Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 1 - Témoignages du 11 décembre 2007
OTTAWA, le mardi 11 décembre 2007
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 18 h 19 afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Sujet : OPANO Panel 1.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à tous. Je suis le président du comité et je suis de la province de Terre-Neuve-et-Labrador.
Nous avons ce soir à la table le sénateur Adams, du Nunavut; le sénateur Cowan, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Robichaud, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Watt, du territoire prochainement créé — espérons-nous — du Nunavik; le sénateur Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador; et le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le comité poursuit son étude de la convention de l'OPANO. Nous nous étions penchés sur elle il y a quelque temps, avant les révisions, avant la conférence de Lisbonne, et nous voulions y revenir après Lisbonne pour voir quelles sont les nouveautés ajoutées.
Nous recevons ce soir deux groupes de témoins. Le premier panel se compose de Scott Parsons, Bob Applebaum et Earl Wiseman, qui sont d'anciens hauts fonctionnaires du MPO, qui ont une longue expérience de la question et qui ont déjà comparu à plusieurs reprises comme témoins à ce comité.
Plus tard dans la soirée, nous entendrons David Bevan, sous-ministre adjoint de la gestion des pêches et de l'aquaculture du ministère des Pêches et Océans, ainsi que Sylvie Lapointe, chef des relations internationales au ministère.
Nous souhaitons la bienvenue à tout le monde ce soir.
J'aimerais dire à ceux qui nous suivent à la télévision que, s'ils ont besoin de copies des documents que nous utilisons ce soir, ils peuvent contacter la greffière du comité dont le nom apparaît au bas de l'écran. Elle se fera un plaisir de vous faire parvenir les documents concernant cette réunion.
J'aimerais maintenant commencer avec nos travaux. Nous allons entendre trois exposés. Le premier est de M. Parsons, qui sera suivi de M. Applebaum et de M. Wiseman.
Avant d'inviter M. Parsons à nous présenter son exposé, il me reste à faire une mise au point. M. Parsons a apporté quelques changements à son exposé et nous n'avons pas pu en obtenir la traduction française. Cependant, nous avons la traduction française de son texte antérieur.
Il se pose donc la question suivante : les membres du comité aimeraient-ils que je fasse distribuer la traduction française de son texte antérieur, ou bien préférez-vous écouter l'interprétation simultanée pendant qu'il en fera lecture?
Comment les membres du comité souhaitent-ils procéder? Nous pouvons vous remettre le texte anglais de sa nouvelle déclaration. Cela vous convient-il?
Le sénateur Robichaud : Pourquoi me regardez-vous?
Le président : Je vous regarde parce que je me tourne toujours vers vous pour bénéficier de votre sagesse et de vos conseils.
Nous allons distribuer la version la plus récente de la déclaration de M. Parsons en anglais seulement. Nous la ferons traduire dans les meilleurs délais.
M. Parsons est originaire de Lumsden, sur la baie de Bonavista. La mer et les poissons ne lui sont pas étrangers. Chacune de ces trois témoins nous a apporté un concours précieux au fil des ans.
Monsieur Parsons, vous avez la parole.
Scott Parsons, à titre personnel : Bonsoir, sénateurs. Mes collègues et moi souhaitons vous remercier de cette invitation à vous faire part de nos vues concernant les modifications projetées à la convention qui régit l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, mieux connue sous le nom d'OPANO.
Comme l'a dit le sénateur Rompkey, dès avant la fin de la réunion de Lisbonne en septembre de cette année, des préoccupations étaient exprimées au sujet des changements proposés. Nos propos ce soir traiteront des modifications adoptées à Lisbonne et qui ont maintenant été envoyées aux gouvernements membres pour ratification.
Au cours des derniers mois, les trois d'entre nous présents ici, plus un autre collègue, M. William Rowat — un ancien sous-ministre au ministère des Pêches et des Océans qui n'a malheureusement pas pu venir ce soir — ont attiré l'attention du public sur des éléments nouveaux qui risquent de porter atteinte à la souveraineté canadienne et de nuire aux efforts de conservation des stocks de poissons au large de la côte est du Canada. C'est là le résultat de négociations intervenues entre le Canada et les autres pays en vue de la révision de cette convention internationale qui a donné naissance à l'OPANO, il y a 30 ans.
L'OPANO a été mise sur pied peu après l'élargissement pour tenter de contrôler la pêche étrangère en dehors de la nouvelle zone canadienne des 200 milles. Malheureusement, au cours des années qui ont suivi, les pêcheurs étrangers ont presque entièrement épuisé les stocks transfrontaliers et chevauchants, bien qu'il subsiste encore une pêche restreinte de certains de ces stocks.
Cela fait déjà quelque temps que la réforme de l'OPANO est sur le tapis. Au cours de la dernière élection fédérale, en 2006, le Parti conservateur, particulièrement le ministre des Pêches et des Océans actuel, M. Loyola Hearn, a promis une forme de juridiction étendue afin de régler le problème de la surpêche étrangère au-delà de la zone canadienne. Plus précisément, le gouvernement actuel — le Parti conservateur — a promis dans sa plate-forme électorale « de prolonger la limite des 200 milles jusqu'au bord du plateau continental, pour englober le nez et la queue du Grand banc, ainsi que le Bonnet Flamand dans l'Atlantique Nord et d'être prêt à exercer la gestion de conservation canadienne sur cette zone.
Rétrospectivement, il apparaît que le gouvernement, au moment de faire cette promesse, n'avait pas pleinement conscience des difficultés en droit international de faire cela, car c'était une promesse audacieuse. Quoi qu'il en soit, une fois au pouvoir, le gouvernement a changé de direction et décidé plutôt d'adhérer à une initiative appelée réforme de l'OPANO.
Au départ, cette réforme était censée renforcer l'organisation de façon à lui permettre de remplir ses objectifs initiaux. Cependant, les négociations ultérieures ont conduit à une proposition de modification de la convention qui, à notre sens, loin de renforcer l'OPANO, va au contraire affaiblir considérablement une organisation déjà faible et inefficace. L'intérêt du Canada a été bradé afin d'obtenir un accord permettant de prétendre que l'OPANO a été « réparée ». À notre avis, l'OPANO est loin d'être réparée.
Dans l'intervalle, l'Union européenne a mis à profit ces négociations pour affaiblir la convention dans le sens de ses intérêts propres. Néanmoins, l'OPANO, à la réunion de Lisbonne en septembre dernier, a adopté un projet de nouvelle convention qui est maintenant soumis à l'approbation et à la ratification des gouvernements membres de l'OPANO. Cette nouvelle convention, si le gouvernement canadien la laisse prendre effet, marquera un recul majeur pour le Canada lorsqu'il s'agit de protéger sa souveraineté et de conserver les ressources dans l'Atlantique Nord-Ouest.
Nous quatre, hauts fonctionnaires à la retraite, avons fait de notre mieux pour informer plus tôt le Sénat. Nous avons tenté d'informer l'honorable ministre des Pêches et des Océans, M. Hearn, et d'autres, et notamment d'alerter le grand public, au sujet des principaux problèmes pour le Canada que présentaient les premières versions de la nouvelle convention.
À notre sens, pour renforcer l'OPANO, il aurait fallu faire deux choses. La première était d'incorporer un dispositif d'application efficace, ne dépendant pas entièrement de la bonne volonté de l'état du pavillon, pour assurer l'immobilisation des navires qui enfreignaient les règles de conservation de l'OPANO. L'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons de 1995 offre un modèle d'un tel dispositif, bien que lui aussi soit imparfait. La deuxième chose aurait été la suppression de la procédure d'objection qui permet aujourd'hui à tout membre de l'OPANO d'ignorer les décisions de l'organisation.
Une solution de remplacement aurait été l'inclusion d'une procédure de type judiciaire au moyen de laquelle toute objection déraisonnable aurait pu être invalidée précocement au cours de la campagne de pêche. Cela aurait également permis un règlement rapide et contraignant des autres différends, notamment de ceux survenant après le dépôt d'une objection.
Malheureusement, le projet de modification de la convention de l'OPANO ne fait ni l'un ni l'autre. Il n'établit pas des mécanismes d'application efficaces et ne prévoit qu'un système d'examen non contraignant qui ne permet pas d'infirmer une objection si la partie objectante s'y refuse. Pour le contrôle d'application, il s'en remet à une série de mesures indépendantes de la convention que tout État de pavillon peut ignorer ou que tout État membre peut modifier à sa guise.
En revanche, les négociations ont amené des modifications qui affaibliraient sensiblement l'OPANO. Ces éléments nuiraient aux intérêts canadiens et à la faculté du Canada d'obtenir, au sein de l'organisation, des décisions visant à promouvoir la conservation et autorisant une exécution efficace de ces décisions.
Il est triste de constater à quel point ces modifications sont loin de la promesse de prolonger la limite des 200 milles et d'étendre la gestion canadienne sur le nez et la queue du Grand banc et sur le Bonnet flamand.
Une de ces modifications consiste à changer la règle de la majorité au sein de l'OPANO, qui était auparavant la majorité simple et qui devient maintenant une majorité des deux tiers. Il deviendra ainsi encore plus difficile pour le Canada d'obtenir des décisions de conservation rigoureuses.
Le ministre, en dépit des supplications, a carrément refusé de protéger le système de la majorité simple, avec pour résultat que la règle de majorité des deux tiers est maintenant inscrite dans le projet de nouvelle convention. C'est ce que le ministre qualifie de « prise de décisions améliorée », affirmant que cela allait protéger dans une certaine mesure les pourcentages d'allocation actuels du Canada. Ce sera peut-être le cas à court terme, mais il semble que, en fin de compte, on ait jugé acceptable le coût sur le plan de la conservation afin d'améliorer la perspective de maintenir nos parts de quotas. Ces pourcentages ne vaudront pas grand-chose à long terme si, effectivement, les stocks ne sont pas conservés et maintenus.
Le Canada aurait pu exiger les deux : il aurait pu exiger un système des deux tiers pour protéger les parts de quota existantes et un système de majorité simple pour promouvoir la conservation. Malheureusement, cela n'a pas été fait.
Un autre problème majeur de la convention révisée est une disposition qui permettrait à l'OPANO, si le Canada le demandait, d'empiéter sur la souveraineté canadienne en établissant des règles de prise et de contingentement, y compris des quotas étrangers et des règles d'application à l'intérieur des eaux canadiennes et jusque dans le golfe du Saint-Laurent.
L'examen de la convention actuelle de l'OPANO fait apparaître qu'une telle ingérence dans la gestion des eaux canadiennes n'est possible en aucun cas. Lorsque des inquiétudes concernant ce type de disposition dans une version antérieure ont été rendues publiques, le ministre Hearn a semblé affirmer qu'il n'accepterait aucune disposition de cette sorte. Il a dit :
Le Canada n'acceptera qu'une convention de l'OPANO établissant clairement que le pouvoir réglementaire de l'OPANO se limite à la haute mer.
Dans les communiqués de presse après la réunion de Lisbonne, le ministre Hearn a affirmé ne pas avoir cédé sur ce point, mais la réalité est qu'il l'a fait.
La version antérieure permettait à l'OPANO d'intervenir dans les eaux canadiennes « par consensus », et cela est maintenant devenu « à la demande du Canada ». La différence est mineure et ne change pas l'effet fondamental, qui est d'ouvrir la porte à la gestion internationale à l'intérieur de la zone des 200 milles. Il n'existe aucun pendant qui permette une gestion canadienne à l'extérieur des 200 milles. Comme je l'ai mentionné plus tôt, au cours de la dernière campagne électorale, le ministre Hearn avait déclaré que c'était là l'objectif suprême. À la place, pour une raison qui nous échappe, le ministre Hearn a ouvert la porte à des incursions dans la sphère de souveraineté canadienne.
Étonnamment, le nouveau texte autorise un empiétement beaucoup plus grand sur la souveraineté canadienne que la version antérieure. Mon collègue précisera ce point. Cette nouvelle idée d'autoriser l'OPANO à intervenir de quelque manière que ce soit à l'intérieur des 200 milles n'a clairement jamais eu pour raison d'être de renforcer la convention de l'OPANO. Comment cela se pourrait-il? Cela a été mis sur la table par d'autres parties dans le courant des négociations, et le Canada s'est incliné et l'accepté.
Depuis la création de la zone des 200 milles, le Canada a toujours exercé le plein contrôle sur sa zone afin de protéger les stocks de poissons, sans aucune intervention internationale. Du point de vue canadien, il n'existe aucun besoin concevable, et il n'en existera jamais, de demander à l'OPANO d'appliquer ses règles de gestion et de contrôle à l'intérieur de la zone canadienne des 200 milles. Dans ces conditions, pourquoi cette disposition dans la nouvelle convention proposée?
Alors que la nouvelle convention contient certes quelques améliorations par rapport à l'ancienne, dont la plupart de nature administrative, elle présente d'autres vices — par exemple, l'absence de systèmes de sanction plus sévères et l'introduction d'une procédure de règlement des différends très faible et inefficace — et la procédure d'opposition demeure.
La nouvelle convention de l'OPANO ne prévoit rien pour remplacer le système de contrôle actuel qui dépend entièrement de la volonté des États membres d'empêcher les navires de violer les règles de conservation. Une nouvelle convention OPANO devrait, à tout le moins, comprendre les dispositions d'application de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons de 1995, l'ANUP. Le Canada s'est battu pour ces dispositions sous différents gouvernements de différentes couleurs politiques, une lutte entamée par John Crosbie et achevée par Brian Tobin. Aujourd'hui, la convention de l'OPANO ignore ces mesures ou ne les reprend tout simplement pas.
En outre, les dispositions d'arbitrage prévues dans la nouvelle convention proposée ne peuvent pas produire de décisions contraignantes interdisant légalement la surpêche de la part des membres de l'OPANO. Si nous voulons progresser, une nouvelle convention devrait manifestement contenir de telles dispositions.
En résumé, les atteintes à la souveraineté canadienne et aux efforts de conservation du Canada représentent, à nos yeux, les plus grandes menaces de la nouvelle convention proposée.
Le ministre Hearn a déclaré que, grâce à ses efforts, « le Canada est maintenant le gardien de la ressource halieutique ». Lorsque nous avons lu cela, nous nous sommes gratté la tête, totalement perplexes. Sur quoi se fonde-t-il pour lancer une telle affirmation? Nous avons examiné au peigne fin la convention proposée. Nous n'avons trouvé aucune disposition qui puisse étayer le moindrement cette affirmation ou établisse l'existence d'une gestion de conservation par le Canada; pourtant, il prétend que tel est le cas.
De fait, si le Canada veut se considérer comme le gardien de la ressource, la nouvelle convention proposée va dans le sens exactement contraire. Elle affaiblira la faculté du Canada de promouvoir la conservation et elle ouvre la porte à la gestion internationale des eaux canadiennes.
La convention modifiée va à l'encontre des engagements pris par le gouvernement au cours de la campagne électorale de 2006. En outre, si elle est ratifiée et adoptée par les pays membres, elle liera les mains du Canada pendant des décennies. Il a fallu attendre 25 ans une modification de la convention actuelle. À supposer que la nouvelle prenne effet, il ne sera pas facile de la changer dans les années qui viennent.
À certains égards, le Canada se porterait mieux si l'on gardait l'organisation inefficace actuelle au lieu que la convention modifiée soit ratifiée et prenne effet.
Sénateurs, il n'est pas encore trop tard pour réparer les dégâts, mais l'heure avance vite. Le gouvernement a encore la possibilité de ratifier la nouvelle convention proposée. Le gouvernement a le choix, il peut refuser de le faire et ainsi enrayer la prise d'effet. D'ailleurs, dans le discours du Trône de 2006, le très honorable Stephen Harper, premier ministre, a promis de soumettre au Parlement tout nouveau traité majeur comportant d'importantes répercussions. Nous pensons que cela devrait être fait en l'occurrence.
Honorables sénateurs, nous vous appelons ce soir à exhorter le gouvernement de stopper ce processus avant qu'il soit trop tard. Les conséquences pourraient être tragiques.
Bob Applebaum, à titre personnel : Monsieur le président, honorables sénateurs, la première convention de l'OPANO, qui est toujours en vigueur, a été conçue par le Canada, et par le Canada seul, après la création en droit international de la zone économique exclusive des 200 milles. Je souligne le mot « exclusive », tant il signifie que l'État côtier était la seule autorité de gestion dans sa zone de 200 milles.
La coopération internationale étant nécessaire pour gérer la pêche à l'extérieur de la zone des 200 milles et ainsi protéger les stocks chevauchants contre la surpêche étrangère en haute mer, le Canada a amorcé les négociations qui ont mené à la première convention de l'OPANO, qui est toujours en vigueur. Le Canada a élaboré la première version, qui reflétait ses intérêts et ses objectifs, et a dirigé le processus de négociation de manière à ce que le produit final ressemble beaucoup à ce qu'il avait proposé au départ.
L'un des principaux piliers de la convention de l'OPANO, sans doute le plus important — qui n'a été contesté par aucun pays à l'époque et jusqu'il y a environ deux ans — veut que la gestion des pêches par l'OPANO, dans l'optique de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ou UNCLOS, ne s'applique qu'à l'extérieur de la zone des 200 milles. Avec la création de cette dernière, la gestion internationale dans les eaux situées à l'intérieur des 200 milles devait être éliminée une fois pour toutes. Il n'existait aucune nécessité pour l'OPANO de gérer la pêche à l'intérieur de la zone des 200 milles. Avec son droit souverain sur cette zone, le Canada pourrait, à lui seul, prendre toutes les mesures requises pour gérer la pêche à l'intérieur de cette zone. Le Canada peut, à l'intérieur de cette zone, faire tout ce que l'OPANO fait à l'extérieur de la zone de 200 milles et même beaucoup plus.
L'importance de restreindre les négociations de l'OPANO aux eaux à l'extérieur de la zone des 200 milles, sans possibilité d'échanges entre les deux zones, était implicite dans cette structure de l'organisation, qui ne prévoyait aucune gestion des pêches par l'OPANO à l'intérieur des 200 milles. Ainsi, il n'y avait aucune possibilité de compliquer les négociations avec des questions s'appliquant à l'intérieur de la zone des 200 milles, car cela aurait inévitablement affaibli la position de négociation du Canada et se serait traduit par des compromis qui auraient affaibli les décisions de conservation de l'OPANO.
Cela nous amène au nouveau texte de la convention de l'OPANO, qui donne effet censément à l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons de 1995, l'ANUP. Le paragraphe 10 de l'article VI du nouveau texte, une disposition radicalement nouvelle qui ne correspond aucunement à ce que contient l'ANUP et qui n'est pas conforme aux approches de l'ANUP et de l'UNCLOS en matière de gestion des pêches, permettrait à l'OPANO d'exercer son autorité de gestion, voire d'appliquer ses règles, dans les eaux canadiennes jusque dans le golfe du Saint-Laurent, si une délégation canadienne faisait une demande en ce sens à une réunion de l'OPANO.
Cela soulève une série de questions dont mon collègue a déjà fait état. Pourquoi cette disposition radicalement nouvelle a-t-elle été introduite? À quel motif répond-elle? Quel usage l'UE entend-elle en faire, elle qui a insisté pour qu'elle soit ajoutée? Et finalement, pourquoi le Canada demanderait-il jamais l'application des règles de gestion de l'OPANO, et même de ses règles de contrôle, à l'intérieur de la zone de 200 milles, alors que le Canada a déjà le droit de tout faire ce que l'OPANO aurait le droit de faire à l'intérieur de cette zone en vertu de cette disposition, et même davantage?
Une seule conclusion se dégage de tout cela. L'UE, en exigeant cette disposition, ne s'est pas simplement prêtée à un exercice de style. Si la nouvelle convention proposée entre en vigueur, cette disposition sera utilisée. Au fil des ans, le Canada devra faire des concessions à cause de cette disposition. Certaines de ces concessions consisteront en des mesures de conservation plus faibles à l'extérieur de la zone des 200 milles parce que des mesures plus strictes seraient acceptées uniquement si le Canada demandait leur application à l'intérieur de la zone.
Certaines concessions consisteront à accepter que les règles de l'OPANO elles-mêmes s'appliquent à l'intérieur des 200 milles. L'effet d'ensemble sera d'affaiblir la position de négociation du Canada au sein de l'OPANO, de saper la conservation à l'extérieur de la zone des 200 milles et d'entamer progressivement l'autorité exclusive du Canada sur la gestion et le contrôle dans les eaux canadiennes.
Je termine en portant à l'attention des honorables sénateurs l'une des feuilles vertes dans votre documentation, qui reproduit le texte du paragraphe 10, article VI de la nouvelle convention de l'OPANO, ainsi que les paragraphes 8 et 9. Tout tourne autour de ces paragraphes. De l'autre côté de cette page figure le texte dont M. Parsons a fait état, soit l'engagement donné avant la réunion de l'OPANO de Lisbonne que le Canada n'acceptera qu'un texte établissant clairement que l'autorité réglementaire de l'OPANO s'applique uniquement à la haute mer.
Earl Wiseman, à titre personnel : Honorables sénateurs, mes collègues ont parlé de la nouvelle convention de l'OPANO et de la manière dont elle affaiblit effectivement le régime actuel. Si l'OPANO se voit affaiblie par l'adoption de la nouvelle convention proposée, il deviendra encore plus difficile d'obtenir la coopération de l'Union européenne.
Le gouvernement a également pris le parti d'accorder une plus grande confiance aux États membres de l'OPANO, escomptant qu'ils vont effectivement mettre en œuvre la nouvelle convention de manière à en réaliser les objectifs. Une convention affaiblie et une confiance éventuellement déplacée pourraient conduire à des problèmes considérables à l'avenir.
Pour comprendre l'effet de la nouvelle convention sur les lieux de pêche et la probabilité qu'elle parvienne à créer une pêcherie durable, il faut connaître le contexte des accords internationaux en matière de pêche mettant en jeu un partenaire clé de l'OPANO, soit l'Union européenne. L'UE n'est pas un État. Elle ne possède pas la souveraineté ou l'autorité que possède le Canada de remplir ses obligations en vertu de l'OPANO.
Au sein de l'OPANO, l'Union européenne est représentée par la Commission européenne. Cet organe de fonctionnaires désignés exécute les décisions du Conseil des ministres de l'Europe composé de tous les ministres des Pêches des pays membres. Quoi que le Conseil approuve, il appartient aux États membres de l'UE d'appliquer ces mesures. Si la commission supervise, sous réserve de certaines contraintes, les États membres sont souverains chez eux et n'ont pas à répondre à l'OPANO.
La commission a très peu de pouvoir de prendre des mesures décisives pour assurer que les engagements donnés à l'OPANO soient tenus. Il en est ainsi depuis que la Communauté économique européenne est entrée à l'OPANO, et cela n'a pas changé depuis.
Tout juste la semaine dernière, la Cour des comptes européenne a publié un rapport sur la gestion et le contrôle de la pêche dans les eaux de l'UE. Les constats de la Cour reflètent notre expérience des relations avec l'Union européenne sur plus de 25 ans et de nombreuses autres évaluations internes de l'UE, tels que les constats figurant dans un rapport de 1992 du Parlement européen et l'examen de la Politique commune de la pêche en 2002. Hélas, en dépit de tous les bons discours, très peu de choses ont changé dans la réalité. Certes, d'importants changements ont été apportés sur papier. La réglementation de la pêche de l'Union européenne traduit une approche beaucoup plus rationnelle et plus moderne dans maints domaines. Malheureusement, peu de résultats pratiques sont visibles.
La Cour des comptes a constaté que les données de prises sont peu fiables, les inspections d'une efficacité restreinte et les systèmes de suivi des infractions et les dispositifs de sanction souvent inappropriés, ce qui se traduit par un piètre respect des règles. La cour conclut que sans des systèmes de collecte de données adéquats et des dispositifs de contrôle et de sanction, il est impossible d'avoir une politique efficace fondée sur la limitation des prises. Ces déficiences existent non seulement dans les eaux de l'Union européenne, mais aussi dans celles réglementées par l'OPANO.
Même si les mesures de contrôle de l'OPANO fonctionnaient impeccablement et qu'il n'y avait pas de violation de ses règles, la Cour des comptes européenne précise bien que la Commission européenne supervise un système qui génère en soi une surpêche considérable. Les données de capture de l'UE ne sont tout simplement pas assez fiables pour servir à véritablement contrôler ou gérer la pêche.
Pendant des années, le Canada a recueilli des statistiques de prises dans les registres des navires européens inspectés dans la zone réglementaire OPANO et constaté d'importantes erreurs dans les statistiques de prises officielles de l'UE. Le rapport dit aussi clairement que les inspections, le contrôle et les sanctions restent inadéquats. Il est difficile de détecter une violation et, même lorsqu'une procédure de poursuite est engagée, il peut falloir des années avant qu'une sanction ne soit imposée, qui de toute façon sera très minime. Cela est contraire aux obligations que l'UE a souscrites de longue date envers l'OPANO.
Comme Ronald Reagan l'a dit à Mikhaïl Gorbatchev, c'est une chose que de faire confiance à la partie adverse, mais comme le veut le vieil adage russe, la confiance passe par la vérification. La Cour des comptes européenne a de nouveau montré que la Commission européenne ne sait pas vérifier. Pouvons-nous faire confiance à son système?
Tant qu'il n'y aura pas une expression réelle de volonté politique et une action en Europe pour régler ces problèmes, nous continuerons d'éprouver des difficultés dans l'Atlantique Nord-Ouest. Maintenant que l'OPANO a adopté comme mode opératoire dans sa nouvelle convention le système de consensus de l'Union européenne, nous continuerons probablement à voir cette dernière traîner les pieds lorsqu'il s'agira d'accepter des mesures de conservation efficaces. Même lorsque des mesures minimes seront adoptées, comme on a pu le constater dans le passé, l'UE éprouvera de la difficulté à respecter ses obligations. Les propriétaires de la flotte de pêche de l'UE dans la zone réglementée par l'OPANO sont des survivants du système européen. Ils ont appris au fil des générations à contourner ou endiguer les contrôles et les sanctions des États.
Il nous faut renforcer l'OPANO, et non l'affaiblir. Une nouvelle convention de l'OPANO doit infliger des sanctions sévères et effectives aux parties qui ne remplissent pas leurs obligations légales. Le tribunal d'arbitrage prévu dans la nouvelle convention n'accomplira pas grand-chose. L'UE, pendant de nombreuses années, a contourné les dispositifs de contrôle et de sanction existants et a surpêché, excédant ses quotas de plus de 40 p. 100 ces dernières années, tout cela sans même opposer d'objections. Malheureusement, le nouveau tribunal d'arbitrage de l'OPANO, ou mécanisme de règlement des différends, n'a compétence qu'à l'égard des objections contre les décisions de l'OPANO et ne peut trancher les litiges touchant les problèmes de pêche courants en mer.
Rien ne permet de croire que des changements conséquents interviendront bientôt. On nous a fait croire à maintes et maintes reprises depuis le milieu des années 1980, et cela perdure encore, que la Commission européenne comprend les problèmes et va les régler dans les prochaines années. Avec le dernier rapport de la Cour des comptes, nous voyons que très peu de progrès ont été réalisés au cours des 20 dernières années relativement à la pêche de la flotte européenne dans la zone réglementée par l'OPANO. Quelles que soient les congratulations réciproques que l'on s'échange après la négociation d'une nouvelle convention de l'OPANO, nous devons rester très vigilants.
En octobre 2006, j'étais optimiste et croyais que le gouvernement allait s'attaquer aux problèmes majeurs lors de la phase finale de la négociation d'une nouvelle convention. Aujourd'hui, je dois poser la question : est-ce que l'UE peut remplir ses obligations? Existe-t-il un nouveau régime renforcé de gestion dans la zone réglementée par l'OPANO qui puisse réellement tenir les promesses? C'est peu probable. Le gouvernement, au lieu d'exiger les changements véritablement essentiels qui s'imposaient, a affaibli encore davantage le système existant et réduit notre espoir d'une mise en œuvre complète de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons et une pêche véritablement bien gérée et durable dans les eaux de l'OPANO.
Le sénateur Cochrane : Monsieur Parsons, dans la dernière partie de votre exposé, vous avez dit qu'il n'est pas trop tard pour réparer les dégâts, mais que l'horloge tourne vite. Vous avez dit qu'il fallait enrayer le processus avant qu'il ne prenne effet. Quel est le calendrier?
M. Parsons : Le calendrier peut varier. Mon collègue, M. Applebaum, qui est juriste, peut vous expliquer le mécanisme légal de la ratification et le nombre de pays qui doivent ratifier les changements proposés pour que la nouvelle convention prenne pleinement effet. Le but essentiel de notre intervention est d'exhorter le gouvernement canadien à repenser tout le processus. À Lisbonne, les représentants du gouvernement assis à la table de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest ont convenu d'une série de changements proposés. Ces modifications seront distribuées officiellement aux États membres, lesquels doivent ratifier dans les formes l'ensemble des changements proposés.
Dans le cas du Canada, il est arrivé que la ratification soit prononcée par décret — mécanisme très simple se passant en coulisses. Cela se fait du jour au lendemain, sans même que nous soyons au courant. Nous réclamons un débat parlementaire en règle sur la question avant que le gouvernement ne décide de ratifier les changements proposés.
M. Applebaum pourra vous en dire plus sur le calendrier.
M. Applebaum : La nouvelle convention proposée prend la forme d'une modification de la convention OPANO actuelle et de ce fait la formule d'amendement de la convention actuelle s'applique. Cette dernière prévoit que lorsque les trois quarts des membres de l'OPANO ont ratifié la modification de la convention, la nouvelle prendra effet à moins qu'un membre de l'OPANO ne dépose une objection. Si cette objection est déposée, tout s'arrête et la nouvelle convention ne peut prendre effet, quel que soit le nombre des ratifications intervenues.
Par conséquent, pour enrayer ce processus, le gouvernement canadien devra non seulement omettre de ratifier, mais devra aussi déposer une objection pour donner un coup d'arrêt à tout le processus.
Le président : Pourriez-vous nous donner un échéancier ou le délai auquel nous sommes confrontés?
M. Applebaum : Je ne peux vous indiquer de calendrier car il dépend d'un grand nombre de variables. En théorie, le gouvernement canadien pourrait décider de temporiser pendant longtemps, sans rien faire, et se retrouver tout d'un coup avec une nouvelle convention OPANO en vigueur parce que les trois quarts des membres l'auront ratifiée sans que le Canada ait rien fait pour la stopper. Voilà le mieux que je puisse dire.
Le sénateur Cochrane : Lors des négociations à l'OPANO à Lisbonne en septembre, un certain nombre de réformes ont été adoptées. Est-ce que, avec ces nouvelles réformes en place, les intérêts halieutiques du Canada sont protégés? Si non, pourquoi pas?
M. Parsons : À notre sens, avec les changements proposés à Lisbonne, les intérêts canadiens ne sont clairement pas protégés parce que les changements à la convention de l'OPANO sont déficients à plusieurs égards.
Premièrement, il y a l'absence d'un système d'application rigoureux et efficace incorporé dans la convention. Cela n'a pas été fait. Deuxièmement, il n'y a pas de procédure de règlement des différends contraignante. Cela n'a pas été fait.
M. Bevan, lorsqu'il comparaîtra plus tard ce soir, dira sans aucune doute — car je l'ai entendu dire cela à plusieurs reprises — que nous avons maintenant une procédure de règlement des différends alors qu'il n'en existait aucune auparavant. Tout cela est bel et bon, mais si vous lisez le texte de la convention — et M. Applebaum l'a étudié avec grand soin — ce que nous avons en réalité c'est un projet de procédure de règlement des différends non contraignant.
En substance, ce qui a changé, c'est qu'il existe dans le texte une disposition prévoyant la création de comités spéciaux dans certaines circonstances. Autant souffler dans le vent. Ces comités spéciaux n'ont aucun pouvoir de contrainte. Par conséquent, à toutes fins pratiques, nous sommes toujours au même point qu'avant la modification de la convention, à savoir que nous n'avons aucun mécanisme pour imposer un règlement obligatoire.
Je ne vais pas m'attarder là-dessus, cela fait partie des lacunes de la convention. Le risque pour les intérêts canadiens, à notre sens, réside aussi dans les éléments nouveaux ajoutés à la convention, qui sont contraires aux intérêts halieutiques canadiens.
Premièrement, il y a l'atteinte à la souveraineté, que les fonctionnaires ministériels vont encore une fois contester en disant que l'empiétement ne peut se produire qu'à la demande du Canada. Ma question est la suivante : s'il ne va jamais y avoir de demande canadienne, pourquoi donc inscrire cela dans une convention?
Ayant siégé comme chef de la délégation canadienne, par exemple à l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord, à la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique — ou CICTA —, à l'OPANO, et ayant présidé le Conseil international pour l'exploration de la mer, je sais très bien ce qui peut se passer dans les coulisses des négociations internationales. Si le Canada peut très bien ne pas arriver à une réunion avec une demande d'intervention sur la table, il pourrait en sortir avec une demande sur la table à cause de l'entrecroisement de facteurs qui se produit au cours d'une négociation. C'est là un trou béant dans la nouvelle convention, et il importe de le boucher le plus vite possible.
Le sénateur Cochrane : À la fin du mois dernier, j'ai lu dans la presse un article où le ministre Hearn disait qu'un seul incident sérieux de surpêche étrangère s'était produit cette année dans les eaux de l'OPANO. Il disait que jusqu'à ce stade en 2007 — et c'était le 21 novembre — il n'y avait eu que 11 citations pour toute l'année. Cela représentait le plus faible nombre depuis dix ans. À votre avis, quelle est la raison de cette chute du nombre des violations? Est-ce que les règles de l'OPANO sont mieux respectées ou est-ce juste une coïncidence?
M. Wiseman : Je ne connais pas tous les détails, mais les quotas étaient sensiblement plus faibles, ce qui aurait dû conduire à une activité de pêche réduite, à moins de navires dans les zones de pêche et, par conséquent, à moins de violations constatées. Je ne sais pas si cela est le cas.
Il est vrai également que chaque fois que l'on parle de la possibilité de nouvelles sanctions et de nouveaux dispositifs, les parties s'inquiètent un peu et se désistent. Elles ne veulent pas commettre de violations trop graves qui attireraient à coup sûr de nouvelles sanctions ou de nouveaux mécanismes. Cela a pu aussi exercer une influence psychologique sur un certain nombre de pêcheurs.
Au fil du temps, certaines années ont été marquées par un nombre assez réduit de violations graves mais un grand nombre d'infractions mineures. Dans le passé, lorsqu'il y avait des violations graves, les navires étaient ramenés au port, tout comme cela a été fait cette année et comme, il faut l'espérer, cela va être encore fait à l'avenir.
Le sénateur Cowan : Le ministre était censé comparaître devant le comité. Une autre date a-t-elle été retenue?
Le président : Nous n'avons pas programmé d'autres dates. Nous avons invité le ministre à comparaître et avons essayé de nous adapter à son programme. Nous pensions qu'il allait comparaître ce soir et avons convenu de tenir notre séance ce soir pour nous adapter à son calendrier. Cependant, nous avons appris hier que le ministre ne viendrait pas ce soir.
Je n'ai entendu aucune raison de l'annulation et ai conclu simplement qu'il a d'autres obligations.
Le ministre a été invité et, pour ce qui est de l'avenir, c'est une décision qui appartient aux membres du comité. La raison pour laquelle j'ai maintenu la séance de ce soir est que nous approchons de la saison des fêtes. Il nous reste peu de temps avant le congé de Noël. Cependant, nous évaluerons la situation ultérieurement.
Le sénateur Cowan : Je n'entendais pas manquer de respect envers les témoins qui comparaissent ce soir. Il est utile d'entendre leurs avis, mais il m'apparaît — sans anticiper sur ce que M. Bevan dira — que certaines questions doivent être traitées au niveau politique plutôt qu'au niveau administratif.
Monsieur Parsons, vous avez indiqué au début de votre exposé que vous avez attiré publiquement l'attention sur les déficiences que vous voyez dans le projet de convention. Avez-vous eu une réponse du ministre, soit pour épouser soit pour contester vos préoccupations?
M. Parsons : Notre participation à ce processus a commencé avec les audiences du Sénat de l'automne dernier, lorsque deux de mes collègues et M. Rowat sont venus témoigner. À cette époque, ils étaient en contact avec les fonctionnaires du ministère au sujet de la nature des changements qui se profilaient. C'était à un stade très précoce de la négociation.
Dans le courant de l'hiver, il est apparu que certains des changements proposés par les autres parties étaient très néfastes pour les intérêts canadiens. M. Applebaum a rencontré les fonctionnaires du MPO et a attiré leur attention là- dessus. Après quelques temps, il s'est avéré qu'aucun changement n'était apporté en réaction à ces inquiétudes.
Je ne me souviens pas de la date, mais j'ai été personnellement mêlé à cette affaire lorsque M. Applebaum, du haut de sa longue expérience en relations internationales, a adressé, à titre personnel, une lettre au ministre Hearn exprimant ses préoccupations. À ce stade, il ne cherchait pas à attirer l'attention du public ni à créer le moindre remue-ménage. Il voulait simplement exprimer ses préoccupations au ministre à titre privé.
M. Applebaum est un ancien haut fonctionnaire, non partisan, qui ne possède aucun intérêt particulier dans l'issue de ces négociations. Dans toute situation rationnelle — et j'ai servi 13 ministres appartenant à diverses parties au cours de ma carrière — la chose normale à faire dans ces circonstances aurait été que le ministre l'invite à un entretien. Or, jusqu'à ce jour, M. Applebaum n'a même jamais reçu d'accusé de réception de sa lettre au ministre. Il n'a pas reçu de réponse, ce qui dans ma longue expérience du gouvernement est proprement incroyable. Je sais la quantité de lettres qu'un ministre reçoit. Je les ai vues personnellement. J'avais à donner mon aval aux réponses envoyées. Virtuellement tout le monde reçoit une réponse d'une sorte ou d'une autre. Ce n'est peut-être pas la réponse que le correspondant souhaite, mais il reçoit une réponse. À ce jour, M. Applebaum, pour autant que je sache, n'a même pas reçu de réponse écrite du ministre.
À un moment donné, quelqu'un a transmis la lettre de M. Applebaum à une émission de radio de Terre-Neuve traitant de la pêche, Fisheries' Broadcast. M. Applebaum a été invité et a donné une interview dans laquelle il reprenait le contenu de sa lettre et ses inquiétudes. Il s'était passé suffisamment de temps à ce stade pour qu'il soit clair qu'il n'allait pas obtenir de réponse à ses préoccupations. C'est pourquoi, ayant été approché par un journaliste, il en a fait état publiquement.
Plus tard — et je ne sais pas exactement à quel moment — le ministre a pris la parole sur les ondes publiques et a attaqué M. Applebaum. Je ne suis pas sûr des termes qu'il a employés, mais M. Applebaum en a probablement un souvenir très vif. En gros, le ministre discréditait M. Applebaum et balayait ses craintes sans jamais vraiment les réfuter.
Ultérieurement, d'autres membres du groupe que nous avons nommés se sont mis de la partie. Une fois que nous avons vu ce qui se passait, nous avons dit : « Nous ne pouvons pas laisser faire cela. C'est scandaleux. C'est un sujet beaucoup trop grave. Cela va avoir des conséquences extrêmement profondes et lointaines pour le Canada. Nous devons prendre position. Nous devons intervenir. » Nous sommes d'anciens hauts fonctionnaires, jouissant de notre retraite d'une façon ou d'une autre. Nous n'avons jamais pris la parole publiquement sur des sujets politiques depuis notre départ à la retraite, sauf dans ce cas précis, parce que nous nous sentions tenus de laisser de côté nos activités de retraités et d'essayer d'influencer le ministre en prévision des négociations de Lisbonne. Nous ne cherchions pas à changer le monde. Nous cherchions à obtenir une audience du ministre.
J'ai reçu une fois un appel d'un adjoint de M. Bevan. M. Wiseman a reçu un appel et M. Rowat, qui n'est pas là, a reçu un appel. On nous a dit qu'il y aurait un breffage le lendemain sur les propositions concernant l'OPANO. Nous étions prêts à y aller. Au cours de notre conversation avec la jeune femme — et sans que je pose la question — elle m'a dit : « M. Applebaum ne sera pas là. »
Après qu'elle m'ait indiqué l'heure et le lieu, je lui ai demandé de bien vouloir clarifier ce qu'elle venait de me dire au sujet de Bob Applebaum. Elle m'a dit : « La décision ministérielle a été prise que M. Applebaum ne serait pas présent à la réunion. »
Mes collègues et moi avons informé le cabinet de M. Bevan que nous serions ravis d'aller à un breffage, mais pas à un breffage dont serait exclu M. Applebaum, celui qui a mis à jour ce dossier. C'est un exemple de la façon dont d'anciens hauts fonctionnaires, préoccupés seulement d'assurer que ces négociations aboutissent à un résultat favorable pour le Canada, ont été traités en l'occurrence. Plus tard, quelques personnes ont tenté d'organiser un entretien entre certains d'entre nous et le ministre. Le ministre a refusé.
Le sénateur Comeau : Je crois savoir que M. Bevan comparaîtra plus tard ce soir, et nous aurons certainement quelques questions à lui poser.
Monsieur Parsons, vous avez exprimé votre point de vue de manière colorée; nous tâcherons de poser nos questions au ministre avec tout autant d'éloquence.
Premièrement, je veux vous remercier tous de prendre le temps, au cours de votre retraite, de continuer à vous intéresser aux problèmes de la pêche. Je me réjouis de voir que vous n'avez pas oublié le ministère pour lequel vous avez travaillé fidèlement pendant de si nombreuses années. J'apprécie réellement.
Savez-vous si l'industrie rencontre les fonctionnaires qui négocient ces nouvelles conventions?
M. Parsons : Oui, il existe un mécanisme de consultation de l'industrie, par exemple à l'occasion des négociations annuelles et, bien entendu, sur un sujet comme celui-ci.
Le sénateur Comeau : Ces représentants sont-ils invités à participer aux réunions et aux discussions tenues avec les autres pays?
M. Parsons : Oui, certains représentants de l'industrie participent à titre consultatif et se trouvaient, par exemple, à la réunion de Lisbonne.
Le sénateur Comeau : Quelle a été la pratique des gouvernements précédents pour ce qui est de la ratification? Était- elle le fait du gouvernement ou bien faisait-elle l'objet d'un vote du Parlement?
M. Parsons : M. Applebaum rectifiera si je me trompe pour ce qui est des autres accords. Je suppose que le mécanisme varie, selon l'ampleur ou la nature de l'accord concerné. De nombreux accords dans le passé ont été ratifiés par le gouvernement par décret, sans renvoi au Parlement. Cependant, comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, dans le discours du Trône de 2006, l'honorable Stephen Harper, actuellement premier ministre du Canada, s'est engagé à soumettre tous les traités internationaux comportant des répercussions sensibles à un vote du Parlement.
Le sénateur Comeau : Savez-vous qui a demandé le paragraphe 10 de l'article VI? Était-ce l'UE ou le Canada? Et si je puis vous demander de spéculer, pour quelle raison?
M. Parsons : Je laisse à M. Applebaum le soin de répondre à cette question.
M. Applebaum : Nul d'entre nous n'était présent à ces négociations mais, s'agissant de savoir qui a demandé quoi, je crois savoir que l'Union européenne non seulement a demandé mais exigé cette disposition particulière, à savoir le paragraphe 10 de l'article VI et les diverses formes préalables de ce texte.
Le Canada n'avait aucune raison de demander cela. Cela n'aurait pas de sens, et c'est venu de l'Union européenne.
Dans ma déclaration précédente, j'ai essayé d'analyser ces motifs. À bien des égards, c'est une façon de saper la zone des 200 milles. Cela commencé il y a 30 ans, à la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Si les Espagnols et les Portugais avaient pu faire inclure une telle disposition, ils auraient été ravis, mais ils ne pouvaient même pas en rêver car cela n'aurait pas été possible.
Lors de la négociation de l'UNCLOS dans les années 1990, nul n'a seulement murmuré l'idée d'un article comme celui-ci, l'article VI, paragraphe 10, autorisant une gestion internationale à l'intérieur des 200 milles. Cependant, il semble que lors des négociations de l'OPANO, l'Union européenne a perçu une faiblesse du côté canadien et a bondi sur l'occasion. Ils se sont dits : « Nous pouvons faire passer cela maintenant », et ils y sont parvenus.
Le sénateur Adams : Monsieur Parsons, vous avez parlé dans votre mémoire de la souveraineté canadienne. Vous entendez par-là les eaux à l'intérieur de la limite des 200 milles et l'accord de l'OPANO. Il y a 30 ans environ, cette limite des 200 milles a fait l'objet d'un accord. Pouvez-vous expliquer quel pouvoir existait auparavant?
L'UE nous en enlève un peu plus chaque année. Tout cela a commencé avec l'effondrement de la pêche de la morue. Les pêcheurs ont dû s'arrêter de pêcher. Toutes les usines de poisson fermaient, alors que les Européens venaient avec des navires toujours plus gros. Ils pêchent de plus en plus chaque année. Ils pêchent dans les eaux chaudes et pénètrent à l'intérieur de notre zone des 200 milles.
M. Parsons : Je ne pense pas que le président m'autorise à répondre pleinement à votre question vu les contraintes de temps que nous avons ce soir. C'est une longue histoire, qui s'étend sur de nombreuses années, de viol et de pillage de nos ressources. Une partie était le fait de Canadiens, comme nous le savons, mais certainement les pratiques suivies en dehors des 200 milles ont largement contribué à l'effondrement de ces stocks. L'Union européenne, surtout après l'accession de l'Espagne et du Portugal en 1986, a été un acteur majeur de cet effondrement.
Pour ce qui est de la restriction à la souveraineté, nous ne voyons aucune raison logique d'inscrire ce paragraphe dans les modifications de la convention.
La seule explication que j'ai entendue — et je ne la considère même pas comme une explication, mais plutôt comme un prétexte — est que nous avons maintenant une nouvelle convention qui fait état de la gestion des écosystèmes et du principe de précaution, ce qui évidemment ne figurait pas dans la convention OPANO antérieure; et parce que cette convention est plus large — mais la logique m'échappe — d'une façon ou d'une autre cela devrait permettre à l'OPANO, si le Canada le demande, de s'ingérer dans la zone des 200 milles. À mes yeux, cela est totalement farfelu. Je ne sais pas qui a inventé cela.
Le sénateur Adams : Avons-nous le pouvoir de modifier cet accord le moindrement? Y a-t-il là une clause nouvelle pour l'Union européenne?
M. Parsons : Parlez-vous de la clause de souveraineté à l'intérieur des 200 milles?
Le sénateur Adams : Oui.
M. Parsons : Oui. Le texte dit : « Sur demande canadienne ». Autrement dit, cela ne pourrait pas se passer sans l'invitation du Canada. Cependant, comme je l'ai mentionné plus tôt, dans un propos que le sénateur Comeau a qualifié de coloré, il se passe beaucoup de choses dans les coulisses d'une négociation internationale. Par exemple, pour obtenir que l'Union européenne consente à une réduction du total autorisé des captures de flétan du Groenland ou d'une espèce importante pour le Canada, il est très concevable qu'en échange le Canada soit forcé d'invoquer cette clause qui figure dorénavant dans la convention. Si vous n'avez jamais l'intention de l'utiliser, pourquoi inscrire cela dans la convention? Je n'ai jamais reçu de réponse satisfaisante à cette question. J'ai entendu quelques explications rhétoriques, mais pour moi ce sont purement des mots creux.
[Français]
Le sénateur Robichaud : J'ai, moi aussi, beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi on aurait inclus un tel article. Lorsqu'on parle de l'Union européenne et des membres les plus forts à l'intérieur de cette organisation, est-ce que l'Espagne et le Portugal ont beaucoup à dire?
[Traduction]
M. Wiseman : Oui, sénateur, ils ont beaucoup à dire. Le système est comme une grosse tente. L'Atlantique Nord- Ouest est le terrain de jeu de l'Espagne et du Portugal. Jadis y jouaient également l'Allemagne, la France, la Grande- Bretagne et même l'Italie, mais aujourd'hui c'est l'Espagne et le Portugal. Les trois États baltes font maintenant aussi partie de l'Union européenne. Lorsque des décisions sont prises concernant l'Atlantique Nord-Ouest, le conseil laisse généralement les parties possédant un intérêt dans la région avoir le dernier mot.
La Grande-Bretagne est peu susceptible de se mettre en travers du chemin de l'Espagne et du Portugal sur une question intéressant l'OPANO, parce qu'elle ne veut pas que l'Espagne ou le Portugal se mettent en travers de négociations pouvant se dérouler entre le Royaume-Uni et la Norvège, par exemple. Chacun s'occupe de son territoire.
Dans la zone réglementée par l'OPANO, oui, l'Espagne et le Portugal adoptent des positions très fermes et sont très influents. Ils ont généralement les plus grosses délégations au sein de l'UE.
Le sénateur Robichaud : Vous dites que l'heure tourne et qu'il reste encore un peu de temps pour refuser de ratifier. Vous dites que les trois quarts des membres de l'OPANO doivent ratifier les modifications pour que la nouvelle convention entre en vigueur?
M. Applebaum : C'est mon interprétation de la convention de l'OPANO, oui.
Le sénateur Robichaud : Diriez-vous que c'est imminent?
M. Applebaum : Non, sénateur. Je n'ai pas dit cela car je n'ai pas idée d'où en sont les choses.
Le sénateur Robichaud : Cependant, cela pourrait arriver. Nous serions presque seuls dans notre camp si nous refusions de ratifier ce nouvel accord.
M. Applebaum : C'est ce que je crois, oui.
Le sénateur Robichaud : Si les autres avancent assez vite et que nous mettons trop de temps à réagir, ce sera chose faite et il sera trop tard pour nous d'agir.
M. Applebaum : C'est juste, sénateur.
M. Parsons : Le temps presse en ce sens que, comme M. Applebaum l'a expliqué, nous ne savons pas combien de temps il faudra pour que les trois quarts des membres de l'OPANO soumettent au Canada, en tant qu'État dépositaire, les instruments officiels de ratification de ces changements. Le temps presse en ce sens qu'il importe que le gouvernement du Canada retrouve la raison et se retire de cela avant de se retrouver enfermé dans une situation qui va engager notre avenir pour 25 ou 30 ans, sans aucune possibilité de changement.
Cela fait des décennies que nous parlons de ce problème de l'OPANO, du problème de la surpêche étrangère en dehors des 200 milles. Nous avions là une occasion de régler le problème, et au lieu de cela nous nous retrouvons avec une situation encore pire que lorsque nous avons entamé les négociations.
M. Bevan dit que tout va très bien se passer parce qu'il est dans l'intérêt de tous les membres de l'OPANO de préserver des stocks de poissons sains et durables. Eh bien, bien entendu, en théorie ou en principe, il est dans l'intérêt de tous les membres de l'OPANO de conserver des stocks de poissons sains et viables, mais que voit-on dans la réalité, et pas seulement dans la zone OPANO? Quelle est la pratique généralement dans les pêcheries internationales? La pratique généralement est que les pays arrivent à la table et se disputent au sujet des mesures de conservation à prendre. Si vous avez de la chance, ils se mettent d'accord sur des mesures de conservation appropriées, mais ensuite ils se battent sur les chiffres des quotas.
Les fonctionnaires du MPO et M. Hearn se réjouissent bruyamment du fait qu'ils auraient, en quelque sorte, avec cette majorité des deux tiers, garanti les pourcentages des allocations canadiennes. Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, à quoi cela sert-il d'avoir des pourcentages d'allocation garantis si, pour les obtenir, vous vous placez dans une situation où il devient beaucoup plus difficile de s'accorder sur les mesures de conservation nécessaires? Il sera encore plus difficile à l'avenir d'obtenir un consentement à une réduction du total autorisé des captures.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Je crois qu'on pourrait en parler longtemps.
[Traduction]
Le président : Je sais que les membres auraient d'autres questions à poser, mais il y aura peut-être une occasion plus tard ce soir de le faire.
J'aimerais remercier nos trois témoins d'être venus et d'avoir contribué à nos délibérations avec tant de franchise.
J'aimerais maintenant accueillir M. Bevan et Mme Lapointe.
Monsieur Bevan, vous avez entendu une partie de la discussion jusqu'à présent. Nous aimerions maintenant vous entendre et nous aurons ensuite des questions pour vous. Peut-être aimeriez-vous nous faire un exposé. Tout le monde a le texte des notes en anglais et en français.
David Bevan, sous-ministre adjoint, Gestion des pêches et de l'aquaculture, Pêches et Océans Canada : Je vais utiliser le jeu de diapositives qui a été distribué tout à l'heure.
Le président : Il y a un jeu en anglais et en français. Je répète pour ceux qui nous suivent à la télévision : Si vous aimeriez des copies de ces documents, veuillez contacter la greffière. Les documents pourront vous aider à comprendre cette problématique.
M. Bevan : Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, pourquoi avons-nous voulu une réforme de l'OPANO. La première raison est évidente. La convention de 1979 est gravement viciée. Elle permet des objections sans contraintes car rien n'oblige la personne, le pays ou la partie contractante déposant l'objection de donner des raisons ou des assurances que l'objection ne causerait pas des problèmes de conservation. Il n'y avait pas de procédure de règlement des différends pour assurer que les litiges soient résolus, si bien que la convention de 1979 laissait les conflits s'envenimer.
Les décisions étaient prises par vote majoritaire, de 50 p. 100 plus un, créant des gagnants et des perdants, et les perdants étaient libres d'agir unilatéralement. La gestion se faisait espèce par espèce, si bien que l'on considérait uniquement le REM — le rendement équilibré maximal — sans tenir compte du contexte plus large de l'impact sur l'écosystème. Ce type de gestion, interne à notre zone aussi bien qu'externe, comporte de graves faiblesses avérées.
La convention de 1979 garantissait pratiquement que soient prises des mesures unilatérales, ce qui rendait inévitable l'effondrement des stocks. Vous ne pouvez avoir un système de gouvernance où la fixation sur certaines règles est telle que l'on oublie tous les effets pratiques de la convention. On poussait les gens à être des gagnants ou des perdants dans un vote, mais cette convention leur laissait toujours le loisir d'agir unilatéralement. Ils ne s'en privaient pas et de ce fait les stocks se sont effondrés, ce qui était quasiment inévitable.
Par conséquent, il fallait trouver le moyen de changer cette convention. Nous ne pouvions plus tolérer le régime de gouvernance existant. D'ailleurs, l'OPANO, ces dernières années, ne s'est pas comportée de cette façon. Les pays membres ont recherché le consensus pour éviter le type de résultat que l'on obtenait avec ce processus au cours des années 1980 et au début des années 1990.
Nos objectifs pour la réforme de l'OPANO étaient de protéger nos parts de quotas. Le Canada, l'UE et la Russie détiennent plus de 90 p. 100 des quotas. Nous avons droit à trois votes. Il s'agissait de voir quel système de gouvernance pourrait nous aider à cet égard.
Nous voulions limiter le recours aux objections en intégrant celles-ci au processus décisionnel, de telle façon que le fardeau de la preuve incombe à l'État voulant objecter. Cela signifie que l'État désirant objecter doit faire la preuve qu'il est victime de discrimination, qu'il existe une raison rationnelle et objective d'objecter et que l'objection ne conduira pas à des problèmes de conservation.
Nous voulions un mécanisme de règlement des différends, en particulier de ceux concernant les allocations. Nous avons observé ces dernières années au sein de l'OPANO de grands progrès sur le plan des mesures de conservation et d'application des règles. Tout cela a été obtenu par consensus. Les divergences les plus graves portent sur les quotas. Ce sont là les questions qui donnent lieu à des votes ou qui, du moins, poussent les parties à objecter, et nous voulions trouver une façon de régler ces problèmes.
Nous voulions en outre renforcer le régime d'observation, de contrôle et de surveillance afin de combattre les infractions et parvenir à un contrôle efficace et des sanctions réelles. Au cours de l'année dernière, des millions de dollars d'amendes ont été imposés aux navires en violation, une infraction grave ayant été découverte par des inspecteurs canadiens, qui a donné lieu, comme l'exigent les mesures de conservation et de sanctions de l'OPANO, à ce que le navire soit ramené en Espagne avec seulement quelques centaines de tonnes à bord. Le navire avait été inspecté par des Canadiens. Les inspecteurs espagnols ont été reconnus coupables d'infraction et des sanctions administratives leur ont été infligées. C'est le genre de résultat que nous recherchons pour assurer l'observation des règles dans la zone et prévenir la surpêche qui avait repris peu à peu dans la zone OPANO au début des années 2000 et que nous avons pu largement combattre dans le courant de 2007.
Notre stratégie internationale ne comprend pas seulement la réforme de l'OPANO ou des ORGP — organisations régionales de gestion des pêches. Nous avons adopté une approche à multiples facettes pour mettre fin à la surpêche. Vous ne pouvez vous en remettre à une seule convention ou instrument juridique pour enrayer la surpêche. Vous ne pouvez vous en remettre à un élément ou une dimension pour écarter les craintes que nous avons tous concernant la surpêche. L'OPANO ne représente qu'un aspect et nous travaillons dans un processus multilatéral. Elle a contribué à créer les conditions du changement et à sensibiliser l'étranger à la nécessité de mettre fin à la surpêche.
Des relations bilatérales solides ont été un ingrédient clé de cette stratégie. Nous avons travaillé fort à nouer des relations avec des acteurs clés en Espagne et au Portugal, au niveau des ministres, mais aussi des relations à tous les niveaux, depuis les inspecteurs jusqu'aux directeurs généraux, les sous-ministres adjoints, et cetera. Cela nous donne une bien meilleure capacité d'influencer les comportements et d'éviter les crises.
Pour ce qui est du contexte mondial, à la diapositive 5, vous verrez que nous vivons dans un environnement de plus en plus dynamique, marqué par des changements rapides. Nous avons vu, par exemple, l'engagement international d'arrêter la surpêche et de réformer les ORGP, le Groupe de travail sur la haute mer, auquel participent des ministres, dont le ministre canadien. L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté en 2006 sa résolution sur les pêches durables, qui exige sous peu un rapport des ORGP établissant les mesures prises suite à cette déclaration. Nous avons les ONGE, les organisations non gouvernementales environnementales, qui participent maintenant de près au débat sur la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, ou pêche INN.
Aux États-Unis, nous avons maintenant la nouvelle loi Magnuson-Stevens, une loi réautorisant la conservation et la gestion des pêcheries. Elle restreindra l'accès au marché américain, un important débouché à l'échelle mondiale, du poisson capturé illégalement. Le poisson dont on ne peut prouver qu'il provient de pêches légales et durables n'aura pas un accès illimité au marché américain. Les administrateurs américains devront prouver au Congrès que les ORGP dont ils sont membres fonctionnent de manière durable.
Voilà les changements que nous constatons. Nous voyons l'accès au marché lié à la durabilité. Il incombe maintenant à l'industrie canadienne de réagir en démontrant que nos pêcheries sont viables et que nous pouvons l'attester, soit par le biais d'organes d'écocertification tels que le Marine Stewardship Council ou au moyen de nos propres listes de contrôle ou cadres de gestion durable de la pêche.
Dans le contexte de l'UE, des pressions externes et internes, suite à la décision sur le thon rouge de l'Atlantique de la CICTA, a conduit à des réformes de la politique des pêches et il s'est produit tout un tollé dans l'Union européenne concernant la Politique commune de la pêche. Les Européens reconnaissent aujourd'hui les problèmes et cherchent à réaménager la politique en vue de les résoudre. Cependant, l'UE aussi compte mettre en place des mesures pour restreindre l'accès à ces marchés aux poissons provenant de la pêche INN et non durable.
Les ministres des Pêches de l'Atlantique Nord se sont eux aussi engagés à mettre un terme à la pêche INN, ont mis en place des contrôles portuaires, souligné leurs obligations propres à titre d'États de pavillon et envisagent maintenant également des mesures de contrôles de l'accès au marché.
Pour ce qui est des mesures de contrôles portuaires, quelque 15 navires battant divers pavillons de complaisance pêchent la morue et le sébaste dans la zone 1F de la mer de Barents. Ces navires se sont vus refuser l'accès aux ports. Ils ne pouvaient pas débarquer leurs prises, ne pouvaient s'approvisionner en carburant ou en provisions ni recevoir de services. Tous les navires qui envisageraient d'offrir un soutien en mer se sont vus enjoindre de s'abstenir sous peine de figurer sur une liste INN et de se voir eux-mêmes refuser l'accès aux ports de l'Atlantique Nord. Cela a eu pour effet que six de ces navires ont été mis à la casse et neuf autres désarmés. Des progrès considérables ont été réalisés à cet égard également.
En conclusion, il existe aujourd'hui beaucoup plus de transparence et de responsabilisation, en particulier au sein des ORGP qui gèrent les stocks chevauchants. En tout cas, celles de l'Atlantique Nord fonctionnent aujourd'hui mieux que dans le passé.
Pour ce qui est des principaux résultats de 2006 et 2007, nous avons amélioré en 2006 les mesures d'observation, de contrôle et de surveillance. Nous avons maintenant défini un certain nombre d'infractions qui vont exiger que l'État retire son navire de la zone et le ramène au port pour déchargement et inspection. Je précise que cela doit être fait immédiatement et ne peut attendre la fin du voyage de pêche. J'ai mentionné le navire espagnol que des inspecteurs canadiens ont surpris en état d'infraction. Il a été retiré de la zone avec seulement quelques centaines de tonnes à bord, au lieu du millier de tonnes habituel. Il a été ramené et inspecté par des inspecteurs canadiens et espagnols, reconnu coupable de violation et frappé d'amende.
Lors de la réunion de 2007, le nouveau texte de la convention a été adopté qui reflète les objectifs canadiens relativement au domaine d'application, qui protège les parts de quotas canadiennes, limite le recours à la procédure d'objection et établit une nouvelle procédure de règlement des différends. Il faut considérer le texte de cette convention sous l'optique de la gouvernance d'ensemble. L'intention ici est de rechercher des décisions par consensus. Cela a très bien servi le Canada au cours des dix dernières années puisque nous avons obtenu de nombreux résultats positifs par consensus, tels que les plans de reconstitution du flétan. Nous pensons que c'est la meilleure façon de fonctionner. Nous y avons consacré beaucoup d'efforts et d'énergie. Nous amenons des bonnes personnes à la table pour assurer d'obtenir les résultats que nous recherchons. En l'absence de consensus, nous souhaitons un vote à la majorité des deux tiers pour assurer que le nombre de parties opposées à la décision soit minime et qu'elles aient moins tendance à agir unilatéralement. Le restant de la convention décourage certainement les actions unilatérales par le biais de la procédure d'objection et du règlement des différends.
Le Canada a réussi à faire accepter une disposition de garantie dans les mesures prises par l'OPANO de telle façon que les mesures de conservation et de contrôle et les parts de quotas restent inchangées tant que la commission n'a pas décidé de les modifier. L'OPANO a également adopté nos propositions concernant la protection des coraux et le renforcement des contrôles sur la pêche du flétan du Groenland. Là encore, ce sont des résultats concrets. Nous allons également étudier les mesures portant sur les écosystèmes marins vulnérables qui seront prises lors d'une réunion intersessionnelle à Montréal.
Une voix : S'agit-il du flétan du Groenland ou bien du flétan noir?
M. Bevan : Du flétan noir; c'est juste.
Ces mesures de contrôle sont positives car elles imposent une cessation immédiate de toutes les activités de pêche après une inspection par les autorités d'une partie contractante. Par conséquent, nous pouvons aborder et inspecter les navires. Si nous constatons une infraction, la pêche s'arrête et l'État du pavillon doit effectuer une enquête, et la partie possédant pleine autorité impose au navire des sanctions provisoires. Dans le cas de l'UE, cela signifie qu'un inspecteur de l'État du pavillon pourra alors imposer des sanctions.
En cas de fausse déclaration grave ou de récidive, la partie contractante de l'État du pavillon — l'État du pavillon étant celui dont le navire arbore le pavillon — doit diriger le navire au port pour une inspection physique et un comptage des prises à bord. Le temps passé au port entraîne un manque à gagner conséquent. Par conséquent, si vous devez retirer le navire de la zone NRA réglementée par l'OPANO — soit les Grands bancs de Terre-Neuve — pour le ramener à Vigo, en Espagne, pour une inspection, avant la fin de l'expédition de pêche, cela représente en soi une dissuasion. L'obligation de se rendre au port immédiatement s'applique lorsqu'aucun inspecteur ou personne autorisée à effectuer l'enquête n'est disponible dans la NRA. Ce n'est pas une excuse pour continuer à pêcher. S'il n'y a pas d'inspecteur sur place, l'obligation est de retirer le navire des terrains de pêche et de le ramener au port pour action ultérieure.
Il y a application obligatoire de sanctions provisoires par la partie contractante de l'État du pavillon — au sein de son système judiciaire — ces sanctions pouvant comprendre des amendes, la saisie des engins de pêche illégaux et des prises illicites, et cetera. Tous ces moyens sont utilisés. Nous n'avons constaté qu'une seule violation majeure, mais après inspection des prises, le gouvernement espagnol a imposé des amendes. Je crois que le montant total des amendes imposées à six navires a dépassé 1 million d'euros, et ce n'est donc pas quelque chose qui est pris à la légère.
Si l'on regarde les mesures anciennes et nouvelles, la gestion par espèce fondée sur le rendement maximum durable, ou RMD, s'est avérée à haut risque au fil du temps. À long terme, nos connaissances scientifiques ne sont pas suffisamment précises pour que l'on puisse isoler le RMD. Si l'on commet une erreur, on en paye le prix sous forme d'impact sur les stocks. La nouveauté, c'est que nous adoptons l'approche de précaution et l'approche écosystémique, deux méthodes qui sont moins risquées et plus viables car on ne se contente pas d'un jeu d'indicateurs mais d'un ensemble d'indicateurs plus large. Nous avons donc une meilleure chance de détecter le risque.
Pour ce qui est de la gouvernance, il existait une procédure d'objection simple et illimitée dans l'ancien système, sans que la partie objectante ait à prouver l'absence d'impact sur la conservation. La procédure d'objection améliorée impose à la partie objectante de démontrer qu'elle ne fait rien qui compromette la conservation. Elle a l'option de se pourvoir devant un comité spécial.
Les décisions étaient prises à la majorité simple, avec des gagnants et des perdants. Aujourd'hui, si nécessaire, la majorité requise est les deux tiers, mais nous recherchons d'abord le consensus afin que tout le monde souscrive à la décision.
Nous n'avions pas de mécanisme de règlement des différends, et nous en avons un maintenant. Ce mécanisme se rapprochera des procédures de l'ANUP et de l'UNCLOS peu à peu. L'on recherche des échappatoires juridiques, mais le problème ici en est un de gouvernance globale. De la manière dont cela est censé fonctionner et la manière dont nous pensons que cela fonctionnera, vu la gouvernance d'ensemble et les pressions externes s'exerçant sur les États, cela sera le sentier le plus probable suivi.
Il existe maintenant une clause de bonne foi et d'abus des droits qui fait que les membres doivent éviter de recourir à des échappatoires. Nous avons maintenant aussi la relation à d'autres accords.
Pour ce qui est du fonctionnement, une certaine rationalisation est intervenue.
La gouvernance est primordiale. Dans l'ancien cadre, nous avions la majorité simple, avec un recours plus fréquent aux votes conduisant à des décisions unilatérales plus fréquentes. Lorsque vous avez un vote, vous êtes peu enclin à modifier votre point de vue. Vous défendez votre position, votre propre intérêt étroit, et l'exprimez dans votre vote. Lorsque vous recherchez un consensus, il y a une certaine convergence des points de vue. Et les décisions tendent généralement à être plus modérées.
Auparavant, il y avait des objections et pas de mécanisme de règlement des différends, ce qui conduisait à des actions unilatérales. Jusqu'à récemment, il y avait peu de conformité aux règles, de suivi ou de transparence. Dans le nouveau cadre, les décisions par consensus sont la norme et un vote à la majorité des deux tiers est le dernier recours. Les décisions sont ainsi plus inclusives et les objections sont soumises à des conditions. Une procédure de règlement des différends est disponible. On s'attend ainsi à des mesures plus inclusives, mais les actions unilatérales seront aussi découragées. En ce moment même, nous avons déjà un meilleur suivi des infractions et une plus grande transparence.
Voici ce que nous espérons sur le plan de la gouvernance d'ensemble. Encore une fois, cette gouvernance ne doit pas être considérée de manière isolée. Si l'on considère le texte d'une convention séparément de tout l'environnement international dans lequel elle s'inscrit, on aura une piètre idée de la manière dont elle fonctionnera. Avec toutes les pressions qui s'exercent pour stopper la pêche INN et avec tous les changements intervenus sur le plan du contrôle de l'accès au marché et du contrôle de l'État portuaire, ce sont là des facteurs à prendre en compte au moment d'évaluer la façon dont l'ensemble va fonctionner.
Pour l'avenir, nous voulons continuer à travailler afin de créer les conditions nécessaires à un changement au niveau multilatéral. Nous voulons continuer à agir sur un certain nombre de tribunes internationales et coordonner nos efforts à ce niveau pour que des pressions en faveur d'un changement s'exercent sur les organisations régionales de gestion des pêches. C'est ce que nous voyons déjà avec l'OPANO et la Commission des pêches de l'Atlantique Nord-Est. Nous ne voyons pas encore les résultats chez les ORGP du thon. Notre objectif global est de parvenir à des pêcheries durables en fondant les décisions de gestion sur les avis de conseillers scientifiques. C'est toujours difficile si ces avis ne concordent pas avec les opinions des pêcheurs.
Nous voulons résoudre les problèmes de surpêche du flétan du Groenland dans le cadre de l'OPANO et combattre la pêche INN. Pour ce qui est du flétan, étant donné que le nombre des navires participants a été réduit, la CPUE, ou capture par unité d'effort, a augmenté. Il fallait réagir contre cela. Cette année, je suis heureux d'annoncer que les gouvernements de l'Espagne et du Portugal, suite au renforcement des inspections, ont fermé précocement leur pêche afin de ne pas dépasser les quotas. Ils ont évité les problèmes que nous avons connus ces dernières années avec les dépassements de quotas. Même s'ils avaient réduit leur effort de pêche sur la base des CPUE ou de la prise par jour que nous avions vue les dernières années, il se posait des problèmes vu que la prise continuait d'augmenter. L'effort de 2006 a été réduit sur la base de l'expérience de 2005. Nous avons surmonté cette difficulté cette année. Nous voulons établir un processus en vue de protéger les écosystèmes marins vulnérables. Nous l'avons fait avec les fermetures des zones coralliennes et d'autres mesures seront prises lors de la réunion intersessionnelle.
Nous voulons renforcer l'organisation. Nous reconnaissons qu'il existe un lien entre la réforme de l'OPANO et les problèmes de conformité aux règles et nous opérons des choix tactiques en conséquence. Autrement dit, nous nous inscrivons dans une démarche plus large. Nous avons réalisé des progrès sur le volet conformité.
D'ailleurs, de nombreux États côtiers se penchent sur la convention. Leurs juristes ne perçoivent pas les mêmes risques que ceux qui vous ont été présentés ce soir. Ces juristes internationaux ont examiné le texte et ne voient pas de problème. Ils ne voient pas d'empiétement sur la souveraineté. Ils sont soumis aux mêmes clauses dans d'autres conventions qu'ils ont signées à titre d'États côtiers. Ils n'ont aucune difficulté à accepter ces termes.
Notre exposé contient une annexe traitant des risques du vote majoritaire aux deux tiers. Je rappelle que les votes sont un dernier recours. Ils ne produisent pas une meilleure gouvernance, ils produisent un résultat de vote. Selon la nature de la convention, la décision peut être complètement différente de ce que produirait un vote.
Je sais que beaucoup d'efforts étaient consacrés dans le passé au sein de l'OPANO sous le régime de l'ancienne convention à gagner des votes, pour voir ensuite les mesures d'application contenues dans cette convention réduire ces votes à néant. Des actions unilatérales étaient engagées qui ont épuisé un stock après l'autre.
Voilà le genre de choses que nous cherchons à prévenir avec cette nouvelle convention. Ce serait une grave erreur pour le Canada de retirer son soutien à la nouvelle convention et de maintenir la convention de 1979 marquée par des défaillances flagrantes. Elle a produit des résultats horrifiants. C'est à ce type de gouvernance que l'on peut attribuer le grand nombre de stocks placés aujourd'hui sous moratoire. Ce n'est pas ce qu'il faut chercher à conserver aujourd'hui, en 2007.
Le président : Je rappelle aux membres du comité que le contexte de ce débat est que tout le monde convenait que l'OPANO était un échec. Elle ne fonctionnait pas et ne faisait pas le travail que l'on en attendait. C'est pourquoi l'on a suggéré la gestion de conservation.
La question devient maintenant de savoir : est-ce là une alternative raisonnable à l'ancienne OPANO? C'est la question qui nous est posée ce soir. Est-ce que les termes que nous voyons aujourd'hui sont meilleurs que ceux de l'ancien accord? Vont-ils produire le résultat souhaité? À l'évidence, ce que nous avions auparavant ne marchait pas. La question est de savoir si ceci va marcher?
Le sénateur Cowan : Est-ce que ce cadre réalise ce que le ministre actuel a promis au cours de la campagne? Est-ce qu'il permet au Canada d'exercer la gestion côtière canadienne jusqu'à l'extrémité du plateau continental?
M. Bevan : Beaucoup de travail se fait à cet égard. Nous exerçons la gestion canadienne jusqu'à l'extrémité du plateau continental pour les espèces sédimentaires. Nous avons ici quelque chose qui va bien fonctionner, à notre sens, s'agissant de suivre les avis scientifiques, d'assurer des pêcheries durables et la conformité aux règles.
Le sénateur Cowan : Est-ce que cela permet au Canada d'exercer la gestion de conservation jusqu'au bord du plateau continental?
M. Bevan : Je ne sais pas ce que signifie « gestion de conservation ». Ce n'est pas une extension de compétence. C'est cependant un contrôle sur la pêche au sens que nous saurons combien de poisson est capturé et que les quotas sont...
Le sénateur Cowan : Est-ce là ce que vous entendez par gestion de conservation?
M. Bevan : Oui.
Le sénateur Cowan : Est-ce que ce projet de convention est conforme à la déclaration du ministre selon laquelle le Canada n'accepterait qu'une convention OPANO spécifiant clairement que le pouvoir réglementaire de l'OPANO se limite à la haute mer?
M. Bevan : C'est notre avis. Le libellé ici exige que nous « demandions » et « acceptions » si, pour quelque raison, nous voulions qu'il en soit autrement. On vous a dit qu'il y aura du tordage de bras ou tout ce que vous voudrez, mais la réalité est que la décision nous appartient. Il est peu probable que cette clause ne soit jamais utilisée dans l'avenir prévisible. Elle est là parce que la négociation était multilatérale. Cette clause a été voulue non par l'UE, mais par l'Islande, la Norvège et d'autres États côtiers. Ils sont tous soumis à la même clause. Les États-Unis, Saint-Pierre-et- Miquelon et le Danemark sont tous des États côtiers au sein de l'OPANO.
Le sénateur Cowan : Cela ne se limite pas au Canada.
M. Bevan : Cela ne se limite pas au Canada, et cela est accepté comme un libellé raisonnable par tous les juristes. Ce n'est pas un libellé susceptible de restreindre la souveraineté.
Le sénateur Cowan : Étiez-vous au courant de la lettre adressée par M. Applebaum au ministre?
M. Bevan : J'en avais entendu parler, oui.
Le sénateur Cowan : L'avez-vous lue?
M. Bevan : Oui, je l'ai lue.
Le sénateur Cowan : Saviez-vous qu'elle n'a fait l'objet d'aucune réponse?
M. Bevan : J'avais entendu qu'il n'y avait pas eu de réponse.
Le sénateur Cowan : Cela vous a-t-il paru étrange?
M. Bevan : Nous ne sommes pas toujours très rapides à répondre. Je sais qu'il s'était posé plusieurs problèmes concernant un breffage de M. Applebaum avant sa comparution devant vous, du point de vue de la confidentialité nécessaire. Il y a eu ensuite...
Le sénateur Cowan : Saviez-vous que votre cabinet a déclaré à M. Parsons, M. Rowat et M. Wiseman que M. Applebaum serait exclu de tout breffage?
M. Bevan : C'est une décision que le ministère a prise au niveau le plus élevé, oui.
Le sénateur Cowan : Par « au niveau le plus élevé », entendez-vous le niveau ministériel?
M. Bevan : Cela a été décidé à l'intérieur du ministère.
Le sénateur Cowan : Étiez-vous favorable à cette décision?
M. Bevan : J'ai accepté cette décision.
Le sénateur Cowan : Enfin, j'aimerais que vous m'expliquiez le processus à partir de maintenant. Un projet de convention est actuellement aux mains de tous les États membres. Vous avez décrit en détail tous les avantages et les progrès réalisés de ce fait et avez clamé, tout comme le ministre, que cela représente une réussite éclatante de la part du Canada. Je suppose qu'à tout le moins le gouvernement du Canada, le gouvernement dont vous faites partie, est en faveur de ce projet de convention?
M. Bevan : C'est juste.
Le sénateur Cowan : Pouvez-vous nous dire, premièrement, quand elle sera ratifiée par le Canada? Sera-t-elle ratifiée par décret, comme cela a été parfois le cas par le passé, semble-t-il, ou bien sera-t-elle soumise au Parlement, comme cela a semble-t-il été dit? Je n'ai pas entendu cette déclaration du premier ministre Harper, mais l'un de nos témoins précédents attribuait cette affirmation au premier ministre Harper. Laquelle des deux méthodes sera retenue?
M. Bevan : Elle doit être ratifiée par le Canada à titre de partie contractante à la convention.
Le sénateur Cowan : Je sais cela, mais quelle sera la méthode suivie?
M. Bevan : Ce choix appartient au gouvernement, de toute évidence. Le gouvernement a pris l'engagement de soumettre au Parlement les traités internationaux d'importance. Cette convention est-elle importante ou non? Je pense qu'il appartient...
Le sénateur Cowan : Vous conviendrez tout de même, après avoir vanté ses vertus pendant tout ce temps, qu'il ne s'agit pas simplement de quelques changements de virgules ici ou là. Selon vos propres termes, c'est une très grande réussite de la part du gouvernement du Canada. D'autres peuvent être d'avis différent, mais c'est à tout le moins un document d'importance et un traité d'envergure, n'est-ce pas?
M. Bevan : C'est peut-être mon point de vue personnel, car j'ai travaillé de très près là-dessus, mais cette décision devra être prise par le gouvernement. Je ne puis anticiper ce qu'elle sera.
Le sénateur Cowan : Savez-vous quand la décision sera prise?
M. Bevan : Il faudra attendre quelque temps. La nouvelle convention n'a pas encore été soumise aux parties. Nous sommes le dépositaire de la nouvelle convention, mais elle n'a pas encore suivi toutes les étapes nécessaires pour cela. Elle n'est pas encore prête.
Le sénateur Cowan : Le processus de ratification, non seulement par le Canada mais aussi par les autres États membres, n'a pas encore commencé?
M. Bevan : Non.
Le sénateur Cowan : Quand va-t-il commencer?
M. Bevan : Dans peu de temps, j'espère. Je crois savoir qu'elle devrait être disponible pour janvier.
Le sénateur Cowan : Réfutez-vous l'argument de M. Applebaum que le temps presse?
M. Bevan : Le temps presse car nous nous approchons de janvier, et une fois que nous serons en janvier, la question se posera.
Je ferais remarquer que la plupart des parties contractantes doivent suivre une procédure relativement longue. Ce n'est pas comme si 75 p. 100 des États membres allaient ratifier dans les mois qui viennent. Cela prendra quelque temps à cause de la procédure normale que toutes les parties contractantes doivent suivre.
Le président : Avant de passer au sénateur Comeau, pour ma propre gouverne, je vous renvoie à la clause disant que l'OPANO peut intervenir à l'intérieur des 200 milles à la demande et avec l'accord du Canada. Vous dites que cela ne s'applique pas seulement au Canada, mais de façon plus générale et que de nombreux États côtiers acceptent cette disposition. La question reste toujours de savoir pourquoi.
Supposons que tout le monde ait voulu cette clause. Pourquoi? Quel en est le but? Quel est le motif? Avons-nous obtenu quelque chose en échange de notre accord?
M. Bevan : La raison est que ce libellé a été tiré de la Commission de la pêche dans l'Atlantique du Nord-Est. Une telle clause a été demandée dans son cas pour des raisons de politique interne, j'imagine. Ils voulaient peut-être que les mêmes mesures puissent s'appliquer à l'intérieur et à l'extérieur des zones, pour des raisons qui leur sont propres.
Les parties contractantes de l'Atlantique Ouest n'y ont pas vu d'atteinte à leur souveraineté, en aucune façon. Nous abordons maintenant un type de gestion complètement différent. Nous ne parlons plus d'une focalisation sur des espèces particulières, un TAC et un quota portant sur « une » espèce et des règles régissant les prises accessoires qui ne sont pas biologiquement justifiées. Nous abordons un régime de gestion d'un type très différent, couvrant l'ensemble de l'écosystème. Bien que nous n'ayons pas utilisé cette expression, par exemple, ou n'ayons pas voté pour cela, nous avons présenté les mesures sur la protection des coraux à l'intérieur et en dehors de la zone. C'est tout la même chose. C'est quelque chose que nous avons proposé afin que les mesures de protection que nous appliquons à l'intérieur de notre zone s'appliquent aussi en dehors. Vous verrez probablement davantage ce type de pratique à l'avenir. Si vous avez un écosystème marin vulnérable, il ne s'arrête pas à la limite des 200 milles. Nous devons tous travailler de concert si nous voulons le protéger. Cependant, cela ne signifie pas que nous invoquerons cette clause.
Le président : Non, mais j'essaie de comprendre le motif et pourquoi elle est là aujourd'hui alors qu'elle n'y était pas auparavant. D'aucuns disent que c'est un pied dans la porte. C'est insérer quelque chose qui n'existait pas auparavant. Peut-être cela ne sera-t-il jamais utilisé, mais peut-être cela le sera-t-il.
On nous demande de faire confiance et d'accepter que les choses ont changé dans l'UE. On nous demande de croire que les Espagnols et les Portugais, qui n'étaient pas les amis de nos stocks jusqu'à présent, sont maintenant devenus les amis de nos stocks.
Ceux d'entre nous qui avons vécu cette problématique pendant des décennies connaissaient très bien les attitudes qui prévalaient auparavant. En même temps que l'on nous demande d'admettre les yeux fermés que les attitudes ont changé, on nous demande d'admettre cette insertion d'une clause qui n'existait pas auparavant et qui pourrait éventuellement être utilisée à notre détriment.
Le sénateur Comeau : Monsieur le président, je suis sur la même longueur d'onde.
Monsieur Bevan, mettant de côté pour le moment la question des votes et des mécanismes contraignants, à laquelle les membres du comité vont certainement réfléchir, je veux me concentrer sur ce qui semble être le problème majeur ce soir, soit le paragraphe 10 de l'article VI. Il stipule :
10. La Commission peut adopter des mesures à l'égard des matières énoncées aux paragraphes 8 et 9 dans une zone sous autorité nationale d'une Partie contractante...
Cette phrase est primordiale; c'est l'éléphant dans la salle ce soir.
Trois fonctionnaires à la retraite ont comparu devant nous plus tôt ce soir, des personnes qui ont longtemps servi les Canadiens au ministère des Pêches et des Océans. Ils nous ont dit : « Voyez, nous pensons qu'il y a là un problème ». Essayez de nous expliquer, monsieur Bevan, avec vos propres termes, pourquoi nous ne devrions pas nous inquiéter alors que ces trois personnes s'inquiètent. Essayez de me convaincre que nous avons besoin de ce texte.
M. Bevan : Je crois que vous avez entendu l'expression « au détriment du Canada ». À l'évidence, cela ne va pas s'appliquer à moins que le Canada ne demande et approuve le recours à la clause.
Je rappelle que les mots d'une convention ne sauvent pas le poisson. Nous avons vu de belles formules dans des conventions autres que l'OPANO et dans des conventions nouvelles. Elles sont bien jolies, mais elles ne sauvent pas de poisson. Ce qui sauve le poisson, c'est la collaboration, les bonnes attitudes, les contrôles, le suivi des infractions, le bon type de coopération en matière scientifique, et cetera. Tout cela fait partie de l'ensemble des changements à l'OPANO que nous considérons.
Ces termes sont là. Ils sont là avec l'approbation de tous les États côtiers qui admettent de les voir figurer dans l'OPANE et l'OPANO.
Le sénateur Comeau : Vous ne m'avez toujours pas convaincu de la raison pour laquelle cette clause doit figurer dans la convention. Elle me gêne.
M. Bevan : Elle fait partie d'un ensemble que nous devons approuver.
Le sénateur Comeau : Permettez-moi d'aborder cela sous un angle différent. Qui a demandé cela?
M. Bevan : Cela a été demandé par un certain nombre de parties contractantes : la Norvège, l'Islande et l'UE l'ont demandé.
Le sénateur Comeau : Le Canada l'a-t-il demandé?
M. Bevan : Nous l'avons accepté.
Le sénateur Comeau : Pour quel motif veulent-ils ajouter cette clause, en particulier les termes « dans une zone sous autorité nationale »? Pourquoi voudraient-ils cela?
M. Bevan : Très franchement, ils ont tiré ce libellé du texte d'autres conventions existantes et ont jugé que c'était un moyen efficace de régler cette question. Ils ont jugé qu'ils ne partagent pas les préoccupations soulevées par les trois témoins précédents. Les autres parties ne partagent pas ce point de vue. Nous ne le partageons pas non plus. Les conseillers actuels ne le partagent pas.
Vous avez demandé si nous nous rencontrons. Oui, nous rencontrons fréquemment les conseillers, particulièrement au cours d'une année où nous faisons ce genre de travail. Nous avons rencontré à maintes reprises les conseillers, et ils ne partagent pas ces préoccupations.
Le sénateur Comeau : Vos conseillers sont l'industrie de la pêche, si je saisis bien.
M. Bevan : C'est l'industrie de la pêche. Et je crois également qu'une lettre sur ce point a été rédigée par les commissaires. Earl McCurdy et Ray Andrews ont exprimé leurs vues sur cette question. Là encore, les vues exprimées par les trois témoins précédents ne sont pas partagées les autres parties contractantes qui sont des États côtiers, pas partagées par les conseillers, particulièrement pas dans le contexte de la gouvernance d'ensemble et de la façon dont cela va fonctionner et fonctionne. Le texte de la nouvelle convention que vous verrez sous peu reflète en réalité plus fidèlement ce qui s'est passé ces dernières années, où nous avons vu la surpêche commencer à refluer. Jusqu'à cette année, l'évolution a été très positive. Cela n'est pas le fait de mots figurant dans la convention. C'est arrivé à cause de tous les facteurs externes : les relations bilatérales, la façon dont le marché répond à la pression des ONGE pour enrayer la pêche INN et arrêter de donner accès à des pêcheries non viables. C'est cela le moteur du changement. Ce n'est pas seulement ce qui figure dans le projet de convention.
Le président : Vous avez mentionné Earl McCurdy et Ray Andrews. Vous avez dit qu'ils ont fait connaître leur position. Était-ce par écrit, ou à votre intention?
M. Bevan : Je crois qu'ils ont rendu publique une lettre à cet effet aujourd'hui.
Le président : Je vois. En avez-vous copie?
M. Bevan : Malheureusement, même si je l'ai imprimée, je n'en ai pas de copie avec moi.
Le président : Pourrions-nous avoir des copies des déclarations d'Earl McCurdy et Ray Andrews? Nous voudrons peut-être même inviter Earl McCurdy et Ray Andrews à témoigner. Ce pourrait être une bonne idée.
M. Bevan : Je signale que nous avions également le soutien de la province de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Cochrane : Qu'en est-il d'autres groupes tels que les pêcheurs et transformateurs de poisson?
M. Bevan : Les conseillers étaient le Conseil canadien des pêches, les grandes sociétés de pêche et la FFAW, par le biais de Earl McCurdy. Un certain nombre d'intérêts de pêche étaient représentés lors des sessions préalables à Lisbonne, et à Lisbonne même, y compris de grandes sociétés. Des gens ayant des intérêts réels dans la pêche dans cette zone étaient là et étaient en faveur.
[Français]
Le sénateur Robichaud : J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi les articles 6 et 10 se trouvent là. Vous dites que ce sont les autres parties qui ont demandé à ce que ce qu'ils soient inclus et que le Canada avait accepté. Est-ce que cela veut dire que, dans un premier temps, vous n'étiez pas vraiment d'accord avec cela?
[Traduction]
M. Bevan : Nous l'avons accepté comme partie d'un changement global du fonctionnement de la convention. Je pense que c'est un très faible risque, vu la double nécessité d'une demande canadienne et d'un vote favorable canadien, et c'est pourquoi c'était acceptable pour le Canada. Cela a été présenté par un certain nombre d'autres parties contractantes qui avaient plusieurs années d'expérience de cette clause. Ces parties contractantes sont les États côtiers de l'OPANE, l'organisation sœur du côté est de l'Atlantique. Ces parties contractantes sont des États côtiers et elles ne voient aucun problème dans cette disposition.
Lorsque nous avons examiné l'enjeu global, soit d'obtenir les changements que nous voulions voir, pas seulement dans le texte de la convention mais aussi dans la façon dont la convention fonctionne et dont les mesures de conservation et de contrôle dans l'OPANO fonctionnent, tout cela était lié. Ce ne sont pas des entités séparées. Lorsque nous regardons l'ensemble des changements et les résultats sur l'eau, là où les choses comptent, nous avons accepté. Ce qui compte, c'est d'arriver à des résultats. Vous isolez une phrase, une clause, d'un ensemble. Il faut plutôt considérer la façon dont l'ensemble fonctionne, et le risque est très faible. Quel ministre va demander? Quel ministre va accepter? Il faut poser la question, et la réalité est que je ne vois pas cela arriver.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Pourquoi l'inclure, alors, si vous aviez refusé? Cela aurait-il mis en péril tous les amendements que vous vouliez apporter à la constitution de cette organisation?
[Traduction]
M. Bevan : C'était un arrangement par consensus. D'autres voulaient cette disposition. Nous avons jugé qu'elle présentait un faible risque. Nous avons obtenu d'autres choses que nous voulions, en particulier sur le plan du règlement des différends. Plus précisément, les choses réelles que nous voulions concernaient les mesures de conservation et d'application, et ces dernières ont été améliorées encore en 2007. Elles faisaient partie des considérations.
L'autre chose que nous avons obtenue — et cela n'a pas été facile — est que les principaux quotas restent intacts dans l'éventualité d'une impasse. Selon la règle des deux tiers, ils doivent être modifiés consciemment. Cela était une autre considération.
Les propositions d'ensemble ont été acceptées par ceux qui vont devoir vivre avec au cours des années qui viennent. Ils ont considéré cet élément particulier comme méritant d'être accepté étant donné le faible risque et ce que nous avons obtenu en échange.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Cela veut-il dire que, si le Canada avait refusé d'inclure ce changement, cela aurait mis en péril toute l'entente? C'est ce que vous dites.
[Traduction]
M. Bevan : Cela aurait mis en danger l'arrangement global. Je ne sais pas si cela l'aurait fait couler, mais cela l'aurait mis en péril. À l'évidence, nous ne voulons pas aujourd'hui la convention de 1979. Cette convention est totalement dysfonctionnelle sur le plan de sa pratique et de son utilisation. Ces mesures de gouvernance ont produit les résultats que nous avons vécus à la fin des années 1980 et au début des années 1990, et nous voulions en changer.
Il y a beaucoup de choses positives à dire sur cette nouvelle convention, au lieu de s'obnubiler sur ce qui n'est pas parfait aux yeux de certains ou sur les problèmes possibles. En ce qui concerne le fonctionnement d'ensemble de la nouvelle convention, nous verrons s'exercer beaucoup de pression sur les États afin qu'ils règlent les différends, se conforment aux obligations et veillent à ce que leurs pratiques de pêche soient viables. Ces pressions ont déjà porté fruit étant donné tout ce qui se passe à l'heure où nous parlons dans la zone réglementée par l'OPANO.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Je comprends que je ne pourrai pas vous convaincre des dangers que je vois dans cet article. On n'a pas tenu compte des préoccupations des gens qui vous ont précédés, lesquels, à mon avis, étaient des experts dans le domaine, à tel point qu'on leur a offert un briefing en refusant un quatrième membre. Je trouve cela terrible de la part du ministère. Vous dites que ce n'est pas le ministre, mais le ministère qui a refusé?
[Traduction]
M. Bevan : Oui, c'est juste.
[Français]
Le sénateur Robichaud : C'est terrible, parce que je crois que les gens voulaient recevoir ce briefing, qu'ils avaient de bonnes intentions. Il aurait été profitable d'écouter leurs préoccupations, mais c'est fait et c'est malheureux.
Vous avez dit que le ministre avait rencontré les ministres de l'Espagne, du Portugal et d'autres pays qui étaient d'accord avec ces recommandations de changement.
M. Bevan : Le ministre a rencontré les ministres de l'Espagne et du Portugal, mais c'était pour discuter de la surpêche et de son élimination. C'était le but de ces réunions, et on a, évidemment, obtenu des résultats.
Le sénateur Robichaud : Quelle sorte de résultats?
[Traduction]
M. Bevan : Les ministres espagnols et portugais sont ceux qui ont dû fermer précocement les pêcheries. Ils les ont fermées avec trois mois et demi d'avance afin de prévenir la surpêche.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Est-ce qu'on a dû accepter l'article 6(10) suite à ces discussions qui ont eu lieu?
[Traduction]
M. Bevan : Non, cela n'a pas fait partie de ces discussions, à ma connaissance. L'objectif était de régler le problème du flétan et du niveau de capture et d'arrêter la surpêche de l'UE. C'était l'objectif, et c'est le résultat que nous avons obtenu. Il n'y avait pas de négociation à ce stade. Les négociations étaient relativement bien avancées dans les autres réunions. Nous avons eu des discussions avant les visites des ministres qui portaient principalement sur la surpêche. Nous avons également tenu de nombreuses discussions avec d'autres parties sur le texte. Lorsque nous sommes allés à Lisbonne, ce n'était pas une page blanche, vous l'imaginez bien. Ces choses doivent être négociées par avance, et il n'y avait plus que quelques ajustements à apporter. À Lisbonne, nous avons obtenu certains des changements que nous voulions, sur le plan des garanties que les quotas resteraient en place dans l'éventualité d'une impasse et l'absence d'une majorité des deux tiers. C'était cela l'enjeu à Lisbonne. Il n'y a pas eu de donnant-donnant comme celui que vous suggérez.
Encore une fois, ce n'était pas l'UE seule parce que les autres parties contractantes demandaient le même libellé : la Norvège, l'Islande, le Danemark au sujet des îles Féroé, Saint-Pierre-et-Miquelon et les États-Unis. Les juristes ont accepté le libellé comme présentant un risque insignifiant à la souveraineté à l'intérieur de la ZEE. C'est leur avis. Vos témoins précédents ont exprimé un point de vue différent. Leurs vues, sur papier, ne reflètent pas la pratique. Elles ne reflètent certainement pas le point de vue des autres parties contractantes qui sont des États côtiers.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Vous dites que cela est sans grande signification d'ouvrir la porte. Ne croyez-vous pas que lorsqu'on arrive à de tels changements, lors de négociations, en échange de réduction de quotas à l'extérieur, on accepterait d'ouvrir cette porte?
[Traduction]
M. Bevan : Je ne crois pas que ce soit un risque considérable. Je fais remarquer que les risques que nous avons courus en 1979 étaient bien plus grands. Nous étions tellement obnubilés par notre désir d'ériger un rideau de fer autour de notre ZEE à l'époque que nous avons construit une convention désastreuse. Nous étions tellement obnubilés par cela que nous voulions exclure toute possibilité que quelque mesure que ce soit s'applique à l'intérieur de la zone. Aussi, qu'avons-nous fait? Nous étions résolus à ne pas avoir de mécanismes de règlement des différends, car ils auraient pu s'appliquer à l'intérieur de la zone. Nous avons autorisé les objections unilatérales afin d'être sûrs de pouvoir faire tout ce que nous voulions à l'intérieur de notre zone. Nous avons mis tout cela en place et nous avons abouti à une structure de gouvernance qui garantissait à toutes fins pratiques le résultat que nous avons vu, c'est-à-dire un désastre.
Notre fixation aujourd'hui, c'est sur des pêcheries durables. Je ne pense pas que le risque pour notre souveraineté soit notable. Les juristes d'États côtiers du monde entier qui vont vivre avec cette décision ne pensent pas qu'il y a un risque notable. Nous ne pensons pas avoir cédé quoi que ce soit en ce qui concerne notre ZEE et notre souveraineté. Cette fois-ci, nous avons focalisé sur des pêcheries durables, fondées sur l'approche de précaution, la gestion écosystémique et les avis scientifiques. Nous avons focalisé sur la conformité, une bonne surveillance et un bon suivi des infractions. Le fait d'avoir négligé ces éléments en 1979 a produit les résultats désastreux que nous avons connus. Nous escomptons un meilleur résultat cette fois-ci.
Le sénateur Cowan : Monsieur Bevan, vous avez mentionné que la lettre de M. McCurdy vous est parvenue aujourd'hui. Pourriez-vous transmettre une copie de cette lettre à la greffière, pour distribution aux membres?
M. Bevan : Je pourrai faire cela demain, car je ne l'ai pas avec moi ce soir.
Le sénateur Cowan : Je comprends, merci. Je vais passer au paragraphe 10 de l'article VI. Vous avez expliqué pourquoi vous ne pouvez concevoir que le Canada n'invite jamais l'OPANO à exercer le moindre contrôle à l'intérieur de notre limite des 200 milles. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Bevan : J'ai du mal à envisager que cela arrive. Cette disposition existe, comme je l'ai mentionné, dans d'autres conventions, mais n'a jamais été mise en pratique là non plus.
Le sénateur Cowan : Si vous ne pouvez concevoir une situation où nous inviterions l'OPANO dans nos eaux, pouvez-vous concevoir une circonstance où un autre État côtier inviterait l'OPANO à le faire chez lui?
M. Bevan : S'il cherche à protéger un écosystème marin vulnérable chevauchant sa zone, il pourrait décider que ce serait une meilleure façon que de gérer le problème au plan national. Je ne sais pas si c'est une possibilité.
Le sénateur Cowan : Si le Canada ne va pas se trouver dans une telle situation, pourquoi un autre pays s'y trouverait- il?
M. Bevan : C'est peut-être pourquoi, même si les termes sont là dans les autres conventions, cette clause n'a jamais été appliquée. Elle existe, mais aucun autre pays n'a encore eu à la demander ou à l'accepter.
Le sénateur Cowan : Je trouve cela difficile.
Je vais passer à la page 8 du jeu de diapositives que vous avez fourni, où vous comparez l'ancien et le nouveau. Dans la colonne « ancien », votre présentation mentionne : « Aucune procédure de règlement des différends », et du côté droit de la page, on lit « Procédures de règlement des différends avec option de soumission aux procédures exécutoires de règlement des différends en vertu de l'ANUP et de l'UNCLOS ». Qui possède l'option?
M. Bevan : L'intention était d'ouvrir la possibilité. C'était l'intention de ce libellé dans la convention. Si vous pensez que les gens veulent trouver une porte de sortie et éviter cela...
Le sénateur Cowan : Non, non.
M. Bevan : L'option appartiendrait à l'organisation. L'État qui a déposé l'objection sera soumis à une pression énorme pour régler ces problèmes.
Le sénateur Cowan : Supposons que le Canada et le Portugal aient un différend. Est-ce que le Canada peut exercer son option d'avoir un règlement contraignant, ou bien le Canada et le Portugal doivent-ils tous deux accepter de se soumettre à un arbitrage contraignant? Cela semble utile uniquement si une partie au différend peut le rejeter. S'il s'agit d'une situation hautement litigieuse et si je m'estimais dans mon tort, je ne puis imaginer pourquoi j'accepterais de confier à une tierce partie le droit de m'imposer une solution que je n'aimerai probablement pas.
M. Bevan : Votre objection est fondée sur le fait que vous avez fait l'objet de discrimination ou été traité injustement en premier lieu. Vous devriez pouvoir démontrer cela à l'organisation afin de justifier votre objection.
Vous devriez également pouvoir justifier le fait que votre objection ne va pas créer de problème de conservation parce que vous avez l'obligation — non seulement dans le texte de la convention mais aussi à l'échelle internationale — de ne rien faire qui puisse mettre en danger les stocks. Cela a été fait dans le passé.
Le sénateur Cowan : Monsieur Bevan, éclairez-moi. Qui exerce l'option?
M. Bevan : Les deux parties doivent convenir de suivre cette procédure.
Le sénateur Cowan : Les deux parties.
M. Bevan : Oui.
Le sénateur Cowan : À moins que les deux parties ne soient d'accord, il n'y a pas de règlement contraignant. Est-ce là ce que vous dites?
M. Bevan : Il y aura u règlement des différends contraignant, à notre avis, parce que vous avez l'option ANUP.
Le sénateur Cowan : Mettons qu'un litige survienne dans l'une des zones entre l'État A et le Canada. Le Canada se dit lésé et veut recourir à un arbitrage contraignant. Le Canada peut-il unilatéralement contraindre l'autre partie à se soumettre à un arbitrage contraignant? Oui ou non?
M. Bevan : Il faut d'abord suivre cette procédure. Si elle n'aboutit pas, alors on peut porter l'affaire devant l'ANUP. Pour cela, l'accord des deux parties n'est pas nécessaire.
Le sénateur Cowan : Tout cela peut se faire sans attendre la fin de la saison de pêche.
M. Bevan : Cette procédure est conçue pour fonctionner relativement vite. Les réunions se tiennent en septembre et la saison de pêche commence en janvier, et nous devrions donc pouvoir aboutir à un règlement à l'intérieur de trois mois de la campagne de pêche.
Le sénateur Cowan : Si l'autre partie disait non, pourriez-vous arriver au stade d'un arbitrage contraignant à l'intérieur de la même saison de pêche?
M. Bevan : Oui, à l'intérieur de la même saison de pêche; c'est le but.
Le sénateur Cowan : L'autre partie peut-elle continuer à pêcher en attendant, ou bien la pêche est-elle suspendue?
M. Bevan : Elle peut pêcher au titre de son objection jusqu'à ce que le différend soit tranché, ce qui ne devrait pas tarder.
Le sénateur Cowan : Supposons qu'il soit tranché en défaveur de l'autre pays.
M. Bevan : Vous comparez cela avec rien. C'est ce que la convention de 1979...
Le sénateur Cowan : Monsieur Bevan, nul ne prône de garder 1979. Tout le monde, comme le président l'a dit à plusieurs reprises, admet que l'accord de 1979 était vicié. La question est de savoir si les changements apportés dans la nouvelle convention sont les bons? Le Canada devrait-il ratifier ce projet de convention ou devrait-il dire, aussi déplorable que soit 1979, nous pouvons faire mieux? Voilà la question.
M. Bevan : Je ne dirai pas que ce projet de convention est parfait. Ce serait induire le comité en erreur. À l'évidence, si l'on regarde l'ensemble des dispositions, nous pourrions avoir un texte qui sert plus parfaitement nos intérêts. Ce que nous avons là, c'est un document négocié qui va s'appliquer dans un nouveau contexte. Les parties manifestent une réelle volonté de régler ces problèmes. Nous avons deux objections en cours à l'OPANO en ce moment. Il va y avoir une réunion intersessionnelle extraordinaire de la Commission des pêches où l'on va chercher à régler ces objections par voie de négociation. Si ce n'est pas possible, les parties acceptent de suivre ces procédures pour parvenir à un règlement. Il n'existe aucun désir de reproduire ce que nous avions dans le passé : des litiges qui perdurent et s'enveniment et conduisent à des problèmes de conservation.
Oui, vous pourriez avoir un texte parfait et meilleur et vous pourriez apporter des améliorations. Cependant, ce que nous avons ici, c'est une convention globale conçue pour mettre en place une gouvernance de type différent conduisant à un résultat différent, où des pressions énormes s'exerceront sur les parties pour qu'elles règlent ces problèmes. Nous ne verrons plus ces votes comme dans le passé où l'on avait une organisation divisée en factions. Nous n'avons pas vu cela au cours des 12 dernières années. Nous avons eu un seul vote en 12 ans, et le résultat a été plutôt négatif pour le Canada. La plupart de ces ORGP ne suivent pas ce genre de processus.
Le texte pourrait être meilleur, mais je dirais que nous avons passé au peigne fin l'ensemble de la convention avec nos conseillers et avec ceux à qui elle va s'appliquer, et ils ont tous jugé qu'elle représente une bonne solution. Tous ont jugé qu'elle apporte un moyen de régler les différends. Les conditions sont réunies pour que cela se fasse, pour que des pressions soient exercées sur les parties contractantes pour trouver un règlement. Voilà la réalité.
Quelqu'un peut-il trouver une échappatoire? Peut-être, mais les parties pourront-elles utiliser cette échappatoire dans le contexte politique d'ensemble, notamment celui de leur vie politique intérieure avec les pressions des ONGE pour placer les choses à un niveau viable? Le jeu politique international verra d'autres parties contractantes dire : « Allez-y donc, réglez ces litiges. » C'est dans ce contexte que fonctionnera la nouvelle convention.
Si vous regardez le libellé, vous ne voyez pas le mot « poisson ». Les termes reflètent l'attitude d'ensemble mais il n'y figure pas le mot « poisson ». Ce qu'il nous faut faire, c'est modifier les comportements sur l'eau. Voilà ce qui compte. Cette convention nous aidera à opérer ce changement. Nous y sommes déjà parvenus avec les mesures de conservation d'application de l'OPANO, et nous avons constaté de réelles améliorations de la conformité qui vont aider à transformer les mentalités, je l'espère.
Le sénateur Cowan : Cela semble un excellent sujet pour un débat parlementaire.
Le président : En posant nos questions, il ne faut pas oublier que les stocks dont nous parlons se situent principalement au large de nos côtes. Ils ne sont pas au large de la Norvège. Nous avons entamé cette discussion à cause du nez et de la queue des Grands bancs. C'est là où le problème se situait et se situe toujours.
Vous avez dit que nombre de pays sont heureux d'avoir cela dans la convention. Nous ne pêchons pas au large de la Norvège, mais les Islandais pêchent sur le nez et la queue des Grands bancs. Je voulais simplement le rappeler, car c'est important. Toute cette discussion a commencé avec la gestion de conservation par opposition à la réforme de l'OPANO. Pourquoi la gestion de conservation? Parce qu'il y avait pillage sur le nez et la queue des Grands bancs et que notre stock a été décimé. Des bancs de poissons que nous avons pêchés pendant des siècles ont disparu du nez et de la queue des Grands bancs. Ils sont partis parce que nous avons pêché à l'excès, mais les autres aussi. Nous n'avons pas surpêché les stocks norvégiens ni les stocks islandais, mais nos stocks ont été surpêchés. Il ne faut pas le perdre de vue. C'est ainsi que toute cette discussion a commencé, c'est de cela que nous parlons. C'est le secteur qui nous intéresse. C'est pourquoi nous posons ces questions.
Nous n'avons même pas encore parlé de reconstitution. La question de la reconstitution n'a pas été soulevée. Il faudra pourtant le faire. Il importe de garder cela à l'esprit en posant nos questions.
Le sénateur Adams : Vous avez mentionné la majorité des deux tiers. Pouvez-vous expliquer cela. Y avait-il davantage de votes avec la convention OPANO de 1979? On nous dit maintenant que nous aurons plus d'atouts en main pour parler des quotas avec les Européens. Qu'est-ce que cela signifie?
M. Bevan : En ce qui concerne l'intervention du sénateur Rompkey, j'ai fait remarquer que l'Islande et la Norvège, dans l'Atlantique Est, ont ce libellé. Ce sont des États côtiers. Dans l'Atlantique occidentale, le Danemark — concerné par le Groenland —, Saint-Pierre-et-Miquelon, les États-Unis et le Canada ont jugé également que ce libellé n'est pas la source d'angoisse exprimée ici.
Le président : Saint-Pierre-et-Miquelon ne court pas le même risque que nous.
M. Bevan : Je suis d'accord.
Pour ce qui est de la gestion de conservation, la clé ici n'est pas le texte de la convention en tant que tel. Ce qui est déterminant, c'est ce qui se passe sur l'eau, sur le plan de la détection des infractions, de la réaction aux infractions et de la création d'une dissuasion véritable et du respect des quotas. C'est ce qui est en train d'être réalisé à l'heure où nous parlons grâce aux changements apportés aux mesures de conservation et d'application de l'OPANO en 2006 et de nouveau en 2007, et grâce à notre vigilance.
Pour ce qui est de nos quotas et de la majorité des deux tiers, l'UE et le Canada détiennent plus de 85 p. 100 des quotas. Nous avons chacun droit à un vote. Nous sommes tous deux, en un sens, intéressés à trouver des façons de protéger ces quotas, même si nous avons un sixième des votes. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons accueilli avec intérêt les votes à la majorité des deux tiers et les garanties données dans les mesures de conservation et d'application.
Le sénateur Adams : Le ministère des Affaires étrangères a eu un rôle dans l'accord de l'OPANO. Est-ce toujours le cas?
M. Bevan : Les Affaires étrangères sont toujours impliquées.
Le sénateur Adams : Sont-elles impliquées avec l'Union européenne?
M. Bevan : Nous avons un soutien lors de ces réunions des juristes du ministère des Affaires étrangères et de notre mission à Bruxelles, oui.
Le sénateur Adams : Vous avez fait état de certains pavillons de complaisance qui vous gênent.
M. Bevan : Les navires à pavillon de complaisance ne viennent plus sur le nez et la queue des Grands bancs. Des actions ont été entreprises dans les années 1990 qui les ont persuadés que ce n'était pas une bonne façon de gagner leur vie. Nous avons arraisonné des navires et fait savoir que nous prendrions des mesures contre les pavillons de complaisance pêchant les stocks chevauchants.
Cependant, en 2006, ils pêchaient encore le sébaste de haute mer dans la région OPANO 1F en dehors de la limite des 200 milles. Il ne s'agit pas là d'un stock chevauchant important pour le Canada; aussi, nous n'avons pas invoqué le C-29. Cependant, c'était très important pour d'autres parties contractantes et a donné lieu à la volonté d'y mettre un terme en mettant en place des mesures de contrôle par l'État du port. Ces mesures ne frappent pas seulement les navires de pêche, mais tout bateau frigorifique et tout navire leur fournissant des provisions ou du carburant. De ce fait, ces navires ont aujourd'hui disparu.
Le sénateur Hubley : Merci, monsieur Bevan, de travailler aussi fort ce soir et de répondre à nos questions. Cependant, je nourris toujours une préoccupation.
Nous avons entamé notre séance avec trois experts du domaine qui possèdent de grandes connaissances. Lorsque je regarde votre « stratégie prospective » à la page 10, je ne vois rien qui m'indique que vous ayez l'intention de présenter cette convention au gouvernement du Canada à titre de traité international. Je crois que le sénateur Cowan a posé la question. Je ne sais pas si vous considérez que c'est là un traité international et si vous nous disiez que peut-être il ne serait pas soumis pour ratification à la Chambre des communes. J'aimerais avoir l'assurance qu'il en sera ainsi.
M. Bevan : C'est un traité international. Il n'est pas encore disponible pour ratification par les parties contractantes. Il n'a pas suivi tout le processus. Le président actuel de l'OPANO n'a pas encore été avisé que le texte est prêt pour ce genre de délibération de la part des parties contractantes.
S'agit-il là d'un traité d'envergure qui exigerait une délibération parlementaire? Ce n'est pas à moi de le décider, mais au gouvernement. Vous comprendrez que les gens dans cette salle ont une opinion sur son importance, mais ce n'est pas à moi de prononcer ce jugement.
Le sénateur Hubley : Vous dites que c'est un traité international et que c'est au choix du gouvernement? Comment cela se passe-t-il? Est-ce le premier ministre qui prend la décision?
M. Bevan : Nous ne savons pas comment cela se décide. Cela n'a pas été testé à ce stade. Il y aura clairement une délibération au sein du gouvernement. Le ministre aura un point de vue et les organismes centraux en auront un aussi. Il y aura une discussion et la décision sera prise de le soumettre ou non au Parlement.
Le sénateur Hubley : Lorsque j'entends l'expression « faible risque » ou « risque insignifiant », je m'inquiète. Nous avons eu des problèmes dans notre industrie halieutique, comme chacun sait, et je n'aime pas laisser la porte ouverte à trop de risques faibles car je ne sais pas ce que les gens entendent par risque faible ou insignifiant. Je constate que très souvent ces choses-là peuvent devenir très néfastes. Quand la nouvelle convention sera-t-elle soumise à l'examen du Parlement du Canada?
M. Bevan : Ce ne peut être avant janvier.
Le sénateur Hubley : Janvier étant la date que vous avez mentionnée?
M. Bevan : Oui.
Je fais remarquer que nous avons parlé de risque insignifiant ou faible en rapport avec une clause particulière. Je ne voudrais pas donner l'impression au comité qu'il existe un risque faible par rapport à tout enjeu de gestion des pêches. Nous dépensons beaucoup d'argent pour savoir ce qui se passe dans la zone réglementée par l'OPANO et pour avoir de bons taux de conformité. Nous déployons beaucoup d'efforts pour assurer un suivi.
La raison en est l'existence d'un risque élevé. Les gens font le nécessaire pour maximiser leurs propres bénéfices. Sans une grande vigilance et sans un suivi, il existe un risque de surpêche. C'est pourquoi nous collaborons avec les autres parties contractantes et pays et pourquoi nous avons une surveillance aérienne, des navires et des agents des pêches en mer 365 jours par an, sept jours par semaine.
Le sénateur Hubley : En janvier, la plupart des gens seront informés du nouveau texte?
M. Bevan : Oui.
Le sénateur Hubley : Nous serons informés du fait qu'il est parvenu à ce stade particulier de son évolution.
M. Bevan : Oui, et il sera diffusé publiquement.
Le sénateur Cochrane : Je dois dire que je suis un peu nerveuse à l'idée d'ouvrir la porte à la gestion internationale à l'intérieur de la limite des 200 milles. Est-ce que la différence de comportement au sein de l'OPANO tient plus au fait que les stocks sont tellement bas ces jours-ci et qu'il reste si peu de poissons? Si les stocks sont un jour reconstitués, devons-nous anticiper des problèmes dans la zone OPANO? Par problèmes, j'entends moins de coopération de la part des autres pays.
M. Bevan : La limande à queue jaune est revenue. Le stock a retrouvé sa taille initiale. Le flétan du Groenland fait partie du plan de reconstitution. Sa courbe d'abondance s'est inversée et il y a des divergences de vue à ce sujet. Les pêcheurs en rencontrent d'énormes quantités tant à l'intérieur qu'en dehors de la zone. La prise par unité d'effort est en hausse avec tous les types d'engins, dans toute la zone. Les scientifiques n'y voient pas un bon indicateur d'abondance, à juste titre. Et la même chose s'était passée avec la morue du Nord. Dans l'esprit des pêcheurs, toutes sortes d'indicateurs annoncent un redémarrage.
La plie américaine devient également difficile à éviter. Elle fait l'objet d'un moratoire, mais son abondance devient un problème du point de vue de la prise accessoire. Vous ne pouvez pêcher d'autres espèces sans en prendre une grande quantité dans vos filets.
Oui, il existe la possibilité que, lorsque les quotas vont augmenter, d'autres disent qu'ils en veulent une part. Le Canada possède 97,5 p. 100 du quota de limande à queue jaune, par exemple, et d'autres voudraient y avoir accès. Il y a un débat au sein de l'OPANO concernant les parts de quotas. C'est pourquoi nous voulions une majorité des deux tiers et la protection de nos parts et pourquoi la délégation a accepté cela. Ces enjeux sont sujets d'inquiétude.
Il y aura un débat sur les clés de quota, mais je ne pense pas que les mêmes choses que dans le passé vont se reproduire; j'entends par-là des quotas unilatéraux qui mettent en péril les stocks. Je ne crois pas qu'il y ait un risque pour les membres actuels.
Un risque plus réaliste est de voir d'autres pêcheurs arriver s'il existait une grande abondance de poisson dans l'Atlantique du Nord-Ouest. Je ne crois pas que le texte de la convention pourrait prévenir cette menace. D'autres facteurs externes devront être mis en œuvre pour répondre à la menace. Comme je l'ai indiqué, cela suppose un contrôle de l'accès aux marchés. Cela suppose beaucoup de pression à l'extérieur de l'OPANO pour empêcher cela de devenir un problème.
Je ne pense pas que les membres de l'OPANO prendront des mesures unilatérales, mais ils pourraient revoir les clés de quota. Cela dit, s'il y avait beaucoup de poissons dans la région qui attiraient des pêcheurs de pays non membres de l'OPANO, nous aurions des problèmes qu'il faudrait résoudre non pas par le biais de la convention mais par de fortes actions diplomatiques et un contrôle strict sur les marchés et les ports.
Le président : Avant de donner la parole au sénateur Watt, je rappelle au comité que nous avons entendu le témoignage de Mme Watson-Wright à l'effet que des recherches sont en cours visant à présenter avant 2013 une demande de juridiction canadienne jusqu'à l'extrémité du plateau continental. Il nous faut prouver pour cela où s'arrête le plateau. C'est un autre facteur à garder à l'esprit. Je ne dis pas qu'il faut attendre jusqu'en 2013. J'ajoute simplement cette considération.
Le sénateur Watt : Vous avez mentionné que la nouvelle convention sera communiquée publiquement et qu'elle constitue un traité international. Vous avez mentionné également que les parties contractantes doivent souscrire à l'ensemble. Les autres témoins se demandaient comment la nouvelle convention serait portée à la connaissance du public et comment elle serait ratifiée? Sera-t-elle ratifiée par le Parlement ou va-t-on éviter la ratification en lui donnant effet au moyen d'un décret? C'est là le nœud de l'affaire. Cela me gêne assurément car je ne sais pas trop quelle procédure vous allez décider d'adopter en fin de compte. Vous ai-je bien compris?
M. Bevan : Oui.
Les parties contractantes auront le document en main probablement en janvier, auquel moment elles peuvent commencer le processus de ratification, le Canada compris. Les mécanismes de ratification des parties contractantes supposeront des débats considérables au niveau des gouvernements.
À ce stade, je ne peux pas vous dire ce que fera le gouvernement du Canada à cet égard. Il a effectué certaines déclarations à l'effet de soumettre ces choses à la délibération du Parlement. Cependant, il n'est pas clair à mes yeux si cette délibération débouche sur une décision. Je crois que ce n'est pas le cas, mais elle signifiera au gouverneur en conseil quel est le point de vue du Parlement sur le traité. Je ne sais pas quel processus précis sera suivi concernant la ratification par le Canada de la convention de l'OPANO car la décision ne m'appartient pas. C'est un processus nouveau et je ne sais pas si ce texte sera jugé important. Dans l'affirmative, il sera probablement soumis à un débat parlementaire qui influera sur la décision du GC de ratifier ou non.
Le sénateur Watt : J'imagine que le ministre des Pêches et des Océans aura le dernier mot à cet égard. S'il juge l'affaire assez importante pour avoir un débat public, il la portera à l'attention du Parlement. Dans la négative — c'est- à-dire, si l'ensemble est plus important et si vous jugez que le risque est minime — le ministre décidera de le faire ratifier par décret.
M. Bevan : Je ne suis pas sûr que la décision lui appartienne. Il aura une opinion et une certaine influence, de toute évidence.
Le sénateur Watt : Le pouvoir exécutif?
M. Bevan : Le pouvoir exécutif prendra cette décision, oui.
Le président : Ce devra être une décision du Cabinet, ou du moins d'un comité du Cabinet. On pourrait renvoyer cela au comité de la procédure du Cabinet, mais il faudra que ce soit une décision du Cabinet.
On nous a dit ce soir que le premier ministre avait donné l'assurance que tous les traités internationaux seraient soumis au Parlement. C'est ce qui a été dit plus tôt ce soir. Je ne me souviens plus qui l'a dit, mais cela a été dit.
Le sénateur Watt : Une autre question continue à me gêner un peu. J'ai essayé d'écouter attentivement afin de bien comprendre le point de vue de tous. Si notre souveraineté est en jeu, avons-nous un mécanisme au sein de la structure de gouvernance qui nous donne une position de repli? Si un étranger vient s'installer dans notre maison, dans notre territoire, cela devient une réalité. Quel mécanisme avons-nous dans la structure de gouvernance pour dire que nous avons commis une erreur? Avons-nous un filet de sécurité?
M. Bevan : Il existe deux filets de sécurité. D'une part nous devons demander et d'autre part nous devons voter en faveur de toute mesure s'appliquant dans la zone. La décision n'affectera pas la souveraineté car nous déciderons souverainement si nous voulons que cela s'applique ou non. Par conséquent, notre souveraineté n'est pas en jeu. Le Canada décide s'il veut ou non qu'une mesure soit appliquée dans sa zone. Il y a deux étapes. D'une part, il faut le demander et, une fois que l'on voit la mesure concrète, il faut voter pour. C'est ce que dit la nouvelle convention. Je n'envisage pas que cela arrive dans un avenir prévisible. Je ne vois pas dans quelle circonstance nous invoquerions cette clause. À ma connaissance, elle n'a jamais été utilisée là où elle existe déjà, dans l'Atlantique Est. C'est là à titre de possibilité, oui, mais en réalité ce n'est pas ce qui semble se faire. Deuxièmement, elle ne s'appliquerait que si nous le voulons et le demandons, et si nous votons pour. Je ne pense pas qu'elle permette à quelqu'un de nous imposer sa volonté. Ce n'est tout simplement pas réaliste.
Imaginer des scénarios potentiels où cela pourrait arriver nous fait perdre de vue le tableau d'ensemble. Comme je l'ai dit, nous nous intéressons au maintien de notre souveraineté, mais aussi au résultat plus général d'une pêcherie viable, de la reconstitution de ces stocks et du respect des règles, ingrédient clé de la gestion de conservation. Vous voyez la réponse des parties sous forme de lourdes amendes avec, pour résultat, selon notre estimation, une bonne conformité cette année, suite à nos actions de l'an dernier et à nos efforts diplomatiques et à la réponse des parties contractantes qui ont la responsabilité de tenir leurs navires responsables de leurs actes. La clé est là. C'est ce qui aurait sauvé les stocks en premier lieu si nous avions pu avoir tout cela il y a quelque temps. Certes, l'échec n'était pas seulement imputable à la convention, mais aussi à des attitudes et au fait que tout le monde donnait priorité aux intérêts à court terme des pêcheurs. Je pense que nous avons tous appris une amère leçon et sommes maintenant désireux de changer l'environnement international.
Si nous ne voulons pas que cette nouvelle convention passe, il existe des mécanismes permettant de la stopper. Cependant, la grande question est de savoir si nous voulons conserver une convention dont l'échec est avéré et fermer une voie nouvelle, une opportunité nouvelle de prendre les mesures nécessaires pour protéger l'écosystème dont le poisson dépend et de protéger les stocks.
Le sénateur Cowan : Le nez et la queue et le Bonnet flamand sont situés en dehors de la limite des 200 milles, n'est-ce pas?
M. Bevan : Oui.
Le sénateur Cowan : Supposons qu'un autre membre de l'OPANO propose de faire quelque chose sur le nez et la queue ou le Bonnet flamand qui ne nous plaît pas et que nous lui demandions d'arrêter. La monnaie d'échange, pour qu'il s'arrête, pourra être que nous permettions à l'OPANO de faire quelque chose à l'intérieur de notre limite des 200 milles. N'est-ce pas là un scénario concevable?
M. Bevan : C'est peut-être un scénario concevable, mais je ne le considère ni comme raisonnable ni comme probable. Je ne puis imaginer qu'un ministre compromette son autorité en vertu de la Loi sur les pêches à l'intérieur de la zone pour obtenir un quelconque résultat en dehors de la zone.
Le sénateur Cowan : Quel progrès le ministre et le gouvernement du Canada font-ils en vue de réaliser l'objectif — si c'est toujours un objectif — d'étendre notre juridiction jusqu'à l'extrémité du plateau continental, ce qui engloberait le nez et la queue et le Bonnet flamand?
M. Bevan : Nous prenons déjà des mesures. Nous avons déjà arraisonné des navires pêchant des espèces sédentaires à ces endroits.
Le sénateur Cowan : Est-ce toujours l'objectif du gouvernement du Canada?
M. Bevan : Non, car le gouvernement du Canada s'en remet au fait que nous obtenons déjà la conformité nécessaire dans la zone réglementée par l'OPANO à l'heure où nous parlons.
Le sénateur Cowan : Nous avons renoncé à l'objectif énoncé dans la plate-forme conservatrice au profit de cette convention.
M. Bevan : Nous obtenons le même résultat que celui annoncé dans la plate-forme, pour autant que je sache. Ils ont dit qu'ils voulaient le même contrôle dans la zone réglementée par l'OPANO que dans la zone canadienne. C'est ce que nous avons obtenu, sur le plan des résultats. Nous avons trois navires sur place, ainsi qu'une surveillance aérienne. Nous abordons les navires et les inspectons et nous avons maintenant un suivi tel que ces navires sont punis s'ils sont en infraction. Voilà le résultat. Lorsque les estimations de prises ont atteint le niveau du quota, ces pêcheries ont été fermées avec trois mois et demi d'avance. Voilà le genre de résultat qui prouve que ce que nous avons dans la zone réglementée par l'OPANO est aussi bon que ce que nous avons à l'intérieur de notre zone.
Le sénateur Cowan : J'apprécie votre réponse.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Bevan, d'avoir passé tant de temps avec nous ce soir et de nous avoir fait part de vos vues avec tant de franchise. Nous vous en remercions, vous et Mme Lapointe.
Je pense qu'il y a consensus parmi les membres du comité pour ne pas laisser en plan cette question, qu'elle mérite un examen plus poussé. La séance d'aujourd'hui sera probablement la dernière avant le congé de Noël, mais le sénateur Cochrane et moi nous réunirons demain pour essayer de dresser un plan d'action ultérieur sur ce sujet.
La séance est levée.