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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 9 - Témoignages du 27 mai 2008


OTTAWA, le mardi 27 mai 2008

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 18 h 20 afin d'examiner, en vue d'en faire rapport, les questions relatives au cadre stratégique actuel, en évolution, du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Notre sujet du jour est l'Arctique.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Il s'agit d'une réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Bill Rompkey et je représente Terre-Neuve-et-Labrador, tout comme les sénateurs Cochrane, à ma gauche, qui est aussi vice-présidente du comité, et Cook, qui est à ma droite. Le sénateur Hubley, elle, représente l'Île-du-Prince-Édouard. Le sénateur Comeau vient de la Nouvelle-Écosse et il est leader adjoint du gouvernement au Sénat et ancien distingué président de ce comité. Le sénateur Cowan, également de la Nouvelle-Écosse, est le whip de l'opposition. Le sénateur Robichaud, qui vient du Nouveau-Brunswick, connaît fort bien les pêches, puisqu'il a été ministre responsable de ce dossier au Cabinet.

Nous allons donc poursuivre notre étude de l'évolution du cadre stratégique concernant la gestion des pêches en nous intéressant plus particulièrement à l'Arctique, et surtout à la Garde côtière. Nous serons d'ailleurs dans l'Arctique la semaine prochaine où nous tiendrons des audiences publiques. Nous entendrons parler de la Garde côtière, mais également, j'en suis sûr, de pêches, de quotas de pêche, de poursuites contre les pêcheurs et ainsi de suite.

Nous avons accueilli un grand nombre de témoins sur cette question de l'Arctique, dont des universitaires ainsi que le responsable et l'ancien responsable de la Garde côtière. Nous avons eu un excellent exposé de M. Pharand qui se trouve dans cet immeuble ce soir, puisqu'il témoigne devant le comité de l'énergie.

Nous sommes heureux d'accueillir K. Joseph Spears, directeur principal du Horseshoe Bay Marine Group, qui est un cabinet d'experts-conseils en questions maritimes.

Il est diplômé en biologie, en économie et en droit de l'Université Dalhousie, ce qui prouve qu'il doit être bon. Il a fait sa maîtrise ès sciences à la London School of Economics en droit, économie et politique de l'utilisation de la mer. Nous avons accueilli plusieurs éminents diplômés de la London School of Economics, dont Pierre Trudeau et Ed Broadbent. Mais il y en a peut-être d'autres. Ces messieurs sont d'agréable compagnie.

M. Spears prend souvent la parole dans des conférences maritimes au Canada et à l'étranger, outre qu'il a organisé lui-même de telles conférences qu'il lui est arrivé d'en présider. Il a signé de nombreux articles sur les questions maritimes et a participé à toute une gamme d'organisations maritimes. En juin, il sera l'orateur invité de la Voisey's Bay and Beyond Conference à Goose Bay, au Labrador. J'ai hâte d'assister également à cet événement.

Je vous invite à commencer par votre exposé, après quoi nous passerons aux questions.

K. Joseph Spears, directeur principal, Horseshoe Bay Marine Group, à titre personnel : Je me sens privilégié et ravi de me trouver ici pour vous entretenir de questions concernant l'Arctique. Je vais m'exprimer à titre personnel, mais j'ai été conseiller juridique de différents ministères et les questions de l'Arctique m'intéressent depuis toujours.

J'ai préparé un document, une présentation et un témoignage. De plus, je vous ai fait remettre mon exposé en PowerPoint sur lequel je vais m'appuyer. J'ai aussi des articles récents sur l'Arctique qui ont rapport avec les travaux de votre comité.

J'appuierai mes commentaires sur mon expérience personnelle dans ce dossier, expérience de plus de 30 ans dans différentes disciplines. On peut affirmer, sans craindre de se tromper, que le Canada peut et doit prendre la tête du peloton des pays qui s'intéressent à la gestion de l'océan Arctique et qu'il doit, pour cela, s'appuyer sur une solide stratégie canadienne pour le Nord.

J'affirmerai tout d'abord que l'Arctique constitue une formidable occasion pour le Canada. Avant de venir vous rencontrer cet après-midi, j'ai revu des transcriptions de témoignages au comité. Afin de régler les problèmes que pose l'Arctique, il faudra intervenir au Canada et à l'échelon international en faisant preuve d'originalité, ce qui n'est pas étranger aux Canadiens quand il s'agit de régler un problème.

Le Canada assume un rôle de chef de file au Conseil de l'Arctique, de même qu'à l'Organisation maritime internationale, l'OMI, qui est sans doute l'organisation onusienne la plus efficace pour régler les questions d'ordre pratique relatives à la navigation. Les Canadiens ont joué un rôle clé au sein de l'OMI. Le Canada n'a pas peur d'assumer un rôle de chef de file dans l'élaboration du droit international. Je vous en parlerai dans mon exposé, parce que j'estime qu'il est important de comprendre cette réalité.

Il a beaucoup été question de souveraineté. S'agissant de l'exercice de notre compétence dans certains cas, en vue de renforcer la position du Canada, je m'attarderai sur la recherche et le sauvetage. Dans le Globe and Mail d'hier, il y avait un article sur le Buffalo. D'autres nouvelles ont fait la première page aujourd'hui, mais je vais prendre l'exemple de cet avion et du portail que constitue Goose Bay pour voir comment le Canada pourrait évoluer à partir de là. Tout cela concerne l'océan Arctique et les pêches.

Avant les années 1980, quand le Manhattan a emprunté le passage du Nord-Ouest en 1969, on s'inquiétait beaucoup de souveraineté au Canada, ce qui nous a amenés à adopter la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. Tout au long des années 1970 et durant une bonne partie des années 1980, le Canada a mené le train pour que soit adopté l'article 234 de la Convention sur le droit de la mer mieux connu sous l'appellation de disposition relative aux zones recouvertes par les glaces. Il s'agit du fondement juridique du Règlement canadien de la navigation maritime dans l'Arctique. Cela se trouve à la première page de mon document. Je l'ai mis en exergue. Je vais d'ailleurs vous en faire la lecture pour la retranscription. Il s'agit donc du fondement international établissant ce que le Canada peut faire dans l'Arctique, et le caractère de cette déclaration est tout à fait unique.

À l'époque, en 1970, le Canada est passé pour un pays radical quand il a adopté la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. Je vous lis l'article 234 de la Convention sur le droit de la mer.

Les États côtiers ont le droit d'adopter et de faire appliquer des lois et règlements non discriminatoires afin de prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires dans les zones recouvertes par les glaces et comprises dans les limites de la zone économique exclusive, lorsque des conditions climatiques particulièrement rigoureuses et le fait que ces zones sont recouvertes par les glaces pendant la majeure partie de l'année font obstacle à la navigation ou la rendent exceptionnellement dangereuse, et que la pollution du milieu marin risque de porter gravement atteinte à l'équilibre écologique ou de le perturber de façon irréversible. Ces lois et règlements tiennent dûment compte de la navigation, ainsi que de la protection et de la préservation du milieu marin sur la base des données scientifiques les plus sûres dont on puisse disposer.

Par exemple, j'ai remarqué que lors de vos premières audiences, il avait été question, avec les témoins que vous avez entendus, d'imposer les déclarations NORDREG. J'estime, personnellement, qu'il y a lieu d'aller dans ce sens. L'imposition de NORDREG permettrait de protéger le milieu marin de l'Arctique. Il est fondamental de connaître en permanence la position des navires croisant dans l'Arctique afin de pouvoir intervenir en cas de pollution, et l'article 234 constitue un outil à cet égard. Cela ne revient pas à dire que le Canada devrait se priver d'autres moyens pour sensibiliser les différents intervenants à la protection du milieu marin arctique.

L'Arctique — et je sais que certains d'entre vous ont vécu, travaillé ou beaucoup voyagé dans cette région — couvre une immense superficie. Il est important que nous comprenions bien ce qui se passe dans notre domaine océanique. Nous devrions recourir à des moyens passifs et actifs, comme des détecteurs, des satellites, des véhicules aériens télépilotés ou drones, des avions de patrouille de même que les Rangers canadiens pour assurer ce genre de mission. C'est ce sur quoi je tiens à attirer votre attention cet après-midi, je veux parler de l'utilisation traditionnelle du territoire, des connaissances traditionnelles et de la technologie moderne. Elle est là la recette secrète de la façon dont le Canada pourra exercer sa compétence et sa souveraineté. Il sera très important, quand vous sillonnerez l'Arctique, de parler avec les gens sur place et de chercher des façons de régler ces problèmes.

Par exemple, le centre de recherches pour la défense est en train d'ériger, dans le détroit de Lancaster, des structures qui seront munies de caméras cet été. L'un des problèmes, c'est que ce projet se déroule dans une aire de mise bas de l'ours polaire. Il se trouve que les ours polaires se plaisent à pénétrer dans les édifices et l'on peut bien disposer d'une caméra haute technologie, mais quand un ours décide de lui asséner un coup de patte, il donne raison à Churchill qui a dit : « Que la stratégie soit belle est un fait, mais n'oubliez pas de regarder le résultat. »

Comme je suis originaire de la Nouvelle-Écosse et que j'ai résidé longtemps en Colombie-Britannique, j'ai tendance à adopter un point de vue pratique. Dans l'Arctique, il convient de garder l'esprit ouvert et d'intégrer la technologie aux pratiques traditionnelles. Je tenais à vous le souligner.

L'autre aspect sur lequel je désire attirer votre attention, avant que nous ne passions à la question de la recherche et du sauvetage, est le préambule de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques qui se trouve à la page 3 de mon document que je ne vais pas vous lire. Il comporte neuf pages environ et vous sera distribué en début de soirée, mais je vais en souligner certains passages.

Le président : Nous ne l'avons qu'en anglais. Il sera distribué, mais nous avons votre exposé en PowerPoint.

M. Spears : Je crois savoir que ce passage a été traduit, je vais le lire pour mémoire, parce que j'estime que c'est une question très importante que l'on néglige trop souvent. Je pratique le droit de la mer depuis 20 ans. Il est important que votre comité se penche sur ce texte de loi qui énonce très clairement la position canadienne vis-à-vis de la nature unique des eaux arctiques. Je vais vous lire le deuxième paragraphe du préambule.

que le Parlement a, à la fois, conscience et l'intention ferme de s'acquitter de son obligation de veiller à ce que les ressources naturelles de l'Arctique canadien soient mises en valeur et exploitées et à ce que les eaux arctiques contiguës au continent et aux îles de l'Arctique canadien ne soient ouvertes à la navigation que d'une façon qui tienne compte de la responsabilité du Canada quant au bien-être des Inuit et des autres habitants de l'Arctique canadien et quant à la conservation de l'équilibre écologique particulier qui existe actuellement dans les zones que forment les eaux, les glaces et les terres de l'Arctique canadien,

Cette déclaration, qui a été rédigée en 1970, conserve toute son actualité. La position du législateur à l'époque était claire. Des préambules de ce genre sont uniques et rares. Il faut s'y intéresser. Cette position a été formulée il y a 37 ans et personne ne l'a contestée depuis. Eh bien, j'estime qu'il est là le défi que nous devons relever en tant que nation. Quand vous serez dans l'Arctique, je vous exhorte à examiner la façon dont nous équilibrons l'utilisation des eaux et l'écosystème tout à fait unique et sensible du Nord. Le voilà le défi. Nous avons l'occasion de faire ce qu'il faut. Tous les membres du Conseil de l'Arctique considèrent que le Canada est un chef de file dans les questions intéressant les océans. C'est nous qui dirigeons les négociations du droit de la mer. Je continue d'entendre des gens dire que le glas de notre souveraineté a sonné, mais je vois plutôt une occasion pour le Canada et nous pouvons parvenir à un équilibre.

Je vais à présent reprendre mon exposé en PowerPoint pour le parcourir.

Alors que la fonte des glaces s'accélère sous l'effet du changement climatique, les glaces dérivantes ont un effet ralentisseur sur la navigation commerciale. Nous devons pouvoir intervenir et faire respecter notre souveraineté dans nos eaux. Personne ne conteste nos droits sur le territoire et sur les îles, mais il y en a qui contestent notre capacité — et c'est ce sur quoi je vais insister cet après-midi — à contrôler les activités qui se déroulent dans nos eaux. Voilà le problème. Quand on parle de souveraineté, personne ne dit que les îles ne sont pas canadiennes ou que la mer prise par les glaces n'est pas canadienne, mais il y a des pays qui affirment avoir le droit d'emprunter le passage du Nord-Ouest comme bon leur semble. Le défi que nous avons à relever face à la communauté internationale consiste à présent à considérer ces positions conflictuelles et à trouver une approche canado-canadienne qui reprenne les fondements mêmes de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques afin de maintenir l'équilibre écologique.

À l'époque où les glaces restaient épaisses pendant presque toute l'année, le trafic était limité. Soudain, comme nous avons pu le constater l'été dernier, le passage du Nord-Ouest s'est libéré. Cette situation m'avait frappé dès 2000 quand le sergent Ken Burton de la GRC avait emprunté le passage à bord de son navire de patrouille, le Lindsay, petit bâtiment à coque d'aluminium. Il y a une embarcation de ce genre sur la côte Est qui sillonne les eaux au large de Saint- Pierre-et-Miquelon. On se demandait ce qui serait arrivé si le Lindsay était resté pris par les glaces. Le réseau anglais de Radio-Canada a conservé l'entrevue du sergent Burton à son retour à Victoria. En 2000, il annonçait déjà qu'il n'y avait plus de glaces et lançait un cri d'alarme : « J'exhorte les politiciens et les scientifiques à faire très attention à ce qui est en train de se produire, parce qu'il n'y a plus de glaces », disait-il. Ça, c'était en 2000. En 2008, la glace a de nouveau disparu du passage du Nord-Ouest.

Il est maintenant technologiquement possible de concevoir des bâtiments aptes à emprunter le passage du Nord- Ouest. La question est donc de savoir s'il est économiquement envisageable de naviguer dans le passage du Nord-Ouest parce que les assurances maritimes sont trop coûteuses. Cela étant, comme les glaces sont en train de fondre, les gens vont commencer à se dire que cette route est tout à fait praticable, surtout lorsqu'on tient compte du prix du pétrole qui ne cesse de monter. Le passage sera donc ouvert à la navigation. Selon la route empruntée, on peut réduire de 4 000 ou 5 000 kilomètres le trajet permettant de relier l'Asie du Sud-Est au Nord de l'Europe. Or, le temps c'est de l'argent. Notre pays doit tenir compte de cette réalité des contraintes internationales.

À la page 3 de mon exposé en PowerPoint, je parle de l'exercice de la compétence du Canada. Pour cela, il faudra appliquer une réponse pangouvernementale faisant intervenir tous les ministères fédéraux, de même que les territoires, les collectivités du Nord et les Inuits. Je sais que votre comité a déjà examiné le rôle de la Garde côtière et que vous avez accueilli le directeur général de la sécurité maritime à Transports Canada, Bill Nash, mais il faut que ces organismes travaillent ensemble. Le Service canadien des glaces transmet des données sur les glaces à l'intention des navires. Dans l'Arctique, on a donc tous ces noyaux et toutes ces grappes.

Durant l'été 1980, j'ai travaillé au service de la faune sur l'île Digges. Mon point de vue de juriste du droit de la mer ne me permet pas de vous dire ce que vaut un oiseau marin, mais je peux vous parler de l'odeur que dégagent 800 000 oiseaux de ce type. On les entend à 10 milles de distance. Les eaux sont sillonnées par des navires qui transitent par d'importantes aires de nidation d'oiseaux marins, comme dans l'entrée du passage du Nord-Ouest ou dans le détroit de Lancaster. Il y a aussi des secteurs, fréquentés par le béluga et par l'ours polaire, que la marine marchande voudrait emprunter. Il faut tenir compte de cela pour savoir comment exercer notre compétence afin de protéger l'environnement et la population. Il est là le grand défi. Pour le relever, il faudra que le gouvernement fasse bloc dans son intervention. On ne peut s'en remettre uniquement au ministère de la Défense nationale, à la Garde côtière ou à la sécurité maritime de Transports Canada.

Quand vous serez dans le Nord, vous vous rendrez compte qu'il est extrêmement difficile de s'y déplacer. Pour embarquer à bord d'un navire qui croise dans le passage du Nord-Ouest, on se heurte à toutes sortes de problèmes. Pour voyager par avion, il peut être nécessaire d'emprunter d'abord une petite embarcation des Inuits ou des Rangers canadiens. Il faudrait donc adopter une démarche globale.

Je tiens à féliciter votre comité pour le travail important que vous accomplissez au sujet de l'Arctique. Vous vous apercevrez que ce sujet comporte de multiples facettes et qu'il n'intéresse pas une seule discipline. Vous ne trouverez pas un seul bon ouvrage qui y soit entièrement consacré. J'ai apporté deux ou trois publications du gouvernement du Canada, parce qu'il n'existe pas de source d'information unique à ce sujet. Les témoignages que vous avez recueillis et les documents que vous avez versés sur votre site Internet constituent sans doute la meilleure source d'information sur ce thème au Canada. J'effectue des recherches sur ce qui se passe dans l'Arctique. Il y a des spécialistes du droit international appliqué à cette question, mais il existe peu d'écrits sur la navigation dans l'Arctique. Récemment, il a beaucoup été question de RADARSAT et de la connaissance du domaine océanique. Il faut regrouper ces deux aspects. Quand vous irez dans le Nord, je vous exhorte à vous pencher sur ces questions et à parler avec les populations locales. Vous avez recueilli toute une diversité de témoignages. On m'a dit que vous monteriez à bord d'un brise-glace de la Garde côtière. Eh bien, parlez à ces gens-là. Il faut trouver des solutions pratiques.

Je vous ai un peu parlé de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. Prenons l'exemple des bateaux de pêche qui croisent au large de la côte du Labrador, dans le Groenland occidental. On prévoit que 75 gros navires de croisière viendront de la zone du Groenland occidental. Cela représentera 150 000 passagers. Vous savez ce qui s'est passé avec le Titanic et à quel point les glaces dérivantes constituent un danger. Ces navires de croisière doivent donc éviter les icebergs. Vont-ils pénétrer dans la limite canadienne de 200 milles? Je ne sais pas, mais on peut y voir un véritable problème.

Par ailleurs, plus de 300 vols empruntent les routes polaires quotidiennement. Les bâtiments de passagers dont je parle ne sont pas des navires d'expédition. Ce sont de très gros bateaux pouvant accueillir 2 000 ou 3 000 passagers chacun. On sait ce qui s'est passé lors du naufrage du MS Explorer dans l'Antarctique. C'était un petit bâtiment. Heureusement, un navire norvégien qui croisait non loin de là a pu porter secours aux passagers qui étaient montés à bord de radeaux de sauvetage. Le Ms Explorer a souvent fréquenté les eaux canadiennes, dans l'Arctique.

Des navires se sont échoués dans l'Arctique. Victor Santos-Pedro, qui a témoigné précédemment, vous a parlé d'un de ces naufrages qui s'est produit il y a quelques années. Cet océan est sillonné par les navires. Il y a une importante activité au large de la côte du Groenland. De quels moyens disposons-nous en recherche et sauvetage? Je vous exhorte à tenir compte de ces problèmes non négligeables, bien réels et d'actualité.

Comme je le disais, je témoigne à titre personnel, mais il se trouve que j'ai beaucoup travaillé dans ce genre de dossier. Dans mon exposé, j'ai essayé de circonscrire le sujet. La Garde côtière a un rôle très important à jouer, tout comme les autres ministères. Je vais aborder cette question sous l'angle de la recherche et du sauvetage, SAR. Le Canada se doit, en vertu de ses obligations internationales, d'assurer des services de recherche et de sauvetage grâce à la SAR, qui est coordonnée par le ministère de la Défense nationale, par le truchement d'un certain nombre de centres de coordination de recherche conjoints. La superficie de notre territoire en fait une opération extraordinaire. La Garde côtière exploite des bâtiments spécialisés en recherche et sauvetage, quant à l'armée, elle fournit les avions.

Les distances sont énormes, mais les spécialistes de la SAR sont de calibre international, ce que l'on oublie souvent. Avec notre approche euphémique typiquement canadienne, nous ne faisons pas grand cas de ces opérations de recherche, mais il y en a qui sont tout à fait incroyables. Par exemple, un Hercules s'était écrasé au large de l'île d'Ellesmere. Les techniciens SAR de Greenwood ont sauté de nuit et par vents forts au point que leur exploit a été porté à l'écran dans un film intitulé Death and Deliverance. J'ai personnellement participé à une opération de sauvetage en 1980 pour porter secours à un scientifique, en compagnie d'un guide inuit. C'est tout de même étonnant quand on sait qu'on peut envoyer un appel au secours par radio et que le lendemain un brise-glace de la Garde côtière pointe sa proue à l'horizon et que vous êtes survolé par un Hercules de Trenton.

Heureusement, dans le cas qui nous intéresse, la victime portait un casque d'alpiniste, elle a pu s'en sortir avec 400 points de suture seulement et réintégrer son poste à la fin de l'été. Je n'ai pas oublié cette intervention et j'en suis resté interpellé. Quand vous irez dans l'Arctique, je vous invite à penser à cela étant donné que l'activité commerciale ne cesse de croître dans ce secteur.

En cas de déversement pétrolier, l'intervention s'assimilerait à celle d'une opération de recherche et de sauvetage. Autrement dit, il faudrait déployer une équipe coordonnée pour contenir le déversement.

La diapositive suivante montre quelques collectivités de l'Arctique. À cause de la projection de Mercator, on pense toujours que l'Arctique est tout à côté, mais nous devons modifier nos perceptions. Cette photographie est prise depuis le pôle Nord. Soit dit en passant, quand les Soviétiques ont été déposer leur drapeau au fond de l'océan Arctique, ils ont fait la une. En réalité, le Canada était passé par là bien avant.

En 1994, le Louis S. St-Laurent, naviguant de conserve avec un brise-glace de la Garde côtière américaine, le Polar Star, était passé par le pôle Nord. À l'Institut des sciences océaniques de Patricia Bay, en Colombie-Britannique, on trouve des échantillons qui proviennent du plancher océanique au pôle Nord. Nous y étions donc il y a 10 ans de cela. Il faut que les Canadiens et les Canadiennes le sachent. Nous excellons dans les domaines des sciences océaniques et de la recherche et du sauvetage dans le Nord. Nous devons fêter cela, miser sur nos points forts et collaborer avec les Russes. Le multilatéralisme est très important.

Après le passage du U.S. Polar Sea dans l'Arctique, en 1985, le premier ministre de l'époque, Joe Clark a fait une déclaration. L'archipel arctique fait partie intégrante du Canada au point que ses eaux sont intérieures pour notre pays. Je vais vous parler de ce qui se passe dans notre cour arrière.

Voici ce que déclarait le premier ministre Clark à la Chambre des communes le 10 septembre 1985 :

L'Arctique fait partie intégrante du Canada, mais il contribue également à la grandeur de notre pays. Le gouvernement a pour politique de préserver cette grandeur. La souveraineté du Canada dans l'Arctique est indivisible. Elle s'étend aussi bien à la terre qu'à la mer et à la glace. Cette souveraineté s'étend sans interruption aux côtes des îles arctiques tournées du côté de l'océan. Ces îles sont rattachées, et pas divisées, par l'eau qui se trouve entre elles. Elles sont reliées la plus grande partie de l'année par de la glace. Depuis des temps immémoriaux, les Inuits du Canada utilisent et occupent la glace comme ils utilisent et occupent la terre. La politique du gouvernement consiste à maintenir l'unité naturelle de l'archipel arctique canadien et à préserver intégralement la souveraineté canadienne sur la terre, sur la mer et sur la glace.

C'était la position du gouvernement en 1985 et je crois qu'elle a été reprise par les gouvernements qui se sont ensuite succédé.

Le bassin arctique fait l'objet de pressions qui ont beaucoup retenu l'attention. L'une de ces pressions est la fonte des glaces, que ce soit à cause du changement climatique ou des écarts climatiques naturels. Cela ne fait d'ailleurs pas de différence. En réalité, à la faveur de la fonte des glaces, les gens commencent à s'intéresser à la mise en valeur des ressources naturelles. L'Arctique fait l'objet d'un accroissement du développement des ressources naturelles dans l'Arctique. Vous en entendrez parler quand vous irez dans le Nord. L'approvisionnement de ces sites et de ces mines d'exploitation pose problème. En outre, on se heurte à un manque de capacité pour approvisionner les collectivités du Nord et faire passer les navires.

Et puis, à cause de la présence d'hydrocarbures dans la plate-forme continentale étendue et de l'augmentation des prix du carburant, le raccourci qu'offre l'Arctique devient de plus en plus intéressant.

Je ne sais pas d'où proviennent ces chiffres, mais on a estimé que 25 p. 100 des réserves mondiales de pétrole qui n'ont pas encore été découvertes se trouvent dans le bassin de l'Arctique. C'est le pourcentage qui circule. Cette diapositive présente tous ces problèmes.

Pour ce qui est de la diapositive suivante qui traite du domaine océanique canadien, les zones en bleu foncé correspondent à la zone située à l'extérieur de la limite des 200 milles revendiquée par le Canada. On a récemment annoncé l'injection de 40 millions de dollars afin de dresser la carte de ce secteur. Le travail a commencé. Le brise-glace de recherche Amundsen se trouve actuellement dans la partie occidentale de la mer de Beaufort où se déroule l'essentiel de ce travail. Nous avons envoyé un document au comité des Nations Unies à l'appui de notre revendication. Quand les Russes ont signé la Convention sur le droit de la mer, ils ont revendiqué la dorsale Lomonosov, cette vaste chaîne de montagnes sous-marine dont vous a beaucoup parlé M. Huebert, de l'Université de Calgary. C'est un autre sujet que l'on confond souvent avec la question du passage du Nord-Ouest.

Je vais vous montrer un aperçu de la situation dans le bassin de l'Arctique. La diapositive suivante vous montre ce qui se passait en 2004. Cette vue est de nouveau prise depuis une verticale du pôle Nord. L'activité est intense dans ce secteur. Il y a beaucoup d'activités dans l'Arctique du côté russe. Les Russes se sont dotés de bâtiments spécialisés. On vous aura, je pense, parlé de l'Azipod qui brise la glace par la poupe. La technologie brise-glace existe, mais est-elle financièrement viable? Quand on veut passer par le passage du Nord-Ouest, il suffit de signaler ses intentions, 96 heures plus tôt, en vertu du Règlement sur la sécurité maritime. Il n'est pas nécessaire d'obtenir la permission du Canada. Un navire devrait simplement se présenter et aviser l'organisation NORDREG qu'il va emprunter le passage. C'est ce qui va se passer cet été.

Les Russes ont fait la promotion de ce qu'ils appellent la route maritime du Nord-Est. En collaboration avec des intérêts japonais et norvégiens, ils ont dépensé 150 millions de dollars pour explorer cette voie et étudier les différents problèmes qu'elle soulève. Ils ont consacré beaucoup de temps et d'efforts à cette tâche. Comme 20 p. 100 seulement de l'Arctique a été cartographié selon les normes hydrographiques modernes, les navires qui empruntent cette voie éprouvent des difficultés. Comme le dit un vieux dicton néo-écossais, il faut toujours prendre soin d'avoir un minimum d'eau sous la quille. On ne sait pas vraiment ce que vaudront tous ces axes auxquels on songe tant qu'on n'y fera pas passer de navires à grand tirant d'eau. On a vu ce qui est arrivé dans l'Arctique de l'Ouest, à cause des pingos dans la mer de Beaufort, lors du passage du Manhattan. Tous ces pingos submergés, à fleur d'eau, ne sont pas indiqués sur les cartes. Il y a beaucoup de travail à faire dans l'Arctique. Si nous sommes vraiment sérieux à ce sujet, il faudra que tout le gouvernement se mobilise. Les choses ont commencé, mais nous devons à sérieusement réfléchir à tous ces problèmes.

Je vais aussi vous montrer ce à quoi pourrait ressembler l'Arctique maritime de demain. J'ai assisté à une conférence à Edmonton au sujet de la navigation dans l'Arctique. Soit dit en passant, il y a un port à Edmonton qui a un registre maritime. Le Terry Fox, deuxième plus gros brise-glace canadien, a d'abord été immatriculé dans ce port quand il était exploité par Dome Petroleum. Quoi qu'il en soit, le passage direct par le pôle fait beaucoup parler actuellement et le responsable du Service des glaces canadien a déclaré qu'il était impossible de prédire ce qui se passerait cette année. Tous les modèles de prévisions de changement climatique sont inutiles. On ne sait pas ce qui va se passer.

Certains croient que les navires pourront transiter par le pôle même suivant la route dite transpolaire et qu'ils éviteront donc le passage du Nord-Ouest. On ne le sait pas. De toute façon, cela aussi serait d'une importance retentissante pour le Canada parce que, en cas d'incident provoquant une pollution, il y a lieu de se demander comment on réagirait. Même chose si un bâtiment était en difficulté et dérivait vers l'archipel canadien. D'une façon ou d'une autre, que ce soit la route transpolaire ou la route passant par l'archipel arctique qui s'ouvre, nous devrons être prêts.

Cela vous donne un aperçu qui m'amène à vous parler d'exemples concrets concernant l'Arctique. L'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés concerne la compétence et l'exercice de notre compétence nationale, parce que rien de cela ne se fait en vase clos. Tout à l'heure, je vous ai parlé de la recherche et du sauvetage. Nous pourrions nous appuyer sur ces éléments pour étayer notre revendication sur l'Arctique, mais la SAR n'est qu'une des fonctions d'un État souverain.

La recherche et sauvetage dans l'Arctique ne va pas sans soulever de problèmes et le Canada a été un pionnier dans la mise au point de techniques SAR dans cette région. Nous pouvons nous enorgueillir de notre compétence dans ce domaine ainsi que de l'héroïsme et du professionnalisme des membres bénévoles de la recherche et du sauvetage qui interviennent dans l'un des milieux les plus hostiles du monde. Ce raisonnement — et je vais plus particulièrement parler de Goose Bay pour m'en tenir à un exemple concret — pourrait tout aussi bien s'appliquer à un cas d'intervention à la suite d'une pollution maritime, aux aides à la navigation, à l'application de la loi canadienne sur la navigation, à notre capacité SAR, à la connaissance du domaine océanique et à la cartographie hydrographique, pour ne nommer que quelques applications de la compétence canadienne aux navires étrangers transitant par l'Arctique. Le Canada devra adopter des mesures concrètes sur tous ces plans.

Avec le temps, on assistera à une augmentation du trafic maritime, notamment du trafic de bateaux de croisière, surtout à cause de la réalité changeante associée à l'évolution de la sécurité dans le monde. Les navires étrangers voudront emprunter les eaux canadiennes. Avec près d'un million de passagers, le secteur de la navigation de croisière sur la côte Ouest est une industrie de premier plan. Tout cela découle de l'incident de l'Achille Lauro en 1985. Ceux qui voyagent à bord d'un navire de croisière veulent se trouver en sécurité.

Le gros problème, c'est que la route de l'Alaska est congestionnée. Les compagnies s'intéressent à la côte du Labrador. De plus en plus de bateaux de croisière croisent au large de Nouvelle-Écosse et viennent à Québec. Il y en a de plus en plus, de même que sur la côte Nord du Labrador, dans le détroit d'Hudson qui présente un milieu tout à fait unique. La Société Makivik exploite Cruise North Expeditions qui organise des croisières dans le détroit d'Hudson et dans la baie d'Hudson. Voilà une région chargée d'histoire depuis qu'Henry Hudson y est allé pour la première fois en 1620. On y trouve une faune intéressante, des villages et bien d'autres attractions qui font que les touristes veulent aller visiter le coin et y dépenser beaucoup d'argent.

Pour ce qui est de la capacité en recherche et sauvetage, nous devons avoir les moyens nécessaires et bénéficier d'une intervention pangouvernementale. Comme je le disais, c'est le MDN qui coordonne les missions de SAR, mais il faudra que de nombreux ministères coordonnent leurs actions et collaborent avec les collectivités locales.

Les forces géopolitiques changeantes, sous l'effet d'une économie mondiale en pleine évolution et du changement climatique planétaire, font que Goose Bay revêt une importance stratégique de plus en plus grande. Durant la guerre froide, Goose Bay a joué un rôle très important en tant que base de l'OTAN et du NORAD pour assurer la défense du Canada, importance qui demeure aujourd'hui. Nous avons vu l'utilité de ce rôle lors des attentats du 11 septembre. Les vols internationaux ont été détournés. Il a donc été important de disposer de la piste et d'une certaine capacité d'accueil sur place.

Quelques années plus tard, en 2008, de nouvelles forces géopolitiques interviennent, en partie sous l'effet du changement climatique qui a provoqué une récession des glaces. J'en parle en détail dans mon document. L'importance stratégique de Goose Bay n'est pas négligeable et j'en traite sous sept rubriques. Tout d'abord, Goose Bay pourrait permettre d'accueillir les CP-140. J'ai téléchargé un article vantant les mérites du CP-140 pour assurer notre souveraineté sur l'Arctique. Moins nous passons de temps en vol et mieux c'est. Il y a des hangars et d'autres installations à Goose Bay. Par ailleurs, nous devons demeurer sensibilisés à ce qui se passe dans l'Arctique et c'est l'un des rôles que Goose Bay pourrait remplir.

On connaît le type d'exploitation pétrolière qui se déroule sur le plateau continental du Labrador. Dans ce secteur, il y a des navires de croisière. Goose Bay constitue une base importante pour les navires et pour les avions qui appuient le trafic. Transports Canada exploite un certain nombre de Dash 8 qui patrouillent le long des côtes canadiennes, de même qu'au-dessus de l'Arctique. Provincial Airlines, de Terre-Neuve, effectue des missions de surveillance des pêches et il est donc important de disposer d'une base aérienne à Goose Bay, outre que celle-ci peut servir à ravitailler des installations au large.

J'en reviens à la question des véhicules aériens télépilotés dont on a entendu parler dans les médias. On a beaucoup parlé de la façon dont ces drones pourraient nous permettre de régler un certain nombre de problèmes notamment en matière de surveillance du domaine maritime. À l'expérience, on a constaté qu'il faut exploiter les drones en conjonction avec le Mark 1 Eyeball, et Goose Bay serait un emplacement idéal pour favoriser ce genre d'opération.

Avec RADARSAT-2, nous allons utiliser les données d'imagerie terrestre pour connaître le domaine arctique. Il nous faut regrouper ce genre d'information qui, à l'heure actuelle, est détenue par différents ministères fédéraux. Elle est importante pour la recherche et le sauvetage et pas uniquement à des fins militaires.

J'ai assisté à une conférence où un expert norvégien a dit que les satellites sont sans doute l'instrument le plus important dans la recherche sur les changements climatiques parce qu'ils permettent de contrôler les glaces océaniques. Il faut donc rassembler toutes ces données et pour en revenir à Goose Bay, il serait logique de pouvoir lancer des véhicules aériens télépilotés à partir d'une base locale.

L'autre aspect sur lequel il convient de s'attarder, et j'exhorte votre comité à s'y intéresser quand il sera dans l'Arctique, c'est la question des Rangers canadiens. Il y a bien une unité de la réserve des Forces canadiennes dans le Nord, mais celle-ci est essentiellement composée d'effectifs de l'élément terre et pas de l'élément mer. Il va falloir repenser à cela. Dans le cas de la recherche et du sauvetage, les Rangers canadiens peuvent être appelés à donner un coup de main aux autres ministères fédéraux, que ce soit pour assurer la sécurité maritime auprès d'un navire en détresse ou pour intervenir en cas de déversement pétrolier ou d'une opération de recherche et de sauvetage. Il sera essentiel que les Rangers aient la capacité d'intervenir. Là aussi, Goose Bay pourrait être un lieu idéal pour assurer la formation.

Nous avons aussi besoin d'avions de recherche et de sauvetage qui pourraient être déployés à partir de Goose Bay ou d'ailleurs. Votre comité devrait également s'intéresser à cet aspect. Et puis, il y a aussi la question d'un centre de recherche et de sauvetage. Pour l'instant, cette fonction est répartie entre différents ministères et il n'existe pas de Secrétariat national de la recherche et du sauvetage.

Il faudrait regrouper tous les spécialistes de la SAR. À l'expérience, à la faveur d'incidents sur la côte Ouest, mais aussi sur la côte Est, j'ai constaté qu'on obtient de meilleurs résultats quand les gens entretiennent des relations de travail.

Vous avez entendu les témoignages de Mike Turner, ancien sous-commissaire de la Garde côtière canadienne, qui vous a dit que les relations personnelles sont très importantes. Il serait donc utile que Goose Bay accueille un centre de recherche et de sauvetage dans l'Arctique où seraient regroupés des effectifs appartenant à différents ministères.

Voilà donc quelles sont les différentes missions que l'on pourrait donner à Goose Bay et dont je parle dans mon exposé. Il ne s'agit là que d'un exemple de l'exercice de notre compétence sur l'Arctique. Nous avons besoin de zones d'étape à Iqaluit et un peu partout dans l'Arctique pour accroître notre capacité SAR, d'avions dédiés basés sur place, outre qu'il sera nécessaire de mobiliser les collectivités locales.

Au bout du compte, c'est en regroupant ces différents intervenants et en exerçant notre compétence que nous parviendrons à faire respecter la souveraineté du Canada. Il ne suffit pas de s'en remettre à quelques bâtiments de patrouille dans l'Arctique. Nous devons pouvoir mobiliser tous nos moyens de façon coordonnée.

Il sera important d'instaurer des relations personnelles pour réussir dans l'avenir. Comme le disait le premier ministre « ce qui ne sert pas est gaspillé ».

Le Canada a l'occasion inespérée de nous prouver sa compétence dans le domaine de la gestion des océans. J'estime qu'il serait possible d'appliquer une démarche globale dans des domaines comme la science des océans, la technologie des glaces, la surveillance des glaces et ainsi de suite. J'estime que nous devrions exercer notre compétence sur l'Arctique canadien d'une façon qui profite à l'ensemble du Canada. Nous devons le faire en tant que résultat d'une politique sur l'Arctique qui soit claire et convaincante et qui prévoie la mobilisation de tout le gouvernement dans une intervention souple axée sur le développement et la résolution des nouveaux défis.

Si les glaces de l'Arctique fondent comme l'année dernière, des bâtiments commerciaux et des navires battant pavillon étranger emprunteront le passage du Nord-Ouest. Nous devons être prêts à cette éventualité et à tout ce qu'elle entraînera. Les Inuits devront être mêlés à cette démarche parce qu'ils sont porteurs de compétences et de connaissances très appréciables.

À long terme, la communauté internationale, nos alliés et nos voisins de l'Arctique appuieront ce que nous allons faire. S'agissant de l'Arctique, nous devons maintenir et améliorer notre rôle traditionnel de leadership. Il a beaucoup été question de l'île Hans. Je crois que celle-ci fait actuellement l'objet d'une conférence au Groenland à cause d'un différend frontalier entre les deux voisins.

Nous devons aller au-delà de ces problèmes et penser à la façon de réglementer les activités qui se dérouleront dans l'Arctique en revenant notamment aux principes énoncés dans le préambule de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques et en maintenant un équilibre écologique tout à fait particulier.

Le président : J'aimerais que nous passions aux questions. Nous avons une heure et nous pourrons amplement revenir sur ce dont vous avez parlé dans nos questions.

M. Spears : Très certainement et vous avez lu dans mes pensées, mais j'ai une dernière chose à dire.

C'est un vaste sujet qu'il est difficile de couvrir en quelques minutes. En général, je me laisse guider par les mots de feu le juge Estey qui a dit : « ... il faut être bref, clair, puis partir ».

J'espère avoir été utile au comité. Si je peux vous être utile de toute autre façon, j'en serai heureux ou je répondrai à vos questions. Je vous invite fortement à adopter un point de vue holistique. Quand vous songez à l'Arctique, songez à l'occasion qui est offerte au Canada de se poser en chef de file mondial. Merci.

Le sénateur Cowan : Merci, monsieur Spears. Votre exposé était intéressant. J'ai hâte de recevoir le document dont vous avez parlé.

S'agissant de la citation que vous avez reprise, « ce qui ne sert pas est gaspillé », je voulais vous poser quelques questions au sujet de NORDREG. Quand M. Pharand est venu témoigner, nous lui avons demandé pourquoi la déclaration n'est pas obligatoire. Il a dit que c'est sans doute parce que nous ne serions pas en mesure de faire respecter le règlement.

Pensez-vous la même chose? Pensez-vous qu'il faudrait rendre exécutoire l'application de NORDREG?

M. Spears : Oui. Je pense que nous devrions disposer d'une solide stratégie d'observation du domaine océanique reposant sur l'emploi de caméras, des Rangers, de drones et de RADARSAT-2. L'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés — et j'en reviens à votre question — c'est que les données sont rarement coordonnées. Nous avons vu ce que cela donne dans le domaine de la sécurité maritime où le besoin de savoir prime sur le besoin de communiquer l'information et où il y a un problème d'accès à certaines données. Ce qu'il faut se dire, c'est qu'il s'agit de notre territoire, qu'il s'agit d'eaux canadiennes, que nous devons y exercer notre souveraineté et que nous voulons savoir ce qui se passe de ce côté-là.

Si certains ne respectent pas la réglementation, comment faire pour corriger la situation? Il nous faut des bases aériennes. Comment faire sortir un navire par temps de brouillard, s'il n'y a pas de navire de passage dans le secteur? Il est très difficile de faire décoller un Twin Otter quand le plafond est nul.

NORDREG constitue une possibilité. En 1970, tout a commencé par un service volontaire. De nos jours, les navires sont équipés d'AIS, des systèmes d'identification automatisés qui nous renseignent en permanence sur la position des bâtiments. Il serait possible d'établir un lien entre ce système et RADARSAT-2. C'est ce que font les Norvégiens et, plutôt que de faire décoller nos avions de patrouille, nous pourrions faire comme eux qui disposent d'une technologie leur permettant de ne faire intervenir leurs moyens aériens qu'en cas de réel besoin identifié par satellite.

La question de l'application de la loi est une chose dans le cas de NORDREG. Je sais qu'il a beaucoup été question de le rendre obligatoire. Il faut des ressources et se demander ce qui se passera dans le cas de bâtiments ne se signalant pas. Il y a plusieurs années, un brise-glace chinois a accosté à Tuktoyaktuk et 150 personnes en sont descendues pour venir déclarer au détachement de la GRC : « Salut, nous voilà! » Donc, de quelles ressources avons-nous besoin pour ça?

Il faut aller au-delà de NORDREG et réfléchir à toute la question de la connaissance du domaine océanique. Transports Canada exploite une flotte d'avions consacrés à la reconnaissance des glaces pour le service des glaces et il y a aussi les Aurora de la Défense nationale de même que l'Agence spatiale canadienne et le Service des glaces canadien qui vont prélever des données. Il faut se demander si toutes ces données sont regroupées. Voilà ce sur quoi il va falloir insister.

La question de la sécurité échappe au mandat de votre comité, pourtant elle concerne tout le monde, et elle concerne aussi les océans. Si l'on combine cela avec l'AIS, il sera possible de faire ce qu'il faut à condition d'en revenir aux prémisses de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques.

Chaque fois où le Canada a été confronté à des défis dans son histoire, il a su se montrer à la hauteur et j'estime que nous pouvons faire preuve de créativité et parvenir à régler les problèmes dans ce cas également. Quand vous serez dans le Nord, allez parler avec les gens sur les navires et entretenez-vous avec le personnel de la Garde côtière. Il faut rendre obligatoire l'application de NORDREG, mais il faut aller au-delà également.

Il y a RADARSAT. Nous avons tous les ingrédients nécessaires pour posséder une véritable connaissance du domaine maritime, mais encore faut-il disposer des ressources appropriées.

Le sénateur Watt : Votre exposé était intéressant. Je crois vous avoir croisé lors de réunions du Conseil de l'Arctique, il y a quelques années.

Vous avez traité de questions à propos desquelles il n'est pas facile de dégager immédiatement un certain nombre de priorités. La disparition des glaces dans certains secteurs semble se poursuivre. Je ne pense pas qu'on puisse espérer que la glace se reformera comme par le passé et comme elle a recouvert certaines parties de la planète jusqu'à récemment.

Vous travaillez avec le Conseil de l'Arctique. Est-ce que les sept pays de l'Arctique ont parlé de cette question, pas forcément en profondeur, mais du moins est-ce qu'ils ont abordé certaines questions advenant que l'océan Arctique soit complètement dégagé? J'ai participé à de telles discussions, mais je n'ai jamais eu l'impression lors de ces réunions que l'on faisait un véritable travail constructif. Tout ce qu'il faut, c'est quelqu'un qui nous pousse à aller plus loin. Pour l'instant, il n'y a personne qui soit prêt à le faire. Au fil des ans, on a pourtant fini par disposer d'une importante documentation.

Il va surtout falloir travailler sur la question des infrastructures dans l'Arctique, et aborder la question du point de vue de l'ingénierie. Si le passage du Nord-Ouest est complètement dégagé et que des bâtiments battant pavillon étranger peuvent l'emprunter, il faut savoir que nous ne disposons d'aucun navire apte à effectuer des opérations de sauvetage en cas de problème dans l'Arctique, par exemple, comme un déversement. Les États-Unis ne sont pas mieux équipés que nous. On entend, ici et là, parler des projets menés par les Russes qui essaient de collaborer avec d'autres pays pour obtenir des fonds afin de construire le genre de navire nécessaire pour leur permettre de patrouiller dans l'Arctique. Je crois que les Russes sont en train de faire certaines choses que nous ignorons. Nous avons bien certaines informations, mais pas suffisamment pour dire que nous pourrons nous en remettre aux Russes en cas de déversement important de pétrole dans l'Arctique. Je ne suis pas certain que l'on puisse affirmer cela pour l'instant. Qu'en pensez- vous?

M. Spears : Eh bien, j'ai deux ou trois bonnes réponses à vous fournir. D'abord, le Canada a mené le bal à l'OMI. Nous avons pris la tête d'un mouvement, au sein de l'Organisation maritime internationale, et il en est d'ailleurs question à la page 20 de mes diapositives. Victor Santos-Pedro est président du comité. Un mouvement s'est amorcé dans le sens de l'harmonisation des règlements internationaux en vue de régir l'exploitation et la construction des navires. L'OMI a adopté des lignes directrices pour les bâtiments croisant dans des eaux prises par les glaces. De plus, les sociétés de classification, qui régissent les codes internationaux de construction navale, ont adopté une exigence uniforme pour les navires polaires. Je vais vous remettre un document préparé par Garry Timco, du Centre d'hydraulique canadien, lequel dépend du CNRC, en collaboration avec Transports Canada. Ce document porte sur la régulation du trafic en fonction des régimes de glace.

En 1970, il n'existait pas de règles concernant la classification des glaces à l'exception de celles utilisées pour la mer Baltique. La définition Polar 8 signifie que l'on peut traverser une certaine épaisseur de glace. Plus ce nombre est élevé et plus l'épaisseur de glace que l'on peut franchir est importante. Le Canada collabore avec l'industrie pour améliorer la situation sur ce plan et l'on assiste à la même chose ailleurs dans le monde.

Soit dit en passant, les Russes veulent relier le port de Churchill à celui de Murmansk. L'année dernière, un vraquier transportant de l'engrais a relié Churchill à partir de Murmansk. Le port de Churchill veut exploiter un service de navette. Il y a des sénateurs de la côte Est qui apprécient cette idée, parce qu'ils voudraient faire acheminer du grain de Churchill à Halifax, par exemple, ou encore de Sydney ou de Trois-Rivières jusqu'au détroit d'Hudson où il serait transvaser à bord de navires. Les Russes ont des brise-glace qu'ils mettent à la disposition de la navigation commerciale.

Les Russes veulent que le Canada les aide. C'est la lecture que je fais de toute cette situation. Les Russes sont en quête de partenaires. Les garde-côtes américains n'ont pas une énorme capacité. Ils ont bien le Polar Star et le Polar Sea, mais il s'agit essentiellement de bâtiments d'avitaillement de l'Antarctique. L'un de ces navires a escorté le Louis S. St-Laurent en 1984. Arrivés à destination, ils ont organisé un match de soccer. Le brise-glace nucléaire russe s'est présenté là-bas à une vitesse de 14 ou 15 nœuds et la glace volait à 14 ou 15 pieds dans les airs. Je crois qu'ils en ont fait un peu trop, et que ce n'est pas leur mode de fonctionnement habituel.

Les choses changent du côté de la navigation commerciale. En ce qui concerne votre rapport et vos recommandations, le comité doit examiner les répercussions pratiques de toute solution future et du prolongement de l'excellent travail effectué jusqu'ici par Transports Canada afin d'être conscient de ce qui se passe dans le domaine océanique et de surveiller nos voisins de l'Arctique. Il faudrait pouvoir faire appel à des avions et même à un navire en cas de problème dans l'Arctique. Si les assurances pour les bâtiments qui croisent dans l'Arctique sont aussi élevées, c'est que les assureurs n'ont pas la capacité d'aller récupérer un bâtiment en perdition dans cette région. Le Terry Fox est un bâtiment d'avitaillement brise-glace pour les opérations au large. Il peut faire du touage, mais pour ce qui est du sauvetage de navires en détresse, il faut recourir aux ressources existantes, c'est-à-dire à des navires de passage et à de l'équipement. Nous devons planifier d'une façon pratique. À quoi cela devrait-il ressembler? Si au lieu de faire croiser le MS Explorer au large de la côte de Punta Arenas, on l'envoyait dans le détroit d'Hudson, qu'est-ce que cela donnerait? La société Malik exploite trois ou quatre Hercules. Pourrait-on recourir à ces appareils? Pourrait-on charger des palettes à bord de ces avions? Voilà le genre de détails sur lesquels il convient de s'attarder.

Pour ce qui est de Goose Bay, je pense qu'il serait bien de pouvoir constituer un effectif sur place, sous le drapeau du Canada. Dans l'Arctique, il faut que les gens collaborent et s'entraident. Cela vaut également pour les pays qui bordent le bassin de l'Arctique. Nous avons tendance à nous arrêter aux conflits frontaliers, mais il faut voir de quels moyens nous disposons.

À la réunion de Victoria, en avril dernier, un capitaine de la Garde côtière a pris la parole. On pense toujours que les Américains disposent de moyens illimités. Eh bien, quand ils exploitent leurs C-130 dans l'Alaska, ils ont exactement les mêmes problèmes provenant du détroit de Béring, parce qu'ils n'ont pas de hangars au-dessus de Fairbanks. Ils ont des problèmes d'exploitation. On a toujours tendance à croire que les Américains ne manquent de rien dans ce genre de domaine. Nous devons travailler ensemble et regrouper les différents intervenants d'une façon pratique et fonctionnelle pour parvenir à des résultats.

Nous devons nous attaquer à tous ces problèmes dans le cadre de la stratégie du Canada dans le Nord. Je vous en parle de façon claire dans mon document et je pense qu'il faut y voir une occasion. Pour pouvoir intervenir en cas de déversement pétrolier dans l'Arctique, nous devrons compter sur des moyens aériens. Combien de pistes avons-nous? Combien d'équipement avons-nous réparti sur place? Devons-nous réexaminer toute la situation étant donné les activités envisagées? Quand vous serez dans le Nord, posez donc ce genre de questions. C'est en travaillant ensemble, comme j'ai pu le constater à l'expérience, surtout dans le domaine maritime, que les marins trouvent des solutions pratiques, tout comme les résidents du Nord. Il suffit de rassembler des marins, des résidents du Nord et quelques résidents des Maritimes pour parvenir à des résultats. En revanche, il n'existe peut-être pas de livre de recettes à ce sujet.

Le sénateur Watt : Si nous faisions ce que vous recommandez — autrement dit que nous créions une base d'étape à Goose Bay — s'agirait-il d'une solution permanente ou d'une solution temporaire? Estimez-vous qu'il faudrait faire autre chose après Goose Bay?

M. Spears : Il faut adopter un point de vue global. J'ai parlé de Goose Bay à titre d'exemple. Il faut également songer à Iqaluit, à Resolute Bay et à Tuktoyaktuk. Il faut créer des infrastructures portuaires. Il n'existe quasiment aucune infrastructure dans les collectivités arctiques. On utilise exactement les mêmes techniques et les mêmes barges de débarquement qu'au 6 juin 1944 en Normandie. Dans le Nord, on débarque directement sur la plage parce qu'il n'y a que très peu d'infrastructures.

Comme l'a indiqué Michael Byers dans son ouvrage intitulé Intent for a Nation, au sujet des aérodromes, nous devrions envisager de déployer a priori une flotte d'avions. Il faudrait baser le futur avion SAR dans le Nord et collaborer avec les Rangers. Il faut rassembler tout le monde autour de ce projet. Notre pays ne manque pas de compétences. On ne veut certainement pas attendre qu'un accident se produise et il faut regrouper les gens et les amener à travailler ensemble. Le vice-amiral James Card, qui a été vice-commandant des gardes-côtes américains, a déclaré au sujet du New Carissa, ce navire qui s'est échoué au large des côtes de l'Oregon et qui a fait l'objet d'un documentaire du canal Discovery, qu'il est trop tard après un incident pour commencer à se faire des amis. Il faut s'y prendre bien longtemps à l'avance.

Pour moi, Goose Bay est un élément de la réaction dans le Nord. Pour ce qui est de la cartographie, on peut déjà compter sur des drones sous-marins pour ce genre d'opérations. Les collectivités côtières pourraient s'occuper de cela. Les résidents du Nord pourraient collaborer avec les services hydrographiques. Il existe une technologie permettant de cartographier les routes de l'Arctique.

Le sénateur Watt : Jugez-vous important de réaliser des études de faisabilité?

M. Spears : Le problème, c'est que nous risquons de manquer de temps pour des études de faisabilité. Si les navires commencent à transiter dans ces eaux dès cette année, nous devrons agir sans tarder. Nous allons devoir travailler très fort. Je pense que les Canadiens et les ministères fédéraux, de même que le secteur privé, sont prêts à relever le défi et ce serait très logique d'agir.

Pour emprunter le canal de Panama ou le canal de Suez, les navires doivent acquitter un droit de passage. Rien n'empêcherait le Canada d'imposer de tels frais pour assurer un service dans l'Arctique en vertu de l'article 234 de la Convention du droit de la mer.

C'est pour cela que j'estime que le travail de votre comité est si important. Nous ne pouvons pas compter sur un institut de l'Arctique interdisciplinaire qui se chargerait de toutes ces questions. Nous devons examiner cela et tout envisager en ce qui concerne la navigation maritime en nous demandant quel modèle de gouvernance il faut adopter, quel genre d'interventions et de modélisations il faut à retenir et à quoi ressemblerait un incident de pollution majeur.

Nous avons quatre C-17. Ce sont d'intéressants moyens aériens, mais où pourraient-ils se poser dans l'Arctique? À Goose Bay? À Iqaluit? Je ne pense pas qu'ils puissent le faire à Alert.

Voilà de véritables problèmes. De quoi disposons-nous? À quoi cela ressemble-t-il? Ne faut-il pas réactiver les Rangers? Toutefois, ils n'ont pas de navires. Il y a bien ceux qui utilisent leur propre bâtiment. J'estime que chaque village devrait disposer de son propre navire spécialisé en recherche et sauvetage qui permettrait d'intervenir à des fins de sécurité et pour d'autres missions, par exemple pour des recherches sur le changement climatique.

Voilà des pistes de solution qu'il conviendrait d'explorer. Certes, il faut faire preuve d'un peu de leadership, mais je pense que votre comité pourrait jouer un certain rôle dans la formulation de recommandations de façon à permettre l'instauration de liaisons d'une côte à l'autre au Canada.

Eddy Carmack, qui est océanographe à l'Institut des sciences océaniques, a effectué énormément de recherche. Lors d'une émission de Peter Mansbridge, il a lancé des bouteilles vides à la mer pour prouver que la surface du globe est recouverte par un seul et même océan. L'océan Pacifique ouvre sur l'Arctique qui lui-même donne sur l'Atlantique. Il faut envisager la question sous cet angle et amener les gens à raisonner et à parler en fonction de cette réalité.

Le président : Merci. Sénateur Robichaud.

Le sénateur Robichaud : Vous avez beaucoup parlé d'approche globale et du fait que nous devons tous collaborer. Si vous étiez responsable de tout cela, par quoi commenceriez-vous? Comment faire en sorte que tous ces gens-là travaillent ensemble? Pour l'instant, il y a un grand nombre de personnes et de ministères qui travaillent sur ce dossier. Par où commenceriez-vous?

M. Spears : Dans l'avion pour Ottawa, j'ai rencontré le sénateur St. Germain qui m'a prévenu que le comité des pêches m'attendait avec une brique et un fanal.

Au début des années 1990, j'ai eu l'occasion de travailler sur un modèle quand j'étais au Vietnam, parce que ce pays voulait faire débarquer du pétrole et du gaz à terre. Ils avaient mis sur pied un comité du plateau continental. L'École de droit Dalhousie a beaucoup travaillé au Vietnam à l'instauration d'un régime de réglementation. Le comité du plateau continental était dirigé par un ancien général du Viêt-cong. Le comité faisait essentiellement rapport au cabinet du premier ministre. Il faut que tout ce travail soit coordonné par le cabinet du premier ministre ou par le Bureau du Conseil privé.

Parallèlement à la fonction de coordination, il faut continuer le travail de recherche qui présente une nature multidisciplinaire. Actuellement, nous n'avons pas le véhicule voulu pour y parvenir. Il faudrait trouver une solution à cet égard, qu'il s'agisse de mettre sur pied un groupe de stratégie dans le Nord ou quelque chose du genre. Peu importe le nom qu'on lui donnera, mais il faut pouvoir regrouper les idées et mettre nos approches en commun.

Il faudrait pouvoir choisir entre différentes possibilités quant à la configuration d'un groupe d'intervention ou d'étude du régime de réglementation. Il faut y réfléchir. Je ne pense pas que nous ayons beaucoup de temps.

L'année dernière, nous avons connu un soubresaut. Le commander Scott Borgerson a signé un excellent article dans le magazine Foreign Affairs sur la fonte des glaces de l'Arctique et a traité des facteurs géopolitiques changeants. C'est une question internationale; nous avons une seule et même ressource et il y a une dimension environnementale. C'est cela qu'il faut faire.

Les Britanniques ont le QUANGO qui est une organisation non gouvernementale quasi autonome créée en vertu d'un PPP. Il y a des fonctionnaires de différents ministères qui y travaillent. Les gens y sont détachés et ils conseillent le gouvernement. Nous aurions peut-être besoin d'un QUANGO de l'Arctique qui se pencherait sur la navigation dans cette région parce que la réglementation de la navigation est vraiment au cœur du problème. Les bâtiments de patrouille dans l'Arctique ne sont qu'un élément de la réponse.

Dans l'article que j'ai au sujet de l'Aurora qui sert à faire respecter les lois du Canada, on peut lire qu'il est très bien de disposer d'équipages canadiens pour effectuer ce genre de mission. Ils savent comment attirer l'attention des navires, mais encore faut-il mettre tout cet effort en commun et le mettre à profit. Pour l'instant, tout cela se ramène à la fonction coordination. Comme nous sommes une nation de l'Arctique sérieuse, nous devons élaborer un mécanisme. Cette question est interjuridictionnelle.

C'est le défi qui se pose à propos de tous les océans. C'est la même chose pour tous les océans parce que différents ministères sont concernés. J'ai travaillé dans le port de Vancouver et il y avait là-bas 25 organismes fédéraux. L'opération qui a le mieux fonctionné à cette occasion a été un barbecue. Tout le monde s'est rassemblé et c'était absolument fantastique. À cette occasion, les gens ont découvert ce que faisaient les uns et les autres et ils se sont mis à échanger des informations.

C'est ce que je constate en permanence chaque fois qu'il est question d'activités maritimes. Il est toujours très difficile de rassembler des intervenants, parce que nous sommes un vaste pays et que tout le monde est réparti aux quatre coins du territoire. Nous devrions envisager de mettre sur pied une organisation du type QUANGO et vous pourriez peut-être, à la faveur de vos délibérations, examiner le modèle britannique comme celui du comité du plateau continental au Vietnam. Celui-ci a fonctionné parce que les Vietnamiens voulaient débarquer du pétrole et du gaz sur le continent.

S'agissant de l'Arctique et de notre souveraineté, il ne faudrait pas beaucoup d'argent pour régler le problème. Tout ce qu'il faudrait, ce serait de rassembler les gens et de disposer d'une structure. Les navires de patrouille dans l'Arctique coûteront — de toute façon, vous le savez mieux que moi — les chiffres ne cessent de changer. Ce genre de matériel coûte très cher. Il faut apprendre à raisonner et à doter ce genre d'équipement. Il est là le défi. C'est pour cela que je me sens privilégié de pouvoir vous parler de certains de ces problèmes.

Le sénateur Robichaud : Vous veniez juste de dire qu'il faudrait parvenir à réglementer la navigation. Il y a deux semaines, nous avons découvert que les fonctionnaires de Transports Canada ont le pouvoir, en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada d'imposer NORDREG sans qu'il soit nécessaire d'adopter une autre loi.

M. Spears : C'est exact.

Le sénateur Robichaud : Nous avons donc voulu savoir pourquoi cela n'avait pas encore été fait. Vous avez dit qu'il fallait faire davantage, mais je crois qu'il faudrait imposer l'application de NORDREG dans les plus brefs délais.

M. Spears : Je suis on ne peut plus d'accord avec vous. Il m'arrive d'enseigner le cours d'enquêtes maritimes à Transports Canada. La Loi sur la marine marchande du Canada confère énormément de pouvoirs à Transports Canada. Ces gens-là sont des marins professionnels, des gens qui ont navigué à bord de bâtiments commerciaux et d'autres, comme M. Santos-Pedro, qui nous représente à l'Organisation maritime internationale qui fixe les lignes directrices. Le Canada est un chef de file en la matière.

Cela, nous ne le reconnaissons pas ici. La Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques était également très radicale en 1970. Il suffit de consulter des magazines de droit international pour trouver sans doute 50 articles s'interrogeant sur la possibilité d'adopter de telles dispositions. Or, nous l'avons fait. C'est la même chose avec NORDREG. Je pense qu'il serait souhaitable d'imposer NORDREG, mais tout dépendra du temps, du personnel et de l'adoption de la législation nécessaire à cause de la dimension internationale.

Le sénateur Robichaud : Nous avons effectivement adopté la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques.

M. Spears : Effectivement.

Le sénateur Robichaud : Il y en a qui se demandaient si nous pouvions le faire, mais comme vous l'avez dit nous l'avons fait.

M. Spears : Faites gaffe à nous. Je pense que nous devrions dire la même chose dans le cas de NORDREG : faites gaffe à nous.

Le sénateur Robichaud : Ce n'est pas aussi mystérieux ni compliqué qu'on pourrait le penser. Nous l'avons fait.

M. Spears : Je prétends qu'il faut aller au-delà de NORDREG. Le fait de dire ce qui se passe dans notre domaine océanique équivaut à décrire ce qui se passe dans sa cour arrière ou sur son propre territoire. Quand on songe à NORDREG, il faut savoir que le système de signalement automatisé — utilisé à bord des navires de pêche — donne d'excellents résultats pour repérer les bâtiments. Si un vaisseau pénètre dans les eaux canadiennes, il faudra lui imposer un transpondeur à bord, s'il n'en a pas déjà un. Voilà la solution. Les Rangers pourraient embarquer à bord de leur canoë pour aller dire au commandant : « Vous pénétrez dans les eaux canadiennes et vous devez vous munir de ce transpondeur ou embarquer un observateur à bord. »

Tout dépend du type de bâtiment, s'il s'agit d'un navire pouvant croiser dans les glaces, qui est exploité par une grande entreprise, il n'y a pas de problème. Pour l'instant, des explorateurs sillonnent le passage du Nord-Ouest, mais il y a lieu de se demander ce qui se passerait dans le cas d'une navigation de moindre qualité. Que ferions-nous? Ça, c'est un élément du problème, mais il n'est pas négligeable.

Le sénateur Robichaud : Grâce à RADARSAT-2, nous avons maintenant la possibilité de pister tous les navires naviguant dans les eaux canadiennes, n'est-ce pas?

M. Spears : C'est exact. Tout encore une fois est question de coordination. Je vais vous raconter quelque chose.

J'ai un ami qui s'est écrasé dans les Rocheuses l'année dernière. Il s'appelle Ron Boychuk. Je rentrais d'une conférence à Halifax où j'avais parlé d'un projet de recherche en défense sur la surveillance du Nord. Quand j'ai appris la nouvelle le dimanche, j'ai appelé le responsable des opérations de recherche. Je lui ai dit : « Écoutez, je ne suis pas fou. Est-ce que vous avez une imagerie? » Il m'a répondu par la négative.

L'imagerie satellite fournit énormément d'informations et j'ai pu contacter quelqu'un, rencontré lors de la conférence, qui m'a donné accès à un satellite privé passant précisément au-dessus des Rocheuses. Il y avait l'avion que l'on recherchait et d'autres carcasses. Une jeune fille s'était retrouvée bloquée quelque part il y a trois ou quatre ans de cela et les équipes d'intervention ont pu se rendre sur place en 40 minutes. Les secours avaient été déployés à partir de Kamloops et avaient nécessité la mobilisation de 25 appareils. C'était incroyable.

Quoi qu'il en soit, le responsable des recherches n'avait pas eu accès à ce genre de données parce que, à l'époque, il ne bénéficiait pas des services de RADARSAT-2.

Encore une fois, tout cela est affaire de coordination, car il faut mettre la main sur ce genre de données et les diffuser. Trois ou quatre autres satellites devaient être lancés en même temps que RADARSAT-2, dans le cadre de la Mission Constellation RADARSAT. Ils n'ont pas encore été fabriqués, ni même financés. Si l'on parvenait à associer la technologie d'imagerie terrestre avec NORDREG, avec le travail réalisé par les avions de patrouille de Transports Canada, nous aurions une excellente idée de ce qui se passe dans notre domaine maritime arctique. Cette solution est excellente pour bien des raisons.

Encore une fois, tout est affaire de coordination. Ce que je voulais dire avec mon histoire, c'est que le responsable de la recherche n'avait pas accès à ce genre de données d'imagerie. Pourtant, comme les Norvégiens l'ont prouvé et comme nous essayons de le faire un peu au Canada, il est plus efficace de se consulter les photos satellite avant de faire décoller des avions de recherche.

Tout existe. Le tout, c'est de coordonner l'utilisation de ces moyens. C'est la même chose avec le sonar et certains canaux. Compte tenu du nombre d'axes de navigation qui seront ouverts, il serait assez facile de placer des bouées ou d'organiser un programme de surveillance humaine depuis la côte, comme durant la Seconde Guerre mondiale, selon lequel des observateurs signaleraient tous les bâtiments. Je crois d'ailleurs que c'est ce que font les Rangers occasionnellement grâce à des périscopes.

Le président : Pourriez-vous nous envoyer plus de renseignements au sujet de QUANGO?

M. Spears : Très certainement. J'y avais pensé, parce que je me suis intéressé à ces questions. Cela ne concerne pas un seul endroit, c'est vaste. On parle ici de recherche et de sauvetage. C'est une fonction qui relève de la Garde côtière et du MDN. Il est ici question de science et de technologie, de navigation internationale, d'assurance maritime et d'activités commerciales.

Le président : Ce qui nous intéresse ou du moins ce que je recherche, c'est un modèle que nous pourrions élaborer à partir du QUANGO anglais. Vous avez parlé de tout regrouper. Nous, nous sommes en quête d'un modèle.

M. Spears : Le gouvernement britannique a appliqué plusieurs modèles, par exemple en matière de criminalité et autres. Après avoir expliqué notre problème à un Anglais, celui-ci m'a dit que nous devrions avoir un QUANGO. J'ai été interpellé et je lui ai demandé de me préciser ce dont il s'agissait.

Le sénateur Comeau : Le sénateur Watt m'a demandé ce qu'était un twango et je lui ai dit que c'étaient deux danseurs faisant quelques pas ensemble. Je ne m'enfoncerai pas dans ce sujet.

Le président : Il n'est jamais trop tard.

Le sénateur Comeau : Je ne suis pas très bon en géographie. Où se trouve la baie Horseshoe?

M. Spears : C'est dans l'ouest de Vancouver.

Le sénateur Comeau : Je crois comprendre qu'il n'y a pas de problème à reconnaître la compétence du Canada sur la masse continentale et sur les îles de l'Arctique. En revanche, certains d'entre nous se sont intéressés au problème — et je pense qu'il y en a un — que pose la gestion, par le Canada, des voies navigables dans le passage du Nord-Ouest. Je me trompe?

M. Spears : Non.

Le sénateur Comeau : Vous avez énoncé un certain nombre de moyens pratiques que le Canada pourrait utiliser pour exercer son influence en vue de faire reconnaître sa compétence ou de gérer les axes de transport en question. L'un des moyens les plus pratiques serait la recherche et le sauvetage. Je suppose qu'il y en a d'autres — vous en avez parlé — comme l'imagerie satellite pour suivre le déplacement des navires, sans doute une capacité aérienne de même que des moyens de surface et même des moyens sous-marins pour observer ce qui se passe grâce à un périscope, sans parler de nombreuses autres solutions qui semblent tout à fait logiques et pratiques.

Ce qui me chatouille, c'est que je me demande pourquoi les États-Unis ne semblent pas intéressés à ce que le Canada gère ses eaux et ses voies navigables. J'aurais pensé que les Américains auraient sauté de joie en apprenant que leur voisin, qui est un bon ami, assure sa compétence sur ses eaux, plutôt que de s'en remettre à la communauté internationale de 190 pays qui devrait gérer le passage dans l'Arctique.

M. Spears : C'est une bonne question. Il est possible que les Américains ne souhaitent pas que des porte-conteneurs chinois passent par un passage international au même titre que des porte-conteneurs nord-coréens avec un équipage iranien à bord. Le raisonnement est ici poussé à l'extrême.

Tout cela nous ramène systématiquement à la problématique de la marine de guerre américaine qui veut posséder la maîtrise des voies navigables et qui s'oppose à toute forme d'entrave à la mobilité de ses forces navales et à sa capacité de se projeter n'importe où dans le monde. De toute façon, c'est ainsi que les marines nationales voient la chose depuis toujours.

En réalité, et des témoins qui ont beaucoup publié sur le sujet sont venus vous en parler, par rapport aux autres détroits internationaux, le passage du Nord-Ouest est un détroit théorique. Ce n'est pas un axe tel que ceux qu'on a pu voir au début de ma présentation en PowerPoint. Le passage du Nord-Ouest est composé de plusieurs routes et l'on pourrait même en trouver d'autres. Il y en a plus de sept. La principale, qui permet le passage de navires à fort tirant d'eau, est le canal Parry. Les autres sont plus étroites. Je ne suis jamais vraiment parvenu à comprendre cela.

Je vais en revenir à ce que vous disiez tout à l'heure. Personnellement, j'estime que dès l'instant où ces eaux sont fermées à l'entrée et à la sortie, elles nous appartiennent. Les autres nous contestent le droit de contrôler la navigation dans ces eaux. Les Américains nous disent qu'en vertu de la Convention sur le droit de la mer, ils ont le droit d'emprunter ce passage dans nos eaux et que nous ne pouvons pas empêcher leurs navires de les traverser. Nous pourrons toujours prétendre que nous pouvons exercer ce pouvoir en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada. Un inspecteur de la sécurité maritime — et cela nous ramène au Titanic — pourrait très bien intercepter un navire de croisière transportant 2 000 passagers qui voudrait quitter le port de Halifax à destination de Vancouver. Cela fait partie de notre droit souverain de réglementer la navigation.

Les États-Unis prétendent qu'il s'agit d'un détroit international et que, dans la mesure où ils respectent nos exigences environnementales, ils peuvent emprunter ce passage sans aucune restriction.

Le sénateur Comeau : Autrement dit, sans qu'ils aient à en demander la permission.

M. Spears : Précisément. En vertu du règlement sur la sécurité maritime, il faut donner un préavis de 96 heures, mais ce n'est qu'un préavis. C'est généralement ce qui se fait dans le cas de navires qui transitent dans les eaux canadiennes, s'ils commercent sur notre territoire. En général, on parle alors de navigation internationale en transit. Pour relier l'Asie du Sud-Est à l'Europe du Nord, il serait logique de raccourcir le trajet de 5 000 ou 6 000 illes étant donné les prix actuels du carburant. Si les navires en question peuvent naviguer dans des eaux glacées et qu'ils se conforment à toutes les exigences internationales, il peut n'y avoir aucun problème.

Quand j'étais jeune biologiste, j'ai étudié les colonies d'oiseaux marins. Les Tuck, de Terre-Neuve, est allé là-bas dans années 1940 et 1950. Nous utilisions des dispositifs de capture de dernier cri qui consistaient essentiellement en un bâton de bambou. Ça ressemblait à un tube de pâte dentifrice. Les oiseaux marins portent une bague d'acier. À la fin de l'été, il fallait les attraper comme un pêcheur de homard le fait avec ses prises et parfois, nous en capturions ainsi 10 000 et nous sommes tombés sur un oiseau, nichant dans ces falaises, qui avait été bandé par Les Tuck. Nous l'avons fait parvenir au service de la faune américain qui l'a examiné à l'aide d'un microscope électronique. Figurez-vous que cet oiseau avait plus de 30 ans. Tous les ans, il traversait le détroit de Hudson à la nage pour se rendre jusqu'aux grands bancs, puis faisait le trajet inverse. Je ne vous donne cet exemple que pour illustrer mon propos, parce que nous ne connaissons finalement pas grand-chose de ces écosystèmes.

Peut-être voudrons-nous réclamer le droit, en tant que nation, de protéger ces zones qui sont des habitats de pêche ou de mise bas de l'ours polaire. Nous ne voulons pas que des navires y passent. Nous voulons pouvoir dire que c'est notre territoire, tout comme un propriétaire de chevaux ne voudra pas que vous passiez à proximité de son étable parce que vous pourriez faire du bruit, à moins que ce ne soit à cause de vaches qui mettent bas ou que sais-je encore. Nous voulons pouvoir disposer de ce pouvoir. Les Américains nous disent qu'il s'agit d'un détroit international et qu'on ne peut les arrêter.

Nous devons être vigilants, mais avec la conviction profonde que nous avons ce pouvoir. Voilà pourquoi j'insiste sur le fait que nous en revenions aux dispositions de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. Nous devons protéger cet équilibre écologique. Nous voulons contrôler cela. C'est sur ce plan que tous les morceaux du casse-tête doivent s'emboîter les uns dans les autres. Comment y parvenir?

Vous avez accueilli Bill Nash. La navigation est réglementée en permanence partout ailleurs au Canada, dans toutes nos eaux. Pour une raison quelconque, les États-Unis ne sont pas d'accord avec ça. Je ne crois pas — s'ils y ont jamais vraiment pensé — qu'ils désirent que ce passage devienne un détroit international. Ce ne serait pas dans leur intérêt, surtout dans le cadre de la défense de l'Amérique du Nord et de la façon dont nous abordons ce dossier d'avoir une voie ouverte qui traverse la partie supérieure de notre continent.

Le sénateur Comeau : Cela m'amène à vous poser la question de savoir si nous sommes en discussion avec les Américains à ce sujet. Compte tenu de leur réaction à la suite du 11 septembre, on pouvait penser qu'ils tiendraient compte de cette réalité, qu'ils ont changé d'avis sur certaines de ces questions. Est-ce que les Canadiens essaient de convaincre les Américains des avantages qu'ils auraient à ce que le Canada soit le gardien, faute d'un meilleur terme, de ce secteur océanique? À qui devrions-nous parler? Devrions-nous parler avec les politiciens, avec les décideurs, avec la fonction publique permanente ou son équivalent? Avec qui devrions-nous parler, si ce n'est déjà le cas? Peut-être devrions-nous passer par l'intermédiaire des groupes d'amitié canado-américains.

M. Spears : Voilà une bonne remarque. Voilà pourquoi j'ai été ravi que le commander Borgerson vous rencontre et vous parle. Le Conseil américain des relations étrangères est un groupe très influent. Michael Byers est intervenu avec l'ancien ambassadeur. Ce fut une tentative, mais nous devons ouvrir davantage le dialogue pour aller au-delà de la rhétorique. Nous devons travailler ensemble. Y avez-vous pensé? Personnellement, et je ne suis pas diplomate international, j'estime que nous avons besoin de véhicules et de processus favorisant le dialogue entre les fonctions publiques, le dialogue entre universitaires, le dialogue faisant intervenir les Inuits et les nations circumpolaires. Avant, nous avions un ambassadeur circumpolaire. Il faut instaurer tous ces dialogues, mais nous avons tous tendance à nous limiter à ce qui concerne les frontières. Dans mon exposé, je vous ai dit que le Canada doit assumer un rôle de premier plan à cet égard et mener le bal.

À long terme, la capacité des Américains dans l'Arctique sera nettement inférieure à la nôtre. Actuellement, ils ont trois brise-glace dont deux ont près de 30 ans, en plus du Healey, qui est un brise-glace essentiellement consacré à la recherche, de faible capacité. Il suffit de parler avec les gens de la Garde côtière américaine pour se rendre compte qu'ils sont aux prises avec le même défi que nous en matière de surveillance du domaine océanique et d'autres questions concernant le nord de l'Alaska.

Le sénateur Comeau : Je ne sais pas si nous le faisons encore aujourd'hui, mais dans le passé, nous avions un ambassadeur des océans. Nous avons eu un ambassadeur navigant. À l'heure actuelle, c'est Loyola Sullivan qui est ambassadeur pour la conservation des pêches. Devrions-nous avoir un ambassadeur de l'Arctique?

M. Spears : Plus nous serons nombreux à dialoguer et mieux ce sera. Nous devrions aller dire un peu partout que nous sommes en train d'examiner différents scénarios. Je vais faire une petite promotion pour l'Université Dalhousie. Je sais que le sénateur Cowan a été chancelier, mais il se trouve que lors d'une conférence sur la sécurité maritime au Centre d'études en politique étrangère de Dalhousie, j'ai fait partie d'un groupe de discussion sur le passage du Nord- Ouest, tout cela grâce à des fonds du ministère de la Défense nationale. Nous avons examiné toutes ces questions et fait intervenir les Danois dans le cadre d'un scénario maritime se déroulant dans le passage du Nord-Ouest. Nous devons en savoir plus. Nous devons amener les gens à se parler entre eux. Voilà pourquoi je ne cesse de revenir aux travaux de votre comité. Vous êtes le seul groupe centralisé à étudier ce genre de questions afin de regrouper les informations disponibles.

Dans le milieu universitaire, ceux qui s'intéressent à ces questions sont répartis aux quatre coins du Canada. Comme certains aspects de ce dossier sont carrément pratico pratiques nous devons mobiliser les gens de la marine américaine et les collectivités concernées.

Nous parlions de l'île Hans. Qu'adviendrait-il d'un bateau de croisière naviguant au large de Groenland, dans les eaux canadiennes, en train d'essayer d'éviter les icebergs? Il y aurait 3 000 personnes à bord. Il y aurait du brouillard. Le centre de commande canadien recevrait l'appel de détresse, et puis quoi? Mieux vaut penser à cela maintenant que plus tard. Tout cela fait partie de l'exercice de la souveraineté. Il faut engager des fonds et décider d'un processus. Il faut que les résidents du Nord participent. Nous ne pouvons pas simplement émettre une liste de desiderata. Nous devons nous demander si les solutions envisagées sont réalisables ou pas.

J'ai entendu un commodore de la marine canadienne dire que les bâtiments militaires ne vont pas dans la baie d'Hudson parce qu'ils ne peuvent pas s'y avitailler en carburant. Le Preserver et le Protecteur sont deux bâtiments aptes à naviguer dans les glaces, mais leur dernier passage dans le coin remonte aux années 1970. Il y a un réservoir agricole à Churchill et il est possible d'y cacher du carburant. À quoi cela ressemble-t-il? De quelle capacité disposerions-nous en cas d'incident de pollution majeur? Sur quels avions peut-on compter? Comment savoir tout cela? Il faudra mobiliser un important effectif qui devra se mettre au téléphone pour savoir s'il y a des vols nolisés dans le coin, mais existe-t-il un tableau de suivi indiquant qu'il y a trois Hercules ici et quatre autres là-bas? Ce sont là des choses très pratiques.

D'un autre côté, nous pouvons collaborer avec les Américains et les Russes. Dans l'article de Scott Borgerson, intitulé Arctic Meltdown, il est question du nouvel ordre mondial et de la militarisation de l'Arctique. Il serait possible d'atténuer ce risque en commerçant avec les Russes, en les accueillant à Churchill, en leur permettant d'accoster à Halifax pour y débarquer leur grain et en leur parlant. Je pense qu'ils pourraient faire davantage ainsi, mais pour y parvenir, il faudra agir sur bien des plans différents. Nous devrons coordonner notre action ou faire passer notre vision des choses.

J'espère avoir répondu à votre question.

Le président : Nous avions un ambassadeur de l'Arctique, un ambassadeur des affaires circumpolaires. C'était Mary Simon, mais à expiration de son mandat, personne n'a été nommé pour la remplacer. La fonction existe encore, mais personne ne l'occupe.

Le sénateur Cook : Merci beaucoup pour cet exposé très instructif. Je n'ai qu'une connaissance limitée du sujet et ma compréhension est encore plus limitée. Nous parlons ici d'un océan. Nous avons un ambassadeur des océans et il serait peut-être temps d'ajouter l'Arctique à son mandat.

Comment gérer le changement? Va-t-on gouverner par consensus ou en fonction d'intérêts économiques? Nous parlons actuellement uniquement de droit de passage et de voies navigables. Toutefois, qu'adviendra-t-il si quelqu'un trouve du pétrole?

J'ai lu la section voyage du Globe and Mail de dimanche. Cette année, un certain nombre de croisières sont proposées dans l'Arctique, 11, je crois. Comment ces bateaux-là ont-ils obtenu leur permis? Voilà que tous ces touristes débarquent là-bas, dans le cadre d'une nouvelle exploitation touristique, et on dirait que tout le monde est d'accord avec cela.

J'estime que le Canada se doit d'élaborer un prototype, en quelque sorte, pour permettre aux autres nations d'intégrer le mouvement si elles le désirent et d'aller y chercher ce dont elles ont besoin, étant entendu que le Canada ne renoncera pas à sa compétence. Qui d'autre pourrait le faire mieux que nous?

Il se déroule actuellement une conférence au Danemark. Des gens montent au créneau pour protéger des intérêts qui ne sont pas encore précisés. Il y a une chose que nous avons ici et que les autres pays n'ont pas : une population dont nous devons nous occuper. On dénombre quelque 30 000 personnes résidant là-bas, des gens qui se définissent comme des Canadiens et qui voient leur mode de vie en train de changer. Les événements vont avoir des répercussions sur leur mode de vie, que ce soit à cause des déversements pétroliers ou du tourisme. Nous disposons d'un certain nombre d'outils qui pourraient nous permettre d'élaborer un tel prototype susceptible de répondre aux besoins de ceux qui veulent développer cette terre et les eaux environnantes.

D'après vous, quel rôle la Garde côtière devrait-elle jouer? Nous allons devoir bâtir des infrastructures. On a bien vu ce qui s'est passé à l'île d'Ellesmere l'année dernière. Nous ne pouvons rien y faire : nous ne pouvons pas gérer cela.

Quel rôle voyez-vous pour la Garde côtière? Elle constitue une ressource appréciable. Personne d'autre que la Garde côtière ne connaît mieux le Nord. Nous disposons d'une certaine infrastructure. Serait-il réalisable ou pratique de construire un port pour commencer?

M. Spears : Pour ce qui est de votre première remarque, l'Arctique constitue effectivement un problème océanique. Le problème en question, c'est la réglementation de la navigation et l'impact que celle-ci aura sur le Canada. Nous ne manquons pas de gens compétents chez nous, qui ont une grande expérience des opérations dans l'Arctique, et il se trouve que la Garde côtière compte beaucoup de ces personnes. Le grand problème, c'est la perte de mémoire collective au sein de ces organisations à cause du départ à la retraite du personnel. Les agents de recrutement de la marine vous diront que, sous l'effet du vieillissement des effectifs et des départs à la retraite, une grande partie de l'histoire est perdue parce qu'elle n'a pas été consignée. C'est un véritable problème. Comment transmettre le relais? Dans la culture inuite traditionnelle, la passation du savoir se fait grâce au conte. On pourrait croire que toutes ces choses-là sont nouvelles, mais en fait elles sont plutôt anciennes. On a toujours tendance à réinventer la roue. La Garde côtière joue un rôle clé. Malheureusement, elle n'est pas investie d'un rôle d'application de la loi. Il a beaucoup été question d'armer les agents de la Garde côtière. Avant, Transports Canada abritait la Direction de la sécurité maritime et la Garde côtière. Puis, il y a quelques années, la Garde côtière a été détachée pour être rattachée à Pêches et Océans.

Plus vous parviendrez à faire en sorte que les ministères collaborent ensemble et mieux ce sera, qu'il s'agisse de la GRC, des Rangers ou de la Garde côtière. Ces organisations ont toujours collaboré au Canada. Votre remarque est excellente. Il faut commencer quelque part, il faut construire un port et intéresser les enfants à tout cela. Voilà une occasion qui s'offre au Canada.

De véritables débouchés s'offrent à nous en technologie des glaces et en mise au point des technologies de cartographie sous-marine. Tout cela est extraordinaire. Nous pouvons maintenant nous servir de drones beaucoup plus gros que cette table, qui peuvent rester submerger jusqu'à 10 heures de suite et plonger à 2 000 pieds de profondeur. Ces appareils peuvent faire de la cartographie, mais pour y parvenir, il va falloir coordonner nos actions. Nous sommes en train de construire tout cela au Canada, mais les Canadiens l'ignorent.

Il est essentiel que nous commencions par construire un port pour pouvoir regrouper les gens, tout comme il faudra faire participer les quelque 30 000 Canadiens dont je parlais afin qu'ils aient voix au chapitre.

Je tiens à féliciter votre comité de s'être atteler à cette tâche. Il s'agit bien d'un problème océanique. Le Nord entraîne tout le Canada dans son sillage. Nous avons vu ce qui s'est passé avec RADARSAT. Chaque fois qu'un navire emprunte le passage du Nord-Ouest, les Canadiens sont interpellés. Beaucoup ont écrit sur le sujet et nous devons donc coordonner nos actions et faire preuve de leadership. Peu importe l'angle que l'on considère, il y a des problèmes. Nous avons l'occasion de bien agir.

Les résidents des collectivités côtières avec qui je parle de changement climatique me disent qu'ils ont peur.

Le Canada doit avoir une occasion dans tout cela et si nous arrivons à nous regrouper et à ne pas uniquement voir le problème, nous obtiendrons des résultats. C'est ça la façon canadienne d'agir. C'est toute l'histoire de notre pays. C'est ainsi que nous avons construit le chemin de fer et ouvert la voie maritime. Les choses ne seront pas différentes dans l'Arctique. Tout ce qu'il nous faut, c'est coordonner la politique, notre énergie et notre vision. Les Américains attendent que nous fassions preuve de leadership à cet égard. Ils ne savent pas que faire.

Ce que vous venez de dire, sénateur, les amènerait à réfléchir sur tout ça. C'est important. J'ai pris Goose Bay comme exemple, à propos de la recherche et du sauvetage.

Voilà tout ce qui se passe là-haut. Demandons aux enfants inuits d'enseigner les compétences traditionnelles à terre et d'utiliser ces véhicules typiquement canadiens pour résoudre une partie des problèmes constatés.

Rendons l'application de NORDREG obligatoire, utilisons RADARSAT et lançons les autres satellites pour nous doter d'un véritable processus de développement du pays.

Donnons plus de navires à la Garde côtière.

Un jour, en quittant Ottawa, je suis tombé sur la ministre Ambrose. C'était juste après que les Soviétiques eurent déposé leur drapeau sur les fonds marins, au pôle Nord. Ce que je lui ai dit, c'est que nous devions envoyer davantage de jeunes Canadiens dans le Nord. Quand j'étais étudiant, il y avait toutes sortes de programmes de ce genre. Les ministères fédéraux envoyaient des assistants chercheurs pour travailler dans le Nord. Il suffit de parcourir ce territoire pour se sentir connecter avec lui. Or, rares sont les Canadiens à l'avoir vu. Tout cela est théorique. Nous devons encourager la découverte du Nord et je vous invite, dans votre rapport, à examiner la question du financement de la recherche. Nous devons faire en sorte qu'un plus grand nombre de gens soient au courant de ces problèmes.

J'en ai parlé à la ministre Ambrose quand nous étions à l'enregistrement à l'aéroport. Je lui ai dit qu'il fallait financer la recherche parce qu'elle rapporte à long terme, au fur et à mesure que le pays se développe. Comme vous pouvez le constater, malgré toutes ces ressources, nous ne savons pas vraiment ce qui se passe là-haut. Le Nord est un entrepôt absolument fantastique.

En Australie, par exemple, les revendications géophysiques, comme celles concernant le plateau continental australien, font partie du programme scolaire au secondaire. Ici, pour savoir ce qui se passe dans le Nord, il faut aller creuser. Je suis une sorte de Colombo terre-neuvien. Il est difficile de mettre la main sur l'information. Elle est détenue dans des mains très serrées, même si celles-ci ne sont pas volontairement crispées. C'est juste le côté diffusion qui fait défaut. Il y a bien des raisons pour lesquelles nous devrions faire en sorte que les jeunes Canadiens s'intéressent aux océans, surtout en ce qui concerne les changements climatiques. Nous ne savons pas ce que recèle l'avenir.

J'espère que cela a répondu à votre question.

Le sénateur Cook : La notion de prototype est-elle envisageable? Si nous avons déjà tous ces outils qui existent, ici et là. Si le Canada prend à sa charge de regrouper tous ces outils pour les mettre en œuvre, ne serait-ce pas un bon départ?

M. Spears : Ce serait un départ fantastique. L'Université Cambridge, en Angleterre, a le Scott Polar Research Institute. Là-bas, il est même possible d'aller sentir l'anorak que portait Shackleton. Steve Bigras de la Commission polaire canadienne, groupe qui avait été mis sur pied pour faire rapport au Parlement afin de le conseiller sur les questions concernant l'Arctique, m'a appris que beaucoup de chercheurs avaient consacré toute leur carrière aux questions de l'Arctique. Ces gens-là sont maintenant décédés et leur famille veut faire don de tous leurs documents et de leurs ouvrages à la Commission polaire canadienne. Or, celle-ci ne dispose d'aucun espace pour les entreposer. Les Archives n'en veulent pas. Il y a toutes sortes de choses qu'on apprend ainsi. Nous ne conservons pas ce genre de dossiers, pourtant, dans le cadre d'une stratégie sur l'Arctique, nous devrions consigner tout ce savoir et en tenir compte.

Tous les ingrédients pour préparer un énorme gâteau et organiser une superbe réception sont là. Il faut commencer quelque part. Ce ne sera jamais parfait, mais il faut prendre certaines mesures. Si nous ne le faisons pas et si nous nous contentons de réagir, nous n'empêcherons pas le pire. Les gens voient bien les navires passer par là. Dès cet été, vous constaterez — et j'admets regarder la télévision publique — que des bâtiments passeront par le passage du Nord-Ouest. Demain est déjà là. Les jeux sont faits.

Le sénateur Cook : Il est vrai que j'aurais pu aller faire une croisière de 166 jours qui passait par l'Arctique et par l'Antarctique. Ce n'est pas quelque chose à venir. C'est déjà une réalité. Nous nous leurrerions en tant que Canadiens et que gouvernement si nous ne l'admettions pas. Si, comme vous le dites, il suffit de donner un préavis de 96 heures avant de pénétrer dans ces eaux et qu'un problème se produise par la suite, qui sera responsable? Celui qui a donné la permission pour 96 heures?

M. Spears : Ça, c'est la question rêvée de tout avocat spécialisé en droit maritime : à qui la faute? Il s'agit d'un cas bien concret sur lequel il faut se pencher. Il faut planifier et élaborer tout cela.

Le sénateur Cook : C'est la population du Canada. Je conclurai là-dessus. J'estime que le Canada doit assumer cette responsabilité, monsieur le président.

Le sénateur Cowan : Je me rends compte que nous vous en demandons beaucoup, monsieur Spears.

M. Spears : J'en suis ravi. Je suis très heureux d'être ici.

Le sénateur Cowan : Nous sommes ravis de vous avoir. Vous avez plusieurs fois répété à quel point il était nécessaire de coordonner l'information et le travail des organismes. Tout le monde ici sera d'accord avec le fait que cela est tellement logique qu'il y lieu de se demander pourquoi ça n'a pas encore été fait. Il semble tout à fait raisonnable d'agir ainsi et pourtant, on dirait qu'il n'existe pas de politique gouvernementale ou d'autre motif budgétaire raisonnable imposant la séparation des organismes et des groupes qui sont intéressés par ces questions-là et qui les connaissent en partie.

Pourriez-vous, si ce n'est ce soir, dès que vous aurez la possibilité d'y réfléchir, nous faire part de vos suggestions sur la façon de réaliser la coordination. Je n'ai pas l'impression que cette partie du travail soit très coûteuse. Il faudra simplement qu'un collectif émerge de cet exercice. Il faudrait que celui-ci coûte peu ou qu'il ne coûte rien. J'aimerais obtenir votre point de vue sur cela.

Du point de vue du matériel ou des actifs physiques, il y a lieu de faire un certain nombre de choses afin d'affirmer et de protéger les intérêts du Canada dans le Nord. Avec le sénateur Watt, vous avez parlé de la construction d'un port et d'infrastructures dans le Nord, parce que cela manque de toute évidence. Que faut-il faire? Où faudrait-il situer le port?

Avec le sénateur Comeau, vous avez parlé de l'utilisation de Goose Bay et je suis sûr que cela nous intéresse tous. Votre suggestion est tout à fait pratique.

Nous avons entendu d'autres témoins. Nous avons notamment accueilli des représentants du gouvernement qui sont venus faire un certain nombre d'annonces relativement à la construction de différents types de bâtiments dans l'avenir, mais cela va prendre du temps. Peu importe, si l'on ne commence jamais, on n'aboutira à rien. J'aimerais obtenir votre point de vue, quand vous aurez eu la chance d'y réfléchir, non seulement au sujet des mesures particulières que nous devrions prendre afin de regrouper l'information et de coordonner les efforts des différents organismes concernés, mais aussi sur les actifs physiques que nous devrions acheter et exploiter. Tout cela, il faut le reconnaître, aura d'importantes répercussions budgétaires. J'aimerais recueillir votre point de vue sur ces deux grandes questions.

M. Spears : Je serais très heureux de vous faire part de mes réflexions à ce sujet.

Pour ce qui est de la coordination, la gestion des océans se fait de façon sectorielle, suivant une approche multidisciplinaire que j'ai étudiée il y a 25 ans à la London School of Economics et à Dalhousie. Il est question de pêches, de navigation, d'environnement et d'écotourisme. Jusqu'ici, la démarche est sectorielle et il n'y a aucun regroupement. On peut toujours isoler très facilement tout ce qui concerne les océans, mais les activités économiques viennent se raccrocher à tout cela. Dès qu'on ajoute les questions de l'Arctique et la fonte des glaces, la question concerne tout le monde.

Je vais vous donner des exemples. Dans le domaine de la sécurité maritime, on trouve un groupe de travail interministériel chargé de la sécurité maritime, groupe qui est composé de représentants de différents ministères. On pourrait reprendre assez facilement ce modèle pour l'appliquer à l'Arctique. Il existe des liens officieux, un peu comme ce qui se passe lors de la conférence sur la sécurité maritime où le MDN collabore avec la Garde côtière, avec des entreprises privées et avec des intérêts commerciaux. Il faudrait insister sur ce genre de collaboration

Pour ce qui est du matériel, je vais y réfléchir et je communiquerai le fruit de ces réflexions à la greffière du comité. Ce n'est pas un problème insurmontable. En général, ces choses-là ne se font pas tant qu'il n'y a pas de menace. Pour ce qui est du matériel, je dirais qu'il faut rassembler les intervenants afin qu'ils se parlent entre eux, ne serait-ce que pour faire en sorte que les Rangers reçoivent des bateaux de patrouille. Cela n'a rien de compliqué. Je suis certain qu'il ne manque pas de constructeurs de bateaux à Terre-Neuve-et-Labrador, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique aptes à faire ce genre de choses. Il serait possible d'acheminer les embarcations sur des remorques et même de les charger dans des Hercules. Il ne s'agit pas de gros bateaux. Ces embarcations ne retiendront pas autant d'attention qu'un navire de patrouille dans l'Arctique, mais en cas d'incident, elles pourraient s'avérer très précieuses. Il faudrait donc en avoir en réserve et former des gens à leur utilisation.

À quoi peut ressembler l'accostage d'un navire? Ce serait une mission parfaite pour les Rangers. La marine canadienne pratique l'abordage depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle a remis à l'ordre du jour son programme de formation des équipes d'abordage. Il faudrait envisager de faire la même chose dans le cas des Rangers.

Voilà de petites choses très simples qui pourraient servir à amorcer le mouvement. Il faut examiner toute cette question de la réponse pangouvernementale et élaborer un plan. Il faudrait peut-être envisager de le faire à l'extérieur des ministères.

S'agissant des infrastructures, il faut savoir que les avions de la recherche et du sauvetage peuvent également faire de la patrouille. Les Danois, par exemple, emploient leurs avions à réaction Bombardier pour certaines de leurs patrouilles dans l'Arctique. Ce ne sont pas des multimoteurs, mais ils les utilisent pour cela et continuent d'en acheter à Bombardier. Nous, nous ne le faisons pas.

Nous avons des Dash 8 de Transports Canada et nous devrions peut-être en avoir plus. Voilà le genre de choses auxquelles un groupe de réflexion pourrait s'intéresser. Ces gens-là pourraient y réfléchir et se demander quel serait le meilleur scénario. Peut-être faudrait-il déployer une cinquantaine de petites embarcations dans l'Arctique. Pour l'instant, qu'avons-nous là-bas? Je ne pense pas que qui que ce soit puisse nous répondre. Les canots de fret sont fantastiques, mais peuvent-ils servir à autre chose qu'à des missions de patrouille?

La Société Makivik a signé sa revendication territoriale au large. On parle à présent de compétence sur les eaux océaniques. Comment réagirions-nous en cas de pollution dans les eaux environnant les zones habitées par les colonies d'oiseaux marins?

Il y a bien d'autres choses à faire là-haut. Il faut rassembler les gens pour parler de tous ces problèmes et pas nécessairement pour étudier les menaces à la sécurité et la menace internationale, mais pour travailler au niveau du Canada, au sein des familles en se demandant comment parvenir à résoudre tous ces problèmes. Nous pourrions peut- être huiler les engrenages, là où ça coince, et mettre les gens au travail. Je pense que nous pourrions parvenir à les mobiliser et à inspirer le reste du monde.

La compétence est là. Il n'est pas nécessaire de se mettre en quête de grand-chose. Nous avons dirigé la formulation de la Convention sur le droit de la mer. À l'époque, les gens nous disaient que nous n'y parviendrions pas. Aujourd'hui, nous n'avons affaire qu'à une poignée de pays de l'Arctique. Nous devrions mettre cette occasion à profit. Nous devons en profiter également pour mettre de l'ordre dans nos affaires et prendre acte de certains de nos comportements.

Je vous fournirai une réponse plus détaillée et j'espère que cela a répondu à votre question.

Le sénateur Cowan : Tout à fait. Merci beaucoup.

Le sénateur Watt : Je suis d'accord avec ce que vient de dire le sénateur Cowan, autrement dit que nous vous rejoignons à propos de ce que vous venez de dire. Ce sont des aspects très importants. Il est urgent d'agir en la matière.

Ce qu'il faut faire, c'est regrouper des gens qui ont des compétences variées. Nous pourrions peut-être mettre sur pied une cellule de réflexion placée sous l'ombrelle de l'ambassadeur de l'Arctique. Nous pourrions envisager cette solution, revoir ce qui a été fait et examiner le genre de recommandations que nous pourrions formuler.

Le groupe rassemblant des experts multidisciplinaires ne serait pas forcément chargé de trouver le genre de prototype envisagé par le sénateur Cook. Il sera important d'agir ainsi pour voir ce qui se passe dans l'Arctique, pour savoir à quels besoins il convient de s'attaquer, en fonction de quelles priorités et quelles zones sont sensibles ou pas. Il sera donc important également de bien décrire ce que devra comporter le mandat.

Dites-moi si j'ai tort. Vous avez établi le genre de connaissances qui nous intéressent et que possèdent les différents experts sur le terrain, ceux qui connaissent l'Arctique, par exemple en ce qui concerne l'établissement d'inventaires. Peu de gens savent effectivement ce qui se passe là-haut, comme vous l'avez dit. En ce qui concerne le pétrole, vous avez rappelé le pourcentage qui circule, soit 25 p. 100 des réserves. Je ne sais pas d'où cela vient, mais c'est bien ce qui se dit.

Si nous voulons mettre le Canada sur la carte, si nous prétendons que nous n'avons pas besoin de bénéficier du savoir acquis par d'autres pays, parce que nous avons tout ce qu'il nous faut ici, alors nous devrions agir sans tarder avant que qui que ce soit d'autre vienne nous imposer sa solution en prétendant que nous n'en avons pas.

Notre voisin est un géant endormi. Dans le passé, il est arrivé que ce pays nous dise que si nous n'avions pas la solution, lui la trouverait et qu'il interviendrait. C'est toujours une possibilité. La solution pourrait être appliquée sous le parapluie américain. Je suis certain que nos voisins ont déjà envisagé cette possibilité.

Vous avez dit qu'il y a urgence et vous avez précisé qu'au début de l'été prochain, il faut s'attendre à ce qu'il y en ait un ou deux de plus dans l'Arctique. Les Canadiens n'ont pas envisagé d'évaluer l'impact environnemental de tout cela. Cela n'aura pas lieu parce que, comme vous l'avez indiqué, il est peut-être déjà trop tard. Quoi qu'il en soit, il conviendra sans doute de passer aux actes à un moment donné.

Notre comité doit trouver une proposition, une sorte de mécanisme qui nous permettrait de faire avancer ce projet. Comme le sénateur Cook l'a indiqué, le problème n'est pas pour demain, parce qu'il existe déjà.

M. Spears : Vous avez parlé de « cellule de réflexion » et j'estime qu'il faudrait prolonger cette cellule par un « groupe d'action ».

À l'expérience, j'ai constaté que dans tous ces domaines les gens se rendent compte qu'ils doivent faire front commun. Il faut planter une graine et c'est peut-être le rôle qui incombe à votre comité. Voilà pourquoi vos audiences sont très importantes, parce que le mot va circuler. Vous avez accueilli différents témoins. Vous avez accueilli le commander Borgerson qui est un porte-drapeau aux États-Unis, puisqu'il veut pousser son pays à signer la Convention sur le droit de la mer, à s'intéresser à l'Arctique. Il y a aussi le Conseil américain sur les relations étrangères. Au Canada, nous avons la Commission polaire. Ce groupe est beaucoup plus qu'un organisme scientifique. Il s'intéresse au problème de navigation qui, le plus souvent en ce qui concerne le trafic international, ne concerne pas le Canada. Il faut donc agir tous ensemble.

La formule QUANGO pourrait être reprise parce qu'elle permettrait de constituer un groupe de travail interministériel sans que cela coûte très cher. Tout ce qu'il faut, c'est de la coordination, c'est ensemencer. Nous devons nous montrer créatifs et voir dans tout ça une occasion. Constatons le problème et demandons-nous comment le régler par le biais de la réglementation.

Nous vivons dans un monde en pleine évolution, à cause du changement climatique, de l'augmentation des prix du pétrole et du problème des ressources. Nous ne savons même pas quelle est l'importance des ressources sous-marines dans l'Arctique. Des compagnies françaises exploitent les algues de la baie d'Ungava. Le marché pourrait être énorme et favoriser une activité économique durable.

Comme nous ne savons pas ce que recèle l'avenir, nous devons envisager différentes options. Les ingrédients nécessaires pour y parvenir sont le leadership et la décision politique parce que si nous entretenons cette vision, les autres morceaux se mettront automatiquement en place. Il ne serait pas difficile de doter les Rangers de navires. On pourrait lancer un concours pour obtenir le meilleur concept. Ce pourrait être amusant. J'estime que nous devons chercher à obtenir une réponse pancanadienne à certaines de ces questions, réponse qui nous permettra d'exploiter l'imagination du Canada et d'aller de l'avant.

Le sénateur Watt : Je veux vous parler d'un autre sujet, afin de vous en informer, mais je le fais plus encore à l'intention des membres du comité. Vous avez parlé à plusieurs reprises de la Société Makivik. Comme vous le savez, Makivik a assuré le transport aérien du Sud vers le Nord et de l'Est vers l'Ouest. Nous avons également eu un contrat avec la Garde côtière dans l'Arctique pendant plusieurs années. Je ne siège plus au conseil d'administration de la compagnie aérienne, mais je sais que la compagnie a perdu ce contrat parce que le gouvernement a décidé de réduire les activités de la Garde côtière.

La Société Makivik a réclamé à plusieurs reprises au gouvernement du Canada d'être intégrée au groupe de stratégie dans l'Arctique. Personne ne lui a répondu et elle commence à avoir l'impression qu'on ne tient pas compte de ses demandes. La société estime devoir être intégrée au groupe de stratégie sur l'Arctique parce qu'elle dessert presque toutes les collectivités de l'île de Baffin avec ses avions, et qu'elle est également présente dans l'Arctique du centre et de l'ouest jusqu'en Alaska.

Les Inuits veulent financer la desserte au Nunavik même si, comme vous pouvez le constater en regardant la carte, certaines de ces collectivités se trouvent sous le 60e parallèle. Les politiciens débattent sur qui est élu et qui ne l'est pas et ils ont tendance à tout ramener à ces fameux parallèles. Pas de problème pour tout ce qui se trouve au nord du 60e. La plupart de nos collectivités sont effectivement au nord de ce parallèle. Pourtant, nous ne sommes pas intégrés au groupe de stratégie sur l'Arctique même si ce devrait être le cas et si nous continuons d'assurer un service aérien. De plus, nous exploitons trois Hercules qui sont très pratiques. Nous devons faire partie du groupe qui prend des décisions, si nous voulons être efficaces. Nous ne devrons pas perdre cela de vue quand nous commencerons à travailler sur les recommandations.

Le sénateur Robichaud : Si j'ai bien compris ce que le sénateur Watt vient de dire, il n'est pas membre de la société.

Le sénateur Watt : Plus maintenant, mais je suis un de ceux qui en bénéficient. Je ne siège plus au conseil. C'est ce que je voulais dire. Je ne suis plus membre du conseil d'administration.

Le sénateur Robichaud : Je craignais un conflit d'intérêts, c'est tout.

Le sénateur Watt : Je suis actionnaire de la compagnie, au même titre que tout Inuk, mais je n'en tire pas d'avantages directs. Je me demande si l'on peut parler de conflit d'intérêts quand on ne bénéficie pas directement d'une activité commerciale.

Le sénateur Robichaud : Je voulais que ce soit bien clair.

Le sénateur Watt : C'est important si nous voulons continuer. Il y a deux compagnies aériennes dans le Nord. Nous sommes présents là-bas depuis un certain nombre d'années et nous avons des infrastructures. Nous avons différents avions qui effectuent le travail nécessaire. Si nous nous retirions, il ne resterait rien et il appartiendrait alors aux Canadiens d'essayer de combler le vide, mais moyennant un coût énorme.

Le sénateur Robichaud : Vous avez dit que notre comité a raison de s'intéresser à l'Arctique et à la souveraineté, de même qu'à tous ces problèmes-là. Nous allons rédiger un rapport. Je suppose que vous allez nous recommander très fortement, si nous devons continuer dans ce sens, de veiller à ce que les choses se fassent plutôt que de nous contenter d'écrire un rapport et de prétendre que nous avons fait notre part.

M. Spears : Je ne suis pas conseiller du comité, mais vous pourriez publier un rapport intérimaire, puis assurer un suivi. Vous êtes le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans pour qui l'océan Arctique constitue un dossier. Vous avez votre propre gouvernance, mais il convient de prolonger votre action parce que les choses se produisent très vite.

Je tiens à insister sur l'importance de ce travail et sur le fait qu'il est très bien que tous les témoignages soient retranscrits et mis à la disposition de tous ceux qui voudront les lire, parce qu'il est très difficile de trouver ce genre d'information. Rien de cela n'est écrit nulle part. C'est un peu comme le fil d'Ariane ou essayer de trouver le meilleur coin où pêcher. Tout cela est très difficile. Tout le monde détient une partie de l'information, mais celle-ci ne circule pas. C'est en partie le problème qui se pose sur le plan de la gouvernance et le gouvernement essaie de mettre sur pied ces différents groupes.

Quant à moi, vous êtes le portail de l'Arctique. J'ai lu les différents documents que vous avez publiés sur le sujet et j'ai recommandé à plusieurs, notamment à des journalistes, de consulter les travaux de votre comité chaque fois qu'ils s'intéressent aux questions de l'Arctique.

Le président : Merci.

Je voulais aller un peu plus loin. Vous avez parlé de Goose Bay et il est vrai que j'ai été intéressé par ce lieu. Vous avez dit qu'il pourrait y avoir d'autres emplacements susceptibles d'offrir le même genre de service. Goose Bay se trouve au sud du 60e parallèle et, bien qu'on y trouve une infrastructure et les compétences nécessaires — il y a un port et un aéroport —, cette ville se trouve dans la partie sud, dans le secteur subarctique. Comment envisagez-vous la chose par rapport au reste de l'Arctique? Est-ce qu'il faudrait créer d'autres ports de ce genre?

M. Spears : Il faut commencer quelque part. Il serait possible de faire des mises en chantier rapides là-bas.

Dans le cas de la recherche et du sauvetage, par exemple, il serait question d'exploiter les installations existantes et de faire venir des gens du Nord pour les y former, étant entendu qu'il y aurait des postes éloignés un peu partout dans le reste de l'Arctique, qu'on pourrait utiliser Iqaluit et d'autres emplacements qui ont des pistes d'atterrissage. Il y a beaucoup de pistes dans l'Arctique, mais on ne sait parfois pas où elles se trouvent tant qu'on n'est pas posé dessus et cela à condition que le Twin Otter soit équipé de pneus surdimensionnés. Il faut commencer quelque part et Goose Bay présente tous les ingrédients nécessaires pour que les choses se produisent. De plus, peu importe où vous vous rendez dans l'Arctique, vous devez passer par la côte du Labrador. On imagine généralement que l'Arctique se situe au nord du 60e parallèle, pourtant, celui-ci est constitué aussi de la toundra au sud du 60e. Churchill est un port de l'Arctique qui est bien au sud du 60e. On a tendance à se laisser prendre avec ce raisonnement. Il faut réfléchir en fonction de la limite de la forêt boréale. Au Yukon, cette limite est très septentrionale, au cercle arctique. Quand nous sommes passés par la route Dempster, il y a deux ans, nous étions encore dans les arbres, nous étions encore au milieu de la forêt, mais sur le cercle arctique.

Goose Bay est un exemple de la stratégie de défense consistant à faire passer le Canada en premier, mais on n'en entend plus parler, bien qu'il soit beaucoup question d'équipement. Dans mon document, j'énonce toutes les raisons pour lesquelles il faudrait que Goose Bay soit un catalyseur du regroupement. Nous devons commencer quelque part. Nous pourrions le faire à Iqaluit, mais toutes les infrastructures, les casernes et les salles de classe se trouvent à Goose Bay et, si nous commencions par là, nous n'aurions pas à construire tout cela.

Je suis certain que nous n'aurions pas de problème à faire voyager les gens par avion la première année pour lancer le mouvement à Goose Bay. Ce serait la même chose avec les véhicules aériens téléguidés. Si nous en obtenons, nous pourrons les exploiter à partir de Goose Bay où l'on trouve des installations d'entretien. Il ne faut pas être obsédé par la question des infrastructures, mais il faut envisager de faire les choses, d'assurer la formation et de favoriser l'interaction. Nous devons amener les gens à envisager de bâtir un centre d'excellence dans l'Arctique et à aborder les nouveaux problèmes d'une nouvelle façon. Goose Bay est un emplacement comme un autre et il n'y a aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas faire la même chose partout dans l'Arctique, mais encore faut-il commencer quelque part. Où mieux qu'à Terre-Neuve-et-Labrador pourrait-on former les Rangers aux opérations maritimes? J'ai un penchant naturel pour la Nouvelle-Écosse, mais force est de constater que les installations se trouvent à Goose Bay.

Les choses pourraient arriver très vite, dès cet été. Il n'y a rien de difficile. La Garde côtière administre des écoles de survie au large dont l'une se trouve sur la côte Ouest. Les forces spéciales américaines vont s'y entraîner parce que c'est l'un des meilleurs centres du genre au monde. Goose Bay a un passé chargé d'histoire, la collectivité est intéressante et elle constitue une sorte de territoire neutre. Il serait, quant à moi, très logique d'investir davantage là-bas que d'aller bâtir des infrastructures ailleurs. J'espère avoir répondu à votre question.

Le président : Merci. Nous venons de passer une longue et intéressante soirée. Monsieur Spears, vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion et vous nous avez même proposé des pistes de solution que le comité va pouvoir explorer afin de s'attaquer à ces différents problèmes. Nous avons hâte de lire vos réponses aux questions soulevées par le sénateur Cowan. Quant à moi, je veux en apprendre davantage sur QUANGO car nous sommes en quête d'idées.

J'espère que les sénateurs envisagent que le comité puisse avoir un rôle suivi à cet égard après le dépôt de son rapport intérimaire. Nous devrons visiter d'autres parties du Canada et recueillir d'autres témoignages. La Garde côtière est présente non seulement dans l'Arctique, mais aussi sur les côtes Est et Ouest. Merci, monsieur Spears, de nous avoir fait profiter de votre expérience et de vos connaissances.

M. Spears : Ce fut un plaisir. Merci et bonne chance lors de votre déplacement dans le Nord.

La séance est levée.


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