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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 10 - Témoignages du 2 juin 2008 - séance de l'après-midi


IQALUIT, Nunavut, le lundi 2 juin 2008

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 13 h 7, afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au cadre stratégique actuel, en évolution, du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Sujet : l'étude sur l'Arctique.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Note de la rédaction : Certains témoignages sont présentés par l'intermédiaire d'un interprète inuktitut.]

[Traduction]

Le président : Nous allons commencer la séance en souhaitant la bienvenue à nos invités. Nous recevons Glenn Williams, conseiller à la Ville d'Iqaluit. Nous l'avons déjà entendu à Ottawa dans le cadre d'autres fonctions également. Nous avons aussi parmi nous Lewis Gidzinski, de l'Association des municipalités du Nunavut. Glenn Cousins, quant à lui, représente le Forum économique du Nunavut. Selon ce que nous avons compris, Hal Timar devrait arriver de l'aéroport; il représentera la Chambre de commerce de la région de Baffin.

Nous vous souhaitons la bienvenue à nos audiences. Vous savez tous ce que nous faisons ici. Nous demanderions à chacun de vous de nous faire un exposé d'environ sept minutes, après quoi nous vous poserons des questions. Ainsi, nous pourrons tirer profit de cette heure et demie qui est à notre disposition.

Glenn Williams, conseiller, Ville d'Iqaluit : Merci, monsieur le président et sénateurs. Au nom de la ville, du maire et du conseil, j'ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue à Iqaluit. Nous estimons qu'il est approprié que des membres du Sénat viennent nous rendre visite. C'est l'occasion pour vous non seulement de voir, mais également de sentir et de ressentir notre ville et notre territoire.

L'une des choses qui me frappent le plus, lorsque je me rends dans le Sud et que je descends de l'avion, c'est que je goûte votre air. Il y a une chose qu'il vous est possible de remarquer en sortant de l'avion, ici : vous ne pouvez goûter notre air.

Je pense aussi qu'il s'agit là d'une bonne occasion pour vous de faire l'expérience de notre ville, spécialement si vous allez faire un tour, si vous vous promenez sur nos rues et nos chemins et dans notre communauté.

La dernière fois que je suis allé dans le Sud, j'ai lu le contrat de ma voiture de location Budget. Il stipulait que mon assurance n'était pas valide si je conduisais sur une route dénuée de revêtement rigide, car selon la norme dans le sud du Canada, toutes les routes sur lesquelles vous pourriez conduire ont une surface dure.

Il en coûterait 500 000 $ le kilomètre à notre conseil municipal pour revêtir nos routes. Afin de vous donner un exemple, si nous voulions revêtir 20 kilomètres de route, soit l'équivalent de notre communauté, cela coûterait plus de 10 millions de dollars. Et il ne s'agit que du revêtement; c'est sans compter l'ingénierie, le resurfaçage, la construction de la surface de la route ou autres.

C'est très bien que vous puissiez venir ici et voir ces choses, car au Canada, nous avons une norme selon laquelle, en vertu de notre Constitution, toutes nos régions sont égales. Les droits sont équivalents sur la côte Ouest et sur la côte Est, mais lorsqu'il s'agit de cette côte-ci, nous restons derrière. Nous tirons de l'arrière à bien des égards, comme sur le plan de nos routes et de notre infrastructure.

Aujourd'hui, j'aimerais souligner que l'élément d'infrastructure pour lequel nous accusons un retard ici est un port. Cette question est directement reliée aux pêches, sans toutefois s'y restreindre, mais elle est importante pour nous. Si je vais dans une petite communauté de la Colombie-Britannique, très loin au large de la côte ouest de l'île de Vancouver, il y a un port. Si je me rends dans n'importe quelle collectivité côtière, sur la côte Est du Canada, il y aura un port; il y a même des ports incroyables. Il y a Sydney, Halifax, St. John's. La liste s'allonge. Même Digby, en Nouvelle-Écosse, a une infrastructure.

Voyez ce qui nous sert d'infrastructure à Iqaluit. Nous avons un pont-jetée construit par l'armée américaine dans les années 1940 ou 1950. Il est effondré, délabré. Nous continuons de l'utiliser. Nous en avons refait la surface et l'avons renforcé sur le côté, car nous tâchons de faire avec ce que nous avons. Nous avons des difficultés.

Nous avons le troisième marnage en importance dans le monde après la baie de Fundy et la baie d'Ungava. Sa marée maximale fait plus de 10 mètres — elle monte jusqu'à 10,8 mètres, pour être exact. Nous avons de la glace, contrairement à bien d'autres endroits. Tout cela représente des défis.

Une installation maritime ici serait importante dans cinq domaines, que je nommerai sans ordre particulier.

Le premier est le transport maritime. Toutes nos constructions, nos véhicules et la majorité de nos produits, que ce soit au magasin Northmart ou n'importe où ailleurs, arrivent par transport maritime, par bateau. Tout notre carburant, qu'il s'agisse de carburant d'aviation pour l'aéroport, de notre mazout domestique, ou du carburant qui sert à générer notre électricité ici, tout notre carburant mobile, si vous voulez, qui sert aux véhicules, arrive par transport maritime.

L'autre solution est le réapprovisionnement au moyen de navires à carburant. Ces navires s'arriment. Ils installent dans l'eau une conduite d'alimentation qui sert à pomper tout le carburant. Cette conduite flotte à la surface et se rend à une station terrestre, où elle est raccordée à des stéréoducs. Chaque année, sur le territoire, nous avons d'importantes fuites ou pertes de produits pétroliers.

Le troisième domaine est celui de la Garde côtière. Celle-ci effectue des rotations d'équipage à partir d'ici en raison de notre aéroport. Comment le personnel se rend-il du bateau jusque-là? En hélicoptère. Mais ce ne sont pas tous les navires qui entrent dans notre port qui ont des hélicoptères; en fait, il est probable que les seuls bateaux qui arrivent avec des hélicoptères soient ceux de la Garde côtière.

Il y a environ trois ans, l'armée était ici, à effectuer des manœuvres dans le cadre desquelles on grimpait et où il fallait embarquer toutes les troupes dans les navires pour ensuite les déployer dans la baie Cumberland, à Pangnirtung. C'était comme un épisode de Laurel et Hardy. Un vent de 20 milles à l'heure venant du Sud soufflait jusqu'ici, dans le port, et il y avait environ deux à trois pieds d'eau de mer. On a dû attendre la marée haute pour que les petits bateaux, les bateaux de pêcheurs, puissent transporter le personnel militaire du quai au bateau. On les a emmenés alors qu'il commençait à faire noir. Le vent soufflait. Ces types avaient tout leur équipement — bagages, carabines, et cetera. Ils se sont arrêtés à côté d'un vaisseau de guerre, sur le flanc duquel on avait jeté des échelles de corde, et ces types devaient grimper avec tout leur arsenal pour monter à bord de leur bateau. Ce n'était certainement pas représentatif d'un pays comme le Canada. Cela évoquait davantage une évacuation d'un pays du tiers monde. Il y a là une absence d'infrastructure.

L'autre domaine est celui des bateaux de croisière. Chaque année, le nombre de vaisseaux de croisière qui passent par l'Arctique augmente, et il s'agit là d'un débouché économique pour nous. Mais où vont-ils se réapprovisionner? À Nuuk, ou encore, ils doivent redescendre en faisant tout le trajet jusqu'à St. John's. Nous ratons des occasions.

Je trouve intéressant que le port de St. John's ait une commission des navires de croisière, car dans ce port, les bateaux de croisière génèrent un peu plus de 10 millions de dollars par année, uniquement pour l'économie de l'endroit. Nous passons à côté de cette occasion.

Le cinquième et dernier domaine où un port apporterait une contribution dans notre communauté est en lien avec le secteur des pêches. Vous entendez beaucoup parler des pêches. En fait, si vous lisez le Nunatsiaq News, vous verrez que le secteur halieutique est une priorité pour beaucoup de gens.

Nous avons bien du mal à diversifier notre industrie des pêches. Nous sommes limités à de très grands navires qui peuvent transporter suffisamment de carburant, de marchandises et de prises pour rendre cette activité économiquement viable. Le gouvernement canadien ne permet pas aux navires d'expédition canadiens qui pêchent dans nos eaux de débarquer leurs chargements dans d'autres pays, comme au Groenland. Par conséquent, ces navires sont tenus de refaire tout le chemin en redescendant vers le sud du Canada afin de décharger leurs cargaisons et de se réapprovisionner. Nous pourrions le faire ici, si nous avions les installations nécessaires.

Nous avons des avions qui repartent d'ici sans chargement. La majorité de notre fret aérien est à sens unique. Nos aliments frais et tout le reste arrivent ici, puis les avions repartent vides.

Nous pourrions aussi diversifier notre économie dans les plus petits navires. Puisque nous n'avons pas l'infrastructure nécessaire pour faire le plein et nous réapprovisionner, il est très difficile d'avoir des embarcations de 65 pieds qui pêchent au large de nos côtes, ce qui est chose commune sur les deux autres côtes du Canada.

Voilà donc de quelles façons cette infrastructure pourrait être utile ici. Ces dernières années, il est devenu prioritaire pour notre conseil municipal de définir ces besoins. Pour toutes ces raisons, nous considérons une installation maritime comme une possibilité économique pour notre communauté. Nous la voyons comme une réelle nécessité pour notre région. Il ne s'agit pas seulement de notre communauté d'Iqaluit, mais aussi de notre région, car cela aurait un impact pour le secteur des pêches de haut en bas de la côte Est. Cela aurait une incidence pour les compagnies de navigation de croisière qui vont et viennent, et qui visitent nos petites communautés en produisant ainsi beaucoup de retombées. Il s'agit d'un incitatif régional, d'une idée régionale.

Dans les années 1980, le gouvernement fédéral avait préparé un rapport, et à l'époque, on avait supposé qu'une installation maritime coûterait une dizaine de millions de dollars. Nous avons simplement revu ce rapport, et nous évaluons qu'il en coûterait entre 50 et 70 millions de dollars aujourd'hui pour mettre en place une telle installation.

Nous avons collaboré avec le gouvernement du Nunavut. Nous avons utilisé un certain financement et évalué certains aspects comme la manière dont nous administrerions un port et ce que seraient nos exigences pour l'établissement de ce dernier. Nous avons examiné l'évaluation environnementale et le processus réglementaire. Nous avons fait tout cela dans le cadre d'un rapport sur notre installation, que nous avons envoyé au gouvernement fédéral. Il a obtenu beaucoup d'intérêt, particulièrement de la part du gouvernement conservateur nouvellement élu. C'était également un engagement du gouvernement conservateur, quand il avait été élu pour la première fois, de faire davantage dans l'Arctique.

On nous a adressés au ministre de la Défense. À l'origine, nous avions présumé devoir nous adresser au ministre des Transports ou à celui des Pêches et des Océans pour examiner la question d'un port, mais nous avons été dirigés vers le ministre de la Défense.

Le président : Par qui?

M. Williams : Par un avis qui venait d'en haut du gouvernement. Nous n'avons pas eu de communication directe avec le gouvernement fédéral, mais par l'entremise de nos contacts au gouvernement du Nunavut, on nous a ainsi dirigés. En fait, le maire et moi-même avons eu un entretien avec le ministre de la Défense à l'époque. Il nous a indiqué qu'il prendrait une décision quant à l'endroit où il mettrait en place l'installation dans l'Arctique.

Bien sûr, nous savons que l'installation est allée à Nanisivik, ce qui est fort intéressant, car Nanisivik est maintenant abandonnée. Il n'y a plus personne qui y vit. J'ignore ce qu'on utilise comme source d'électricité. Peut-être gardera-t-on là-bas les vieux réservoirs de carburant au lieu de les démolir; nous ne le savons pas vraiment, mais il y a une installation là-bas. Il y a trois caissons auxquels peuvent s'amarrer les navires. C'est également le point de transfert où le fret passe des navires commerciaux à la Garde côtière, pour aller dans un endroit appelé Kuujjuaq.

Kuujjuaq est la seule communauté du Nunavut qui ne bénéficie toujours pas d'un transport maritime, sauf qu'elle obtient un soutien de la Garde côtière canadienne, car on transfère tout le fret qui lui est destiné au quai de Nanisivik, on le met sur un navire de la Garde côtière, puis on en assure la livraison. Je dis cela seulement pour vous donner une idée.

En ce moment, nous sommes encore dans le besoin, sinon dans la nécessité plus grande encore, d'avoir un port ou une installation qui nous permettrait d'améliorer notre méthode de manutention des produits qui entrent et qui sortent dans les régions que nous avons précisées. Cela montrerait également aux gens du Nord que nous recevons un traitement similaire à celui des communautés du Sud du Canada, car en ce moment, on a réellement le sentiment de ne pas être traités de la même manière.

Lewis Gidzinski, gestionnaire de recherche sur les infrastructures, Association des municipalités du Nunavut : Monsieur le président, honorables sénateurs et membres du comité, j'aimerais vous remercier de me donner cette occasion de comparaître aujourd'hui.

J'aimerais d'abord vous mettre en contexte. Comme vous le savez peut-être, l'objectif de l'Association des municipalités du Nunavut, ou AMN, est d'agir comme défenseur pour veiller à ce que les préoccupations des gouvernements communautaires soient respectées et protégées en tout temps.

Je demeure ici, à Iqaluit, depuis sept ans, et mon rôle à l'AMN consiste à effectuer de la recherche et de la planification relative à l'infrastructure pour l'ensemble des 25 communautés. Leurs plans à long terme portent sur toutes les dimensions propres aux plans communautaires, y compris les questions liées à l'environnement, à l'infrastructure, au développement économique, à la santé, et cetera. Je collabore également étroitement avec les Services communautaires et gouvernementaux en siégeant au comité consultatif sur l'infrastructure communautaire, au nom de toutes les 25 communautés. J'ai eu l'occasion de visiter la totalité de celles-ci et de consulter leurs conseils respectifs.

Certaines des questions que je souhaite souligner ont été mentionnées ce matin par mes collègues ainsi que par le conseiller Glenn, alors je me contenterai de les aborder brièvement. Quoi qu'il en soit, j'aimerais parler de trois sujets dont personne d'autre n'a traité.

Comme vous l'avez précisé dans le cadre de la priorité relative à la mer de Beaufort et du partenariat pour la mer de Beaufort, le littoral du Nunavut est très long. Il fait 45 000 kilomètres et longe l'océan Arctique. Comme on vous l'a déjà dit, 24 de nos 25 communautés sont côtières. Pourtant, comme l'a indiqué le conseiller Williams, nous n'aurons qu'un port en eaux profondes à 30 minutes de route de la communauté la plus proche, quand il est possible de s'y rendre par la voie routière, ainsi qu'un port local. Aucune route ne relie le Nunavut au reste du Canada. Le transport maritime est vital pour nous. On y recourt également pour la chasse et les récoltes.

Nous sommes enchantés de l'occasion, pour les communautés, de participer aux phases subséquentes de la stratégie prévue dans le Plan d'action pour les océans, qui devrait élargir la portée géographique de la gestion des océans pour inclure l'Arctique de l'Est.

Nos communautés possèdent énormément de connaissances. Pour une meilleure planification dans les communautés, spécialement en ce qui a trait aux installations maritimes, nous devons considérer d'autres activités — des activités de prospection et d'exploitation minières. Si nous voulons adopter une approche de gestion des océans véritablement intégrée, il nous faut impliquer les communautés.

L'AMN travaille conjointement avec la Nunavut Economic Developers Association et autres organisations, de même qu'avec le gouvernement du Nunavut, afin de promouvoir cette stratégie de planification intégrée, et il nous tarde de participer à l'intégration d'une approche de gestion côtière qui est prévue dans la Loi sur les océans afin d'assurer cet apport communautaire dans un système intégré, global et non fragmenté. Qujannamiik. Merci.

Glenn Cousins, directeur général, Forum économique du Nunavut : Bonjour et bienvenue, monsieur le président et honorables sénateurs, à Iqaluit et au Nunavut. Comme vous le savez, je suis directeur général du Forum économique du Nunavut, qui, dans notre monde où les acronymes sont légion, est communément appelé le FEN. Au Nunavut, nous utilisons beaucoup d'acronymes. J'espère que vous avez apporté un glossaire.

Le FEN a d'abord vu le jour en 1998 afin de relever et d'échanger des renseignements pour appuyer la planification stratégique visant les activités de développement économique au Nunavut. Les membres d'origine comprenaient des représentants des gouvernements territorial et fédéral, ainsi que le Nunavut Tunngavik qui, comme vous le savez, est un organisme de revendications territoriales. Ces organismes, tout comme les organisations membres, continuent de fournir des ressources pour appuyer la gestion du FEN, qui est essentiellement un petit secrétariat appuyant les activités dont se charge le FEN.

J'ai quelque peu rigolé en lisant mon courrier électronique au retour de brèves vacances. J'ai répondu par courriel au greffier qui se demandait pourquoi mon personnel n'avait pas répondu en mon absence. Le fait est que je suis le seul employé là-bas, ce qui est typique d'un bon nombre de petites organisations qui jouent des rôles de développement économique au Nunavut.

Actuellement, le FEN compte près de 30 organisations membres qui jouent un rôle clé dans le développement de l'économie du Nunavut. Il vise principalement à ce que les membres collaborent à la mise en œuvre de la Stratégie de développement économique du Nunavut, chacun dans son propre domaine d'activité et d'expertise.

Lancée en 2003, la stratégie est une approche au développement globale, moderne et ouverte qui est unique au Canada. Cette stratégie, qui porte le sous-titre de « Building the Foundation for our Future », ou « Jeter les bases de notre avenir », fait une interprétation élargie de notre développement économique en cernant des questions liées au territoire, à la population et aux communautés, en plus des préoccupations économiques davantage traditionnelles.

La stratégie est assortie d'un délai de dix ans et établit des priorités pour que le Nunavut s'attaque aux défis économiques du territoire. Les recommandations visent à apporter des changements dans l'un des quatre domaines suivants : notre territoire, notre population, les économies de nos communautés et l'économie territoriale.

La stratégie définit la pêche commerciale viable et durable comme l'un des principaux secteurs de développement, mais comme vous le savez assurément, un certain nombre d'obstacles limitent la capacité du Nunavut de développer pleinement le potentiel du secteur des pêches. Je suis sûr qu'à mesure que vous tiendrez vos audiences au Nunavut, vous entendrez beaucoup parler de l'insatisfaction par rapport à l'allocation des quotas, à l'absence d'infrastructure pour appuyer la pêche commerciale et autres activités maritimes — ainsi que Glenn Williams l'a déjà exposé — , aux questions de souveraineté, aux préoccupations environnementales liées aux changements climatiques et enfin, au développement des ressources. Tous ces éléments sont importants, et bon nombre d'entre eux sont des sujets brûlants, comme vous le savez.

Une question que je n'ai pas vu mentionnée dans les récentes transcriptions, et qui pourrait être éclipsée par des préoccupations plus immédiates, est le besoin d'investissements continus dans la science, ce qui est fondamental pour le développement d'un secteur halieutique viable et durable dans le Nord du Canada. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais je comprends qu'il y a un manque important de renseignements en matière d'évaluation des stocks de poisson, qui pourrait entraîner des quotas accrus et la diversification d'espèces viables sur le plan commercial.

Au cours des quatre dernières années, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien, en partenariat avec le ministère du Développement économique et des Transports du gouvernement du Nunavut, a octroyé des fonds pour les sciences halieutiques dans le programme Investissements stratégiques dans le développement économique du Nord, aussi appelé ISDEN. Ce programme est censé prendre fin en mars 2009, et le FEN réclame son renouvellement. Des discussions préliminaires ont eu lieu avec AINC et autres intervenants en ce qui a trait à la nécessité de renouveler ce programme et de mettre au point un nouveau plan d'investissement qui guidera les investissements dans le cadre du nouveau programme. Par ce processus, AINC, le gouvernement du Nunavut et l'industrie ont tous défini les sciences halieutiques comme une lacune qui demeure, et ont précisément reconnu la nécessité d'élargir la base de connaissances scientifiques relativement aux espèces qui présentent un potentiel commercial, ainsi que le besoin d'investir, avec d'autres partenaires, dans l'infrastructure des pêches pour accroître la capacité et la compétitivité.

Au moyen du programme ISDEN, AINC et d'autres intervenants tentent de répondre à un ensemble de besoins dans des domaines comme les sciences de la terre, les pêches, les industries culturelles, le développement économique communautaire, et cetera. Toutefois, ce programme, même avec son renouvellement anticipé, n'est pas adéquat pour satisfaire à toutes les exigences en matière d'investissements. Des fonds doivent être alloués par d'autres sources, et des partenariats doivent être établis pour veiller à combler les lacunes en matière de connaissances. Il est certain que le ministère des Pêches et des Océans est un partenaire évident pour remédier à ces lacunes.

Le besoin d'avoir une plus grande quantité et une meilleure qualité de données scientifiques ne fera que s'accroître à mesure que les changements climatiques auront un impact sur les mouvements et la santé des stocks, et que la demande mondiale pour la ressource augmentera. C'est particulièrement vrai dans les zones de pêche frontières comme les eaux adjacentes du Nunavut, où de nouveaux stocks pourraient être disponibles mais devraient être pêchés de manière durable. Pas plus tard que ce matin, à CBC News, on parlait d'une histoire concernant l'appel, aux États-Unis, à un moratoire sur l'expansion de la pêche commerciale dans l'océan Arctique jusqu'à ce qu'on ait une meilleure compréhension de l'écosystème. Bien que cela puisse seulement avoir un impact sur la côte Ouest de l'Arctique pour le moment, c'est probablement un indice de choses à venir dans un avenir prévisible dans l'Est de l'Arctique.

Du point de vue fédéral, il est clair que l'investissement dans les sciences halieutiques et dans l'infrastructure ainsi qu'une allocation équitable des quotas vont dans le sens de la stratégie actuelle pour le Nord, qui comprend le développement économique et social en tant que priorité. Il est important que, par l'entremise de la Stratégie pour le Nord, les investissements dans le développement économique du Nunavut ne soient pas considérés comme des aumônes versées à un territoire aux prises avec des difficultés financières, mais comme des investissements dans l'avenir du Canada en entier, qui tiennent compte des besoins et aspirations du Nord et de ses habitants. Ces demandes visant des fonds additionnels et d'autres renouvellements du financement des programmes devraient être considérées dans ce contexte.

Je suis certain que le comité a été bien informé sur de nombreux sujets, dont le bagage des témoins ici présents. Toutefois, j'ai apporté avec moi quelques copies de l'un de nos documents clés, à titre de référence. Je comprends que ce comité est assujetti à certaines règles de fonctionnement relativement aux langues officielles du Canada, mais malheureusement, nous avons tendance à faire paraître nos publications dans les langues principales du Nunavut, soit l'anglais et l'inuktitut, et nous disposons de ressources limitées pour ce qui est de les traduire en français. Je demande au comité de considérer acceptable que des membres prennent ces documents à leur discrétion, et nous ferons tout notre possible à l'avenir pour les rendre disponibles, eux ou leur version mise à jour, en français. On pourra également trouver ces documents sur notre site web au www.nunavuteconomicforum.ca.

En conclusion, au nom des membres et du conseil d'administration du Forum économique du Nunavut, je vous remercie de m'avoir accordé l'occasion de participer à ces audiences, et je suis impatient d'entendre toute question que vous pourriez vouloir me poser cet après-midi.

Le président : Tout le monde est d'accord pour que nous déposions le document tel quel? Oui? Très bien. Merci beaucoup.

Le sénateur Robichaud : Oui, car les hochements de tête ne sont pas enregistrés.

Le président : Merci beaucoup.

Hal Timar, directeur général, Chambre de commerce de la région de Baffin : Merci, monsieur le président et membres du comité sénatorial, de me permettre de dire quelques mots aujourd'hui. Ceux d'entre vous qui me connaissent savent que j'utilise le terme « quelques » de façon très libérale.

Toutes mes excuses, tant pour mon retard que pour mon apparition, car je viens littéralement de sortir de l'avion pour me précipiter ici. Si vous ne me croyez pas, vous devriez voir mes bagages qui sont encore dans l'automobile. J'espère que mon bacon tiendra bon. J'ai du poulet congelé là-dedans. Ce serait préférable qu'il soit encore bon.

Je suis ici à titre de représentant de la Chambre de commerce de la région de Baffin et, par extension, du milieu des affaires de Baffin. Je ferai mes remarques du point de vue des affaires.

J'aimerais commencer par dire que nous comprenons le rôle difficile que vous jouez ici. Vous avez à appuyer les industries et à satisfaire aux exigences des régions sous de multiples instances, et c'est souvent une situation sans issue. Comme un fonctionnaire du ministère des Pêches et des Océans, du MPO, l'a déclaré dans un article paru dans le Nunatsiaq News, vous avez l'habitude d'être régulièrement la cible de critiques, peu importe ce que vous déciderez, et je comprends à quel point ce processus est difficile.

Il est toujours formidable de voir des acteurs clés du gouvernement venir au Nunavut pour constater et entendre parler eux-mêmes de certains des problèmes auxquels nous faisons face ici, ainsi que des impacts qu'ont vos décisions et votre appui sur les vies de tous les Nunavummiut. Il est difficile d'obtenir un soutien des gens du Sud, habituellement parce que la plupart du temps, ils ne comprennent tout simplement pas ce qui se passe ici.

J'espère que vous aurez l'occasion d'aller faire un tour et d'examiner les communautés que vous visiterez sous différents angles. Tandis que vous ferez un tel examen, vous pourrez noter que récemment, nous avons obtenu cette augmentation de l'excellente déduction d'impôt pour les habitants des régions éloignées, et qu'elle a été accueillie très favorablement; mais ce n'est pas suffisant. Il nous reste encore beaucoup de chemin à faire avant que le prix pour aller au Nunavut, bien supérieur à 1 500 $ le billet, soit réduit, sans parler de nos sacs de lait à 13 $. Bien que vous ne soyez pas ici pour ce sujet en particulier, ce dont nous avons toujours besoin de la part de tous les sénateurs et de tout le monde, c'est de votre soutien en ce qui concerne ces questions et d'autres questions chaque fois que c'est possible.

Pour notre part, quelques éléments essentiels sous-tendent les autres questions qui nous concernent. La souveraineté dans le Nord est un enjeu crucial en ce moment, et elle constitue une préoccupation à bien des égards. Les Inuits sont à la base de la revendication canadienne sur l'Arctique. Jusqu'à maintenant, il y a eu beaucoup de déclarations mais bien peu d'actions à cet égard de la part du gouvernement fédéral. Jusqu'ici, nombre de ces mesures ne se sont pas concrétisées ou ont remplacé les programmes existants qui ont été remaniés et parfois améliorés. Toutefois, un soutien réel et sérieux doit commencer à devenir réalité dès maintenant. Si le Canada souhaite continuer à revendiquer sa souveraineté sur l'Arctique, il doit nous appuyer chaque fois qu'il en a l'occasion afin de développer une économie dans le Nord. Cela devrait être une constante et une priorité dans tous les ministères.

En ce qui concerne les activités de pêche, vous en entendez beaucoup parler, je présume, mais simplement sous l'angle des quotas. D'après ce que j'ai compris, les quotas ont été mis en place tant pour gérer les stocks que pour contribuer à développer l'industrie au Canada. Tout changement des quotas devrait être effectué en gardant cela à l'esprit : il s'agit de développer et de soutenir l'industrie sans nuire aux stocks.

L'attribution de quotas directement au Nunavut soulèverait certainement un tollé important dans l'Atlantique, comme vous l'avez entendu ici ces derniers jours. L'industrie au Nunavut est nouvelle et en expansion. Elle constitue l'un des piliers économiques de l'économie ainsi qu'une composante essentielle si le territoire devait devenir autonome. Elle est à un stade critique de sa croissance, et doit être appuyée par le gouvernement fédéral. À tout le moins, elle ne devrait pas être entravée.

Lorsqu'il est question de contiguïté, toutes les parties adjacentes devraient avoir le droit de participer. Une solution raisonnable serait de donner à toutes les parties l'occasion de faire valoir leur point de vue sur les quotas et d'avoir une juste évaluation des impacts potentiels pour les industries halieutiques régionales. Cela dit, le développement de l'économie dans le Nord devrait être la priorité, compte tenu du nombre limité de débouchés qui s'offrent aux habitants du Nord.

L'autorisation de transférer des quotas entre les organisations ainsi que la suggestion d'acheter des quotas à d'autres détenteurs de permis de pêche sert uniquement à créer un marché des produits et n'appuie pas la croissance d'une industrie de la pêche, ce qui, encore une fois, j'en déduis simplement, était initialement l'objet du système de quotas.

Sur le plan des activités maritimes en général, le besoin d'améliorations majeures de l'infrastructure est une préoccupation, car cela aurait pour effet d'appuyer bien des entreprises partout dans la région et sur le territoire. J'utilise le terme « améliorations » avec précaution, puisque la création d'une infrastructure pourrait être plus indiquée.

En tant que représentant de la Chambre de commerce de la région de Baffin, je peux seulement me prononcer au nom de notre région. Je suis certain que si vous voyagez dans les autres régions, vous entendrez quelque chose de semblable, mais des propositions nettement différentes.

C'est source d'une grande déception que le Nunavut demeure la seule province ou territoire au Canada à ne pas encore bénéficier d'un investissement du fédéral ni d'installations portuaires. Un investissement dans les ports pour petits bateaux, bien qu'il soit le bienvenu, est à l'horizon, mais il est loin de suffire, en supposant qu'il voie jamais le jour. La récente annonce au sujet de l'installation à Nanisivik est également une mesure positive, mais elle revêt peu de valeur sur le plan pratique pour les Nunavummiut. Cette installation répondra simplement aux besoins des militaires et de quelques autres. On m'a également dit que le MPO était propriétaire des réservoirs de carburant, et je me demandais quels étaient les plans en ce qui les concerne, si le MPO en est effectivement propriétaire.

Le Nunavut, et notre région en particulier, a besoin du soutien du MPO et d'autres intervenants pour la mise en place d'une installation portuaire à Iqaluit. En appuyant la pêche, le tourisme et d'autres secteurs de l'économie, notamment, cette installation aiderait à réduire les coûts de fret élevés que tous les gens du Nord doivent assumer, et contribuerait également à créer un réseau de distribution plus efficace partout dans la région de Baffin. Les ports pour petits bateaux sont également nécessaires pour soutenir une industrie de pêche en eaux intérieures, le tourisme et d'autres secteurs également.

Encore une fois, vous vous retrouvez à essayer d'utiliser des fonds limités pour répondre aux besoins des autorités compétentes de partout au Canada, mais il est à espérer qu'une partie de ces mesures verront le jour au Nunavut.

En ce qui concerne les changements climatiques, ou le réchauffement planétaire, il y a beaucoup d'impacts et de problèmes, mais j'aimerais traiter d'un seul point, soit l'ouverture du passage du Nord-Ouest. Des plans sont déjà en cours d'élaboration par des intérêts étrangers pour ce qui est de profiter de cette ouverture en prévision d'une voie maritime ouverte toute l'année vers la baie d'Hudson, par exemple. Cela crée une autre porte d'entrée. Mais que fait-on pour s'y préparer? Le gouvernement fédéral doit officiellement reconnaître cette entrée qui est maintenant créée et appliquer au passage du Nord-Ouest les crédits en faveur de la porte d'entrée qui existent déjà. En particulier, nous devons établir des rôles pour les Inuits et les entreprises et assurer la surveillance et la gestion de cette porte d'entrée. Cela s'en vient. C'est presque déjà là, en fait, et nous devons commencer à faire des préparatifs dès aujourd'hui.

En ce qui concerne la Garde côtière, je ne connais pas très bien toutes leurs activités, mais une chose m'intrigue. Par le passé, l'un de ses rôles était de contribuer à briser la glace pour aider à faire entrer le premier transport maritime et ouvrir la route maritime. Compte tenu du réchauffement planétaire, ce rôle pourrait changer. Cette année, on dit même que la Garde côtière pourrait être inutile. Que fera-t-on du temps et de la capacité supplémentaires? À mesure que ces discussions avancent, quels rôles pourront-ils assumer pour possiblement aider les entreprises et le Nord en général?

Voilà tout ce que j'avais à dire pour l'instant, mais si vous m'accordiez quelques minutes, je pourrais probablement vous en dire plus.

Le président : À des fins de précision, qu'entendez-vous par « porte d'entrée »?

M. Timar : Il existe un financement pour les portes d'entrée au Canada. Cela concerne le littoral occidental; je ne suis pas certain que le corridor Detroit-Windsor est également visé par ce financement pour les portes d'entrée. Il y a un fonds particulier pour ces dernières. Si nous pouvions reconnaître le passage du Nord-Ouest en tant que porte d'entrée, il devrait également y avoir accès.

Le président : Il n'y a pas de porte d'entrée sur la côte atlantique, bien qu'Halifax pourrait...

M. Timar : La côte Atlantique est-elle admissible au programme de porte d'entrée?

Le sénateur Cowan : Un financement de 2,1 millions de dollars a été prévu pour les portes d'entrée et corridors dans le budget de 2007, mais je ne pense pas que les procédures aient été établies. Halifax ou Halifax-Saint John, St. John's, Sydney, seraient admissibles au programme. Celui-ci n'est pas propre à une région en particulier.

Le président : Non.

Le sénateur Cowan : Il y a un fonds particulier pour la porte d'entrée du Pacifique.

Le sénateur Cowan : Le reste du financement concerne simplement les corridors et les portes d'entrée.

M. Timar : Néanmoins, une porte d'entrée doit être reconnue comme telle pour que ce financement soit accordé.

Le sénateur Cowan : Oui. Selon moi, on n'a pas encore défini exactement comment cela fonctionnera.

Le président : En ce qui concerne la déduction d'impôt pour les habitants du Nord, je connais quelque peu la question, car j'étais à la Chambre des communes lorsque cette mesure a été approuvée, et cela remontait à avant 1985. Cette année-là, Michael Wilson l'avait appliquée à tout le monde au nord du 60e et à certaines communautés au sud du 60e. À l'époque, le montant tournait autour de 5 000 $. Il a été augmenté à 6 000 $. Si vous y ajoutez l'inflation depuis 1985, vous pouvez voir où cela s'en va ou ne s'en va pas.

M. Timar : On est loin du compte.

Le président : Peut-être serait-ce une bonne chose que de l'inscrire au compte rendu pour référence ultérieure.

M. Timar : Oui.

Le président : Si je puis gruger un peu de mon propre temps, ici, je vais poser une autre question. J'ai une interrogation au sujet du port. Monsieur Williams, avez-vous jamais envisagé un partenariat public-privé? Y a-t-il une possibilité que le secteur privé prenne part à la construction d'un port en eau profonde?

M. Williams : Nous avons examiné la question, et nous avons constaté un intérêt minime pour ce qui est d'investir des fonds publics. A-t-on exploré la question dans ses moindres détails? Non. Quoi qu'il en soit, la réalité est qu'ici, un port n'est pas ouvert toute l'année. Une installation portuaire serait très limitée. Donc, en ce qui concerne le rendement d'investissement, je pense que l'exemple qui illustre le mieux la situation, c'est le fait que nous n'avons même pas de promoteurs locaux qui aménagent nos propriétés à des fins de logement. Nous n'avons même pas de promoteurs immobiliers qui font cela, ici. C'est une activité dont la ville se charge, en fait, selon le principe de recouvrement des coûts, de sorte que nous puissions au moins garder nos prix du logement égaux ou inférieurs à ce qu'il en coûte à Vancouver ou à Calgary, ou ailleurs dans le Sud du Canada où les logements sont hors de prix. Les occasions d'investissement posent problème sur les plans des délais et de l'échelle. Du point de vue de la ville, ce n'est pas un domaine qui recèle beaucoup de potentiel.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Cousins, vous avez mentionné le besoin d'un investissement dans les sciences. Donnez-nous simplement une idée de l'étendue des recherches scientifiques qu'on effectue en ce moment. Tendent-elles à être axées sur les stocks de poissons, ou encore sur les changements climatiques? Quelles sont les lacunes en matière de connaissances que vous constatez actuellement?

M. Cousins : Je vous répondrai d'abord en signalant que je ne suis pas un expert dans ces domaines. Mais à cet égard, il est certain qu'au chapitre de la planification d'investissements ou des futurs investissements, au cours des quatre dernières années environ, et par l'entremise des programmes existants auxquels je participe, environ 400 000 $ à 500 000 $ ont été investis dans des évaluations de stocks de poissons. Il y a également eu des investissements dans la mise au point de programmes de commercialisation, et cetera. Sur le plan des sciences, 500 000 $ d'investissement manquaient pour ce qui est des évaluations des stocks de poissons, et cela vaut principalement pour le flétan noir et l'omble chevalier. Toutefois, je ne suis au courant de rien qui ait un lien direct avec les changements climatiques.

Le sénateur Cochrane : Quelle direction voudriez-vous que cela prenne maintenant? Où y a-t-il des lacunes en ce moment sur le plan des sciences?

M. Cousins : Eh bien, la quantité d'information disponible sur les stocks de poissons dans les zones 0A et 0B au large de l'île de Baffin, entre l'île de Baffin et le Groenland, essentiellement, est assez restreinte. Il y a quelques années, de très modestes investissements en matière de sciences relatives au flétan noir ont entraîné une nette augmentation des quotas dans les zones de pêche plus au nord, mais les experts de l'industrie me disent qu'il y a d'autres pêches exploratoires et d'autres stocks en dehors du flétan noir et de la crevette, et que nous devons trouver de nouvelles zones pour les stocks de poissons.

M. Williams : Cet après-midi, votre comité recevra le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, qui est en fait un organisme de financement pour la recherche et la science. Le CGRFN pourra vous donner toutes les précisions et les réponses à n'importe quelle question que vous pourriez avoir sur les sciences.

Le sénateur Cochrane : C'est une bonne nouvelle. La science est importante.

Le sénateur Hubley : Monsieur Gidzinski, l'Association des municipalités du Nunavut représente-t-elle Iqaluit et Nanisivik?

M. Gidzinski : Iqaluit fait partie de notre association. Nanisivik n'est pas une communauté; c'est une installation.

Le sénateur Hubley : Je pense que cela m'amène à poser ma question, car il est certain que les témoins que nous avons entendus étaient massivement en faveur d'Iqaluit plutôt que Nanisivik pour le positionnement de ce port en eau profonde. A-t-on strictement décidé d'aller dans le sens des intérêts militaires, d'après vous? Est-ce réellement la raison?

M. Gidzinski : D'après ce que j'ai compris, oui; cette décision est due au fait qu'on voulait appuyer les forces armées. J'ai l'impression, bien que je n'en aie pas la preuve, que c'est pour cela que la proposition de la ville d'Iqaluit a été renvoyée au MDN plutôt qu'au MPO ou aux autres ministères. Mais je n'en suis pas certain.

À titre de représentant de toutes les municipalités, je préconise que non seulement Iqaluit ait un port en eau profonde, mais que Rankin Inlet et Kitikmeot en aient un aussi.

M. Williams : Nanisivik n'est plus là. Il n'y a plus de communauté là-bas. Toutes les installations et tout ce qui était là-bas a été défait, démantelé et mis sous terre. Il n'y a rien à Nanisivik en ce moment. Tout ce qu'on trouve à cette installation, c'est un quai. Il y a trois caissons et un parc de stockage. Nanisivik a été choisi notamment parce que mettre en place une installation là-bas n'impliquait aucune dépense en capital. Cette installation était déjà là, et on procédait à son démantèlement. On n'a eu qu'à arrêter le processus de démolition, à la remettre en place et à la restaurer, et le gouvernement l'a prise en charge.

J'ai vécu à Arctic Bay pendant 15 ans. Je sais ce qui est arrivé à White Pass, au Yukon. C'est à White Pass qu'on déchargeait autrefois le minerai ou le concentré de minerai de plomb et de zinc des camions jusque dans le train. Au moment de la prise en charge de cette installation par la ville de Whitehorse, une remise en état de plusieurs millions de dollars devait être effectuée en raison du concentré qui s'était répandu dans la zone de transfert. Je peux vous dire qu'il y avait parfois de trois à quatre pieds de concentré sur le sol, au-dessous du convoyeur à bande allant de l'installation d'entreposage au quai. Je serais bien curieux de savoir si le gouvernement a pris la responsabilité de nettoyer ce site, car j'ignore s'il a été remis en état ou restauré. Compte tenu de l'absence de déclassement ou de la prise en charge de cette installation par le gouvernement, on a peut-être hérité d'avoirs auxquels on ne s'attendait pas.

Le sénateur Robichaud : En ce qui concerne ce que vous venez de dire, vous attendez-vous à ce qu'à Nanisivik, on puisse trouver le même résidu sur le sol? Serait-il plus coûteux d'assainir le site que de le réorganiser?

M. Williams : Je ne suis pas un spécialiste dans le domaine. Je n'ai que ce que j'ai observé au moment où l'on a mis en place le convoyeur à bande. Les deux premières années, il n'y avait rien pour le couvrir. Parfois, le concentré était transporté durant des périodes venteuses, et une importante quantité était emportée du convoyeur à bande. On le récupérait en-dessous du convoyeur au moyen de bennes de chargeurs frontaux, pour vous donner une idée du niveau de contamination. J'ignore quelle restauration ou quel nettoyage a été effectué. Je ne suis pas retourné à l'installation depuis son déclassement. Je souligne simplement que c'est une situation intéressante, car une expérience similaire a eu lieu au Yukon avec le même type de concentré de plomb et de zinc, qui était transféré des camions en provenance de la mine Farrow dans les trains qui se trouvaient à la gare, dans le centre-ville de Whitehorse. Lorsque toute cette zone a été restaurée, il a fallu une quantité considérable de ressources et d'investissements pour remettre en état la zone et se débarrasser du concentré qui s'y trouvait depuis le processus de manutention qui avait eu lieu à l'époque.

Je souligne simplement qu'il est possible, à mon avis, qu'une certaine contamination demeure sur les lieux. La dernière fois que j'ai vu cette zone, c'était le cas, mais je n'y suis pas retourné depuis le nettoyage.

Le sénateur Robichaud : En fait, nous avons vu des images du site, hier. Vous avez dit qu'il y avait seulement des réservoirs et les trois quais. Nous avons également vu un tas de ferraille qui n'avait pas encore été enlevé du site.

On parle de construire d'énormes brise-glace pour des motifs de souveraineté et toutes sortes d'autres raisons. Maintenant, si vous aviez le pouvoir de prendre des décisions quant à la manière dont vous établiriez vos priorités pour le Nord, en tenant compte des communautés, comment les brise-glace seraient-ils inclus là-dedans? Peut-être est-ce une question injuste.

M. Williams : Je ne suis probablement pas le témoin auquel vous devriez vous adresser au sujet de la Garde côtière.

J'ai dit avoir vécu à Arctic Bay pendant une quinzaine d'années. J'étais là lorsqu'on a commencé à passer par l'inlet de l'Amirauté de la baie Strathcona pour les expéditions hâtives. Je sais très bien à quoi cela ressemble d'avoir un navire de la Garde côtière qui passe à côté de vous en détruisant la glace jusqu'à cinq ou six nœuds environ, au printemps. C'est une expérience très stimulante, mais aussi très coûteuse. La Garde côtière a totalement nié qu'il s'agissait de son navire, car les types s'étaient trompés de date pour ce qui est de réclamer de l'équipement, des affaires qui avaient été perdues et autres choses du genre.

Je sais que la Garde côtière travaille à son assistance aux communautés, spécialement sur le plan des missions de recherche et de sauvetage, mais on apporte moins d'aide aux chasseurs ou aux gens sur le territoire qu'aux opérations commerciales ou à de grands navires.

Je souligne également qu'au Nunavut, si vous êtes chasseur, le plus important investissement en capital est votre bateau. Vos autres investissements sont votre motoneige, votre kamatik, votre carabine, et peut-être même votre campement. Mais le plus important investissement de capitaux d'un chasseur va à son bateau, et c'est celui-ci qui risque le plus de se perdre dans une tempête. Chaque année, dans nos communautés, un certain nombre de bateaux se perdent en raison des intempéries et de graves tempêtes.

Il y a un réel esprit communautaire pour ce qui est de travailler ensemble pour sortir nos bateaux de l'eau. Les chargeurs du hameau remontent les bateaux sur la plage, et nous tentons de nous aider les uns les autres. Un manque d'infrastructure menace véritablement le plus important investissement d'un chasseur.

Le sénateur Robichaud : Quelqu'un d'autre aimerait-il faire une remarque?

M. Simard : Ce qui me préoccupe, c'est le niveau d'investissement que cela prendra pour fabriquer ces brise-glace, et à quelle fin on les utilisera. J'aimerais obtenir une réponse claire. Que ferez-vous de ces brise-glace? Car s'ils doivent servir à ouvrir encore plus le passage du Nord-Ouest, ou encore à le patrouiller, ce n'est tout simplement pas une réponse satisfaisante. Si l'on doit faire cela et utiliser ce passage comme voie de circulation, il faut d'abord le reconnaître comme porte d'entrée, et nous devons prendre des mesures pour le protéger. Les gens du Nunavut doivent faire partie du processus visant à déterminer comment cette porte d'entrée sera utilisée et quels seront les impacts potentiels au niveau de la communauté. On construit ces brise-glace, et je serais curieux de savoir ce qu'on planifie d'en faire et comment cela touchera tout le monde.

Le président : Peut-être devrions-nous préciser de quoi il est question; car on a annoncé le remplacement du Louis S. St-Laurent.

M. Timar : Oui.

Le président : C'est le seul remplacement de brise-glace, mais de quatre à six autres navires conçus pour la marine briseront la glace, ou du moins, auront une coque renforcée pour la glace. Quant à savoir s'ils peuvent fonctionner dans la glace épaisse, c'est une autre question. Ceux-là seront des navires de guerre, d'après ce que nous avons compris.

M. Timar : C'est exact.

J'ai cru comprendre — et je peux me tromper — que le brise-glace qu'on planifie de reconstruire aurait une plus grande capacité et serait en mesure d'effectuer ce type de patrouille. Ce ne serait pas non plus la première fois que l'armée apporterait son concours pour des fins non militaires. Si ces brise-glace font partie des plans des forces armées, encore une fois, dans quel but? Est-ce strictement pour des manœuvres navales? Pour la souveraineté? Ou multiplieront-ils les rôles en ouvrant encore davantage cette porte d'entrée?

Encore une fois, nous ne faisons pas partie de ce processus qui aura une incidence pour tout le Nunavut et le Nord, et nous devons y prendre part.

Le sénateur Adams : Vous avez parlé de la construction d'un port en eau profonde dans l'avenir, à Iqaluit. Nous venons d'entendre évoquer les jets qui retournent dans le sud et décollent peut-être sans chargement. Nous avons également parlé de faire la promotion de la pêche au Nunavut.

Vous pouvez étudier les transporteurs aériens, les quantités de marchandises qu'ils livrent ici et celles qu'ils emmènent dans le sud. Avez-vous effectué une analyse des coûts auprès de Canadian North et de First Air en ce qui concerne le retour à charge?

M. Williams : Sénateur, nos discussions ont jusqu'ici consisté à repérer les débouchés. Si nous disposions du financement, aujourd'hui, il nous faudrait probablement quatre à cinq ans pour mettre en place une installation fonctionnelle ici. Il serait difficile pour un transporteur aérien de nous dire quels pourraient être les coûts du carburant, par exemple, dans quatre ou cinq ans. À ce stade-ci, nous avons cerné le besoin, et on s'est montré fortement intéressé à avoir du transport de marchandises là où il n'y en a pas, ou encore, on ne voit actuellement aucune occasion pour que le fret parte d'ici de façon à pouvoir accroître les volumes traités. De ce point de vue, il y avait beaucoup d'intérêt de la part des compagnies aériennes.

Pour répondre à votre question à savoir si nous avions fait une analyse des coûts, nous trouvions cela un peu prématuré si nous n'avions aucun financement ni aucune idée du type d'installation que nous mettrions en place. Toutefois, il y a assurément un intérêt de l'industrie à cet égard, particulièrement de la part des compagnies aériennes.

M. Timar : Nous avons terminé récemment une étude sur les transports, dont une partie portait sur un corridor de transport nord-est qui commencerait au Labrador, à Terre-Neuve, sur la côte Est, et qui passerait par ici pour aller jusqu'au Groenland. Quelques éléments ont été mis au jour dans le cadre de cet exercice. Une installation portuaire ici stimulerait beaucoup d'autres entreprises car nous l'utiliserions comme zone de rassemblement. Nous pourrions faire de l'entreposage ici toute l'année puis assurer le transport grâce à d'autres méthodes. Il y a toute la question des poissons et fruits de mer et le fait qu'il n'y a pas d'études particulières, mais nous savons tous que parfois, on rapporte des barils d'eau pour donner du lest aux appareils. C'est pour le voyage de retour dans l'autre direction que vous obtiendrez le plus grand rabais pour un transport aérien, car on a besoin du lest.

Un port aurait beaucoup d'autres effets également. Il nous permettrait de faire de l'expédition multimodale, d'expédier des marchandises conteneurisées. Les choses pourraient être entreposées ici. Iqaluit pourrait servir de carrefour. Il serait ensuite possible de recharger ces conteneurs sur des barges de plus petite taille, ce qui permettrait de desservir les communautés de façon bien plus efficace et économique.

Le temps que le navire passe dans le port représente la plus grande dépense d'expédition. Une installation portuaire réduirait radicalement ce montant. Il y a d'autres options également; même à la conférence Aurores boréales, il y avait une grande entreprise d'expédition du Labrador. Je n'arrive pas à me souvenir de son nom.

Le président : Woodward.

M. Timar : Woodward. C'est cela, merci. Vous devez le savoir.

Woodward avait une proposition quant à une façon dont ils aimeraient voir s'ouvrir ce transport des marchandises.

Non seulement le port abaisserait-il immédiatement nos propres coûts d'expédition, mais il aurait également un impact à long terme sur toutes les communautés de notre région, comme une installation portuaire principale le fait dans toutes les autres régions qui en possèdent une. Ici, nous avons cité Iqaluit, car c'est là que vous êtes. Nous sommes la Chambre de commerce de la région de Baffin, et nous représentons la région. Iqaluit est également la capitale et la plus grande consommatrice de tous les produits. Si vous devez construire une installation qui doit servir strictement à ce genre de fins, tâchez d'aller où vous en aurez le plus pour votre argent.

Le président : Vous avez mentionné l'étude sur les transports. J'ai assisté à la conférence Aurores boréales; j'ai vu la proposition de Woodward pour le transport. Cela a-t-il du sens pour vous d'avoir davantage de transbordements de Goose Bay à Iqaluit? Les deux ports sont-ils complémentaires en ce sens?

M. Timar : Je ne puis me prononcer sur la complémentarité des ports, mais du point de vue d'une chambre de commerce, la concurrence est une bonne chose. Avoir davantage de fournisseurs favorise des prix moins élevés, une meilleure qualité et davantage de choix.

Ce que nous devons retenir, c'est que toute amélioration de l'expédition, des transports, a un impact pour nous, car chaque fois que nous économisons un dollar sur l'expédition, nous économisons sur un dollar sur le produit final.

J'encourage toujours quiconque a un lien avec la politique ou le Nord à visiter nos épiceries. Iqaluit est le carrefour important. Quand on voit ces prix dont j'ai parlé plus tôt — 13 $ pour un sac de lait, par exemple — on peut imaginer ce qu'il en coûte lorsqu'on remonte vers d'autres communautés. Là-bas, l'impact est encore plus grand. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour abaisser ces coûts, ou au moins réaliser des économies quand nous le pouvons, car cela a une incidence sur tout, du gouvernement aux entreprises en passant par les personnes.

Le président : À la pause du dîner, j'ai mentionné que lorsque la route de Montréal à Goose Bay avait été achevée, cela avait réduit de 30 p. 100 le coût de la vie à Goose Bay. Le chargement et le déchargement n'ont aucun sens. Si vous pouvez apporter la marchandise d'un endroit à un autre, puis la transborder vers un autre lieu par voie maritime, cela semble très sensé.

Le sénateur Adams : Notre comité a entendu de nombreux témoins, y compris d'anciens capitaines de la Garde côtière et des professeurs des Universités Laval et de Montréal. Il y a des questions de souveraineté dans l'Arctique. Un des témoins nous a dit qu'il était réellement inutile de renforcer la présence des forces armées et de la marine ici.

Un autre témoin nous a affirmé que les Inuits avaient beaucoup de connaissances. En ce qui a trait à la souveraineté dans l'Arctique, il a ajouté qu'il serait bien mieux de faire patrouiller l'Arctique par la GRC et les Rangers au lieu de construire une base. Cela coûterait moins cher, et il y aurait davantage d'emplois pour les gens du Nunavut dans l'avenir. Qu'en pensez-vous?

Nous parlons de souveraineté dans l'Arctique, mais nous ne savons pas encore ce que le gouvernement a décidé de faire. Que ferons-nous au Nunavut, surtout en ce moment avec les Danois, les Russes et les Américains qui jouent des coudes ici? Je pense que la semaine dernière, il y a eu une rencontre parrainée par les Nations Unies au Groenland pour discuter des frontières. J'ignore quelle quantité d'information vous obtenez sur la question de la souveraineté dans l'Arctique, mais qu'est-ce que l'avenir nous réserve, d'après vous?

M. Williams : Cela me fait sourire car j'imagine qu'au cours des 30 dernières années, les chasseurs inuits ont observé davantage de sous-marins que quiconque dans l'Armée canadienne. Dans presque toutes les communautés de bas en haut de la côte est de l'île de Baffin, il y a ces histoires de personnes qui ont vu un gros œil sortir de l'eau et examiner les environs. Elles sont simplement rentrées à la maison pour en avertir la GRC. Il y a de nombreuses histoires d'observation de visiteurs non déclarés, si vous voulez, sur notre côte canadienne.

Au cours des dernières années, l'armée canadienne a mis l'accent sur les patrouilles de souveraineté. Les militaires sont allés à Alert et ont parcouru l'Extrême-Arctique. Je leur reconnais un mérite énorme, car ils s'y prennent finalement adéquatement. Ils se rendent dans des communautés comme Grise Fiord, Resolute Bay et Pond Inlet, et font appel aux rangers locaux. Ceux-ci emmènent le personnel militaire parcourir le territoire en motoneige. Les militaires font ces voyages de souveraineté prolongés et collaborent avec nos communautés et avec les gens d'ici. C'est très encourageant; je pense que cela révèle beaucoup de progrès chez les Forces armées.

Nous entendons parler de télédétection. Nous captons les rares reportages de la CBC. Nous savions également, lorsque nous vivions dans le Haut-Arctique, qu'il y a des appareils d'écoute tout le long des détroits de Lancaster, Jones et Smith, car c'était là le routage auquel s'attendaient les sous-marins qui passeraient au-dessus des pôles. Nous étions tous au courant, même si nous n'en parlions pas, car ces types devaient tous aller à Resolute; ils devaient traverser la plate-forme continentale polaire et prendre l'avion avec des pilotes de Twin Otter. Tout le monde connaît les pilotes de Twin Otter, alors chacun sait ce qu'ils font. Sargent Point en avait un, et Philpots en avait un autre. Nous savons même où ils sont. Néanmoins, c'est à cette fin qu'ils ont été mis là. Il y a une télédétection pour ce genre de choses.

L'un des grands atouts de la Garde côtière canadienne est ses capitaines de brise-glace expérimentés, ce qui est très important. J'aime lire certains de ces livres anciens sur l'exploration de l'Arctique. Qu'il s'agisse du Neptune, du Nascopie ou de n'importe quel autre navire qui allait vers le nord, tous avaient à bord des capitaines de brise-glace. Voilà ce qu'a la Garde côtière. C'est une chose que l'armée n'a pas. Elle ne détient pas cette expertise. En fait, si vous écoutez les militaires, vous verrez qu'ils sont très hésitants à venir jusqu'ici pour sillonner les eaux. Ce n'est pas leur fort. Ce n'est pas vraiment ce qu'ils font.

Je puis seulement vous répondre, sénateur, en disant qu'il y a ici des gens compétents qui passent leur temps dehors à observer et à voir des choses. Je pense qu'il vaudrait la peine d'examiner en quoi consiste l'approche dans l'Arctique canadien.

Le sénateur Cochrane : Avons-nous suffisamment de rangers? Et a-t-on pris des mesures pour former plus de rangers ou y faire davantage appel?

M. Williams : Ce n'est pas à moi qu'il faut le demander.

Le sénateur Cochrane : Nous revoilà.

M. Williams : Je suis navré.

Le président : Quelqu'un veut-il répondre à cette question?

M. Timar : Je ne sais pas si la Force opérationnelle interarmées du Nord, dont le dirigeant est basé à Iqaluit, consacre beaucoup d'efforts à former davantage de Rangers. Mais on est très fier du programme de Rangers, et on envisage d'élargir le rôle de ces derniers.

Le sénateur Cochrane : On va de l'avant avec cette mesure actuellement?

M. Timar : Oui, on tente constamment d'accroître leur nombre, et à tout le moins, la Force opérationnelle interarmées entrevoit un rôle plus important pour les Rangers.

Le sénateur Cochrane : Je crois, monsieur Williams, que vous êtes celui à qui il faut poser cette question. Si nous construisions un port ici, à Iqaluit, nous aurions cinq ou six mois par année sans glace de façon à pouvoir faire entrer les bateaux.

Le sénateur Robichaud : C'est un peu étiré.

Le sénateur Cochrane : Eh bien, nous la prolongeons, de toute façon. J'improvise. Je me dis que lorsque le port sera gelé, il nous faudra des brise-glace pour ouvrir le port aux navires qui entreront avec des biens et des services. Je pense à la tentative de créer une industrie à Iqaluit grâce à un port. Qu'en dites-vous? Parlons-en.

M. Williams : J'ai acquis mon expérience à Nanisivik et à la Petite île Cornwallis, où nous avions des ports en eau profonde qui étaient dans la glace fixe. Ce serait un peu comme si ma mère conduisait un autobus : ce serait effrayant.

Le sénateur Cochrane : On le fait en ce moment.

M. Williams : Non, ici, je parle d'expérience. Les navires ne sont pas si manœuvrables, même en eau libre. Si vous devez faire entrer un bateau, même si c'est dans de la glace brisée par le brise-glace, c'est difficile. Même faire venir le brise-glace est ardu. À Nanisivik, une année, on avait dû passer deux à trois semaines à réparer l'un des caissons parce qu'il avait été heurté par un bateau qui entrait. Il n'avait pas été frappé fort, mais simplement heurté. Cela avait eu lieu au moment où le bateau entrait alors qu'il y avait de la glace, car un brise-glace prend toute la largeur d'une crique pour effectuer un tour; et ensuite, il devait tenter d'entrer pour accoster le quai en brisant la glace. Le déchargement est un réel problème si vous n'arrivez pas à amener le bateau tout contre la glace. Toute cette glace qui vous avez brisée pose également problème. Où la mettrez-vous? Elle remplit la voie et tous ces autres endroits, et il devient très difficile d'accoster le quai.

Je pense que l'une de nos réalités, c'est que s'il y a de la glace fixe ici, dans le port, elle est encore plus épaisse sur la rive; la glace est plus lourde et plus difficile à déplacer. Actuellement, nos brise-glace ne sont pas équipés de la technologie nécessaire pour y arriver, de façon à ce que les autres bateaux puissent entrer en empruntant la voie qu'ils ont ouverte et se mettre à quai. Le fait d'avoir un brise-glace ne signifie pas que nous serions concrètement capables d'avoir une circulation maritime dix ou 12 mois par année.

Par ailleurs, ce ne serait pas un vif succès auprès de la communauté et des chasseurs. Les bateaux qui vont et viennent à travers la glace créent un obstacle au transport sur la glace. À l'hiver, nous utilisons la glace comme une autoroute. Nous l'empruntons pour aller chercher de la nourriture. C'est là que nous allons pour chasser le phoque, le caribou, et pour nous déplacer. Nous dépendons de la glace de tassement, de la glace plane de l'hiver durant cette période de l'année.

Le sénateur Cochrane : À Iqaluit, un port serait principalement utilisé six mois par année; n'est-ce pas?

M. Williams : Je vois cela d'une autre manière. Nous sommes très efficaces. Nous recevons seulement de la marchandise par voie maritime six mois par année pour obtenir tout ce dont nous avons besoin pour l'année entière. Nous n'avons pas besoin des bateaux à longueur d'année.

Le sénateur Cochrane : Avez-vous des installations d'entreposage?

M. Williams : Elles feraient partie de notre port — des installations d'entreposage et tout le reste.

Le président : On a parlé d'un port à Kimmirut et d'une route jusqu'à Iqaluit. Est-ce une idée qu'on envisage encore? Je vous vois sourire et rire.

M. Williams : J'ai entendu parler de cette idée pour la première fois au printemps. En fait, c'était en avril, et je me suis dit que quelqu'un s'était trompé de date pour le poisson d'avril. J'ai habité à Arctic Bay pendant 15 ans. Nous avions une route de 30 kilomètres qui se rendait de Nanisivik à Arctic Bay. L'hiver, elle était ouverte la moitié du temps, car dès que le vent se levait, la route était fermée à trois ou quatre endroits. On ne pouvait l'emprunter à cause de l'accumulation de neige.

Une route d'ici jusqu'à Kimmirut? Il serait moins coûteux d'aménager un port dans de nombreuses localités, pas seulement à Iqaluit, que de construire une route et de la tenir ouverte.

Le sénateur Cochrane : Nous sommes au courant également des congères accumulées.

Le sénateur Robichaud : En ce qui concerne la pollution, notre capacité de réagir aux impacts négatifs d'un déversement vous préoccupe-t-il? Je suis sûr qu'une installation portuaire serait très utile pour ce genre d'intervention, n'est-ce pas?

M. Gidzinski : Il n'y a pas que les ports qui causent de la pollution. Comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, le projet Mary River provoquera une intensification de l'exploitation minière et de l'exploration. Douze fois par année, ces livraisons de minerai de fer passeront juste devant nos collectivités. Et je ne parle que de l'extraction minière et de l'exploration. Le port serait une goutte dans l'océan. Nous devons y faire face à mon avis au moyen d'une approche globale, parce que si nous n'incluons pas toutes les activités minières et l'exploration de Baker Lake et tout le reste qui suivra, nous raterons le coche en ce qui concerne la pollution.

M. Timar : C'est vrai également pour le passage du Nord-Ouest. En fait, l'impact y est encore plus grand, parce que si le passage est ouvert, n'importe qui peut l'emprunter et jeter ce qu'il veut par-dessus bord. C'est pourquoi il faut commencer dès maintenant à réfléchir à la façon de le patrouiller, de le surveiller et de le gérer, parce que des navires y circulent déjà, qu'on projette déjà d'y avoir de la navigation et qu'il faut en tenir compte. Le temps presse. On ne peut plus attendre.

M. Williams : La technologie qui permettrait de régler le problème de la pollution dans les eaux recouvertes de glace nous pose un véritable problème. En fait, le défi est énorme. Je connais bien certains des travaux effectués dans le passé. Un projet d'intervention suite à un déversement de pétrole s'est déroulé à Pond Inlet, il y a quelques années. À la fin, tout ce qu'on a réussi à proposer, c'était d'utiliser des agents dispersifs et de les épandre par avion au-dessus d'un grand déversement. L'impact d'une pareille proposition pourrait être encore plus grand que de ne pas les épandre.

Vous avez tout à fait raison. En présence de glaces, lorsque la pollution touche des eaux, peu importe le genre de contamination, la tâche d'essayer de circonscrire la pollution et de nettoyer les eaux est phénoménale et très ardue.

Le sénateur Robichaud : Nous avons du matériel de lutte contre la pollution à certains endroits. Iqaluit n'en est-elle pas un? De quelle façon cet équipement serait-il déployé si le déversement avait lieu dans le passage du Nord-Ouest ou dans la baie, ici?

M. Timar : D'après la connaissance limitée que j'ai de ce dossier — et quelqu'un dans la salle en sait peut-être plus que moi à ce sujet —, la technologie n'existe tout simplement pas pour nettoyer la plupart des déversements qui pourraient se produire. Pour ce qui est des autres déversements, il faudra demander aux responsables de l'environnement qui sont ici. La plupart des travaux de nettoyage de l'environnement que nous observons ici se font à partir de la terre ferme. J'ignore quelle est la capacité des bateaux à faire ce genre de travail.

Le président : Je vous remercie.

M. Timar : J'aimerais souligner deux autres points, ou les répéter plutôt, et j'avais prévu de le faire faire vers la toute fin.

Mon premier point concerne toute la question de la souveraineté. La population du Nord est très sensible à ce dossier, c'est le moins que l'on puisse dire, parce qu'on la consulte souvent à cet égard. Elle a souvent l'impression qu'on l'écoute pour la forme. La question est vraiment cruciale, mais pour ce qui est d'une véritable participation au débat, la population du Nord a l'impression d'être tenue à l'écart.

Chaque fois que se présente l'occasion d'exercer une véritable influence, elle reste sur sa faim. Prenons l'exemple du port de Nanisivik. C'était l'occasion rêvée de vraiment s'affirmer, de dire qu'effectivement, nous croyons dans le Nord. C'est important. La souveraineté pose réellement problème. Nous respectons le fait que, grâce à la présence des Inuits, nous pouvons revendiquer la souveraineté sur cette région, de sorte qu'on va installer un port dans l'endroit le plus inaccessible.

Il faut comprendre la réaction de la population. Chaque fois qu'on prononce le mot « souveraineté », les gens lèvent simplement les yeux au ciel. Je sais que vous ne souhaitez probablement pas m'entendre le dire, mais c'est la vérité, et quelqu'un, quelque part au sein du gouvernement, devra bien commencer à se rendre compte qu'il faut cesser d'en parler et commencer à agir, sans quoi, tôt ou tard, il ne faudra pas s'étonner si l'Inuit se lève et dit : « Peut-être devrions-nous discuter avec un autre pays, parce que le Canada ne fait vraiment rien pour nous actuellement. » Cela peut vous sembler étrange, mais croyez-moi, j'entends bien des gens marmonner qu'ils aimeraient bien qu'il y ait vraiment de l'action sur ce plan.

Même dans des domaines qui n'ont rien à voir avec la souveraineté, on nous assène des gifles. Bien souvent, les habitants du Nord, les Nunavummiut en particulier, n'ont pas voix au chapitre dans les dossiers qui les touchent. Le passage du Nord-Ouest n'en est qu'un. Le port en est un autre. Il existe des tonnes de dossiers, y compris les quotas. À elle seule, chaque question n'est pas la fin du monde, mais collectivement, elles envoient le mauvais message aux Nunavummiut. J'espère qu'à défaut d'autre chose, à la fin de vos audiences ici, vous aurez peut-être compris qu'il faut vraiment passer à l'action.

Quelques annonces ont été faites pour présenter autrement des programmes existants; on fait beaucoup de publicité, mais tout le monde sait qu'il s'agit en réalité du même programme présenté sous une autre forme. J'ignore qui vous essayez de berner. La formule est peut-être efficace avec la population du Sud qui dit : « On fait tant pour le Nord », mais nul ici n'est dupe.

Je tenais également à souligner qu'en tant qu'habitants du Nord, nous devons nous rassembler plus souvent avec d'autres populations nordiques pour parler de nos problèmes communs et pour adopter une position unifiée dans de nombreux dossiers, parce que bien souvent, soit que nous sommes en train de nous entredéchirer, soit que nous ne nous connaissons pas suffisamment. Il faut que les ministères fédéraux appuient ces initiatives. Nous avons besoin que les ministères fédéraux nous appuient dans les tentatives que nous déployons. L'événement Northern Lights en est une. Il faut plus d'exemples de ce genre de rassemblement. Ce serait bien si tous les représentants des trois régions pouvaient se réunir, de même que les porte-parole d'autres juridictions également, pour entendre les problèmes des autres, décrire les nôtres et peut-être dégager un consensus et vous aider. Si nous parvenions à nous entendre entre nous, votre tâche serait d'autant plus facile. Qu'il s'agisse de Northern Lights ou d'autres tribunes ou conférences précises, nous devons arrêter de diviser pour conquérir. C'est souvent le sentiment que nous avons quand vous venez ici. Vous ne faites qu'entendre un petit groupe d'ici. Nous ne pouvons représenter que nos propres intérêts. On dirait presque que vous croyez que, si vous ne nous rassemblez pas tous dans la même salle, il est plus facile de nous ignorer. Cependant, si nous étions tous ensemble, vous seriez peut-être étonnés : nous pourrions peut-être vous être utiles dans votre travail.

J'espère ne pas vous avoir vexés, car je le dis en toute amitié.

Le président : Nous sentons cette amitié, plus particulièrement le sénateur Robichaud.

Le sénateur Robichaud : Oui, nous aussi, nous vous aimons bien.

Vous dites que vous n'avez pas l'occasion de parler entre vous, mais nous avons entendu pas mal le même message de tous les témoins qui se sont présentés jusqu'ici. J'aimerais simplement défendre le Sénat. Il faut que vous vous rendiez compte que le Sénat du Canada a choisi de dépêcher le Comité des pêches et des océans ici pour vous entendre. Nous avons vraiment besoin de votre point de vue, de manière à pouvoir le faire connaître dans le Sud.

Le sénateur Cowan : De plus, le comité de l'énergie tient des audiences dans l'Ouest.

Le sénateur Robichaud : Effectivement. Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles est dans l'ouest de l'Arctique. Il s'agit d'un effort concerté en vue de braquer au moins certains feux sur toute la question de la souveraineté et, dans notre cas, de la Garde côtière, des pêches et tout le reste. Si vous nous invitez, nous pourrions bien revenir. Merci.

Le sénateur Adams : Le sénateur Cochrane et moi sommes membres du Comité de l'énergie. Le comité viendra ici au Nunavut et se déplacera vers l'Ouest.

Dans votre déclaration, j'ai beaucoup entendu parler des Inuits et de ce que nous souhaitons que le gouvernement fasse pour nous en ce qui concerne la souveraineté dans l'Arctique. Cependant, les membres du gouvernement ne sont pas attentifs. Nous avons une entente sur les revendications territoriales du Nunavut et un ministre fédéral responsable des questions autochtones. Le ministère des Pêches et des Océans, la Garde côtière et le gouvernement du Canada devraient avoir une approche pour l'avenir. Que feront-ils? Simplement en parler? S'ils refusent de passer à l'action, dites-leur simplement que vous ne voulez plus rien savoir.

Nous avons d'autres amis. Il y a quelque 150 000 Inuits ailleurs, allant du Danemark et de la Russie juqu'en Alaska, au Labrador, au Québec et au Nunavut. J'ignore combien il en reste dans le nord de la Russie. Il faudrait reconnaître officiellement les Inuits.

Le président : Voilà qui conclut cette partie de nos audiences. Nous tenons à vous remercier tous vivement d'avoir pris la peine de venir nous parler avec autant de franchise, ce qui nous est très utile.

Le sénateur Robichaud a dit que nous étions ici dans l'est de l'Arctique. Le Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se trouve dans la partie occidentale. Nous comparerons les résultats de nos études à notre retour et, avec un peu de chance, nous aurons une vue complète.

Nous ne représentons pas bien sûr le gouvernement. Nous pouvons lui exposer un problème. Nous pouvons lui faire des recommandations. Nous tenterons de rendre le plus clairement et le plus fidèlement possible le message que vous nous avez transmis.

Chers collègues, nous allons maintenant entendre les porte-parole du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Accueillons Michael d'Eca et Jim Noble. Je croyais que M. Noble était de la côte Est, de Terre-Neuve, mais il vient en fait de la côte Ouest, de la Colombie-Britannique.

Michael d'Eca, conseiller juridique, Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut : Sénateurs, je vous remercie beaucoup. Tout d'abord, je vais simplement mentionner que le conseil est venu témoigner devant vous en mai 2007, au sujet de la même question, si je ne m'abuse. En un certain sens, ce que nous avons à dire aujourd'hui est le prolongement de ce dont nous vous avions parlé il y a 13 mois presque.

Nous avions alors parlé de cette politique d'allocation qu'on était en train d'élaborer et à laquelle le conseil travaille depuis deux ans presque. Comme vous pourrez le constater aujourd'hui, durant les 12 ou 13 mois qui se sont écoulés depuis lors, le conseil a fait d'excellents progrès et il est impatient de vous en informer. En fait, nous avons reçu récemment des instructions du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut nous demandant de communiquer avec le comité sénatorial et de demander à venir témoigner pour lui exposer cette nouvelle politique. Par pur hasard, voilà que votre greffière nous appelle pour dire que le comité sénatorial viendra prochainement tenir des audiences à Iqaluit et qu'il aimerait nous entendre. Le moment n'aurait pu être mieux choisi.

Cette politique de l'allocation en ce qui concerne les pêches marines commerciales du Nunavut a été élaborée en étroite consultation avec les partenaires inuits et gouvernementaux du conseil dans la cogestion et avec l'industrie de la pêche du Nunavut, comme vous allez pouvoir vous en rendre compte par vous-mêmes durant mon exposé.

Mon exposé comporte deux volets. D'une part, je vais vous décrire brièvement les sept dernières années de travail à peu près qui ont donné naissance à la pêche marine commerciale du Nunavut. Ensuite, nous allons passer en revue, de manière un peu plus détaillée et un peu plus longue, les divers éléments qui composent cette nouvelle politique.

Le président : Avant de le faire, pourriez-vous nous dire où se situe dans la structure du gouvernement le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut? Nous connaissons l'existence du gouvernement du Nunavut. Nous sommes au courant du Nunavut Tunngavik Inc., du NTI, c'est-à-dire de l'organe chargé des revendications territoriales. Il y a aussi le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Il existe divers autres organismes qui ont des quotas. Pourriez-vous nous expliquer où se situe votre organisme dans toute cette superstructure?

M. d'Eca : Le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, mieux connu sous le sigle CGRFN, a été établi sous le régime de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut par les parties à cette entente, soit la Couronne, le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial — en 1993, il s'agissait du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest — , ainsi que par les Inuits représentés par le NTI.

L'Accord sur les revendications territoriales décrit le CGRFN comme le principal instrument de gestion des ressources fauniques et la principale instance de réglementation de l'accès à cette ressource dans la région du Nunavut. J'ai une diapositive qui vous montre où se trouve la région. Le CGRFN est habilité à exercer un pouvoir décisionnel.

Le président : La faune inclut-elle le milieu biologique marin?

M. d'Eca : Oui, elle comprend le poisson et les plantes, les animaux, les oiseaux, toute la faune et la flore : le terme est utilisé dans son sens large.

Pour ce qui est des pêches, du moins actuellement et probablement à l'avenir, la plus grande partie de la pêche commerciale s'effectue à l'extérieur de la région du Nunavut, dans ce que l'accord sur les revendications territoriales décrit comme étant la zone 1, c'est-à-dire le détroit de Davis et la baie de Baffin, à l'est de l'île de Baffin.

Le CGRFN a un important mandat de consultation, et la politique concerne avant tout la mise en place d'une structure pour lui permettre de prodiguer ses conseils, dans ce cas-ci, au ministère des Pêches et des Océans quant à la façon de répartir une ressource dont la demande excède constamment l'offre.

Le président : L'accord sur les revendications territoriales vise-t-il autant les Inuits que les non-Inuits? J'essaie de le comparer à celui du Labrador, où tous sont inclus. Est-ce le cas également ici?

M. d'Eca : Oui.

Le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut est un tribunal administratif, un organisme de réglementation. Il n'a pas de lien de dépendance avec les Inuits et le gouvernement, mais ce sont eux qui en nomment les membres. Les membres du CGRFN ne représentent ni les Inuits ni le ministère des Pêches et des Océans et encore moins le Service canadien de la faune, même si ce sont eux qui les nomment. Dès leur nomination, ils assument un rôle indépendant et impartial. Ils agissent pour le mieux, indépendamment des intérêts de ceux qui les ont nommés. C'est un principe fondamental et important de la loi, soit qu'ils doivent préserver leur indépendance.

Leur public comprend les Inuits et les non-Inuits. Le CGRFN est une institution d'administration publique qui est au service de toute la population. Il se trouve simplement que les Inuits représentent 85 p. 100 de la population du Nunavut. Cependant, le CGRFN a des responsabilités à l'égard des récoltes des non-Inuits. Aux termes de l'accord sur les revendications territoriales, comme vous le savez, j'en suis sûr, les droits de récolte des Inuits sont protégés par la Constitution. Les non-Inuits eux ont simplement des privilèges qui leur sont accordés en fonction des objectifs de conservation, entre autres. Tout cela est réglementé par le CGRFN. Cependant, quand le CGRFN rend une décision limitant le droit de pêche de quiconque, il partage sa compétence avec le ministère des Pêches et des Océans. C'est le CGRFN qui amorce le processus. Il rend une décision. Le ministre la reçoit et l'examine. S'il n'y trouve rien à redire, il l'accepte et elle devient loi, ou bien le gouvernement la met en œuvre comme il convient.

Si la question est de compétence fédérale, elle relève du ministre des Pêches et des Océans en ce qui concerne le poisson; d'Environnement Canada en ce qui concerne les oiseaux et certains autres animaux ou, peut-être, du gouvernement territorial. Nous partageons la compétence avec différents ministres.

Le président : En d'autres mots, vous faites des recommandations plutôt que de décider?

M. d'Eca : Non. Il y a là une distinction importante à faire. Le CGRFN est celui qui prend réellement la décision. Selon le régime des tribunaux qui a cours au Conseil privé, il s'agit d'un tribunal exécutif. Il rend des décisions. Cependant, ce pouvoir décisionnel est partagé avec le gouvernement, de sorte que si le ministre accepte sa décision — et il doit se conformer aux dispositions de l'accord sur les revendications territoriales —, alors il peut l'approuver et elle devient loi. Si la décision cause des difficultés au ministre, il peut la rejeter, mais elle est alors renvoyée au CGRFN qui doit tenir compte des motifs du ministre avant de rendre une décision définitive. Le résultat final, cependant, c'est que le ministre peut accepter, rejeter ou changer une décision du CGRFN tant et aussi longtemps qu'il respecte les modalités de l'accord sur les revendications territoriales. Si l'on examinait toutes les décisions prises jusqu'ici par le CGRFN, je suis sûr que plus de 99 p. 100 d'entre elles sont acceptées en fin de compte, mais il y a tout de même eu certains désaccords au fil des ans.

En ce qui concerne les eaux au large de la côte, effectivement, il a un rôle carrément consultatif. C'est là un rôle très important, mais il est différent et engage beaucoup plus que de simples consultations.

Depuis 2001, les pêches marines commerciales du Nunavut sont probablement celles qui ont été les plus dynamiques et qui ont connu la plus grande croissance au Canada. Je sais que les comités des pêches du Sénat et la Chambre des communes s'y sont beaucoup intéressés et qu'ils les ont suivies de près.

En 2001, le CGRFN a élaboré et mis en oeuvre pour la première fois une politique d'allocation pour la pêche marine commerciale du Nunavut, à la fois de la crevette et du flétan noir. Nous vous en avons parlé déjà.

De 2001 à 2006, les quotas de crevettes attribués aux pêcheurs du Nunavut ont beaucoup augmenté, tout comme ceux du flétan noir.

D'autres événements sont survenus durant ces années. En 2002, le ministre des Pêches et des Océans a convenu qu'il ne faudrait pas autoriser des intérêts de l'extérieur du Nunavut à pêcher davantage dans les eaux contigües du territoire jusqu'à ce que le Nunavut y ait réalisé l'accès à une grande partie de ses ressources halieutiques.

En 2003, le gouvernement du Nunavut et le Nunavut Tunngavik Inc. ont mis la dernière main à la stratégie de développement économique du Nunavut. La stratégie repérait les pêches comme un moteur de croissance future essentiel de l'économie du territoire. Dès 2005, le gouvernement du Nunavut et le NTI ont rendu publique la stratégie de pêche du Nunavut qui était nettement axée sur la croissance à long terme de l'industrie de la pêche du territoire.

En 2006, le gouvernement du Nunavut a rendu public un rapport indépendant sur l'industrie de la pêche au large des côtes. Il souhaitait ainsi contribuer à l'élaboration de la politique et des programmes, de la planification stratégique et des décisions d'investissement dans le domaine des pêches. Également en 2006, le CGRFN a reçu des mémoires que des membres de l'industrie de la pêche du Nunavut, Pêches et Océans Canada et le gouvernement du Nunavut lui ont présentés à sa demande concernant les recommandations faites dans le rapport indépendant.

Comme je l'ai mentionné au départ, l'année 2006 a signalé le début de l'élaboration d'un projet de nouvelle politique d'allocation du CGRFN. En effet, le CGRFN a profité de l'imminence du rapport pour commencer à élaborer sa nouvelle politique d'allocation. C'est ainsi qu'à la fin de novembre 2006, il a tenu des consultations publiques d'une durée de deux jours concernant la nouvelle ébauche. Des membres de l'industrie de la pêche, des partenaires de la cogestion du CGRFN et des membres du grand public y assistaient.

Lors de ces consultations de novembre 2006 et durant la période qui a suivi, ce qui nous amène en 2007, le CGRFN a reçu d'autres suggestions à la fois de l'industrie de la pêche et de ses partenaires de cogestion en vue d'améliorer la politique d'allocation.

En 2007, d'autres changements ont été apportés à l'ébauche, et le CGRFN a tenu des audiences publiques de deux jours, soit les 12 et 13 juin 2007. C'était tout juste après la dernière fois que nous nous sommes rencontrés. L'industrie de la pêche, les partenaires de cogestion et le grand public étaient à nouveau présents.

En fonction d'autres suggestions et orientations discutées aux audiences de juin, une dernière série de changements a été apportée à l'ébauche et une version définitive a été présentée aux membres du CGRFN lors de leur réunion régulière de décembre 2007. C'est à ce moment qu'ils ont adopté officiellement la nouvelle politique.

Je vous ai fait cette petite chronologie pour souligner le fait que le CGRFN a pris grand soin de tenir des consultations poussées et que la politique a été élaborée en très grande collaboration avec le gouvernement, les Inuits et l'industrie de la pêche du Nunavut.

Passons maintenant au deuxième volet de mon exposé qui porte sur les caractéristiques de la nouvelle politique d'allocation du CGRFN. La politique concerne dix questions reliées à l'allocation. La première concerne le rôle du CGRFN dans les pêches du Nunavut. Il en a été un peu question lors de la période de questions et de réponses au début.

Ensuite, il sera question du but et des objectifs de la politique.

Puis, nous passerons au rôle du nouveau Comité consultatif des pêches. Il s'agit d'une nouveauté dans le régime global de prise de décision concernant les allocations au Nunavut.

En quatrième lieu, nous décrirons les principes sur lesquels s'appuie la politique, puis de la gestion responsable.

Le sixième domaine, et on entre vraiment dans le vif du sujet, ce sont les principes d'allocation énoncés dans la politique. Comment décider qui obtient quoi? Les lignes directrices sont particulièrement importantes à cet égard.

La politique porte également sur toute la question de l'essor des pêches côtières. C'est le septième point. Je suis conscient que les Inuits, la classe politique et les membres de l'industrie de la pêche comme tels s'intéressent beaucoup à la manière dont nous allons donner de l'essor aux pêches côtières. C'est là un très grand défi.

Huitième point, la politique introduit le concept d'un fonds pour les pêches d'exploration. Je vais vous en parler un peu.

Toute la question de la transparence et de la divulgation représente le neuvième point. Nous sommes un conseil public et ouvert. Il s'agit d'une ressource publique, mais elle connaît des applications commerciales. La question est de savoir comment demeurer transparent et ouvert tout en reconnaissant des préoccupations légitimes sur le plan de la confidentialité.

Enfin, nous vous parlerons un peu de la procédure de demandes et des dates limites, juste pour êtres sûrs de ne rien oublier.

Je vais vous exposer brièvement chacune de ces dix questions liées à l'allocation. Tout d'abord, je vais passer en revue avec vous la carte que voici, que vous avez peut-être vue lors de notre dernier exposé. Elle comporte du texte, mais vous n'avez pas à vous en préoccuper. L'essentiel, c'est la région du Nunavut qui se trouve en haut, au centre.

Comme nous l'avons mentionné, le CGRFN est celui qui exerce le pouvoir décisionnel dans la région du Nunavut. À l'extérieur de la région, plus au sud dans la baie d'Hudson et le détroit d'Hudson, se trouve la zone 2. L'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut mentionne cette zone qui se trouve à l'extérieur de la région du Nunavut. La région du Nunavut couvre une zone de 12 milles à partir de la côte, dans les eaux territoriales, sur laquelle le conseil a pouvoir de décision. Vient ensuite la zone 2, dans la baie d'Hudson et le détroit d'Hudson. Vers l'est, dans le détroit de Davis et la baie de Baffin, on trouve la zone 1, à l'égard de laquelle, je le répète, le conseil joue un rôle consultatif.

Je vais commencer par aborder le rôle du CGRFN dans les pêches du Nunavut à l'intérieur de la région du Nunavut. Je ne m'y attarderai pas trop, mais je précise qu'à l'intérieur de cette région, dans la région visée par l'accord, le CGRFN et Pêches et Océans Canada se partagent la compétence décisionnelle en ce qui concerne l'établissement, la modification ou l'abolition des limites de zones de pêche.

À l'extérieur de la région du Nunavut, dans la baie de Baffin et le détroit de Davis, là où j'ai dit qu'avait lieu la plus grande partie de la pêche commerciale, le CGRFN a un mandat consultatif dans le cadre duquel il fournit au ministère des renseignements pour l'aider à gérer les ressources fauniques au-delà des zones marines de la région du Nunavut — dans le détroit de Davis et au large du détroit, de la baie de Baffin, par exemple.

De plus, le CGRFN prodigue les conseils demandés par le MPO concernant les décisions qui toucheraient les droits de pêche des Inuits et leurs possibilités de pêche dans la région du Nunavut.

Nous sommes d'avis que ce qui se passe au large touchera inévitablement les possibilités et les droits de pêche dans la région du Nunavut. Il faut une pêche hauturière bien établie et réussie pour pouvoir donner de l'essor à la pêche côtière.

Également en vertu de son mandat consultatif, le CGRFN fait des recommandations dont doit tenir compte le ministère lorsqu'il prend des décisions qui touchent les zones marines de la région du Nunavut. Tout cela est directement tiré également de l'accord sur les revendications territoriales.

Ce qui n'y figure pas, mais qui est quand même prévu, c'est que le CGRFN fait au ministère des recommandations concernant les allocations commerciales individuelles pour tout ce qui touche aux allocations régionales de flétan noir et de crevette du Nunavut. C'est en cette capacité que le CGRFN a élaboré la politique d'allocation afin de l'aider à faire en toute transparence des recommandations responsables à l'égard des allocations commerciales individuelles.

Donc, la politique d'allocation a six buts. Le premier est d'expliquer les principes et les lignes directrices dont doit tenir compte le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut pour établir avec équité les quotas commerciaux individuels des ressources halieutiques marines dans les eaux contiguës du Nunavut.

Le deuxième but de la politique est de décrire les exigences obligatoires d'une gestion responsable s'appliquant à tous les participants aux pêches marines ou commerciales du Nunavut.

Troisième but, il faut bien préciser le rôle du comité que j'ai mentionné tout à l'heure, c'est-à-dire du Comité consultatif des pêches, dans les pêches marines commerciales du Nunavut.

Quatrième but, il faut énoncer le plan du CGRFN pour l'essor des pêches côtières, qui en est encore à ses tout débuts.

Le cinquième but consiste à expliquer la recommandation du CGRFN visant l'établissement par l'industrie d'un fonds pour les pêches d'exploration. Il ne s'agit pas d'un fonds gouvernemental. Nous proposons à l'industrie qu'elle envisage d'établir ce fonds.

Le sixième but consiste à décrire les exigences obligatoires de transparence et de divulgation dans la gestion et le développement des ressources halieutiques marines du Nunavut.

Ce sont là les six buts. Dans la diapositive suivante, qui concerne l'objet de la politique, j'aimerais m'attarder plus longuement à chacun des six buts que je viens tout juste de vous présenter.

La politique d'allocation du CGRFN vise un objectif ambitieux qui comporte quatre éléments, tous réunis dans une seule phrase.

Elle doit tout d'abord favoriser l'application d'une démarche concertée, professionnelle et diversifiée pour une mise en valeur écosystémique des ressources halieutiques tout en continuant de respecter les principes de conservation. Le troisième volet consiste à compter sur un réinvestissement dans la pêche par les pêcheurs du Nunavut et, quatrième point, à assurer une répartition élargie des retombées tangibles aux Nunavummiut. C'est en fonction de cet objectif que nous jugeons notre politique.

Revenons aux six buts de la politique. Attardons-nous d'abord au rôle du Comité consultatif des pêches, ce nouveau comité qu'on est tout juste en train d'établir. Le comité se compose de cinq membres. L'un d'entre eux est nommé par le CGRFN, deux autres, par le gouvernement du Nunavut, et les deux qui restent, par le Nunavut Tunngavik Inc. Le comité fournit au CGRFN des avis sur l'allocation des ressources halieutiques.

Si vous vous demandez pour quelle raison le gouvernement du Nunavut et le NTI nomment non seulement certains membres, mais quatre des cinq membres, alors que le CGRFN n'en nomme qu'un seul, cela a tout à voir avec le genre d'expertise sur lequel souhaite miser le CGRFN lorsqu'il examine les allocations marines commerciales.

L'expertise du CGRFN concerne essentiellement la gestion des ressources fauniques et halieutiques : combien d'animaux s'y trouvent, combien on peut en prendre en sécurité, quel genre de restrictions des engins faut-il mettre en place, quelles devraient être les saisons. Vous vous rappelez que le gouvernement du Nunavut et le NTI sont les auteurs de la stratégie des pêches du Nunavut et de la stratégie de développement économique du Nunavut. Ils ont plus d'expérience, d'autorité et de connaissances en ce qui concerne la gestion gouvernementale en matière socioéconomique, en affaires, en matière d'emploi et de développement. Par conséquent, le CGRFN a décidé qu'en ce qui concerne les allocations commerciales de pêche marine, sa propre expertise de gestion pourrait profiter considérablement de l'expérience, de l'autorité et des connaissances additionnelles de ce conseil consultatif, dont la plupart des membres sont choisis par le gouvernement du Nunavut et le Nunavut Tunngavik Inc.

Les conseils fournis par ce comité consultatif seront assujettis aux critères de transparence et de divulgation de la politique d'allocation, question que nous aborderons vers la fin de l'exposé. Il doit agir de manière transparente et ouverte, comme pratiquement tous les participants de la pêche.

Les conseils du comité reposeront essentiellement sur la politique d'allocation du CGRFN de même que sur un examen et une analyse de la gouvernance, des entreprises, des avantages et des plans de gestion et des rapports annuels, qui seront tous fournis par les demandeurs de quotas de pêche du flétan noir et de la crevette dans les eaux au large de la côte.

Passons maintenant aux principes sur lesquels s'appuie la politique d'allocation. Le CGRFN a pris bien soin de choisir les principes qui, selon lui, s'appliqueront à la mise en œuvre de la politique. Quand il sera question des lignes directrices, vous constaterez qu'elles s'appuient sur ces principes également.

Les neuf principes qui suivent doivent servir de guide au CGRFN dans son allocation des ressources halieutiques marines commerciales, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la région du Nunavut.

Tout d'abord, des populations et des habitats marins en santé sont essentiels pour soutenir les besoins économiques, sociaux et culturels des pêches des Nunavummiut tant pour les générations actuelles que pour les générations futures.

Ensuite, la pêche est une ressource de propriété commune précieuse et vitale qu'il faut gérer d'une manière ouverte, transparente et responsable pour le bénéfice équitable de tous les Nunavummiut.

Troisième point, il faut que la pêche soit diversifiée, qu'elle frappe un sain équilibre entre l'exploitation côtière et l'exploitation hauturière et entre les prises autorisées aux collectivités et l'initiative des entrepreneurs.

Quatrième point, lorsque sont allouées les ressources halieutiques marines à des fins commerciales, la préférence doit être donnée aux Nunavummiut et aux exploitations qui avantagent directement l'économie du Nunavut.

Cinquième point, pour que la pêche contrôlée par le Nunavut soit prospère, il faut que les gens travaillent en harmonie. Voilà qui fait vraiment partie des principes qui gouvernent les relations inuites. Ce principe particulier est connu en inuktitut comme étant le piliriqatiginngniq.

Sixième point, une pêche prospère contrôlée par le Nunavut exige une participation considérable d'entreprises commerciales viables parrainées ou détenues par des organismes régionaux de protection de la faune et par des organismes de chasseurs et de trappeurs. Il n'en a pas été question dans ma déclaration liminaire, mais je peux mentionner ces organismes parce qu'ils s'insèrent dans la structure globale. Ils travaillent étroitement avec le CGRFN, mais ce sont des organismes inuits dont les membres sont tous des pêcheurs et des chasseurs du Nunavut.

Septième point, il faut porter une attention spéciale à la continuité dans l'allocation des ressources halieutiques marines commerciales, particulièrement dans la partie limitrophe de la région du Nunavut.

Huitième point, lorsque sont allouées les ressources halieutiques marines commerciales, il faut accorder une attention toute spéciale à la dépendance économique des localités à l'égard de ces ressources. À nouveau, bon nombre de ces principes font écho aux dispositions de l'accord sur les revendications territoriales comme tel.

Le dernier principe prévoit que, dans l'allocation des ressources halieutiques marines commerciales, on tient particulièrement compte des entreprises de pêche viables sur le plan économique et des pêcheurs qui ont réalisé une pêche réussie dans un secteur particulier.

Je vais maintenant aborder la question des exigences obligatoires d'une gestion responsable. Tout d'abord, il faut respecter toute politique et toute loi pertinentes. Nul ne s'étonnera d'apprendre que l'on s'attend des pêcheurs qu'ils respecteront les lois en matière de pêche, y compris les plans de gestion, les plans de pêche à des fins de conservation et ainsi de suite.

La deuxième exigence est le respect des initiatives pertinentes en matière de recherche et de rapports. Si le CGRFN ou le ministère des Pêches et des Océans commandite ou organise des initiatives particulières de recherche ou exige des rapports particuliers sur la pêche, on s'attend que les pêcheurs vont coopérer.

La troisième obligation est le respect des exigences en matière de protection responsable de l'écosystème et de l'habitat. Cela inclurait, par exemple, d'adopter des mesures raisonnables pour éviter de perturber les mammifères marins.

La quatrième obligation est de respecter les exigences en matière d'engins et de formation responsable. Ainsi, il serait question notamment de saines pratiques de gestion des déchets et de pratiques responsables et durables de pêche.

La dernière obligation est le respect des exigences en matière de pratiques responsables de la pêche et de l'utilisation responsable des engins. On s'attend que les pêcheurs vont avoir recours à des pratiques qui minimisent le risque de perte d'engins et les captures accessoires indésirables, y compris des mammifères marins.

Ce sont là toutes des obligations. Il faut satisfaire à ces exigences si vous souhaitez obtenir un quota de pêche marine commerciale. Tous les demandeurs de quotas doivent présenter un plan de gestion qui détaille les mesures qu'ils ont l'intention de prendre pour se conformer à ces cinq exigences.

Le CGRFN encourage et appuie la reconnaissance internationale de la gestion des pêches durables du Nunavut grâce à une certification indépendante. Actuellement, cette reconnaissance internationale relève du Marine Stewardship Council, ou MSC. J'ignore si cet organisme est connu, mais de plus en plus de pêches optent pour une certification du MSC, et ces certificats semblent de plus en plus exigés sur les principaux marchés. Le certificat du MSC est internationalement reconnu, de sorte qu'il pourrait fournir des avantages commerciaux aux pêcheurs du Nunavut et leur donner une certaine légitimité.

Viennent ensuite les lignes directrices si évidemment cruciales pour l'allocation. En conformité avec les neuf principes que nous avons vus tout à l'heure, le CGRFN appliquera trois lignes directrices pour décider des quotas individuels de pêche marine commerciale. Dans l'application de ces lignes directrices, tant le CGRFN que le Comité consultatif des pêches devront examiner avec soin la gouvernance, la capacité commerciale, les avantages et le plan de gestion soumis par chaque demandeur de quotas de pêche marine commerciale.

Nous vous avons fait une présentation PowerPoint, et nous avons également laissé à votre greffière copie du texte intégral de la politique d'allocation. Vous y trouverez joints trois appendices. L'annexe D de la politique d'allocation décrit le modèle du plan en quatre volets — la gouvernance, les affaires, les avantages et le plan de gestion. Il inclut les principaux facteurs dont il faut tenir compte et qui sont inclus dans le plan et une table des matières, de sorte que les demandeurs peuvent se renseigner sur ce qu'exige le CGRFN dans ces plans.

L'appendice A décrit le mandat du Comité consultatif des pêches et fournit beaucoup d'autres précisions sur ce que je vous ai décrit aujourd'hui.

Avant de passer aux lignes directrices, je tiens à souligner un autre point. Les entreprises de pêche qui ont déjà des allocations devront non seulement fournir ces plans en quatre volets, mais le CGRFN et le Comité consultatif des pêches les obligeront à soumettre des rapports annuels. Le conseil et le comité devront examiner avec soin ces rapports annuels dans lesquels se trouveront les mises à jour à l'égard de leurs engagements en matière de gouvernance, d'affaires, d'avantages et de gestion ainsi que des renseignements financiers détaillés.

L'annexe C fournit un modèle de rapport annuel.

Voilà qui nous mène vraiment au cœur des lignes directrices. Elles sont structurées en fonction d'un système de points cumulatifs. Le nombre maximal de points que peut obtenir un demandeur est 100.

La première ligne directrice concerne la gouvernance et la capacité commerciale. La note maximale que peut obtenir le demandeur est de 30 points à ce titre et il faut qu'il ait une note d'au moins 18 points, soit 60 p. 100. C'est la note minimale qu'il faut obtenir, sans quoi on n'a pas droit à une allocation.

La ligne directrice se divise en trois parties qui portent à nouveau sur la gestion et la capacité de l'entreprise. Selon la première de ces parties, il faut pouvoir démontrer qu'on a en place une exploitation ouverte, transparente et responsable.

Dans la partie suivante, il faut prouver qu'on a une entreprise commerciale viable. Par viabilité, on entend notamment un plan d'affaires convenable, la capacité de pêcher, une gestion responsable, un rendement économique relatif, une valeur ajoutée à la pêche, une stabilité d'emploi et des avantages économiques pour le Nunavut. Il existe de nombreux indicateurs de la viabilité.

Dans la troisième partie, il faut avoir fait ses preuves dans le secteur des pêches. Avez-vous fait vos preuves dans ce secteur? Dans l'affirmative, le conseil souhaite le savoir, et il vous attribuera des points à cet égard.

Chaque demandeur doit faire la preuve que son exploitation se fait de manière transparente et responsable, sous réserve naturellement de préoccupations relatives à la confidentialité et à la protection de la vie privée et des renseignements personnels.

La deuxième ligne directrice concerne la participation inuite. Le demandeur peut obtenir jusqu'à 40 points à cet égard, contre les 30 points prévus pour la ligne directrice précédente. La deuxième ligne directrice est subdivisée en quatre parties. Tout d'abord, le CGRFN détermine si l'entreprise de pêche est la propriété d'un ORRF ou de multiples OCT. La collectivité y participe-t-elle d'une manière quelconque? Ensuite, l'entreprise économique est-elle de propriété inuite? Enfin, les activités de l'entreprise de pêche sont-elles contiguës à une collectivité? Et quatrième point, la collectivité dépend-elle des ressources exploitées par l'entreprise de pêche?

Des points supplémentaires sont accordés à l'égard des exigences suivantes : l'entreprise de pêche est propriété d'un organisme régional de protection de la faune ou de multiples organismes de chasseurs et de trappeurs. Si vous vous demandez pourquoi l'entreprise qui est la propriété de multiples organismes de pêcheurs et de chasseurs devrait cumuler plus de points que celle qui est la propriété d'un seul organisme du genre, ou OCT comme nous les appelons, voici le raisonnement. Toutes choses étant égales par ailleurs, si les pêcheurs de deux collectivités sont propriétaires conjoints d'une entreprise de pêche productive, la participation à cette entreprise et aux avantages qui en découlent sera forcément répartie au sein des deux collectivités. Si une seule collectivité est propriétaire de l'entreprise de pêche, alors la participation et les avantages seront axés davantage sur cette localité.

L'approche s'appuie sur le fait que plus il y a d'OCT propriétaires, plus la participation inuite sera grande. Tout ça est également reflété dans l'objectif de la politique d'allocation dont nous avons parlé tout à l'heure qui exige une large répartition des avantages tangibles aux Nunavummiut. On retrouve également cette approche dans l'accord sur les revendications territoriales.

Des points supplémentaires sont également accordés pour la propriété inuite de l'entreprise de pêche. La note obtenue serait fonction du pourcentage de propriété inuite, de même que du nombre de propriétaires inuits. Des points supplémentaires sont aussi accordés si la collectivité est contiguë au secteur de pêche et si elle dépend de la ressource.

La troisième ligne directrice, pour laquelle il est à nouveau possible d'obtenir 30 points au maximum, concerne les avantages pour les Nunavummiut. Comme pour la première ligne directrice, le demandeur doit obtenir la note minimale de 18 points, c'est-à-dire 60 p. 100 des points, pour avoir droit à une allocation.

La ligne directrice est également divisée en trois parties. La première porte sur l'emploi des Nunavummiut, surtout des Inuits. Des points sont accordés pour le nombre de personnes employées. Cela n'inclut pas seulement ceux qui sont à bord des bateaux de pêche, mais également les employés qui travaillent sur terre. Le CGRFN examine le niveau des postes occupés. Plus le niveau est élevé, plus le demandeur obtient de points. Il tient également compte du fait que vous avez établi que, comme employeur, vous maintenez en poste des employés du Nunavut, surtout des Inuits.

La deuxième partie concerne la propriété de l'entreprise économique ou des bateaux de pêche par au moins un habitant du Nunavut. Plus il y a de propriétaires nunavummiut, plus vous obtenez de points, comme je l'ai dit tout à l'heure.

La troisième partie des avantages est la participation au fonds pour les pêches d'exploration, s'il venait à être créé, et l'offre d'autres avantages directs au Nunavut. Parmi ces avantages directs, on peut penser à des avantages économiques pour les collectivités dépendantes, la croissance du marché, l'investissement peut-être dans la formation, la recherche et la transformation sur terre ou l'infrastructure, qui est cruciale.

Voilà donc pour les lignes directrices. Nous allons maintenant passer à la croissance de la pêche côtière. Par cette expression, il faut entendre deux aspects différents. L'un concerne l'emplacement géographique dans les eaux intérieures. À nouveau, pour en revenir à la région du Nunavut, ce sont les eaux qui sont relativement proches des côtes du Nunavut, surtout les eaux de la mer territoriale du Canada contiguës au Nunavut. Ce sont les zones marines de la région du Nunavut. Nous souhaitons développer une pêche dans ces eaux visées par l'accord sur les revendications territoriales.

L'autre aspect de la croissance de la pêche côtière concerne les petits engins, la pêche pratiquée au moyen d'engins de moins de 100 pieds de longueur.

Commençons par la croissance des pêches dans la région du Nunavut. Le CGRFN souhaite encourager la croissance des pêches à l'intérieur de la région du Nunavut et il propose donc d'allouer à la réserve Qikiqtaaluk un quota régional de 100 tonnes de flétan noir. En d'autres mots, pour la région de Baffin, il souhaite commencer par un objectif de 100 tonnes de prises autorisées totales à l'intérieur de la région du Nunavut, ce qui est un objectif modeste. Il est déduit des prises totales dont nous disposons. Il ne s'ajoute pas à ce que nous pêchons. Actuellement, cette pêche est pratiquée au large des côtes. Le CGRFN réserve 100 tonnes de ces prises exclusivement à l'intention de la pêche côtière, pour la région à proximité de la terre.

De plus, le CGRFN recommande que le Qikiqtaaluk Wildlife Board, c'est-à-dire l'organisme régional de protection de la faune de la baie de Baffin, entame des pourparlers avec les localités de la région concernant l'éventuelle identification et l'éventuel établissement de zones de pêche économiques exclusives à la communauté à l'intérieur de la région du Nunavut.

Le président : J'ai une question à vous poser. Existe-t-il, en plus de l'organe de protection de la faune du Nunavut, un organe analogue pour la région de Baffin?

M. d'Eca : Excellente question! Désormais, quand je ferai des exposés sur cette question, je présenterai au début un organigramme, parce que nous tenons pour acquis la structure, mais il s'agit en fait d'un regroupement complexe d'organismes.

Le président : J'ignore ce qu'il en est de mes collègues, mais j'ai de la difficulté à m'y retrouver. On nous parle du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, mais il existe aussi un autre organe de gestion des ressources fauniques, un conseil de gestion des ressources fauniques de Baffin.

M. d'Eca : C'est l'organisme régional.

Il y a trois parties : le gouvernement, les Inuits et ce tribunal administratif qui n'est pas redevable aux deux autres et ne prend pas ses instructions d'eux. Le tribunal administratif, une institution d'administration publique, l'organe de réglementation, est le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut.

Du côté du gouvernement, il y a divers ministères. Ils pourraient être fédéraux ou territoriaux, et ils s'occupent d'une spécialité. Par exemple, Pêches et Océans Canada s'occupe du poisson, et ainsi de suite.

Du côté inuit, c'est la partie à l'accord sur les revendications territoriales qui représente les intérêts inuits, soit le Nunavut Tunngavik Incorporated.

Viennent ensuite les organismes régionaux de protection des ressources fauniques, c'est-à-dire les organismes inuits qui représentent les chasseurs inuits. Il existe trois régions au Nunavut : la région de Baffin, celle de Kivalliq et celle de Kitikmeot. Ce sont là les trois régions administratives. Chacune compte un organisme de défense des intérêts des pêcheurs et chasseurs inuits qu'on appelle organisme régional de protection des ressources fauniques. Il représente tous les groupes individuels de trappeurs et de chasseurs, qui sont également inuits.

Ces organismes entretiennent de nombreux liens étroits avec le NTI, mais ils en sont distincts. Ils sont presque assimilés également au CGRFN parce qu'ils travaillent en étroite collaboration avec nous étant donné que nous travaillons tous à des dossiers concernant des ressources fauniques. En vertu de l'accord sur les revendications territoriales, ces organismes inuits ont certaines responsabilités, et le CGRFN travaille avec eux pour les aider à s'acquitter de leurs mandats.

En un certain sens, l'organisme régional de protection des ressources fauniques assure la surveillance des chasseurs et des organismes représentant les chasseurs et les trappeurs, toutes les différentes collectivités.

Le CGRFN fait des recommandations au Qikiqtaaluk Wildlife Board. Il n'est pas en mesure de lui donner des ordres, mais il fait des recommandations; c'est à cet organisme que revient la responsabilité de les mettre en œuvre puisqu'il agit en quelque sorte comme superviseur des organismes de chasseurs et de trappeurs.

Si nous voulons réussir à développer une pêche commerciale côtière, il faut savoir quelle zone revient à chaque collectivité pour que celle-ci connaisse les limites de son territoire. Pour nous, il est logique que le Qikiqtaaluk Wildlife Board, c'est-à-dire l'organisme régional de protection des ressources fauniques inuit, discute avec les localités de la région de la définition et de l'établissement de ces zones de pêche économiques exclusives à l'intérieur de la région du Nunavut.

J'espère que ces renseignements vous sont utiles. Je sais qu'il faut du temps pour tout assimiler. On vous fournit des listes de ceci et de cela, mais telle est la nature de notre politique d'allocation. Il s'agit essentiellement d'une introduction. Si la question vous intéresse davantage, nous vous fournirons tous les documents pertinents.

Le sénateur Robichaud : Nous n'en finirons jamais avec l'introduction.

M. d'Eca : Il ne reste plus que quelques diapositives.

L'autre aspect de la croissance de la pêche côtière concerne ce que j'ai appelé la croissance de la pêche pratiquée par les petits engins. Pour l'encourager, le CGRFN projette d'allouer 400 tonnes de flétan noir à la division 0A, c'est-à-dire la partie septentrionale du détroit de Davis et la baie de Baffin. Il souhaite réserver 400 tonnes de prises de flétan noir dans cette région septentrionale exclusivement aux bateaux de moins de 100 pieds de longueur.

À nouveau, il ne s'agit pas là de nouvelles prises autorisées. Nous avons 6 500 tonnes, de sorte que les prises réservées ne représentent qu'une quantité modeste. Nous allons commencer par tout mettre en place et nous aviserons selon la suite des événements. En fait, le CGRFN craint que les petits bateaux ne soient peut-être pas capables même d'effectuer autant de prises. Par conséquent, il se réserve le droit, si les petits bateaux n'ont pas fait toutes les prises autorisées au plus tard le 1er novembre, d'en refaire l'allocation, probablement aux grands bateaux hauturiers, de manière à ne pas laisser dans l'eau les prises que nous pouvons faire en toute sécurité et légitimité.

Les quotas individuels seront établis par le CGRFN en conformité avec cette politique. Le conseil projette d'effectuer des examens périodiques, probablement une fois tous les trois ans, et de demander l'aide du Conseil consultatif des pêches concernant ces deux aspects de la croissance de la pêche côtière. Nous prévoyons qu'elle sera quelque peu dynamique, qu'elle changera et, avec un peu de chance, connaîtra une croissance dans les années à venir.

Un point mérite d'être souligné, car il est très important : pour bien développer une pêche côtière, il faut disposer d'une infrastructure. Selon nous et de l'avis de nombreuses autres personnes, il faudra à cette fin que le gouvernement y investisse lourdement. La politique du CGRFN dispose explicitement que le gouvernement du Canada et le Nunavut ont besoin d'élaborer et de mettre en œuvre de manière pressante un plan d'infrastructure des pêches pour le Nunavut. Nous avons besoin d'installations portuaires, d'un centre de services maritimes, d'une capacité additionnelle ou élargie de transformation, de tous ces éléments disparates, pour vraiment donner de l'essor à une pêche côtière.

J'aimerais vous expliquer brièvement la proposition du CGRFN à l'égard du Fonds pour les pêches d'exploration. Il s'agirait d'un fonds dans lequel l'industrie investit, sur l'avis du CGRFN, en vue de financer la recherche en matière de pêche dans les eaux marines du Nunavut. Le fonds aurait pour raison d'être de soutenir la croissance des pêches grâce à une évaluation des espèces, à de la technologie relative aux engins, à l'évaluation des interactions avec l'écosystème des pêches et d'autres recherches visant à appuyer une pêche élargie et durable.

Le président : J'aimerais vous interrompre brièvement pour présenter John Amagoalik, surnommé le père du Nunavut. J'aimerais que le Comité prenne acte officiellement de sa présence et lui souhaite la bienvenue. C'est un vieil ami à moi et à certains autres membres du comité. Il a déjà un autre engagement, mais il reviendra nous parler à 19 heures. Je sais que nous pouvons apprendre beaucoup de son expérience et de sa sagesse. Monsieur Amagoalik, soyez le bienvenu. Nous nous reverrons plus tard.

M. d'Eca : John Amagoalik est un personnage historique du développement du Nunavut.

Le Fonds pour les pêches d'exploration se veut un moyen de financer la recherche sur les pêches dans les eaux marines du Nunavut.

Lors de notre consultation, les membres de l'industrie nous ont dit qu'ils ne souhaitent pas que ce fonds permette au MPO de par la suite se laver les mains de ses obligations. La politique est claire : bien que le fonds soit financé par des droits prélevés des participants aux pêches marines commerciales du Nunavut, il ne réduirait pas les obligations ou engagements en matière de pêche du ministère des Pêches et des Océans.

En fait, nous nous attendons que, si l'industrie contribue à ce fonds, et elle a manifesté de l'intérêt pour le faire lors des consultations, l'argent pourrait servir à obtenir des fonds additionnels de recherche du gouvernement fédéral, du gouvernement territorial et d'autres sources. Nous avons certes besoin de faire beaucoup plus de recherches sur les divers aspects des pêches au Nunavut.

L'avant-dernier point dont j'aimerais vous parler, un point très important, est la question de la transparence et de la divulgation. Comme vous le savez tous, les ressources halieutiques sont de propriété commune. Le développement, la gestion, l'allocation et l'exploitation de ces ressources doivent se faire de manière ouverte et transparente.

Voilà qui exige forcément que tous ceux qui ont un intérêt dans la pêche, que ce soit le CGRFN, le Comité consultatif des pêches, le gouvernement du Nunavut, le ministère des Pêches et des Océans ou les membres de l'industrie comme tel, soient disposés à fonctionner d'une manière ouverte au grand public. Toutefois, en parallèle, il faut protéger la confidentialité des renseignements commerciaux et les intérêts privés.

On peut s'attendre raisonnablement que la divulgation publique de certains renseignements commerciaux peut nuire considérablement à l'entreprise concurrentielle propriétaire des renseignements. Le CGRFN est très conscient de l'importance de protéger la confidentialité de certains aspects de toute entreprise concurrentielle. Simultanément, le CGRFN et le grand public ont besoin que l'industrie de la pêche soit aussi transparente que d'autres secteurs primaires concurrentiels.

C'est pourquoi le conseil a dressé une liste de renseignements commerciaux qui méritent de demeurer strictement confidentiels. Si un document figure sur cette liste, c'est parce que le CGRFN a décidé que le besoin d'en protéger les renseignements prime sur l'intérêt public. Notre politique comme telle inclut la liste. À titre d'exemples, mentionnons le plus récent état des revenus et des dépenses consolidés et vérifiés, le bilan et l'état de l'évolution de la situation financière. Ces documents font partie de la liste d'exclusion. Ils sont confidentiels. Les précisions sur le plan de pêche pour chaque espèce visée durant l'année civile sont également confidentielles. Cependant, et nous le faisons pour plusieurs documents qui figurent sur la liste d'exclusion, le demandeur doit quand même fournir un sommaire public du plan, mais pas le plan comme tel, qui contiendra des informations délicates et confidentielles.

Le demandeur peut toujours demander que des documents qui ne figurent pas sur liste d'exclusion soient classés comme étant confidentiels. Les dossiers confidentiels ne seront pas rendus publics ou fournis ou communiqués à d'autres, sous réserve d'exigences ou d'obligations légales précises.

Voici le critère général adopté par le CGRFN pour la non-divulgation : les renseignements sont de nature commerciale et font référence soit aux domaines financier, scientifique et technique, soit aux relations patronales- syndicales, ou bien représentent un secret commercial, et il est raisonnable de croire que la divulgation de ces renseignements pourrait causer un préjudice important. Il s'agit d'un critère plutôt élevé ou strict. Il faut pouvoir montrer qu'elle causerait un important préjudice pour que les renseignements soient considérés comme étant confidentiels.

Les dernières diapositives concernent la procédure de demande et les dates limites prévues dans la politique d'allocation. Le CGRFN procédera à un appel de demandes pour les pêches établies avant le mois de juin de l'année précédente. Ainsi, le CGRFN fera un appel ce mois-ci pour la saison de pêche 2009. Nous sommes sur le point de mettre en œuvre intégralement la politique d'allocation.

À tout le moins, l'appel sera envoyé au Qikiqtaaluk Wildlife Board, à tous les intérêts de pêche actuels du Nunavut et à tous les organismes de chasseurs et de trappeurs qui sont contigus aux zones de pêche et il sera publié dans le Nunatsiaq News.

Au plus tard six semaines après l'appel de demandes, le demandeur doit avoir envoyé au CGRFN une demande complétée d'allocation de pêche marine commerciale — qui n'est pas trop exigeante —, puis un plan détaillé de gestion, d'entreprise, d'avantages et de gouvernance.

Le CGRFN rend habituellement ses décisions ou recommandations en matière d'allocation au plus tard en novembre ou peut-être en décembre de l'année précédente. Dès novembre ou décembre 2008, le conseil s'attend de prendre ses décisions et de faire des recommandations concernant l'allocation.

C'est tout, monsieur le président. Je tiens à remercier les membres du comité de nous avoir permis de leur faire cet exposé. Nous savons que votre comité se fait le véritable champion, avec beaucoup d'efficacité, de la croissance des pêches du Nunavut depuis un bon bout de temps déjà. En prévision de l'achèvement de votre étude et de la publication d'un rapport que nous espérons que le gouvernement du Canada étudiera avec sérieux, nous offrons les quatre recommandations qui suivent et nous espérons que vous voudrez bien les appuyer.

Tout d'abord, il faudrait que le gouvernement fédéral continue d'appuyer le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, le Nunavut Tunngavik Inc. et le gouvernement du Nunavut dans leurs efforts soutenus en vue de développer de manière responsable les pêches du Nunavut pour le bénéfice des Nunavummiut. Bien que les six ou sept dernières années aient été fébriles et productives, il nous reste encore beaucoup de travail à faire, et les obstacles et défis sont nombreux.

Notre deuxième recommandation est que le gouvernement fédéral accroisse les efforts déployés en vue d'élargir l'accès aux pêches et les allocations à l'intention des pêcheurs du Nunavut dans les eaux contiguës au territoire en vue de réaliser l'équité avec toutes les autres juridictions de l'Atlantique. Par là, nous entendons des allocations de 80 à 90 p. 100 et de 95 p. 100 des ressources halieutiques contiguës.

Troisième point, il faudrait que le gouvernement fédéral accroisse considérablement le budget consacré à la recherche scientifique et aux études d'exploration concernant les ressources marines contiguës du Nunavut. C'est grâce à la recherche scientifique que nous avons développé la division 0A, qui rapporte actuellement 6 500 tonnes de ressources renouvelables en flétan noir. Un programme scientifique solide est la pierre angulaire du développement réussi des pêches du Nunavut.

Dernière recommandation, il faudrait que le gouvernement fédéral élabore et mette en œuvre avec la pleine collaboration du Nunavut un plan visant à y mettre en place une pêche comparable à celle qui se pratique dans le sud de l'Atlantique, de même qu'un régime de permis de pêche qui reflète et soutient les intérêts de la nouvelle industrie du Nunavut et qui tient compte des modalités de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

Monsieur le président, si les membres du comité ont des commentaires à faire, nous les accueillerons avec plaisir et nous tenterons de répondre à leurs questions.

Le président : C'est nous qui vous remercions. Je tiens à vous féliciter de cet exposé trilingue. C'est bien la première fois que j'assiste à un pareil exposé.

Le sénateur Hubley : J'aimerais également vous féliciter, non seulement pour votre exposé trilingue, mais également pour le travail que vous faites en matière d'allocation et de répartition équitables.

Le comité a déjà mené une étude sur la promotion de la prospérité ou des avantages de l'industrie de la pêche pour les petites localités, certainement au Nunavut. Quand vous parlez d'infrastructure, pensez-vous uniquement à des installations portuaires ou avez-vous également tenu compte d'usines de transformation du poisson qui pourraient être établies en vue de favoriser l'emploi dans ces localités rurales? Je crois que, lorsque nous avions fait notre étude, nous avions examiné l'idée d'employer des femmes dans ce domaine particulier. C'est là ma première question.

Ma deuxième question concerne l'entrée de nouveaux venus dans l'industrie de la pêche. Votre système de présentation de demandes encourage-t-il ou invite-t-il de jeunes hommes et femmes à accroître leur participation dans ce secteur? S'ils ont des difficultés à satisfaire aux exigences de la procédure de demande, les aide-t-on à remplir leur demande?

M. d'Eca : Tout d'abord, en ce qui concerne l'exposé trilingue qui nous attire tant de compliments, je dois mentionner que votre greffière, Lynn Gordon, est celle qui a mené la charge. Je ne suis pas sûr du moment où Mme Gordon prend congé, mais elle et moi en avons discuté en soirée et les dimanches et tout le reste.

Le président : Elle prend congé le jour de Noël et le lendemain.

M. D'Eca : Le document de notre exposé sort tout juste de la presse. Juste avant de venir ici, nous étions en train de réunir les trousses de documentation. Je remercie vivement Mme Gordon de son aide précieuse.

Pour ce qui est de l'infrastructure et des éléments qu'elle comporterait, vous avez mentionné des usines de transformation du poisson et le fait de tenir compte des plus petites localités. Toutes ces choses ont fait l'objet de discussions. Ce n'est pas que je tienne réellement à me défiler, mais le CGRFN compte sur le gouvernement, sur le gouvernement territorial et sur le gouvernement fédéral pour en arrêter les détails. Nous nous considérons un peu comme une source de motivation. Dans le domaine de l'élaboration de la politique, par conséquent, nous soulignons le besoin du plan d'infrastructure, mais nous n'en arrêtons pas les détails. Nous espérons pouvoir le commenter à mesure qu'il est élaboré, mais jusqu'ici, nous n'avons rien vu du genre.

Ce qui motive votre question est, je crois, exactement la même chose qui nous motive. Nous tenons à ce que les avantages soient largement répartis, ce qui signifie que les localités qui longent la côte de Baffin doivent disposer d'une certaine infrastructure concrète, ce qui devrait créer de l'emploi.

Jim Noble, directeur des opérations, Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut : Un point dont il faut tenir compte dans la mise en place d'une infrastructure, c'est qu'il faut trouver toutes les ressources en même temps. Actuellement, une des grandes activités en cours est la pêche expérimentale dans les localités. Le ministère du Développement économique et des Transports aide les chasseurs et les trappeurs à faire de la pêche expérimentale à Broughton Island, Clyde River et Pond Inlet. Nous devons savoir si la ressource est au rendez-vous avant de penser à une infrastructure. Nous tentons également de faire un peu de pêche expérimentale au moyen de plus petits bateaux, d'une longueur de 65 pieds, pour voir si c'est possible. C'est crucial. De plus, avant de commencer à étudier des plans d'infrastructure, comme des congélateurs, peut-être faut-il prévoir des wagons réfrigérants pour stocker le poisson qui arrive l'hiver de manière à pouvoir le transporter l'été. Il faut tout penser de A à Z avant de décider de ce que nous allons faire.

Le président : Est-ce que vous financez ces pêches expérimentales?

M. Noble : Le gouvernement du Nunavut les finance.

Le président : Le gouvernement du Nunavut, pas le MPO?

M. Noble : Non.

Le président : Pourtant, je sais que le MPO finance des pêches expérimentales.

M. Noble : Oui.

Le président : Mais il ne finance pas les vôtres?

M. Noble : Il est peut-être un partenaire de la cogestion des pêches expérimentales; je n'en suis pas sûr. Cependant, je crois que la plus grande partie de l'argent vient du gouvernement du Nunavut.

Le sénateur Hubley : J'ai bien posé une question au sujet des jeunes pêcheurs et de leur accueil dans l'industrie.

M. D'Eca : Je vais passer à votre troisième question, liée aux jeunes pêcheurs, à encourager les jeunes à travailler dans le secteur des pêches. Pour ce qui est de motiver des jeunes à faire partie de ce secteur, les programmes de formation et tout le reste sont axés sur ceux qui se cherchent du travail ou de la formation. Ce serait, pour la plupart, des jeunes. Il ne s'agit pas d'une initiative du CGRFN. M. Noble en sait plus que moi au sujet du programme de formation. C'est un exemple de collaboration réussie entre le secteur et le gouvernement qui connaît un grand succès en matière de formation. Plusieurs personnes ont été formées. Tout cela est en place.

La politique elle-même vise à ce que tout le monde sache qu'elle existe et qu'elle favorise les demandes des Nunavummiut. Il y est écrit qu'on offrira de l'aide à l'élaboration de plans. La Baffin Fisheries Coalition, par exemple, est un organisme très structuré qui aide les gens à préparer un excellent plan de gouvernance, d'affaires, de gestion et de retombées économiques. En outre, la politique reconnaît qu'une personne ou même une collectivité qui en est à ses débuts n'a pas encore toutes ces compétences. La politique propose des mesures pour aider les gens, afin que la personne qui a de bonnes idées, si elle a l'initiative qu'il faut et qu'elle est prête à foncer, ne soit pas handicapée par le fait que ses concurrents sont déjà établis et qu'ils ont déjà toutes les compétences requises.

Cela dit, comme probablement partout ailleurs au pays dans le domaine des pêches, la demande est plus forte que l'offre. Quand les quotas de pêche sont déjà tous pris, il est difficile pour un nouveau pêcheur d'intégrer le milieu. C'est comme ça. Mais la politique vise à accroître la diversité, et nous en parlons dans les objectifs. En définitive, elle vise à générer les avantages les plus vastes possibles.

Monsieur Noble, vouliez-vous ajouter quelque chose sur le programme de formation?

M. Noble : Je ne sais pas trop si vous avez déjà parlé aux gens du ministère du Développement économique ou du gouvernement du Nunavut, mais ils ont un consortium composé de représentants du ministère du Développement économique et des Transports du Nunavut, d'Affaires indiennes et du Nord Canada et de la Baffin Fisheries Coalition. Ils ont un comité qui s'occupe de la formation et forme des jeunes en gestion d'usine et en transformation. Je pense qu'il vient d'y avoir un cours sur la mécanique de moteurs diesels. Ce groupe offre aussi le programme de formation en matière de sécurité MED 3. Tous ces cours reviennent périodiquement, pour les jeunes qui désirent suivre de la formation.

Le sénateur Hubley : Où se tiennent-ils?

N. Noble : Je pense que la plupart d'entre eux sont offerts localement en collaboration avec le Nunavut Arctic College. Celui-ci fait venir des formateurs de la Nova Scotia School of Fisheries ou d'ailleurs au besoin.

Le sénateur Hubley : Y a-t-il des mécanismes pour aider les jeunes qui ne vivent pas à Iqaluit et qui voudraient suivre ces cours? Y a-t-il des ressources mises à la disposition de ces jeunes?

M. Noble : Je pense qu'il y en a. Je pense que le groupe paie pour le transport, et il y a de l'hébergement au Nunavut Arctic College.

Le sénateur Robichaud : Vous venez de mentionner la Baffin Fisheries Coalition, mais il y a une autre association comparable, n'est-ce pas? Avant, nous n'entendions parler que de la Baffin Fisheries Coalition, qui était une association de chasseurs. N'y a-t-il pas une autre organisation semblable?

M. Noble : Oui. Il y a aussi un nouveau groupe qui est en train de démarrer en collaboration avec Broughton Island ou la Qikiqtarjuaq Company. Il regroupe les collectivités du Nord de la région de Baffin en un autre consortium de petites localités. Donc oui, il prend de l'importance.

Le sénateur Robichaud : Dans votre évaluation, vous avez mentionné une allocation de points, notamment pour les avantages qu'en retire la collectivité. Je présume que plus la collectivité a d'infrastructure, plus les avantages seront grands pour elle, surtout si on peut y débarquer les prises et transformer les produits de la mer dans une usine sur place. Cela dit, les collectivités dotées d'une telle infrastructure ne sont pas très nombreuses. Quand vous allouez les quotas, comment évaluez-vous ces collectivités par rapport à celles qui n'ont pas d'infrastructure?

M. d'Eca : Malheureusement, ce n'est pas très difficile, parce que presque aucune collectivité n'a d'infrastructure. L'usine de transformation de poisson se trouve à Pangnirtung; c'est un cas spécial, et nous en tenons compte. Je présume que votre inquiétude, c'est que ceux qui sont assez chanceux pour avoir l'infrastructure reçoivent soudainement la part du lion de tout parce qu'ils peuvent montrer tous les avantages qu'en retire leur collectivité.

Le sénateur Robichaud : C'est ainsi que fonctionne votre système. Il y a tant de points pour cela, n'est-ce pas?

M. d'Eca : Oui. On peut obtenir 30 points. Cependant, c'est là où il faut tenir compte de tous les objectifs et principes. Ni le Comité consultatif des pêches ni le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut ne concentreront les avantages dans une localité seulement. Nous voulons les répartir. On peut présumer qu'il y aura plus d'emplois à Pangnirtung que dans bien d'autres villages parce que c'est là où se trouve l'usine de transformation. Elle vaut beaucoup de points, mais ce sera pris en compte. Il y a d'autres façons d'en faire profiter sa communauté, et le CGRFN ne tombera pas dans le piège, ni le Comité consultatif des pêches, compte tenu de toute son expérience et de ses connaissances. Ils ne voudront pas tout donner à une seule collectivité parce qu'elle a des avantages que d'autres n'ont pas.

Le sénateur Robichaud : Il y a donc des exceptions dans votre système?

M. d'Eca : Non. D'abord, ce système n'est pas encore pleinement en œuvre, donc nous n'avons aucun bilan à vous présenter. Cependant, je pense que la mise en œuvre des lignes directrices sur les avantages va varier en fonction des différences entre les communautés. Par exemple, si une entreprise demande une allocation modeste, mais qu'il y a trois ou quatre autres entreprises qui la voudraient aussi, les lignes directrices vont nous pousser à nous demander quels avantages va en retirer la collectivité, compte tenu de la portée des activités visées. Vous ne pourrez peut-être pas vous engager à donner du travail à tous les travailleurs de l'usine, mais vous pourrez dire que vous allez investir dans les bateaux. Vous aurez un certain nombre d'employés. Votre communauté aura donc certains avantages à offrir. Je vous ai donné une liste, que nous pouvons reprendre. Vous aurez des points pour cela, et l'infrastructure représente 30 points sur 100. Il y a aussi la participation inuite, la gouvernance et la capacité commerciale. C'est un tout.

Le sénateur Robichaud : La participation inuite ne sera-t-elle pas à peu près la même dans tous les villages?

M. d'Eca : Pas nécessairement. En ce moment, il est vrai que tous les pêcheurs sont Inuits. Cependant, cela n'empêche aucune entreprise qui a de l'argent, des ressources et de l'expérience à présenter une demande d'allocation. Le CGRFN veut que la pêche demeure de la propriété des Inuits et qu'ils continuent de la gérer. Nous examinons les candidatures et regardons où les candidats se trouvent, puis nous appliquons les lignes directrices. Elles ont été élaborées pour donner une longueur d'avance aux Inuits, mais d'autres personnes pourraient présenter une demande.

Le sénateur Robichaud : Je suis d'accord avec vous. Je n'y vois pas de problème. Je pense seulement aux communautés et je me dis qu'elles devraient obtenir le même nombre de points parce qu'elles vivent toutes le long du littoral et se composent surtout d'Inuits. Je me demande où serait la différence de points d'une collectivité à l'autre. Je suis certain que vous comprenez très bien votre système, mais je ne le comprends probablement pas aussi bien que vous.

M. d'Eca : J'aimerais réagir à votre dernière observation. Supposons qu'un Inuit demande une allocation de pêche. Une organisation de chasseurs et de trappeurs présente une demande pour la même allocation, et un consortium de deux ou trois organisations de chasseurs et de trappeurs fait de même. Comme tout le reste est équivalent, c'est le consortium qui obtiendrait le plus grand nombre de points, parce que c'est lui qui compte le plus grand nombre d'Inuits et qui couvre le territoire le plus grand. L'organisation toute seule obtiendrait le deuxième plus grand nombre de points, et la personne seule arriverait en troisième. Il y a des pêcheurs inuits individuels qui ont la capacité, l'intérêt et l'expérience nécessaires pour demander et obtenir une allocation. Il y a des variations entre les collectivités et les candidats, donc chacun obtiendra plus ou moins de points selon la nature du demandeur et les détails du programme général qu'il propose.

Le sénateur Robichaud : Il y a une date d'échéance pour présenter une demande. En juin, vous allez envoyer un avis aux personnes intéressées à soumettre une demande. Les gens doivent-ils en présenter une nouvelle chaque année?

M. d'Eca : Jusqu'à maintenant, le CGRFN accordait des renouvellements pour trois ans. Les pêcheurs ne devaient présenter de demande qu'aux trois ans, mais chaque année, ils devaient fournir la preuve qu'ils répondaient à toutes les exigences de la pêche de la dernière année. Tant qu'ils le faisaient, ils n'avaient pas besoin de présenter de nouvelle demande.

Le conseil a mis un terme à cette façon de faire pour les prochaines années. Ils ont une date limite. Je pense que c'est probablement la saison 2011, dans environ trois saisons. Le conseil dit aux pêcheurs qu'il veut maintenir la stabilité et qu'il comprend que les pêcheurs achètent des navires de pêche et qu'ils ont besoin de pouvoir compter sur leur allocation plus d'une année à la fois.

Le sénateur Robichaud : Je pense qu'ils voudraient bien l'avoir pour plus de trois ans.

M. d'Eca : Oui. Le CGRFN dit que pour les quelques premières années, nous devons laisser la porte assez ouverte, mais que nous ne ferons pas de changement radical à moins qu'un pêcheur n'adopte un comportement vraiment problématique. En temps voulu, en 2011 ou en 2012, il y aura un cycle d'au moins cinq ans, ce qui correspond aux paramètres dont le MPO songe se doter lui aussi.

Les pêcheurs doivent toujours fournir un rapport annuel, et il est bien établi dans la politique qu'ils doivent respecter les normes dans leur rapport annuel pour conserver leur allocation. Tant qu'ils respectent les exigences, ils savent qu'ils peuvent compter sur leur allocation pour au moins cinq ans.

Cela dit, encore une fois, il y a toujours une tension : nous ne voulons pas bloquer une allocation trop longtemps, parce qu'il y a d'autres pêcheurs qui aimeraient avoir leur part, comme nous l'avons dit, que nous voulons accueillir de nouvelles recrues et accroître le nombre de pêcheurs. Nous ne voulons donc pas nous bloquer complètement, mais nous voulons quand même répondre aux besoins des pêcheurs de savoir que leur allocation ne disparaîtra pas. Si les pêcheurs empruntent pour acheter des bateaux, leurs banquiers ont également besoin de cette garantie.

Le sénateur Robichaud : C'est ce que j'allais dire.

M. d'Eca : Nous sommes conscients de tout cela et cherchons le juste équilibre.

Le sénateur Robichaud : Vous devez avoir de la difficulté à le trouver.

M. d'Eca : Par chance, je ne suis que conseiller. Ce sont les membres du conseil qui prennent les décisions difficiles. C'est pourquoi nous avons ce...

Le sénateur Robichaud : Ce processus est compliqué.

M. d'Eca : C'est un processus élaboré, parce que quand la demande excède l'offre, la tâche est ardue. Il faut veiller à ce que le processus soit juste et transparent, à ce qu'il tienne compte de tous les divers facteurs, dont certains entrent parfois un peu en conflit. Cependant, c'est ainsi, c'est la donne, et il faut faire de notre mieux.

Le sénateur Robichaud : À quel point la demande dépasse-t-elle la ressource?

M. d'Eca : Monsieur Noble, pouvez-vous nous donner une idée de la situation des dernières années? Si vous satisfaisiez toutes les demandes, quels seraient les chiffres? Je les ai vus à quelques reprises, et ils sont élevés. Les connaissez-vous par cœur?

M. Noble : Je pense que le nombre de demandes doublerait ou triplerait.

Le sénateur Cowan : Le sénateur Robichaud a déjà posé une partie de mes questions. Pour le reste, comment faites- vous pour savoir qui tire avantage de la pêche en bout de ligne? Dans certaines parties du Canada atlantique, à tout le moins, il arrive que le permis soit accordé à une personne, mais que celle qui en tire véritablement avantage soit toute autre, en partie parce que le prix à payer pour se lancer dans la pêche est tellement élevé que les petits pêcheurs ne peuvent pas l'absorber à eux seuls et que les permis ne leur appartiennent pas. Les permis octroyés à ces pêcheurs appartiennent au gouvernement ou au conseil. Par exemple, Si je voulais commencer à pêcher, je ne pourrais probablement pas me le permettre financièrement, donc j'aurais besoin de créanciers pour me prêter l'argent, et nous aurions une entente cachée pour dissimuler la propriété réelle et ultime du permis ou du contingent de pêche, selon le cas. Comment arrivez-vous à vous en informer dans le processus que vous nous avez décrit?

Le sénateur Robichaud : Peuvent-ils invoquer le cinquième amendement?

M. d'Eca : Nous le faisons en exigeant une divulgation très complète au Comité consultatif des pêches et au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut dans le plan de gouvernance, de gestion, d'affaires et de retombées économiques. Quand vous en aurez la chance, vous pourrez jeter un coup d'œil aux annexes qui décrivent les détails exigés par le conseil. Le CGRFN et le Comité consultatif des pêches doivent être au courant de tous les éléments quand ils prennent leurs décisions. Certains renseignements peuvent rester confidentiels s'ils respectent les critères d'exclusion, qui sont extrêmement rigoureux, comme je l'ai mentionné. Les demandeurs doivent montrer que si ces renseignements ne sont pas rendus publics, ils en subiront des préjudices importants.

Ce n'est pas la première fois que nous en entendons parler, et je sais que la situation est la même dans d'autres pêches aussi. En résumé, le CGRFN y voit en exigeant des plans détaillés qui contiennent tous les renseignements confidentiels et non confidentiels, et c'est ce sur quoi il se fonde pour prendre ses décisions.

Le sénateur Cowan : Je suis certain que vous êtes au courant des ententes qui existent non seulement dans le domaine des pêches, mais également dans celui du camionnage et dans l'industrie pharmaceutique, ainsi que dans d'autres domaines, où il faut que le pouvoir sur la pharmacie, par exemple, reste entre les mains de pharmaciens agréés, même si l'on voit qu'il y a des administrateurs très puissants. Je vous préviens toutefois qu'il peut y avoir de quoi se leurrer. Je suis content que vous preniez des mesures en ce sens, parce que c'est une préoccupation qui peut devenir un problème. Une fois que le problème est installé, il est très difficile à enrayer. D'après ce que je comprends, pour la pêche au homard, par exemple, le MPO affirme vouloir se débarrasser de cette façon de faire, ne pas l'aimer. Cependant, de là à l'éliminer complètement, à déterminer si elle est bonne ou mauvaise, il y a tout un pas à franchir.

Ensuite, vous avez parlé de la recherche et de votre point de vue ou de votre expérience sur la volonté des gouvernements — non seulement les gouvernements provinciaux et territoriaux, mais également les gouvernements des autres pays du monde — ainsi que des organismes gouvernementaux et des organisations de l'industrie d'échanger avec vous des données scientifiques fiables. Que déduisez-vous de votre expérience?

M. d'Eca : Notre expérience avec l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, l'OPANO, est assez bonne. On ne fait jamais assez de recherches. Le besoin est toujours si grand, et le financement n'est pas là ou va à d'autres priorités. Cependant, l'OPANO jouit d'une communauté scientifique qui collabore, qui partage tous ses renseignements et ses politiques. Le Canada participe à des rencontres avec d'autres signataires du traité qui régit cette organisation. J'ai l'impression que ce système est assez efficace pour le partage des contingents de flétan noir dans l'Atlantique Nord-Ouest. Je ne sais pas trop comment se fait le partage de la ressource de crevettes. D'après mes connaissances personnelles, qui ne vont pas très loin, l'OPANO est une structure positive et bien organisée.

Le sénateur Cowan : On peut présumer que la recherche se fait au gouvernement du Canada, au sein de votre gouvernement, au conseil et au Groenland. Y a-t-il un plein partage libre de données et des renseignements entre tous ces organismes? Je suis sûr qu'il y a des organisations de pêche au Danemark comme au Canada.

M. d'Eca : Je ne sais pas si le gouvernement du Nunavut mène des recherches. Je pense que c'est surtout le ministère des Pêches et des Océans du Canada qui en mène. Le CGRFN a un fonds en fiducie pour la recherche auquel puise le gouvernement, et il examine les propositions de recherche. Je sais qu'il a servi à financer beaucoup de recherches dans le détroit de Davis et la baie Baffin. Il y a beaucoup d'activités au Groenland. La pêche y est très présente. Je pense qu'elle se fait avec beaucoup d'ouverture et qu'il y a beaucoup de transfert d'information. M. Noble pourra me corriger si je me trompe.

Le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut est tenu, par l'accord sur les revendications territoriales, de tenir un dossier ouvert au public sur toute la recherche auquel il participe, et je pense que nous partageons ces renseignements avec le MPO et le gouvernement du Nunavut. Tout se fait sur le web. N'importe qui peut consulter les recherches effectuées et les résultats.

Le sénateur Cowan : Je ne veux rien insinuer de menaçant. Je suis content d'entendre votre réponse, et elle m'encourage si tel est le cas. Comme vous l'avez dit, on ne fait jamais assez de recherches et il est très fâchant de voir des fonds trop rares pour la recherche affectés à des études qui ne font que répliquer d'autres études fiables.

Le sénateur Adams : Je suis un peu déçu qu'aucun des témoins ne soit vraiment proche des pêcheurs. Je me serais attendu à ce qu'il y ait ici un membre du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut basé à Iqaluit, peut- être le président. Où est-il?

M. Noble : Nous regrettons de ne pas avoir de meilleure équipe avec nous. Nous avons bien essayé. Il y a beaucoup de réunions en ce moment. Notre président nous manque; il est en congé pour des raisons personnelles. Notre président par intérim est à Ottawa. Vous rencontrez en fait les personnes qui restent ici en ce moment.

Le sénateur Adams : Au moins, les personnes qui sont ici sont censées représenter les Inuits. Vous avez un avocat ici, et tout ce dont nous entendons parler, c'est de la politique. Vous ne nous avez pas dit combien de personnes voulaient participer à la pêche commerciale. Je sais que la Baffin Fisheries Coalition reçoit du financement par le Nunavut Arctic College afin de former les gens au travail sur les bateaux, mais il n'y a pas d'avenir dans la pêche commerciale pour qui veut se lancer en affaires. N'est-ce pas vrai?

M. Noble : Je pense que la Baffin Fisheries Coalition essaie d'aider les pêcheurs commerciaux. Elle a offert de mener une pêche pilote dans la baie Cumberland, ce qui n'a jamais été fait auparavant, pour favoriser l'utilisation de petits bateaux. Elle a aussi des projets de pêche pilote avec Broughton Island et Clyde River, plus haut sur la côte, dans lesquels elle fournit de petits bateaux. Elle investit aussi considérablement dans la recherche.

Le sénateur Adams : Il y en a 500 tonnes dans la baie Cumberland. Dans la zone 0A, il y en a 6 500. Vous prenez ensuite un règlement pour 100 tonnes seulement de contingent de flétan noir pour toute la pêche côtière du Nunavut. Je pense que vos propos d'aujourd'hui se fondent tous sur un règlement de l'OPANO. Est-ce un règlement de l'OPANO si tout ce que nous avons, c'est de la crevette et du flétan noir au Nunavut? À mes yeux, le règlement devrait porter aussi sur les mollusques et crustacés. Il y en a ici. Si quelqu'un voulait se lancer en affaires, j'ai bien l'impression que vous l'effraieriez avec toutes vos politiques et vos règlements. Nous n'avons de quotas que pour le flétan noir et la crevette au Nunavut. Vous nous parlez depuis plus d'une heure aujourd'hui, et si quelqu'un voulait se lancer en affaires, il devrait quand même lire toute la réglementation.

M. d'Eca : Je ne sais pas trop ce que vous recommandez en contrepartie. Pour commencer, je vais mentionner que tous les participants à l'industrie de la pêche ont été consultés sur la politique élaborée par le CGRFN. Toutes les personnes actives dans l'industrie de la pêche ont été consultées à maintes reprises; il y a consensus, ou s'il n'y en a pas, les gens ne se sont pas manifestés quand ils en ont eu l'occasion, et ils l'ont toujours. Je pense que dans une mesure raisonnable, les Inuits, le gouvernement et les gens du milieu de la pêche sont très contents de cette politique.

Je ne sais pas trop ce que vous voulez dire sur la réglementation de l'OPANO. Il s'agit d'une politique générée par le CGRFN qui va aider le Conseil à présenter des recommandations au ministère des Pêches et des Océans. C'est ce sur quoi se fonde l'industrie, Nunavut Tunngavik Inc., le gouvernement du Nunavut, le ministère des Pêches et des Océans et les diverses organisations de chasseurs et de trappeurs tout le long de la côte.

Peut-être que je ne vous suis pas, monsieur le sénateur, mais on dirait que vous n'êtes pas satisfait de cette politique. J'aimerais que vous m'en disiez plus. Nous n'avons encore rencontré personne qui n'en est pas satisfait. Si vous l'estimez injuste ou discriminatoire, veuillez nous donner des détails. Je sais que les membres du Conseil seraient prêts à prendre vos commentaires très au sérieux, surtout s'ils venaient de vous.

Sachez que dans les consultations, les audiences et les diverses correspondances que nous avons eues avec les Inuits et les membres de l'industrie de la pêche, les gens se sont dits très positifs quant à cette politique d'allocation. Elle est conçue pour être le plus juste et équitable possible dans des circonstances difficiles. Comme je l'ai dit à maintes reprises aujourd'hui, vous savez qu'en ce moment, la demande est plus forte que l'offre. Dans ce contexte, le conseil essaie d'être le plus juste possible et a la conviction que les Inuits, le gouvernement et l'industrie trouvent que la politique a l'air bien. Il faut donc la mettre en oeuvre et voir ce qu'il adviendra.

Comme je l'ai dit, si vous avez des inquiétudes, expliquez-vous; nous allons en faire part au conseil et il vous répondra.

Le sénateur Adams : Oui, je comprends. Dans l'intervalle, je sais que le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut s'occupe de quelques autres dossiers en plus de la crevette et du flétan noir. En ce moment, il y a de l'omble chevalier à Pangnirtung, et il faut passer par l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce, qui est établi à Winnipeg et non à Ottawa. Pendant l'été, il y a 25 tonnes d'omble chevalier à l'usine de transformation de Pangnirtung et pendant l'hiver, il y en a 25 autres. Pour demander un contingent de pêche côtière d'omble chevalier, il ne faut pas passer par le ministre, à Ottawa, mais par l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce et le MPO. J'ai l'impression qu'il y a plus de ministres de Winnipeg qu'il n'y a de fonctionnaires du MPO à Ottawa qui s'occupent du Nunavut.

M. d'Eca : Je ne sais pas trop comment le MPO s'organise à l'interne. Je sais qu'il y a un grand centre régional à Winnipeg. Pour l'omble ou tout autre animal au Nunavut, c'est le CGRFN qui décide des contingents, mais il le fait en collaboration avec le ministre. Si le ministre se rend à Winnipeg pour déterminer ce qu'il doit faire, c'est son affaire. Cependant, le CGRFN consulte abondamment les Inuits, écoute toutes les parties, puis décide du contingent de pêche acceptable selon les termes de l'accord sur les revendications territoriales, après quoi il en fait part au ministre.

Encore une fois, c'est la relation que le CGRFN entretient avec le ministre des Pêches et des Océans. C'est l'une des caractéristiques importantes de l'accord sur les revendications territoriales. Les décisions se prennent entre eux, dans le respect des dispositions de l'accord sur les revendications territoriales.

Le sénateur Adams : Depuis le début, le conseil a pour mission de représenter toutes les collectivités, surtout ici, à Baffin. J'aimerais en savoir un peu plus sur le nombre de personnes qui ont demandé des quotas.

Tout est établi selon l'accord sur les revendications territoriales. Nous avons entendu parler du problème d'une société du Sud qui détient les quotas de la zone 0B. Ce sont 1 900 tonnes. On nous a dit que c'était entre les membres de l'industrie et que le ministre ne pouvait rien faire pour changer les quotas parce que les membres de l'industrie sont au Sud. Qu'allons-nous faire? À combien s'établit notre quota et comment allons-nous reprendre ces quotas en vertu de l'accord sur les revendications territoriales? Comment allons-nous les récupérer?

M. d'Eca : Cette question occupe le CGRFN, le gouvernement du Nunavut et le NTI depuis que l'accord est entré en vigueur. Au CGRFN, cette question est à l'avant-scène depuis qu'il est apparu que les Inuits avaient 27 p. 100 des ressources de poisson de fond contiguës au Nunavut. Leur part dépasse maintenant de beaucoup les 60 p. 100. Je ne dis pas que c'est tout ce que fait le CGRFN, mais le Conseil excelle pour convaincre le gouvernement du Canada que c'est une situation intenable quand on regarde la situation des autres pêches au pays, où le gouvernement le plus près reçoit 80, 90 ou 95 p. 100 de la ressource, alors que nous n'en avions que 27 p. 100. En tout, nous sommes toujours sous la barre des 50 p. 100 pour la crevette et le flétan noir mis ensemble.

Comme je l'ai déjà dit, il reste beaucoup de chemin à parcourir, et la bataille est ardue. Toutefois, si vous étudiez l'histoire du CGRFN, vous verrez que c'est un champion du changement et qu'il produit des résultats. Depuis 1994, il y a eu une augmentation massive des allocations en faveur du Nunavut, surtout pour le flétan noir, mais aussi pour la crevette. Il y a un effort concerté de la part du gouvernement du Nunavut, de NTI et du CGRFN, avec l'aide de ce comité et du comité permanent de la Chambre des communes. Beaucoup de gens ont vu que ce n'était pas juste et ont fait leur part, nous avons donc bien progressé. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour obtenir une véritable équité avec les autres.

Le président : Pour que ce soit bien clair, dites-vous que le quota du Nunavut est supérieur à 27 p. 100 dans la zone 0B pour l'instant?

M. d'Eca : Non, à l'heure actuelle, nous en avons un peu plus grâce à nos 1 500 tonnes sur 5 500 dans la zone 0B, mais il y a quelques années, je pense que c'était en 1994 ou en 1995, le CGRFN a établi un total autorisé des captures de 500 tonnes pour la communauté de Pangnirtung, qui est techniquement dans la zone 0B, qui correspond à la région du Nunavut. Ces 500 tonnes s'ajoutent à nos 1 500 tonnes. Bien sûr, tout ce qui concerne la zone 0A est une toute autre chose.

La zone 0B n'a pas changé beaucoup depuis dix ans, sauf pour ce qui est des 500 tonnes que je viens de mentionner.

Le président : Le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut devrait-il demander des contingents pour la zone 0B de même que pour la zone 0A?

M. d'Eca : Le CGRFN a présenté à maintes reprises ses recommandations au gouvernement afin que la part du Nunavut dans la zone 0B soit de plus de 27 p. 100, pour des raisons d'équité et de justice, entre autres, mais elles sont restées lettre morte. Cependant, pour reconnaître au gouvernement ce qui lui revient, je pense que ses représentants ont déclaré que si l'on trouvait de nouveaux poissons, ils les donneraient au Nunavut parce qu'ils sont un peu gênés.

Le président : Ce n'est pas ce que nous avons entendu de la bouche des ministres ni du premier ministre. Ils nous ont dit très clairement qu'ils auraient dû avoir le premier droit de refus alors qu'ils ne l'ont pas eu, qu'une allocation aux entreprises est allée d'une entreprise à l'autre tandis que le gouvernement du Nunavut était prêt à payer pour acheter cette entreprise. C'est ce que les gens du ministère nous ont dit ce matin.

Le sénateur Robichaud : Ce n'était pas du nouveau poisson, toutefois.

Le président : Non, ce n'était pas des nouveaux poissons; ils faisaient déjà partie des contingents. C'était un contingent transféré d'une entreprise à une autre. Le Nunavut n'a pas eu la possibilité de soumissionner afin d'obtenir le transfert de cette allocation.

M. d'Eca : C'est juste. En fait, le CGRFN, dans son rôle consultatif, aurait dû pouvoir conseiller le ministre à ce propos. Je ne veux pas trop en dire, sauf que cette question est devant les tribunaux et que le CGRFN a présenté une demande de révision judiciaire de la décision du ministre.

Le président : Il est assez triste que les négociations doivent se mener devant les tribunaux. Ce n'est pas de très bon augure pour la santé d'un partenariat quand l'un des partenaires doit s'adresser aux tribunaux pour obtenir justice.

M. d'Eca : En effet. C'est la première fois que le CGRFN y est contraint. C'est malheureux. C'est un échec du système. Le tribunal est une solution plutôt brutale pour cela, mais c'est là où les choses en sont.

Je tiens toutefois à souligner que le CGRFN en est bien conscient et qu'il joue son rôle activement à cet égard. Cependant, je suis d'accord avec le sénateur Robichaud : ce n'était pas des nouveaux poissons. Tout de même, on se serait attendu à ce que le Nunavut ait la chance de soumissionner et qu'il ne soit pas laissé pour compte encore une fois, compte tenu que nous n'avons encore que 27 p. 100 des quotas dans la zone 0B. Cette piètre situation n'a son pareil nulle part dans les pêches de l'Atlantique.

Le sénateur Adams : Dites-vous que le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut va s'adresser aux tribunaux pour ces 1 900 tonnes?

M. d'Eca : Oui. C'est déjà fait.

Le sénateur Adams : Si vous perdez devant les tribunaux, qu'arrivera-t-il après?

M. d'Eca : Le CGRFN est simplement d'avis que d'après l'accord sur les revendications territoriales, le ministre doit demander l'avis du CGRFN quand il prend sa décision et qu'il ne le lui a pas demandé. Il est d'avis que pour que cette décision soit valide, le ministre doit demander l'avis du CGRFN. Le tribunal ne décidera pas si le Nunavut va ou non obtenir ces 1 900 tonnes. Il va déterminer si le ministre doit obtenir l'avis du CGRFN avant de prendre une décision. S'il détermine que le ministre doit obtenir l'avis du CGRFN, alors celui-ci lui prodiguera des conseils détaillés et raisonnables dans l'espoir que le ministre soit convaincu par sa position.

Le président : De quel tribunal s'agit-il?

M. d'Eca : De la Cour fédérale.

Le sénateur Cochrane : Le CGRFN a été créé en 1994, n'est-ce pas?

M. d'Eca : Il a été créé en vertu de l'accord sur les revendications territoriales en 1993, mais ses membres ont été nommés en 1994.

Le sénateur Cochrane : Par conséquent, vous faites rapport au gouvernement du Canada et au gouvernement du Nunavut?

M. d'Eca : Le CGRFN établit des plans de travail chaque année, puis présente des rapports au gouvernement. Le ministère responsable est celui des Affaires indiennes et du Nord canadien. C'est à lui que le CGRFN présente ses rapports et c'est lui qui le finance.

Pour la prise de décisions, si j'ai bien compris votre question, quand le conseil prend une décision sur les poissons ou les mammifères marins, il en fait part au ministre des Pêches et des Océans. S'il prend une décision sur le caribou, les ours polaires ou les oiseaux migrateurs, par exemple, il en fait part au gouvernement territorial, au ministère de l'Environnement.

Le sénateur Cochrane : Est-ce que ces deux gouvernements doivent approuver la décision avant que les changements ne soient mis en œuvre?

M. d'Eca : Non. Avant que la décision ne soit finale, il faut suivre le processus de décision prévu dans l'accord sur les revendications territoriales, qui prévoit une décision commune du CGRFN et du ministre responsable.

Le sénateur Cochrane : Parlez-vous du ministre fédéral responsable?

M. d'Eca : Pour Pêches et Océans, si le CGRFN décide d'établir un total autorisé des captures de 500 tonnes pour la collectivité de Pangnirtung, il fait part de sa décision au ministre. Celui-ci peut l'accepter d'emblée, et c'est réglé; Pangnirtung a ses 500 tonnes. S'il y a quelque chose que le ministre n'aime pas dans cette décision, il peut la rejeter et la renvoyer au conseil. Le Conseil devra alors la réviser, prendre une décision finale, puis la renvoyer au ministre. Ensuite, selon les dispositions de l'accord sur les revendications territoriales, le ministre peut soit accepter la décision, soit la rejeter, soit la modifier. Au final, si la décision n'a pas été rejetée, il y a des mesures à prendre, et le ministre ainsi que son ministère s'occupent de la mise en œuvre de la décision finale.

Le président : Vous avez donc deux chances.

M. d'Eca : Oui.

Le président : Au Sénat et la Chambre des communes, nous pouvons renvoyer des projets de loi trois fois.

Le sénateur Cochrane : Est-ce une nouvelle politique que vous avez élaborée?

M. d'Eca : Oui.

Le sénateur Cochrane : Êtes-vous bien certain que cette politique va être adoptée?

M. d'Eca : Dans ce cas-ci, c'est au CGRFN d'en décider. Le conseil n'est pas tenu de renvoyer sa politique au gouvernement.

Le sénateur Cochrane : Au ministre?

M. d'Eca : Oui. C'est en fait ce que la politique même du conseil prévoit. S'il devait la soumettre au gouvernement, nous sommes presque sûrs qu'il l'approuverait, mais il n'est pas nécessaire de la lui soumettre. Cependant, compte tenu de tous les pourparlers que nous avons eus avec les gens de Pêches et Océans, du gouvernement du Nunavut, de l'industrie de la pêche et les Inuits, nous savons que tout le monde est assez satisfait de cette politique. Du coup, c'est réglé. Elle est déjà en place. Nous sommes en train de la mettre en œuvre, mais nous verrons. Elle va se traduire par une série de recommandations du conseil au ministre sur la répartition des allocations de flétan noir et de crevette.

Le sénateur Cochrane : Il ne s'agit là que de la politique, n'est-ce pas?

M. d'Eca : Ce n'est qu'une politique. Ce n'est pas une loi. Il reste à voir si elle va produire les résultats escomptés, si le gouvernement va accepter les recommandations et ce que l'industrie va en penser. Cela va venir avec le temps et les saisons. Pour l'instant, tout le monde est content de cette politique. Il nous reste à voir comment elle va s'appliquer dans le vrai monde.

Le sénateur Cochrane : Il faudra voir aussi ce qu'en pensent les intervenants des diverses collectivités.

M. d'Eca : C'est vrai. Les intervenants se sont montrés confiants envers cette politique.

Le sénateur Cochrane : Est-ce que tous les pêcheurs et pêcheuses de toutes les régions sont d'accord avec elle?

M. d'Eca : Leurs organisations ont toutes participé aux consultations ainsi qu'à son élaboration. Je ne sais plus combien de versions il y a eu, mais la politique a été modifiée à maintes reprises à l'issue des consultations. Les divers organismes qui représentent ces personnes ont tous eu leur mot à dire sur la politique, à ce que nous sachions, et nous devrions le savoir, parce que nous sommes ceux qui avons mené les consultations et tenu les audiences.

Le sénateur Cochrane : C'est vous qui élaborez la politique.

M. d'Eca : Nous avons la conviction qu'ils ont confiance en cette politique.

Le sénateur Cochrane : Vous avez parlé d'un fonds généré par l'industrie. Est-elle réceptive à cette idée? Qui sont les acteurs de l'industrie mis à contribution?

M. d'Eca : Jusqu'à maintenant, les gens de l'industrie se sont montrés positifs à cet égard; ils ne sont pas partis avec cette idée de leur côté, mais nous en sommes encore à un stade embryonnaire. La principale crainte dans l'industrie, c'est que si l'on crée un fonds de tant d'argent pour la recherche, le gouvernement se rétracte et dise : « Ils mettent 200 000 $ dans la recherche, donc nous allons soustraire 200 000 $ de notre budget. » Les gens de l'industrie en seraient bien mécontents. Ils craignent beaucoup que le gouvernement agisse ainsi, et nous avons modifié la politique pour qu'il soit explicite que tous les fonds générés par l'industrie à des fins de recherche exploratoire ne se répercutent pas négativement sur les budgets et les obligations du gouvernement de mener des recherches.

Les acteurs de l'industrie ont montré de l'intérêt, mais ce n'est qu'une recommandation du conseil. Nous allons essayer de les aider s'ils veulent passer à l'action. Pour l'instant, il n'y a rien de plus qu'une réaction positive à l'idée. Nous ne sommes témoins d'aucune mesure concrète pour établir le fonds dans la réalité, mais nous en sommes à un stade très embryonnaire.

Le sénateur Cochrane : Quand vous attendez-vous à ce qu'il soit établi? Vous n'avez pas encore tout réglé avec l'industrie. Quand vous attendez-vous à ce que tout soit fin prêt?

M. d'Eca : La politique est fin prête. Elle a été diffusée dans l'industrie. C'est une question de semaines, l'appel de demandes devrait sortir bientôt. Ce sera une question de semaines ensuite, nous allons recevoir les divers plans. Le fonds qui sera consacré aux pêches d'exploration est fin prêt au CGRFN, ce qui revient à dire simplement que nous en recommandons la mise en place et que tel devrait être son but à notre avis. Nous avons préparé des documents de travail pour exposer plus en détail les propositions. Nous laissons les gens de l'industrie y réfléchir et prendre les éléments qui leur plaisent ou laisser de côté ceux qui ne leur plaisent pas. Le conseil a fait tout ce qu'il pouvait selon sa politique. Nous attendons maintenant simplement de voir si l'industrie manifeste de l'intérêt. Il ne fait aucun doute que le conseil sera prêt à lui prêter main-forte, mais il incombe maintenant entièrement aux gens de l'industrie de faire les prochains pas.

Le sénateur Cochrane : Vous avez souligné que ce fonds serait consacré à la recherche. Sera-t-il coordonné avec le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial pour la recherche scientifique?

M. d'Eca : La politique ne va pas dans les détails à ce point. J'aurais tendance à croire que si les gens de l'industrie aiment l'idée, ils vont parler aux fonctionnaires et essayer de se coordonner, un peu comme nous l'avons déjà dit pour que dans l'ensemble, on ne refasse pas les recherches déjà faites par d'autres et qu'en bout de ligne, on puisse plutôt approfondir les recherches des autres. Je pense que s'il y a de l'intérêt dans l'industrie, les gens de l'industrie vont parler aux fonctionnaires et s'efforcer de travailler de façon complémentaire avec les divers programmes de recherche en cours. C'est ce qui me semblerait logique, mais les gens de l'industrie n'ont rien précisé de plus que le fait qu'ils aiment l'idée.

Le sénateur Cochrane : Est-ce qu'ils ont aussi des questions?

M. d'Eca : Ils avaient des questions, auxquelles nous avons répondu. Ils ne nous ont rien demandé d'autre depuis plusieurs mois.

Le sénateur Hubley : Ma question porte également sur l'allocation et sur les principes quatre et six, quand vous dites que la préférence sera accordée aux activités avantageuses pour l'économie du Nunavut. Vous avez également parlé d'entreprises commerciales. Je me demande si selon votre politique d'allocation, particulièrement pour le flétan noir, vous tenez compte du type de pêche qui sera mené, si les pêcheurs utiliseront la palangre plutôt que le chalutier. En avez-vous discuté? D'après notre expérience au comité des pêches et des océans, la palangre est peut-être jugée préférable au chalutier comme méthode de pêche sur le plan économique et pour préserver le plancher océanique.

M. Noble : Depuis que nous développons notre pêche, nous favorisons diverses méthodes, dont la palangre, le chalutier et le filet maillant, et nous essayons de déterminer laquelle est la meilleure pour nos eaux. Vous avez raison de dire que la palangre permet de pêcher de plus gros poissons. Cependant, cette méthode expose les pêcheurs à beaucoup d'attaques de requins du Groenland. C'est une technique de pêche difficile. La méthode qui nous semble la meilleure depuis quelques années est la pêche au filet maillant. Elle pose toutefois des problèmes, comme vous le savez, quand on perd des filets dans la glace. En ce moment, je pense qu'on utilise le chalutier et le filet maillant à 50/50 au Nunavut. La pêche au filet maillant produit de meilleurs résultats et est plus favorisée.

Le sénateur Hubley : La pêche au filet maillant produit de meilleurs résultats. Le chalutier n'est donc pas au sommet de la liste?

M. Noble : Non.

M. d'Eca : Vous rappelez-vous des obligations de gestion responsable? L'une d'elle était le respect des exigences en matière de pratique responsable de la pêche et l'utilisation responsable des engins. Il faut bien sûr respecter la loi. Si la loi proscrit un engin de pêche, nous ne l'utiliserons évidemment pas. Le CGRFN va plus loin et exige qu'on en tienne compte dans les plans de gestion. Quels sont les engins utilisés? Montrez-nous que c'est l'engin le plus responsable, dans les circonstances. Le conseil aborde la question dans sa politique, mais il ne prescrit pas de règles particulières, puisqu'il ne peut évidemment pas le faire pour la pêche hauturière. Il peut le faire pour la pêche côtière et il a adopté certaines règles pour les filets maillants, entre autres. Il a d'ailleurs recommandé des changements en ce sens au ministère des Pêches et des Océans.

Le président : Il est toujours préférable de pêcher au filet maillant. Le problème des filets maillants, c'est que les poissons continuent de s'y prendre indéfiniment.

L'après-midi a été bien long. Je vous remercie beaucoup de cette présentation détaillée et en profondeur. Elle nous a aidés à comprendre la gestion, et nous l'apprécions. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer.

La séance est levée.


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