Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 14 - Témoignages du 3 juin 2008 - Séance de l'après-midi


OTTAWA, le mardi 3 juin 2008

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui a été saisi de la teneur du projet de loi C-50, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 26 février 2008 et édictant des dispositions visant à maintenir le plan financier établi dans ce budget, se réunit aujourd'hui à 14 h 40 pour se pencher sur la teneur du projet de loi.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur la teneur du projet de loi C-50. Nous sommes heureux d'accueillir cet après-midi M. Robert Blakely, directeur du Département des métiers de la construction (F.A.T.—C.O.I.). Chacun des membres du comité aura reçu un exemplaire d'une publication qui invitera peut-être à poser d'autres questions, à la suite de la déclaration liminaire de M. Blakely.

Robert Blakely, directeur, Département des métiers de la construction (F.A.T.—C.O.I.) : Merci de l'invitation. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Christopher Smillie, analyste des politiques (relations gouvernementales). Nous apprécions l'occasion de pouvoir venir traiter du projet de loi C-50 moyennant un court préavis. Le projet de loi C-50, qui est un projet de loi d'exécution du budget, ne porte pas uniquement sur les affaires relevant du budget. Le législateur cherche à y adopter non seulement des modifications corrélatives de certaines lois pour mettre le budget en œuvre. Mais, dans certains cas, il s'attache à d'importants textes de loi. Je pourrais affirmer que c'est une tentative furtive de sa part, étant donné que les gens sont si nombreux à ne pas savoir ce qui se passe. Cependant, les modifications du projet de loi touchant l'assurance-emploi et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés sont importantes du point de vue de notre industrie.

Je représente l'industrie de la construction, une des plus grandes qui soient au pays. L'industrie de la construction compte environ 1,6 million de travailleurs. C'est la première industrie en importance au Canada, ou encore la deuxième, suivant la façon que vous décidez de comptabiliser la chose. C'est une industrie qui compte pour 14 p. 100 du produit intérieur brut du Canada et qui représente 8 p. 100 de l'ensemble des emplois directs. Une personne sur 16 travaille dans l'industrie de la construction.

L'industrie de la construction est présente dans chaque province, dans chaque territoire, dans chaque ville et village au Canada où les gens ont besoin de faire construire quelque chose. Nous mettons la main à tout, de la simple bécosse à la ferme de M. Séguin aux installations de Syncrude Canada Ltd., où des centaines de millions d'heures-personnes et des dizaines de milliards de dollars sont consacrés à la construction.

Les enjeux évoqués dans le projet de loi C-50 ont une incidence sur nos membres. Notre industrie a besoin d'un grand nombre de gens qualifiés; or, les gens que nous représentons — les tuyauteurs, les plombiers, les monteurs de chaudière, les électriciens et les monteurs de structure en fer, sont ultra-qualifiés. Ils font un travail de durée limitée. Ils n'ont pas un lieu de travail où se rendre régulièrement. Ils vont là où quelqu'un veut faire construire quelque chose.

Il n'existe que deux façons de donner aux gens les compétences qu'il nous faut au sein de notre industrie. D'abord, il y a la formation directe, qui est financée pour la plus grande part par le gouvernement fédéral; ensuite, il y a l'immigration. À nos yeux, le projet de loi C-50 fait voir la relation qui existe entre l'immigration, l'assurance-emploi, la formation, la mobilité et l'organisme de réglementation des valeurs mobilières.

La formation qui est dispensée au sein de notre industrie passe par le système d'apprentissage du Canada, qui est son rival et qui comble une partie essentielle de nos besoins. Depuis quelques jours, le Conseil sectoriel de la construction parle du fait que l'industrie va créer environ 250 000 emplois au cours des cinq prochaines années. C'est encore plus si on tient compte du nombre de retraites qu'il y aura pendant la période, étant donné que la moyenne d'âge dans notre industrie est autour de 50 ans.

Lentement mais sûrement, les membres de la génération de l'après-guerre, sur lesquels nous comptons pour combler nos besoins en construction depuis 30 ans, quitteront la scène. Nous n'avons déjà pas assez de personnel pour construire tout ce que nous essayons de construire en ce moment même. L'industrie a toujours accueilli des immigrants — par l'immigration permanente et par la venue de travailleurs étrangers temporaires.

La partie VI du projet de loi C-50 soulève plusieurs préoccupations. Dans certains cas, il serait peut-être plus facile de débattre d'aspects particuliers de la chose. Les questions générales sont trop grandes ou trop difficiles à appréhender. Cependant, en concevant ce que doit être l'immigration au Canada, il faut concevoir un système prévisible qui est adapté aux besoins et qui se prête à une action rapide et contrôlable.

Sauf le respect que je vous dois, je dirais que les dispositions du projet de loi C-50 semblent presque tenir à un caprice. C'est une façon de concentrer le pouvoir législatif entre les mains du ministre, ce qui représente un élément d'importance et, j'avancerais, une source de danger. On ne saurait obtenir une série de résultats prévisibles à l'avenir là où les priorités du gouvernement du Canada sont appelées à changer périodiquement.

Notre industrie investit énormément dans l'immigration. Un investissement important y est fait pour faire venir des travailleurs au pays, que ce soit de façon permanente ou à temps partiel. Le système ne doit pas changer périodiquement. Il ne faut pas permettre que ce soit le gouvernement qui décide qui seront les heureux élus qui viendront au Canada.

Pour qu'on ne m'accuse pas de souffler le chaud et le froid en rapport avec ces questions-là, je dirai qu'il y a plusieurs éléments du projet de loi que nous appuyons. Si vous jetez un coup d'œil au paragraphe 87.3(3) qui est proposé, vous verrez que, clairement, cela permet de créer plusieurs catégories de personnes aux fins de l'immigration. Un des comités — je ne sais pas très bien si c'est votre comité à vous ou le comité de la Chambre des communes — a recueilli récemment le témoignage de responsables gouvernementaux au sujet de la catégorie de l'expérience canadienne. Il s'agit d'une façon de permettre aux travailleurs de demander d'être résidents permanents du Canada dans la mesure où ils sont déjà venus au Canada pour y travailler pendant quelques années, qu'ils y ont acquis des titres de compétence canadiens et qu'ils possèdent une connaissance fonctionnelle du français ou de l'anglais. C'est une sorte de programme de candidats des provinces qui est pris en charge par le gouvernement fédéral. Nous appuyons ce programme-là. C'est un programme qui nous paraît logique. Malheureusement, il contourne le système de points.

Les voies régulières de l'immigration sont fermées à la personne qui a terminé ses études secondaires, puis est devenue apprenti-artisan dans un ou plusieurs métiers, qui possède de l'expérience et qui souhaite venir au Canada. Son évaluation n'atteint pas « 16 » à la grille employée pour jauger les compétences et les études. Si elle a fait une maîtrise en poésie métaphysique de John Donne, en passant de justesse, elle peut venir au Canada et conduire un taxi à Toronto. Le plombier, le soudeur, le monteur de chaudière — les gens qu'il nous faut pour aider à bâtir notre pays — ne peuvent venir. Les programmes de candidats des provinces de la catégorie de l'expérience canadienne permettent d'appliquer quelques solutions de rechange au système, mais ce n'est pas un système qui valorise les métiers spécialisés. À notre avis, il faudrait discuter plus généralement de la question de l'immigration au pays.

Jusqu'à un certain point, la concentration du pouvoir entre les mains du ministre a pour effet de limiter l'impact que peuvent avoir la Chambre des communes et le Sénat sur les politiques d'immigration. Elle diminue la capacité d'agir du Parlement. S'il faut trouver un juste équilibre entre la réunion des familles et la venue de gens de métier au pays, nous aimerions avoir notre mot à dire dans le débat. Nous sommes d'avis que la tâche revient à nos élus et non pas au seul ministre. Tout pouvoir discrétionnaire reposant uniquement entre les mains du ministre est difficile à concevoir. À ce moment-là, nous serons en peine de comprendre ce que représentent exactement les priorités du ministre à un moment donné. Pour ce qui est de la vision évoquée de l'immigration, plus rien n'est prévisible.

J'ai parlé des travailleurs étrangers temporaires. Notre industrie ne saurait survivre au cours des quelques prochaines années si elle ne peut compter sur un nombre important de gens de métier qualifiés qui viennent ici combler les pénuries. Relativement à la question des travailleurs étrangers temporaires, il faut un système de freins et de contrepoids qui fera respecter les règles touchant le traitement des travailleurs en question et qui établira leurs droits, qui déterminera quels sont leurs droits. C'est un système d'une importance incroyable, et nulle part il n'y a de débat ni d'examen global à ce sujet.

Dans une industrie transitoire comme celle de la construction, les travailleurs étrangers temporaires peuvent représenter une solution à court terme, mais le véritable remède passe par la formation et l'immigration. La formation et l'immigration sont sources de vitalité pour l'industrie de la construction, qui compte 1,6 million de travailleurs.

À propos de la formation, le gouvernement du Canada a réaffirmé dans ce budget son appui au programme de subventions à l'industrie et à l'apprentissage. Nous sommes d'accord sur ce point. Cela représente une décision positive. C'est une façon d'aider les apprentis au cours des deux premières années de leur parcours et d'encourager les employeurs à accueillir des gens au cours de leurs deux premières années de métier au moyen d'un paiement en espèces.

Si vous jetez un coup d'œil au document que j'ai distribué, aux pages 9 et 10, vous verrez des statistiques qui montrent qu'un grand nombre de personnes s'engagent dans les métiers, mais que le taux de réussite plafonne. Il faut pour nous que les gens s'engagent dans une telle formation, mais ils doivent la réussir et obtenir le statut de compagnon. C'est exactement cela un compagnon : quelqu'un qui est mobile et est apte à entreprendre un travail n'importe où au pays. Nous aimerions que les autorités donnent de l'expansion au programme de subventions à l'industrie pour l'apprentissage. Cela coûterait environ 100 millions de dollars supplémentaires, mais ce sera un bon investissement pour le Canada.

Quant aux inscriptions et au soutien des apprentis, le forum canadien sur l'apprentissage est à l'origine d'une étude selon laquelle ce sont 20 p. 100 des employeurs au pays qui forment 80 p. 100 des apprentis. Le gouvernement du Canada emploie des milliers de gens de métier, mais ne compte des apprentis que dans les chantiers navals de Sa Majesté sur la côte Ouest et la côte Est. Des milliers de gens de métier, mais nous ne formons là ni apprentis ni compagnons. La question de l'immigration ne représente pas une solution véritable ni durable.

La partie 7 porte sur l'assurance-emploi. Une assurance, c'est un contrat qui prévoit une indemnité à verser dans le cas où survient un incident particulier. Si vous versez des cotisations, c'est que vous croyiez que vous pourriez vous retrouver un jour au chômage et, si cette situation-là se produisait, vous auriez droit à l'indemnité.

En principe, la dissociation de la caisse de l'assurance-emploi et du trésor général ne nous pose aucune difficulté, mais il y a deux grands thèmes qui reviennent en ce qui concerne l'assurance-emploi : les prestations d'assurance- emploi régulières et les prestations de formation découlant de la partie II. C'est à dire le soutien de l'apprentissage, l'acquisition de places de formation dans les provinces et la subvention à l'industrie pour l'apprentissage. Quoi qu'il advienne de la mise en œuvre du projet de loi C-50, nous voulons être certains que les sommes d'argent prévues pour la formation à la partie II ne disparaissent pas. C'est un élément qui est absolument vital non seulement du point de vue de notre industrie, mais aussi de plusieurs autres industries.

Je ne vais pas vous ennuyer en vous demandant où sont passés les 52 milliards de dollars. Quiconque est doté d'intelligence sait que l'argent n'y est plus; l'argent a été dépensé. Il faut être réaliste et reconnaître ce fait. Il y a deux questions à voir en rapport avec l'assurance-emploi : d'abord, le soutien prévu à la partie II existera-t-il encore? Ensuite, le gouvernement du Canada appuiera-t-il l'assurance-emploi au moment où la récession nous frappera enfin? L'actuaire en chef de la commission, la vérificatrice générale du Canada et l'actuaire en chef affirment qu'il faut avoir en réserve 10 à 15 milliards de dollars pour survivre à une bonne récession. Deux milliards de dollars ne suffisent pas. Quelques modifications simples apportées aux dispositions législatives applicables nous satisferaient.

L'article 131 du projet de loi C-50, qui modifie l'article 80 de la Loi sur l'assurance-emploi, a un caractère discrétionnaire. Il y est dit que le ministre « peut autoriser » une avance au compte d'assurance-emploi. S'il était dit directement que le ministre « autorise » la chose, nous serions satisfaits, indubitablement. La gouvernance de l'assurance-emploi est transférée à une commission composée de sept personnes provenant des industries de l'assurance ou des finances.

Ce sont les travailleurs et les entreprises qui cotisent. Si vous cotisez, vous devriez avoir votre mot à dire sur ce qu'il advient de la chose.

La question ne figure pas dans le budget, mais elle importe aux yeux de notre industrie : la mobilité de la main- d'œuvre. Il y a à Fort McMurray des travailleurs de la construction qui viennent du Nouveau-Brunswick. Ces gens-là gardent leur maison au Nouveau-Brunswick — ils envoient leur salaire à la maison. C'est la même chose pour Terre- Neuve et la Colombie-Britannique. La même situation se présente en Ontario, où il y a des Torontois qui vont travailler à la centrale nucléaire dans la péninsule Bruce. Ils obtiennent peut-être de l'argent de leur employeur pour se tirer d'affaire, mais, essentiellement, ils subventionnent leur emploi en ayant deux domiciles.

S'ils étaient voyageurs de commerce, ils pourraient déduire la dépense. S'ils étaient ingénieurs, ils pourraient déduire la dépense. S'ils se constituent en société, sous le nom « Chez René Plomberie et tuyauterie à vapeur », ils pourraient déduire la dépense, mais, à titre de travailleur, ils n'y ont pas droit. Le traitement fiscal des Canadiens qui sont contraints de se déplacer au pays devrait être le même pour tous. Le conducteur de camion a droit à la déduction depuis le plus récent budget, mais nos travailleurs, eux, n'y ont pas droit.

Si cela vous intéresse, je peux vous fournir des études qui montrent que cela rapporte au gouvernement du Canada. Ce n'est pas un truc où il perd de l'argent.

Le dernier point que je veux faire valoir porte sur l'idée d'un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières. Ce sont les marchés financiers qui assurent la bonne marche des projets de construction. Comme il y a 14 organismes de réglementation des valeurs mobilières au pays, il est difficile de faire décoller les projets de construction et encore plus difficile d'élaborer des politiques. Nous sommes d'accord avec l'idée d'un seul et unique système pour le Canada. Nous sommes d'accord aussi avec l'idée d'un seul et unique organisme de réglementation de l'ensemble des régimes de retraite, plutôt que les 15 régimes de retraite qui existent actuellement au Canada. Nous sommes d'accord avec cette partie-là du budget.

Je serai heureux de répondre à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.

Le président : À propos de votre dernier point, c'est notre première discussion sur la question de la réglementation des valeurs mobilières. Où avez-vous trouvé cela?

M. Blakely : Je crois que c'est la partie 8.

Le président : Ce projet de loi comporte un si grand nombre de parties, comme vous l'avez fait remarquer, qu'il devient difficile de s'y retrouver.

M. Blakely : Il suffit de dire que nous aimerions qu'il y ait un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières.

Le sénateur Di Nino : Je suis d'accord avec vous.

Le président : Ce serait là un débat intéressant, un débat que nous n'avons pas encore eu, mais je crois que nous avons suffisamment de choses dont il faut débattre maintenant.

M. Blakely : Je comprends.

Le président : Vous avez parlé de travailleurs du Nouveau-Brunswick qui sont à l'œuvre dans l'Ouest, et la première personne parmi nous qui va poser des questions, ce sera le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

M. Blakely : La plupart d'entre eux vont retourner chez eux. Irving va aller de l'avant avec le projet de plaque tournante de l'énergie pour Saint John. Le projet de Point Lepreau va aller de l'avant. Si je me fie aux gens des métiers de la construction au Nouveau-Brunswick, on a maintenant de la difficulté à trouver des travailleurs là aussi.

Le sénateur Ringuette : C'est parce qu'ils sont tous en Alberta. La situation est la même à Terre-Neuve. En 2004, j'ai présenté au premier ministre un rapport dissident. Ma 14e recommandation prévoyait la déduction aux fins de l'impôt des frais de déplacement des travailleurs. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites à propos de la discrimination qui est faite à l'égard de divers travailleurs au Canada. Cela n'est pas juste.

J'ai toute une série de questions à vous poser; certaines qui vont vous faire plaisir, d'autres, non.

M. Blakely : Il faut que je m'attende à cela.

Le sénateur Ringuette : Ma première question porte sur les programmes d'apprentissage et l'ouverture de divers syndicats aux apprentis. Je ne sais pas ce qu'il en est dans l'ensemble du pays, mais on m'a dit des choses semblables d'un endroit à l'autre, si j'excepte les cas de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. On m'a dit que, à moins d'avoir un ami ou un membre de la famille qui a des contacts, il est pratiquement impossible d'obtenir une place pour apprenti dans un syndicat. Est-ce vrai?

M. Blakely : Oui, c'est vrai. Mon travail consiste en partie à dire aux gens de tout le pays qu'il nous faut des travailleurs, que le moment est venu pour nous d'accueillir les gens. Il nous faut des apprentis dans une proportion de 20 p. 100 sur chacun des chantiers qu'il y a au Canada, ne serait-ce que pour compenser le départ à la retraite des membres de la génération de l'après-guerre d'ici quelques années.

Le sénateur Ringuette : Pourquoi les syndicats du pays n'adhèrent-ils pas à ce principe-là et ne donnent-ils pas à ceux qui le veulent l'occasion de faire un apprentissage?

M. Blakely : Au Nouveau-Brunswick, la section 213 du syndicat des plombiers et tuyauteurs en a pris près d'une centaine pour le projet de « King of Cats » à Saint John. Tout le monde en a eu pour deux ans. Une fois ce travail-là terminé, il n'y avait rien d'autre, et les travailleurs n'ont jamais eu l'occasion de terminer leur apprentissage.

Il n'y avait pas de travail constant à ce moment-là. L'offre de travail est constante maintenant, et nous devons accueillir des apprentis, et je vais faire de mon mieux pour m'assurer que cela se fait.

Le sénateur Ringuette : Je sais que, dans la région d'Ottawa, tous les ateliers de tous les métiers sont fermés, ce qui est horrible.

M. Blakely : Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Ringuette : D'une part, il y a des Canadiens qui sont fin prêts à recevoir une formation et à travailler dans un métier, mais ils ne peuvent le faire. D'autre part, ce matin, le ministère de l'Immigration nous affirme que la seule façon de recruter des gens qualifiés, c'est de passer par l'immigration. Or, il y a des Canadiens qui sont aptes à faire ce travail-là.

M. Blakely : Je suis d'accord. Nous avons de jeunes Canadiens qui sont sans travail ou sous-employés et qui devraient être en train de faire ce travail-là. Ce sont de bons emplois, de bonnes carrières, et le salaire est bon. Tout de même, il nous faut aussi l'immigration.

Le sénateur Ringuette : L'immigration ne me dérange pas. Je suis d'accord pour dire qu'il nous en faut une certaine part, mais, avant de nous attacher à la question des immigrants, nous devrions nous attacher aux problèmes qui touchent les Canadiens.

M. Blakely : Je suis d'accord avec vous, et il nous faut remédier à la situation.

Le sénateur Ringuette : Ne pouvez-vous pas parler aux gens au syndicat?

M. Blakely : Je le fais tout le temps, et c'est là un de mes sujets préférés. Je dis : « Plus de cercle privé. Nous ne pouvons plus faire cela. Il nous faut attirer des gens. »

Avec l'augmentation de l'emploi, comme c'est le cas au Nouveau-Brunswick, les gens seront nombreux à entrer dans les métiers, et ce ne sera pas que des cousins et des frères.

Le sénateur Ringuette : Je comprends parfaitement la situation du syndicat, et votre syndicat à vous est un syndicat d'affaires. Plus ses membres sont nombreux, plus il a d'argent et ainsi de suite. Vous devez comprendre que, dans la mesure où des gens de métier immigrants viennent au pays, ce n'est pas forcément pour aller chez un sous-traitant syndiqué. Pour vous, le mieux, c'est de recruter le plus grand nombre de gens de métier que vous pouvez.

M. Blakely : Vous pourriez rédiger mes discours : j'emploie des arguments semblables.

Le président : Le sénateur Stratton du Manitoba veut poser une question supplémentaire à propos de cette question- là.

Le sénateur Ringuette : Nous ne sommes pas d'accord sur ce point. Vous n'y étiez pas au moment où il s'est dit d'accord avec moi, sénateur Stratton.

Le sénateur Stratton : Je connaissais sa position, car il y a une pénurie énorme de main-d'œuvre qualifiée, dans les métiers de la construction en particulier. On n'arrive pas à trouver de poseurs de placoplâtre ni d'autres praticiens d'autres métiers spécialisés, et nous avons besoin de l'immigration.

Je suis aussi d'accord avec le sénateur Ringuette en ce qui concerne la formation.

Par exemple, à Thompson, au Manitoba, les responsables de la mine d'Inco n'arrivent pas à trouver des mineurs qualifiés; ils doivent aller les chercher à l'étranger. L'industrie du camionnage dans le Sud du Manitoba doit aller chercher des gens à l'étranger. Elle n'arrive pas à trouver des camionneurs. Je crois que vous reconnaissez ce fait.

Ce que l'on fait chez Inco, par l'entremise de Diversification de l'économie de l'Ouest, c'est d'élaborer un programme de formation pour les jeunes autochtones, pour que ceux-ci apprennent à travailler dans la mine, en tant que mineurs, et qu'ils continuent d'habiter dans la région. Je crois que nous pourrions faire pression en faveur d'une mesure de ce genre, surtout dans le cas des jeunes Autochtones. Cela me paraît revêtir une importance capitale.

Voyez-vous d'autres occasions où nous pourrions recommander de former les jeunes, particulièrement dans les régions rurales et éloignées? Par exemple, la mine de diamant qui est exploitée au cercle polaire emploie des Autochtones qui ont eu une formation en exploitation minière. Ils touchent vraiment de bons salaires. Pouvez-vous nous donner d'autres exemples?

M. Blakely : Nous avons plusieurs stratégies de diversification. À Voisey's Bay, à Terre-Neuve, 40 p. 100 des emplois sont occupés par des Autochtones. Nous les avons formés sur place. Ceux qui ont choisi un métier sont devenus les responsables de l'entretien de la mine pour ce qui est de l'activité courante aussi bien que la future expansion. D'autres travaillent du côté de l'exploitation à proprement parler.

Pour ce qui est de la construction de pipelines, nous avons vu un nombre important de personnes qui se sont dirigées vers les métiers — en devenant soudeurs, monteurs, et cetera. — et qui vont rester pour travailler à l'entretien. À Fort McMurray, chez Syncrude, nous avons appliqué un programme d'apprentissage pour Autochtones qui connaît un très franc succès, et qui a permis d'accueillir un certain nombre d'Autochtones, sans compter plusieurs initiatives dans la région de Wood Buffalo avec les Métis.

En Colombie-Britannique, il y a un programme de travail du fer pour Autochtones. Si vous traversez le pays, vous verrez que nous sommes engagés avec bien des gens à ce chapitre.

Le succès obtenu est variable, je dois le dire. Il y a une chose que nous ne comprenions pas au départ. Nous pensions pouvoir dire : vous pouvez être apprenti; nous pouvons vous accueillir dans le système. Cela veut dire que vous quittez Thompson; vous allez à Winnipeg et, cinq ans plus tard, si vous voulez retourner là-bas, vous pouvez le faire. C'était là une erreur.

Le sénateur Stratton : Ça ne marche pas.

M. Blakely : Non. Il faut trouver une façon d'avoir le travail, la formation et les systèmes de soutien provenant de la collectivité, et aussi mobiliser les aînés. Cela commence à prendre forme. Si vous êtes enclin à croire les statisticiens, dans le cas de la Saskatchewan et du Manitoba, plus de 50 p. 100 des jeunes disponibles pour travailler en l'an 2025 seront Autochtones; il faut donc que nous nous y mettions.

Le sénateur Stratton : Je comprends cela, parce ce que vous pensez exactement de la façon dont je voudrais croire que les choses évoluent. La difficulté que nous avons, c'est que ça ne se fait pas si rapidement avec ces enfants.

M. Blakely : Non, et il y a des erreurs qui sont commises, je dois dire.

Le sénateur Stratton : Je comprends cela, mais il est bien d'entendre dire que les gouvernements de toutes allégeances ont fait de véritables progrès à cet égard.

Le sénateur Ringuette : Je suis heureuse de la question posée par le sénateur Stratton et de la réponse que vous avez donnée, étant donné que vous avez justifié tout à fait ce que je disais, soit qu'il y a des Canadiens qui ont des compétences ou qui ont le potentiel d'acquérir des compétences, et que nous devrions investir en eux avant d'aller crier sur les toits que nous souffrons d'une grave pénurie de travailleurs qualifiés. Nous avons bel et bien besoin de travailleurs qualifiés, mais ce n'est pas une grave pénurie, surtout si on tient compte de la conjoncture économique actuelle. Par exemple, hier, en Ontario, 1 000 autres travailleurs de l'automobile ont affirmé qu'ils ne vont probablement pas travailler encore pendant longtemps.

Il nous faut adopter une vision et une politique qui permettent de recycler ces Canadiens, s'ils le veulent et s'ils ont besoin d'être formés. Le gouvernement en place n'accorde pas d'importance à la question; il travaille à courte vue.

M. Blakely : Si vous me permettez d'interrompre, vous abordez là une question qui me tient vraiment à cœur, c'est- à-dire la stratégie nationale de mise en valeur de la main-d'œuvre. C'est ce qui nous permet de parler de la façon dont nous allons nous y prendre pour former les Canadiens, de la façon dont nous allons recourir aux immigrants — dans le sens où on dit aux gens : venez rejoindre votre famille, venez au Canada — et la façon dont nous comblons les besoins passagers grâce aux travailleurs étrangers temporaires.

Pour mon industrie, le problème réside en partie dans le fait qu'il nous faut une grande masse de gens. Il nous les faut dès maintenant. Il faut que le cheval soit déjà harnaché et prêt à se lancer. Le jour où nous faisons le dernier petit rajustement, nous voulons dire au revoir et le voir partir. Problème : à moins d'avoir une stratégie d'ensemble qui fait que tout cela fonctionne, nos chances d'y arriver à moindres frais sont nulles.

Le sénateur Ringuette : Tout à fait. Je crois que nous sommes sur la même longueur d'onde. Nous n'avons pas de stratégie nationale. Nous appliquons ces politiques pendant 12 ou huit mois d'un coup. C'est une politique bidon, compte tenu de ce que nous investissons et de la façon dont nous voyons l'avenir du Canada.

C'était ma question critique à propos de la formation et de l'apprentissage. Veuillez dire à vos membres d'ouvrir ces portes-là.

M. Blakely : Nous sommes sur la même longueur d'onde, sénateur.

Le sénateur Ringuette : Quelle est votre politique en ce qui concerne les titres de compétence acquis à l'étranger? Comment vous y prenez-vous pour les reconnaître? Vous êtes-vous approché de la décision de reconnaître les titres de compétence acquis à l'étranger?

M. Blakely : Il ne nous appartient pas de reconnaître les titres de compétence. Il existe quelques façons de reconnaître les titres de compétence. Notamment, on peut passer par RHDSC. C'est RHDSC qui tient boutique pour ce qui est de la reconnaissance des titres de compétence. Cela a été inscrit dans le plus récent budget; c'est un projet qui commence tout juste à décoller. L'autre façon, c'est de passer par un organisme provincial de réglementation.

Par exemple, au Nouveau-Brunswick, il y a la commission d'apprentissage. J'essaie de me souvenir du nom de la personne; cela m'échappe, mais le type en question est maçon. La commission réalise une évaluation à titre gracieux et détermine si le candidat est apte. S'il y a un examen pratique à faire, c'est elle qui s'en occupe. En Alberta, il y a un examen des titres de compétence qui est fait. On verse 450 $ plus la TPS, et les responsables de l'affaire vous diront où vous pouvez aller.

Essentiellement, nous y arrivons. À l'heure actuelle, la façon de procéder avec les travailleurs étrangers temporaires et les immigrants est la suivante : s'ils viennent au Canada, ils disposent d'un an pour acquérir des titres de compétence canadiens. En présumant qu'ils possèdent des compétences valides acquises ailleurs, ils disposent d'un an pour subir l'examen du sceau rouge. S'ils réussissent, le tour est joué. C'est une façon de faire qui semble fonctionner.

La plupart des syndicats appliquent un programme où il est question d'enseigner concrètement aux gens — un programme pour canadianiser les gens. Si vous êtes électricien et que vous êtes originaire d'Europe, vous travaillez avec 220 volts, et non pas 110, et c'est le courant continu et non pas le courant alternatif. Il faut donc réapprendre la loi d'Ohm.

Le sénateur Ringuette : Est-ce que ça se fait au sein de votre organisation?

M. Blakely : Oui.

Le sénateur Ringuette : Je suis d'accord pour dire qu'il faut une politique prévisible à l'égard des immigrants.

J'ai dit que les représentants du ministère responsable du régime d'assurance-emploi sont venus témoigner. Je leur ai demandé qui ferait partie de ce nouvel office, étant donné que, dans le cas actuel, les syndicats...

M. Blakely : Les syndicats et le monde des affaires y sont représentés.

Le sénateur Ringuette : Oui, mais ce n'est pas le cas de ce nouvel office, qui sera entièrement...

M. Blakely : Le projet de loi C-50 dit que les gens proviendront « du secteur de la finance ou de l'assurance ».

Le sénateur Ringuette : Oui, d'où le fait que je me soucie grandement de l'avenir, non seulement pour ce qui touche l'investissement que ces gens-là vont faire et la somme d'argent qu'ils devront investir... la réserve de 2 milliards de dollars est insuffisante. Si nous recrutons des gens de l'industrie de l'assurance, à un moment donné, nous allons probablement voir des primes de risque appliquées au régime d'assurance-emploi, si rien n'est changé. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Blakely : Jusqu'à un certain point, nous vivons déjà avec des primes de risque. C'est là que s'applique la règle du dénominateur et du numérateur — ou la règle du dénominateur, simplement, même si ce n'est pas le terme que nous employons.

La difficulté que j'entrevois, là où l'office compte des gens provenant de l'industrie de la gestion des risques, c'est que l'on ne conçoive plus que, outre une assurance, il s'agisse d'une politique sociale ou d'un filet de sécurité sociale sur lequel nous misons pour protéger les Canadiens contre des conséquences néfastes de la vie.

Là où on prend un programme et que l'on dit aux responsables : « Faites fonctionner cela à l'aide d'une réserve de deux milliards de dollars — car ces gens-là doivent faire leurs frais — la seule façon d'y arriver, si vous en êtes au point zéro et qu'il n'y a pas d'argent qui rentre, c'est de réduire les prestations. Cela a pour effet de dégrader le régime.

Si vous regardez les régimes semblables qui existent aux États-Unis, là où les cotisations sont réduites, le régime se dégrade. Une fois que le régime s'est dégradé on peut dire : Voilà un régime qui n'atteint pas son but; débarrassons- nous en. »

Le président : Madame Ringuette, puis-je vous demander de réserver le reste de vos questions sur ce point important et de permettre au sénateur Di Nino d'intervenir? Il doit quitter à 15 h 30, et il aimerait poser ses questions pour que cela figure sur le compte rendu, dans la mesure du possible.

Le sénateur Ringuette : Oui.

Le sénateur Di Nino : J'ai une autre réunion de comité à 15 h 30. D'abord, je tiens à vous remercier, monsieur Blakely, d'avoir présenté un exposé équilibré. Vous avez exprimé certaines préoccupations, ce que nous apprécions et respectons. Je crois que vous l'avez dit très clairement : ce projet de loi atteindra certains des objectifs auxquels aspire votre organisation.

Permettez-moi de commencer par l'assurance-emploi. Vous avez dit qu'il y aurait une évolution de la gouvernance du régime d'assurance-emploi. La création de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada ne s'accompagne pas de la responsabilité de gouverner le régime. Je voulais simplement m'assurer que cela figure au compte rendu.

M. Blakely : Je suis d'accord.

Le sénateur Di Nino : Sa seule responsabilité touche le domaine de la gestion; en effet, il doit fixer les cotisations et...

M. Blakely : Oui, fixer les cotisations...

Le sénateur Di Nino : ... investir et ainsi de suite. Nous sommes donc d'accord sur ce point particulier.

M. Blakely : Oui.

Le sénateur Di Nino : Je demandais simplement une précision.

Vous avez parlé de l'appui à l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada. J'aimerais bien qu'on trouve un sigle pour cela. Appelons cela « l'office ». Il est question d'une politique gouvernementale qui s'inscrit dans les lois du pays et qui prévoit, de fait, qu'en cas d'insuffisance des fonds dans cette tirelire, au bout du compte, les sommes seront tirées sur le Trésor. Des représentants sont venus témoigner pour le confirmer. Je soupçonne que le ministre, au moment où nous allons l'accueillir pour parler du projet de loi, formulera la même observation.

N'êtes-vous pas du même avis?

M. Blakely : Je suis tuyauteur de métier et avocat de profession.

Le sénateur Di Nino : Voilà qui est futé.

M. Blakely : Oui. Je regrette toujours d'avoir abandonné le travail vraiment payant que je faisais pour devenir plutôt avocat.

J'ai lu le projet de loi. Le projet de loi prévoit un pouvoir discrétionnaire. Il y est dit que le ministre « peut » agir ainsi. Je crois que ça se trouve à l'article 131, qui modifie le régime d'assurance-emploi. S'il était dit plutôt que le ministre « autorise », la chose, je serai heureux et je dirais que nous pouvons nous arrêter là.

Je comprends qu'il puisse être difficile, politiquement, de dire « Nous n'allons pas appuyer le fonds d'assurance- emploi », mais je préfère une garantie. L'argent versé dans le régime d'assurance-emploi a servi à réduire le déficit, à équilibrer le budget et c'est devenu une dépense discrétionnaire. Je ne veux pas que quelqu'un dise plus tard : « Il n'y a plus d'argent pour cela. » S'il était dit que le ministre « autorise » la chose, je serais heureux.

Le sénateur Di Nino : Nous allons obtenir une précision du ministre au moment où il viendra témoigner.

M. Blakely : J'en serais heureux.

Le président : À quel article faites-vous allusion?

M. Blakely : L'article 131.

Le président : L'article 131 de la Loi sur l'assurance-emploi?

M. Blakely : Non, l'article 131 du projet de loi C-50. Il y a là une modification corrélative de l'article 80 de la Loi sur l'assurance-emploi.

Le président : Merci.

Le sénateur Di Nino : Permettez-moi de passer pour un instant à l'autre question dont vous avez parlé : l'immigration. La disposition particulière dont il est question, si j'en fais une bonne lecture, vise à trouver le juste équilibre entre les besoins du Canada et les besoins des Néo-Canadiens — les personnes que nous accueillons en tant que Canadiens et en tant que citoyens de notre pays.

Je crois que vous vous êtes exprimé de façon très nette. J'essaie de me souvenir des paroles exactes que vous avez employées. Vous avez dit que l'industrie ne pourrait survivre au cours des quelques prochaines années à moins que nous fassions venir des gens.

M. Blakely : Oui, sénateur, j'ai dit cela.

Le sénateur Di Nino : Est-ce que je vous cite plus ou moins bien?

M. Blakely : Oui.

Le sénateur Di Nino : Les modifications que nous envisageons à cet article du projet de loi C-50 portent vraiment sur cette question-là. La ministre veut être en mesure de répondre aux besoins du Canada, quels qu'ils soient et quelle que soit la région dont il s'agit, en trouvant les compétences, les talents et les personnes nécessaires. Je veux savoir si vous êtes d'accord avec cela.

Permettez-moi de fournir rapidement un autre point. Ce n'est pas seulement une question de compétences, de talents et de diplômes. À certains endroits, il y a des cas où il faut seulement trouver des travailleurs manuels, comme c'est le cas au pays depuis des années et des années. Il importe de comprendre que ce ne sont pas seulement les médecins, les ingénieurs, les poseurs de placoplâtre, les maçons, les électriciens, les menuisiers et les tuyauteurs qui sont appelés à devenir avocats. Les avocats, nous en avons trop; nous n'en avons pas besoin davantage.

Cela nous dit aussi : à ces endroits-là, il nous faudra des ouvriers non qualifiés. Il y a des tâches que les Canadiens refusent d'assumer, par exemple cueillir des fruits ou faire un travail manuel.

Avez-vous le même point de vue que moi? Ai-je raison de voir les choses ainsi? Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Blakely : Lorsque vous parlez de vision de l'avenir, nous sommes sur la même longueur d'onde. Est-ce qu'il nous faut des gens qui font un travail manuel, à défaut de trouver un meilleur terme? Pour répondre brièvement, je dirais que « oui ». Est-ce qu'il nous faut des gens de métier qualifiés? La réponse est « oui ». Cependant, ces gens-là n'arrivent pas au Canada par le système d'immigration.

Le sénateur Di Nino : Je laisse entendre que c'est le cas maintenant, mais s'il y a un besoin dans une province ou une région donnée, le ministre — suivant le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré — pourrait demander que ce genre...

M. Blakely : Non, sénateur, je ne suis pas d'accord avec cela. Le ministre peut créer certaines catégories. Cependant, le système de points, qui est prévu par règlement, n'a pas changé. Le système de points demeure le système de points. Si vous n'êtes pas un candidat convenable, la ministre doit retourner au gouverneur en conseil et demander que le système de points soit modifié, avant de pouvoir procéder ainsi.

Le sénateur Di Nino : Je vais éclaircir la question auprès de la ministre au moment de son témoignage.

M. Blakely : La seule chose que la ministre peut faire, suivant le pouvoir discrétionnaire qui est accordé, c'est d'admettre des travailleurs étrangers temporaires.

Le sénateur Di Nino : Elle le fait bien.

M. Blakely : Oui, elle le fait. Ma façon de le voir, ma volonté, si vous voulez, c'est d'avoir une politique prévisible à long terme : si quelqu'un veut construire une centrale nucléaire à Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick, il est garanti que la main-d'œuvre sera là aujourd'hui et dans cinq ans aussi, au moment où la centrale sera en activité. Si l'immigration fait partie de l'équation, il ne faut pas que cela se résume au pouvoir discrétionnaire du ou de la ministre qui se trouve à être en place à un moment donné.

Le sénateur Di Nino : Croyez-vous que le projet de loi C-50 répondra à certains des besoins de votre organisation?

M. Blakely : La catégorie de l'expérience canadienne, que ce projet de loi vient créer, nous sera utile. C'est une solution de rechange au système de points. Je préférerais que le système de points soit modifié, mais est-ce que cela nous servira?

Pour répondre brièvement, je dirais que oui.

Le président : Pouvez-vous expliquer en quoi cela représente une solution de rechange au système de point qui, selon vous, est maintenu?

M. Blakely : Le système de point est essentiellement une grille qui permet à quelqu'un de déterminer machinalement le nombre de points auxquels vous avez droit. Pour venir au Canada, il vous faut obtenir 16 points à la grille des compétences et des études. Douze années d'études secondaires plus quatre années d'études universitaires, et le tour est joué. Douze années d'études secondaires plus deux certificats de compagnon donnent douze — vous êtes refusé.

Le président : En quoi est-ce que la formule dont vous parliez avec le sénateur Di Nino est-elle une solution de rechange à ce système-là?

M. Blakely : La personne arrive à titre de travailleur étranger temporaire. Si elle obtient des titres de compétence canadiens, qu'elle possède deux années d'expérience au Canada et qu'elle a une connaissance fonctionnelle du français ou de l'anglais, elle peut présenter une demande.

Vous souvenez-vous du nombre, monsieur Smillie? Est-ce 10 000 personnes qui allaient en avoir le droit?

Christopher Smillie, analyste des politiques, affaires gouvernementales et réglementaires, département des métiers de la construction (F.A.T.—C.O..I) : Je crois que Les Linklater a affirmé que ce serait 28 000 une fois tout en place.

M. Blakely : Est-ce que ça inclut tout le monde, y compris les étudiants de niveau universitaire?

M. Smillie : Oui.

Le président : Est-ce à l'étape de projet ou est-ce que ça existe déjà?

M. Blakely : C'est un projet qui est proposé.

Le président : Est-ce que c'est dans le projet de loi?

M. Blakely : Oui, ce l'est. Un des articles traite de l'établissement de catégories d'immigrants. La catégorie de l'expérience canadienne en est une.

M. Smillie : C'est l'article 118.

Le président : De la Loi sur l'immigration?

M. Smillie : Du projet de loi C-50. L'article 118 modifie la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés par l'ajout de l'alinéa 87.3(3) :

Pour l'application du paragraphe (2), le ministre peut donner des instructions sur le traitement des demandes, notamment en précisant l'un ou l'autre des points suivants :

a) les catégories de demandes à l'égard desquelles s'appliquent les instructions;

b) l'ordre de traitement des demandes, notamment par catégorie;

c) le nombre de demandes à traiter par an, notamment par catégorie[...]

Le président : C'est certainement défini de façon assez générale pour que l'on atteigne le but que vous avez décrit, mais il n'est pas question de ce que vous disiez plus tôt.

Comment avez-vous pris connaissance du procédé appliqué au programme de travailleurs étrangers temporaires : si vous êtes là depuis deux ans et que vous obtenez un certificat et ainsi de suite?

M. Smillie : En janvier dernier, Citoyenneté et Immigration Canada a procédé à une consultation sur une nouvelle catégorie d'immigration baptisée catégorie de l'expérience canadienne. Lorsque la ministre est venue s'adresser au Comité de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes, le 13 mai, elle a fait savoir que cela serait mis en œuvre cet été.

Le président : L'alinéa 87.3(3)a) prévoit le pouvoir général d'établir des catégories?

M. Blakely : C'est cela.

Le président : Vous parlez d'une catégorie précise. Je vous demandais où vous avez pris connaissance de ce fait, et vous me dites que, en janvier, la ministre a signalé qu'elle allait créer cette mesure, sous le régime du projet de loi, il est à présumer, une fois qu'il entrera en vigueur.

M. Blakely : Oui, monsieur. C'est pourquoi nous appuyons cette mesure.

Les programmes de candidats des provinces permettront de prendre certains travailleurs étrangers temporaires et d'en faire des travailleurs canadiens. Cependant, c'est un programme fédéral qui nous apparaît nécessaire.

Le président : C'est une chose à laquelle la ministre dit qu'elle va s'attaquer au moyen de ce pouvoir d'application générale. Voilà le point que je veux faire valoir.

M. Blakely : Oui. monsieur.

Le président : Il n'y a rien dans le projet de loi ni dans quelque règlement qui dit que ce sera créé.

M. Blakely : Non.

Le président : Ce n'est que la promesse de la ministre, qui dit qu'elle a l'intention de faire cela.

M. Blakely : Si vous me demandez où on peut trouver certaines lacunes dans le projet de loi, je dirai que je ne veux pas qu'il n'y ait que ce pouvoir discrétionnaire qui soit créé. J'aimerais que quelqu'un me dise : » Voici ce que nous allons faire » et qu'il le fasse vraiment. Cela fait partie de l'idée d'une stratégie nationale d'ensemble.

Le sénateur Ringuette : Cela fait partie de la démocratie.

M. Blakely : Je crois bien.

Le président : En tant que parlementaire, nous sommes toujours nerveux à l'idée de déléguer des pouvoirs sans établir de normes objectives. C'est pourquoi je pose ces questions en particulier.

Je m'excuse d'interrompre, mais je voulais apporter cette précision. Vous parliez comme si cela figurait dans le projet de loi, alors que ce n'est pas le cas.

M. Blakely : Non, c'est une proposition qui en découle.

Le président : Le sénateur Ringuette a la parole.

Le sénateur Stratton : Pendant combien de temps peut-elle continuer?

Le président : Il y a eu de nombreuses interruptions. Elle a eu droit à trois minutes environ, jusqu'à maintenant, étant donné toutes les interruptions.

Le sénateur Stratton : D'accord.

Le président : Madame Ringuette, vous avez la parole.

Le sénateur Ringuette : Je me reporte aux observations que vous avez formulées à propos du système de points. M. James Bissett est venu témoigner le 28 mai. Il a 36 ans d'expérience en tant qu'ambassadeur canadien; il a dit exactement la même chose. Nous n'avons pas à modifier le système actuel. Nous avons seulement à modifier le système de points.

M. Blakely : C'est une modification réglementaire.

Le sénateur Ringuette : L'attribution des points dans le système relève d'une modification réglementaire. Par conséquent, le Parlement aurait à se pencher sur la situation. C'est une situation à laquelle il est facile de remédier, mais, comme vous l'avez dit, tout cela est une question de démocratie.

Vous avez exprimé à juste titre des préoccupations concernant la réserve de deux milliards de dollars, en affirmant qu'elle était insuffisante. Vous n'êtes pas le seul à avoir laissé entendre cela.

Dans votre document, vous affirmez qu'il faudrait de 10 à 15 milliards de dollars, comme la vérificatrice générale l'a souligné.

M. Blakely : C'est l'écart qu'il y avait entre l'hypothèse de l'actuaire en chef et celle de la vérificatrice générale. Plutôt que d'essayer de déterminer qui avait raison, nous avons choisi simplement d'indiquer l'écart possible.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous discuté avec vos membres de la teneur de votre document?

M. Blakely : Oui.

Le sénateur Ringuette : De toutes ces questions-là?

M. Blakely : Oui, cela fait partie de la conférence que nous avons tenue en mai à propos des politiques et des lois. Les idées ont circulé largement parmi nos membres.

Le sénateur Ringuette : Ces discussions-là ont-elles débouché sur des résolutions?

M. Blakely : Tout le rapport se fonde sur les résolutions que nous avons adoptées à la conférence, l'année précédente. Habituellement, nous adoptons des résolutions à un moment donné, puis nous agissons en vue de les mettre en œuvre au cours des deux années suivantes. Puis, nous répétons le cycle.

Le sénateur Stratton : Si vous me le permettez, je vais revenir à la question du pouvoir du ministre. Vous vouliez que des éléments précis soient définis. Pouvez-vous nous donner un exemple de cela?

Je crains que, une fois les choses précisées, c'est comme un périmètre qui est dressé autour de la question. Cela ne permet pas à un ministre ou à un gouvernement donné d'apporter les modifications à l'avenir.

M. Blakely : Il existe quelques façons de procéder pour permettre l'exercice du pouvoir discrétionnaire sans concentrer le pouvoir. Le gouvernement en place peut passer par le gouverneur en conseil pour modifier le règlement. À ce moment-là, tout au moins, le Parlement et les parlementaires se sont penchés sur la mesure. Il est relativement facile de modifier un règlement, mais un règlement se change ouvertement, au vu et au su de tous. C'est un procédé transparent.

Les modifications discrétionnaires relèvent trop du vouloir propre du ministère ou du ministre. Je serais heureux de savoir que le projet de loi C-50 limite le pouvoir discrétionnaire du ministre et attribue au gouvernement du Canada la responsabilité des modifications en question par le truchement du gouverneur en conseil.

Peut-être n'ai-je pas bien expliqué mon point de vue. Voici : une concentration de pouvoir entre les mains d'une seule et unique personne ou entité peut déboucher sur des résultats arbitraires ou absurdes. Le risque est nettement moins grand là où les gens sont plus nombreux à devoir se pencher sur la question et dire : « Je vais approuver » ou encore « Je vais voter en faveur de cette mesure ».

Le sénateur Stratton : N'a-t-elle pas affirmé que toute modification serait validée par les responsables, vous-même y compris, et publiée dans la Gazette du Canada?

M. Blakely : Je suis sûr qu'elles seront publiées dans la Gazette du Canada : c'est ce que dit le projet de loi. Peu importe la validation dont nous serons chargés et les réunions consultatives qui peuvent avoir lieu, je ne juge pas cela acceptable.

Le sénateur Stratton : Je peux comprendre. Cependant, il y a la publication dans la Gazette du Canada. Je suis certain que vous allez surveiller la situation, si bien qu'en cas de problème ou de préoccupation, dans la mesure où le ministre ne vous a pas approché, vous allez faire ce qui s'impose, comme je le ferais moi-même.

M. Blakely : Les probabilités sont très bonnes que nous agissions ainsi.

Le sénateur Stratton : Nous allons voir ce qui va se produire. Je peux comprendre le point que vous faites valoir. Si la question est significative ou importante, je ne crois pas que la mesure sera approuvée arbitrairement ni validée de façon incorrecte.

M. Blakely : Monsieur Stratton, certaines questions sont importantes du point de vue du corps politique.

Le sénateur Stratton : Oui.

M. Blakely : Clairement, le débat sur cette question-là se fait ouvertement. Cependant, certaines questions, jugées importantes par une très faible proportion de la population, sont beaucoup plus difficilement mises au jour.

Le sénateur Stratton : Nous allons devoir surveiller cela.

M. Blakely : Oui, monsieur.

Le sénateur Stratton : Je comprends.

Il y a quelque chose qui me dérange : à court terme, nous avons affaire à des mises à pied massives dans le secteur de l'automobile en Ontario et aussi dans l'industrie forestière. Dans ma province, le Manitoba, à The Pas, on n'a rien à faire du bois d'œuvre, mais les pâtes et papier font de très bonnes affaires.

M. Blakely : C'est après qu'on a fermé le tiers des usines en Ontario, et le quart, au Manitoba.

Le sénateur Stratton : Je le sais, et, tout à coup l'industrie manitobaine des pâtes et papier se porte bien.

S'il y a des pénuries, il va nous falloir agir et recycler ces gens-là. Les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante sont venus témoigner devant nous. Ils ont apporté avec eux toutes sortes de diagrammes et de graphiques intéressants. Ils avaient envoyé un questionnaire que les gens ont eu la diligence de remplir, et c'est comme cela qu'ils en sont arrivés à leurs résultats statistiques, que j'ai déterminé comme étant assez exacts.

Il y a un diagramme en particulier qui faisait voir le nombre estimatif de postes vacants à long terme dans les petites et moyennes entreprises, par province. Le Manitoba comptait 13 000 postes vacants à long terme, et l'Ontario, 97 000. Il était proprement ahurissant de savoir qu'un si grand nombre d'emplois restaient vacants, particulièrement lorsqu'on connaît les pressions liées aux mises à pied dans l'industrie de l'automobile. Même le Nouveau-Brunswick comptait 17 000 postes vacants à long terme. C'est ahurissant.

Nous comprenons la raison d'être de cette partie du projet de loi. Les entreprises n'arrivent pas à combler ces vacances. Quel rôle allez-vous jouer pour inciter le gouvernement à prendre les personnes qui ont ainsi perdu leur travail, y compris au Nouveau-Brunswick, et les recycler, pour qu'elles puissent combler une partie de ces postes et vacances à long terme.

M. Blakely : Nous avons accueilli un nombre important de travailleurs des usines de pâte du Nord du Nouveau- Brunswick et de régions comme celles de Thunder Bay et Hearst. Ils travaillent à Fort McMurray. Dans certains cas, ces gens-là possédaient déjà les compétences voulues; dans d'autres, il nous a fallu procéder à une évaluation des compétences. Notre problème réside en partie dans le fait que le recyclage relève de deux ordres de gouvernement qui se font concurrence. Le gouvernement provincial fixe un ensemble de priorités, alors que le gouvernement fédéral en fixe un autre. Il y a longtemps que se fait attendre une sorte de rencontre des ministres où il serait question de mettre de l'ordre dans le dossier du marché du travail.

Le sénateur Stratton : Monsieur le président, je crois que les responsables qui ont témoigné ce matin ont traité de cette question particulière.

M. Blakely : Il faut que cela se fasse au Canada.

Le sénateur Stratton : D'après ce que nous avons entendu ce matin, nous serons d'accord pour dire qu'il faut que cela se fasse.

M. Blakely : Les titres de compétence font partie du droit de propriété et des droits civils, qui reviennent par défaut à la province. Depuis 60 ans, en passant par le Conseil canadien des directeurs d'apprentissage, nous essayons de rationaliser le programme d'études dans les métiers pour l'ensemble du pays, mais nous n'arrivons même pas à rationaliser le programme d'études pour les métiers dans la province de l'Ontario.

Le sénateur Stratton : Vous êtes humain, après tout.

Le président : Vous avez bien raison. C'est du ressort de la province. La seule chose que le gouvernement fédéral peut faire, il le fait en transférant de l'argent et en se servant de cela comme moyen de négociation.

M. Blakely : Il existe trois types de transferts relatifs au marché du travail. Certains ne s'accompagnent d'aucune condition. Si tel est le cas, le succès ne sera pas au rendez-vous.

Le président : Si vous le permettez, je vais confirmer la discussion que vous avez eue avec le sénateur Stratton concernant la Gazette du Canada.

En tant qu'avocat, vous comprenez le processus entourant la réglementation et savez qu'il faut publier sous la rubrique des textes réglementaires un projet de règlement qui permet aux gens de lire le document proposé dans la Gazette du Canada en vue d'y réagir et de proposer des modifications. Le projet de règlement est publié sous sa forme définitive une fois que le ministère a apporté toutes les modifications, après quoi le règlement entre en vigueur.

M. Blakely : Cela vaut pour les textes d'application.

Le président : Dans le cas qui nous occupe, ce sont...

M. Blakely : ... des instructions.

Le président : Oui, ce sont des instructions, qui supposent un processus étrange. Le paragraphe 87.3(6) se lit comme suit : « Les instructions sont publiées dans la Gazette du Canada. » Il n'y est pas question de projet de document, et il ni n'est pas dit que la publication aura lieu avant que le règlement n'entre en vigueur. Nous devons envisager le pire scénario possible, soit que la publication se fera après la mise en vigueur des règles.

Dans un tel cas, quelqu'un pourrait présenter une demande d'immigration au Canada, que la ministre pourrait rejeter en décidant qu'elle ne veut pas que cette personne en particulier vienne au Canada. Elle rejette la demande et, ensuite, elle public les règles et les catégories dans la Gazette du Canada.

M. Blakely : J'ai posé cette question-là à quelqu'un au ministère, qui m'a répondu en haussant les épaules. Je comprenais le processus touchant les textes d'application, c'est-à-dire qu'ils sont publiés sous forme préliminaire. Je ne sais pas comment ça se passerait dans ce cas-ci. Je crains que l'instruction serait simplement publiée et puis c'est tout.

Le président : C'est tout ce qui est dit au paragraphe 87.3(6) proposé. Nous ne savons pas si cela sera publié avant ou après l'entrée en vigueur.

M. Blakely : C'est ce que fait voir une franche interprétation du passage en question. J'essaie de me rappeler si ça s'appelle la loi sur les règlements à l'échelle fédérale, mais je sais que je n'ai pu trouver de marches à suivre pour les instructions.

Le président : Il y a la Loi sur les textes réglementaires, mais il y a aussi de notre côté le comité mixte sur l'examen de la réglementation. Au Parlement, les dispositions sont prises pour examiner la réglementation et s'assurer qu'elle concorde avec la loi adoptée et que tout est fait correctement par ailleurs.

Cependant, c'est seulement les cas qui relèvent de la Loi sur les textes réglementaires; or, les instructions n'en relèvent pas. Ce n'est pas la même marche à suivre. C'est quelque chose de nouveau.

M. Blakely : C'est comme ça que je vois la question, et ça m'inquiète.

Le président : Ça m'inquiète, moi aussi.

Permettez-moi de confirmer que le nouvel Office de financement de l'assurance-emploi du Canada qui sera créé ne comptera pas de représentant syndical.

M. Blakely : Je ne saurais le confirmer. Je saurais seulement dire que la loi est précise. Il y est dit que les gens nommés auront une vaste expérience dans le secteur de la finance ou de l'assurance. Cela élimine la plupart des gens qui sont...

Le président : La loi ne dit pas qu'il y aura des représentants du monde syndical.

Le sénateur Ringuette : Ni du monde des affaires.

Le président : Oui. Tous ces programmes dont nous parlons — à propos de la formation et de l'importance de la formation, de la manière dont on s'y est pris par le passé dans le cadre du régime d'assurance-emploi — n'existent plus, si je comprends bien.

L'office a un rôle très restreint, soit de fixer les cotisations au régime d'assurance-emploi. Il aura pour mandat de s'assurer que les cotisations suffisent à couvrir les prestations et non pas d'exécuter d'autres programmes.

M. Blakely : D'atteindre le point d'équilibre.

Le sénateur Ringuette : Avec un maximum de 13 p. 100.

Le président : Selon le projet de loi, l'office fixe le taux de cotisation chaque année, afin de générer pendant l'année des recettes tout juste suffisantes pour couvrir les paiements prévus.

M. Blakely : Oui, monsieur le président.

Le président : L'office n'est pas doté du pouvoir nécessaire pour participer à quelque programme de formation que ce soit. Aucune disposition ne le prévoit. Nous ne savons pas ce qu'il adviendra de ces programmes de formation, mais, si tant est qu'il y en a, il faut présumer que la décision se prendra à l'administration de RHDSC ou de quelque autre ministère. Est-ce votre interprétation de cette partie?

M. Blakely : Malheureusement, oui.

Le sénateur Stratton : Ces programmes existent déjà. L'office doit protéger et contrôler les deux milliards de dollars. C'est sa seule vocation.

M. Blakely : La partie 2 est financée à même l'assurance-emploi. Il y a une seule caisse de l'assurance-emploi; il y a une partie 1 et une partie 2. Il y a quelques autres mesures encore, mais mettons-les de côté pour l'instant. Pour les deux grands volets, s'il est dit quelque part qu'il y aurait suffisamment d'argent pour préserver la formation, la partie 2 et aussi les prestations ordinaires, je serais probablement beaucoup moins nerveux.

Le président : Ce n'est pas possible. Selon le projet de loi, les cotisations peuvent uniquement produire des recettes qui suffisent à couvrir les prestations qu'il faut verser.

M. Blakely : C'est ce que ça dit.

Le président : C'est très clair.

Le président : Quelles que soient les mesures qui relèvent actuellement de la partie 2, le gouvernement devra les prendre en charge ailleurs.

M. Blakely : C'est comme cela que je le vois. Certaines d'entre elles relèveront du transfert des programmes du marché du travail.

M. Smillie : Les ententes sur le développement du marché du travail.

M. Blakely : D'accord.

Le président : Cela ne relèvera plus du régime d'assurance-emploi.

Le sénateur Stratton : À la décharge du gouvernement, disons que c'est très délibéré.

Le président : Oui, à condition que nous comprenions.

Je n'affirme pas que c'est une bonne ou une mauvaise décision de principe; je veux simplement dire de quoi il s'agit clairement. Je n'ai pas de parti pris sur la question, mais je veux que nous comprenions tous clairement ce qui est dit dans le projet de loi.

Êtes-vous d'accord sur ces points-là?

M. Blakely : Oui, monsieur le président.

Le sénateur Ringuette : J'ai deux questions à poser rapidement, puis une autre question qui en prendra plus, peut- être.

Premièrement, le monde de l'entreprise indépendante, les petites et moyennes entreprises, peuvent bien affirmer qu'il y a un déficit de 17 000 employés à long terme au Nouveau-Brunswick, mais si vous voulez payer les gens 7 $ l'heure, vous allez chercher longtemps les candidats. J'ai travaillé pour la Chambre de commerce et je sais comment fonctionne, en particulier, le secteur de la vente au détail.

Ma deuxième question se rapporte au début. Vous avez dit que vous aviez 1,6 million de membres.

M. Blakely : Non, j'ai dit qu'il y avait 1,6 million de travailleurs dans l'industrie de la construction.

Le sénateur Ringuette : Combien d'entre eux sont membres?

M. Blakely : Si on regarde l'industrie, on peut en mettre 400 000 à part d'ores et déjà. Ce sont des ingénieurs, des architectes et des technologues. Du 1,2 million qui restent —les gens qui manient les outils —, nous en représentons environ 500 000. Il y en a 100 000 encore dans la province de Québec, des travailleurs syndiqués qui sont représentés en vertu du système qu'il y a là-bas.

Le président : Est-ce qu'ils vous sont affiliés de quelque façon?

M. Blakely : Certains le sont. Le Conseil provincial l'est, oui, la FDQ et le Syndicat québécois de la construction; pour la rive nord et la rive sud : non. Nous avons environ 45 000 membres au Québec.

Le sénateur Ringuette : Ce sera ma dernière question, mais non la moindre. Au cours des dernières semaines, en rapport avec le projet de loi — qu'il s'agisse de formation ou de crédits d'impôt pour les travailleurs canadiens qui parcourent le pays entier pour aller travailler —, la question centrale est celle de la mobilité de la main-d'œuvre.

À la fin des années 1980, le gouvernement fédéral s'est retiré d'au moins deux programmes incitatifs en la matière. Le premier était le système centralisé des données permettant de relier les candidats et les employeurs à la recherche de travailleurs. C'était un élément central de l'affaire; ça devrait faire partie de la nouvelle vision stratégique du Canada en matière de main-d'œuvre, dans la mesure où nous souhaitons fonctionner à la manière d'un pays et non pas de dix.

M. Blakely : Je suis d'accord.

Le sénateur Ringuette : C'est bien. L'autre, c'était une mesure d'incitation aux déplacements qui permettait aux gens de quitter la province. Je ne me souviens plus s'il y avait...

M. Blakely : Il y en avait deux. Il y a celui où on assumait vos frais de déplacement entre le Nouveau-Brunswick et Fort McMurray, si vous vous rendiez là pour travailler. Puis, il y avait l'autre, qui vous aidait à vous réinstaller temporairement.

Le sénateur Ringuette : C'est cela. C'était des programmes très fructueux qui permettaient de favoriser la mobilité des travailleurs que nous recherchons au pays.

M. Blakely : Oui, et nous avons perdu ce programme-là parce qu'une demi-douzaine de gars se sont fait faire des t- shirts où ils ont fait écrire « Équipe de ski de l'assurance-emploi ».

Le sénateur Ringuette : Tout cela devrait faire partie d'une nouvelle stratégie d'ensemble à vocation nationale en ce qui concerne la main-d'œuvre.

Pour revenir à la question de la mobilité, à la FAT-COI, que fait-on de la mobilité des membres du syndicat d'une section locale à l'autre?

M. Blakely : La plupart des syndicats, 90 p. 100 d'entre eux, ont un système de carte de voyage comme on l'appelle. Si je suis membre de la section locale de Bathurst, au Nouveau-Brunswick, mais qui n'a pas de travail au Nouveau- Brunswick, je prends ma carte de voyage et je me rends à la section locale 254 de Winnipeg, qui a besoin d'envoyer des travailleurs à la centrale hydroélectrique de Conawapa. Je me rends là, j'y dépose ma carte de voyage et je m'en vais travailler.

Je travaille à la centrale de Conawapa jusqu'au moment où je m'en lasse ou encore qu'il n'y a plus de travail. Pendant que je suis là, mes prestations sont établies sous le régime de l'accord avec le Manitoba, et la section locale du Manitoba renvoie cela à Bathurst, où c'est porté à mon crédit. Ma famille touche toujours des prestations, ma pension s'accumule, et je suis en mesure de subvenir aux besoins de ma famille, chez moi, à Bathurst.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous déjà proposé au ministère le système qu'emploie votre organisation pour traiter avec la mobilité de la main-d'œuvre en cas de pénurie?

M. Blakely : Ah, oui. Depuis cinq ou six ans, essentiellement, nous avons comblé les pénuries çà et là en déplaçant les gens. Nous n'y arrivons pas aujourd'hui. Nous avons déraillé quelque peu sur ce point.

J'ai assisté au lancement du conseil sectoriel pour l'information sur le marché du travail. Le point culminant de ce qui se produit et se construit en ce moment sera atteint en 2010 et 2011. Il y a donc un grand écart entre ce qu'il nous faut et ce que nous avons.

Le sénateur Ringuette : C'est un sommet temporaire qui durera probablement quatre ou cinq ans au plus.

M. Blakely : Oui.

Le sénateur Ringuette : C'est une chose qu'une bonne politique et de bons programmes permettent d'établir facilement.

M. Blakely : Oui. Parmi les choses que nous faisons en ce moment, nous demandons à un jeune homme du nom d'Andrew Dawson d'aller dans le Maine et au Vermont pour essayer de recruter des gens. Nous allons finir par avoir des travailleurs étrangers temporaires provenant des États-Unis.

Le sénateur Ringuette : Là où j'habite, il y a un grand nombre de Canadiens, des gens qui vivent au Canada, qui paient de l'impôt sur le revenu au Canada, mais qui vont travailler du côté de l'État du Maine.

Je tiens à vous remercier de l'exposé que vous avez présenté et des franches observations que vous avez faites à propos de ces questions.

Le sénateur Stratton : À propos de l'office lui-même, auriez-vous votre mot à dire sur le choix des personnes qui vont y siéger?

M. Blakely : À quel office?

Le sénateur Stratton : L'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada.

M. Blakely : Apparemment pas.

Le sénateur Stratton : Selon ma note sur le financement de l'assurance-emploi, le commissaire représentant les travailleurs et le commissaire représentant les employeurs se verront attribuer des responsabilités supplémentaires à titre de membres du comité de nomination ayant pour tâche d'identifier et de recommander les candidats qualifiés à être nommés au conseil d'administration de l'OFAEC.

M. Blakely : Je serais étonné d'apprendre que c'est prévu dans le projet de loi.

Le sénateur Ringuette : Ça ne l'est pas. C'est une réponse obtenue à une question que j'ai posée aux responsables.

Le sénateur Stratton : Oui, de la part des responsables.

Le sénateur Ringuette : Ils ont dit qu'ils allaient procéder à une consultation.

M. Blakely : Le problème, c'est que Trish Blackstaffe, qui est commissaire aux travailleurs, est une dame extraordinaire. Tout de même, pour ce qui est du pouvoir de susciter un changement, je suppose que c'est comme si je recommandais qu'on vous octroie l'Ordre du Canada. Ce serait merveilleux pour moi de le faire, mais personne n'a à le faire.

Le sénateur Stratton : Cette femme dont vous parlez aurait son mot à dire. Autrement dit, elle pourrait recommander quelqu'un.

M. Blakely : Elle pourrait certainement recommander quelqu'un.

Le sénateur Stratton : Comment ferait-il autrement pour en arriver à une liste de candidats à l'office, sans consulter?

M. Blakely : Le projet de loi laisse supposer que, une fois le président choisi, c'est lui qui est responsable de dresser la liste des noms et de la remettre au ministre.

Le sénateur Stratton : C'est plutôt normal. Dans la plupart des cas, qu'il s'agisse d'une entreprise ou du conseil d'administration d'une université, habituellement, le président consulte, puis choisit.

M. Blakely : Oui.

Le président : Ceci vous aidera peut-être. La loi aurait une nouvelle partie. C'est le paragraphe 121.10(1) du projet de loi C-50, à la page 101. Ça se lit comme suit :

Le ministre constitue un comité chargé d'établir une liste de candidats aux postes d'administrateur; le comité est composé d'un président nommé par le ministre et des deux commissaires qui ont été nommés, après consultation des organisations ouvrières et des organisations patronales respectivement, au titre du paragraphe 20(2) de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.

Nous n'avons pas ces paragraphes-là ici. Et :

121.10(4) Le ministre peut mettre fin au mandat du président à tout moment.

M. Blakely : Le terme commissaire désigne quelque chose de précis dans la loi. C'est le commissaire représentant les travailleurs et le commissaire représentant les employeurs. Ça se trouve dans la loi.

Le président : C'est le comité de sélection.

M. Blakely : Oui.

Le président : Le comité de sélection nomme les personnes siégeant au conseil d'administration, qui doivent posséder une expérience en assurance.

M. Blakely : En finances et en assurance.

Le président : J'ose croire que c'est un groupe restreint.

M. Blakely : Nous contractons tous de l'assurance.

Le président : J'ai cru qu'il serait bon de le souligner.

Merci, monsieur Blakely, monsieur Smillie. Nous vous savons gré d'être là et de prendre part à cet échange sans restriction. Malheureusement, plusieurs de nos collègues ont dû se rendre aux réunions d'autres comités. Tout de même, avant d'en finir avec ce projet de loi, il importait pour nous de vous accueillir. Je tiens à vous remercier d'être venu moyennant un si court préavis et de vous être attaché à la question avec tant de compétence. L'information que vous nous avez donnée aura droit à un examen rigoureux et nous aidera à mener nos délibérations.

M. Blakely : Merci. Nous en sommes reconnaissants.

La séance est levée.


Haut de page