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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 2 - Témoignages du 12 février 2008


OTTAWA, le mardi 12 février 2007

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 18 h 21 pour examiner les questions relatives au cadre stratégique actuel, en évolution, du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et océans du Canada, et en faire rapport. Sujet : Étude Arctique

Le sénateur Ethel Cochrane (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : La séance est ouverte.

Je m'appelle Ethel Cochrane, de la province de Terre-Neuve-et-Labrador, et je suis vice-présidente de cette séance. Je suis heureuse de présider cette réunion pour l'honorable sénateur Rompkey, qui n'a pas pu se libérer ce soir.

Nous examinons aujourd'hui le nouveau cadre stratégique émergent pour la gestion des pêches et océans du Canada. Nous poursuivons plus particulièrement notre étude sur l'Arctique. J'ai le plaisir d'accueillir nos témoins, à savoir les porte-parole du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, M. Alan H. Kessel, jurisconsulte, et M. John Hannaford — un nom familier de Terre-Neuve —, et directeur général des Affaires juridiques.

Alan H. Kessel, jurisconsulte, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Merci, madame la présidente. Je suis très heureux d'être ici ce soir. Le discours du Trône indiquait clairement que le gouvernement du Canada est résolu à aider le Nord à enfin réaliser son véritable potentiel à titre de région dynamique et prospère au sein d'un pays fort et souverain. À cette fin, nous avons mis au point une stratégie pour le Nord qui repose sur quatre principaux objectifs, dont l'un consiste à exercer notre souveraineté dans l'Arctique. Un élément essentiel de ce processus est de définir les limites extérieures du plateau continental étendu.

Le cadre juridique régissant le droit de la mer est décrit dans la Convention de 1982 des Nations Unies sur le droit de la mer, aussi appelée UNCLOS. Le Canada a contribué substantiellement aux négociations relatives à cette convention et l'a ratifiée le 7 novembre 2003.

Actuellement, on compte 155 États parties à la convention.

[Français]

La convention énonce les différentes zones dans lesquels les États sont investis de droits souverains et peuvent exercer leur autorité. Elle établit essentiellement les régimes distincts applicables aux différentes zones de la mer. La convention offre de nombreux avantages concrets pour le Canada, notamment la fixation des limites extérieures du plateau continental dans le cas où il s'étend au-delà de la zone économique exclusive de 200 miles marins. Tout État côtier, possédant un plateau continental au-delà des 200 miles marins, dispose de dix ans à partir du moment où il a ratifié la convention pour présenter à la commission la demande concernant les limites de son plateau continental.

[Traduction]

Le Canada présentera sa demande à la commission en 2013. En procédant de la sorte, la totalité de l'étendue de la zone sur laquelle le Canada possède des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles des fonds marins et de leurs sous-sols sera assurée sur le plan scientifique. Cette initiative s'avère la seule possibilité pour le Canada de définir les limites extérieures de la masse terrestre submergée pour laquelle il est investi de droits exclusifs d'exploration et d'exploitation des fonds marins et de leurs sous-sols ainsi que des espèces sédentaires. Cela n'entraîne pas l'expansion du territoire ou de la zone économique exclusive canadienne.

En 2005, le Canada s'est livré à ses premiers travaux scientifiques dans les océans Atlantique et Arctique et il continue de réaliser des progrès constants quant à l'établissement de la cartographie du plateau continental étendu. Ressources naturelles, Pêches et Océans ainsi qu'Affaires étrangères et Commerce international entretiennent une excellente collaboration. Le MAECI est le ministère chargé de préparer et de présenter les demandes à la commission ainsi que de défendre les intérêts du Canada devant celle-ci. Ressources naturelles Canada, à savoir la Commission géologique du Canada, est responsable des levés sismiques, lesquels permettent de déterminer la profondeur des sédiments en ayant recours à des ondes sonores qui sont réfléchies par les différentes couches sédimentaires dans le sous-sol. Quant à Pêches et Océans, à savoir le Service hydrographique du Canada, il est chargé du levé bathymétrique qui sert à mesurer les profondeurs marines.

Le programme du Canada concernant le plateau continental étendu est en bonne voie pour respecter l'échéance de 2013. Quoique certains articles récents le laissent entendre, la fixation des limites extérieures du plateau continental n'est ni un processus conflictuel, ni une course ou une compétition pour s'emparer des ressources. Au contraire, les pays situés autour de l'océan Arctique — notamment le Canada, la Russie, le Danemark et les États-Unis — peuvent collaborer afin d'établir les limites extérieures de leur plateau continental respectif. Nous avons mené un programme conjoint de recherche avec le Danemark; de plus, un scientifique américain dans l'Arctique de l'Ouest était à bord du brise-glaces Louis S. Saint-Laurent en 2007. En outre, nous nous sommes réunis à deux reprises avec des scientifiques de la Russie pour discuter de nos programmes respectifs.

En novembre, le Canada et la Russie ont fait une déclaration commune au niveau des premiers ministres en vue de réitérer leurs engagements communs visant à respecter le droit international, y compris la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Les travaux de cartographie dans l'Arctique qui sont requis dans le cadre de la présentation aux Nations Unies nécessitent de recueillir des données dans des conditions météorologiques des plus extrêmes et des plus défavorables ainsi que d'avoir recours à une logistique complète présentant de nombreuses incertitudes. On ne peut recueillir des données qu'avec des brise-glaces lourds, et peu de brise-glaces dans le monde entier sont dotés des capacités nécessaires pour accomplir ce type de travail dans des conditions aussi extrêmes. C'est pourquoi les travaux sont effectués conjointement en collaboration avec d'autres scientifiques, ce qui présente l'avantage supplémentaire d'être rentable. En outre, l'interprétation conjointe des données avec d'autres pays permettra au Canada de disposer d'arguments plus convaincants puisque cela réduit le risque qu'un désaccord survienne au cours de l'examen des demandes par les Nations Unies.

L'expédition de la Russie au pôle Nord, l'an dernier, laquelle a entraîné une vague d'activité médiatique, s'inscrit dans le cadre de ce processus. Bien que cela ait permis d'attirer l'attention sur les recherches de la Russie, le fait de planter un drapeau au pôle Nord n'a aucune incidence sur la souveraineté puisque le pôle Nord fait partie de la haute mer, au-delà de toute juridiction nationale.

Il est prématuré de parler de différends ou même de demandes chevauchantes. Si un jour, la présentation d'un pays voisin circumpolaire semble chevaucher notre demande, le différend sera réglé — de la même manière dont le sont habituellement les litiges de frontières — au moyen de discussions, de négociations ou d'arbitrage, et ce, conformément au droit international.

[Français]

En conclusion, j'aimerais réitérer que le gouvernement du Canada est résolu à aider le Nord à, enfin, réaliser son véritable potentiel à titre de région dynamique et prospère, et que l'exercice de notre souveraineté dans l'Arctique reste une de nos principales priorités.

[Traduction]

La vice-présidente : Monsieur Kessel, à propos de la souveraineté dans l'Arctique, il semblerait que le Canada et d'autres pays accordent une attention sans précédent à l'Arctique et aux questions arctiques. On s'intéresse de plus en plus à la souveraineté de l'Arctique dans les médias, les discours et les conversations courantes.

Vous pourriez peut-être donner un aperçu complet, en signalant quels sont les acteurs ou quels sont les principaux enjeux, par exemple.

Pourquoi la souveraineté dans l'Arctique suscite-t-elle autant d'intérêt? Qu'est-ce que les citoyens ordinaires, qui suivent nos délibérations, ont besoin de savoir?

M. Kessel : Madame la présidente, la première observation que je ferais, c'est que le Canada a la souveraineté sur tout le pays, y compris l'Arctique. Personne ne conteste la souveraineté et le contrôle du Canada sur les terres et les îles de l'Archipel arctique. La seule exception est la minuscule île Hans, sur laquelle le Danemark revendique également la souveraineté. En bref, le Canada exerce la souveraineté sur tout son territoire, y compris l'Arctique.

La vice-présidente : Est-ce là toute votre explication?

M. Kessel : Le Canada est un pays souverain. L'Arctique appartient au Canada; les îles sont canadiennes; les eaux sont canadiennes. Les journaux peuvent raconter ce qu'ils veulent. C'est notre opinion et je suis certain que vous la partagez.

La vice-présidente : C'est la nôtre, et c'est le principal centre d'intérêt, n'est-ce pas?

M. Kessel : Ça nous appartient autant que n'importe quelle autre région de ce pays.

La vice-présidente : C'est bien. Je suis heureuse de l'entendre.

Vous avez indiqué que le Canada avait jusqu'en 2013 pour présenter sa demande à l'ONU et que nous ne sommes pas en voie de le faire pour cette échéance. Que se passerait-il si nous n'étions pas prêts pour cette échéance?

M. Kessel : En fait, nous sommes en bonne voie pour respecter cette échéance; par conséquent, il est inexact de penser que nous ne la respecterons pas.

Nous avons ce qu'il faut en termes de recherche pour obtenir des données sismiques. Vous savez peut-être que le budget 2004 accordait 70 millions de dollars pour la cartographie et que le Canada est en bonne voie pour faire sa présentation pour 2013. Nous avons les autorisations nécessaires pour le faire; nous avons les navires nécessaires; nous avons la structure budgétaire nécessaire et nous avons la motivation et la détermination nécessaires.

La vice-présidente : Nous devrons suivre le processus jusqu'au bout et voir les résultats.

Le sénateur Baker : Monsieur Kessel, d'après ce que nous comprenons, l'autorité qu'a le Canada de présenter une demande pour étendre la juridiction au-delà des 200 milles est due au fait que nous avons ratifié la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Sans cette ratification, nous ne pourrions pas présenter de demande d'extension à la Commission des limites du plateau continental. Est-ce bien cela?

M. Kessel : Oui.

Le sénateur Baker : Pourriez-vous expliquer au comité pourquoi il a fallu tant d'années au Canada pour ratifier le droit de la mer et pourquoi le Canada été contrariant pour les États-Unis et le Danemark? Pourriez-vous indiquer pourquoi nous avons permis à tous ces autres pays de participer au processus et de demander à la Commission des limites du plateau continental d'étendre leur juridiction, alors que le Canada, qui avait peut-être le plus à gagner d'une extension de juridiction, aura 13 années de retard sur la Russie? La Russie a fait sa demande en l'an 2000, et je pense que vous vérifierez si c'est exact.

Pensez-vous à un motif juridique que vous pouvez confier au comité — je ne m'attends pas à ce que vous divulguiez des secrets d'État — ou pouvez-vous nous révéler une information qui justifierait cette apathie de la part du gouvernement fédéral?

M. Kessel : Comme vous le savez, les États souverains peuvent ratifier, signer ou accepter des obligations internationales quand ils se sentent prêts à le faire ou quand ils le souhaitent. Le Canada s'est senti prêt quand il a ratifié la convention. J'aimerais rectifier une de vos remarques; les États-Unis ne l'ont pas ratifiée. Ils essaient de la ratifier.

Le sénateur Baker : Je n'ai pas dit que les États-Unis l'avaient ratifiée. J'ai mentionné que le Canada passait pour un contrariant. Les trois amis étaient le Canada, les États-Unis et le Danemark.

M. Kessel : Nous avons en fait ratifié la convention et nous sommes en train de faire ce que nous avons à faire avec de nombreux autres pays.

Vous avez mentionné la Russie. La Russie a envoyé en fait sa demande et la Commission lui a demandé de la remanier, car il y avait quelques anomalies. La Russie présentera en fait à nouveau sa demande en 2009, quelques années avant nous.

Cela dit, le Canada est en bonne voie de le faire; nous n'avons en fait rien à revendiquer. Ça nous appartient. Nous faisons simplement nos devoirs sur les données sismiques qui permettront de vérifier ce que nous considérons comme étant le plateau continental du Canada. Par exemple, lorsque les autorités et les experts de la Commission examineront les données que nous leur soumettrons, ils les approuveront et accepteront probablement cette limite; ça fait partie du plateau continental étendu du Canada.

Les membres de la Commission confirmeront ce qui nous appartient déjà en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Nous ne revendiquons pas et la commission ne peut rien nous refuser. Comme je l'ai expliqué dans mon exposé, si elle découvre qu'il y a chevauchement dans les demandes, il faudra alors probablement entamer des discussions diplomatiques avec le pays concerné.

Le sénateur Baker : Je voudrais vous poser une question précise concernant votre exposé, et il s'agit de la limite, madame la présidente. Vous remarquerez que ce dont il est question ici entoure complètement votre province, Terre-Neuve-et-Labrador; par conséquent, c'est très important.

Ceci m'amène à poser la question suivante : vous avez spécifié dans votre exposé que ça s'applique au sol et au sous-sol. Est-ce bien cela?

M. Kessel : Oui.

Le sénateur Baker : La présentation que nous prévoyons faire portera donc sur le sol et le sous-sol.

M. Kessel : C'est exact.

Le sénateur Baker : Ensuite, vous précisez à nouveau en employant le terme « minéraux ».

Voici la grosse question pour le comité. Il y a 17 pays étrangers qui font de la pêche intense à la traîne sur le fond et le sous-sol dans cette zone. Toute la pêche pratiquée par ces 17 pays étrangers est de la pêche à la traîne. Aucune technologie moderne n'a trouvé la possibilité de capturer le poisson dans la partie supérieure de l'océan. Il n'existe aucune possibilité. La technologie nécessaire n'existe pas. Les pêcheurs doivent pêcher en raclant le fond de l'océan, le sol et le sous-sol, à la manière d'un énorme râteau. Vous avez dit dans votre exposé que le Canada obtiendrait la propriété et la juridiction sur le fond et son sous-sol.

En termes strictement juridiques — et c'est votre profession, monsieur, puisque vous êtes considéré comme un expert dans ce domaine du droit —, quelle est votre opinion sur le droit du Canada de mettre un terme à cette pêche pratiquée par ces 17 pays étrangers? Il y a 40 navires qui pêchent dans cette zone aujourd'hui, et tous les jours, 40 navires-usines alors que nous avons des chômeurs au Canada.

Qu'est-ce que ça nous donne? Cela nous permet-il d'avoir le contrôle sur l'exploitation du sol et du sous-sol dans cette zone?

M. Kessel : Merci pour cette question et pour avoir attiré l'attention sur quelques aspects intéressants des démarches que nous faisons en ce qui concerne l'extension de notre plateau continental. Il est exact de signaler que ça ne concerne pas la colonne d'eau comme telle. Cependant, si je ne suis pas en mesure de donner un avis juridique au comité, je peux tout de même donner quelques idées.

Vous avez mentionné la question de la pêche dans cette zone. Comme vous le savez probablement, les Nations Unies ont également examiné plusieurs résolutions concernant l'exploitation des ressources halieutiques en haute mer et dans d'autres zones. Le Canada a été très actif dans ce processus pour s'assurer que nous ne soyons pas désavantagés. En fait, nous avons très bien réussi au cours des deux récentes discussions à New York, à l'Assemblée générale des Nations Unies, pour nous assurer que les autres pays soient parfaitement au courant de nos préoccupations au sujet de nos droits à l'exploitation de toutes sortes de ressources. Il est clair que le processus que nous suivons actuellement est important pour nous permettre d'établir davantage d'autorité sur ce qui se passe dans cette zone. Nous faisons diligence pour veiller à présenter notre demande à temps et être ainsi en mesure de délimiter clairement l'extension du plateau continental du Canada.

Le sénateur Baker : En d'autres termes, ces questions sont à l'étude en l'occurrence. Vous n'avez ni confirmé ni nié qu'en obtenant le contrôle du fond et de son sous-sol, le Canada peut vraiment avoir le contrôle sur l'exploitation de ce fond et de son sous-sol.

Je passe à un autre aspect technique dans lequel êtes expert, à savoir le processus. Quand le Canada présentera en 2013 sa demande d'extension de sa juridiction, nous la présenterons à une commission composée de représentants d'une vingtaine de pays qui examineront la demande du Canada. Comme vous l'avez fait remarquer, ils ont examiné la demande de la Russie et l'ont écartée en obligeant la Russie à la retravailler. L'aspect déplorable dans tout cela est que les pays qui commettent le plus d'infractions aux règlements de pêche au large de Terre-Neuve et Labrador ont un siège à la Commission qui examinera la demande présentée par le Canada pour faire approuver sa juridiction.

D'après ce que vous savez des procédures de la Commission, en ce qui concerne l'extension de la juridiction sur les limites extérieures du plateau continental, pensez-vous que ces membres, qui sont parmi ceux qui commettent le plus d'infractions aux règlements de pêche en écumant le fond de l'océan au large de notre côte, examineront d'un œil favorable la position du Canada pour la seule raison qu'ils ont adhéré à l'UNCLOS 20 ans avant nous et sont maintenant membres de la commission? Pensez-vous que ça aurait un impact sur leurs délibérations?

M. Kessel : La Commission ne prend pas une décision finale ou temporaire; elle indiquera seulement si la demande du Canada paraît acceptable d'un point de vue scientifique. La Commission ne peut pas nous enlever des droits ni nous accorder des droits que nous n'avons pas. Elle peut signaler tout chevauchement avec d'autres juridictions. Dans la zone en question, un chevauchement grave est improbable et, par conséquent, il n'y a aucun rapport entre la remarque que vous faites au sujet de la pêche et la délimitation comme telle du plateau continental.

L'autre région où un chevauchement avec les États-Unis serait possible est le Grand Nord; il y a en outre une petite zone dans le Nord où un chevauchement avec le Danemark et le Groenland est possible. Nous examinons la question avec ces pays pour nous assurer qu'il n'y en a pas, avant de présenter notre demande à la Commission; nous nous serons au moins appliqués à éliminer les chevauchements dans la plus large mesure possible. Ces pays ne veulent certainement pas avoir des difficultés en se présentant devant la Commission. Comme je l'ai déjà fait remarquer, si la commission signale au Canada qu'elle a constaté une certaine confusion au sujet de la demande, le Canada la remercie pour ses observations et continue à discuter avec les Américains, les Danois et les Russes.

Le sénateur Baker : Ce serait probablement une bonne idée pour le comité sénatorial d'examiner les aspects légaux liés à toute demande d'extension de la juridiction. Si la zone était étendue, seriez-vous capables de vous débarrasser de tous ces pays étrangers?

Monsieur Kessel, vous avez fait remarquer qu'il ne s'agissait pas d'une course ni d'une question de confusion. Pourtant, le Danemark a planté un drapeau en béton sur l'île Hans. Sa force navale a revendiqué la juridiction et fait savoir à travers le monde que c'est une belle réussite nationale. Pourtant, vous affirmez qu'il ne s'agit pas de se délimiter un territoire et que le Danemark faisait simplement du bluff médiatique. Est-ce bien ce que vous pensez?

John Hannaford, jurisconsulte adjoint et directeur général, Affaires juridiques, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Nous avons examiné deux questions ce soir et je tiens à m'assurer que nous faisons bien une distinction entre elles. La situation en ce qui concerne l'île Hans est, comme l'a fait remarquer M. Kessel dans son exposé préliminaire, la seule exception à l'acceptation générale de la juridiction exclusive canadienne sur toutes les îles de l'archipel Arctique. L'unique exception est l'île Hans; il s'agit d'une divergence d'opinions avec les Danois. Nous avons aussi vigoureusement affirmé notre droit souverain sur l'île Hans. Ce n'est qu'un petit désaccord. C'est différent du processus de reconnaissance du plateau continental étendu au-delà de la zone de 200 milles. Je tiens à spécifier que nous faisons une distinction entre ces deux questions.

Le sénateur Cowan : Toujours à propos de la question du sénateur Baker, je pensais avoir compris la signification des termes « droits souverains » et « territoire ». Je pensais qu'il suffisait de présenter une demande qui était acceptée ou rejetée et que les limites étaient alors définies.

Vous avez signalé que la demande a été présentée et que si la commission l'accepte, vous en ferez ce que vous voulez. Est-ce bien là l'effet de cette démarche? Si je pose la question, c'est, bien entendu, à propos de la remarque du sénateur Baker concernant la pêche à la traîne sur le fond de l'océan. Si nous étendons notre juridiction pour inclure la zone située à l'intérieur de cette ligne blanche — la totalité du nez et de la queue des Grands Bancs, on s'attendrait à exercer le même contrôle sur les activités qui se déroulent dans le sol et le sous-sol dans cette zone de compétence étendue, comme à l'intérieur de la zone de 200 milles des eaux territoriales. Comme vous l'avez fait remarquer, le problème devient plus complexe dans le Nord où d'autres pays pourraient avoir des intérêts concurrents et, par conséquent, démontrer une juridiction basée sur un point de vue géologique. En ce qui concerne la côte atlantique, elle ne fait pas partie du plateau continental du Canada ou d'un autre pays. Il n'est donc pas question de deux pays qui sont en concurrence pour la même section du plateau continental. Vous pourriez peut-être clarifier la situation.

M. Kessel : M. Hannaford fera des commentaires supplémentaires à ce sujet, mais je voudrais être clair en ce qui concerne ceux que j'ai faits. On a laissé entendre que cette commission jouerait un rôle déterminant alors qu'en fait, son objectif est davantage de faciliter la collaboration entre pays pour qu'ils délimitent leur plateau continental étendu respectif. On croit à tort qu'il s'agit d'une course et que nous la perdrons en quelque sorte. Mon but est de détruire cette fausse croyance en expliquant le rôle de la commission dans le contexte de la convention.

Le sénateur Cowan : Pensez-vous que nous n'aurons pas davantage de droits après la présentation à la commission et que le gouvernement du Canada ne prendra pas plus de mesures énergiques que maintenant pour protéger la zone jusqu'aux limites du plateau continental? Est-ce bien là ce que vous voulez dire?

M. Kessel : Ce que je veux dire, c'est que le plateau continental du Canada, que nous délimiterons, est, de par sa nature même, canadien. Nous certifions dans le contexte de la commission, et avec l'aide de nos voisins, que nous l'acceptons tous. Notre avis est qu'il s'agit de toute façon d'une région du Canada; nous faisons d'ailleurs des travaux scientifiques pour nous assurer que c'est dans l'intérêt économique du Canada.

J'ai fait remarquer en outre que le gouvernement du Canada travaille d'arrache-pied, et continuera de le faire, pour tenir à l'œil, comme nous l'avons toujours fait, les pays qui surexploitent les zones dans lesquelles nous avons des intérêts économiques. Nous avons toujours très bien réussi, non seulement avec nos collègues européens, mais aussi avec d'autres pays, dans le contexte de l'organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest, ou OPANO; nous avons d'ailleurs fait dernièrement un réexamen de cette organisation pour la renforcer et éviter ainsi le type de situation que vous signalez. Nous continuerons de le faire, non seulement dans le contexte de l'OPANO, mais aussi dans le contexte international de l'Assemblée générale des Nations Unies.

M. Hannaford : Ce sont en fait des droits et des processus qui relèvent du droit international et qui sont stipulés expressément dans le contexte de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer; par conséquent, certaines juridictions sont rattachées à des régions précises à mesure qu'on s'éloigne de la côte. À la toute fin de ce processus, il y a la marge continentale et il est déjà reconnu qu'elle fait partie des États côtiers. Ces États ont certaines juridictions en raison de leur marge continentale. Avec la commission, nous établissons seulement cette limite extérieure. La commission fera finalement des recommandations basées sur les données et la présentation que nous lui soumettons; ça devient contraignant lorsque nous suivons les recommandations de la commission. C'est ainsi que la convention structure le processus.

Le sénateur Comeau : J'aimerais revenir à la question du chevauchement. Si je comprends bien, vous examinez le plateau continental et faites des travaux scientifiques pour délimiter le plateau continental qui, d'après la convention, appartient actuellement au Canada. Le problème se pose ou peut se poser lorsqu'il y a chevauchement et dans ce cas seulement. L'UNCLOS reconnaît les limites de notre plateau continental actuel.

M. Kessel : La Commission vérifierait si nous avons fait une étude scientifique précise. Si nous étendions notre limite au-delà des limites du plateau continental auquel nous avons droit, même en l'absence de chevauchement, la Commission ferait savoir que nos données indiquent que nous sommes allés trop loin ou que nos données ne sont pas suffisantes et qu'il faut en recueillir davantage. Je pense que c'est ce qu'elle a fait en ce qui concerne les Russes.

Vous avez parfaitement raison. En cas de chevauchement, la Commission ne rendrait pas de décision; elle ferait savoir qu'elle pense que deux États ont indiqué la même zone géographique et leur demanderait donc de régler ce chevauchement.

Le sénateur Comeau : Je me demandais pourquoi nous faisions des levés du côté de l'Atlantique. Nous le faisons dans l'Atlantique parce que nous devons déterminer les limites extérieures.

M. Kessel : Oui.

Le sénateur Comeau : Il y a deux chevauchements au Canada Atlantique : un au large de Terre-Neuve, sur lequel une décision a été rendue par arbitrage, et l'autre, avec les États-Unis, au Banc Georges. Je présume qu'il n'y aura pas de problèmes de chevauchement quand nous aurons délimité le plateau continental.

M. Kessel : Nous estimons qu'il n'y a pas de chevauchement à cet endroit-là, comme l'indique la carte que nous avons dessinée. Nous ne pouvons pas prévoir ce qui peut se passer, mais nous pensons qu'il n'y en a pas.

Le sénateur Comeau : Il y a probablement très peu de chances qu'un de ces deux pays souhaite ou puisse remettre en cause les limites qui ont été établies en vertu de l'UNCLOS.

M. Kessel : Je m'excuse, mais je n'ai pas compris la question.

Le sénateur Comeau : Les autorités internationales ont délimité le territoire français par arbitrage ou du moins par une décision.

M. Kessel : Ce n'était pas sous le régime de l'UNCLOS.

Le sénateur Comeau : L'UNCLOS pourrait-elle remettre ces limites en cause?

M. Kessel : Vous remarquerez que c'est dans notre zone économique exclusive; c'est entièrement dans cette zone, et ça ne relève même pas de l'UNCLOS.

Le sénateur Comeau : Si je comprends bien, c'est fondé uniquement sur des données géologiques ou géographiques, et pas sur l'utilisation historique ou la question d'une utilisation antérieure, contrairement au Banc Georges où l'utilisation historique et locale était devenue un critère important.

M. Kessel : C'est entièrement fondé sur des données scientifiques.

Le sénateur Hubley : J'aimerais poser une question concernant la façon dont le travail est effectué. Je pense que vous avez signalé dans votre exposé que ce sont des brise-glaces lourds qui font la collecte de données et que le travail est accompli avec la collaboration d'autres scientifiques. Pouvez-vous donner des informations sur les ressources dont nous disposons? Combien de brise-glaces de ce type avons-nous? Avec quels autres pays et quels autres scientifiques collaborons-nous?

M. Kessel : Les données sismiques que nous avons recueillies l'ont été essentiellement sur le Louis S. Saint-Laurent; nous avons recueilli des données sismiques en 2007 grâce à la quantité de sédiments prélevés sur place. La prochaine activité sur place est prévue pour mars 2008 et les préparatifs pour cette étude sont déjà en cours.

Les levés cartographiques concernant l'Atlantique ont été très efficaces. Comme vous pouvez l'imaginer, le travail est beaucoup moins complexe pour l'Atlantique, étant donné qu'on ne doit pas tenir compte des caprices de la glace. C'est dans le Grand Nord que la tâche est la plus difficile, car la glace avance droit sur vous.

Nous avons collaboré avec le Danemark, les États-Unis et la Russie. En fait, nous avons eu une coopération cartographique scientifique très fructueuse avec les Danois sur le plateau dans la zone située au nord de l'île Ellesmere et du Groenland. Nous avons des intérêts communs et nous avons indiqué dans un protocole d'entente que nous avons conclu avec les Danois que le plancher océanique au-delà de 200 milles nautiques est une extension naturelle de nos plateaux continentaux respectifs dans l'Arctique. C'est dans l'intérêt des deux pays de procéder ainsi; en outre, la recherche conjointe sur la partie canadienne et la partie danoise de la Dorsale Lomonosov est un projet en cours qui a été mis en place en 2006, avec la participation de 32 scientifiques canadiens et danois.

Nous avons discuté avec les États-Unis de nos programmes respectifs de recherche sur nos plateaux continentaux; la dernière fois, c'était en juillet 2007. À cette occasion, des fonctionnaires canadiens et américains ont discuté des possibilités de collaboration dans la collecte de données dans des régions comme le Grand Nord, où c'est indispensable pour les deux pays. En septembre 2007, un scientifique américain travaillait avec des scientifiques canadiens dans le Grand Nord, à bord du brise-glaces canadien Louis S. Saint-Laurent. Les scientifiques canadiens et américains restent en contact, ce qui peut entraîner au besoin une procédure plus formelle. Comme vous le savez, les Américains n'ont pas encore signé la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), mais ils tiennent beaucoup à faire les levés cartographiques également. Étant donné que nous nous appliquons nous aussi à en faire, nous n'aurons pas de problèmes en 2013.

En ce qui concerne la collaboration russe, nous avons discuté de nos programmes respectifs de recherche sur le plateau continental au cours d'une réunion qui s'est déroulée durant le sommet commercial Canada-Russie, à la fin de mars 2007. Les porte-parole canadiens ont alors été mis au courant du projet d'expédition russe afin d'étudier le plateau continental étendu russe dans l'océan Arctique. Les Russes s'appliquent actuellement à mettre la dernière main à une demande révisée pour la Commission, comme je l'ai déjà signalé. Les scientifiques canadiens et russes restent en contact; nous nous sommes rencontrés à nouveau en novembre 2007, avec les Danois; par conséquent, nous avons discuté des questions scientifiques avec les Danois et avec les Russes.

Je devrais peut-être signaler également que c'est extraordinaire pour les scientifiques, car ils arrivent finalement à faire leur recherche sur les grands fonds et, dans la plupart des cas, ils n'ont aucune difficulté à obtenir des subventions des pays concernés, en raison des retombées économiques. Les scientifiques se montrent très coopératifs et ils partagent leurs données avec nous comme nous partageons les nôtres avec eux. Notre objectif commun est d'éviter tout chevauchement, perçu ou réel, et de réduire les risques d'arbitrage ultérieur.

Le sénateur Hubley : J'examine les données scientifiques par rapport à la souveraineté. Vous avez mentionné que les États-Unis, le Danemark, la Russie et le Canada font des travaux dans ce domaine. Avons-nous des représentants à la commission qui évaluera les données scientifiques recueillies? Est-ce que la Russie, le Danemark ou les États-Unis sont représentés à la Commission?

M. Kessel : Nous n'y sommes pas représentés pour le moment, mais ça n'exclut pas la possibilité que nous le soyons lorsque nous présenterons notre demande. Je pense que la Commission a un cycle de cinq ans et, par conséquent, il nous faudra attendre encore des années avant de pouvoir en faire partie. Il y a actuellement un membre australien à la commission. Si le comité l'exige, nous pouvons fournir la liste complète des membres de la Commission.

Le sénateur Hubley : J'aimerais voir cette liste.

Le sénateur Adams : Merci beaucoup pour votre exposé intéressant. J'ai des difficultés, constatant que nous possédons 100 p. 100 de l'Arctique, au sujet de cette collaboration avec les scientifiques de ces autres pays. Les Américains, les Russes et les Danois font une étude sur l'océan. Le Canada a-t-il participé à l'étude qu'ont faite les autres pays sur le plancher océanique? D'après mes collègues, les Russes en ont fait une vers l'an 2000. Nous avons donc 13 années de retard puisque nous ne commencerons qu'en 2013.

Depuis le début, des personnes qui vivent dans cette région disent avoir vu davantage de scientifiques américains que canadiens dans le Grand Nord, surtout sur l'île Ellesmere. Il y a une station de recherche partagée par les Américains et les Canadiens.

J'ai parlé à plusieurs scientifiques canadiens qui affirment ne pas pouvoir rivaliser avec les Américains parce que le gouvernement ne leur accorde pas suffisamment de fonds pour le matériel. Nos scientifiques ont de la difficulté à vivre dans cette région. Nous ne savons même pas où l'on en est ou ce qu'il adviendra de la souveraineté dans l'Arctique. Nous aimerions une souveraineté canadienne totale.

En attendant, nous étudions le plancher océanique avec des scientifiques d'autres pays qui travaillent avec nous. Il doit y avoir des ressources intéressantes pour que les Américains veuillent jalonner un claim sur le fond de l'océan. Si l'on y découvre du pétrole ou du gaz — je pense que c'est principalement ce qui les intéresse là-bas —, comment voulez-vous qu'ils soient d'accord? Je pense que c'est la raison pour laquelle la Russie a planté son drapeau au fond de l'océan; elle suppose qu'il y a davantage de gaz naturel dans cette région que dans l'Arctique russe. Comment pourrions-nous approuver un tel geste?

Vous faites remarquer que nous en discutons avec 155 autres pays. Le Canada devrait refuser et affirmer que ça lui appartient et que les autres doivent partir, puisque ça nous appartient. Si c'est entièrement notre propriété, nous devrions refuser immédiatement. Pourquoi collaborer avec d'autres pays? Est-ce parce que nous n'avons pas un nombre suffisant de techniciens pour faire ce type de travail dans l'Arctique?

M. Kessel : Je devrais peut-être faire d'abord remarquer que, comme vous, je pense que le Canada est le seul propriétaire de l'Arctique — comme il l'est du reste du pays; le gouvernement actuel tient à ce que ça ne change pas.

Vous avez également mentionné notre collaboration avec des scientifiques. C'est ce que le Canada et tous les autres pays font depuis aussi longtemps que je me souvienne, dans le cadre de nombreux projets scientifiques.

Les scientifiques collaborent car il est intéressant de partager des données. Il est en outre intéressant de partager les dépenses dans les domaines concernés. Comme je l'ai fait remarquer tout à l'heure, il ne s'agit pas d'une course. Par conséquent, il n'y a pas de début ni de fin, si ce n'est que quand on s'inscrit, on a dix ans pour présenter sa demande. Ceux qui ont signé plus tôt ont présenté leur demande plus tôt.

Étant donné qu'on ne peut pas obtenir plus que ce à quoi on a droit, il n'est pas vraiment important que ce soit maintenant ou plus tard. Ce n'est pas une course et on ne peut obtenir que ce à quoi on a droit. Nous collaborons avec les autres pays parce que c'est intéressant sur les plans économique et scientifique. Il est préférable de s'entendre sur les frontières plutôt que de se quereller. Si nous y arrivons, je pense que ce serait dans l'intérêt du Canada de procéder ainsi.

Le gouvernement actuel a affirmé et exercé très vigoureusement sa souveraineté dans le Nord. De nombreuses initiatives ont été annoncées en ce qui concerne l'exercice de notre souveraineté, y compris de nouvelles installations de docks et de ravitaillement en carburant, la station de recherche dans l'Arctique, l'augmentation de la taille et de la capacité des Rangers canadiens, la réservation d'un territoire important pour la réserve du parc national Nahanni et l'aménagement d'un port en eau profonde à Nanisivik, sur l'île Baffin. Ce ne sont là que quelques exemples des initiatives prises par le gouvernement actuel.

Le sénateur Adams : Si on ne bouge pas avant 2013, que deviendra la souveraineté dans l'Arctique d'ici là?

M. Kessel : Je m'excuse, sénateur, mais je ne comprends pas.

Le sénateur Adams : Vous venez de signaler que vous n'en aurez pas terminé avec cette Commission avant 2013.

M. Kessel : Il faudrait que ce soit clair : les discussions sur la délimitation du plateau continental n'ont aucun rapport avec la question de la souveraineté du Canada dans l'Arctique. Ça ne fait pas partie de ces discussions.

Je précise seulement que la souveraineté du Canada dans l'Arctique est totale. Il y a ensuite une discussion différente, à savoir que nous étendons les limites de notre plateau continental en conformité des dispositions de l'UNCLOS. Tout le territoire qui se trouve à l'intérieur des lignes de base dans l'Arctique est canadien et souverain.

Le sénateur Adams : Il y a une marque en rouge sur la carte de l'Arctique; je ne comprends pas très bien ce que ça veut dire.

M. Kessel : C'est notre zone économique exclusive. La ligne blanche indique l'extension potentielle de notre plateau continental. C'est une ligne hypothétique, car nous sommes en train de faire la cartographie de cette région. Pour vous donner toutefois une idée de ce qui nous intéresse — pour donner une image, car je pense qu'une image décrit beaucoup mieux ce que nous faisons —, vous pouvez voir jusqu'où se prolongerait notre plateau continental.

C'est au mieux de notre connaissance pour le moment, mais ce n'est pas aussi bon que des données scientifiques exactes; par conséquent, nous faisons une cartographie scientifique exacte. Le Louis S. Saint-Laurent sillonne cette zone, ce qui est extrêmement difficile parce que la glace bouge. Nous espérons obtenir une carte claire de cette zone. La zone en blanc est la zone visée par la demande que nous présenterons à la Commission. La zone en rouge est déjà notre zone économique.

Le sénateur Adams : Notre plateau peut-il être étendu jusqu'au bout de la zone en blanc si les Américains et les Russes sont d'accord?

M. Kessel : Les Russes sont représentés au sommet de cette image. Vous pouvez voir leur plateau continental. Comme nous, ils vérifient si la Dorsale Lomonosov est rattachée à la Russie ou au Canada. Ça fait partie des études scientifiques, et nous ne sommes pas encore en mesure de le savoir, pas plus que les Russes.

Vous avez fait un commentaire au sujet de la question du drapeau. Comme je l'ai signalé dans mon exposé préliminaire, planter un drapeau sur le pôle Nord, c'est-à-dire en haute mer, n'est que du bluff.

Le sénateur Adams : Ce n'est qu'une opération médiatique.

M. Kessel : Rien que ça, oui.

Le sénateur Adams : Ce pourrait être une question de juridiction également. J'ai signalé au ministère des Pêches et des Océans et au ministre, il y a quelques années, que nous voudrions que les quotas soient augmentés dans l'Arctique. D'après ce que j'ai entendu dire, la question des quotas est sous le contrôle de l'OPANO. Tout le monde se souvient certainement de l'OPANO. Quelques autres pays pêchent dans cette zone et nous avons découvert que nous avions dans l'Arctique, entre l'île Baffin et le Groenland, des quotas pour le flétan noir et la crevette, qui appartiennent au Nunavut.

Avant que nous ne réglions les revendications territoriales au Nunavut, l'OPANO avait fixé des quotas dans l'Arctique. Ça nous intéresserait d'établir une activité économique pour permettre aux habitants des collectivités de pêcher, mais nous ne pouvons rien faire. Nous ne sommes pas à l'intérieur de la zone de 200 milles des eaux territoriales. Puis, nous avons réglé alors les revendications territoriales; on ne nous a accordé que jusqu'à 12 milles, zone placée sous le contrôle du gouvernement du Nunavut. On ne peut pas vraiment dire que la zone de 200 milles appartient au Canada. Comment appelez-vous l'eau qui appartient à un pays, dans la zone de 200 milles?

M. Kessel : S'agit-il de la zone économique?

Le sénateur Adams : Oui. À l'époque du règlement des revendications territoriales, nous pouvions au moins aller trouver le ministre, ici à Ottawa. Maintenant, cette zone est contrôlée par un autre pays. Pourquoi?

M. Kessel : Je ne suis pas sûr de comprendre parfaitement la question. Si elle concerne les quotas de pêche, il serait probablement préférable de poser la question à nos collègues du MPO qui s'occupent de ces quotas.

Le sénateur Adams : Le MPO ne peut rien faire, car il faut obtenir, par l'intermédiaire du syndicat, l'accord de la Russie et des autres pays. Comme l'a fait remarquer le sénateur Baker, 17 autres pays ont signé cet accord. Nous voulons le contrôle pour avoir davantage de quotas pour le Nunavut. C'est le Groenland qui a le monopole.

M. Kessel : Je répète que je regrette, mais je ne suis pas en mesure de répondre aux questions concernant les quotas de pêche. Mes collègues du MPO pourraient peut-être vous aider.

La vice-présidente : Lorsque les Russes ont placé leur drapeau dans l'Arctique en 2007, quel était leur objectif, d'après vous?

M. Kessel : Je ne m'interrogerai pas au sujet du but de ce bluff politique; je me contenterai de faire remarquer que c'est bien de bluff qu'il s'agit dans notre esprit. On ne peut absolument pas posséder le pôle Nord simplement en y plantant un drapeau. Ça ne leur appartient pas, et nous le leur avons fait savoir.

La vice-présidente : En ce qui concerne la souveraineté du Canada dans l'Arctique, les navires commerciaux étrangers sont-ils dans l'obligation de se faire immatriculer auprès des autorités canadiennes lorsqu'ils pénètrent dans les eaux arctiques canadiennes?

M. Kessel : Le régime actuel dans le Nord comporte deux volets. L'un est la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, qui est la loi régissant la protection environnementale dans les eaux arctiques. Tous les navires qui traversent nos eaux ou y pénètrent doivent se conformer à cette loi, sinon ils ne peuvent pas y entrer.

Il existe également un autre processus, qui n'est pas contraignant mais qui est efficace, le Système de trafic de l'Arctique canadien. C'est un processus en vertu duquel les navires nous avertissent qu'ils sont dans cette zone, pour des raisons de sécurité et pour d'autres motifs. Aux termes de la LPPEA, à savoir la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, nous régissons la qualité des navires qui les traversent en exigeant des coques doubles et en imposant plusieurs autres exigences. En fait, le Canada est en avance sur la plupart de ses voisins de l'Arctique qui lui ont demandé dernièrement de partager la loi avec eux, car ils voudraient s'en inspirer. On nous considère plutôt comme des visionnaires.

La vice-présidente : Avons-nous refoulé certains navires?

M. Kessel : Les navires doivent se conformer. Je pense qu'ils ne pourraient pas passer s'ils ne se conformaient pas.

La vice-présidente : Nous ne le savons pas.

M. Kessel : La Garde côtière donnerait une réponse plus précise.

La vice-présidente : J'aimerais avoir cette information. Pouvez-vous nous la communiquer? Pourriez-vous la faire parvenir à notre personnel?

M. Kessel : Nous pouvons certainement communiquer la question à la Garde côtière.

La vice-présidente : Nous aimerions aussi connaître les raisons pour lesquelles ils ont été repoussés et obtenir d'autres informations semblables.

M. Kessel : Si je comprends bien, la question est la suivante : est-ce que des navires ont été repoussés et pour quelles raisons?

La vice-présidente : Si on leur a refusé le passage. Merci.

Le sénateur Hubley : Examineriez-vous cette figure, car c'est une autre façon d'examiner le monde, et en tout cas l'Arctique? Pourriez-vous indiquer les pays situés autour de ce cercle, à commencer par l'Islande, puis le Groenland et le Canada? Où s'arrête le Canada dans cette illustration?

M. Kessel : Il est très facile de voir le Canada ici. Jusqu'au début de la partie en rouge, où se trouve le bleu et la terre, tout ça c'est le Canada. Ça va du Yukon, jusque tout en haut, où se trouve la frontière entre le Yukon et l'Alaska. En haut, où vous voyez le bout de la partie en rouge. La masse en blanc, à droite de ça, est le Groenland. En descendant vers le bas jusqu'au point rouge et la zone terrestre, c'est le Canada. De l'autre côté, tout fait partie du Groenland, qui appartient au Danemark. La Russie est là, en haut.

Le sénateur Hubley : Où commence la Russie?

M. Kessel : C'est une très bonne question. Elle est très existentielle. Le détroit de Béring se trouve là et les États-Unis sont de ce côté-là. La Russie couvre toute cette partie et, vous voyez, elle va jusqu'à la Finlande, là où vous voyez cette petite protubérance. Là c'est la Finlande, puis la Norvège.

Le sénateur Baker : Comme l'a fait remarquer M. Kessel il y a quelques instants, les Russes s'en viennent.

M. Kessel : En fait, ils sont déjà là.

Le sénateur Baker : « Les Russes s'en viennent. »

Madame la présidente, j'ai oublié de mentionner au début l'excellent travail que fait le groupe de M. Kessel — et pas le gouvernement du Canada. Je ne sais pas combien de personnes il y a dans son équipe, mais elles occupent un poste très important; nous ne pouvons pas lui reprocher la non-ratification du droit de la mer ou tout retard que nous remarquons dans l'établissement de la cartographie de l'océan pour l'amener au niveau de mise en œuvre aux Nations Unies qu'il veut atteindre.

Monsieur Kessel, je dois toutefois contester une phrase que vous ne cessez de répéter, à savoir « ce n'est pas une course ».

Monsieur Kessel, je signale que cette zone que nous voulons annexer au Canada est, en superficie, comparable aux trois provinces des Prairies. Ces dernières ont une superficie égale à l'extension de la zone de juridiction que nous envisageons pour le Canada.

Pour en revenir au « ce n'est pas une course », la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer est entrée en vigueur en 1983. Ça nous a pris 21 ans pour la ratifier, puis 10 ans de plus pour pouvoir présenter une demande à la Commission des limites du plateau continental, des Nations Unies. Vous ne pensez certainement pas que la Russie n'a aucun avantage pour avoir présenté sa demande dès l'an 2000.

Voulez-vous dire que tous les pays qui présenteront une demande d'extension de leur juridiction en vertu de cette procédure n'ont pas besoin de le faire tout de suite, qu'ils peuvent attendre 20 ou 30 ans puisque, comme vous le signalez, ce n'est pas une course et qu'aucun pays n'a un avantage à présenter sa demande avant les autres? Comment justifiez-vous cette affirmation?

M. Kessel : Sénateur, vous avez soulevé une question intéressante; je pense d'ailleurs que le Canada et les autres pays de la communauté internationale s'y appliquent depuis la Seconde Guerre mondiale, à savoir qu'on veut éviter toute guerre sur des questions territoriales. Par conséquent, l'objet du droit de la mer des Nations Unies était en partie de réduire les frictions entre États. Un des domaines où on pouvait prévoir certaines frictions était précisément l'extension du plateau continental et, par conséquent, on a établi un processus qui réduirait les risques, ferait disparaître l'agressivité et nous permettrait d'œuvrer en collaboration. On a spécifiquement créé un régime qui n'était pas une course.

Si vous pouvez m'expliquer pourquoi ça ressemble à une course, ça m'intéresserait beaucoup de le savoir. En tout cas, à notre avis, ce processus ne nous enlève rien et ne donne rien qui nous appartienne à un autre pays. Par exemple, de nombreux autres pays ne sont pas encore signataires du droit de la mer, mais ils ne seront pas désavantagés pour autant.

Je pense que le Canada a joué un rôle particulièrement actif dans la négociation sur cette convention. Nous avons fait ajouter certaines expressions, notamment « eaux couvertes de glace de l'Arctique », et avons signalé des enjeux relatifs à l'extension du plateau continental qui sont maintenant importants.

L'autre aspect est qu'il ne nous faudra pas 10 ans pour présenter notre demande. La loi nous donne 10 ans, à compter de la date de la ratification, pour le faire. Comme vous pouvez l'imaginer, nous avons une des zones côtières les plus longues et les plus difficiles à tracer sur une carte. Nous avons probablement une des plus longues zones côtières au monde; nous ferons du bon travail et nous mettrons le temps nécessaire pour qu'il soit précis.

Le sénateur Baker : Vous avez signalé que l'année 2013 n'est pas la date de la demande. Pourtant, dans votre exposé, vous avez dit ceci : « Le programme du Canada concernant le plateau continental étendu est en bonne voie pour respecter l'échéance de 2013 ».

Quand estimez-vous que nous pourrons présenter notre demande si vous pensez qu'il ne faudra pas attendre jusqu'en 2013?

M. Kessel : Non, j'ai signalé que nous disposions de cette période pour le faire et que nous sommes en bonne voie d'y arriver pour cette date.

Le sénateur Baker : Les mécanismes dont vous avez besoin pour faciliter votre fonction dans tout ce contexte est qu'il faut faire les levés cartographiques et les travaux préliminaires sur place. Vous avez insisté sur le fait qu'un budget de 70 millions de dollars avait finalement été approuvé. Je pense que les libéraux l'ont approuvé juste avant que les conservateurs ne prennent la relève ou alors, est-ce que ce sont les conservateurs qui l'ont approuvé? Quoi qu'il en soit, ça a pris du temps et la plus grosse partie de notre ligne de côte remonte à l'époque de la ligne de sonde du capitaine Cook et pourtant, c'est de la cartographie très précise.

N'y aurait-il pas moyen d'accélérer ce processus pour respecter une échéance qui serait fixée à la moitié de ce délai-là? Voyez-vous une possibilité que le gouvernement le fasse ou pensez-vous à ce qu'il pourrait faire pour raccourcir le délai dans lequel une présentation serait prête?

M. Kessel : Sénateur, je ne suis pas très habile en matière de supputations et, par conséquent, j'ai renoncé à en faire. Ce que je sais, c'est que les fonds nécessaires ont été prévus par le budget 2004 et que, lorsque nous avons besoin de fonds supplémentaires, le gouvernement au pouvoir veille à ce que nous puissions préparer notre présentation et respecter l'échéance.

On ne sait jamais à quoi s'attendre en ce qui concerne la glace dans le Nord. Les forces centrifuges liées à la présence de la glace dans cette région posent un gros problème. En outre, je sais que même le Louis S. Saint-Laurent, qui est un navire extraordinaire, a eu de la difficulté à avoir accès aux zones où il doit aller. Nous devons tirer parti de tout moment où la glace bouge et permet le passage. Mes collègues peuvent vérifier le fait que certaines années, c'est plus simple, même si ce n'est jamais facile, alors que d'autres, c'est très difficile. Je pense que l'année dernière, c'était très difficile pour la glace. Nous espérons que si nous commençons au mois de mars, car nous n'avons qu'un tout petit créneau pour le faire, nous pourrons faire des progrès.

En ce qui concerne la possibilité d'accélérer la procédure, nous procédons de la façon la plus rapide et la plus minutieuse que mérite le Canada et, étant donné que nous disposons d'un délai allant jusqu'à 2013, nous ferons de notre mieux.

Le sénateur Baker : Pour revenir à la question de « la course », vous avez consacré beaucoup de temps, et c'est très bien ainsi, à féliciter les autorités canadiennes d'avoir formé, avec les autres pays, la définition coopérative de ce que constitue l'extension d'un plateau continental.

Je vous rappelle qu'en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, il y a des lois provinciales indiquant que ça nous appartient dans la mesure où c'est exploitable; cependant, avec la technologie moderne, ça inclurait tout l'océan Atlantique et nous saisirions probablement les sables de l'Afrique du Nord dans le processus.

On ne peut certainement pas dire que si on avait fait le nécessaire il y a 20 ans ou que si on ne le fait que dans 10 ans, pour respecter toutes ces définitions pendant le processus, nous ne serions pas perdants du fait de ne pas encore avoir présenté notre demande. Nous pourrions peut-être être désavantagés par rapport à d'autres pays dans cette zone-là — les États-Unis sont là, le Danemark est là-bas, et nous pourrions être désavantagés en ce qui concerne l'extension jusqu'au Bonnet Flamand. Ce n'est peut-être pas une course pour vous, mais vous racontez à qui veut l'entendre que ce qui s'est passé là-bas n'a aucune importance en ce qui concerne les définitions établies en collaboration.

M. Kessel : Comme je l'ai mentionné, je suis allergique aux supputations mais, en suivant la logique de votre argument, vous préconisez en fait d'attendre jusqu'à ce que la science permette de recueillir des données encore plus précises qui permettraient d'obtenir une image beaucoup plus fidèle.

Étant donné que nous avons un délai de 10 ans et que nous sommes convaincus que l'état actuel de la science nous permet d'obtenir une image fidèle de l'emplacement de l'extension du plateau continental, je reconnais que des problèmes de définition se posent. Je reconnais qu'il s'en pose au sujet des dorsales et de ce à quoi elles sont rattachées et, quant à savoir s'il s'agit de sable ou d'une véritable dorsale. Nous tentons actuellement de le déterminer en utilisant nos données sismiques à très haute définition. C'est la raison pour laquelle nous échangeons des données, car nous pouvons obtenir des données intéressantes de nos collègues, des Américains, des Danois ou des Russes.

Je répète que ce n'est pas une course. Nous arriverons tous à la ligne d'arrivée dans des délais différents, mais on ne tirera pas un coup de feu en guise de signal de départ et on n'abaissera pas le drapeau pour marquer l'arrivée.

M. Hannaford : J'ai une petite remarque à faire, à savoir qu'il s'agit essentiellement d'une enquête sur les faits. Le plateau continental ne grossira pas ou ne rétrécira pas. Il s'agit pour le Canada de faire le travail qui est nécessaire pour démontrer les faits. C'est le type d'étude qui est actuellement en cours.

Le sénateur Baker : Les définitions des faits changent toutefois.

M. Hannaford : La définition est indiquée dans la convention et ne changera pas. La question est de savoir comment ça s'applique sur le terrain et c'est précisément le travail qu'on est en train de faire.

Le sénateur Baker : Monsieur Hannaford, je présume que les « définitions établies en collaboration » mentionnées par M. Kessel présentent des avantages. Vous n'avez pas épuisé les définitions en ce qui concerne la nature coopérative des discussions. Si je poussais votre logique à l'extrême, pourquoi n'attendrait-on pas 50 ans de plus?

Dix-sept pays étrangers détruisent notre pêche alors que nous avons des chômeurs dans nos usines de transformation du poisson. Nous cherchons des possibilités de mettre un terme à ce type de pêche étrangère. Il est important de faire ces levés cartographiques immédiatement, car les résultats pourraient indiquer que la pêche étrangère est illégale; ce serait donc peut-être une possibilité d'y mettre un terme. Le travail qui se fait là-bas pourrait remettre les pêcheurs au travail. Par conséquent, il est important de le faire tout de suite, car nous ne pouvons pas attendre. C'est une question de nature politique et je m'attends pas à ce que vous y répondiez.

Le sénateur Comeau : Le sénateur Baker a abordé la question du Bonnet Flamand. Je remarque qu'il est situé en dehors de la zone en blanc sur la carte. Comme l'a laissé entendre le sénateur Baker, certaines personnes aimeraient peut-être considérer le plateau continental comme la plus grande extension possible de notre juridiction, peut-être jusqu'au Bonnet Flamand. D'après vous, le Bonnet Flamand est-il en dehors des limites de nos possibilités?

Wendell Sanford, directeur, Direction du droit des océans et de l'environnement, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Nous présumons que, bien que le nez et la queue soient à l'intérieur de la zone prévue, le Bonnet Flamand pourrait très bien être ou ne pas être à l'extérieur de cette zone. Nous ne savons pas ce qu'indiqueront les données scientifiques. La difficulté est liée à la profondeur de l'eau entre le nez du banc, qui est en haut de l'image, et la lettre C sur le graphique, là où se trouve le Bonnet Flamand. Les scientifiques tenteront de le démontrer.

Le sénateur Comeau : Je sais que vous ne voulez pas faire de commentaires sur les questions relatives à la pêche, mais certaines personnes aimeraient savoir qu'on pourrait finalement soutenir que c'est dans notre plateau continental. On pourrait peut-être trouver une justification qui nous permettrait d'exercer une certaine juridiction sur la pêche.

M. Sanford : Je tiens à préciser que l'extension du plateau continental n'a absolument aucun lien avec la pêche, si ce n'est dans la mesure où elle nous donne le contrôle sur les espèces sédentaires en surface. Nous pourrions avoir le contrôle sur les homards et les palourdes mais, à notre avis, on ne pourrait pas invoquer cet argument pour exercer un contrôle sur les navires qui pêchent à la traîne sur le fond. L'exception serait si nous faisions de l'exploration et de l'exploitation dans une certaine zone, de sorte que nous pourrions invoquer que ce droit est supérieur au droit de pêche. Cependant, nous renoncerions du même coup à notre droit de pêche.

Le sénateur Baker : Il a fait des commentaires complètement contradictoires.

Le sénateur Comeau : Une question qui a été soulevée est le fait que certaines personnes considèrent le passage du Nord-Ouest comme un passage international. Pourriez-vous montrer les limites du passage du Nord-Ouest qui se trouvent dans les eaux canadiennes?

M. Kessel : Je peux essayer, mais ce n'est pas une carte précise. Le passage du Nord-Ouest n'est pas un seul passage, mais c'est une série de voies d'accès situées dans toute cette zone.

Le sénateur Comeau : Soyons plus précis. Quelles sont en fait les limites de nos eaux?

M. Kessel : C'est une autre question. Nos eaux intérieures sont tout ce qui est situé dans les lignes de base longeant les eaux territoriales du Canada, sur toutes les côtes. Elles vont en remontant jusqu'à la côte est du Groenland et en descendant de l'autre côté, jusqu'à la frontière du Yukon et de l'Alaska. Tout ce qui se trouve à l'intérieur de cette zone appartient au Canada et fait partie des eaux canadiennes.

Le sénateur Comeau : Il faudra que je le voie sur une carte.

M. Kessel : Tout ce qui se trouve dans le triangle sur la carte vers le bas appartient au Canada.

Le sénateur Comeau : Les zones en rouge et en blanc ne font pas partie de nos eaux territoriales.

M. Kessel : La partie en rouge est la zone économique exclusive et la partie en blanc est l'extension proposée du plateau continental, mais nous faisons encore des levés cartographiques et, par conséquent, il s'agit d'une image conceptuelle.

Le sénateur Baker : M. Sanford exprime les vues traditionnelles déjà exposées par exemple par le doyen de la faculté de droit de l'Université Dalhousie, qui est d'accord avec M. Sanford et a adopté les vues juridiques traditionnelles. Il n'y a aucun doute là-dessus. Je ne suis pas d'accord avec eux et je ne sais pas sur quoi ces vues-là sont basées. Nous avons entendu des témoignages à ce sujet, et je n'ai pas vu de preuves. Si le Canada obtient le contrôle du sol et du sous-sol de l'océan, à mon avis, l'Union soviétique ne peut pas aller creuser le sol et le sous-sol à volonté et l'emporter.

M. Sanford pourrait-il aider le comité en faisant une interprétation juridique liée au droit international expliquant pourquoi, quand on obtient la juridiction sur le fond de l'océan et son sous-sol, on n'a pas vraiment cette juridiction. Ça dépend de ce qu'on fait et du but dans lequel on remue le sol et le sous-sol.

M. Sanford : La clé est que ceci n'étend pas notre juridiction. Un plateau continental étendu n'accroît pas la superficie du Canada. Le Canada obtient plutôt des droits supplémentaires en ce qui concerne le sol et le sous-sol de cette partie du plancher océanique. Les droits que nous acquérons ne concernent que l'exploration et l'exploitation.

Il est entendu que ça concerne les espèces sédentaires vivant au fond de l'océan et que c'est le seul type de pêche concerné. C'est la décision de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer; c'est ce qu'elle indique.

Le sénateur Baker : D'où viennent les minéraux mentionnés par M. Kessel? Vous avez signalé que ça ne concerne que les espèces sédentaires. Quelle est la situation en ce qui concerne les minéraux?

M. Sanford : « Fond et sous-sol » est le mot de passe pour les minéraux et les hydrocarbures.

Le sénateur Baker : Pourriez-vous m'indiquer des dispositions du droit international qui le démontrent? Nous prenons peut-être une tangente qui n'en vaut pas la peine.

M. Sanford : C'est ce qu'indique la convention comme telle; nous sommes d'ailleurs en mesure de donner cette information.

Le sénateur Cowan : Monsieur Kessel, voudriez-vous donner des informations supplémentaires sur la capacité de nos navires de faire le travail qui doit être accompli d'ici 2013?

La semaine dernière, des porte-parole de la Garde côtière ont témoigné et ont indiqué, à propos du Terry Fox et du Louis S. Saint-Laurent, qui sont deux brise-glaces lourds, que ce sont les deux seuls brise-glaces capables d'affronter la glace de l'Arctique. D'après leurs témoignages, ces deux brise-glaces arrivent au bout de leur durée de vie utile. Si l'on ne donne pas bientôt des ordres pour les remplacer, on constatera peut-être qu'on ne peut plus les utiliser à cette fin; nous ne disposerons alors plus de l'équipement adéquat pour faire le travail.

Partagez-vous ces préoccupations et, dans l'affirmative, qu'est-ce que propose votre gouvernement?

M. Kessel : Vous avez dit que notre collègue, Mme Watson-Wright, et d'autres personnes ont témoigné; je pense que ce sont les personnes les plus aptes à faire des commentaires sur l'équipement comme tel. Nous avons chacun nos spécialités, et les nôtres sont, bien entendu, les questions de délimitation et les régimes juridiques. En ce qui concerne l'équipement comme tel, vous auriez intérêt à poser vos questions à d'autres personnes.

Le sénateur Cowan : Vous avez besoin d'une certaine recherche scientifique pour pouvoir formuler vos avis juridiques. Est-ce bien cela?

M. Kessel : Oui, et jusqu'à présent, nous obtenons les données scientifiques nécessaires.

Le sénateur Cowan : Vous n'avez aucune préoccupation au sujet de la capacité des navires de la Garde côtière de servir de plate-forme pour la collecte de ces données. Est-ce bien cela?

M. Kessel : Pour le moment, d'après l'information que nous avons, la qualité des données que nous obtenons est bonne. Les navires nous ont fourni jusqu'à présent les données dont nous avions besoin. Je compte sur mes collègues des autres ministères pour déterminer leurs besoins en matière d'équipement.

Le sénateur Cowan : On ne vous a donc fait part d'aucune préoccupation à ce sujet.

M. Kessel : Ma seule préoccupation est d'avoir les données nécessaires. Je n'ai pas discuté de l'éventualité où nous ne pourrions plus les obtenir car, pour le moment, nous les obtenons. Si vous pensez qu'un problème se pose...

Le sénateur Cowan : Ce n'est pas que je pense qu'un problème se pose. Il s'agit d'une préoccupation dont nous ont fait part les porte-parole de la Garde côtière, à savoir que la Garde côtière aura besoin assez rapidement de navires de remplacement.

M. Kessel : Ce sont les personnes les mieux placées pour vous faire part de leurs opinions.

Le sénateur Adams : Sénateur Cowan, il est exact qu'ils ont signalé qu'il ne restait plus que huit ans au Louis S. Saint-Laurent et dix ans, si je ne me trompe, au Terry Fox; sans les brise-glaces, nous ne pourrons pas terminer le rapport final pour 2013. Ils ont fait savoir qu'ils allaient remplacer ces brise-glaces à un coût qui se situe entre 700 millions et 1 milliard de dollars, mais pourront-ils obtenir ces fonds en dix ans?

M. Kessel : Je ne suis que juriste. Je ne peux pas dire combien coûte un brise-glaces. Si ces personnes signalent qu'il ne reste plus que sept ans de durée de vie utile à ces navires, ça répond à la question du sénateur Cowan.

La vice-présidente : Y a-t-il d'autres questions? Avez-vous terminé, monsieur Kessel?

M. Kessel : Assurément. Nous sommes naturellement à votre disposition pour répondre aux questions.

La vice-présidente : Je tiens à remercier M. Sanford auquel nous n'avions pas demandé de faire un exposé comme tel, mais qui a aimablement accepté de venir à la table. Nous apprécions votre présence. Je remercie également M. Kessel et M. Hannaford d'être venus ce soir et d'avoir répondu à nos questions. Nous aurons peut-être d'autres questions à poser; il est donc possible que nous vous convoquions à nouveau.

La séance est levée.


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