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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 14 - Témoignages du 3 juin 2008 - Séance du matin


OTTAWA, le mardi 3 juin 2008

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 38 pour étudier la teneur du projet de loi C-50, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 26 février 2008 et édictant des dispositions visant à maintenir le plan financier établi dans ce budget.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour à tous et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m'appelle Joseph Day, je représente la province du Nouveau-Brunswick au Sénat et je suis président de ce comité.

[Traduction]

Le comité a pour mandat de se pencher sur les opérations et les dépenses du gouvernement. À cette fin, nous examinons les budgets des dépenses et les fonds mis à la disposition des mandataires du Parlement pour exercer leurs fonctions, et nous nous penchons sur les lois d'exécution des budgets et autres affaires confiées au comité par le Sénat.

Le 15 mai 2008, notre comité s'est vu confier par le Sénat l'étude de la teneur du projet de loi C-50, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 26 février 2008 et édictant des dispositions visant à maintenir le plan financier établi dans ce budget, appelé par ailleurs Loi d'exécution du budget de 2008, ou projet de loi C-50.

Nous sommes ravis d'avoir parmi nous deux témoins qui étaient déjà là jeudi, mais que nous n'avons pas alors eu le temps d'entendre. Nous vous remercions de la compréhension dont vous faites preuve en étant à nouveau ici pour nous parler de l'un des volets du projet de loi C-50. Celui-ci comporte dix parties et nous allons discuter ce matin de celle traitant des questions de citoyenneté et d'immigration.

Nous sommes donc ravis d'accueillir madame Andrea Lyon, sous-ministre adjointe, Politiques stratégiques et de programmes, et monsieur Les Linklater, directeur général, Direction générale de l'immigration.

Andrea Lyon, sous-ministre adjointe, Politiques stratégiques et de programmes, Citoyenneté et Immigration Canada : Merci beaucoup et bonjour à tous. Je suis ravie d'être parmi vous.

Nous sommes heureux d'avoir la chance de nous adresser au Comité au sujet du projet de loi C-50 portant exécution de certaines dispositions du budget, qui contient les modifications que le gouvernement propose d'apporter à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Comme la ministre l'a déclaré, le gouvernement reconnaît que notre pays puise ses racines de l'immigration et que notre prospérité et notre succès en dépendent grandement.

Toutefois, plus de 900 000 personnes attendent en file pour immigrer au Canada et bon nombre d'entre elles doivent patienter jusqu'à six ans avant que leur demande ne soit examinée. Si nous ne nous attaquons pas à ce problème, cet arriéré pourrait atteindre 1,5 million de personnes d'ici 2012, et les demandeurs pourraient alors devoir attendre jusqu'à 10 ans avant que ne soit amorcé le traitement de leur demande.

Cela est attribuable au fait que, malgré que nous fixions des limites quant au nombre de nouveaux arrivants que nous acceptons chaque année, le nombre de personnes qui peuvent présenter une demande n'est quant à lui visé par aucune limite. Cela nous laisse donc peu de souplesse en lien avec ce que nous pouvons faire des demandes qui excèdent notre capacité de traitement. La Loi nous oblige à traiter chacune des demandes d'immigration que nous recevons, et ce, jusqu'à ce qu'une décision soit rendue. Enfin, nous sommes habituellement tenus de traiter les demandes selon leur ordre de réception.

Par ailleurs, le Canada a d'importants rivaux internationaux à la recherche de personnes possédant les talents et les compétences dont notre pays a besoin pour assurer sa croissance et sa prospérité. En Australie et en Nouvelle-Zélande, pays qui possèdent la marge de manœuvre que nous recherchons, les demandeurs obtiennent une réponse définitive en aussi peu que six mois. Si on compare le Canada au Royaume-Uni, à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande, le Canada est le seul pays qui n'a recours à aucune mesure de présélection axée sur la profession afin de sélectionner, de coder ou de classer en ordre de priorité les demandes des travailleurs qualifiés.

À cet égard, le gouvernement propose un certain nombre de mesures. Nous investirions de nouvelles ressources dans notre processus d'immigration. C'est la raison pour laquelle le budget de 2008 prévoit un montant d'environ 109 millions de dollars sur cinq ans pour atteindre nos objectifs. À l'aide de ces ressources, nous pourrions apporter des changements de nature administrative, dont les suivantes : centraliser le système de saisie initiale des données afin de libérer des ressources dans nos bureaux à l'étranger, des ressources qui pourront traiter un plus grand nombre de demandes d'immigration; coder les demandes de l'arriéré selon la profession afin que nous puissions transmettre les demandes intéressantes pour une province ou un territoire, qui peut la traiter dans le cadre du Programme des candidats des provinces; envoyer des équipes spéciales dans nos bureaux à l'étranger afin d'accélérer le traitement dans les régions du monde où les délais de traitement sont les plus longs.

Mais bien que de tels changements soient importants et nécessaires, ils ne sont pas suffisants. C'est pourquoi le gouvernement a proposé d'apporter des modifications à la législation pour nous accorder la marge de manœuvre et les pouvoirs permettant à la fois de gérer l'arriéré et de définir des priorités répondant aux besoins du Canada, tout en assurant le caractère prévisible, l'équité et la responsabilisation du régime d'immigration.

La législation proposée permettra à la ministre de donner instruction aux agents de l'immigration de traiter de façon prioritaire certaines catégories de demandes. Le ministère n'aura plus alors à traiter toutes les demandes. Celles qui ne l'auront pas été au cours d'une année donnée pourront soit être conservées pour être étudiées par la suite, soit renvoyées aux demandeurs en leur remboursant les frais qu'ils ont acquittés en déposant leurs demandes. Ces candidats à l'immigration pourront présenter une autre demande par la suite.

Certains craignent que ces modifications clés confèrent trop de pouvoirs à la ministre. Il faut savoir que nous mettrons en place différents automatismes régulateurs que le ou la ministre devra appliquer.

Les instructions ministérielles devront être conformes à la Charte canadienne des droits et libertés, qui empêche la discrimination fondée notamment sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe et les déficiences mentales ou physiques. Les instructions cadreront avec les objectifs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, soit de soutenir l'économie et la compétitivité du Canada, de favoriser la réunification des familles et de veiller au respect des engagements humanitaires du Canada. Avant d'émettre des instructions, le ministère consultera les provinces et les territoires, la Banque du Canada, Ressources humaines et Développement social Canada ainsi que d'autres intervenants, comme les employeurs et les syndicats. Les instructions ministérielles devront aussi être approuvées par le Cabinet.

De plus, afin d'assurer une transparence totale, les instructions seront publiées dans la Gazette du Canada, affichées sur le site Internet du ministère et incluses dans le rapport annuel de Citoyenneté et Immigration Canada, qui est déposé au Parlement.

J'aimerais aborder certaines des préoccupations qu'a soulevées le projet de loi C-50. Les modifications proposées ne prévoient aucune limite quant au nombre de demandes que nous accepterons. Le nombre de demandes que nous acceptons est indiqué dans le rapport que le ministère dépose chaque automne au Parlement. Cela ne changera pas, pas plus que le projet de loi ne permettra pas à la ministre de faire une sélection minutieuse des demandeurs dans la file d'attente ni d'annuler une décision individuelle rendue par un agent d'immigration. Le ou la ministre ne pourra que désigner des catégories à traiter en priorité, et non des demandeurs, et n'aura pas le pouvoir de sélectionner une demande aux fins de son traitement ni de rejeter une demande qui a été traitée et acceptée. Les décisions relatives à chaque demande incomberont toujours aux agents d'immigration de CIC.

Par ailleurs, les instructions ne viseront pas les réfugiés ni les personnes protégées, pas plus que les personnes qui présentent une demande pour des circonstances d'ordre humanitaire pendant un séjour au Canada, qui constituent près de 90 p. 100 de tous les demandeurs au titre de cette catégorie. Les instructions devront également respecter les engagements que le gouvernement du Canada a pris envers les provinces et territoires concernant le Programme des candidats des provinces et l'Accord Canada-Québec.

Enfin, certains se sont inquiété que ces modifications ne s'appliquent qu'aux demandes faites à compter du 27 février 2008. En fait, notre objectif est de mettre en place un système nous permettant de mieux répondre aux besoins de notre économie, tout faisant preuve d'impartialité à l'égard des personnes qui attendent déjà que leur demande soit traitée. C'est la raison pour laquelle les modifications s'appliqueront aux demandes présentées à partir du 27 février et que nous sélectionnerons également des demandes présentées avant cette date.

Nous ne pourrons cependant pas éliminer l'arriéré du jour au lendemain. Cela dépendra de nombre d'éléments dont les nombres de demandes qui seront retirées et de celles qui seront transmises aux provinces et aux territoires, et du nombre d'immigrants que nous accueillerons chaque année conformément au plan annuel en matière d'immigration.

J'espère, monsieur le président, que ces quelques observations répondent à quelques-unes des questions que le Comité pourrait avoir à ce sujet. Je suis maintenant prête à répondre à toutes vos questions.

Le président : Madame Lyon, vous avez indiqué que les frais de demande seront remboursés. Où cela est-il indiqué dans la législation?

Mme Lyon : C'est l'usage en vigueur en ce moment. Cela continue à s'appliquer. Je crois que c'est dans le Règlement que c'est indiqué.

Les Linklater, directeur général, Direction générale de l'Immigration, Citoyenneté et Immigration Canada : Lorsqu'une personne fait une demande et n'obtient pas de décision, qu'elle décide de retirer sa demande, l'usage est de lui renvoyer sa demande avec les frais qu'elle a acquittés.

Le président : Cela n'a rien à voir avec la législation.

M. Linklater : Non.

Le président : Dites-vous bien que cet usage va se poursuivre?

Mme Lyon : C'est exact.

Le président : J'imagine que quelques usages vont être maintenus, comme vous l'avez indiqué dans votre exposé.

Le sénateur Stratton : Je remercie les témoins d'avoir la patience de nous supporter alors que nous passons tout ceci en revue.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a montré qu'il y a d'importantes pénuries de main-d'œuvre dans toutes les provinces. J'ai entendu dire que, au Manitoba, ce sont environ 11 000 emplois qui ne sont pas comblés. Les données de la FCEI s'approchaient toutefois davantage de 17 000. En Ontario, ce chiffre serait d'environ 44 000. Ce sont là des chiffres énormes.

Si cela vous est possible, j'aimerais que vous nous expliquiez comment cette nouvelle législation va contribuer à aider les provinces. Donnez-nous, si vous le pouvez, un exemple relativement précis pour que nous n'ayons pas le sentiment de nous battre contre des croque-mitaines qui auraient des projets scélérats ou mal intentionnés.

Le fait de prendre un exemple nous aiderait beaucoup à bien comprendre. Si cela vous est possible, je vous en serais reconnaissant.

Mme Lyon : Je vous remercie de la question. Il est important de définir le contexte de ce genre de scénario. Il est manifeste que les économies de certaines provinces, et celle du Manitoba en particulier, sont relativement dynamiques en ce moment. Elles ont des taux de chômage très faibles, de l'ordre de 3 p. 100, et des taux d'activité très élevés, et sont donc confrontées à des besoins importants de main-d'œuvre qu'elles ne peuvent combler à même leurs propres territoires.

De plus en plus de provinces et d'employeurs, en particulier de ces régions en pleine croissance économique, veulent savoir dans quelle mesure l'immigration pourra les aider à faire face à ces besoins très urgents, aussi bien dans certaines régions que dans certains secteurs précis d'activités.

Nous avons un programme de travailleurs étrangers temporaires qui nous permet d'en faire venir pendant une période donnée. Nous constatons cependant que, du fait de cette croissance économique prolongée, les entreprises veulent en réalité être certaines de disposer, grâce à l'immigration, d'une main-d'œuvre permanente.

Comme je l'ai indiqué dans mes remarques préliminaires, actuellement, les gens de la catégorie des travailleurs compétents peuvent faire la queue jusqu'à six ans, ce qui n'aide pas les employeurs, l'économie canadienne, et n'aide certainement pas la personne qui patiente pendant aussi longtemps.

Les modifications proposées à la législation nous permettront de prendre un certain nombre de mesures. On peut citer parmi celles-ci des mesures administratives, que j'ai déjà évoquées, qui nous permettrons de coder les demandes en fonction des compétences et de l'expérience professionnelle de leurs auteurs. Nous saurons ainsi précisément de quel genre de personnes est composé l'arriéré. Nous ne disposons pas actuellement de toute cette information.

De plus, grâce aux instructions ministérielles qui seront rédigées au cours des semaines et des mois à venir, à la suite des consultations avec les employeurs, les syndicats, les provinces et divers autres intervenants, nous pourrons, si nous le voulons, désigner les métiers prioritaires. Nous serons alors en mesure de traiter beaucoup plus rapidement les dossiers au codage correspondant qu'actuellement. Cela permettra à ces gens de venir au Canada et de commencer à contribuer aussi rapidement que possible à l'économie canadienne.

Dans mes remarques préliminaires, j'ai évoqué les réalisations de certains pays qui nous font concurrence en la matière. Ils sont parvenus à réduire leurs délais de traitement entre six et 12 mois, ce qui est très rapide et qui nous met, par comparaison, en situation désavantageuse.

Nous voulons parvenir à traiter ces demandes prioritaires dans les mêmes délais, c'est-à-dire en moins de 12 mois. Les gens concernés pourront alors venir plus rapidement travailler au Canada, et contribuer à notre économie.

Le sénateur Stratton : Vous avez donc la liste actuelle de plus de 900 000 dossiers et vous serez en mesure d'identifier dans ceux-ci les diverses compétences des demandeurs. C'est une chose. Vous aurez ensuite la nouvelle liste qui sera composée des nouveaux demandeurs dont les compétences auront été indiquées.

Comment allez-vous marier les deux listes? Comment allez-vous procéder pour permettre de façon juste aux gens déjà inscrits et ayant des compétences d'avancer sur la liste, en plus de la nouvelle liste? Comment allez-vous regrouper les deux?

Mme Lyon : C'est une excellente question, à laquelle nous nous attaquons en ce moment. Nous dressons pour l'essentiel, grâce aux dispositions transitoires, la liste des candidats d'avant et d'après le 27 février.

Nous avons l'intention de traiter les deux groupes, si je peux les caractériser de cette façon. J'imagine qu'au début, pendant la période de transition, nous allons probablement consacrer passablement de ressources, soit une partie de ce montant de 109 millions de dollars dont j'ai parlé, à consolider une partie de notre capacité de traitement à l'étranger. Cela nous permettra de réduire l'arriéré qui est composé des demandes présentées avant le 27 février. Pendant ce temps, bien évidemment, des gens continuent à nous présenter des demandes parce que le Canada est un pays très attrayant. Lorsque nos instructions seront en place, nous devrons traiter simultanément ce second groupe de personnes.

J'envisagerais bien une répartition proportionnelle de nos ressources entre les groupes de personnes ayant présenté des demandes avant et après le 27 février. Notre objectif est de réduire la taille de l'arriéré, tout en veillant à traiter rapidement les demandes codées après le 27 février pour répondre à certains de ces besoins urgents du marché du travail.

Le président : À titre de précision, le sénateur Stratton a fait état d'un arriéré de 900 000 à un million de dossiers. Vous ne pouvez pas utiliser cette législation pour commencer à classer ce groupe en catégories, si je comprends bien, parce que cette loi et ces dispositions entrent en vigueur le 27 février. Est-ce exact?

Mme Lyon : Je suis ravie que vous souleviez ce point. Il y a eu passablement de confusion autour de cette date butoir. Permettez-moi d'essayer de l'expliquer.

Les demandes déposées avant le 27 février ne sont pas codées pour l'instant. Avec les investissements rendus possibles par le budget de 2008, nous allons faire un certain nombre de choses : tout d'abord, nous allons coder toutes les demandes de l'arriéré pour avoir une idée du type de personnes qui figurent sur cette liste et des compétences qu'elles ont. Nous serons alors en mesure de diriger certains de ces demandeurs vers les provinces, dans la mesure où leurs compétences correspondent aux besoins de celles-ci. Nous allons le faire dans le cadre de la législation.

En second lieu, nous serons en mesure de réduire l'arriéré en envoyant un nombre de lettres relativement limité aux personnes figurant dans cet arriéré pour qu'elles confirment à nouveau leur intérêt à venir au Canada? Un délai d'attente de six ans est très long et il se peut que certaines d'entre elles aient modifié leurs plans. Cela pourrait également réduire dans une certaine mesure l'arriéré.

Nous allons également accroître notre capacité de traitement en affectant davantage de ressources dans certaines missions à l'étranger qui traitent un volume élevé de demandes. Cela nous permettra probablement aussi de réduire l'arriéré. Nous envisageons de constituer des unités de traitement centralisées pour parvenir à améliorer l'efficience de nos moyens de traitement, ce qui devrait améliorer l'efficacité de tout le système tout en permettant de réduire, dans une certaine mesure, les délais de traitement. Il s'agit donc d'une combinaison d'investissements rendus possibles par le budget de 2008 et de mesures visant à améliorer notre capacité de traitement des dossiers, pour mettre fin à l'inflation de l'arriéré lorsque les instructions ministérielles seront mises en œuvre.

Le président : Avez-vous l'intention de demander aux personnes qui ont déjà présenté des demandes de le faire à nouveau pour disposer des catégories et des critères de tri que vous n'aviez pas auparavant?

Mme Lyon : Nous tenons à disposer d'un ensemble précis d'instructions dès que possible, dans les limites du raisonnable. C'est là notre responsabilité. Nous devrons consulter les provinces et les territoires, ainsi que les employeurs et les syndicats. Ces intervenants ont une meilleure connaissance du marché du travail et une meilleure perception de ses besoins que nous. Lorsque nous disposerons de cette information et que nous aurons suivi le processus nécessaire que j'ai évoqué, y compris leur étude par le Cabinet, les instructions seront publiées. Ensuite, les immigrants éventuels disposeront d'un ensemble clair et transparent de règles. Il leur incombera alors de déterminer s'il est dans leur intérêt de formuler une nouvelle demande ou de s'en tenir à la première. Cela dépendra très certainement de leur expérience professionnelle et de l'ensemble de leurs compétences.

[Français]

Le sénateur Biron : Les instructions seront publiées dans la Gazette du Canada. Si une instruction est considérée contraire à la Charte canadienne des droits et libertés et ne respecte pas les engagements humanitaires ou, si une personne considère qu'elle ne favorise pas une réunification de sa famille, de quelle façon cette personne ou une association pourrait-elle s'objecter à cette instruction? Y a-t-il un mécanisme d'appel?

[Traduction]

Mme Lyon : Les recours légaux disponibles dans ce type de cas ont soulevé la confusion. Concrètement, ils ne changeront pas. Les gens qui estiment que les instructions sont défaillantes, qu'elles ne s'appliquent pas à eux ou que leur cas n'est pas couvert par ces instructions, peuvent présenter une requête à la Cour fédérale pour qu'elle procède à une révision judiciaire. Une telle révision pourra porter sur la transparence, l'équité, l'application de la Charte, la justice naturelle et pour le fait d'outrepasser ses pouvoirs. Ces six catégories de révision par la Cour fédérale continueront à s'appliquer aux personnes qui estiment que les instructions ou le processus ne sont pas ce qu'il ou elle devrait être.

Le sénateur Tardif : Dans votre exposé, vous avez précisé que 109 millions de dollars sur cinq ans seront consacrés à l'atteinte des objectifs de la stratégie de mise en œuvre de la politique d'immigration. J'ai deux questions à ce sujet. Il est certain que 109 millions de dollars est une somme considérable mais, étant donné l'urgence dont vous avez fait état avec un arriéré de 900 000 immigrants éventuels, ce montant semble insuffisant. Vous permettra-t-il d'atteindre les buts et les objectifs définis dans le projet de loi? Pourquoi ne pas avoir décidé d'embaucher davantage d'agents d'immigration, qui pourraient accélérer le traitement de l'arriéré?

Mme Lyon : Nous aimerions toujours disposer de plus d'argent pour nous procurer des ressources additionnelles. Il est important de signaler que, même si nous doublions le budget actuel de CIC, il faudrait encore beaucoup de temps pour réduire l'arriéré. De la même façon, si ce n'était des modifications législatives proposées, nous ne pourrions corriger ce qui nous apparaît comme un défaut dans le système actuel qui nous contraint à traiter jusqu'au bout chacune des demandes. C'est là une question essentielle que nous devons aborder dans le contexte des modifications qui sont proposées ici à la législation.

Il n'est pas surprenant que nous recevions chaque année davantage de demandes de candidats à la résidence au Canada que nous ne pouvons en accueillir. Entre 240 000 et 265 000 immigrants arrivent chaque année au Canada, mais le nombre de demandes que nous recevons est nettement plus élevé. La question qui se pose est de savoir comment gérer aussi efficacement que possible le système tout en répondant aux besoins urgents du marché du travail.

Nous sommes d'avis que les modifications législatives proposées, en particulier la disposition qui élimine l'obligation de traiter chaque demande jusqu'au bout, sont essentielles pour parvenir à une telle efficacité. L'investissement rendu possible par le budget aidera au codage, au traitement centralisé, à une campagne limitée d'expédition de lettres et à l'acquisition de ressources additionnelles pour certaines des missions traitant les volumes les plus élevés. La solution nous paraît résider dans une combinaison d'investissements rendus possibles par le budget et de modifications proposées à la législation qui permettront de rendre le système plus efficace et plus moderne.

Le sénateur Tardif : Si les demandes sont analysées par catégorie et qu'une d'elle ne se retrouve pas dans la bonne, est-ce à dire qu'elle ne sera pas étudiée?

Mme Lyon : La ministre précisera dans les instructions le traitement réservé aux demandes qui n'entrent pas dans la catégorie des métiers prioritaires. Nous avons la possibilité de les conserver pendant un certain temps ou de les renvoyer au demandeur, en lui remboursant les frais qu'il a acquittés. Cela nous permettra d'empêcher l'arriéré de continuer à augmenter.

Le président : Afin que cela soit précisé au procès-verbal, l'élément auquel vous faites allusion se trouve à la partie VI du projet de loi qui veut modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. L'article 11 proposé traite d'un citoyen étranger demandant à entrer au Canada. Dans sa forme actuelle, la LIPR précise qu'un visa ou qu'un document doit être émis alors que le paragraphe 11(1) du projet de loi C-50 parle de possibilités. Même si le citoyen étranger a rempli tous les formulaires et a tout fait comme il se doit, le ministère et la ministre peuvent dire oui ou non indépendamment du contenu du formulaire.

Mme Lyon : Le formulaire va devoir être révisé en fonction des éléments précis mentionnés dans les instructions, qui définiront ce que nous croyons être les métiers prioritaires.

Le président : Nous parlons ici du remplacement de l'obligation par la possibilité.

Mme Lyon : C'est exact.

Le président : Le projet de loi propose que l'émission d'un visa se fasse sur une base discrétionnaire.

Mme Lyon : C'est exact.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce fut l'un des exposés les plus utiles à ce jour sur le projet de loi C-50 et je vous en remercie tous les deux.

Je vous invite à lire le paragraphe 4 de la page 3, qui concerne la Charte canadienne des droits et des libertés. J'ai été ravie de vous entendre dire « [...] qui empêche la discrimination fondée notamment sur [...] ». Cela m'incite à croire que vous réalisez tous que les catégories énumérées à l'article 15 de la Charte ne sont pas limitatives si on se fie aux décisions de la Cour suprême du Canada. Toutefois, l'une de celles qui sont absentes, bien qu'elle soit bien établie au Canada, est l'orientation sexuelle. Pourquoi n'en avez-vous pas fait mention dans votre exposé?

Mme Lyon : Il est bien certain que toutes les protections garanties par la Charte s'appliquent. Tous les fonctionnaires et l'ensemble de l'appareil fédéral sont tenus, en application de l'article 32 de la Charte, de respecter celle-ci dans l'exécution de toutes les activités gouvernementales, qu'elles soient menées au Canada ou à l'étranger. J'aurais pu énumérer l'ensemble des dispositions de la Charte dans mes remarques préliminaires, et il est bien certain que l'orientation sexuelle en fait partie.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce serait utile pour des Canadiens comme moi si la liste complète y figurait.

Le sénateur Ringuette : Toujours dans le même ordre d'idée, vous n'avez pas fait de distinction entre homme et femme dans votre présentation.

Le président : Le « sexe » est-il une notion suffisamment vaste pour englober la distinction entre homme et femme et l'orientation sexuelle?

Le sénateur Nancy Ruth : La distinction homme-femme n'y figure pas.

Le président : Chacun d'entre nous a sa propre acceptation du terme « sexe ». Peut-on considérer qu'il englobe les notions d'homme et de femme et d'orientation sexuelle? Il se peut que chacun des aspects que vous soulevez soit englobé dans le terme « sexe » au sens large.

Le sénateur Nancy Ruth : Peut-être pour elle, mais pas pour moi. Je trouve choquant pour moi, comme personne gaie, que cela ne figure pas dans les documents gouvernementaux. Inscrivez-le s'il vous plaît et les autres catégories qui manquent également, s'il vous plaît.

Dans votre document, vous affirmez que le Canada fait face à la concurrence étrangère pour obtenir les personnes qui veulent venir dans des pays de langue anglaise ou de langue française, en particulier de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie. Je fais l'hypothèse que si nous avons ces catégories, comme c'est le cas dans ces pays, nous aurons peut-être au bout d'un certain temps un taux de roulement de six mois, comme c'est le cas chez eux. Je soupçonne qu'il y a autre chose que cela. Pouvez-vous m'expliquer comment vous pensez que ce système va contribuer à résoudre ce problème?

J'ai quelques amis à Toronto qui gèrent des écoles d'anglais langue seconde et le temps qu'il faut à leurs étudiants pour obtenir des visas, par rapport au délai très court en Australie et en Nouvelle-Zélande, leur fait perdre beaucoup de clients. Y a-t-il là une forme de parallèle qui va se développer, à la fois en laissant les gens entrer au pays comme immigrants et en traitant les visas d'étudiant pour ceux qui en veulent?

Mme Lyon : La dimension concurrentielle nous préoccupe beaucoup. L'Australie, la Nouvelle-Zélande et un certain nombre d'autres pays ont réussi à intégrer ces sortes d'efficience dans leurs systèmes. Cela leur permet de traiter les demandes dans des délais de six à 12 mois. Notre objectif est de parvenir à des temps de traitement comparables grâce à cette combinaison d'investissements rendus possibles par le budget et de marges de manœuvre que nous permettra la législation dans sa nouvelle formulation.

Le sénateur Nancy Ruth : Aussi rapidement qu'en six mois? C'est très rapide.

Mme Lyon : C'est très rapide. La tâche qui nous attend est importante, étant donné l'arriéré. Nous nous distinguons dans le mauvais sens du terme comme étant l'un des seuls grands pays à accueillir des immigrants qui a un arriéré de cette taille, soit 925 000 dossiers à la fin de 2007.

Nous ne parviendrons pas de façon instantanée à traiter les dossiers dans un délai de six à 12 mois. Il nous faudra du temps pour réduire l'arriéré, faire baisser les chiffres, embaucher de nouveaux employés, les former et les envoyer travailler sur le terrain, leur laisser le temps de devenir opérationnels afin de réduire progressivement les délais de traitement. Nous savons fort bien que nous sommes confrontés là à un marché concurrentiel. C'est ce qui justifie ces changements et c'est ce qui explique les investissements rendus possibles par le budget.

Le sénateur Nancy Ruth : Dans votre plan d'activité, y a-t-il quelque chose qui précise que dans les deux ans à venir, nous allons former le personnel et traiter les demandes dans un délai de X mois ou d'années, et que, d'ici cinq ans, nous pourrons faire ceci ou cela? Avez-vous un plan de ce genre dont vous pourriez nous parler?

Mme Lyon : Nous commençons à élaborer ce document pour être prêt en temps voulu. Bien évidemment, le projet de loi n'est pas encore adopté et nous ne pouvons donc commencer à appliquer les modifications ou à dépenser l'argent tant que la nouvelle législation n'est pas en vigueur. Pour faire preuve de prudence, nous commençons à prévoir ce genre de choses dans nos plans d'activité.

Le sénateur Nancy Ruth : Que savez-vous de l'autre aspect du problème. Par exemple, des étudiants attendent de venir ici pour suivre une formation, mais finissent par aller dans d'autres pays parce que nous sommes si lents?

Mme Lyon : C'est là une conséquence d'un arriéré important et d'un délai de traitement trop long : nous perdons des gens intéressants.

M. Linklater : Nous nous efforçons de collaborer étroitement avec des établissements d'enseignement pour qu'ils nous fournissent l'information dont nous avons besoin pour traiter les dossiers d'étudiants aussi rapidement que possible. Nous savons que la plupart des étudiants essaient de venir en août pour être prêts à étudier en septembre, ou qu'ils viennent en décembre pour leur session débutant en janvier. Toutefois, si nous n'obtenons pas une lettre d'acceptation d'un établissement d'enseignement avant août et que l'étudiant a besoin de subir un examen médical, cela exerce des pressions sur notre système.

Nous faisons appel à l'AUCC, et à l'ACCC et à d'autres établissements. Nous avons des discussions régulières avec les établissements d'enseignement publics et privés et avec les provinces, étant donné les pouvoirs qu'elles ont en matière d'éducation, pour nous aider à mieux gérer ces questions de traitement. Nous étudions la possibilité de lettres d'acceptation normalisées, par exemple, et nous tentons de faire intervenir ces documents plus tôt dans le processus afin que les étudiants puissent s'adresser à nous le plus tôt possible pour obtenir leurs documents bien avant le début de leurs études ici, au Canada.

En même temps, étant donné notre part relativement faible du marché par rapport à d'autres pays comme l'Australie, qui accueillent deux fois plus d'étudiants étrangers que le Canada, nous allons de l'avant avec la catégorie d'expérience canadienne pour tenter d'attirer et de conserver des étudiants étrangers qui obtiendront un titre canadien. Ces étudiants maîtriseront probablement l'une de nos langues officielles, ou les deux, et pourront décider ensuite éventuellement de rester en permanence dans notre pays comme immigrants pour contribuer à notre économie.

Le sénateur Eggleton : Quels sont les autres pays faisant la même chose que nous? Ils doivent connaître les genres de problèmes que vous mentionnez, pour obtenir les lettres exigées des établissements d'enseignement.

Vous dites que la part de marché des étudiants étrangers de l'Australie est le double de la nôtre. Pourquoi l'Australie devrait-elle en obtenir le double? Pourquoi ne pouvons-nous pas atteindre ce niveau également?

M. Linklater : En Australie, l'éducation relève du pouvoir central alors qu'au Canada, avec tout le respect dû au partage constitutionnel des pouvoirs, c'est une responsabilité des provinces. L'Australie a pu adopter une approche de protection des consommateurs pour commercialiser l'éducation internationale auprès des étudiants. Ce pays s'est doté d'un régime de contrôle fédéral ainsi que d'une stratégie nationale de marketing qui permettent aux établissements australiens de coopérer à l'étranger pour mener des activités de promotion et de recrutement.

Dans le contexte canadien, les provinces et les établissements d'enseignement ont tendance à recruter essentiellement pour leurs propres fins. Il y a actuellement davantage de compétition entre les établissements canadiens d'enseignement que de collaboration. En collaborant avec le ministère des Affaires étrangères, c'est là un aspect que nous aimerions voir évoluer. Nous aimerions élaborer une seule marque de commerce du Canada pour commercialiser notre éducation à l'étranger.

Le sénateur Eggleton : Vous semblez savoir ce qu'il faut faire. Pouvez-vous monter un dossier complet sur la question et le soumettre au gouvernement pour qu'il l'étudie? Travaillez-vous à quelque chose de semblable?

M. Linklater : Nous travaillons avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, avec Industrie Canada et avec les provinces sur les questions de marketing et de marque de commerce, sous la direction du ministère des Affaires étrangères. Celui-ci disposait l'an dernier d'un budget pour combiner ces genres de stratégie et j'espère que, avec la participation des provinces, nous verrons une approche plus cohérente au cours des mois à venir.

Le sénateur Eggleton : Continuez à insister.

M. Linklater : Je vais essayer.

Mme Lyon : En ce qui concerne le budget de 2008, celui-ci fait état de fonds additionnels pour les étudiants étrangers, y compris l'apparition de formulaires de demandes d'inscription électroniques, qui se traduiront, je l'espère, par une plus grande efficacité du système. Le budget de 2008 en a fait mention, mais nous tiendrons compte de votre avis en la matière et nous continuerons à travailler sur ce sujet.

Le sénateur Eggleton : C'est à l'usage que nous pourrons en juger.

Le président : Ces fonds additionnels font-ils partie des 109 millions de dollars dont vous avez parlé?

Mme Lyon : Oui.

Le président : Il s'agit de 109 millions de dollars sur cinq ans, soit environ 21 ou 22 millions de dollars par année, pour préparer les formulaires de demande électroniques d'inscription des étudiants pour s'attaquer à un million de dossiers.

Combien de personnes vous attendez-vous à pouvoir embaucher avec cet argent? Comme l'a indiqué le sénateur Tardif, vous allez avoir beaucoup de travail. Avez-vous des fonds suffisants?

Mme Lyon : Nous allons devoir préciser au Conseil du Trésor, dans les présentations que nous lui adresserons, comment les 109 millions de dollars seront répartis entre les diverses activités que j'ai décrites. Envoyer des gens à l'étranger est une entreprise très coûteuse, si vous prenez en compte les coûts des infrastructures, l'application des Directives sur le service extérieur et les divers autres coûts. Nous en tiendrons certainement compte en faisant la répartition des fonds entre la campagne d'expédition de lettres, l'exercice de codage, le traitement centralisé et ensuite l'élément important.

Le président : Vous avez indiqué votre intention d'envoyer des équipes dans les bureaux ayant l'arriéré le plus important. Avez-vous calculé combien d'employés additionnels vous allez pouvoir embaucher avec ces fonds?

Mme Lyon : Nous n'en sommes qu'au début mais, comme je l'ai indiqué au sénateur, nous commençons à déterminer quelles sont les missions à l'étranger qui ont les volumes les plus importants de demandes. Nous nous efforçons de déterminer quel type d'équipes d'intervention nous pourrions utiliser sur une base temporaire ou dans le cadre d'affectations temporaires, par exemple, pour tenter de réduire l'arriéré dans certaines des missions qui reçoivent les nombres les plus élevés de demandes.

Le sénateur Ringuette : Tout d'abord, j'aimerais traiter de la question du financement. Vous avez dit que le ministère n'a pas de base de données centralisée. C'est surprenant parce que, au cours des 15 dernières années et même au-delà, le gouvernement du Canada a investi des milliards de dollars pour se doter de capacités techniques. Vous dites avoir un système très archaïque qui repose sur l'emplacement où la demande a été présentée. Vous ajoutez que les données ne sont pas centralisées pour déterminer qui présente des demandes et d'où celles-ci viennent. Vous n'êtes donc pas en mesure de faire ce type d'analyse. C'est bien ce que vous avez dit.

Mme Lyon : Je vais laisser mon collègue vous fournir un peu plus de détails sur le fonctionnement actuel de notre système et sur ce que nous pouvons en attendre.

Avec 90 points de réception des demandes et environ 1 400 personnes à l'étranger, notre travail se fait pour l'essentiel partout à travers le monde. Je ne dirai pas que le système est archaïque, mais plutôt que consacrer certains de ces investissements à sa modernisation aiderait.

Nous collaborons passablement avec nos collègues d'Australie et de Nouvelle-Zélande pour échanger des pratiques exemplaires. Il y a beaucoup de travail à faire au niveau international. En règle générale, nous avons un système qui est bon et sain. On relève toutefois dans celui-ci certains défauts ou certains éléments à corriger qu'il y aurait avantage à étudier, et certaines de ces modifications de type chirurgical à la législation vont nous aider dans ce domaine.

M. Linklater : Avec la technologie dont nous disposons, il est possible de parvenir à mieux savoir qui a déjà présenté une demande. Étant donné le volume des demandes que nous avons reçues par le passé, lorsque nous avons créé les dossiers, nous n'avons pas saisi toutes les données inscrites sur les formulaires. Nous nous sommes contentés d'enregistrer les données de base comme le nom, la date de naissance, le pays d'origine, et cetera, mais nous n'avons pas inscrit de façon systématique le code de profession pour les travailleurs compétents.

Comme ma collègue vous l'a indiqué dans ses remarques préliminaires, quand elle a fait référence au codage et à l'arriéré, nous utilisons maintenant une partie de ces fonds additionnels pour passer en revue ces dossiers et inscrire l'information sur la profession dans le système afin d'avoir une vision globale des personnes qui sont maintenant sur la liste d'attente.

Depuis le 27 février, les données de toutes les nouvelles demandes sont saisies dans le système, ce qui nous permettra, dans un délai d'un an à 18 mois, d'avoir codé complètement l'arriéré. Même avant cette échéance, alors que nous améliorons la qualité des données du système, nous serons en mesure d'avoir une vision d'ensemble et de transmettre les informations pertinentes aux provinces, comme vous l'a dit ma collègue.

Le sénateur Ringuette : C'est précisément le point que je soulève. Actuellement, vous n'êtes pas en mesure d'avoir cette vision d'ensemble. Vous ne pouvez donc procéder à une analyse des demandes dans le système, vous ne connaissez que les nombres.

M. Linklater : Nous pouvons extrapoler.

Le sénateur Ringuette : Le point important de ma question est que vous ne disposez pas de moyens centralisés d'analyse du contenu du système pour l'instant, parce que les données sont réparties à 90 endroits différents.

M. Linklater : Toutes ces données alimentent le système qui se trouve ici à Ottawa, et nous pouvons extrapoler l'information à partir de ce qui se trouve dans le système. La difficulté à laquelle nous sommes confrontés maintenant, avec le financement additionnel, est de terminer l'exercice de codage pour disposer d'une vision plus complète de ce qui se trouve dans ce système.

Le sénateur Ringuette : Le système de codage actuel tient-il compte également des compétences linguistiques?

M. Linklater : Les compétences linguistiques seront évaluées pendant le processus de sélection, qui se déroule en trois phases. Il y a tout d'abord la présentation de la demande, étape à laquelle nous notons la profession, enregistrons les données de base et ce genre de choses. Lorsque nous décidons que la personne a suffisamment de points pour être admissible comme immigrant, nous procédons à un examen plus détaillé de la demande, au cours de laquelle nous évaluons ses capacités linguistiques, sa formation professionnelle, son âge, et cetera, et lui attribuons d'autres points sur ces questions. C'est à cette étape que la personne est informée si nous la considérons comme admissible, en fonction de l'échelle de points. Si c'est le cas, nous passons à la troisième étape au cours de laquelle la personne en question doit passer un examen médical et nous procédons à la vérification de ces antécédents, et cetera.

Le sénateur Ringuette : Quelle partie des 21 millions de dollars par année allez-vous devoir utiliser pour mettre à niveau le volet technique du système actuel?

M. Linklater : Je ferai la distinction entre la mise à niveau du système et le codage de la base de données. Nous étudions actuellement les goulots d'étranglement du système, tentons de déterminer combien de personnes nous devrons envoyer à New Delhi ou à Londres, par exemple, ou dans les autres missions recevant un volume élevé de demandes. Cela suppose un travail important de saisie de données et c'est également pourquoi, à l'avenir, nous nous efforcerons de centraliser le travail au Canada pour libérer les ressources qui se trouvent dans les missions à l'étranger, pour qu'elles se consacrent davantage au traitement des demandes.

Les modifications et les améliorations essentielles de notre système interviendront avec le système global de gestion de dossiers, qui est en cours d'élaboration actuellement. C'est un grand projet de l'État, un des plus importants projets de TI entrepris par le gouvernement, qui nous permettra de suivre en continu le client. Alors que nous utilisons actuellement des systèmes différents pour divers volets du système d'immigration, nous disposerons avec ce nouveau système d'un suivi permanent du point de présentation de la demande jusqu'à l'acquisition de la citoyenneté. C'est un outil que nous n'avons pas actuellement.

Le sénateur Ringuette : C'est exact. Combien va-t-il coûter?

M. Linklater : Le SMGC? Je ne suis pas un spécialiste de ce domaine et je ne peux vous répondre.

Le sénateur Ringuette : Cela ne fait pas partie de vos fonds?

M. Linklater : Non. C'est un projet géré de façon distincte.

Le sénateur Ringuette : Le ministère du Travail avait l'habitude d'appliquer, et je dis bien avait l'habitude d'appliquer, une politique donnant la priorité aux Canadiens. Je me penche sur la réalité du Canada actuellement, avec des gens qui disent « Nous avons besoin de davantage de compétences ». Tout d'abord, nous n'avons pas d'inventaire des personnes compétentes dans les diverses provinces. Le Manitoba ignore combien de mineurs sont disponibles au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse. C'est une réalité.

Le président : La réponse est oui.

M. Linklater : Oui.

Le sénateur Ringuette : Oui, tout à fait. Dans vos discussions avec les provinces qui se plaignent de la pénurie de main-d'œuvre compétente, avez-vous discuté, avec les gens qui s'occupent du Programme du travail, de la possibilité d'accorder la priorité aux Canadiens.

Mme Lyon : Nous collaborons très étroitement avec RHDSC pour tout ce qui concerne le programme des travailleurs étrangers temporaires, car c'est à ce ministère qu'il incombe d'évaluer le marché du travail et ses besoins. C'est là un élément essentiel pour déterminer si nous pouvons faire venir quelqu'un sur une base temporaire pour faire certains types de travaux, et pour déterminer la disponibilité de la main-d'œuvre nécessaire dans la région géographique concernée.

Le travail que nous allons réaliser s'inscrira dans le processus des instructions, qui consistera à préciser au niveau national les ensembles de compétence et les groupes professionnels dont l'économie canadienne a le plus besoin, en tenant compte de certaines de ces disparités régionales.

Le sénateur Ringuette : Qui va faire cela pour vous?

Mme Lyon : J'imagine qu'ils seront nombreux à avoir des avis sur cette question. Il y a beaucoup de gens qui sont plus prêts du marché du travail et de ses réalités économiques que nous. Certains se trouvent à RHDSC. Les employeurs ont une bonne appréciation du bassin de travailleurs, de sa disponibilité et de la mesure dans laquelle il leur convient. Les syndicats ont également des opinions sur la question, tout comme la collectivité, les ONG, et les provinces et les territoires qui joueront tous un rôle déterminant dans ce processus. C'est pourquoi nous devons leur parler.

Le sénateur Ringuette : Je suis navré, mais c'étaient là les modalités en place au gouvernement du Canada pendant la dernière décennie. Cela n'a pas fonctionné. Les seuls résultats ont été ces conseils sectoriels qui ne cessent de prétendre que la pénurie de compétences au Canada est énorme. Il y a effectivement une pénurie de compétences, mais pas de cette ampleur. J'en suis navré.

Vous nous dites donc que vous allez conserver le processus actuel de consultation, et cela ne va pas résoudre le problème auquel sont maintenant confrontés le gouvernement du Canada et votre ministère, comme le ministère du Travail, soit d'ignorer dans quelle mesure la main-d'œuvre d'une province est disponible pour aller travailler dans une autre. Les données n'ont qu'une portée géographique limitée, cantonnée aux provinces, et cela n'est pas sain pour un pays.

Le sénateur Stratton : Avec votre permission, monsieur le président, j'ai signalé avant le début de la réunion que les provinces se réunissent pour tenter de résoudre le problème de la pénurie de main-d'œuvre. Elles se sont réunies la semaine dernière et je crois qu'elles vont poursuivre leurs discussions parce qu'elles ont reconnu qu'il y a un problème. Je ne crois pas que le gouvernement fédéral soit le seul responsable.

Le sénateur Ringuette : Je suis d'accord.

Le sénateur Stratton : Les provinces essaient d'obtenir cette information également.

Le président : Pouvez-vous nous confirmer que les provinces s'efforcent à contribuer à résoudre le problème qu'a soulevé le sénateur Ringuette?

Mme Lyon : Je crois que c'est au cours de la dernière semaine, ou peu de temps avant qu'une réunion fédérale- provinciale des sous-ministres de l'Immigration a eu lieu, qui nous a permis pour la première fois de discuter de façon un peu plus détaillée de certaines des dispositions du projet de loi C-50, et en particulier du mécanisme des instructions.

Nous avons expliqué aux provinces, comme au milieu des affaires et aux syndicats, que leurs avis et leurs opinions seraient essentiels à la réussite de cette entreprise. Nous devons inscrire ce processus dans le contexte.

Sénateur, je prends note de votre point concernant le bassin de connaissances. Toutefois, nous sommes confrontés à la réalité de 2012 qui s'approche et au fait que la totalité de la croissance de la main-d'œuvre devra venir de l'immigration. Nous allons devoir nous consacrer de façon absolument prioritaire à faire fonctionner ce processus.

Cela nous permettra de disposer des outils pour faire venir les gens de façon plus rapide, et il faudra pour cela préciser les catégories de travailleurs qui correspondent plus précisément aux besoins de notre marché du travail.

Nous abordons ce problème avec un peu plus optimisme que vous parce que la solution de remplacement serait de laisser ces gens languir sur une liste pendant six ans, sans être en mesure de les faire venir aussi rapidement que possible pour répondre aux exigences du marché du travail et nous assurer que l'économie continue à prospérer comme elle le doit.

Le sénateur Ringuette : Tout d'abord, nous ne disposons pas de base de données sur les compétences actuelles des Canadiens. Commençons par ce qui est bien réel. Penchons-nous d'abord sur notre propre base de données et ensuite, sur la nature de la pénurie dont nous pouvons tenir compte dans le processus.

Le sénateur Stratton : Monsieur le président, cela me pose quelques problèmes. C'est ainsi que, au Manitoba, la mine de nickel située à Thompson cherche partout au pays des mineurs et ne parvient pas à en trouver. Elle en cherche partout. Ce n'est pas comme si les entreprises n'en cherchaient pas. Elles le font.

Les entreprises de camionnage du sud du Manitoba ne peuvent pas trouver de camionneurs. Elles vont à l'étranger pour en trouver parce qu'elles n'y parviennent pas ici. Elles ont essayé au Nouveau-Brunswick, en Colombie- Britannique et en Alberta et dans les autres régions du pays. Elles ne peuvent en trouver. C'est pourquoi elles s'adressent ailleurs. Ce n'est pas la question qui nous intéresse ici.

Le sénateur Ringuette : Le problème est que, il y a plus d'une décennie, le gouvernement a cessé de s'occuper activement du marché canadien du travail pour aider les Canadiens à trouver du travail ou pour trouver des travailleurs au pays. Nous avons laissé tomber cet aspect du problème pour consacrer toutes nos énergies à l'immigration. À mes yeux, c'est une situation triste pour faire face à l'avenir.

Une autre question importante que nous n'avons pas encore résolue, en ce qui concerne les immigrants, est la reconnaissance de leurs qualifications. Nous avons actuellement au Canada des immigrants dont les qualifications ne sont pas reconnues, ce qui les empêche de les utiliser.

Je réalise fort bien qu'il y a un arriéré et que vous voulez vous en occuper, mais il me semble que les priorités ne sont pas toutes ce qu'elles devraient être. Le montant de 109 millions de dollars étalés sur cinq ans n'est pas énorme étant donné le mandat que vous voulez obtenir avec ce projet de loi. Les priorités retenues ne me semblent pas les bonnes en ce qui concerne le marché du travail.

Dans vos commentaires, vous avez indiqué que vous avez ciblé les métiers prioritaires. Comment allez-vous y parvenir si les qualifications ne sont pas reconnues au Canada? Il faut s'attaquer à de nombreuses lacunes avant de commencer à faire venir les gens ayant des compétences qui ne seront pas reconnues.

Je réalise fort bien que le besoin d'argent est inscrit dans le budget. Ce que je ne comprends pas est que le processus législatif de refonte du processus d'immigration se trouve dans ce projet de loi budgétaire. Ce n'est pas là qu'il aurait dû se trouver pour que nous puissions l'analyser comme il convient.

Mme Lyon : Tout d'abord, en ce qui concerne le bassin de main-d'œuvre au Canada, le sénateur nous a décrit la situation en tentant de déterminer précisément quelle est la main-d'œuvre disponible, et en voulant savoir si nous avons fait suffisamment appel au marché canadien avant de nous tourner vers les immigrants. J'aimerais faire quelques commentaires en ce qui concerne le travail que font nos employeurs et ce qu'ils nous disent.

Les employeurs investissent pour tenter de recruter à l'étranger. Ils vont à l'étranger chercher des gens ayant les ensembles de compétences dont ils ont besoin pour les faire venir ici travailler de façon temporaire, parce qu'ils ne parviennent pas à trouver ceux qui leur sont nécessaires sur le marché canadien du travail, que ce soit dans leur région ou au-delà. Il est certain qu'il serait beaucoup moins coûteux pour les entreprises de faire des recherches au pays. On peut faire l'hypothèse qu'ils ont commencé par cela et qu'ils sont arrivés à la conclusion qu'ils ne pourraient pas trouver la main-d'œuvre dont ils ont besoin au pays. Ils ont donc décidé d'aller chercher à l'étranger. Je ne pourrais dire s'il s'agit là d'une bonne ou d'une mauvaise décision d'affaires, mais c'est ce qu'ils font. Ils réalisent également des investissements pour s'assurer que les gens obtiennent la formation nécessaire. Cela entraîne des coûts pour eux. Je ne peux qu'imaginer qu'ils ont de bonnes raisons pour procéder de cette façon. Ils prennent des mesures pour s'assurer que les gens qu'ils font venir sont intégrés comme il convient à la main-d'œuvre. Ils sont, bien évidemment, soumis à la réglementation et aux normes des provinces en ce qui concerne le travail, la sécurité et la rémunération, et cetera.

Il est certain qu'ils viennent nous voir pour nous dire qu'ils ont des besoins et nous demander de faire venir ces gens plus rapidement. Ils nous expliquent ce que l'Australie, la Nouvelle-Zélande et d'autres pays sont en mesure de faire, et nous demandent de procéder avec la même célérité. C'est ce que nous dit le milieu des affaires et c'est de cette façon que nous cherchons à lui répondre.

Quant à votre commentaire sur la reconnaissance des formations obtenues à l'étranger, c'est une question très importante, mais qui ne relève pas de la responsabilité du gouvernement fédéral. Ce sont les gouvernements provinciaux qui ont les pouvoirs en la matière et qui, dans certains cas, l'ont cédé à des associations professionnelles. Ce que nous avons fait à l'occasion des budgets antérieurs a été de consacrer de l'argent à la mise sur pied d'un bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangers qui aide les immigrants éventuels à accéder aux services d'information dont ils ont besoin et qui leur permet de savoir à l'avance les procédures à suivre au pays. Ils peuvent ainsi entrer en relation avec les associations provinciales ou professionnelles et s'assurer qu'ils savent dans quelle situation ils se trouveront en arrivant au Canada pour être en mesure d'entamer les démarches qui conviennent.

Nous avons mis sur pied un projet pilote dans trois de nos missions à l'étranger afin que tout le travail en la matière soit fait avant que les gens n'arrivent au Canada. Nous avons 320 points de service au Canada pour fournir de l'information aux gens, leur dire où aller et le genre de processus qu'ils doivent suivre. Outre cela, un certain nombre de provinces commencent à adopter des lois pour tenter d'améliorer la situation dans ce domaine parce que, vous avez tout à fait raison, il serait inutile pour nous de désigner des métiers prioritaires, de faire venir des gens les pratiquant pour constater au bout du compte qu'ils ne peuvent pas travailler.

Cela doit être un élément de notre stratégie pour nous assurer que nous répondons effectivement aux besoins de cette main-d'œuvre. Nous tiendrons compte de cet aspect des choses dans nos discussions avec les provinces et avec les employeurs, comme avec les associations professionnelles qui se sont avérées très utiles dans ce domaine.

Le sénateur Eggleton : Pour revenir au contenu des dernières questions et à vos commentaires, beaucoup de gens sont venus s'installer à Toronto. Beaucoup d'immigrants dans notre pays viennent à Toronto et dans les grandes villes. Beaucoup de ces gens ne parviennent pas à obtenir des emplois dans leur métier, pour lequel ils ont suivi une formation à l'étranger, parce que leurs compétences ne sont pas reconnues, une fois encore c'est le problème des associations professionnelles, ou parce que les employeurs veulent des gens ayant une expérience du Canada. C'est ce qui fait que nous avons un niveau de revenu nettement inférieur à ce qu'il était autrefois pour de nombreux immigrants venant s'installer dans ma ville. Cela doit donc constituer un aspect essentiel de ce programme ou cela ne fonctionnera pas.

J'aimerais revenir sur certains renseignements que vous nous avez donnés, en particulier en commençant avec les caractéristiques du système actuel. Vous avez indiqué que le ministère doit traiter chaque demande d'immigration remplie jusqu'à ce qu'il parvienne à une décision et que le traitement de ces demandes se fait dans leur ordre d'arrivée.

Depuis combien de temps cela fonctionne-t-il comme cela?

M. Linklater : Il en est ainsi depuis l'adoption de la législation actuelle en 2002, mais c'était aussi le cas avec la loi précédente sur l'immigration. Avec l'entrée en vigueur du système à points, les dossiers ont été traités dans l'ordre de leur réception.

Le sénateur Eggleton : Alors pourquoi en sommes-nous encore au même point? Pourquoi demandez-vous ces pouvoirs additionnels? Qu'est-ce qui a changé? Y a-t-il davantage de demandeurs ou disposez-vous de moins de ressources pour traiter ces demandes? Est-ce une combinaison des deux ou quelque chose d'autres? Quelles sont les raisons? Après avoir travaillé sur le système pendant de nombreuses années, vous nous dites que vous faites maintenant face à une crise et que vous devez faire quelque chose.

Mme Lyon : Tout cela est essentiellement motivé par la croissance exponentielle de l'arriéré. Il y a un certain nombre de raisons qui expliquent que celui-ci ait explosé depuis 2002. Comme l'a rappelé mon collègue, à l'époque à laquelle la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés a été déposée et étudiée, on a enregistré une hausse du nombre de demandeurs qui a gonflé légèrement cet arriéré. En 2003, la note de passage a été modifiée et cela a encore eu pour effet d'accroître l'arriéré. Il faut également tenir compte de la réussite de certains des pays qui nous font concurrence, qui ont utilisé des filtres professionnels dans leurs systèmes, comparables à ce que nous voulons faire, et qui ont ainsi pu réduire les délais de traitement entre six et 12 mois.

Pourquoi cela a-t-il pris tant de temps?

Le sénateur Eggleton : Pourquoi s'agit-il soudain d'une crise?

Mme Lyon : En réalité, c'est une crise qui n'a cessé de se développer. Je ne pourrai pas vous parler des efforts faits auparavant pour s'attaquer à cette question.

Nous avons maintenant cette période de croissance économique sans précédent et elle a des répercussions sur la vitesse à laquelle nous pouvons faire venir des gens au pays. L'effet multiplicateur de la croissance de l'arriéré est tel que le délai de traitement s'allonge au point où il pourrait atteindre dix ans en 2012, avec 1,5 million de dossiers en attente de traitement. Cela paralyserait certainement le système, et c'est la raison pour laquelle nous voulons apporter ces changements.

Le sénateur Eggleton : Savez-vous combien de dossiers étaient en retard, il y a cinq ans?

M. Linklater : Nous avons ces chiffres. Je ne les ai pas ici, mais je peux certainement les faire parvenir au greffier.

Le sénateur Eggleton : Je ne sais pas si nous avons un diagramme montrant l'évolution de l'arriéré, mais j'aimerais bien en avoir un.

Permettez-moi maintenant d'en venir aux filtres opérationnels. Ils sont nécessaires pour permettre à certaines catégories de personnes de parvenir en tête de liste pour répondre aux besoins de main-d'œuvre de notre pays. Je me souviens des discussions antérieures sur ces questions, du besoin de divers types de travailleurs et des divers types d'ententes qui pourraient être conclues pour essayer de faciliter la venue de ces gens au pays.

Je suppose également que les provinces désignent les catégories dont elles ont besoin en fonction de la perception qu'elles ont de leurs besoins de main-d'œuvre.

Quelle différence y a-t-il avec le système actuellement en vigueur? La ministre n'a-t-elle pas certains pouvoirs concernant les professions? Pourquoi a-t-elle besoin de ces pouvoirs additionnels? Quelle est la différence?

Mme Lyon : Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne la capacité de la ministre dans certains cas de définir les priorités. On peut en donner comme exemple le Programme des candidats des provinces, le PCP. La catégorie de la famille est un autre exemple, pour lequel nous avons accordé une priorité de traitement pour les dossiers des conjoints et des enfants à charge. Toutefois, le pouvoir de la ministre de définir ces types de priorité a donné lieu à des litiges. Nos décisions en la matière ont été contestées 24 ou 25 fois.

Le sénateur Eggleton : Pouvez-vous nous en donner un exemple?

Mme Lyon : Je peux vous citer le cas Vaziri de 2006, qui a été entendu par la Cour fédérale, qui nous a donné raison. Je crois qu'il s'agissait dans ce cas du traitement d'une demande de la catégorie de la famille et de la définition des priorités en la matière. Si nous avons gagné notre cause dans ce cas, parce qu'il y avait une jurisprudence sur la clarté de la réglementation, il nous a paru utile, face à ce type de contestation et pour être plus clair, d'accorder à la ministre ce pouvoir précis dans la loi pour qu'il ne puisse plus être contesté.

Le sénateur Eggleton : La note de passage pourrait-elle être relevée pour s'attaquer à cette question de l'arriéré et des préférences à accorder à des catégories professionnelles?

Mme Lyon : La note de passage a été modifiée à plusieurs fois. Comme je l'ai indiqué, des ajustements y ont été apportés en 2003.

Maintenant, du fait de certaines questions soulevées par le codage dont nous parlons, nous voulons nous assurer que nous attirons tous les ensembles de compétences dont nous semblons avoir besoin actuellement dans l'économie canadienne. À plus long terme et en appliquant un modèle de capital humain, nous voulons nous assurer que nous ferons également venir des gens hautement scolarisés. Il y a manifestement un besoin criant de travailleurs à compétences faibles ou intermédiaires dans l'économie. Le fait de relever la note de passage reviendrait à les exclure.

Le sénateur Eggleton : Oui, à moins que vous ne modifiiez les critères d'attribution de points. Je comprends que, pour des catégories comme les travailleurs de la construction, la note de passage ne serait pas facile à obtenir.

En ce qui concerne les activités à l'étranger, j'ai lu récemment un rapport qui dit qu'il y a un arriéré énorme dans certains pays, que ce soit à Hong Kong ou dans d'autres pays asiatiques, où se trouvent, à ce que je crois savoir, la plupart des demandeurs, et la situation s'explique donc. Toutefois, si vous êtes aux États-Unis ou en Europe, vous avez plus de chances parce qu'il y a là des gens pour traiter votre demande.

Pourquoi ces ressources ne sont-elles pas réaffectées là où sont les besoins et là où se trouve le plus grand nombre de demandeurs?

Mme Lyon : Nous le faisons à l'occasion pour tenter de soulager les pressions. Il nous arrive d'envoyer des équipes d'intervention qui vont aider une mission donnée.

Le délai de traitement varie d'une mission à l'autre en fonction de la demande, du type de demandeurs que vous recevez et du temps qu'il faut pour mener à bien toute une série de modalités comme les vérifications de sécurité, les examens médicaux, et cetera. C'est un processus qui peut prendre beaucoup de temps, mais il est certain que l'essentiel de nos ressources affectées au traitement se trouve dans les endroits où le volume est le plus élevé. Nous essayons de leur apporter de l'aide de temps en temps.

Le sénateur Eggleton : Cela fait des années que j'entends parler de ces équipes d'intervention, et cetera. Que faites- vous différemment? Pourquoi devrais-je vous croire maintenant?

M. Linklater : Au cours des dernières années, nous avons transféré de façon permanente des ressources de certains bureaux, en particulier au nouveau bureau de Chandigarh, en Inde, ainsi qu'à celui de New Delhi. Comme les citoyens des pays de l'Europe de l'Est sont maintenant dispensés d'obtenir des visas pour venir ici, nous allons transférer des dossiers aux missions qui se trouvent dans ces pays en attendant de les fermer. Les ressources qui s'y trouvent seront affectées à d'autres domaines dans lesquels il y a des besoins.

Je crois que c'est en mars que la ministre a annoncé l'ajout de cinq postes de décideur à notre bureau de Manille pour tenir compte de l'augmentation de l'arriéré à cet endroit et de la nécessité de porter notre attention sur ces points importants de notre système.

Le sénateur Eggleton : J'espère que c'est ce qui va arriver. En ce qui concerne cette date du 27 février, vous avez précisé dans vos remarques préliminaires que ce nouveau système de traitement, les 109 millions de dollars en ressources dont vous avez besoin pour traiter l'arriéré, va être utilisé pour traiter les demandes reçues non seulement après le 27 février mais également avant.

Pouvez-vous me donner un ordre de grandeur des ressources qui seront consacrées aux demandes déposées avant le 27 février. N'est-ce pas là que se trouve l'essentiel de l'arriéré alors que la vaste majorité des ressources seront consacrées aux demandes reçues après le 27 février? Pouvez-vous me donner des indications de la façon dont les choses vont se dérouler?

Mme Lyon : Il y aura bien évidemment une période de transition alors que nous allons nous attaquer à cet arriéré. Nous prévoyons, dès le départ, de consacrer la vaste majorité des ressources à la période précédant le 27 février.

Quant à la répartition exacte en pourcentage, je ne peux vous donner de chiffres exacts pour l'instant, mais nous savons fort bien qu'il y a des gens qui attendent depuis longtemps, et nous voulons réduire ce nombre aussi rapidement que possible.

Le sénateur Eggleton : Je crois que nous voulons tous constater une amélioration de l'efficience administrative et j'espère que vous y parviendrez au ministère. Toutefois, je crois que beaucoup de gens s'inquiètent des pouvoirs additionnels accordés à la ministre, qu'ils soient réellement nécessaires ou non. Dans ce domaine, s'ils sont accordés, quels seront les mécanismes de surveillance? Les fonctionnaires ont certainement tenté de préciser ces mécanismes et je crois que nous devons continuer à surveiller la situation pour nous assurer que nous accordons uniquement les pouvoirs législatifs nécessaires et qu'il y a bien une surveillance du Parlement.

Le président : Vous avez tout à fait raison. Ce serait bien si nous pouvions étudier l'ensemble de la législation, mais notre mandat est ici de nous consacrer uniquement à ce bref amendement pour l'instant.

Madame Lyon, vous avez évoqué quelque chose d'important qui se produira en 2012. Pourriez-vous nous rafraîchir la mémoire?

Mme Lyon : Nous prévoyons que, en 2012, étant donné les caractéristiques démographiques du Canada, sa main- d'œuvre vieillissante, les départs en retraite, le faible taux de naissance, et cetera, la totalité de la croissance du marché du travail sera alimentée par l'immigration.

Le sénateur Di Nino : Je remercie les témoins de comparaître devant nous. Je crois que tous deux avez donné des réponses éloquentes.

En ce qui concerne les modalités d'examen de chaque demande, je crois comprendre qu'elles s'appliquent aux personnes qui pourraient avoir décidé de ne pas maintenir leur demande. En réalité, les chiffres pourraient même faire état de demandeurs décédés. Est-ce exact?

Mme Lyon : Si une personne est décédée, il n'est pas nécessaire de pousser le processus aussi loin, mais vous devez obtenir la confirmation que cette personne est bien décédée. C'est l'une des lacunes du système actuel, qui vous oblige à suivre le processus du début à la fin.

Nous allons utiliser une partie de l'argent pour écrire aux gens afin qu'ils nous confirment à nouveau leur désir de venir au Canada. Vous avez tout à fait raison, cela nécessite beaucoup de travail.

Le sénateur Di Nino : Expliquez-nous maintenant ce qu'il en est de ces instructions ministérielles. Que signifie-t-elle réellement?

Mme Lyon : Les instructions ministérielles vont définir les métiers prioritaires pour lesquels la demande est importante dans l'économie canadienne. Ces instructions peuvent préciser dans quelle mesure il faut leur accorder la priorité. Elles pourront fixer les nombres en chiffres absolus pour les diverses catégories. Elles pourront également définir les modalités d'application, préciser comment traiter les demandes, en indiquant par exemple, pendant combien de temps le gouvernement doit conserver un dossier et s'il doit ou non être renvoyé au demandeur, avec les frais acquittés par celui-ci. Les instructions définiront, pour des raisons de transparence, les règles du jeu afin que les immigrants éventuels sachent à quoi s'attendre.

Le sénateur Di Nino : Y a-t-il une disposition imposant à la ministre, avant d'émettre des instructions, de consulter largement les provinces, l'industrie et les autres intervenants, quels qu'ils soient? J'aimerais obtenir des précisions à ce sujet.

Mme Lyon : En vérité, nous allons nous y attaquer avec la ministre au cours des semaines à venir, en faisant l'hypothèse que cette législation soit adoptée, pour essayer de recueillir les opinions de ces personnes quant aux catégories prioritaires à retenir. Comme nous l'avons indiqué précédemment, il y a des gens qui ont une bien meilleure connaissance du marché du travail que nous et ils sont mieux placés pour nous conseiller sur ces priorités. Nous allons lancer ce processus de consultation, en faisant l'hypothèse que la législation est adoptée et commencer à recueillir les points de vue de toute une gamme d'intervenants. Vous avez cité les provinces, les territoires, les syndicats et le milieu des affaires.

Le sénateur Di Nino : C'est là au moins un début pour commencer à s'attaquer aux questions évoquées par le sénateur Ringuette en ce qui concerne la main-d'œuvre, plus précisément le problème de la reconnaissance des qualifications professionnelles. Si je comprends bien, cela fait partie de ce processus. Afin que nous parvenions à mieux comprendre les préoccupations du sénateur Ringuette, pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Mme Lyon : Nous allons en partie nous efforcer de répondre à la demande de la main-d'œuvre. Pour cela, nous devons nous assurer que nous avons bien identifié les métiers prioritaires, que les personnes appartenant à ces catégories sont réellement en mesure de travailler dans leur domaine quand elles arrivent au Canada. En ce qui concerne la reconnaissance professionnelle, elle ne relève pas de nos pouvoirs. C'est une question qui concerne les provinces ou qui leur a été transférée. Elle va faire partie de nos discussions avec les provinces et avec les employeurs pour nous assurer que le système fonctionne et qu'il n'aboutit pas à des situations inefficientes.

Le sénateur Di Nino : C'est donc le début d'un processus pour tenter de résoudre certains de ces problèmes.

Mme Lyon : C'est exact. En ce qui concerne le Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangers, comme ce problème est là depuis un certain temps, de l'argent y a été consacré et des activités sont mises sur pied. La ministre Finley en a parlé il y a peu, à Calgary, lors d'une conférence qui était consacrée à ce sujet. Toutes les parties concernées reconnaissent de plus en plus qu'il est de notre intérêt collectif, comme pays, de résoudre cette question indépendamment du partage officiel des pouvoirs en la matière. Passablement de travail, d'argent et d'efforts de collaboration y ont été consacrés pour tenter de parvenir à l'approche fonctionnant le mieux.

Le sénateur Di Nino : Je crois savoir que les instructions ministérielles ne toucheront pas les réfugiés. Les demandes à titre humanitaire et de compassion sont faites au Canada. C'est bien exact?

Mme Lyon : C'est exact. Les demandes de statut de réfugié sont précisément exclues de ces dispositions. Il en va de même pour les demandes à titre humanitaire et de compassion. Ces dernières représentent environ 90 p. 100 de toutes les demandes que nous recevons. Nous avons des obligations internationales concernant les demandes formulées par des réfugiés et à titre humanitaire et de compassion. Les gens qui se trouvent au Canada ont tendance à s'y être installés, à avoir des enfants qui vont à l'école, et il y a donc des bases raisonnables pour estimer que leurs demandes sont justifiées.

Le sénateur Di Nino : Il y a un autre domaine que j'aimerais aborder. Il s'agit d'une question qui m'a perturbée lorsque nous avons entendu les témoignages. Certains témoins ont indiqué que ces amendements à la législation sont justifiés dans une certaine mesure par des motifs et un parti pris à connotation raciale. Au moins trois personnes l'ont indiqué lors de notre réunion du 28 mai. Certains ont même insinué que nous cherchons de la main-d'œuvre à bon marché pour l'industrie. J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.

Mme Lyon : Je suis ravie d'avoir l'occasion de faire figurer au procès-verbal que nous nous inspirons de la Charte des droits et des libertés et que nous tenons à la respecter en assumant nos responsabilités dans le cadre de cette législation. C'est le cas maintenant. Nous y sommes tenus par la Charte et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés rappelle, à l'article 3, que nous devons respecter la Charte en assumant nos responsabilités, que ce soit au Canada ou à l'étranger. C'est une obligation que nous prenons très au sérieux.

Le sénateur Di Nino : Cela dit, avec ou sans la Charte, notre pays a une réputation incroyable à travers le monde. Nous entendons les responsables des Nations Unies nous parler du respect que les gens ont pour le Canada.

Ces commentaires m'ont perturbé et j'ai fait inscrire mes objections au procès-verbal. En fait, même si cette législation n'avait pas été là, nous avons l'habitude de respecter intégralement toutes les questions concernant les discriminations, le racisme, et cetera.

Un autre sujet abordé lors de cette discussion générale a été évoqué par un témoin qui nous a donné une copie d'un document affiché sur le site web de son cabinet d'avocats et provenant, à ce qu'il disait, d'un agent de l'immigration du Canada. Ce document faisait état de commentaires affreusement racistes, qui déteignaient certainement sur tous les agents d'immigration œuvrant dans notre système. J'ai ici une copie de cet exposé. Cela me paraît abominable, et il me paraît irresponsable d'avoir fait ce genre d'accusation. Nous avons là, pour l'essentiel, un agent d'immigration du Canada qui déblatérait en affirmant que notre système est géré par un ensemble de lunatiques. Il ne l'a pas dit de cette façon. Il dit qu'il s'agit d'un exemple, mais il laissait entendre que ce n'était pas un cas unique. Un système est-il en place pour nous assurer de nous débarrasser des pommes blettes? Quel est ce système et comment fonctionne-t-il?

Mme Lyon : Oui, il y a bien évidemment un système qui veille à la responsabilisation et qui est destiné à nous assurer que nous répondons et agissons conformément à notre mandat, à la Charte et à nos obligations de fonctionnaires.

Je ne connais pas le cas particulier que vous évoquez, mais il y a certainement des sanctions et des recours face à de telles affirmations, qui permettent éventuellement d'imposer des pénalités, pouvant aller jusqu'à la suspension ou même le renvoi.

Le sénateur Di Nino : Ce type d'accusation devrait-il faire l'objet d'une enquête? Si vous n'êtes pas au courant de ce cas particulier, nous pouvons vous dire ce que nous en savons. Allez-vous vouloir faire enquête sur ce cas?

Mme Lyon : Oui, tout à fait. Je m'excuse, mais je ne connais pas ce cas particulier.

Le sénateur Di Nino : Il s'agit d'un témoignage public. Le document nous a été lu comme un témoignage. Je crois que nous devrions vous le remettre et vous pourriez peut-être l'étudier et faire rapport au comité.

Mme Lyon : Oui, je serais ravie de le faire.

Le président : Oui, nous pourrions obtenir un rapport sur cette question.

Mme Lyon : Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie d'avoir porté ce point à notre attention. Je me souviens de ce témoignage la semaine dernière.

Il y a quelques points que j'aimerais préciser. L'un d'entre eux découle d'un commentaire formulé plus tôt par le sénateur Ringuette. Vous devez avoir pensé, à l'occasion, à la nécessité de modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, en constatant la croissance de l'arriéré et la demande de critères de sélection de nature professionnelle. Pendant combien de temps avez-vous préparé cette modification de la politique?

Mme Lyon : C'est bien évidemment un domaine que nous avons étudié lorsque l'arriéré a commencé à augmenter de façon importante, alors que nous avons observé que nous nous trouvions dans une période de croissance économique soutenue, avec ces demandes de main-d'œuvre qui rendent les problèmes encore plus criants.

Le ministère a travaillé sur cette question. Elle a été relevée comme un problème dans notre rapport annuel qui a été déposé au Parlement. Le dernier rapport annuel faisait état d'un problème important imputable au fait que, jusqu'à maintenant, il y avait un système qui devait traiter les demandes provenant de divers flux d'immigrants. Si l'arriéré constitue une catégorie de problèmes à lui seul, touchant la catégorie des travailleurs étrangers compétents, il nuit à notre capacité d'ensemble à appliquer un système souple et efficient. C'est un problème qui nous préoccupe depuis un certain temps, alors que nous observions la croissance de cet arriéré.

Le président : Vous avez indiqué plus tôt avoir observé, en 2003, une augmentation importante du nombre de demandes et de l'arriéré, qui n'a cessé d'augmenter depuis.

Mme Lyon : C'est exact.

Le président : Ce qui nous préoccupe, comme parlementaires, est que nous voyons là des modifications importantes à la politique qui méritent qu'on les analyse soigneusement et qui ne constituent que la sixième partie de 10 d'un projet de loi d'exécution du budget. Nous ne comprenons pas pourquoi ces modifications se trouvent là et non pas dans un texte distinct. Est-ce là une décision politique sur laquelle vous êtes en mesure de faire des commentaires, ou vous ne vous y sentez pas autorisés?

Mme Lyon : Il est certain que le choix du moment de la présentation de cette législation et de la forme qui lui est donnée est pris par nos dirigeants politiques. J'aimerais toutefois faire quelques commentaires.

Comme nous en avons discuté ce matin, il s'agit pour l'essentiel de répondre aux besoins du marché canadien pour veiller à ce que notre économie soit aussi efficiente et concurrentielle que possible. Cela cadre très étroitement avec Avantage Canada, avec toute la plateforme de l'économie canadienne et s'intègre donc bien au processus budgétaire.

J'ai évoqué plus tôt ce qui s'est passé en 2002 lorsque nous avons présenté pour la première fois la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Pendant que ce projet de loi était à l'étude, on a enregistré une hausse marquée du nombre de demandes avant même l'entrée en vigueur du texte. La façon dont le gouvernement a procédé va empêcher que cela se répète.

Le président : Ce projet de loi propose deux modifications fondamentales touchant l'immigration et la protection des réfugiés. La première est le pouvoir discrétionnaire accordé à la ministre et le fait que le ministère pourra au lieu de devra accorder le statut d'immigrant reçu à la personne lorsqu'elle aura respecté toutes les conditions figurant sur les formulaires. Nous avons traité de cette question et, lorsque le texte aura été adopté, la ministre disposera de ces pouvoirs discrétionnaires.

La deuxième modification concerne le processus. Nous connaissons très bien la réglementation. Nous avons mis en place des contrôles et assuré l'équilibre pour que la réglementation soit bien adaptée à la loi. Nous avons le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation auquel siègent des représentants du Sénat et de la Chambre des communes pour examiner la réglementation. Les règles imposées par la Loi sur les textes réglementaires imposent de publier la réglementation à l'avance dans la Gazette du Canada pour permettre aux provinces, aux entreprises ou à toute personne ou groupe touché de les analyser. Viennent ensuite les modifications et enfin la réglementation finale. Nous connaissons bien le processus.

Toutefois, le processus retenu ici n'est pas celui utilisé couramment pour la réglementation. La ministre « peut donner des instructions » que tout le monde doit suivre au sein du ministère. C'est ce qu'on lit dans l'un des articles de ce projet de loi. Cela me paraît un peu étrange. Le texte dit ensuite que les instructions doivent être publiées dans la Gazette du Canada. Cela pourrait toutefois se faire après le fait. Rien n'impose de consulter les provinces avant de donner les instructions.

Y a-t-il un précédent à cette façon de procéder, et pourquoi avoir choisi ces modalités au lieu du processus réglementaire que tout le monde connaît.

Mme Lyon : C'est une bonne question.

Le recours aux instructions est un outil administratif couramment utilisé à l'occasion pour mettre en œuvre des décisions de politique. Il est prévu dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, et il a été utilisé assez fréquemment. C'est ainsi qu'on y a recours pour les permis de résidence temporaire. Il y a de nombreux précédents à ce type d'utilisation.

Le président : Toutes touchent-elles aux questions d'immigration?

Mme Lyon : C'est exact, je ne parle que de ce qui a trait à l'immigration.

Le président : Savez-vous si ce processus d'émissions d'instruction est utilisé pour d'autres types de législation?

Mme Lyon : Je n'ai pas connaissance qu'il soit utilisé dans d'autres ministères.

Je peux vous dire brièvement ce qui se fait dans d'autres pays. Ils ont adapté un processus similaire permettant l'identification des métiers prioritaires, non pas au niveau ministériel mais à un niveau équivalent au mien, soit celui de sous-ministre adjoint. Nous avons en réalité attribué cette responsabilité à la ministre.

Le président : Vous réalisez certainement très bien que ce n'est pas tant ce qui se passe dans d'autres pays que la façon dont les choses se déroulent ici pour protéger le public qui nous intéresse.

Mme Lyon : Je comprends.

Le président : Pour assurer cette protection, nous avons le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation et cela ne s'applique pas maintenant. Ces instructions ne sont pas soumises à l'ensemble des parapluies que nous avons mis en place pour assurer une protection.

Mme Lyon : Le processus des instructions offre l'avantage d'être rapide et souple et c'est ce que nous voulions pour le système d'immigration.

Quant à mentionner précisément des modalités de consultation, la ministre a publié le 8 avril certains principes qui nous guideront dans la façon de préparer ces instructions. Dans ces principes, elle répète son engagement à respecter pleinement la Charte des droits et libertés.

Le président : Elle y est obligée de toute façon. C'est là une lettre qui nous dit « Faites-moi confiance. » Beaucoup de gens nous demandent de leur faire confiance de nos jours. C'est là une façon de contourner toutes les vérifications objectives et les moyens d'assurer un équilibre que nous avons intégré au système parlementaire et qui sont en place depuis longtemps.

Mme Lyon : Je ne peux que vous dire que ce processus d'instructions n'est pas unique et qu'il n'est pas nouveau. Il a été utilisé par le passé pour apporter des modifications à la politique et pour donner des instructions aux agents d'immigration afin qu'ils puissent réagir rapidement.

Nous avons ajouté ces caractéristiques additionnelles pour disposer d'un processus normalisé d'instructions. Nous l'avons complété en précisant que la ministre devra obtenir l'approbation du Cabinet avant d'émettre ses instructions.

Le président : Cela ne figure pas dans le texte.

Mme Lyon : Non, mais il est entendu qu'elle procédera de cette façon.

Le président : Une fois encore, cela veut dire « Faites-moi confiance. »

Mme Lyon : Elle s'est également engagée à consulter et à publier les instructions dans la Gazette du Canada.

Il est inscrit dans la législation qu'elle s'est engagée à veiller à ce que nous continuions à respecter les objectifs de la LIPR, qui sont de trois ordres : garantir la compétitivité économique du Canada, aider à la réunification des familles et continuer à assurer la protection de ceux qui en ont besoin. Un cadre est en place qui instaure une série de vérifications et d'équilibres à respecter lorsque la ministre exerce ses pouvoirs d'émettre des instructions ministérielles.

Le président : Je tente ici, madame Lyon, de traduire les préoccupations du public. Vous nous dites de ne pas nous inquiéter parce qu'un cadre a été mis sur pied. Je vous dis que ce cadre n'est pas dans la législation. Voici le cadre que nous avons, c'est ce qui sera fait.

Ne pensez-vous pas que le public serait beaucoup plus rassuré si le cadre dont vous parlez était publié dans la Gazette du Canada et faisait état de consultations, et cetera, si tout cela se trouvait dans la législation plutôt que dans une lettre et d'avoir à se satisfaire d'une ministre qui nous dit « Ne vous inquiétez pas; je vais m'occuper de tout ceci ».

Mme Lyon : Les modalités que nous mettons en place comportent un processus complet de consultations avec les provinces. Nous nous réunissons régulièrement avec elles. Nous les avons rencontrées il y a une semaine, ce qui nous a permis d'avoir de bonnes discussions sur les objectifs du projet de loi C-50 et sur les instructions. Nous avons organisé une série de séances explicatives avec certains des intervenants, certains employeurs et certains ONG pour leur expliquer une grande partie de ce que nous faisons avec vous aujourd'hui.

Le président : Je comprends. C'est une bonne chose que vous le fassiez.

Mme Lyon : Nous voulons qu'ils sachent quelles sont les modalités. Ils ont l'expérience de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et connaissent bien le processus des instructions. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place cette série d'exercices pour qu'ils soient prêts.

Le président : Je suis content de vous avoir posé la question pour vous donner l'occasion d'expliquer les modalités au grand public. Peut-être que ceux qui étaient préoccupés seront ainsi plus à l'aise pour reconnaître que cela ne doit pas nécessairement figurer dans la législation. Ils devraient faire confiance au ministère.

Ce que vous faites est bien. Une étape avant cela, ce serait bien si on expliquait à ces gens ce qui doit être fait et que les pouvoirs discrétionnaires ne sont pas nécessaires. Cela pourrait soulager le malaise qu'on observe actuellement dans le grand public à ce sujet.

Le sénateur Ringuette : Vous est-il possible de nous fournir les données sur les 10 dernières années concernant les immigrants relevant des divers programmes, le nombre de permis de résidence temporaire ou de travail et le nombre de travailleurs saisonniers? En disposant de cette information, nous aurions une idée de ce qu'était la situation.

Il semble que vous vouliez appliquer au système d'immigration permanent les mêmes exigences de base que pour les travailleurs temporaires. C'est ainsi que vous dites que le processus des instructions offre l'avantage d'être rapide et souple. Ce sont précisément là les caractéristiques que nous voulons voir dans un régime d'immigration.

Est-ce dans ce sens que vous voulez aller, soit essayer d'adopter pour le processus d'immigration des modalités comparables à celles appliquées au programme des travailleurs saisonniers?

Mme Lyon : Nous sommes d'avis que le système d'immigration, indépendamment du fait qu'il s'applique aux résidents permanents ou aux travailleurs étrangers temporaires, doit être rapide et efficace. La demande est plus impérative pour les travailleurs temporaires et, de par sa nature, elle est temporaire. Elle anticipe des besoins plus courts sur une période plus courte. En conséquence, les exigences sont différentes de celles imposées pour la résidence permanente, qui sont plus rigoureuses. Cela n'est pas touché par les modifications législatives dont nous parlons.

Le sénateur Ringuette : Dans quelle mesure allez-vous consulter les provinces et les syndicats nationaux?

Mme Lyon : Nous avons une bonne expérience grâce à un exercice annuel de consultation des intervenants quand nous fixons les niveaux annuels d'immigration. Ceux-ci sont publiés tous les ans au mois de novembre. Nous pensons utiliser probablement un modèle comparable quand nous traiterons avec les provinces, les territoires, les employeurs et les syndicats. Nous n'avons pas encore défini avec précision le « où » ni le « quand » du plan, mais nous nous attendons à suivre le même type de processus que celui que nous utilisons pour la fixation des niveaux d'immigration.

Le sénateur Ringuette : Il y a deux autres sujets qui me préoccupent. Le premier est de savoir dans quelle mesure la législation va avoir des effets sur les ententes que nous avons conclues avec chacune des provinces, par exemple avec des provinces comme le Nouveau-Brunswick qui accorde une plus grande attention, à juste titre, aux possibilités d'accueillir des investisseurs dans le cadre du programme d'immigration. Vous n'en avez pas fait état dans vos discussions ni dans les priorités dont vous avez parlé aujourd'hui. Les intérêts des provinces vont évoluer pour celles qui cherchent une main-d'œuvre compétente.

J'ai une autre préoccupation importante. Au cours des dernières années, j'ai suivi attentivement l'évolution de la situation du travail dans la fonction publique, mais également dans le secteur privé. J'ai vu fréquemment des employeurs afficher sur leur site Web des offres d'emploi pour une période d'une semaine. Ils s'adressent ensuite à Ressources humaines et Développement social Canada en prétendant ne pas pouvoir trouver des Canadiens ayant les compétences voulues. Ils demandent alors au ministère de signer un certificat attestant qu'ils n'ont pas pu trouver les personnes dont ils avaient besoin. Ils se tournent ensuite vers vous et vous disent, « Je veux un visa pour des travailleurs temporaires parce que je ne peux trouver aucun Canadien pour combler ces emplois. » C'est ce qui me préoccupe le plus. C'est un simulacre que l'on observe maintenant sur tous les marchés, dans de nombreux secteurs d'activité et dans de nombreux métiers pour faire venir des étrangers, une main-d'œuvre à bon marché.

Mme Lyon : En ce qui concerne le Programme des candidats des provinces, le PCP, et les ententes que nous avons conclues avec de nombreuses provinces, j'aurais dû signaler que les principes ont été définis dans le communiqué de presse de la ministre en date du 8 avril. La ministre a alors précisé clairement quels seront les principes présidant à la préparation des instructions. Nous veillerons à ce que toute instruction soit parfaitement conforme à toutes les ententes que nous avons conclues dans le cadre du Programme des candidats des provinces. C'est une obligation claire. Nous accordons maintenant un traitement prioritaire au dossier relevant du Programme des candidats des provinces et ces changements législatifs n'apporteront aucune modification dans ce domaine.

Quant aux opinions concernant le marché du travail, je vais demander à mes collègues d'y répondre.

M. Linklater : RHDSC, en application de la réglementation de la LIPR, est tenu d'utiliser des critères rigoureux d'évaluation du marché du travail avant d'émettre une opinion sur celui-ci. Le ministère doit tenir compte de six éléments dont la disponibilité de citoyens canadiens ou de résidents permanents pour faire le travail, la rémunération qui prévaut, le fait que l'arrivée d'un travailleur étranger temporaire causerait des perturbations ou aurait des effets sur un conflit de travail afin que les employeurs ne puissent utiliser cette solution pour venir à bout d'un conflit ou négocier avec leurs travailleurs syndiqués, et cetera.

RHDSC impose des exigences de publicité rigoureuse aux employeurs. Dans certains cas, en particulier en Alberta et en Colombie-Britannique, dans le cadre d'un processus accéléré, les employeurs sont tenus non seulement d'afficher leurs emplois sur leur propre site Web mais également sur la Banque nationale d'emplois, gérée par RHDSC. Dans ces provinces, étant donné leur faible niveau structurel de chômage, on reconnaît généralement que la disponibilité de la main-d'œuvre est faible. Toutefois, dans d'autres provinces, dans lesquelles on a estimé que les employeurs devraient faire des efforts additionnels pour recruter, les emplois doivent être affichés pendant trois semaines avant de pouvoir demander à RHDSC d'émettre une opinion sur le marché du travail.

À ce que nous voyons des tendances et de la croissance du programme des travailleurs étrangers temporaires, celui-ci a été utilisé essentiellement au cours des dernières années en Alberta et en Colombie-Britannique, deux provinces qui ont des taux structurels de chômage faibles.

Le sénateur Ringuette : Avec la priorité accordée aux travailleurs compétents dans cette législation, en ce qui concerne ces ministères, il y a un autre ministère qui est intimement concerné par cette question et c'est RHDSC. J'aimerais savoir s'il serait possible que des fonctionnaires de ce ministère viennent nous expliquer ce qu'ils font en ce qui concerne la politique privilégiant les Canadiens qui était en vigueur pendant longtemps. A-t-elle été abandonnée?

J'aimerais connaître le montant des fonds additionnels que nous consacrerons à la formation des gens. Il leur incombe de coordonner tout cela. Je veux savoir ce qu'il advient des titres professionnels.

Nous en avons parlé, mais il n'y a pas eu d'améliorations tangibles. Il y a des questions sur ces sujets auxquels le public et nous aimerions obtenir des réponses pour nous faire une opinion.

Je vous remercie bien évidemment des réponses professionnelles que vous avez données à mes questions. Ces préoccupations qui ne vous concernent pas, remontent à quelques années. Je n'observe aucun progrès en la matière et c'est ce qui m'inquiète.

Alors que nous n'avons pas fait d'efforts pour progresser dans ce domaine, nous fonçons en avant pour augmenter rapidement et avec souplesse le nombre d'immigrants compétents alors que nous avons encore des Canadiens compétents qui perdent leurs emplois. Hier, 1 000 travailleurs du secteur de l'automobile ont appris qu'ils allaient perdre leur emploi. Qu'allons-nous faire pour eux? Ce sont des Canadiens. Quel type de formation allons-nous leur offrir? Auront-ils la priorité pour suivre une formation et pourront-ils accéder à ces emplois?

Le sénateur Di Nino : Vous pouvez peut-être faite une enquête au Sénat et je répondrai à la question.

Le président : Je vais devoir mettre fin à cette réunion.

Nous pouvons voir comment les modifications à une loi d'exécution du budget traitant de nombreux textes de loi, et les amendements à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés en particulier, soulèvent beaucoup d'autres questions. Cela nous amène également à nous demander comment nous voudrions étudier la situation d'ensemble. Nous pourrons en décider plus tard au cours de la session.

Toutefois, aujourd'hui, en ce qui concerne le projet de loi C-50 et les amendements proposés à cette loi, nous vous remercions infiniment, Mme Lyon et M. Linklater, d'avoir pris le temps de nous expliquer les effets de cette législation et de nous fournir quantité d'informations. Cela fut très utile.

La séance est levée.


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