, notamment celui de notre concurrent américain, la Lasker Foundation. Le prix Gairdner avait été établi à une valeur de 30 000 $ en 1984, ce qui est exactement l'équivalent de 100 000 $ si on tient compte de l'inflation.

Deuxièmement, cette dotation servira à créer un prix individuel en santé mondiale. Ce prix portera le nom de Prix Canada-Gairdner en santé mondiale. Le prix sera attribué à des scientifiques internationaux pour leurs découvertes et les progrès accomplis pour prévenir et traiter des maladies dans les pays en développement, notamment la tuberculose, la malaria et des aspects du régime de santé de la population et de la santé environnementale dans divers pays.

Il est clair maintenant que le prix Gairdner est reconnu à l'échelle mondiale grâce à notre processus de sélection de lauréats qui est considéré comme entièrement indépendant et qui est donc considérablement respecté.

Les découvertes des lauréats du prix Gairdner ont eu un impact énorme sur le régime de soins de santé et sur l'économie. On attribue à ces découvertes un nombre important d'initiatives en matière de santé. Par exemple, ceux qui ont éradiqué la variole ont reçu le prix Gairdner il y a de nombreuses années. Ceux qui ont mis au point un traitement pour les femmes Rh négatif, dont les bébés naissaient avec une anémie potentiellement mortelle, ont été honorés par le prix Gairdner au début des années 1960. Ceux qui ont posé les assises de l'industrie de la biotechnologie ont été honorés. Ceux qui ont mis au point l'imagerie, notamment l'IRM et le tomodensitogramme, ont été honorés. Nous pouvons constater que tant au Canada qu'à l'échelle internationale cela a permis de créer d'excellentes entreprises rentables.

Les prix Gairdner ont contribué à développer une culture des sciences au Canada. Les lauréats Gairdner ne font pas que recevoir un prix en argent. Les lauréats de cette année donneront chacun une semaine de leur temps pour visiter de 16 à 18 établissements d'enseignement de Vancouver à St. John's, Terre-Neuve. Ils s'entretiendront avec des élèves du secondaire ainsi qu'avec des professeurs et des étudiants diplômés et ils pourraient également adresser la parole au public. De tous les prix qui sont décernés, y compris le prix Nobel, aucun n'a un contexte national aussi vaste que les prix Gairdner.

Nous sommes heureux que le prix en santé mondiale donnera sans doute lieu à un nouvel événement ici à Ottawa. Chaque année, nous remettons nos prix internationaux à Toronto, à des cérémonies qui réunissent des gens de partout. D'ici un an ou deux, nous pourrions tenir une cérémonie semblable pour la remise du prix en santé mondiale ici, à Ottawa, cérémonie à laquelle seraient invités le corps diplomatique, l'Organisation mondiale de la santé, la Banque mondiale et la Fondation Bill et Melinda Gates — qui sont des chefs de file dans le domaine — et qui placerait ainsi le Canada sous les feux de la rampe, rehaussant par là notre position et notre réputation.

Bref, nous croyons que la Fondation Gairdner a beaucoup contribué au Canada jusqu'à maintenant, et le montant qui lui sera versé fera en sorte que ces prix et leur indépendance seront assurés pour les générations futures.

L'an prochain, nous célébrerons notre cinquantième anniversaire en tenant des événements importants dans huit villes canadiennes. Nous continuerons à rehausser la littératie et la culture en sciences au Canada, ce qui correspond à un des objectifs du gouvernement. Nous savons que nous contribuerons à la stratégie de l'Avantage du savoir en sciences et en technologie et, d'ailleurs, aux quatre priorités retenues.

Nous sommes tout particulièrement bien placés pour établir des rapports internationaux avec les membres du milieu des sciences biologiques et de la santé. Nous les connaissons, nous pouvons les inviter et ils peuvent venir ici et apporter leur contribution. Ils siègent à nos groupes consultatifs, à nos conseils d'administration et à nos comités d'examen. Ils apportent une contribution importante à notre pays. Le Canada a ainsi pu se tailler une réputation parmi la communauté scientifique internationale comme étant un pays qui sait reconnaître les meilleurs talents et établir la norme d'excellence la plus élevée qui soit pour ses scientifiques.

Le président : Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Dirks, et nous remercions aussi et félicitons votre fondation pour l'excellent travail qu'elle fait.

Amanda Aziz, présidente nationale, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants : Je tiens à remercier le comité de me donner l'occasion de parler d'un important projet de loi. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants est la plus importante organisation estudiantine du Canada. Nous représentons les étudiants de premier, deuxième et troisième cycles des collèges et universités publics du Canada, grandes et petites, et nous mobilisons plus de 500 000 étudiants dans nos campagnes pour assurer un enseignement postsecondaire de grande qualité qui soit abordable.

Une des campagnes les plus anciennes vise la mise sur pied d'un régime national de bourses. Les obstacles immédiats auxquels se heurtent les étudiants qui souhaitent poursuivre des études postsecondaires expliquent pour beaucoup l'écart de participation inacceptable entre les familles du premier et du dernier quartiles de revenu. Les étudiants et leur famille ont absolument besoin de bourses pour avoir accès aux études postsecondaires étant donné la hausse vertigineuse des frais de scolarité et des autres coûts au Canada.

Ce qui est plus important encore, les bourses, contrairement aux prêts, permettent d'aider les étudiants sans hypothéquer l'avenir de cette future main-d'œuvre canadienne. Le montant total de la dette contractée par les étudiants envers le gouvernement fédéral dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants augmente à raison de 18 $ la seconde, ce qui représente plus de 1,5 million de dollars par jour. En juillet prochain, le total de la dette contractée par les étudiants envers le gouvernement fédéral dépassera les 13 milliards de dollars. Ce montant ne comprend pas les dettes contractées par les étudiants envers leur gouvernement provincial, et ces dettes pourraient ajouter au moins 7 milliards de dollars au total; le montant ne comprend pas non plus les dettes contractées auprès de prêteurs privés, vers qui les étudiants se tournent de plus en plus.

Dans les provinces où les frais de scolarité sont le plus élevés, l'endettement étudiant moyen dépasse les 28 000 $, d'après la Commission de l'enseignement supérieur des provinces maritimes. D'après nous, c'est là une honte pour un pays aussi riche que le Canada.

Il y a dix ans, le gouvernement fédéral a créé la Fondation canadienne des bourses du millénaire qu'il a dotée d'un fonds de 2,5 milliards de dollars. Il s'agissait là d'un investissement qui, à cause de sa taille et de sa portée, mérite d'être reconnu comme un effort considérable et bien intentionné pour réduire le taux d'endettement étudiant et améliorer l'accès aux études postsecondaires. Malheureusement, il s'agissait d'un mécanisme de programmation sociale qui avait été mal conçu au départ et l'on s'entend généralement pour dire que la fondation n'a pas beaucoup réduit le fardeau financier des étudiants canadiens. Les gouvernements provinciaux s'en sont servis allégrement comme caisse occulte pour financer leurs propres priorités et expériences. En sa qualité d'entité indépendante privée, la fondation n'était pas tenue d'être transparente ni de rendre des comptes comme l'aurait été un programme gouvernemental. Elle a servi de couvert politique pour cacher l'accroissement des frais de scolarité et l'attribution de contrats lucratifs à d'anciens employés, qui ont permis de verser pour près de 250 000 $ de subventions à des organisations qui appuyaient sa reconduction.

Le budget de 2008 a toutefois annoncé qu'un nouveau virage serait amorcé pour ce qui est de l'aide aux familles canadiennes, et ce, sur la foi de conseils d'experts et de témoignages convaincants. Le nouveau programme canadien de subventions aux étudiants évitera beaucoup des écueils auxquels s'est heurté son prédécesseur, la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, et assurera aux étudiants du Canada une source de financement prévisible et stable.

Les étudiants ont besoin d'une aide financière non remboursable, et ce n'est pas là le problème. Comme l'a reconnu le gouvernement, le problème tient à la façon dont les subventions sont administrées au niveau fédéral, et nous sommes persuadés que le bilan est clair : la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire n'a pas su donner cette aide aux étudiants, et il y a une façon plus efficace de s'y prendre.

Dans les mois à venir, nous ferons connaître nos observations sur ce nouveau programme de subventions qui a été annoncé dans le budget fédéral. Dans l'intervalle, nous encourageons toutes les parties et le Sénat, le moment venu, à mettre en œuvre les dispositions du budget visant à mettre fin à la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire qui sont énoncées dans le projet de loi C-50. Je peux vous donner l'assurance que les étudiants ne seront pas mécontents qu'elle soit remplacée par un programme administré par RHDSC.

La fondation a toutefois fait des recherches importantes dans le secteur des études postsecondaires en général. Nous recommandons au Sénat, et bien sûr à toutes les parties, de veiller à poursuivre les enquêtes et les recherches sur le nouveau programme de subventions et sur l'enseignement postsecondaire, mais nous recommandons que cela se fasse par l'entremise non pas d'une fondation privée indépendante, mais de Ressources humaines et Développement social Canada.

En conclusion, je tiens à vous parler de quelque chose dont il n'est pas expressément question dans le projet de loi mais qui devrait figurer parmi vos grandes priorités dans vos discussions sur la politique relative aux études postsecondaires, à savoir que le gouvernement doit investir dans l'éducation des Autochtones du Canada.

L'écart de participation aux études postsecondaires qui existe entre les Canadiens à faible revenu et les Canadiens à revenu élevé est encore plus marqué entre les Canadiens autochtones et les Canadiens non autochtones. Le financement n'a pas suivi cette évolution démographique et n'a pas non plus beaucoup augmenté depuis le milieu des années 1990, après que le programme d'études postsecondaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord eut été soumis à un plafond d'augmentation annuelle de 2 p. 100. D'après l'Assemblée des Premières Nations, dans les six dernières années, plus de 13 000 étudiants admissibles n'auraient pas eu accès à une aide financière pour faire des études secondaires. Le budget de 2008 n'accorde pas de nouveaux fonds pour les apprenants autochtones et maintient ce plafond qui a été imposé aux programmes d'études postsecondaires gérés par le MAIN.

Sur la Colline du Parlement, et dans tout le Canada, une journée nationale d'action a été convoquée aujourd'hui par l'Assemblée des Premières Nations et les collectivités autochtones du Canada. Cette journée d'action vise à amener le gouvernement fédéral à prendre des mesures pour aider les Autochtones, notamment à investir dans l'éducation des étudiants autochtones. Nous recommandons que le plafond de financement du programme d'études postsecondaires soit supprimé et que le Sénat use de tous les pouvoirs à sa disposition pour améliorer le niveau de vie des Autochtones du Canada.

Je tiens à remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de lui adresser la parole aujourd'hui. Il y a un certain nombre de points relatifs au projet de loi que je n'ai pas eu le temps d'aborder, mais je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Vous aurez peut-être l'occasion d'aborder ces points-là quand les sénateurs se mettront à vous poser des questions.

Entre-temps, j'invite M. Churchill et Mme Fry, de l'Alliance canadienne des associations étudiantes, à nous adresser la parole. Vous pourriez peut-être nous expliquer quelle est cette organisation que vous représentez. Qui va commencer, M. Churchill?

Zach Churchill, directeur national, Alliance canadienne des associations étudiantes : Nous prendrons tous les deux la parole.

Merci de nous donner l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui. L'Alliance canadienne des associations étudiantes, ACAE, est une alliance qui comptera bientôt 23 associations étudiantes de toutes les régions du pays, lesquelles associations représentent quelque 300 000 étudiants du niveau postsecondaire, tant du premier que des deuxième et troisième cycles.

L'ACAE voit d'un bon œil les mesures annoncées dans le dernier budget relativement aux études postsecondaires et elle est enthousiasmée à l'idée de travailler de concert avec le gouvernement à mettre au point le nouveau programme canadien de subventions aux étudiants. Nous avons toutefois des questions et des préoccupations en ce qui concerne le nouveau programme et sa mise en œuvre. La disparition de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire et la mise sur pied du nouveau programme canadien de subventions aux étudiants modifieront sensiblement la donne en ce qui concerne l'aide aux étudiants, et il faudra que nous en soyons conscients dans notre planification.

Alors que la fondation accordait ses bourses d'études en se fondant principalement sur le critère du besoin, c'est-à- dire sur le niveau d'endettement, le nouveau programme sera axé sur le niveau de revenu de l'étudiant ou de l'étudiante et de sa famille. Bien que l'ACAE appuie l'idée d'une aide ciblée à l'intention des étudiants à faible revenu, qui sont actuellement sous-représentés dans notre système d'éducation, il est important de savoir qu'il s'agit là d'un virage fondamental quant à la façon dont les bourses sont accordées au Canada. D'une formule fondée sur le besoin, nous allons passer à une formule axée sur le revenu. Ce nouveau virage pourrait bien accroître l'accès aux études postsecondaires pour les étudiants à faible revenu, mais il ne fera rien pour freiner l'endettement, qui a des conséquences néfastes sur la persévérance et les taux d'achèvement. L'ACAE estime qu'il est important d'accorder des bourses en fonction des besoins pour inciter les étudiants à terminer leurs études et leur permettre de contribuer de façon importante à l'économie canadienne une fois qu'ils auront obtenu leur diplôme.

Même s'il n'en n'a pas été question dans le budget, le document indique que le projet de loi C-50 prévoirait la mise sur pied et le fonctionnement de programmes de subventions supplémentaires pour les étudiants admissibles dont les besoins financiers dépasseraient le montant maximal de l'aide financière qui peut être accordée à chaque étudiant.

Nous avons à l'heure actuelle la Subvention canadienne pour étudiants, qui est versée aux étudiants à temps partiel ayant des besoins financiers élevés, mais le texte que nous avons ici parle de l'établissement d'un programme de subventions supplémentaires. La subvention pour étudiants sera-t-elle élargie ou y aura-t-il une nouvelle subvention à l'intention des étudiants ayant des besoins financiers élevés? Cela n'a pas encore été dit expressément. Nous voudrions en savoir plus à ce sujet.

L'ACAE voudrait aussi des éclaircissements sur le paragraphe 108(3), qui prévoit « l'élaboration et la mise en œuvre de programmes d'attribution de bourses et d'attribution de bourses supplémentaires » et « les circonstances dans lesquelles ces bourses doivent être, en tout ou en partie, remboursées ou converties en prêts ». Nous sommes inquiets du fait qu'il y aurait des circonstances dans lesquelles les bourses devraient être remboursées ou converties en prêts. Nous voulons obtenir des éclaircissements sur ces circonstances et sur la façon dont cela contribuerait à rendre les études postsecondaires plus accessibles et plus abordables au Canada.

Lisa Fry, attachée politique et de recherche, Alliance canadienne des associations étudiantes : En ce qui concerne l'accessibilité, dans le contexte du nouveau programme de bourses axées sur le revenu, il est important de savoir que le revenu n'est pas le seul obstacle à l'accès ou à l'achèvement des études.

Il est dit dans le budget que le nouveau programme canadien de subventions aux étudiants est conçu pour augmenter les taux de participation et d'achèvement des études postsecondaires, surtout parmi les groupes sous- représentés. Cependant, si le financement ne cible que les étudiants à faible revenu, les autres groupes sous-représentés, comme les étudiants autochtones et les étudiants des milieux ruraux, n'auront pas nécessairement plus d'aide pour faire des études postsecondaires. Il se peut que ces groupes se heurtent à d'autres obstacles physiques, sociaux et culturels qui entravent l'accès aux études postsecondaires.

Comme l'a déjà indiqué Mme Aziz, la fondation jouait un autre rôle important, celui d'organisme de recherche. À cause de son travail à ce chapitre, le Canada est devenu un chef de file mondial dans le domaine de la connaissance des questions liées à l'accès. Il n'est toutefois pas question dans le budget de donner au Programme canadien de prêts aux étudiants le mandat ou des fonds pour s'engager dans un programme de recherche ou pour confier les recherches à une tierce partie. Il existe actuellement des lacunes qui empêchent d'avoir une compréhension complète des questions liées à l'accès au Canada, et la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire avait fait pas mal de travail pour combler ces lacunes. Nous espérons que la recherche au niveau national se poursuivra, parce qu'elle est une partie intégrante des efforts pour veiller à ce que les étudiants reçoivent une aide financière qui puisse vraiment les aider.

Dans le contexte de ce nouveau virage, il sera aussi important d'assurer un suivi pour savoir quelles sont les conséquences de la nouvelle formule d'aide pour les étudiants dans chacune des provinces. Le passage du Fonds du millénaire à un nouveau programme pourrait avoir des répercussions pour beaucoup de programmes provinciaux d'aide aux étudiants. Le gouvernement fédéral ne doit pas nécessairement s'ingérer dans les affaires des provinces, mais nous craignons un réaménagement de l'aide financière provinciale et nous nous interrogeons sur les mécanismes qui seront mis en place pour éviter que la disparition de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire ne laisse des trous dans le régime d'aide financière aux étudiants. Nous voulons aussi savoir ce qu'il en est des subventions de transition et savoir dans quelle mesure les provinces participeront à l'octroi de ces subventions.

La souplesse qu'avait la fondation dans l'octroi des bourses était avantageuse pour les étudiants. Les programmes étaient adaptés, de concert avec les différentes provinces, pour aider les étudiants tout en tenant compte des besoins régionaux ou démographiques qui leur étaient propres. Le nouveau programme fédéral qui sera mis en place devra avoir la souplesse et la capacité d'adaptation nécessaires pour que les étudiants reçoivent le genre d'aide qui convient le mieux à leurs besoins.

M. Churchill : En résumé, nous trouvons encourageant que le gouvernement soit déterminé à aider les étudiants et nous attendons impatiemment de pouvoir seconder le gouvernement dans la mise sur pied de ce nouveau programme. Nous aimerions toutefois que certains changements soient apportés à ce qui est proposé.

Permettez-moi de récapituler : l'ajout d'un élément prenant en compte les besoins pour soutenir les étudiants ayant des dettes importantes; l'ajout de financement ciblé et de programmes d'assistance pour étudiants des autres groupes sous-représentés, tels que les Autochtones et les étudiants vivant en milieu rural; la création d'une tierce partie, financée par le gouvernement, agissant comme institution de recherche pour perpétuer le bon travail que fait le Canada en recherche et pour comprendre les obstacles qui existent pour accéder à l'éducation postsecondaire et son abordabilité; l'assurance que le nouveau programme saura répondre à la diversité des besoins des étudiants à la grandeur du pays. Voilà nos recommandations.

Le président : Je vous sais gré de vos observations, et je vous remercie de nous avoir remis un résumé de vos recommandations. Cela nous aidera à mieux cibler nos questions.

Ron Giammarino, professeur, Université de la Colombie-Britannique : Puisque les témoins précédents étaient des étudiants, je tiens à vous dire que j'ai moi-même fait des études en finances. J'ai débuté mes études à l'Université St. Francis Xavier il y a une trentaine d'années de cela, et je les ai poursuivies à l'Université Queen's, où j'ai obtenu deux diplômes, un en macroéconomie et l'autre en financement d'entreprises essentiellement. Il y a maintenant 25 ans que je suis à l'Université de la Colombie-Britannique.

J'ai été invité ici pour vous présenter mes vues sur la modification qu'il est proposé d'apporter à la Loi sur la Banque du Canada et pour répondre aux questions que vous pourriez avoir à ce sujet. J'ai étudié la modification proposée, et je considère qu'il s'agit d'une modification inévitable étant donné l'évolution de l'ensemble des connaissances. Parce que j'ai longtemps étudié les finances, j'ai été à même de constater l'évolution extraordinaire qui a transformé l'ensemble des connaissances en matière de finances de même que les marchés financiers.

Il est extrêmement intéressant pour un universitaire de voir un élément réel de cet ensemble de connaissances évoluer aussi rapidement. Cela crée inévitablement des problèmes et des défis pour l'avenir. La modification qu'il est proposé d'apporter à la loi vise à tenir compte, d'après moi, du nouveau contexte dans lequel la Banque du Canada exerce son activité. La modification a essentiellement pour effet d'assouplir les contraintes qui limitent actuellement l'activité de la banque. D'après ce que j'ai pu constater, il s'agit simplement d'une modification pour tenir compte de l'évolution du contexte.

Le président : Merci. Nous allons maintenant discuter de vos exposés. Notre sujet d'étude est le projet de loi C-50. J'inviterais les sénateurs à ne pas l'oublier lorsqu'ils poseront leurs questions.

Le sénateur Cowan : Merci de votre présence ici aujourd'hui, et merci aussi de vos exposés. J'avais deux questions, et Mme Fry a abordé une des deux quand elle a parlé de la recherche et des inquiétudes soulevées par le fait que la recherche qu'effectuait la fondation semble avoir été perdue de vue. Bien entendu, il nous faudra suivre cela de près pour nous assurer que le bon travail qui a déjà été fait puisse se poursuivre et prendre encore plus d'ampleur.

L'autre question a été abordée par tous les témoins; il s'agit du passage d'un programme fondé sur les besoins à un programme axé sur le revenu. L'intention et l'objet du programme sont d'accroître la participation des groupes sous- représentés et d'encourager ces étudiants à entreprendre des études postsecondaires et à les achever. L'idée n'est pas nouvelle; la formule a déjà été essayée ailleurs.

À votre connaissance, existe-t-il des recherches qui montrent qu'elle aura l'effet escompté?

Mme Aziz : Votre question porte sur l'aide aux étudiants à faible revenu?

Le sénateur Cowan : Je crois que nous serions tous d'accord pour dire que nous voulons tout faire pour encourager les gens à aller à l'université et à achever leurs études et pour éliminer les obstacles qui nuisent à l'accès aux études postsecondaires.

Si je pose la question, c'est parce que, d'après ce que j'ai lu, la formule n'aura pas l'effet escompté et n'aura pas une incidence aussi importante que le gouvernement le souhaiterait; d'après ce que j'ai lu, il faudrait une formule qui tienne compte à la fois des besoins et du revenu. Mettre l'accent uniquement sur le revenu ne produira pas les résultats que nous souhaitons tous.

Mme Aziz : Je suis contente que vous posiez la question. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants fait campagne depuis longtemps pour un régime de subventions fondées sur les besoins, même si nous sommes heureux qu'on ait annoncé la mise sur pied d'un programme de subventions à RHDSC.

Il y a deux choses dont il faut tenir compte ici. Vous avez frappé en plein dans le mille en disant que la question est très complexe et que le simple fait d'assurer une aide financière aux étudiants à faible revenu ne suffira pas. Il faudrait qu'il y ait une multitude d'initiatives et de programmes pour en arriver à faire vraiment la différence comme le souhaite le gouvernement fédéral pour ce qui est d'encourager ceux qui n'ont pas tendance à faire ou poursuivre des études postsecondaires à le faire.

Dans nos documents de recherche, nous faisons état de recherches sur les raisons pour lesquelles les jeunes ne font pas d'études postsecondaires. Le manque de moyens financiers est de loin la principale raison qu'ils citent pour expliquer qu'ils n'ont pas fait d'études postsecondaires. Le manque de moyens financiers est donc un problème pour eux. Mais, comme vous l'avez dit, bien que nous soyons impatients de voir ce qui va sortir de ce nouveau programme et que nous soyons heureux de travailler de concert avec le gouvernement pour veiller à ce qu'il profite au plus grand nombre d'étudiants possible, l'aide financière aux étudiants du Canada doit se fonder à la fois sur les besoins et sur le revenu.

Bien que cette subvention soit calculée en fonction du revenu, elle comporte aussi un élément lié aux moyens qui est évalué quand un étudiant fait une demande dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants. Pour être admissible à cette subvention, il faut que vous en ayez besoin. Assurément, il faudra faire davantage pour que la subvention atteigne l'objectif escompté.

M. Churchill : Il est important que nous ayons en amont des mesures d'aide ciblées, destinées aux étudiants sous- représentés dans le système. Cela fait partie intégrante d'un système d'aide financière aux étudiants qui est holistique et exhaustif. Cela étant, comme l'a dit Mme Aziz, il faudrait prévoir un autre mécanisme pour aider les autres étudiants qui ne sont pas admissibles aux termes de ces critères et qui s'endettent considérablement avant d'obtenir leur diplôme — peut-être ne vont-ils même pas être diplômés, car le niveau d'endettement a des répercussions sur l'endurance et le taux de réussite quand on fait des études supérieures. Il nous faudrait donc une combinaison des deux mesures, pas seulement des mesures qui sont fonction du revenu mais aussi de l'aide pour les groupes sous-représentés. À l'heure actuelle, il nous manque de l'aide et des programmes de soutien en amont pour les étudiants autochtones et les étudiants des régions rurales. Nous avons également besoin de ce programme axé sur les besoins.

Fournir ce genre d'aide financière ne peut être la seule mesure que nous prenions. En effet, nous devons comprendre l'importance de l'accès et la façon de venir en aide à un large éventail d'étudiants pour attirer le plus de monde possible vers le système. Quand la fondation a commencé à offrir des bourses aux étudiants à faible revenu en Nouvelle-Écosse, elle a prévu de l'argent pour les étudiants à faible revenu mais les demandes d'aide n'étaient pas suffisantes. Nous avons appris que si on souhaite augmenter le nombre de bénéficiaires, il faut alors tendre la main aux Autochtones et aux communautés rurales et à faible revenu. Pour cela, il s'agit de supprimer les barrières culturelles, physiques ou familiales.

Le sénateur Cowan : Vous voulez dire les barrières non financières?

M. Churchill : Oui. Les étudiants doivent être au courant de ces possibilités. L'argent n'est pas le seul facteur, puisse qu'il s'agit effectivement de lever ces autres barrières culturelles, familiales et physiques.

Le sénateur Cowan : Ai-je raison de dire que pour être admissible à cette forme d'aide, les subventions, on doit d'abord obtenir un prêt? Ai-je raison?

Mme Aziz : Oui. À l'heure actuelle, vos besoins ou votre admissibilité sont évalués selon les termes du Programme canadien de prêts aux étudiants.

Mme Fry : Une de nos préoccupations est l'accès, et cela rejoint ce que disait M. Churchill. Nous craignons que si nous ne parlons pas des mesures d'aide en amont et des autres barrières, les étudiants qui ont besoin de cette aide risquent de ne pas intégrer le système car, comme on vient tout juste de le dire, les décisions d'entreprendre des études postsecondaires et de demander un prêt étudiant doivent être prises d'abord, ce qui peut obnubiler bien des étudiants. Si ces décisions ne sont pas prises, l'argent, qui est censé aider les étudiants à faible revenu, ne sera pas accessible.

M. Churchill : Nous devons en surveiller l'évolution. Étant donné que l'admissibilité aux prêts étudiants dépend des besoins de l'étudiant, nous pourrions nous retrouver avec le même réservoir d'étudiants dans le système qui bénéficieraient de subventions mais en satisfaisant des critères différents. Je pense que personne ne connaît la réponse à la question.

Mme Aziz : Cela dit, il est important de noter que 50 p. 100 des étudiants qui font actuellement des études postsecondaires contractent un prêt étudiant. Bien que je ne sois pas en désaccord avec le fait qu'il faudra faire davantage au chapitre du financement, il n'en demeure pas moins que, d'après nous, il est important de se rappeler aussi qu'il faut maîtriser les coûts de l'éducation.

Comme je l'ai déjà dit, 50 p. 100 des étudiants contractent un prêt étudiant. Cette subvention aidera les étudiants qui sont déjà dans le système et, on l'espère, fournira une certaine aide à ceux qui prévoient faire des études mais qui ont néanmoins besoin d'un petit coup de pouce financier pour y parvenir.

Le sénateur Murray : Monsieur Churchill, ma question porte sur volet axé sur les besoins que vous souhaiteriez ajouter au programme; l'avez-vous conçu? Comment cela fonctionnera t-il? Serait-il financé au niveau actuel ou allez- vous demander des sommes supplémentaires pour le programme?

M. Churchill : Nous faisons déjà une évaluation des besoins. C'est la différence entre l'endettement des étudiants et le revenu. Il existe donc déjà des mécanismes pour évaluer l'endettement. Dans le programme actuel, à partir de maintenant, que les sommes d'argent soient les mêmes ou qu'elles soient augmentées, ce qui serait merveilleux, nous disons qu'il est toujours important de s'attaquer au problème de l'endettement tout en appuyant des initiatives favorisant l'accès. Il est également important de créer un lien entre les mécanismes qui étaient en place, notamment la fondation du millénaire, qui aidait les étudiants qui en avaient le plus besoin.

Le sénateur Murray : Est-ce que vous comprenez pourquoi le gouvernement ne l'a pas fait dans le programme actuel?

M. Churchill : L'orientation du gouvernement est peut-être différente — l'accent étant mis davantage sur les étudiants à faible revenu. À mon avis, le gouvernement estime qu'il s'agit davantage d'assurer l'accès que de baisser le niveau d'endettement des étudiants. Il travaille actuellement à l'élaboration d'un programme de remboursement pour aider les étudiants à gérer leurs dettes une fois leurs études terminées.

Le sénateur Murray : Diriez-vous que votre réponse est, oui, c'est une amélioration par rapport au programme des bourses du millénaire, tout en souhaitant que des changements soient apportés, ou diriez-vous que votre réponse est oui et non?

M. Churchill : Nous nous réjouissons d'aller de l'avant et de collaborer avec le gouvernement à ce programme. Nous pensons néanmoins que le programme actuel comporte des lacunes.

Le sénateur Murray : Croyez-vous que ces lacunes devraient être corrigées en modifiant la loi, ou est-ce simplement une question de conception du programme?

M. Churchill : Je crois que c'est une question de conception du programme.

Mme Aziz : Nous avons la chance de siéger au sein du Groupe consultatif national sur l'aide financière aux étudiants. La difficulté de la dichotomie besoins-revenus tient, en partie, au fait qu'il y a des étudiants qui ont des besoins très élevés à cause du programme d'études qu'ils ont choisi.

Ainsi, en Nouvelle-Écosse, le besoin est souvent plus élevé car l'éducation coûte plus cher en raison de la hausse des frais de scolarité. Dans d'autres provinces, en revanche, le besoin peut être inférieur. C'est le cas de bien des programmes professionnels partout au Canada.

Comme le disait M. Churchill, nous appuyons aussi l'aide calculée en fonction du besoin. Le Québec dispose d'un modèle intéressant pour l'évaluation de l'aide financière en fonction du besoin. Ainsi, il plafonne le niveau d'endettement de l'étudiant pour éviter d'avoir à fournir une aide financière substantielle à un étudiant inscrit à un programme qui coûte plus cher mais qui a un revenu plus élevé.

Le sénateur Stratton : Merci d'être venus aujourd'hui. C'est un plaisir d'entendre le point de vue et les préoccupations des jeunes.

Je n'ai pas de questions comme telles, mais je veux me reporter à la déposition faite par des fonctionnaires ce matin, notamment Mme Rosaline Frith, directrice générale du Programme canadien de prêts aux étudiants. Elle nous a fait un exposé exhaustif sur le nouveau programme, j'espère que certains d'entre vous étaient ici pour l'entendre, et sur les problèmes liés aux bourses du millénaire. Si vous n'avez pas lu sa déposition, je vous encourage à le faire.

Il s'agit d'un premier pas en vue d'améliorer la situation, notamment des jeunes qui ne veulent par forcément faire des études universitaires mais plutôt suivre une formation professionnelle. Comme chacun le sait, il y a une pénurie grave de gens de métiers. Nous devons donc saluer ces efforts.

J'étais à Thompson, au Manitoba, il y a une quinzaine de jours quand nous avons annoncé un programme de formation à la mine d'Inco par le truchement du programme de Diversification de l'économie de l'Ouest Canada. C'est un programme spécialement conçu pour former des jeunes Autochtones au travail dans la mine, c'est-à-dire qu'on leur apprend le métier de mineur pour qu'ils n'aient pas à quitter leur localité. En effet, les jeunes peuvent suivre une formation, travailler et vivre dans la région, ce qui est important. S'il y a un avantage économique à cela, c'est qu'on essaie d'aider ces jeunes en région, parce que c'est là qu'ils habitent et c'est là que se trouvent leurs racines.

Je vous encourage à pousser le gouvernement à faire davantage dans ce sens. L'ennui, à mon avis, et c'est l'avis d'autres aussi, c'est que les jeunes Autochtones ne terminent pas leurs études secondaires. C'est un problème grave. De nombreuses tentatives ont été faites pour surmonter ce problème.

Peut-être pourriez-vous songer à une façon de promouvoir ce programme qui offre des débouchés économiques pour aider les jeunes dans les régions où il est possible de les aider. Bien entendu, certaines réserves sont isolées et les problèmes, plus difficiles à régler.

Le sénateur Nancy Ruth a visité la mine de diamants dans le cercle arctique. Elle y a vu des jeunes Autochtones qualifiés travailler dans ces mines et gagner beaucoup d'argent. C'est ce qu'il faut promouvoir et encourager autant que possible. Je compte sur vous pour le faire.

Le président : Était-ce une observation?

Le sénateur Stratton : C'était simplement une observation.

Le président : Je sais que M. Dirks doit nous quitter sous peu, et j'invite donc les sénateurs à lui poser des questions s'ils le souhaitent.

Le sénateur Di Nino : Évidemment, la Fondation Gairdner est un exemple de dépenses judicieuses. En effet, le gouvernement canadien injecte 20 millions de dollars dans cette fondation, et j'aimerais donc poser des questions à ce sujet au nom de mes concitoyens.

Quelles sortes de modalités sont associées aux 20 millions de dollars? Il doit y avoir une obligation contractuelle quelconque. Donnez-nous une idée de la nature de la relation dans laquelle nous nous sommes engagés avec la Fondation Gairdner.

M. Dirks : En vertu de l'accord de financement qui a été négocié en mars, nous nous sommes engagés à nous acquitter d'un certain nombre d'obligations importantes. La bonne nouvelle est que la fondation pourra maintenir son indépendance et son processus d'arbitrage autonome. La capacité de la fondation de définir sa gouvernance a également été préservée. Cela nous aidera à préserver la réputation dont nous jouissons à l'échelon international.

L'accord définit clairement la fréquence à laquelle les rapports doivent être présentés. En effet, il renferme des lignes directrices précises concernant les rapports qui doivent être produits chaque année en relation avec nos plans et la manière dont les 20 millions de dollars ont été dépensés ainsi que les recettes générées la même année. Tout cela est soigneusement inscrit dans un calendrier. Par exemple, notre premier rapport — en supposant que le financement nous parviendra le mois prochain — devra être présenté le 30 septembre.

L'accord prévoit également un ensemble d'obligations liées à la présentation de rapports annuels par l'intermédiaire des IRSC. Par ailleurs, nous avons la possibilité de répliquer au gouvernement en présentant l'état des prix et de nous demander si les prix sont maintenant aux niveaux de qualité et de financement prévus au début en 2008. C'est un ensemble d'obligations bilatérales.

Sont également prévues des lignes directrices claires et prudentes sur la façon dont l'argent peut être investi. Le principe directeur est la préservation du capital, mais on prévoit une certaine latitude, notamment durant les années de vaches maigres, pour puiser dans cette dotation un maximum de 10 p. 100. La question de l'investissement a été clairement établie. Je crois comprendre que c'est une approche relativement courante en ce qui concerne les dotations ponctuelles de cette nature.

Sont clairement indiquées également les qualifications des personnes devant être nommées au comité de placement, qui devraient avoir de l'expérience dans le domaine des placements. Nous avons identifié des administrateurs de ce type. Il y a également des précisions sur la confidentialité, et cetera.

Il y a eu des négociations poussées, avec appel à des conseillers juridiques de la part des IRSC, du ministère des Finances, du Conseil du Trésor et de notre fondation.

Le sénateur Di Nino : Vous avez répondu à l'une des questions que je m'apprêtais à poser. Vous utilisez les revenus du capital et non le capital lui-même. C'est bien cela?

M. Dirks : Oui, c'est le principe.

Le sénateur Di Nino : Quand vous vous servez, êtes-vous tenu de remplacer ce que vous avez pris, à un moment ou à un autre par la suite?

M. Dirks : Oui, effectivement. L'attribution de 20 millions de dollars préserve les prix pour la génération suivante. Lors des discussions avec les divers ministères, on a évoqué un défi supplémentaire : trouver une somme égale à ces fonds, afin de pouvoir mener notre programme national de présentation à différents centres universitaires, à des étudiants et à la population en général, tout en assurant le financement de nos activités internes. Le processus est en cours.

Nous nous sommes également adressés aux provinces. Avant le déclenchement des élections en Alberta, le gouvernement de la province a indiqué son intention de consacrer 2 millions de dollars pour appuyer le type de programmes intellectuels que nous menons en Alberta.

Nous espérons pouvoir en faire autant avec d'autres provinces. Nous y travaillons. Nous comptons également nous adresser au secteur privé. Nous sommes très heureux de l'annonce et espérons qu'elle sera entérinée lors de l'adoption de la loi portant exécution des dispositions du budget. Cela constitue une incitation supplémentaire à élargir notre soutien en provenance d'autres sources.

Le sénateur Di Nino : C'est tout pour moi quant à cette partie du projet de loi C-50, monsieur le président.

Monsieur Dirks, si vous avez un rapport annuel où figurent des états financiers vérifiés, je vous serais reconnaissant de le fournir au greffier pour qu'il soit distribué.

Le sénateur Ringuette : Je ne savais pas que vous seriez ici cet après-midi, monsieur Dirks. Ce matin, j'ai demandé aux fonctionnaires du ministère de fournir une liste des membres de votre conseil d'administration. Il serait sans doute plus rapide que vous fournissiez cette liste vous-même.

Vu que vous attribuez des prix internationaux, avez-vous au sein de votre conseil d'administration des personnes qui ne résident au Canada?

M. Dirks : Non. Nous avons autrefois un conseil d'administration familial; nous sommes passés à un conseil d'administration public. Quatre des 12 administrateurs sont membres de la famille; huit viennent de Vancouver, d'Edmonton, de Calgary, de Toronto, de Winnipeg et de Montréal. Nous pouvons vous en fournir la liste. Nous avons eu l'occasion, notamment durant l'année de transition qui vient de s'écouler, de passer à un conseil d'administration avec une assise plus large.

Tous les administrateurs sont des Canadiens et résident au Canada. Toutefois, notre comité d'adjudication comporte d'importants chercheurs de tous les pays, ce qui nous a été utile, notamment pour les prix internationaux. Il ne s'agit pas du conseil d'administration, mais d'un comité de chercheurs. Cela a constitué un avantage quant à la qualité de notre processus d'adjudication et quant au rapport entre les chercheurs internationaux et les opérations de recherche similaires au Canada. Les chercheurs internationaux apprennent à nous connaître, à nous apprécier et à nous consacrer une partie de leur temps, ce qui constitue, selon moi, un atout précieux pour nous.

D'après ce que nous dit Industrie Canada, dans les milieux scientifiques que nous sommes particulièrement bien placés pour connaître intimement, quand les gens à la tête d'une opération sont d'ailleurs, aucun chercheur canadien ne peut participer.

Le sénateur Ringuette : J'ai remarqué que vous n'aviez personne du Canada atlantique dans votre conseil d'administration. Est-il difficile de trouver des gens de l'Atlantique?

M. Dirks : Nous y travaillons.

Le sénateur Ringuette : Ce sont toutes les questions que j'avais pour ce témoin.

Le sénateur Nancy Ruth : Quels sont vos liens, s'ils existent, avec l'ICRA, l'Institut canadien de recherches avancées?

M. Dirks : Nous connaissons bien l'ICRA. Je pense que nos objectifs sont complémentaires. L'ICRA a des réseaux de recherches multidisciplinaires auxquels participent des chercheurs d'un peu partout au Canada ainsi que des États- Unis et d'ailleurs. Ils choisissent un thème et y travaillent collectivement, alors que nous approchons les choses de l'autre bord, en identifiant les chercheurs qui ont réalisé une découverte majeure ou, au cours de leur vie, appuyé le développement de la recherche. Nous identifions les vedettes et, cela fait, les faisons venir dans nos instituts. Je dirais donc, que nos rôles sont complémentaires.

Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce un bassin d'approvisionnement?

M. Dirks : Nous nous limitons aux sciences de la santé et à la biologie, tandis que l'ICRA touche aux sciences naturelles et à d'autres. Une question a surgi dans certaines nos discussions : le modèle que la Fondation Gairdner applique aux sciences de la vie et de la santé pourrait-il être élargi à d'autres aspects de la science? Nous n'avons pas approfondi la question et on ne nous a pas demandé de le faire, mais c'est un point à garder à l'esprit, peut-être, pour l'avenir.

Le sénateur Nancy Ruth : Avez-vous des liens avec le Massey College de l'Université de Toronto, hormis le fait d'y être hébergé.

M. Dirks : Je suis un fellow du collège. C'est un établissement remarquable, avec un bon environnement, ce dont vous avez bien conscience. Le collège est essentiellement indépendant de l'université quand il invite des gens, notamment les jeunes étudiants diplômés dont nous avons parlé.

Le président : Monsieur Dirks, je pense que plusieurs sénateurs sont un peu interloqués de voir une dotation majeure aller à une fondation indépendante dans le cadre d'un projet de loi de mise en œuvre du budget. Vous savez que, par le passé, quand des gouvernements ont créé des fondations, cela a suscité maints débats parlementaires sur la reddition de comptes, ainsi que des efforts pour créer une disposition permettant au vérificateur général de vérifier les livres et les états des fondations ayant bénéficié de subventions publiques importantes, afin de voir à quoi l'argent est consacré et de vérifier que c'est à bon escient.

Dans l'accord de financement, l'entente de dotation, existe-t-il des dispositions permettant au vérificateur général de vérifier les comptes de la fondation?

M. Dirks : Oui, mais pour l'entente de dotation seulement. Les autres fonds, le cas échéant, ne seraient pas inclus dans l'accord.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Dirks. Une fois de plus, laissez-nous vous féliciter sur le travail réalisé par la fondation et vous souhaiter tout le succès à l'avenir.

M. Dirks : Merci de votre attention.

Le sénateur Di Nino : Je tenais particulièrement à poser des questions à M. Giammarino.

Vous avez demandé à comparaître pour parler des changements dans la Loi sur la Banque du Canada. J'ai posé quelques questions sur ce point aux fonctionnaires ce matin. Je serais ravi d'avoir également votre opinion.

J'ai été frappé par votre remarque. Sauf erreur de ma part, vous avez parlé de « assouplir les contraintes » imposées au gouverneur dans certains domaines, notamment l'achat et la vente de titres visés par la loi. Manifestement, si le projet de loi C-50 est adopté, il fournira au gouverneur et au conseil d'administration un outil plus souple, pour faire face à des bouleversements du marché, du moins je le suppose.

Les questions que j'ai posées ce matin portaient sur un ou deux domaines. Tout d'abord, l'assouplissement des contraintes, pour reprendre vos mots, et les pleins pouvoirs dont jouit le gouverneur vous semblent-ils excessifs?

M. Giammarino : C'est une bonne question; elle se pose forcément chaque fois qu'on assouplit des contraintes de ce type. En matière de politique, il y a toujours un équilibre délicat entre les règles et la latitude. Quand on demande à une personne de nous surveiller en tant que société et de nous préserver d'un événement donné, nous nous demandons toujours quelle latitude lui donner, d'une part parce qu'elle pourrait l'utiliser de façon inappropriée, mais aussi parce qu'elle est susceptible d'affecter les comportements. Et ce sont bien les deux choses qui nous préoccupent : que la banque fasse des erreurs ou que l'existence de cette latitude ait des répercussions sur le comportement des participants au marché financier. C'est bien le souci qui m'est venu quand j'ai réfléchi aux changements.

Ces préoccupations sont légitimes mais, vu l'histoire de la Banque du Canada et ses actions sur la scène internationale, je suis sûr qu'elle saura gérer ce nouvel équilibre. De plus, il existe une disposition contraignant le gouverneur à publier un énoncé de politique sur la façon dont il compte utiliser ses pouvoirs, en cas de bouleversement des marchés financiers. Il ne s'agit donc pas d'une latitude absolue; la banque ne peut pas décider de but en blanc d'effectuer certaines opérations; il faut une certaine reddition de comptes.

La Banque du Canada a également conscience du risque moral que cela présente. Si les participants savent que la banque est en mesure d'intervenir dans un marché en difficultés, il est possible qu'ils prennent des mesures rendant nécessaire cette intervention. C'est l'un des problèmes classiques qui existent dans le monde de la finance, des prêts aux étudiants et de ceux aux sociétés, dès que cette latitude est possible. Si, quand on parie gros, on sait que la Banque du Canada peut nous tirer d'affaires, cela peut nous amener à parier gros. Pile on gagne; face ils perdent.

Nous ne savons ce que nous réserve l'avenir, mais je suis convaincu que la Banque a l'expertise, la motivation et l'expérience voulues pour gérer ces choses et que cela vaut mieux que de ne rien faire, vu la création rapide de nouveaux titres dans les marchés de capitaux. Comme je l'ai dit, quel que soit le domaine, la création de nouveaux titres ou le lancement de nouvelles initiatives créent des risques. C'est pourquoi il est approprié de donner à la Banque du Canada la capacité d'élargir ses interventions; c'est un risque qu'il vaut la peine de prendre.

Le sénateur Di Nino : Vous avez lu la loi. Quel rôle le ministère joue-t-il dans la supervision de ces nouveaux pouvoirs?

M. Giammarino : Je ne suis pas un avocat, si bien que je ne sais pas jusqu'à quel point les dispositions sont contraignantes. Toutefois, si ma mémoire me sert bien, on parle de la conduite de la politique monétaire et de favoriser la stabilité. Il y a dans la Loi sur la Banque du Canada une disposition permettant au ministre de communiquer une directive en cas de différend. Qui plus est, la nécessité d'une consultation permanente est reconnue. J'estime que, au bout du compte, comme pour la politique monétaire, c'est le ministre qui devrait être responsable.

Le sénateur Di Nino : On nous a dit que les gouverneurs de la Banque d'Angleterre et de la Banque centrale européenne jouissaient de pouvoirs similaires. À votre connaissance, y a-t-il d'autres banques centrales, notamment dans le monde occidental, qui ont octroyé ce type de pouvoirs à leur gouverneur?

M. Giammarino : Je ne suis pas certain. Je pense que la Réserve fédérale a des pouvoirs plus étendus que la Banque centrale. Par exemple, ces dernières décisions concernent les courtiers en valeurs mobilières qui n'auraient pas été admissibles en vertu de la législation canadienne. C'est un bon point en faveur de la modification. Il faudra assurer la coordination avec les autres dirigeants de banques centrales. Comme vous l'avez dit, elle exerce déjà ce genre de pouvoir.

Le sénateur Di Nino : Enfin, pour ce qui est du revers de la médaille, vous avez raison : les bouleversements majeurs sont de nature mondiale, jamais intérieure. S'ils sont de nature intérieure, on peut s'en occuper différemment. Il existe une fraternité de gouverneurs qui sont en contact constant les uns avec les autres. Il y a aussi à la Banque du Canada un conseil de gouverneurs qui participerait à ces discussions avant toute décision définitive concernant le recours à ce pouvoir, je pense. Êtes-vous du même avis?

M. Giammarino : Me demandez-vous si les gouverneurs de la Banque du Canada interviendraient ici?

Le sénateur Di Nino : Les membres du conseil de la Banque du Canada.

M. Giammarino : J'ignore si c'est le cas. Je ne peux pas croire que ce ne l'est pas, mais j'ignore si le gouverneur pourrait prendre cette décision sans en informer le conseil.

Le sénateur Di Nino : S'il y a une dimension dont vous ne nous avez pas parlée, j'aimerais que vous transmettiez quelque chose à la greffière qui nous le fera parvenir.

Le président : Monsieur Giammarino, je vous ai fait remettre la page 125 du projet de loi C-50. Vous discutez du paragraphe 146(1), qui se lit comme suit :

g) dans le cadre de la conduite de sa politique monétaire ou en vue de favoriser la stabilité du système financier canadien :

Il est dit ensuite que le gouverneur de la Banque du Canada peut acheter et vendre des titres et autres instruments financiers — à une exception près — sauf « ceux attestant un droit, un intérêt ou une participation dans une entité «. En quoi consiste cette exception de titres qu'elle ne peut négocier?

M. Giammarino : D'après ce que je comprends, cela s'applique à la participation dans les entités en exploitation. Comme je l'ai dit au début, je ne me souviens par cœur de chaque disposition, mais je crois que la Banque du Canada est assujettie à des restrictions quant à sa participation dans des entités en exploitation, la détention de parts dans des entreprises et l'exercice d'influence, et c'est cela qui est exclus.

Le président : Merci. Cela nous aide. J'ignorais cela.

À l'alinéa 18.1(2), il est dit que la banque publie la politique, et cela renvoie à l'article que nous venons d'examiner. Le gouverneur doit donc publier la politique et ne peut l'appliquer que sept jours après sa publication. Cela signifie que la population en prendrait connaissance et saurait qu'il y a un critère objectif qu'elle peut appliquer à ce que fait le gouverneur.

Au sous-alinéa (ii), il n'y a pas d'exception concernant les placements dans les entités en exploitation et rien n'oblige le gouverneur à publier dans la Gazette du Canada des normes objectives. Cela ne vous inquiète-t-il pas que le gouverneur de la Banque du Canada puisse investir, vendre et acheter des titres, éventuellement d'une manière qui soit contraire à la politique gouvernementale et qui aille à l'encontre de ce qu'il essaie d'accomplir, sans contrôle, ni consultation ni publication?

M. Giammarino : J'ai lu cela. D'après ce que je comprends, cette différence s'explique par la gravité de l'événement. Si le gouverneur estime qu'une contrainte extrême pèse sur le système financier, il doit publier une politique et déclarer qu'il achète ces titres parce qu'ils ne contiennent pas de liquidité. Toutefois, dans le cadre de la conduite de sa politique monétaire ou en vue de favoriser la stabilité du système financier, il a le droit, comme c'est le cas actuellement, d'acheter d'autres titres.

J'y vois là un élargissement du genre de titres qu'il peut négocier et en particulier des acteurs avec qui il peut traiter. C'est une façon de réagir à l'évolution du marché monétaire. Je suis certain qu'on vous a communiqué ces chiffres ce matin. Les établissements non bancaires privés pèsent désormais lourd sur le marché monétaire. La Banque du Canada n'a pas le même accès à ces établissements et eux n'ont pas le même accès à la Banque du Canada. Pour moi, cette disposition donne cette latitude.

Le sénateur Di Nino : L'article proposé 19, de l'article 147, couvre ce que vous venez de dire.

Le président : C'est utile. Je pense que M. Giammarino a peut-être mal interprété le document. La publication dans la Gazette du Canada est la façon de procéder normale en ce qui concerne le premier article que nous avons examiné, qui établit cette exception pour les entités en exploitation. Au sujet de l'alinéa (ii), il est dit qu'il peut acheter et vendre tout titre et acheter une part dans des entités en exploitation. Par exemple, il nous l'apprend, éventuellement, après qu'il y a eu conflit entre la politique énoncée par le gouvernement et l'action du gouverneur. Il le publie dans la Gazette du Canada et déclare : « Voilà ce que j'ai fait. »

M. Giammarino : Vous avez d'abord parlé du sous-alinéa 18g)(ii); l'article proposé 19 s'applique au sous-alinéa (ii). Il accorde cette latitude.

Le président : Vous qui êtes économiste depuis des années, après avoir été formé à St. Francis Xavier et après avoir fréquenté l'Université Queen's, ne trouvez-vous pas qu'il s'agit pour le moins d'un pouvoir très étendu pour une seule personne?

M. Giammarino : Certes. Il est certain que sans ces modifications, le gouverneur de la Banque du Canada a d'immenses pouvoirs. C'est une des responsabilités les plus difficiles au pays que de prendre ces décisions dans l'intérêt national.

Si cette latitude cause des inquiétudes, il faut s'en soucier en amont parce qu'il jouit déjà de suffisamment de pouvoirs pour influer sur les marchés des capitaux; or, cette disposition vient les élargir. En tant qu'économiste, j'évoquerais les règles par opposition à la latitude. Il y a un long débat universitaire au sujet de ce que nous faisons pour nous régenter. Établissons-nous des règles ou accordons-nous de la latitude? J'ai étudié des modèles et des théories à propos des conditions, mais au bout du compte, vous devez vous en remettre à votre système de poids et de contrepoids.

Le président : Vous avez dit au sénateur Di Nino que l'évolution de la conjoncture justifie cet accroissement notable de la latitude dont jouit la Banque du Canada depuis de nombreuses années. Est-il nécessaire aujourd'hui dans cette loi d'exécution du budget d'apporter ces changements importants?

M. Giammarino : C'est ce que je pense.

Le président : Certains de vos collègues ont exprimé publiquement des inquiétudes à propos de cette disposition. Pouvez-vous nous dire en quoi elles tiennent?

M. Giammarino : Elles concernent le recours au pouvoir et l'aléa de moralité que cela pourrait avoir sur les marchés financiers. Le gouverneur pourrait commettre ces erreurs ou le fait de savoir que le gouverneur dispose de ce pouvoir pourrait provoquer sur les marchés financiers précisément le genre de comportement qu'il cherche à obvier.

Mon sentiment est que la Banque du Canada a répondu à ces craintes dans diverses publications. Elle sait bien qu'elle jouit de ce pouvoir et que l'aléa de moralité pourrait en découler. C'est la réponse. Au bout du compte, je ne crois pas qu'il y ait de solution magique et qu'il faille limiter son action de telle ou telle manière. Il s'agit essentiellement nous essayons de parer à des éventualités impossibles à imaginer à l'heure actuelle. C'est ce qui nous a menés ici. Des types de titres et de transactions que je n'aurais jamais imaginés quand j'ai commencé à étudier les finances sont aujourd'hui monnaie courante.

Le président : Nous savons ce qui se passe aux États-Unis en ce qui concerne les instruments adossés à des actifs et le marché des prêts hypothécaires. J'ai lu des articles qui disent que cette latitude augmenterait le risque que ce genre de choses se produise au Canada. Contestez-vous ce point de vue?

M. Giammarino : Je ne connais pas ces articles. L'inquiétude dont j'ai entendu parler au sujet de ce marché a plus à voir avec la rupture qu'avec la latitude entre les entités d'origine et les détenteurs de titres. L'activité bancaire est dans une nouvelle ère. À leur création, les banques établissaient des rapports avec les gens qui contractaient des emprunts auprès d'elles et les assumaient jusqu'à la fin, mais maintenant ils les font valoir. Si c'est de cette latitude qu'il s'agit, alors je conviens que c'est une source de préoccupation.

Je pense que les incitatifs du secteur privé seront étudiés et suivis. La banque centrale n'est pas une entité à but lucratif. Elle a pour mandat de protéger l'intérêt public. Au bout du compte, le ministre peut ordonner que ça cesse.

Le sénateur Di Nino : Mon interprétation du sous-alinéa 18g)(ii) rejoint ce que vous dites : l'assouplissement des restrictions ». Il y est question de « tension grave et exceptionnelle ». De toute évidence, si cela se produit et si le gouverneur ne dispose pas de sept jours, il s'agit là d'une perturbation du marché. C'est ce qui m'inquiète. Je suis d'accord avec vous pour tout ce que vous avez dit. Je pense que notre système est remarquablement solide, ce qui à mon avis n'est pas le cas aux États-Unis. Je tiens ces propos en public et je suis prêt à les défendre.

Cela dit, cela illustre ce que vous avez dit à propos de l'assouplissement des contraintes dans le cas de tensions graves est exceptionnelles sur un marché qui oblige à intervenir dans la demi-heure et non dans les sept jours. Ai-je bien compris?

M. Giammarino : Oui, surtout quand on pense aux mesures prises après l'attentat du 11 septembre. Imaginez que cela n'existe pas. Ils disposaient de très peu de temps et je suis très impressionné qu'ils aient pu gérer ce qui aurait pu être une catastrophe sur le marché financier. C'était un sacré coup. Les événements de ce genre se produisent sans prévenir. Peut-on les prévoir? Peut-on dire que chaque crise exigera une décision dans la demi-heure? Non. Dans certains cas, il faudra plus de temps et peut-être est-il possible de discuter des mesures à prendre. Je suis d'accord avec vous.

Cela renvoie aussi, je pense, à ce que nous appelons achever le contrat ou achever les marchés. On se retrouve aux prises avec des événements impossibles à imaginer aujourd'hui et on essaie de décider ce qu'on va faire. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut faire ici. On ne peut pas dire qu'il sera acceptable d'intervenir sur certains titres mais non sur d'autres parce que l'on ignore de quels titres il s'agit. Il s'en crée au moment même où je vous parle.

[Français]

Le président : Y a-t-il d'autres questions concernant la Banque du Canada?

[Traduction]

Le sénateur Ringuette : J'ai une question pour M. Giammarino. Vous êtes à l'Université de la Colombie- Britannique.

M. Giammarino : Oui.

Le sénateur Ringuette : J'ai lu il y a quelque temps que l'université avait gelé ses frais de scolarité pour trois ans.

M. Giammarino : D'après mes souvenirs, c'était pour plus longtemps que cela; ça semble être pour toujours.

Le sénateur Ringuette : Le but de ce gel est d'augmenter l'effectif, mais ce n'est pas ce qui est arrivé.

M. Giammarino : Je ne connais pas les totaux, mais je peux vous raconter des anecdotes à propos des conséquences. Pendant cette période, j'étais le président de la Division des finances. J'avais pour tâche de trouver des enseignants pour les cours de finances dans le programme de commerce. Le cours de finances était l'un des plus couru. Nous devions donc limiter le nombre d'inscriptions. Le gel est intervenu au moment où les autres écoles, en particulier les États-Unis, augmentaient au contraire leurs frais de scolarité pour leur MBA. Dans mon groupe, le corps professoral est passé de 15 à 9. Je me suis trouvé forcé de trouver des enseignants pour tous ces étudiants. Nous avons augmenté la taille des classes.

Je me souviens très bien d'un étudiant venu me demander de l'admettre dans l'option finances. Je lui ai dit que je ne pouvais pas augmenter le nombre d'inscriptions parce que je n'avais plus d'enseignants : « Allez voir votre député pour que les frais de scolarité soient dégelés », lui ai-je dit. Il m'a répondu : « Non, je ne peux pas faire ça; c'est une question d'accès aux études. »

Le grand paradoxe, c'est que si l'on gèle les frais de scolarité pour ouvrir l'accès aux études sans augmenter du coup le financement, on obtiendra l'effet contraire. Nous nous sommes retrouvés avec moins d'argent, moins de classes et plus de restrictions.

Le sénateur Ringuette : Vous êtes-vous retrouvé avec moins d'étudiants?

M. Giammarino : Nous étions à pleine capacité sous tout rapport.

Le sénateur Ringuette : Il n'y avait pas moyen d'augmenter le nombre d'étudiants même si les frais de scolarité étaient gelés?

M. Giammarino : Non. Il faut prendre conscience de la différence entre les écoles professionnelles et les autres. Les frais de notre programme de MBA ont été gelés au moment où ceux de tous les autres étaient inférieurs au coût. Depuis le dégel, à la Division des finances, le nombre d'enseignants est revenu à 15. Nous avons augmenté du tiers le nombre d'étudiants du premier cycle. C'est grâce à d'autres choses, dont des donations et des rallonges du gouvernement provincial.

Le dégel nous a aidés parce que nous avons pu augmenter les frais de scolarité de ceux qui étaient prêts à payer. Ils tirent un immense avantage du MBA qu'ils obtiennent parce que leur rémunération est très élevée par la suite. Nous pouvons alors nous servir de ces fonds pour financer des cours dans tous les domaines, y compris les arts et les lettres.

Le sénateur Ringuette : Merci. Mme Aziz a quelque chose à ajouter, je crois.

Mme Aziz : Oui, à propos de la Colombie-Britannique. J'étais une élève du secondaire en Colombie-Britannique au moment du gel des frais de scolarité. Je ne suis nullement en désaccord avec vous à propos du sous-financement provincial. Pendant le gel des frais de scolarité et des recettes provenant des étudiants, il n'y a pas eu d'augmentation correspondante suffisante du financement provincial. C'était le principal problème.

Depuis le dégel, même si je pense que la situation varie selon chacun des programmes, il y a eu un gros problème du nombre d'inscriptions, en particulier dans les collègues communautaires. En Colombie-Britannique, par le passé, les cours collégiaux étaient relativement abordables. Le système d'éducation de cette province est très spécial et c'est un bon système.

J'aurais aimé que le sénateur Stratton soit encore ici. Ce sont les collèges qui alimentent les universités. Les élèves entreprennent un programme de deux ans dans les collèges, souvent moins cher que les programmes universitaires, et se préparent à passer à l'université.

Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas un cas unique. C'est la même chose au Québec en ce qui concerne les cours techniques du CEGEP pour ensuite faire son baccalauréat à l'université.

Mme Aziz : Je voulais dire à l'extérieur du Québec, parce que la situation là est tellement différente du reste du Canada.

On s'est inquiété de la baisse des inscriptions dans les collèges communautaires. Encore une fois, c'est généralisé de manière globale et vaste en termes de ce qui est arrivé avec les frais de scolarité.

Le sénateur Ringuette : Madame Aziz, tout à l'heure, vous avez parlé de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, de la grande inquiétude que vous aviez que le programme a donné de l'argent aux provinces à administrer.

Ce matin, Mme Frith a comparu devant nous. Elle est la directrice du Programme canadien de prêts aux étudiants pour le ministère. Elle nous a dit qu'ils sont actuellement en transition, en train de fermer le programme du millénaire pour passer au nouveau programme. Elle nous a dit qu'ils sont en train de négocier avec les gouvernements provinciaux pour avoir le même genre de déboursement au programme du millénaire. Qu'en pensez-vous?

Mme Aziz : Pendant un certain nombre d'années, lors de la première moitié de l'existence de la fondation, nous nous sommes dits préoccupés par les transferts des provinces. Mes collègues ont également parlé de cette question des transferts des provinces, c'est-à-dire que les fonds étaient versés aux provinces mais à cause du fonctionnement de la fondation et des accords signés, les provinces ont pu pendant nombre d'années dépenser cet argent sur ce qu'elles voulaient ou pouvaient modifier leurs propres programmes.

Ce matin, nous avons discuté avec le nouveau directeur du Programme canadien de prêts aux étudiants, qui occupera son poste bientôt, de même qu'avec certains fonctionnaires du PCPE à propos de cette question et nous avons demandé à ce que les fonds ne soient pas déplacés. Voilà évidemment une inquiétude des étudiants au niveau fédéral. Tout argent provenant du gouvernement fédéral affecté à l'aide financière aux étudiants devrait servir à bonifier les programmes d'aide provinciaux et faire en sorte que les étudiants voient une augmentation nette du financement plutôt qu'aucune augmentation ou même une diminution dans certains cas.

Le sénateur Ringuette : Qui avez-vous rencontré ce matin?

Mme Aziz : Ce matin, nous avons participé à un comité sur le programme d'aide financière aux étudiants où se trouvaient des fonctionnaires du Programme canadien de prêts aux étudiants, de même que le nouveau directeur qui occupera son poste en septembre, je crois.

Mme Fry : La transition a déjà eu lieu.

Mme Aziz : Elle a déjà eu lieu, alors, il y a un nouveau directeur général du Programme canadien de prêts aux étudiants. Nous avons discuté longuement ce matin de la transition au nouveau programme de bourse et de la nécessité que les provinces collaborent avec le gouvernement fédéral pour réussir cette transition.

Le sénateur Ringuette : Vous nous dites que ce matin, vous avez rencontré le successeur de Mme Frith?

Mme Aziz : Oui.

Le sénateur Ringuette : Voilà qui est intéressant. La façon dont les provinces appuient l'éducation postsecondaire est très importante. Je vais vous donner un exemple. Pour le Nouveau-Brunswick, la conséquence des paiements de transfert pour les programmes sociaux et l'éducation postsecondaire pour les dix prochaines années représente un sous- financement de 1,2 milliard de dollars du gouvernement fédéral vers la province.

Dans cette situation, comment pensez-vous que la province du Nouveau-Brunswick pourra appuyer l'éducation postsecondaire?

Mme Aziz : Il y a deux aspects au problème que vous soulevez. Notre organisation s'occupe évidemment des deux, mais je n'ai parlé que de l'aide financière aux étudiants aujourd'hui puisque c'est ce que l'on retrouve dans le projet de loi.

Bien sûr, il faut que le gouvernement fédéral accroisse le financement pour l'éducation postsecondaire par le biais du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, comme vous l'avez mentionné. Nous faisons toujours face à une réduction de financement pour l'éducation postsecondaire, même suite à l'annonce faite dans le budget de 2007 d'une augmentation des fonds du Transfert canadien en matière de programmes sociaux destinés à l'éducation postsecondaire. Malgré cette augmentation, il manque toujours 1 milliard de dollars proportionnellement au nombre d'étudiants pour atteindre le niveau du début des années 1990, avant la série de réductions touchant le financement de l'éducation postsecondaire.

Vous avez absolument raison. Il reste beaucoup de travail à faire sur le financement de base de l'éducation postsecondaire au pays.

Quant à l'aide aux étudiants et au système, le gouvernement fédéral aide les étudiants de deux façons. Premièrement, il y a le financement institutionnel par le biais du Transfert canadien en matière de programmes sociaux et, deuxièmement, il y a ce financement direct aux étudiants.

Le sénateur Ringuette : Cela dépend de quelle province vous parlez. Présentement, il n'y a que trois provinces qui ont reçu une augmentation de la part du gouvernement fédéral pour les dix prochaines années pour l'éducation postsecondaire. Ces provinces sont l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique, les provinces les plus peuplées.

Le fossé s'accroîtra donc entre les étudiants vivant dans les provinces les moins peuplées et ceux vivant dans les provinces les plus peuplées. J'espère que vos fédérations examineront cette question parce qu'au cours des dix prochaines années, nombre de vos collègues seront touchés.

Mme Aziz : Absolument.

Le sénateur Ringuette : On peut ensuite ajouter 30 millions de dollars sur cinq ans aux prêts étudiants, mais si on réduit le financement institutionnel postsecondaire de 1,2 milliard de dollars, au bout du compte, nous perdons.

Mme Aziz : Je suis totalement d'accord avec vous.

Le sénateur Ringuette : J'espère que vous dénoncerez cette situation.

Mme Aziz : Absolument. Nous le faisons, c'est certain.

M. Churchill : Nous devrons surveiller comment les étudiants de chaque province sont touchés pendant cette transition des bourses du millénaire au nouveau programme.

Présentement, nous avons les programmes du millénaire en collaboration avec les provinces, qui traitent les étudiants différemment et qui les aident de la façon qui leur convient le mieux. Lorsque nous ferons la transition aux nouvelles bourses, ces programmes devront évidemment changer.

Pendant cette période, nous devons surveiller comment les étudiants de chaque province seront touchés. C'est particulièrement important au Québec. Il semble qu'avec le droit de retrait lié au financement du Québec, le Québec peut se retirer d'un programme fédéral si la province a un programme semblable.

Présentement au Québec il n'y a pas de programme fondé sur le revenu. On doit donc se poser la question suivante : s'il n'y a pas de programme fondé sur le revenu au Québec, qu'est-ce qui se passera lorsque ce financement sera versé au Québec? On parle d'environ 80 millions de dollars pour ces étudiants. On doit absolument surveiller les effets de ce nouveau programme sur la capacité des provinces à aider les étudiants.

Le sénateur Ringuette : Suite aux modifications des paiements de transfert pour les programmes sociaux et l'éducation postsecondaire du gouvernement fédéral, Québec est l'une des provinces qui sera perdante au cours des dix prochaines années quant à ce type de financement.

Mme Fry : À ce sujet, notre organisation aime parler d'un transfert réservé à l'éducation postsecondaire et d'un accord pancanadien. Il y aurait un accord entre le gouvernement fédéral et les provinces pour réserver ce financement à l'éducation postsecondaire. Il y aura un accord reconnaissant l'importance de l'éducation postsecondaire dans chaque province et qui ferait en sorte que les institutions et les étudiants reçoivent l'argent nécessaire pour assurer une éducation de première qualité où qu'ils soient au pays.

Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas ce qui se passe.

Mme Fry : Non, ce n'est pas ce qui se passe. C'est quelque chose que nous aimerions voir.

Le président : Nous sommes ici pour vous aider à y arriver.

Au nom de tous les sénateurs, je veux vous remercier. Le Comité sénatorial permanent des finances nationales vous remercie d'être venus ici aujourd'hui, madame Aziz, monsieur Churchill, madame Fry et monsieur Giammarino. Chacun d'entre vous a parlé de sujets qui sont extrêmement importants. Nous allons examiner les renseignements que vous nous avez donnés et nous concentrer sur les changements proposés dans ce projet de loi d'exécution du budget, le projet de loi C-50.

Bien que nous aurions aimé étudier toutes les lois liées à chacun des sujets que vous avez présentés, nous avons le mandat d'étudier ce projet de loi, et les changements, bien que peu nombreux, pourraient avoir des effets très importants sur chacun de ces sujets. Comme nous l'avons dit plus tôt, il y a dix parties à ce projet de loi, et dans chacune de ces parties, on trouve de nombreux aspects différents.

Cette discussion et les renseignements qui nous ont été présentés cet après-midi nous seront très utiles. Si vous désirez communiquer avec le Comité sénatorial permanent des finances nationales, n'hésitez pas à nous écrire. Tout comme mon collègue, le sénateur Di Nino, l'a indiqué tout à l'heure, vous pouvez envoyer les documents au greffier du comité, qui veillera à les distribuer à tous les sénateurs.

Je tiens à vous remercier tous de votre présence aujourd'hui.

La séance est levée.


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