Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 14 - Témoignages du 10 juin 2008
OTTAWA, le mardi 10 juin 2008
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 33 pour étudier la teneur du projet de loi C-50, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 26 février 2008 et édictant des dispositions visant à maintenir le plan financier établi dans ce budget.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Cela fait deux semaines que nous étudions le projet de loi C-50 afin d'en obtenir une meilleure compréhension avant qu'il nous soit officiellement renvoyé, ce qui nous permettra de participer à un débat plus productif au Sénat. Honorables collègues, je crois comprendre que la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-50 hier soir et je m'attends donc à ce qu'il soit renvoyé devant le Sénat cet après-midi pour débuter la deuxième lecture.
Les séances que nous consacrons à l'audition de témoins nous permettront de mieux comprendre ce projet de loi omnibus de 10 parties. Ce matin, nous en examinerons deux. Nous nous pencherons d'abord sur la somme devant être transférée aux provinces pour le recrutement d'agents de police, et nous demanderons aux représentants de Sécurité publique Canada et de Finances Canada comment cette initiative doit être mise en œuvre. Nous entendrons ensuite des représentants de l'Association du Barreau canadien qui nous aideront à mieux comprendre la partie 6 portant sur l'immigration.
Permettez-moi de présenter nos témoins. Ce sont, de l'Association du Barreau canadien, Betsy Kane, membre de l'exécutif, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, et Kerri Froc, analyste des politiques juridiques; de Sécurité publique Canada, Mark Potter, directeur général, Politiques de police, et Krista Campbell, chef principal, Division des relations fédérales-provinciales, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale.
Je me suis toujours demandé comment on peut inventer des titres pareils, mais je suis sûr que ce n'est pas vous qui le faites et que vous êtes simplement heureux d'être là où vous êtes.
Je crois comprendre que Mme Froc, de l'Association du Barreau canadien, et peut-être aussi Mme Kane, de la Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, ont des déclarations liminaires.
Pendant ce temps, Mme Campbell ou M. Potter pourraient peut-être réfléchir à ce qu'ils pourraient nous dire pour expliquer cette partie du projet de loi C-50 et comment on a l'intention de l'appliquer. Nous passerons ensuite aux questions.
Kerri Froc, analyste des politiques juridiques, Association du Barreau canadien : L'Association du Barreau canadien est très heureuse de comparaître devant le comité au sujet du projet de loi C-50, notamment de la partie VI modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
L'Association du Barreau canadien est une association nationale regroupant environ 38 000 membres de tout le pays. Ses principaux objectifs sont l'amélioration du droit et de l'administration de la justice, et c'est dans ce contexte que nous nous adressons à vous aujourd'hui. Vous avez reçu le mémoire que nous avions déposé devant le Comité des finances de la Chambre des communes. Comme ce comité n'a recommandé aucune modification du projet de loi, nos préoccupations restent les mêmes.
Je demande maintenant à Mme Kane qui, comme vous l'avez dit, est membre de l'exécutif de la Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, d'exposer nos préoccupations au sujet du projet de loi.
Le président : La lettre dont vous parlez est celle du 30 avril 2008 adressée à Rob Merrifield, député. Nous l'avons reçue et distribuée aux membres du comité dans les deux langues officielles.
Betsy Kane, membre de l'exécutif, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien : Monsieur le président, membres du comité, les modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés dont nous voulons parler aujourd'hui ont été proposées par le gouvernement pour éviter que l'arriéré de demandes d'immigration continue de grossir. Toutefois, ces modifications ne règlent pas le problème des 925 000 demandeurs qui sont actuellement dans la file d'attente à l'échelle mondiale. Elles ne toucheront que les demandes présentées après le 27 février 2008. De ce fait, les 925 000 demandeurs et membres de leurs familles resteront toujours dans la file d'attente, leurs demandes devant être traitées en fonction des règles actuelles. C'est l'une de nos principales préoccupations à l'égard de ce projet de loi.
Il est clair que l'arriéré est un problème grave qui nuit à la compétitivité mondiale du Canada pour attirer les meilleurs candidats possibles. Toutefois, l'émission d'instructions ministérielles, dans le cadre des modifications proposées, n'est pas nécessaire pour éponger cet arriéré. Avec les excellentes mesures prises par le gouvernement en ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires, nous offrons aux travailleurs qualifiés dont le Canada a besoin un mécanisme d'admission accéléré dans le cadre des programmes d'immigration existants. Cette priorité est offerte par le truchement du programme fédéral des travailleurs qualifiés, des programmes de candidats provinciaux et du programme du Québec.
En outre, la nouvelle catégorie de l'expérience professionnelle, qui doit être mise en œuvre plus tard cette année, permettra aussi de sélectionner et d'admettre en priorité des immigrants qualifiés qui travaillent ou étudient actuellement dans notre pays. Finalement, le ministre possède actuellement le pouvoir de donner aux agents des visas le droit d'accorder la priorité à certains demandeurs. Cela se fait déjà pour les conjoints et enfants à charge de citoyens canadiens et de résidents permanents, les candidats provinciaux et les travailleurs qualifiés fédéraux ayant un emploi au Canada ou un emploi les attendant à leur arrivée.
Ces modifications sont destinées à donner au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration un outil lui permettant de traiter les demandes futures sans avoir l'obligation légale de prendre une décision ou de rendre des comptes à des demandeurs ayant respecté les critères réglementaires. Or, ces demandeurs auront investi énormément de temps et d'argent dans l'espoir que leur demande sera sérieusement examinée et fera l'objet d'une décision.
Le gouvernement soutient que son intention est de moderniser le système. Il nous assure que le processus d'émission d'instructions ministérielles sera public et conforme à la Charte. Toutefois, les instructions ministérielles seront émises sans le processus ordinaire de consultation des parties prenantes et de publication préalable exigé pour des dispositions réglementaires.
Comment peut-on dire que ces instructions seront modernes alors qu'elles nous ramèneront à une époque où l'octroi d'un visa était un privilège consenti de manière discrétionnaire?
Certaines des principales préoccupations de l'ABC concernent l'effet des instructions proposées sur les demandes présentées pour des raisons d'ordre humanitaire au titre de l'article 25 par des personnes qui attendent actuellement à l'étranger. Ces demandes n'auront plus du tout à être prises en considération.
On prévoit dans les modifications proposées que toute demande ou requête qui n'est pas examinée sera conservée, renvoyée ou éliminée conformément aux instructions du ministre. Cela aura pour effet concret d'abolir l'obligation d'examiner les demandes de toutes les catégories d'immigrants et pourra compromettre leur possibilité de demander une révision judiciaire des décisions; de nuire à la transparence; et de faire naître un risque de décision arbitraire par l'émission d'instructions ministérielles, plutôt que de mesures législatives ou réglementaires, pour fixer les priorités de traitement du gouvernement du Canada.
Le gouvernement n'a pas besoin des modifications proposées dans le projet de loi C-50 pour fixer des priorités ou pour mettre sur pied des équipes spéciales afin de traiter l'arriéré de demandes. Il le fait déjà. De ce fait, il dispose déjà des moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs d'une manière qui préserve la transparence et la règle de droit. Voilà ce que j'avais à dire, monsieur le président.
Le président : Merci beaucoup. Parmi les programmes qui existent déjà, selon vous, il y a le programme fédéral des compétences professionnelles, n'est-ce pas?
Mme Kane : C'est le programme fédéral des travailleurs qualifiés. Le processus commence quand le travailleur a un emploi qui l'attend au Canada. Disons qu'il travaille actuellement en Russie mais qu'il sait qu'une entreprise canadienne l'a sélectionné pour lui donner un emploi. Il peut s'agir aussi des nombreux candidats qui travaillent actuellement au Canada avec un permis de travail temporaire et qui attendent que leur a demande soit traitée dans un bureau de visas à l'étranger.
Le président : Vous avez aussi parlé du programme des candidats provinciaux.
Mme Kane : Comme vous le savez, pratiquement toutes les provinces ont des programmes dans le cadre desquels elles sélectionnent des candidats dont les demandes sont alors marquées d'une étiquette rouge — c'est littéralement une étiquette rouge qui est apposée sur le dossier. Ces demandes sont traitées en accéléré dans un délai de six à neuf mois suivant leur réception par un bureau de visas à l'étranger.
Le président : Y a-t-il un autre programme?
Mme Kane : Oui. Pour les conjoints et enfants à charge de citoyens canadiens et de résidents permanents, le gouvernement s'est engagé à traiter les demandes dans un délai de six mois, et il réussit fort bien à le faire dans la plupart des cas.
Le président : Merci. Je voulais préciser ces éléments avant de passer aux questions.
Krista Campbell, chef principal, Division des relations fédérales-provinciales, Direction des relations fédérales- provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances Canada : Bonjour. La partie VIII du projet de loi porte sur les paiements aux provinces et aux territoires. Son objectif est d'établir trois fonds de fiducie, et je crois comprendre que nous sommes ici pour parler de l'un d'entre eux, le Fonds de recrutement de policiers. C'est un fonds de 400 millions de dollars sur cinq ans pour les provinces et territoires, conformément à l'engagement annoncé dans le discours du Trône d'aider les provinces et territoires à mettre 2 500 agents de police supplémentaires dans nos rues.
Le gouvernement du Canada a publié les principes opérationnels du Fonds de recrutement de policiers. Il s'agit d'énoncés généraux de la manière dont le gouvernement fédéral envisage l'utilisation du fonds, étant bien entendu que les provinces et territoires ont la responsabilité de concevoir et de dispenser les services de police. Cette responsabilité est entérinée dans les principes opérationnels de façon à laisser aux provinces la souplesse voulue quant à la manière dont elles entendent affecter les sommes et faire les investissements. Les provinces sont également encouragées à faire rapport directement à leurs populations respectives sur la manière dont elles font ces investissements.
Dans le budget de 2008, le gouvernement avait demandé aux provinces et territoires souhaitant participer à ce projet de faire une déclaration publique concordant avec ces principes opérationnels pour dire comment elles feraient leurs investissements afin de devenir admissibles aux sommes prévues dans les fonds. Les 13 juridictions ont fait ces déclarations publiques. Il ne reste plus maintenant au gouvernement qu'à obtenir l'approbation de ce projet de loi par le Parlement et les fonds pourront alors être versés aux 13 juridictions, sur une base proportionnelle, c'est-à-dire que les sommes seront réparties également sur cinq ans en fonction de la population de chaque juridiction.
Le président : Ce sera donc une distribution annuelle égale pendant cinq ans?
Mme Campbell : Oui.
Le président : Merci.
Monsieur Potter, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mark Potter, directeur général, Politiques de police, Sécurité publique Canada : Non, je pense que tout a été dit.
Le sénateur Murray : Je ne serai pas long. Je voulais avoir un mot de la représentante de l'Association du Barreau canadien.
Tout d'abord, vous dites dans votre mémoire que
[...] l'arriéré actuel des demandes de visa et la pénurie de main-d'œuvre, notamment dans des professions stratégiques, sont des problèmes urgents exigeant légitimement l'attention et l'action du gouvernement.
Avez-vous réfléchi au genre de mesures que le gouvernement devrait prendre pour résoudre ces problèmes autrement que par le truchement de ce projet de loi?
Mme Kane : Le gouvernement prend actuellement des mesures progressistes dans la conception du Programme de travailleurs étrangers temporaires. Il a pris des mesures proactives pour aider les entreprises canadiennes ayant besoin de main-d'œuvre qualifiée, avec les initiatives des travailleurs étrangers temporaires et avec la conception de certains programmes de candidats provinciaux servant à accélérer...
Le sénateur Murray : Est-ce suffisant, à votre avis?
Mme Kane : Je ne dis pas que c'est suffisant. On peut toujours améliorer les choses mais, pour ce qui est de répondre aux besoins du marché du travail canadien, ces initiatives sont utiles et sont utilisées. Le problème est de savoir si le projet de loi C-50 ajoutera quelque chose à ce chapitre, et l'ABC pense que non.
Le sénateur Murray : Nous avons entendu la même opinion exprimée par des témoins il y a deux semaines lorsque nous avons commencé notre étude préliminaire du projet de loi. Toutefois, les témoins du gouvernement, entre autres, ont contesté l'affirmation qu'ils ont déjà les outils nécessaires pour atteindre les objectifs qu'ils disent vouloir atteindre avec ce projet de loi.
Je me demande dans quelle situation cela nous place. Évidemment, ils veulent avoir plus de marge de manœuvre, et c'est précisément ce à quoi vous vous opposez dans votre projet de loi quand vous contestez l'inclusion dans la loi du pouvoir ministériel d'émettre des instructions exécutoires sans débat public préalable ni contribution des parties concernées.
Si tel est le cas, que devrions-nous faire, selon vous? La bombe nucléaire consisterait pour nous à rejeter le projet de loi ou, peut-être, à trouver le moyen d'en extraire cette partie.
Vous avez exprimé un avis assez favorable sur ce qui a été fait avec la LIPR, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, lorsque le Parlement a exigé que bon nombre des règlements proposés dans ce contexte soient déposés devant la Chambre des communes et le Sénat puis renvoyés devant le comité pertinent. En outre, les modifications réglementaires proposées sont assujetties à une publication préalable dans la Gazette du Canada, ce qui permet aux parties concernées d'être informées et d'exprimer leur opinion.
De ce fait, je me disais qu'il serait peut-être possible de rédiger un amendement pour prévoir une certaine forme d'examen du pouvoir discrétionnaire du ministre.
Mme Kane : Le ministre possède déjà un pouvoir discrétionnaire en vertu de la loi actuelle. Avec la partie VI, ce que voudrait l'ABC, c'est que l'émission et les règles des instructions ministérielles fassent partie d'un texte réglementaire et ne soient pas quelque chose n'offrant aucune possibilité de consultation des parties prenantes et de publication préalable, et que le pouvoir discrétionnaire ministériel puisse éventuellement faire l'objet d'une révision judiciaire.
Le sénateur Murray : Donc, si je vous comprends bien, vous pensez que nous devrions extraire cette partie du projet de loi et voter contre?
Mme Kane : Oui.
Le sénateur Murray : Le gouvernement possède déjà suffisamment de pouvoirs de réglementation pour atteindre les objectifs qu'il dit vouloir atteindre et ce, de manière à être plus redevable devant le public?
Mme Kane : Absolument.
Le sénateur Murray : C'est tout, monsieur le président. Si je comprends bien, les témoins du gouvernement ne sont pas ici pour traiter de cette question?
Le président : Non, ils ne sont pas ici pour ça.
Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne les services de police, le sénateur Eggleton avait soulevé une préoccupation devant ce comité au sujet de la manière dont l'argent serait versé. Je crois comprendre que ce sera une somme par habitant de chaque province et territoire. Du point de vue des ententes avec les provinces, comment l'argent sera-t-il ensuite versé aux municipalités? Bon nombre de municipalités ont des pouvoirs de police. Comment cela va-t-il se passer?
M. Potter : Je vous remercie de cette question. Les fonds seront versés aux provinces et territoires qui auront toute latitude pour s'en servir afin de répondre à leurs priorités particulières et à leurs besoins en services de police, y compris au palier municipal, si c'est leur souhait. Les fonds seront versés aux provinces et territoires qui, je suppose, engageront un dialogue dans leurs juridictions sur la meilleure manière de les utiliser.
Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous dire au comité comment les fonds seront répartis? Je suppose que le fonds de fiducie a été mis sur pied ou qu'il est en train de l'être.
Mme Campbell : Toutes les dispositions administratives concernant le fonds de fiducie ont été prises. Les règles comptables exigeaient que tout soit réglé avant le 31 mars, avant la fin de l'exercice budgétaire, et c'est ce qui a été fait. Nous pouvons remettre au comité le tableau de répartition officiel.
Le sénateur Ringuette : Qui fera la surveillance? Qui devra rendre des comptes?
M. Potter : Comme on l'indique dans le budget et dans la correspondance échangée entre le ministre de la Sécurité publique, M. Day, et ses homologues provinciaux et territoriaux, les gouvernements des provinces et des territoires devront rendre compte à leurs résidents de ces dépenses et des résultats obtenus.
Le sénateur Ringuette : Il n'y aura aucune surveillance du gouvernement fédéral ni aucune reddition de comptes concernant l'argent de ce fonds de fiducie fédéral?
M. Potter : Le gouvernement fédéral surveillera l'utilisation des fonds mais, considérant la souplesse du mécanisme fiduciaire, son pouvoir sera limité une fois que les fonds auront été versés.
Mme Campbell : L'une des caractéristiques du fonds de fiducie est que les flux financiers sont destinés aux provinces et territoires qui détiennent la responsabilité primordiale. Leurs gouvernements prennent des engagements publics et ont la responsabilité d'en rendre compte devant leur public. Des vérifications sont faites par leurs vérificateurs généraux. Leur population les oblige à rendre des comptes car ils seront élus si les fonds ont été effectivement dépensés conformément à leurs engagements. Le vérificateur général a le pouvoir d'examiner le compte de fiducie pour s'assurer que l'argent a été affecté conformément à l'engagement du gouvernement mais il n'a pas ensuite le pouvoir de vérifier les comptes des provinces et des territoires.
Le sénateur Ringuette : Cela me semble bizarre. Pendant des années, on a reproché au gouvernement précédent de mettre sur pied des fonds de fiducie mais on constate aujourd'hui qu'ils prolifèrent. Pourquoi? Pour quelle raison met- on sur pied un fonds de fiducie? Pourquoi l'argent ne peut-il pas être géré par le ministère du ministre Day sans un fonds de fiducie? Cela assurerait une reddition de comptes fédérale pour ces 400 millions de dollars fédéraux.
Mme Campbell : Un fonds de fiducie est un mécanisme financier particulier comportant des avantages et des inconvénients, comme tout autre type de mécanisme financier que pourrait choisir le gouvernement. Si celui-ci voulait jouer un rôle continu dans l'élaboration des politiques, avec plus de conditionnalité et plus de contrôle, il aurait recours à un programme classique.
Un fonds de fiducie offre l'avantage de permettre au gouvernement d'utiliser les fonds excédentaires de fin d'exercice pour répondre à un objectif précis à court terme, par exemple pour des bénéficiaires tels que les provinces et territoires. Dans le cadre d'un engagement continu, on ne peut pas utiliser les fonds excédentaires de fin d'exercice de la même manière. Chaque mécanisme financier que le gouvernement peut choisir comporte ses propres avantages et inconvénients. Les fonds de fiducie offrent l'avantage de cette souplesse pour appuyer un programme, et il y a reddition de comptes au sens où le gouvernement fédéral est pleinement responsable de la manière dont il dépense cet argent. Les fonds sont donnés aux provinces et territoires comme cela a été annoncé dans le budget. Leurs gouvernements sont ensuite pleinement redevables devant leurs citoyens par le truchement de leurs vérificateurs généraux et de leurs assemblées législatives qui vérifient si l'argent a été dépensé conformément à leurs engagements publics.
C'est un processus de responsabilité globale à deux paliers, j'en conviens, mais c'est l'une des limites d'un mécanisme de fiducie par rapport à quelque chose comme un programme permanent. L'une des limites d'un programme permanent est qu'il n'offre pas assez de souplesse pour utiliser les fonds excédentaires en fin d'exercice.
Le sénateur Stratton : Ma question est destinée à Mme Kane de l'Association du Barreau canadien. Je suis désolé, je suis arrivé en retard et je n'ai pas entendu toute la déclaration liminaire. Toutefois, je vous ai entendu dire que le gouvernement détient déjà le pouvoir nécessaire pour régler les problèmes auxquels il est confronté.
Comme vous le savez, nous avons une liste d'attente de plus de 900 000 personnes qui essayent d'entrer au Canada, et on s'attend à ce que le chiffre atteigne 1,5 million très rapidement si l'on ne fait rien. Pouvez-vous indiquer au comité quels pouvoirs le gouvernement détient actuellement pour résoudre ce problème, et pourquoi il n'a pas résolu le problème jusqu'à présent? Je parle ici des deux gouvernements. Pourquoi n'a-t-on pas réussi à résoudre le problème jusqu'à maintenant et pourquoi a-t-on retenu la solution présentée aujourd'hui?
Mme Kane : Je ne peux pas vous dire pourquoi le gouvernement n'a pas réglé le problème. Les ressources sont toujours un facteur important.
La ministre, en ayant recours aux instructions, espère réduire les doublons. Si quelqu'un a déposé plusieurs demandes, elle pourra émettre une instruction disposant qu'une seule de ces demandes doit être traitée, au lieu de devoir les traiter toutes, ce qui est un objectif important. Cependant, la portée de ces instructions va beaucoup plus loin que simplement éponger l'arriéré. On pourrait s'attaquer à l'arriéré et éviter qu'il augmente en ayant recours à des équipes d'intervention spéciales, ce que les deux gouvernements ont fait et que l'on continue à faire, en dotant les bureaux à l'étranger de toutes les ressources dont ils ont besoin et, peut-être, en relevant le nombre de points exigé des immigrants ou la qualité de leur lien avec le Canada pour qu'un bassin plus limité d'immigrants soit admissible à l'avenir.
Le sénateur Stratton : Vous semblez penser que les gouvernements n'ont pas déjà fait cela, ce que je trouve étonnant mais, de toute façon, la liste continue de s'allonger.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante mène continuellement des enquêtes. J'en faisais partie il y a quelques années et les petites entreprises sont continuellement invitées à répondre à des questionnaires sur toutes sortes de questions. L'une des enquêtes que j'ai trouvées particulièrement intéressantes indique que le nombre de postes vacants de longue durée dans les diverses provinces est tout à fait extraordinaire. Par exemple, c'est 44 000 en Ontario. Dans ma province du Manitoba, c'est 14 000. Au Nouveau-Brunswick, comme je l'indiquais au sénateur Ringuette, c'est autour de 11 000 à 14 000. Je parle ici d'emplois qui sont vacants depuis longtemps. La liste de plus de 900 000 personnes en attente est embouteillée parce qu'on ne peut pas trouver à l'étranger les compétences nécessaires pour doter ces emplois vacants depuis longtemps. Le problème fondamental de toute cette partie du projet de loi est précisément cela. Nous manquons désespérément de main-d'œuvre qualifiée au Manitoba. Nous n'en trouvons pas au Canada mais nous ne réussissons pas à en faire venir suffisamment rapidement avec le processus actuel du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration parce qu'il y a plus de 900 000 noms sur la liste d'attente et que ce sera bientôt 1,5 million. Comment expliquez-vous cela?
Mme Kane : Le Manitoba, en particulier, peut satisfaire ses besoins de main-d'œuvre au moyen des programmes de candidats provinciaux, tout comme beaucoup d'autres provinces. Les employeurs de ces régions peuvent s'adresser à leur ministère provincial et désigner des candidats. Si ces derniers font partie de la liste d'attente actuelle de 925 000 demandes et qu'ils peuvent prouver qu'il y a au Canada un employeur qui attend leurs compétences, leur dossier sera traité en priorité.
Il existe actuellement un mécanisme permettant aux gens qui sont sur la liste d'attente, s'ils peuvent obtenir une offre d'emploi ou peuvent venir au Canada comme travailleurs étrangers temporaires, de passer en tête de liste et d'utiliser leurs compétences au Canada.
Le problème de l'arriéré vient en partie du fait que bon nombre de candidats n'ont pas d'offre d'emploi ou de perspectives d'emploi au Canada ou n'ont pas d'emploi qui les attend. Le gouvernement essaye d'utiliser le programme des travailleurs étrangers temporaires pour aider les entreprises canadiennes à combler leurs besoins en main-d'œuvre. Beaucoup de ces besoins ne sont pas nécessairement reliés à l'arriéré actuel mais nous pourrons peut-être à l'avenir trouver le moyen d'apparier les compétences des candidats de l'arriéré aux besoins du marché du travail.
Ces compétences sont déjà là, comme je l'ai dit, avec les demandes du programme fédéral des travailleurs qualifiés, la nouvelle catégorie de l'expérience canadienne et les candidats provinciaux. Les outils sont déjà là. Le projet de loi C- 50 ne semble strictement rien ajouter aux outils dont dispose déjà le gouvernement.
Le président : Quelqu'un veut poser une question supplémentaire à ce sujet.
Le sénateur Ringuette : Ce que vous dites au sujet des outils est vrai sauf que, la semaine dernière, quand des représentants du ministère sont venus nous expliquer ce qu'ils feront à l'avenir, j'ai eu le sentiment que le problème était d'ordre technique car actuellement l'arriéré de demandes n'est pas associé aux compétences dans la base de données. Autrement dit, le jumelage dont vous parlez ne peut pas se faire. Ils nous ont dit que leur priorité est de prendre contact avec les candidats actuels de l'arriéré pour s'assurer que leurs compétences sont identifiées dans leurs dossiers et dans la base de données.
C'est une question de TI. Je conviens avec vous que ça n'a rien à voir avec la question des instructions ministérielles.
Mme Kane : Chaque candidat doit indiquer sa profession et sa province de destination.
Le sénateur Ringuette : Toutefois, cette information ne figure pas dans le système.
Mme Kane : On n'a pas du tout besoin d'instructions ministérielles pour faire cette identification. L'information est déjà dans le dossier.
Le sénateur Stratton : C'est facile à dire mais, quand on constate qu'il y a plus de 900 000 personnes sur la liste d'attente, et qu'il y en aura bientôt 1,5 million, et quand on examine les résultats des enquêtes menées par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante au sujet des postes vacants depuis longtemps, pas vacants depuis un mois ou deux mais depuis plus longtemps, il est difficile de croire que le système actuel marche bien. Je n'ai entendu personne me dire que le système marche bien. Si c'était le cas, nous n'aurions pas plus de 900 000 personnes sur la liste d'attente. Nous n'aurions pas 14 000 postes vacants depuis longtemps au Manitoba. Personne n'a encore répondu à cela.
Mme Kane : L'arriéré existe. C'est un problème. Il faut le régler, absolument. Il y a toujours eu des niveaux différents d'arriéré et celui-ci est certainement très élevé.
Le sénateur Stratton : Et il augmente, en plus.
Mme Kane : Oui mais, si les entreprises canadiennes ont besoin de compétences, elles ont les outils et les mécanismes dans le régime actuel pour les faire venir temporairement ou, sinon temporairement, pour les identifier et faire accélérer le traitement des demandes correspondantes en vue d'une résidence permanente.
Le sénateur Stratton : Disons que nous ne sommes pas d'accord. Si c'était vrai, ça se ferait au Manitoba et il n'y aurait pas dans la province 14 000 postes vacants de longue durée.
Le président : L'une des grandes choses de notre démocratie est qu'on peut ne pas être d'accord.
[Français]
Le sénateur Chaput : Ma question s'adresse à Mme Campbell et concerne le fonds de recrutement des policiers, cette fiducie qui a été mise en place et qui sera administrée par des tiers. Vous avez mentionné tout à l'heure, en réponse à une question du sénateur Ringuette, qu'une des raisons pour laquelle ce genre de fonds a été choisi était sa grande flexibilité, si j'ai bien compris, au sens où ce n'est pas un programme permanent mais plutôt une initiative avec un début et une fin.
Ma question porte sur le fait de savoir comment nous pouvons être assurés que les provinces dépenseront ces fonds pour le recrutement de policiers. Est-ce qu'il y a un mécanisme en place qui nous assure que les provinces vont recruter des policiers avec ces montants et que ceux-ci ne seront pas utilisés pour autre chose? Est-ce que les provinces ont à produire un quelconque rapport au gouvernement fédéral? Est-ce que l'argent est remis annuellement? Est-ce que c'est automatique ou en fonction de ce que les provinces auront fourni comme rapport de dépenses?
[Traduction]
Mme Campbell : La réponse sera un peu répétitive au sens où tous les gouvernements des provinces et territoires ont pris l'engagement de dépenser les fonds en respectant le cadre général des principes opérationnels.
Les provinces et territoires ne sont pas tenus de faire rapport au gouvernement fédéral. Leurs gouvernements sont encouragés à faire rapport à leurs citoyens, à leur population. Ils devront dire à leurs assemblées législatives comment ils ont dépensé l'argent. Leurs vérificateurs généraux feront des vérifications.
Ils feront des déclarations publiques à intervalles réguliers mais il n'y aura aucune obligation de rapport de gouvernement à gouvernement. Cela correspond tout à fait à la manière dont la fédération évolue depuis une ou deux décennies, et c'est conforme aux modalités de l'entente-cadre sur l'union sociale et à l'évolution vers un modèle plus axé sur la redevabilité publique dans lequel les gouvernements responsables élus rendent compte de leur action à leur population. Il y a des communiqués de presse des provinces énonçant ce qu'elles ont l'intention de faire, et elles devront rendre des comptes à leur population.
La redevabilité fédérale concerne la collecte de l'argent, l'expression d'un engagement et l'affectation correcte de l'argent conformément à ce qui est énoncé dans le budget, dans le projet de loi budgétaire et dans les modalités de l'acte de fiducie.
[Français]
Le sénateur Chaput : C'est ce que j'avais compris la première fois mais je voulais m'assurer que j'avais bien compris la réponse que vous aviez donnée à ma collègue. Il n'y a donc pas d'entente signée entre le fédéral et les provinces?
Mme Campbell : Non, il n'y a pas d'ententes signées.
[Traduction]
Le président : Permettez-moi de demander une précision. Nous parlons du Fonds de recrutement de policiers, qui est l'article 136 de la page 122 du projet de loi adopté par la Chambre des communes. Or, on dit au paragraphe 2 de l'article 136 que la somme qui peut être fournie à une province ou à un territoire en vertu de cette disposition sera déterminée conformément aux modalités de l'acte établissant la fiducie.
Si je comprends bien, madame Campbell ou monsieur Potter, vous dites que l'acte de fiducie a été signé et que tout est en place?
Mme Campbell : C'est bien ça.
Le président : Est-ce auprès d'un établissement indépendant...
Mme Campbell : Un établissement financier.
Le président : Sur les 400 millions de dollars sur cinq ans, y a-t-il des frais administratifs qui seront versés à l'établissement fiduciaire?
Mme Campbell : Le ministère des Finances a recours à des appels d'offres compétitifs pour les fonds de fiducie. Cela s'est fait cet hiver et un fiduciaire a été sélectionné. Les honoraires du fiduciaire seront payés par le ministère des Finances. Ils seront payés par le gouvernement et non pas prélevés sur les 400 millions de dollars.
Le président : C'était ce que je voulais savoir. Merci.
On dit clairement au paragraphe 2 de cet article que c'est « en conformité avec les modalités énoncées dans l'acte établissant la fiducie ». Je suppose que vous pourriez nous communiquer cet acte de fiducie?
Mme Campbell : Nous pourrons vous l'envoyer.
Le président : Merci. Cela nous aidera à mieux comprendre comment tout cela va fonctionner.
Si une municipalité recrute un nouvel agent de police avec l'argent de ce fonds, le coût continuera au bout de la cinquième année. Que se passera-t-il alors, ou prévoyez-vous que ces 2 500 nouveaux agents de police de première ligne seront recrutés pendant cinq ans seulement et seront ensuite sans travail?
M. Potter : Ces fonds représentent un investissement fédéral important pour aider les provinces et territoires à faire face à leurs besoins particuliers d'agents de police. Il s'agit de 400 millions de dollars sur cinq ans.
Le président : J'entends bien. Convenez-vous cependant avec moi que les municipalités devront trouver d'autres ressources pour continuer à payer ces agents de police après cette période, sinon elles devront mettre fin à leur emploi?
M. Potter : L'un des avantages de ce mécanisme financier est qu'il permet aux provinces et territoires, selon leurs règles financières et leurs règles de vérification, d'utiliser les fonds pour une période dépassant les cinq ans.
Le président : Pourraient-ils s'en servir à des fins administratives ou pour relever le salaire de leurs agents de police actuels, ou y a-t-il des limites à cet égard?
M. Potter : L'objectif du fonds est de recruter des agents de police supplémentaires. C'est l'objectif de ce financement.
Le président : L'argent ne pourra servir qu'à cela?
M. Potter : Oui.
Le président : Je suppose que tout cela est précisé dans l'acte de fiducie que vous allez nous remettre, ou précise-t-on dans les principes énoncés par le gouvernement qu'il s'agit d'une entente non exécutoire, non signée, entre le gouvernement fédéral et les provinces?
Mme Campbell : L'objectif du gouvernement fédéral concernant la manière dont l'argent doit être utilisé figure dans les principes opérationnels, qui constituent l'énoncé non exécutoire de l'intention fédérale. L'acte de fiducie est un contrat financier entre le gouvernement du Canada et l'établissement financier. C'est le document par lequel le compte de fiducie a été ouvert.
Le président : C'est la possibilité de mettre dans un compte de fiducie l'argent supplémentaire de l'année précédente sur lequel le gouvernement fédéral n'exerce aucun contrôle qui en fait une fiducie et non pas un programme. Le gouvernement fédéral doit se départir de tout contrôle à l'égard de cet argent une fois que la fiducie est créée?
Mme Campbell : C'est exact. Le financement doit être irrévocable. Toutes les conditions doivent être satisfaites au 31 mars pour pouvoir utiliser les fonds de fin d'exercice et pour rendre compte du financement durant l'exercice 2007- 2008. Ça ne serait pas nécessairement converti automatiquement en un programme, dans le cadre du dispositif de subventions et de contributions, par exemple, mais ça serait jugé par le vérificateur général du Canada comme une entorse aux règles d'utilisation des fonds en 2007-2008.
Le président : Merci. Cela nous permet de mieux comprendre.
Le sénateur Ringuette : Vous avez dit au début qu'il y a trois fonds de fiducie dans la partie 8. L'un d'entre eux concerne les agents de police. À quoi serviront les deux autres?
Mme Campbell : Il y a aussi 500 millions de dollars sur deux ans pour des investissements dans les transports publics. Ce fonds a été créé selon le même modèle que le fonds de recrutement d'agents de police au sens où cet engagement a été pris dans le budget de 2008. Les provinces et territoires ont été invités à exprimer publiquement leur désir de participer en indiquant comment elles ont l'intention d'utiliser les fonds. Les 13 juridictions ont fait de telles déclarations avant le 31 mars. Les fonds seront attribués proportionnellement à la population sur cette période de deux ans.
Le troisième fonds concerne 240 millions de dollars pour la Saskatchewan, répartis sur cinq ans, pour un projet de démonstration de capture et d'entreposage du carbone.
Le sénateur Ringuette : Y a-t-il eu un communiqué de presse à ce sujet aussi?
Mme Campbell : Il y a eu des pourparlers avec la Saskatchewan. Il y a un communiqué de presse indiquant comment elle entend utiliser l'argent et comment le projet de démonstration sera réalisé, et engageant la province à partager plus largement les connaissances issues du projet.
Le sénateur Ringuette : Ces trois fonds de fiducie ont été annoncés dans le budget de mars. Quelques semaines avant le budget, un fonds de fiducie de un milliard de dollars avait été créé pour les communautés. Pris ensemble, ces quatre fonds représentent plus de deux milliards de dollars sur les prochaines années, et ils ont tous étés constitués sur la base de communiqués de presse. Il n'y a aucune entente fédérale-provinciale, seulement des communiqués de presse.
À titre de contribuable, je suis inquiète de voir que le gouvernement a pour politique de semer des milliards de dollars sur la base de communiqués de presse. Il n'y a plus de réunions ni d'ententes. Je ne sais pas si vous pouvez répondre à ma question, qui touche une politique fondamentale, mais cette nouvelle manière d'agir est inquiétante car elle ne comporte aucune reddition de comptes. Il y a aucun recours légal pour résoudre les querelles qui pourraient éclater. Il n'y a aucun mécanisme de rapport.
Y a-t-il un mécanisme de demande? Vous dites que l'argent sera distribué proportionnellement à la population pendant cinq ans. Quel est le mécanisme de demande de l'argent de ce fonds de fiducie par les provinces et les territoires?
Mme Campbell : Je ne suis pas sûre de bien comprendre la question. Voulez-vous savoir si les provinces devront présenter des demandes pour avoir accès à l'argent?
Le sénateur Ringuette : Oui.
Mme Campbell : Les dispositions administratives ont été prises avec l'établissement financier et les gouvernements provinciaux. Ces derniers sont tenus informés de l'évolution du projet de loi. C'est la Sanction royale qui déclenchera le paiement. L'argent sera alors déposé dans les comptes de fiducie provinciaux. Ensuite, les provinces pourront avoir accès à l'argent par le truchement du fiduciaire. Elles seront propriétaires de leur compte de fiducie et gèreront l'argent elles-mêmes.
Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris votre question.
Le sénateur Ringuette : Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris votre réponse. J'avais l'impression qu'il y avait un seul fonds de fiducie mais vous semblez dire maintenant qu'il y a des fonds différents pour chaque province et territoire.
Mme Campbell : Il y a des comptes séparés pour chaque province et territoire. C'est juste une méthode comptable pour l'établissement financier. Les fonds sont conservés séparément pour chaque bénéficiaire, mais il s'agit là d'un arrangement administratif mineur.
Le sénateur Ringuette : Comment les demandes seront-elles présentées et qui les évaluera?
Mme Campbell : Les provinces pourront avoir accès à l'argent dès qu'il aura été déposé. Elles devront ensuite rendre compte de son utilisation par le truchement de leurs vérificateurs généraux et de leurs assemblées législatives. Il y aura vérification du fait qu'elles ont reçu l'argent et qu'elles l'ont affecté aux diverses priorités, et de l'efficacité avec laquelle elles l'auront utilisé.
Le sénateur Ringuette : Vérification comment? Par communiqué de presse?
Mme Campbell : Elles seront jugées par rapport à ces déclarations publiques.
Le sénateur Ringuette : Le versement et l'utilisation de l'argent sont fondés sur la politique et sur le mécanisme établi aux fins de la vérification. Il n'y a pas d'entente-cadre. Il n'y a pas d'entente fédérale-provinciale. Il y a seulement un communiqué de presse, ce qui veut dire que les vérificateurs provinciaux et territoriaux devront faire leurs vérifications sur la base d'un communiqué de presse.
Mme Campbell : Il y aura une vérification de la manière dont les provinces et territoires ont respecté leurs déclarations publiques, et ils étofferont ces déclarations publiques dans leurs propres budgets, dans leurs propres plans ministériels et dans la manière dont ils dépensent l'argent.
[Français]
Le sénateur Chaput : J'aurais une question supplémentaire au sujet du fonds de recrutement des policiers. L'article 136 du projet de loi parle de 2 500 policiers de première ligne supplémentaires sur cinq ans, donc 500 par année, répartis entre les provinces et territoires.
Qu'arrive-t-il si une province a un besoin plus grand que le nombre qui lui est alloué? Est-ce que c'est réparti également ou est-ce réparti en fonction du nombre d'habitants? Vous avez ciblé 2 500 policiers.
[Traduction]
M. Potter : L'objectif général est de recruter 2 500 agents de police supplémentaires au cours des cinq prochaines années et ce financement est destiné à aider les provinces et territoires à l'atteindre.
Le sénateur Chaput : C'est 2 500 pour l'ensemble des provinces et territoires?
M. Potter : C'est exact.
Le sénateur Chaput : Ils décideront donc du nombre d'agents de police qu'ils recruteront en fonction de l'argent que vous leur donnez?
M. Potter : Avant de créer ce fonds de fiducie, nous avons longuement consulté les provinces et territoires sur la meilleure méthode, ainsi que diverses parties concernées comme les associations de la police. Comme les provinces et territoires assument la responsabilité des services de police et de l'administration de la justice, et comme leurs priorités et leurs besoins en matière de sécurité publique sont variables, ce modèle de fonds de fiducie a été jugé le plus adéquat pour tenir compte de ces variations. Plusieurs juridictions ont déjà pris des mesures pour recruter des agents de police supplémentaires en fonction de leurs propres priorités. Ainsi, pour l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique, nous avons voulu respecter leur désir de mettre l'accent sur certaines priorités, ce que permet le mécanisme du fonds de fiducie.
Le sénateur Chaput : Prenons un exemple. Je viens du Manitoba. Si je veux m'assurer que mon gouvernement provincial engage un certain nombre d'agents de police, comment pourrais-je faire puisque le gouvernement fédéral n'a pas signé d'entente avec ma province?
M. Potter : Permettez-moi de préciser les remarques de ma collègue, Mme Campbell. Deux choses se sont passées immédiatement après le budget. La première est que le ministre Day a écrit à tous ses homologues provinciaux et territoriaux pour leur exposer l'objectif visé par le gouvernement avec le fonds de fiducie, c'est-à-dire le recrutement de 2 500 agents de police supplémentaires. Dans cette lettre, il leur a également demandé de lui répondre par écrit pour lui dire s'ils voulaient participer à cette initiative et, dans l'affirmative, qu'ils avaient l'intention de respecter les objectifs du fonds. Les provinces et territoires ont tous répondu trois ou quatre semaines après le budget pour exprimer leur intention de participer.
La deuxième chose qui est arrivée est qu'on leur a demandé de prendre publiquement l'engagement, par un communiqué de presse, qu'ils atteindraient les objectifs de cette initiative. Comme nous l'avons dit, ils seront ensuite tenus de rendre compte devant leurs populations respectives des résultats atteints à cet égard.
Le sénateur Chaput : Il y a eu un échange de lettres entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux, et il y aura ensuite une communication publique quand ils auront reçu l'argent?
M. Potter : Non, la communication publique a déjà été faite. Ils ont communiqué publiquement leur intention avant la fin de l'exercice budgétaire.
Le sénateur Di Nino : Il me semble y avoir un léger malentendu au sujet de ce programme. Je crois comprendre que mes collègues, et je dois admettre que c'est aussi mon cas, pensent probablement que cet argent est destiné à engager 2 500 nouveaux agents de police dans tout le pays. Je crois vous avoir entendu dire à deux ou trois reprises qu'il s'agit d'aider les provinces et, en réalité, les municipalités. Si je ne me trompe, ces sommes pourraient être très facilement versées dans les budgets généraux des municipalités ou des provinces et déboucher en fait sur le recrutement de plus de 2 500 agents si c'est ce que souhaitent les provinces. Ai-je raison?
M. Potter : Oui, vous avez raison.
Le sénateur Di Nino : On ne doit pas considérer que cet argent sert à recruter 2 500 personnes. On doit considérer que c'est une somme fournie par le gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires qui ont exprimé le désir, et je crois comprendre que tous l'ont fait, de pouvoir augmenter le nombre d'agents de police que nous avons dans le pays, avec l'objectif d'augmenter ce nombre d'au moins 2 500, et ce pourrait être beaucoup plus. Si je comprends bien votre réponse, le programme est assez souple pour pouvoir être prorogé au-delà des cinq ans si une province le souhaite, n'est-ce pas?
M. Potter : Au sujet de votre première remarque, l'objectif général de l'initiative est d'engager des agents de police supplémentaires de première ligne, dans le but de rehausser la sécurité publique. Au sujet de votre question, ce seront les ministres et les gouvernements futurs qui décideront.
Le sénateur Di Nino : N'avez-vous pas dit que l'argent pourrait être dépensé pendant une période plus longue que cinq ans et qu'il y a une certaine souplesse?
M. Potter : Dans cinq ans, l'argent devra être retiré du fonds de fiducie que le gouvernement fédéral a établi. Les provinces et territoires auront alors la souplesse, dans leurs champs de compétence et selon leurs règles comptables et de vérification financière, de dépenser l'argent comme elles sont autorisées à le faire.
Le sénateur Di Nino : Merci de cette précision.
En voici une autre. Dans le projet de loi actuel, on dit au paragraphe 136(1) en anglais qu'il s'agit d'appuyer le recrutement. C'est l'expression employée. On ne dit pas pour engager mais pour appuyer le recrutement.
Le sénateur Murray : Pour résumer, madame Kane, parce que je veux m'assurer que je comprends bien la partie 6, la disposition qui ne vous convient pas, quand elle est conjuguée au paragraphe 3, c'est le paragraphe 87.3(2)? Voici ce que dit ce paragraphe 87.3(2) :
Le traitement des demandes se fait de la manière qui, selon le ministre, est la plus susceptible d'aider l'atteinte des objectifs fixés pour l'immigration par le gouvernement fédéral.
Mme Kane : C'est un aspect, mais il faut conjuguer cette disposition au paragraphe 5 qui dit ceci :
Le fait de retenir ou de retourner une demande ou d'en disposer ne constitue pas un refus de délivrer les visas ou autres documents, d'octroyer le statut ou de lever tout ou partie des critères et obligations applicables.
Comme cela ne constitue pas une décision, il n'y a pas de mécanisme judiciaire permettant de la faire réviser. Si vous avez une demande dans la liste d'attente et que la ministre de l'Immigration décide de la conserver, peut-être pour un examen futur, ou d'en disposer...
Le sénateur Murray : Il n'y a pas de recours judiciaire.
Mme Kane : En tant que candidat à l'immigration, vous avez formulé une demande, vous avez versé les droits exigés, vous avez consacré du temps et des efforts pour présenter cette demande et la ministre aura le pouvoir discrétionnaire d'en disposer à sa guise. Quand elle exercera ce pouvoir discrétionnaire de disposer de votre demande, elle n'aura pas rendu une décision ouvrant droit à un recours judiciaire.
Le sénateur Murray : L'objectif fondamental du paragraphe 5 est d'empêcher un recours judiciaire.
Mme Kane : Je ne sais pas s'il s'agit de l'empêcher mais, si ce n'est pas une décision, il n'y a pas de recours car il ne pourrait y avoir de recours judiciaire que si c'était une décision.
Le sénateur Murray : Quel autre objectif le paragraphe 5 pourrait-il bien avoir si ce n'est d'éliminer toute possibilité de recours judiciaire? La demande peut être conservée, renvoyée ou faire l'objet d'une disposition mais cela ne constituera pas une décision.
Mme Kane : Non, et quand vous avez eu cette demande dans la liste d'attente...
Le sénateur Murray : Quel pourrait bien être l'objectif de ce paragraphe si ce n'est d'éliminer toute possibilité de recours judiciaire?
Mme Kane : Je ne peux pas faire d'autre commentaire si ce n'est de dire que...
Le sénateur Murray : Je vous en prie, vous représentez l'Association du Barreau canadien. Aidez-moi.
Mme Kane : Ils disent qu'ils veulent disposer de la demande pour éponger l'arriéré. S'il y a 925 000 demandes dans la liste d'attente et qu'ils peuvent mettre la vôtre dans la déchiqueteuse, ils en auront disposé sans devoir en rendre compte.
Le sénateur Murray : Ce n'est pas une décision.
Mme Kane : Ce n'est pas une décision. Ils pourraient vous renvoyer votre demande en disant : « Voici votre argent. Désolé, pas cette fois. »
Le sénateur Stratton : La personne est peut-être décédée. Elle a peut-être déménagé dans un autre pays et ne pense plus à sa demande parce qu'elle l'avait déposée il y a cinq ans. Elle est sans doute partie en Australie.
Le sénateur Murray : On parle du 27 février. Revenons au paragraphe 3, madame Kane, car je veux que ce soit clair. Dans le contexte du paragraphe 2, c'est celui qui dispose que le traitement des demandes sera effectué d'une manière qui, selon le ministre, permet le mieux d'atteindre les objectifs en matière d'immigration.
Pour ce faire, « le ministre peut donner des instructions sur le traitement des demandes, notamment en précisant [...] a) les catégories de demandes à l'égard desquelles s'appliquent les instructions ».
Ai-je raison de penser que vous n'auriez aucune objection si cela se faisait dans le cadre du pouvoir réglementaire actuel du gouvernement? Selon vous, le gouvernement détient déjà ce pouvoir actuellement?
Mme Kane : Il définit les catégories, ce qu'il fait par voie réglementaire et législative, oui.
Le sénateur Murray : D'accord. « b) l'ordre de traitement des demandes, notamment par catégorie ». Cela peut-il se faire en vertu du pouvoir réglementaire actuel du gouverneur en conseil et auriez-vous une objection quelconque si c'était fait de cette manière?
Mme Kane : À l'heure actuelle, en vertu de la loi, on est obligé de traiter toutes les demandes selon le principe du premier arrivé, premier servi. La seule chose que le gouvernement ne peut pas faire en vertu du cadre législatif et réglementaire actuel, c'est de renvoyer les demandes sans les avoir traitées. C'est la seule chose qu'il ne peut pas faire en vertu de la loi actuelle. Pour ce qui est de fixer l'ordre, il le fait déjà.
Le sénateur Murray : « Notamment par catégorie ».
Mme Kane : Oui, « par catégorie ». Je ne peux pas faire de commentaires sur « notamment ».
Le sénateur Murray : Qui sait ce que ça veut dire? D'après vous, qu'est-ce que ça veut dire?
Mme Kane : Je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet. Quand on parle de catégories, on traite les demandes selon la catégorie familiale, par exemple. Les conjoints et les enfants à charge de citoyens canadiens et de résidents permanents passent avant d'autres catégories, tout comme les candidats provinciaux.
Le sénateur Murray : Ils pourraient changer ces priorités par voie réglementaire?
Mme Kane : Ils le pourraient.
Le sénateur Murray : « c) le nombre de demandes à traiter par an, notamment par catégorie ». Le gouvernement détient ce pouvoir et vous n'auriez aucune objection à ce qu'il l'exerce dans le cadre du processus actuel?
Mme Kane : Le gouvernement fixe déjà le nombre de demandes qu'il veut traiter chaque année, dans ses rapports au Parlement.
Le sénateur Murray : Notamment par catégorie?
Mme Kane : Dans la catégorie globale du nombre d'immigrants qu'il acceptera. En ce qui concerne l'établissement d'un système de quotas, nous n'en avons pas actuellement.
Le sénateur Murray : Vous voulez parler d'un système global de quotas?
Mme Kane : Par catégorie. Je ne connais pas les détails à ce sujet. Je ne peux pas parler des chiffres réels mais, à l'heure actuelle, quiconque dépose une demande peut s'attendre à obtenir une décision à un certain moment. Le problème est que nous avons un arriéré et que ces décisions ne sont donc pas rendues aussi rapidement que nous le voudrions. Toutefois, quiconque formule une demande peut s'attendre à recevoir une décision. Si vous fixez un quota ou un chiffre par catégorie, certaines personnes ne pourront peut-être pas obtenir de décision.
Le sénateur Murray : Jamais. Toutefois, en vertu de la loi actuelle, le gouverneur en conseil détient le pouvoir légal de réglementer comme on l'indique à l'alinéa 3c). C'est ce que vous dites. En vertu de son pouvoir de réglementation actuel, il pourrait fixer le nombre de demandes par catégorie, notamment, devant être traitées durant l'année.
Mme Kane : Il y a un chiffre global. Je ne sais pas si c'est par catégorie, et fixer un nombre de demandes ou autrement n'est pas un concept assez explicite pour que je puisse exprimer un avis.
Le sénateur Murray : Mais c'est par catégorie.
Mme Kane : Il y a des chiffres globaux mais ils ne disent pas qu'ils n'en accepteront que 10 dans la catégorie familiale.
Le sénateur Murray : Mais ils le pourraient.
Mme Kane : Je ne peux rien dire à ce sujet.
Le sénateur Murray : Votre opinion est qu'il détient ce pouvoir.
Mme Kane : Il communique les chiffres annuels au Parlement. Mme Froc peut peut-être vous répondre.
Mme Froc : Je pense que nous disons dans notre mémoire qu'il détient déjà tous les pouvoirs qu'il demande dans ce projet de loi, sauf celui de rejeter des demandes sans les traiter.
Le sénateur Murray : Autrement dit, le paragraphe 5.
Mme Froc : Exactement. C'est ce pouvoir qu'il ne possède pas actuellement que nous contestons.
Le sénateur Murray : Que signifie l'alinéa 3d)? Le ministre peut donner des instructions sur le traitement des demandes, notamment en précisant « d) la disposition des demandes dont celles faites de nouveau ».
Mme Kane : Supposons que vous soyez un travailleur qualifié et que vous ayez présenté une demande à notre consulat de Damas, en Syrie, où les délais sont extrêmement longs. Entre-temps, vous avez été choisi comme candidat provincial par le Manitoba, votre permis de travail a été traité en accéléré et vous vous trouvez maintenant au Manitoba où vous travaillez. Toutefois, vous avez encore cette demande que vous aviez déposée auparavant. Elle est en attente au consulat canadien de Damas mais vous vous trouvez maintenant au Canada avec un permis de travail. Vous n'êtes plus coincé dans cette région du monde où vous étiez obligé de passer par ce bureau. Vous pouvez simplement venir au Canada avec un permis de travail provisoire et présenter une nouvelle demande dans le cadre du programme provincial des candidats. Vous présentez cette demande dans un bureau de visa proche de votre lieu de résidence au Manitoba. Le bureau de visa le plus proche pouvant traiter votre demande se trouve aux États-Unis et vous pourriez donc techniquement y déposer une autre demande. Le gouvernement du Canada dira alors : « Vous avez présenté plusieurs demandes. Nous voulons que vous vous en teniez à une seule. » Il a le pouvoir de disposer de la demande de Damas parce qu'elle ne risque pas d'être traitée avant longtemps. Si vous étiez proactif, vous présenteriez votre demande au titre du programme provincial de candidats dans un consulat aux États-Unis.
Le sénateur Murray : Avez-vous une objection quelconque à formuler au sujet de l'alinéa 3d)?
Mme Kane : Cette disposition est problématique dans la mesure où je crois que le gouvernement essaye peut-être de limiter le nombre de demandes que quelqu'un pourrait utiliser dans la catégorie humanitaire parce que l'article 25 limite les demandes pour raisons humanitaires à celles déposées au Canada et qu'il n'est pas tenu de rendre une décision sur les demandes déposées pour raisons humanitaires à l'étranger. Son objectif est peut-être de s'assurer qu'on n'essaye pas de déposer plusieurs demandes pour tenter de contourner les instructions.
Le sénateur Murray : Vous êtes membre exécutif de la Section de l'immigration et de la citoyenneté. Est-ce une section de l'Association du Barreau canadien?
Mme Kane : Oui.
Le sénateur Murray : Qu'est-ce que c'est? Je ne pourrais pas être membre de votre association, contrairement à d'autres membres du comité, mais comment fonctionne cette section? Est-ce qu'elle regroupe uniquement des avocats spécialisés en droit de l'immigration et de la citoyenneté?
Mme Froc : C'est bien cela. Il y a à l'Association du Barreau canadien divers regroupements par discipline juridique. Par exemple, la Section de la citoyenneté et de l'immigration regroupe les avocats exerçant dans ce domaine. Je crois qu'il y en a 1 100 dans tout le pays. C'est un processus démocratique. Ce groupe d'avocats élit un exécutif dont les membres sont les dirigeants de cette section et sont aussi les auteurs du mémoire qui vous a été remis aujourd'hui.
Le sénateur Murray : Les politiques, dans la mesure où il y en a, sont-elles décidées par cette section ou par l'ensemble de l'ABC lors de son congrès annuel?
Mme Froc : Correct. Il y a deux processus. Certaines résolutions sont adoptées par vote du conseil, et bon nombre de nos mémoires sont fondés sur cette politique, laquelle se retrouve d'ailleurs en partie dans le mémoire d'aujourd'hui.
En ce qui concerne ce mémoire, il a été adopté par un vote de la section mais l'Association du Barreau canadien dans son ensemble l'avait approuvé comme énoncé de la section.
Le sénateur Murray : À part surveiller les divers projets législatifs dans ce domaine, l'Association du Barreau canadien fait-elle quoi que ce soit de plus longue durée sur le droit de l'immigration? D'aucuns disent qu'il faut repenser complètement cette législation. Avez-vous entrepris une étude à long terme ou approfondie à ce sujet?
Mme Froc : Oui. L'Association du Barreau canadien produit de temps à autre des rapports et je pense qu'elle en a publié un sur le droit de l'immigration, mais il n'est pas très récent. Notre dernière analyse approfondie de la législation sur l'immigration remonte probablement à l'époque du dépôt de la LIPR en 2001. Toutefois, comme vous dites, la section estime qu'il convient de refondre la législation sur l'immigration, ce que confirme l'existence de l'arriéré.
Le sénateur Murray : Avez-vous lu l'article de Tom Kent dans le Globe and Mail du 26 avril? Vous savez qui c'est? C'est un immigrant qui est devenu, entre autres choses, sous-ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Il est maintenant à la retraite. Le titre de son article disait ceci : « Des citoyens avec des devoirs. Le Canada n'est pas un hôtel. S'ils ne sont pas prêts à s'engager envers une citoyenneté ayant un sens concret, les immigrants devraient aller ailleurs. »
Comme on peut s'y attendre, c'était un article mûrement réfléchi. L'avez-vous vu?
Mme Froc : Je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet. Je pense avoir vu le titre mais, malheureusement, je n'ai pas eu la possibilité de lire l'article.
Le sénateur Murray : Il soulève des questions plus larges, plus profondes et à plus longue échéance sur lesquelles on aimerait voir le Barreau canadien et d'autres se pencher car il ne semble pas y avoir beaucoup de volonté politique pour résoudre les problèmes de grande ampleur que nous connaissons.
Le président : Je voudrais une précision, madame Kane. Vous avez abordé les divers alinéas de l'article 87.3 de la loi, à la page 96, avec le sénateur Murray. Le titre de cet article, qui regroupe tous ces alinéas, dit que « le ministre peut donner des instructions ». Le sénateur Murray disait, au sujet de chacun de ces alinéas, que le ministre détient déjà ce pouvoir de réglementation en vertu de la loi actuelle.
Cela fait ressortir l'argument de la page 3 de votre lettre du 30 avril. Avec la réglementation et le pouvoir de réglementation, il y a publication préalable dans la Gazette du Canada, ce qui permet à tout le monde de voir ce que le ministre propose. Des changements peuvent être apportés. Ai-je raison?
Mme Kane : Faire des commentaires, donner un avis fondé sur l'expérience. Essentiellement, informer le public et lui donner l'occasion d'exprimer son opinion, au lieu que ce soit une décision unilatérale du ministre disant : « Voici mes instructions ».
Le président : Si je comprends bien le processus réglementaire, la version finale d'un règlement doit être publiée pour pouvoir entrer en vigueur.
Mme Kane : Exact.
Le président : Voyez-vous au paragraphe 6 l'indication quelconque d'une exigence que les instructions soient publiées pour pouvoir entrer en vigueur?
Mme Kane : Les instructions doivent être publiées.
Le président : Quand? Elles pourraient être publiées après avoir pris effet.
Mme Kane : Les instructions n'ont pas à être publiées à l'avance.
Le président : Elles ne sont pas publiées à l'avance. Il n'y a pas de consultation préalable, pas de possibilité d'intervention, ce qui veut dire qu'un groupe de personnes pourrait présenter des demandes et que le ministre pourrait décider de les exclure. Autrement dit, après réception des demandes, il pourrait publier l'instruction qu'elles soient exclues.
Mme Kane : C'est exact.
Le président : Est-ce la procédure habituelle dans notre système de droit?
Mme Kane : Pas du tout.
Le président : Y a-t-il d'autres questions?
Comme il n'y en a pas, je tiens à vous remercier tous et toutes d'être venus à si court préavis. Vos témoignages au sujet des deux aspects du projet de loi C-50 que nous avons examinés aujourd'hui nous seront utiles dans nos délibérations. Je m'attends à ce que le projet de loi nous soit bientôt renvoyé et nous pourrons alors nous référer à toutes les informations que nous avons déjà recueillies durant cette étude.
Nous serons heureux de vous revoir au sujet d'autres questions.
Nous faisons une pause de deux minutes avant d'aborder le rapport sur l'infrastructure.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.