Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 7 - Témoignages du 15 avril 2008
OTTAWA, le mardi 15 avril 2008
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 17 h 37, pour poursuivre son étude sur l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.
Le sénateur Consiglio Di Nino (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, j'aimerais souhaiter la bienvenue à cette séance non seulement aux membres du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, mais également à nos invités. Notre comité se penche actuellement sur l'influence économique grandissante de la Chine, de l'Inde et de la Russie et sur les mesures que prend le Canada pour y faire face.
Le comité entendra aujourd'hui le témoignage de représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international : Ken Sunquist, sous-ministre adjoint, Opérations mondiales, et délégué commercial en chef; Peter McGovern, directeur général, Relations commerciales bilatérales, Asie et Amériques; et Gordon Houlden, directeur général, Direction générale de l'Asie orientale.
J'espère vous dédommager pour le temps que vous nous consacrez, car vous me semblez des experts reconnus en la matière. Nous vous souhaitons la bienvenue et avons hâte, comme je l'ai indiqué à quelques-uns d'entre vous, d'entendre vos conseils éclairés sur cette entreprise très importante.
Nous commencerons par la déclaration préliminaire de M. Ken Sunquist, après quoi j'inviterai les membres du comité à poser des questions. Nous sommes impatients d'entendre vos réponses.
Ken Sunquist, sous-ministre adjoint, Opérations mondiales et délégué commercial en chef, Affaires étrangères et Commerce international Canada : C'est un réel plaisir que d'être ici avec des gens qui connaissent bien le sujet. Je suis accompagné par deux de mes collègues, dont l'un s'occupe davantage des questions politiques et l'autre, de l'aspect commercial. Espérons que nous aurons un dialogue constructif pour que non seulement vous puissiez apprendre quelque chose, mais également pour que nous comprenions le chemin que vous avez parcouru afin que nous soyons à même de vous aider.
J'ai quelques collègues derrière moi qui pourront répondre aux questions détaillées sur la Russie ou l'Inde. Ensemble, nous essaierons de répondre à toutes vos questions, mais si nous en sommes incapables aujourd'hui, nous vous communiquerons les réponses à une date ultérieure.
C'est avec plaisir que je m'adresse à vous afin de discuter du rôle central que jouent aujourd'hui la Chine, l'Inde et la Russie sur la scène commerciale internationale et de donner des détails sur les moyens adoptés par le gouvernement du Canada, et plus particulièrement par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, pour tirer parti des débouchés considérables en matière de commerce et d'investissement dans ces pays. Comme vous le savez, l'Inde et la Chine représentent des pays prioritaires pour le gouvernement du Canada, autant en termes de politique étrangère que de commerce international.
Le Comité se souviendra également du lancement, en 2006, du plan économique stratégique à long terme du gouvernement intitulé Avantage Canada. Ce plan vise la croissance économique du Canada grâce à la création d'avantages compétitifs permettant d'augmenter notre production et d'assurer notre réussite sur une scène commerciale mondiale en évolution constante. La Stratégie commerciale mondiale, dirigée par le ministre du Commerce international en étroite collaboration avec les autres ministères et organismes, constitue le volet « commerce international » d'Avantage Canada.
Dans le cadre de la Stratégie commerciale mondiale, le gouvernement souhaite redoubler d'efforts et étendre son réseau commercial en Chine, en Inde et en Russie afin d'offrir davantage de soutien aux entreprises canadiennes qui investissent, innovent et réussissent sur ces marchés extrêmement compétitifs. Cette expansion comprendra probablement l'allocation de ressources supplémentaires et la mise en place de nouveaux points de services pour répondre aux besoins des Canadiens désirant mettre à profit les nombreuses occasions d'affaires dans ces pays.
Je tiens à préciser que même si les États-Unis demeurent notre principal partenaire commercial et politique, la Chine, l'Inde et la Russie contribuent énormément à la prospérité future du Canada et à la création d'emplois pour les Canadiens.
Prenons quelques instants pour examiner chaque pays, ce qui est peut-être la façon la plus facile d'orienter notre discussion. Je commencerai par la Chine et décrirai certaines de nos relations dans ce pays.
Les liens économiques et personnels établis entre le Canada et la Chine existent depuis beaucoup plus longtemps que notre relation diplomatique officielle qui a débuté il y a 37 ans. Il y a quelques instants, j'évoquais, avec plusieurs membres du comité, l'époque où des missionnaires se rendaient en Chine pour nouer des relations directes avec la population. Le chinois est aujourd'hui la troisième langue parlée au Canada, après l'anglais et le français. La Chine s'avère aussi la principale source de migrants vers le Canada. En effet, le pays compte aujourd'hui 1 million de Canadiens d'origine chinoise et accueille annuellement environ 35 000 étudiants chinois dans les établissements d'enseignement canadiens.
Le Canada et la Chine jouissent d'une collaboration bilatérale étroite dans différents secteurs de dépenses. Notre pays est conscient des répercussions grandissantes de la Chine sur sa sécurité et sa prospérité et s'est donc engagé à promouvoir des liens solides et durables avec la Chine. Le ministre Emerson, d'autres ministres fédéraux ainsi que des premiers ministres et des ministres provinciaux ont visité la Chine récemment et ont discuté de toutes les questions économiques et politiques qui intéressent le Canada avec leurs interlocuteurs.
La Chine est aujourd'hui considérée comme la quatrième économie du monde, ou deuxième, si l'on tient compte des mesures de la parité des pouvoirs d'achat. Elle dispose de la plus importante réserve de devises du monde et bénéficie d'un taux de croissance annuel moyen de 9,8 p. 100 depuis le début de ses réformes économiques en 1979. La croissance de la Chine des trente dernières années peut être attribuée à différents facteurs, notamment l'adoption des principes de marché, l'augmentation rapide de la productivité découlant des transformations apportées à la main-d'œuvre chinoise, l'ouverture de son économie au commerce et à l'investissement, ainsi que son accession à l'OMC.
En 2007, le PIB de la Chine a augmenté de 11,4 p. 100 et devrait atteindre un taux similaire cette année. Le commerce représente à lui seul plus des deux tiers du PIB chinois, tandis qu'il en totalisait moins de 10 p. 100 il y a trente ans. Il est donc essentiel que le Canada apprécie le pouvoir commercial de la Chine et en tire parti pour permettre aux entreprises canadiennes, non seulement de survivre dans une époque de chaînes de valeur mondiales et de compétition grandissante, mais de prospérer.
Le développement fulgurant de la Chine est bien sûr exceptionnel, mais j'estime que nous devons examiner la réalité au-delà des chiffres. La croissance commerciale de la Chine est en grande partie le résultat de la restructuration des activités manufacturières partout en Asie du Sud. Tout au long de la montée des économies du Japon, de Taïwan et de Hong Kong dans les chaînes de valeur, la Chine a pu mettre à profit la disponibilité de ses travailleurs pour accomplir des travaux de traitement et de production à la chaîne exigeant une forte densité de main-d'œuvre. La Chine est devenue le pays de choix en ce qui a trait à l'assemblage final des biens manufacturés. Bien que la valeur ajoutée de ces produits soit généralement donnée à l'extérieur de la Chine pour des raisons de propriété intellectuelle et autres, le pays fait partie intégrante des chaînes de valeur mondiales. La Chine s'avère bien plus qu'un marché qui achète et exporte. C'est un pays qui forme des professionnels hautement qualifiés, qui offre des conditions favorables aux programmes intenses de recherche et développement et qui permet la production à moindre prix et des économies d'échelle pour les entreprises canadiennes.
Le commerce international a évolué : il est plus sophistiqué qu'auparavant et constitue aujourd'hui un modèle global complexe. En fait, nos liens bilatéraux avec la Chine en matière d'investissement sont en train de devenir un élément crucial de notre relation. D'après les données de Statistique Canada en 2006, les investissements directs chinois au Canada se sont élevés à environ 1,3 milliard de dollars, tandis que les investissements directs canadiens en Chine ont atteint à peu près 1,6 milliard de dollars.
Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, en étroite collaboration avec d'autres ministères et organismes gouvernementaux, a élaboré un plan de développement du marché chinois fondé sur Avantage Canada et la Stratégie commerciale mondiale. Le plan porte principalement sur un modèle commercial global intégrant tous les éléments relatifs aux échanges commerciaux entre les deux pays, dont l'accès aux marchés, la promotion, les investissements bilatéraux, les partenariats en science et technologie et la collaboration touchant les innovations. La mise en œuvre sur plusieurs années du plan de développement de marché permettra, notamment une augmentation des exportations canadiennes, qui passeront à 12 milliards de dollars par année d'ici 2010; une hausse des investissements chinois directs au Canada et des investissements canadiens directs en Chine, qui atteindront 10,5 milliards de dollars d'ici 2010; une part de marché plus importante pour les entreprises canadiennes dans certains secteurs prioritaires. Il s'agit là exactement du genre d'approche que le Canada doit adopter pour tirer pleinement parti de l'ascension de la Chine.
La Stratégie commerciale mondiale prévoit aussi une présence commerciale accentuée en Chine. Pour ce faire, le gouvernement allouera de nouvelles ressources aux services existants et créera de nouveaux points de services à l'intention des entreprises canadiennes par l'entremise du Service des délégués commerciaux du Canada.
Le Canada tente de conclure rapidement les négociations sur un accord de promotion et de protection de l'investissement étranger, met en œuvre l'accord Canada-Chine de coopération scientifique et technologique signé l'an dernier, travaille avec la Chine à la facilitation des investissements bilatéraux aux termes du protocole d'entente actuel sur la promotion des investissements et cherche de nouvelles voies de coopération avec la Chine concernant l'Initiative canadienne de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique.
Il con vient de préciser que l'intégration de la Chine à l'économie mondiale a été avantageuse pour le Canada, principalement grâce à l'augmentation du commerce et de l'investissement bilatéral. Cette intégration est aussi à l'origine d'autres effets positifs car la Chine offre aujourd'hui des produits bon marché aux consommateurs canadiens, elle constitue un fournisseur et un centre importants sur les chaînes de valeur pour les entreprises canadiennes, elle fait monter les prix des produits, elle est une source d'investissements ainsi qu'une destination pour les investisseurs, et pourrait participer à des partenariats en matière d'innovation.
Mon ministère déploie des efforts pour donner des chances égales aux entreprises canadiennes sur le marché chinois. Il veut aussi s'assurer que le Canada est en mesure de tirer parti des débouchés en Chine, d'une manière qui avantage tous les Canadiens et contribue à la prospérité du pays.
Tournons-nous maintenant vers un autre géant asiatique : l'Inde. Son économie en croissance rapide et son large bassin de professionnels qualifiés font de l'Inde un partenaire essentiel dans le cadre du programme de prospérité du Canada. Nos échanges bilatéraux de marchandises ont atteint un niveau record en 2007, avec 3,7 milliards de dollars. Les exportations canadiennes vers l'Inde ont augmenté de 5,2 p. 100 pour atteindre 1,8 milliards de dollars, tandis que les importations en provenance de l'Inde ont connu une hausse de 3,2 p. 100.
L'investissement bilatéral progresse aussi, bien qu'à un rythme moins rapide qu'on le souhaite. Cependant, le total de l'investissement direct étranger ne reflète probablement pas du tout l'envergure des montants utilisés en raison des difficultés liées au suivi de ce type d'investissement. D'après les estimations, les investissements d'entreprises indiennes au Canada se sont élevés à 11 milliards de dollars en 2007.
Les négociations sur un accord de promotion et de protection de l'investissement étranger se sont terminées au milieu de 2007. La signature de l'accord est prévue d'ici la fin de 2008. La conclusion de cet accord envoie un message positif aux investisseurs indiens et canadiens et solidifie nos liens commerciaux.
À la suite d'une visite en juin 2007 du ministre indien du Commerce et de l'Industrie, M. Kamal Nath, une étude sur la possibilité de négocier un accord de libre-échange a été lancée conjointement par la confédération des industries indiennes et le Conseil canadien des chefs d'entreprise. Les résultats de cette étude devraient être publiés sous peu.
Du point de vue du Canada, l'importance de l'Inde au sein de l'économie mondiale repose sur deux facteurs. Premièrement, l'Inde a le potentiel de devenir la troisième économie du monde d'ici 2050. Sa classe moyenne grandissante, son PIB par habitant, sa population et ses besoins en infrastructures stimuleront la demande intérieure de ressources, de biens fabriqués et de services. Deuxièmement, l'Inde pourrait aussi devenir une plaque tournante régionale pour la fabrication. En effet, elle pourrait constituer le prochain centre de la fabrication bon marché, après la Chine, et un maillon clé des chaînes de valeur mondiales en constant changement.
Outre cette évolution vers la fabrication bon marché, l'Inde est également en train de devenir une économie fondée de plus en plus sur le savoir. Ses atouts dans des secteurs comme les technologies de l'information et des communications en font un partenaire clé en matière de science et de technologie, comme en témoigne l'accord de coopération scientifique et technologique en vigueur entre nos deux pays depuis 2005-2006.
Le gouvernement du Canada a élaboré un plan de développement du marché indien qui aidera notre pays à accroître sa présence commerciale sur ce marché. Tenant compte du fait qu'en général, le Canada accuse un retard par rapport à d'autres concurrents mondiaux qui sont déjà actifs en Inde, ce plan de développement pluriannuel incitera davantage d'entreprises canadiennes à mettre à profit des débouchés sur ce marché. De plus, il permettra de mieux faire connaître les capacités et les points forts du Canada en vue d'en faire un centre d'excellence pour le talent, l'innovation, l'investissement, la production à valeur ajoutée et le commerce. Ce plan nous donnera également les moyens d'influencer davantage les politiques et les règlements de l'Inde en matière de commerce, d'investissement et d'économie.
Le plan de développement du marché indien fixe également des objectifs ambitieux sur le plan de la croissance, lesquels comprennent : l'augmentation des exportations canadiennes jusqu'à près de 2 milliards de dollars par an d'ici 2010; la hausse de l'investissement étranger de l'Inde au Canada et de l'investissement direct du Canada en Inde à 1 milliard de dollars d'ici 2010; et une part plus importante du marché pour les entreprises canadiennes dans certains secteurs prioritaires.
Bien qu'il existe d'importants débouchés en matière de commerce et d'investissement sur le marché indien, les entreprises canadiennes doivent tout de même surmonter plusieurs difficultés, lesquelles entrent dans l'une des deux catégories suivantes : les difficultés sur le plan de l'expansion des affaires, notamment le manque de visibilité des capacités canadiennes sur le marché indien, le dynamisme des concurrents déjà actifs sur ce marché, le manque de renseignements stratégiques sur le marché, ainsi que l'accès limité à du financement et des capitaux pour les entreprises canadiennes; et les difficultés liées aux politiques et à l'accès, notamment l'absence d'un accès sûr au marché, les règlements restrictifs à l'égard des importations, les limites imposées aux fournisseurs étrangers de services, l'application des droits de propriété intellectuelle et les irrégularités occasionnelles dans les modalités régissant les contrats. Nous redoublerons d'efforts avec l'Inde afin d'améliorer substantiellement la situation à court terme.
Enfin, permettez-moi de vous donner un bref aperçu des débouchés qu'offre l'économie russe en raison de sa taille et de son taux de croissance, ainsi que de vous entretenir sur les réussites du Canada et les difficultés qu'il éprouve à obtenir une part de ce marché en pleine expansion.
La Russie arrive désormais au 10e rang des économies les plus importantes du monde et connaît des taux de croissance allant de 6 à 8 p. 100 annuellement depuis l'an 2000. Attribuable à des réserves considérables d'énergie et de ressources naturelles, cette croissance devrait se poursuivre au cours des cinq prochaines années. Les revenus par habitant augmentent aussi rapidement, la classe moyenne ne cesse de croître, représentant environ 20 p. 100 de la population, et le consumérisme monte en flèche.
La Russie s'est fixé comme objectif de devenir une puissance économique mondiale et s'intègre de plus en plus à l'économie internationale. Par exemple, elle est déterminée à devenir membre de l'Organisation mondiale du commerce et de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Elle fait des progrès pour harmoniser ses lois et ses règlements avec les normes internationales. Elle a élargi et renforcé ses intérêts économiques dans les républiques de l'ancienne Union soviétique et a consolidé sa position d'acteur mondial en tirant parti de la dépendance d'autres pays à ses réserves considérables d'énergie et de ressources naturelles.
Suivant la croissance économique russe, les exportations canadiennes de marchandises vers la Russie ont augmenté en moyenne de 38 p. 100 par année depuis 2000 et se sont chiffrées à plus de 1,2 milliard de dollars en 2007. En fait, de 2000 à 2007, la Russie est passée de la 40e à la 20e destination pour les exportations canadiennes de marchandises, lesquelles se composent essentiellement de machines et de matériel pour les secteurs pétrolier, gazier et agricole, de matériel de transport, de viande, de poisson et de fruits de mer.
La nécessité de moderniser les infrastructures et le matériel en Russie a également créé des débouchés pour les fournisseurs canadiens dans ces secteurs. Nous saluons tout particulièrement les efforts déployés par Agriculture et Agroalimentaire Canada pour mettre à profit ces débouchés. En fait, l'agriculture est l'un des secteurs qui croissent le plus rapidement dans les trois pays dont je parle.
Hôte des Jeux olympiques d'hiver de 2014, à Sochi, la Russie a déjà sollicité le savoir-faire du Canada qui prépare actuellement les Jeux de 2010, ce qui donne lieu à de nouvelles occasions d'exportation, principalement dans les secteurs des services et du bâtiment. Les activités commerciales du Canada en Russie ont même justifié l'ouverture d'une succursale de la Banque Scotia à Moscou en novembre dernier.
Les entreprises canadiennes n'ont cependant pas été aussi visibles et actives que leurs concurrente américaines, européennes et asiatiques pour ce qui est de tirer profit des avantages considérables que présentent la Russie d'aujourd'hui en pleine expansion. Comment explique-t-on ce retard?
Premièrement, il semble y avoir un problème de perception et de sensibilisation. Les milieux d'affaires canadiens sous-estiment de façon générale la vigueur et le potentiel commercial de l'économie russe. On retrouve également les mêmes perceptions erronées du côté des entreprises russes à l'égard du Canada. Il s'avère donc considérablement difficile d'améliorer l'image du Canada en tant que source d'approvisionnement auprès des acheteurs russes et comme destination pour les investisseurs étant donné que le Canada est relativement mal connu en Russie.
Nous souhaitons renforcer l'accord sur la protection des investissements étrangers que nous avons conclu avec la Russie.
Exportation et développement Canada contribue également à combler les besoins en matière de gestion des risques qu'éprouvent les entreprises canadiennes en Russie, qui est l'un de leurs marchés en pleine expansion.
Les relations économiques entre nos deux pays continuent de se développer. Toutefois, la gestion de nos relations politiques demeure quelque peu complexe, notamment parce que la Russie s'affirme de plus en plus sur la scène internationale. Parmi les positions récentes adoptées par la Russie qui ont suscité des préoccupations de la part du Canada et de ses partenaires du G8, citons son opposition à l'indépendance du Kosovo, à l'élargissement de l'OTAN et aux nouveaux sites de défense antimissile de l'Europe de l'Est.
Même s'il existe des divergences d'opinion au sein de la sphère politique mondiale, sur le plan bilatéral, nous entretenons un dialogue permanent et ouvert avec la Russie sur un ensemble de questions, notamment la sécurité, la lutte contre le terrorisme, le fédéralisme, le multiculturalisme et la gouvernance, ce qui permet de resserrer nos liens. La croissance économique importante et stable de la Russie est de bon augure pour le Canada. Le Service des délégués commerciaux du Canada a pour mandat d'aider à combler les écarts, et il y a une augmentation des relations commerciales avec ces trois pays.
Je vous remercie de nous avoir invités à venir vous parler de l'importance grandissante de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans les relations commerciales avec le Canada. Durant la période de questions, nous pourrons discuter davantage de l'élaboration de politiques et des initiatives lancées par le gouvernement pour aider les entreprises canadiennes à profiter du potentiel commercial énorme de ces marchés.
Le président : Je me demandais si vous pouviez nous donner des informations sur les relations commerciales entre la Chine et le Canada. Serait-il possible d'avoir des chiffres en ce qui concerne les exportations et les importations?
M. Sunquist : Le PIB de la Chine est de 3 billions de dollars et son taux de croissance est de 11,4 p. 100; les réserves de devises sont de 1,5 billion de dollars et le taux d'inflation tourne autour de 4,8 p. 100. Les principales exportations de la Chine visent le matériel électrique et autre, les vêtements tissés, ainsi que les instruments médicaux et optiques. Les principales importations concernent presque les mêmes produits, notamment le matériel électrique.
Voici le problème majeur : nos importations en provenance de Chine se chiffrent à environ 38 milliards de dollars et augmentent de 11 p. 100 chaque année. En revanche, les exportations canadiennes représentent environ 9,3 milliards de dollars et augmentent de 21 p. 100 d'une année à l'autre.
En gros, on parle de 38 milliards de dollars d'importations de Chine, et de 10 milliards de dollars d'exportations canadiennes vers ce pays. Leurs exportations progressent de 11 p. 100, et les nôtres de 21 p. 100.
Le président : Leurs gens d'affaires doivent être meilleurs que les nôtres, ou alors ils ont une force de vente plus efficace que la nôtre. Il s'agit d'une différence très marquée. Vous dites que nous avons un déficit commercial de 30 milliards de dollars avec la Chine, est-ce bien cela?
M. Sunquist : La question n'est pas de savoir qui est meilleur en affaires, mais peut-être qui est le plus dynamique. Je crois que les Chinois ont pris des mesures énergiques pour s'ouvrir aux marchés mondiaux. Ils reconnaissent depuis un certain temps que leur croissance et leur prospérité dépendent du marché extérieur. Le consumérisme s'installe graduellement en Chine, et ce sera la source d'une croissance future.
En revanche, les entreprises canadiennes, en particulier les petites et les moyennes entreprises, se tournent d'abord vers le marché américain. On peut dire que c'est un luxe que personne d'autre ne peut s'offrir. Grâce au Service des délégués commerciaux du Canada, nous savons qu'environ 20 000 à 22 000 entreprises canadiennes traversent la frontière chaque année, qu'il y en a environ 3 000 qui vont en Chine et 6 000 en Europe. Nous pouvons savoir où les entreprises canadiennes sont actives en regardant lesquelles traitent avec notre Service des délégués commerciaux du Canada.
Je crois que nos entreprises doivent se rendre compte des débouchés qu'offre ce pays. Je ne dis pas que tout le monde devrait faire affaire avec la Chine, mais que chaque entreprise devrait élaborer une stratégie pour la Chine. Par exemple, si vous vivez à Moose Jaw ou à Sherbrooke, attendez-vous à ce que les Chinois viennent vous concurrencer sur votre marché intérieur. Ils vous livreront concurrence sur vos marchés actuels, par exemple aux États-Unis, et aussi en Chine. Vous n'avez pas besoin d'être établis là-bas, mais chaque entreprise canadienne doit avoir une stratégie pour la Chine.
Peter McGovern, directeur général, Relations commerciales bilatérales : Asie et Amériques, Opérations mondiales, Affaires étrangères et Commerce international Canada : L'une des dimensions intéressantes des exportations chinoises, c'est de savoir à quoi elles servent. Des études américaines démontrent que près de la moitié de la valeur des exportations chinoises aux États-Unis, qui se chiffrent à 300 milliards de dollars, est obtenue par le commerce interentreprises. Je vais vous donner un exemple : Moffatt a une usine en Chine qui exporte des marchandises à l'usine Moffatt aux États-Unis, où on assemble les pièces de la gamme vendue chez Sears.
Il y a un volet du commerce avec la Chine qui rend les entreprises concurrentielles sur le plan de la vision ou des chaînes de valeur mondiales. Même si nous n'avons pas mené d'études sur les importations canadiennes en provenance de Chine, j'imagine que ça doit être un peu pareil. Nous avons entendu dire que des entreprises de meubles du Québec envoient du bois d'érable en Chine, où il est traité puis renvoyé au Canada pour y être assemblé. Cela permet à ces entreprises de demeurer concurrentielles et de vendre leurs produits sur le marché américain. C'est le genre de situations complexes que l'on retrouve aujourd'hui dans le contexte de la mondialisation.
Le président : Ces observations sont une bonne introduction à nos questions.
Le sénateur Dawson : Monsieur Sunquist, vous avez dit que la valeur ajoutée de ces produits est généralement donnée à l'extérieur de la Chine pour des raisons de propriété intellectuelle, entre autres. Pouvez-vous nous en parler davantage?
Deuxièmement, en ce qui concerne l'investissement étranger direct au Canada, lesquels de nos secteurs intéressent les Chinois, et quels produits chinois nous intéressent?
Troisièmement, vous avez indiqué que le MAECI s'efforce de donner des chances égales aux entreprises canadiennes sur le marché chinois. Pouvez-vous nous donner un exemple d'une situation où les chances sont inégales et nous dire ce que nous faisons pour corriger la situation?
M. Sunquist : Je vais répondre à ces questions avec l'aide de M. McGovern. Je dois mentionner que M. McGovern est responsable des relations commerciales pour l'Asie et les Amériques, et que M. Houlden est chargé des relations politiques pour l'Asie du Nord. Celui-ci est en poste depuis tout récemment en Chine et à Taïwan, et j'ai déjà travaillé là-bas. C'est un endroit fascinant pour vivre et faire des affaires.
Les questions que vous avez soulevées sont très intéressantes. En ce qui concerne la propriété intellectuelle, nous avons longtemps cru que les institutions chinoises cherchaient à acquérir nos meilleures technologies. Certains appelleraient cela de l'ingénierie inverse, et d'autres, l'adoption de nos normes. Quoi qu'il en soit, cela a longtemps été un énorme problème pour beaucoup d'entreprises. Toutefois, les Chinois ont progressé dans la chaîne de valeur. Par exemple, ils construisent maintenant des ordinateurs portatifs IBM; donc, pour la première fois, ils doivent protéger eux aussi quelque chose. Les tribunaux chinois sont aux prises avec de véritables problèmes, car les entreprises doivent protéger leur propriété intellectuelle.
Les entreprises canadiennes, américaines et européennes ont toujours craint de perdre leur propriété intellectuelle sur leurs produits, autant pour les logiciels que pour les produits manufacturés. Nous avons tenté de résoudre ce problème en offrant, par exemple, de la formation financée par l'ACDI aux juges sur une grande variété de sujets. Nous avons utilisé toutes nos ressources politiques et nos leviers commerciaux pour nous attaquer aux causes profondes du problème. La question de la propriété intellectuelle continue manifestement de préoccuper bon nombre d'entreprises canadiennes, qui se demandent jusqu'où peut aller la Chine.
Pour la deuxième question, j'ai demandé à M. McGovern de vous fournir plus de détails. Les investissements étrangers au Canada et en Chine ont commencé principalement lorsque les Canadiens se sont intéressés, notamment, à l'exploitation minière en Chine, et quand le pétrole, le gaz et les minéraux canadiens ont attiré l'attention des Chinois. Nous nous sommes ouverts des deux côtés, en partie en raison de certaines difficultés que nous éprouvions tous les deux dans le domaine minier. Les entreprises canadiennes en Chine ont le droit d'explorer, mais pas d'exploiter. Elles pourraient trouver un gisement d'or, mais elles ne pourraient rien faire de plus.
Nous allons beaucoup plus loin maintenant. Par exemple, Nortel a sept coentreprises en Chine. Manulife, Sun Life et la Banque de Montréal sont également présentes là-bas. Il y a une grande variété d'investissements.
M. McGovern : On doit se rappeler que les investissements chinois au Canada représentent 0,3 de 1 p. 100 du total des investissements étrangers au pays. Les Chinois mettent au point des stratégies d'investissement pour le Canada. Manifestement, ils s'intéressent aux ressources naturelles, pétrolières et gazières. En ce qui concerne notre plan commercial en Chine, le Canada s'intéresse à l'agriculture, aux technologies de l'information et des communications, aux industries automobile et aérospatiale, et aux bioindustries.
C'est intéressant, car cela illustre l'orientation plus sophistiquée que prend la Chine relativement aux investissements simples, comme on peut le voir avec les entreprises qui délocalisent leur production. Fait intéressant, ces entreprises quittent la Chine pour aller s'établir dans des pays comme le Vietnam pour produire à bas coût. Les chaînes de valeur mondiales se positionnent, ce qui nous donne une idée de l'évolution des marchés.
Le sénateur Dawson : La troisième question portait sur l'égalité des chances.
M. Sunquist : Je n'aime pas l'idée que les chances soient égales pour tous. Je préfère toujours avoir l'avantage. Cela dit, il y a de nombreux problèmes. Par exemple, la Chine a conclu une série d'accords de libre-échange bilatéraux et il y a le fait, bien sûr, que beaucoup de personnes peuvent se rendre là-bas.
Ces cinq dernières années, nos meilleures réalisations en matière de politique commerciale en Chine ont été les négociations sur le transport aérien. Nous avons obtenu l'autorisation d'effectuer 66 vols par semaine, au lieu de 15. Qu'est-ce que cela signifie? Plutôt que de débarquer à Beijing et à Shanghaï, où sont tous nos concurrents, nous pouvons nous rendre jusque dans les autres provinces, ce qui nous donne l'occasion de pénétrer à l'intérieur des terres et de faire quelque chose de différent.
Quels sont les outils dont nous pourrions nous servir? Ce pourraient être les groupes d'amitié parlementaires, les accords de libre-échange ou les missions commerciales dans les entreprises chinoises.
Comment nous préparons-nous pour les Olympiques de 2010? Le premier ministre Campbell veut se rendre en Chine pour être en mesure de donner un bon coup d'envoi aux Jeux de 2010 qui se dérouleront dans sa province.
Comment utiliser ces outils? Je dis qu'être sur un pied d'égalité est la solution la moins acceptable, mais comment pouvons-nous aller plus loin que cela? Nous pouvons évaluer notre avantage, chercher les outils nécessaires et les utiliser.
Je vous ai parlé de la propriété intellectuelle. La formation des juges aux valeurs canadiennes en matière de propriété intellectuelle serait vraiment profitable pour les entreprises implantées sur le terrain.
Le président : On a critiqué le manque de dynamisme des entreprises canadiennes, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Ensuite, on a dit qu'elles devaient avoir des chances égales.
Lors d'entretiens privés, des représentants d'entreprises m'ont indiqué que les règles du jeu n'étaient pas équitables, car les institutions n'ont pas les reins assez solides pour protéger les investissements, et les règles de droit, les règlements juridiques et bancaires et les choses de ce genre sont très différents. Est-ce un problème grave? Je ne parle pas uniquement de la Chine, mais aussi de la Russie et de l'Inde.
M. Sunquist : Je suis d'accord avec vous, sénateur, à propos de tous ces pays. Pourquoi voulons-nous des accords sur la protection des investissements étrangers avec chacun d'eux? Simplement pour donner à nos entreprises et aux provinces davantage l'assurance qu'il y a un cadre légal de réglementation pour ce qu'elles font.
Je ne veux pas comparer notre dynamisme à celui d'autres pays. À titre d'exemple, l'Australie a deux fois plus d'investissements en Chine que nous, et elle en retire des avantages d'aval. Nos contacts avec la Chine remontent à 40 ou 50 ans, ce qui est mieux que la plupart des pays; pourtant, nous n'avons pas encore trouvé le moyen d'en tirer profit.
L'Inde commence à s'ouvrir au reste du monde de plusieurs façons. Les grandes entreprises canadiennes n'ont pas investi là-bas, mais quelques petits entrepreneurs l'ont fait et obtiennent de bons résultats. Nous n'avons pas encore attiré les grandes entreprises; c'est pourquoi nous avons commencé à collaborer avec le Conseil canadien des chefs d'entreprises pour nous assurer que les dirigeants examinent les possibilités qui s'offrent à eux.
À certains endroits, c'est difficile d'être en concurrence avec les États-Unis, qui garantissent un marché à long terme et un système judiciaire que les gens connaissent et trouvent satisfaisant.
Dans la plupart de mes observations, j'ai parlé de la façon dont nous pouvons passer le message au secteur privé, à la population du Canada, en leur parlant des débouchés des pays comme l'Inde, par exemple. Comment pouvons-nous faire mieux? Je n'en suis pas certain.
Le président : Le revers de la médaille, c'est que certaines entreprises ont indiqué qu'il est très difficile de rivaliser avec nos concurrents, dans ces pays où il n'y a pas de législation du travail. Ils n'ont pas le genre de restrictions ou d'exigences qu'on retrouve dans un pays plus démocratique. Est-ce aussi un problème?
M. Sunquist : Sénateur, nous pourrions voir cela autrement. Nous faisions des blagues, au début, en disant que plus le titre est long, plus le salaire est petit, et à propos du fait d'être délégué commercial en chef et d'avoir un service d'environ 1000 personnes à l'étranger. On a beaucoup parlé, dernièrement, de la responsabilité sociale, des valeurs et de l'éthique des Canadiens. Généralement, lorsqu'elles vont à l'étranger, la plupart de nos entreprises apportent avec elles les valeurs et l'éthique canadiennes. Selon moi, les entreprises canadiennes n'ont pas connu un succès considérable sur certains marchés parce qu'elles ont des valeurs et une éthique, alors que certains de nos concurrents n'hésitent pas à emprunter d'autres voies. Je suis heureux de pouvoir dire cela à propos des entreprises canadiennes en général. Elles ne sont pas souvent aux prises avec les problèmes de certains de nos compétiteurs. D'une part, oui, cela réduit les succès commerciaux, mais d'autre part, je crois que nous devrions nous réjouir que nos entreprises aient ces valeurs.
M. McGovern : L'un des éléments importants qui encouragent la Chine et l'Inde à respecter davantage le droit commercial international, c'est que ces deux pays sont membres de l'Organisation mondiale du commerce. L'adhésion de la Chine à l'OMC représente une avancée très importante. L'Inde est maintenant l'un des chefs de file du cycle de négociations de Doha. L'application multilatérale des lois et des règles commerciales lie ces pays à la réglementation internationale dont les gens d'affaires canadiens ont besoin afin d'obtenir la stabilité nécessaire pour pénétrer un marché et savoir qu'ils pourront être traités de façon équitable.
M. Gordon Houlden, directeur général, Direction générale de l'Asie orientale, Relations bilatérales, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Mes collègues ont souligné le rôle de l'OMC, qui a été important non seulement pour changer l'industrie chinoise, mais également pour mettre en place des normes internationales.
Il a été très utile pour certains dirigeants chinois également, qui s'en sont servis pour forcer la modernisation de l'industrie chinoise, ce qui a favorisé la concurrence. Je sais que la Chine est considérée comme un puissant exportateur, mais c'est aussi un grand importateur, et l'adhésion à l'OMC était absolument essentielle pour elle. Savoir que ce pays est assujetti à l'arbitrage et à l'autorité réglementaire internationale sur une base collective est positif. Bien entendu, le bilan n'est pas parfait, mais il y a des moyens par lesquels nous pouvons obliger la Chine à respecter les règles, nous l'avons déjà fait, et d'autres pays ont la même protection avec les mêmes règles. L'intégration de la Chine, au moyen du commerce et de ses institutions, revêt une importance historique pour ce pays et pour le nôtre.
Le sénateur Johnson : J'allais poser une question sur la nécessité d'améliorer notre image, comme vous l'avez mentionné, mais vous en avez déjà parlé.
Combien d'entreprises, qu'elles soient moyennes, petites ou grandes, sont présentes en Chine, en Inde et en Russie? Le savez-vous?
M. Sunquist : Si vous voulez, je peux fournir à la greffière les chiffres exacts et une ventilation des entreprises.
Le sénateur Johnson : Ce serait bien.
M. Sunquist : Il y a environ 2 500 ou 3 000 entreprises canadiennes qui s'intéressent au marché chinois. Je dois vérifier combien d'entre elles y font des affaires de manière soutenue. J'ai ces chiffres. Il y en a beaucoup moins en Inde. On en retrouve à peu près le même nombre en Russie. Je vais vous fournir les données exactes.
Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que les PME ont initié le mouvement et que les grandes entreprises investissent maintenant dans presque tous ces endroits.
Le sénateur Johnson : Les Canadiens étant reconnus pour leur prudence, savez-vous quel genre d'entreprises a tendance à investir dans ces pays?
M. Sunquist : Dans le cas de la Chine, les grandes institutions financières — Manuvie, la Banque Scotia, la Banque de Montréal, Sun Life — se débrouillent fort bien. Les Chinois aiment ces entreprises parce qu'elles jouissent d'une bonne réputation et qu'elles sont crédibles. Les sociétés minières sont également de gros joueurs.
Ce sont surtout les petites et moyennes entreprises qui investissent en Chine. Je ne fais pas toujours la promotion de ce marché auprès des PME parce que les coûts y sont très élevés. On ne brasse pas des affaires la première fois qu'on y va. Il faut commencer par établir des relations personnelles, chose difficile pour les PME qui ont un portefeuille plus petit.
Le sénateur Johnson : Y a-t-il des partenariats publics-privés actuellement en place pour encourager les Canadiens à investir dans le marché international?
M. Sunquist : Pas à ma connaissance, mais je peux me tromper. Je ne crois pas qu'il y en ait.
Le sénateur Johnson : Je trouve cela curieux. Les petites et moyennes entreprises pourraient en bénéficier.
Y a-t-il des facteurs qui dissuadent les investisseurs de s'implanter en Chine ou en Inde? Je songe, par exemple, à la corruption, au régime en place, aux règles et règlements en vigueur, au fait qu'on ne veut pas de nous là-bas?
M. Sunquist : Pour ce qui est de la Chine et de l'Inde, la réglementation représente le principal défi des nouvelles entreprises qui veulent s'installer dans ces marchés. Dans le cas de l'Inde, je dirais que son passé protectionniste y est pour beaucoup. Dans le cas de la Chine, il vaut mieux avoir des règlements que de ne pas en avoir du tout. D'après le régime politique, tout doit être réglementé.
Les questions de réglementation et leur résolution accaparent de plus en plus les ressources du Service des délégués commerciaux du Canada dans les deux pays, alors que de nouvelles entreprises cherchent à s'implanter dans ces marchés. Il s'agit d'un problème très courant.
Il y a une petite entreprise canadienne qui voulait livrer concurrence au Poulet frit Kentucky. Elle devait acheter une ferme de poulets et devenir le plus gros producteur de poulets de la région de Shanghai. Elle voulait mettre la main sur le réseau de distribution. Sa tâche a été compliquée à toutes les étapes à cause des règlements. La Chine ne voulait riens savoir du CSA, des normes canadiennes de sécurité et de conformité. Elle ne voulait rien savoir des critères de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. La petite entreprise a dû se battre à toutes les étapes. Elle avait un grand projet en tête, soit initier les Chinois à la malbouffe. Comment le dire autrement? Elle avait raison.
Le sénateur Johnson : Ce n'est pas le genre de chose qu'il faut promouvoir.
M. Sunquist : La Chine était en train de délaisser le riz au profit des protéines, des produits alimentaires. Les Chinois voulaient avoir accès à des plats-minutes parce que leur rythme de vie s'accélérait. L'entreprise canadienne s'est laissé porter par la vague, mais elle a été confrontée à de nombreux problèmes en raison de ces règlements, ce qui n'a rien d'exceptionnel.
Donc, le premier obstacle, c'est la réglementation. Le deuxième, c'est probablement le financement et le fait de convaincre les institutions financières canadiennes de fournir de manière soutenue du crédit aux entreprises qui ont besoin de fonds de roulement pour s'implanter dans un marché.
Il faut apprendre à bien connaître les sociétés chinoises, car il y a 10 ou 15 ans, la plupart des entreprises avec lesquelles on pouvait établir un partenariat appartenaient à l'État. Elles ne représentaient pas nécessairement le meilleur partenaire.
Je raconte à la blague que j'ai quitté la Chine en 2008. Quand les gens me disent, « alors, vous êtes un spécialiste de la Chine », je leur réponds que lorsqu'on s'absente du pays pendant six mois, on est hors du coup parce que la Chine évolue très rapidement. Aujourd'hui, les coentreprises avec lesquelles nous cherchons à nous associer n'appartiennent pas à l'État. Celles qui participent aux gros projets sont peut-être des sociétés d'État, mais pas les entreprises moyennes.
Le sénateur Johnson : Compte tenu du fait que vous venez de quitter la Chine, dans quelle mesure les diplomates arrivent-ils à régler ces problèmes dans ces pays?
M. Sunquist : Vous posez la question à trois diplomates.
Mme McGovern : Je dirais qu'ils se débrouillent fort bien.
Le sénateur Johnson : Je voulais alléger un peu la discussion.
M. Sunquist : Je pense qu'il faut amener tous les intervenants au sein du gouvernement à collaborer ensemble, à travailler en équipe pour venir à bout de bon nombre de ces questions.
Le problème, c'est le cloisonnement administratif. Si l'agroalimentaire est l'un des secteurs qui connaît la plus forte croissance, alors Agriculture et Agroalimentaire Canada, le MAECI et peut-être les provinces doivent faire beaucoup plus pour l'appuyer.
Nous avons constaté, ces dernières années, que ce n'est pas nécessairement juste un ministre fédéral qui va diriger une mission commerciale. Les premiers ministres et ministres des provinces le font aussi. On semble privilégier davantage l'approche gouvernementale globale.
Il y a quelques années, cinq premiers ministres provinciaux se sont rendus en Chine au cours d'une période de quatre mois. Les portes se sont ouvertes pour le premier, et ensuite pour le deuxième. Qui a rencontré le cinquième? Personne, parce qu'ils avaient déjà pris contact avec tout le monde. La question qu'il faut se poser est la suivante : comment pouvons-nous amener les gens à travailler dans un esprit beaucoup plus collégial?
Voici un autre exemple : les Chinois, quand ils ont cherché à investir au Canada, ont constaté que les barrières commerciales interprovinciales constituaient un enjeu majeur. Ils connaissent mieux les modalités des propositions Alberta-Colombie-Britannique que la plupart des gens au Canada. Ils sont à la recherche d'endroits où investir. Ils veulent investir au Canada, mais s'ils ne peuvent — et cela vaut pour n'importe quel pays — faire certaines choses, ils vont se retenir.
Nous nous demandons pourquoi l'IDE pose problème. C'est à cause de certains différends entre le fédéral et les provinces.
Nous estimons — en tant que diplomates, délégués commerciaux, représentants du gouvernement fédéral — que la solution se situe essentiellement du côté du réseau fédéral-provincial-territorial. Je viens d'organiser une réunion des sous-ministres adjoints du niveau FPT. Le ministre Emerson vient d'en organiser une avec les ministres du commerce. Ils analysent ces marchés difficiles et voient ce qui peut être fait d'un point de vue réaliste.
Le président : Je vous demanderais d'être plus brefs. Il y a de nombreux sénateurs qui veulent poser des questions.
Le sénateur Johnson : Je n'ai pas encore abordé le sujet de l'environnement.
Le président : Nous en discuterons plus tard.
Le sénateur Grafstein : Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je suis heureux de vous rencontrer. Vous possédez tous une longue expérience de ces marchés. M. Sunquist a dit, et j'ai bien aimé son commentaire, que les liens entre le Canada et la Chine existent depuis plus longtemps que notre relation diplomatique officielle qui a débuté il y a 37 ans. Nous entretenons des liens actifs avec le peuple chinois depuis 130 ans.
Je suis content que vous ayez parlé des deux mythes qui concernent le Canada. Le premier est que nous sommes une nation à la fois commerçante et non commerçante. Nous entretenons des relations commerciales avec les États-Unis. Or, si nous enlevons les États-Unis de l'équation, nous ne sommes plus une nation commerçante. L'autre mythe est que nous avons un marché libre au Canada, ce qui n'est pas le cas. Merci d'avoir abordé ces points.
Nous n'avons pas de marché unique au Canada. Nous avons un accord de libre-échange avec les États-Unis, mais il est plus facile pour nous de faire affaire avec les États-Unis dans certains cas qu'avec les provinces.
J'aimerais poser trois questions distinctes au sujet de ces marchés. D'abord, pouvez-vous nous dire combien le gouvernement du Canada investit dans le service des délégués commerciaux en Chine, en Russie et en Inde, comparativement aux États-Unis? Combien de délégués avons-nous?
M. Sunquist : Je peux répondre à la question, vous dire combien de délégués ont les Américains, les Britanniques et les Australiens. Je vous ferai ensuite parvenir des renseignements plus détaillés.
Nous avons, à l'heure actuelle, une soixantaine de délégués en Chine, ce qui est beaucoup moins que les États-Unis ou l'Australie.
Le sénateur Grafstein : Combien de bureaux commerciaux avons-nous? Je sais que vous avez une soixante d'employés, mais combien y a-t-il de bureaux?
M. Sunquist : Je n'avais pas bien compris la question. Je vous ai donné le total.
Nous avons des bureaux à Beijing, Shanghai, Guangzhou, Chongqing et Hong Kong. Nous sommes en train de déterminer quel genre de présence nous devrions avoir.
Les Australiens ont environ 17 bureaux, et les Américains, à peu près le même nombre. Les Français et les Britanniques en ont un peu moins, mais plus que nous.
Le sénateur Grafstein : Qu'en est-il du Japon?
M. Sunquist : Le Japon est présent à peu près partout, mais ils ont une autre façon de faire.
Le sénateur Grafstein : Et l'Inde et la Russie?
M. Sunquist : Nous avons des bureaux à New Delhi, Mumbai et Chandigarh. Ils sont plus gros. Ceux de Chennai et Bangalore sont plus petits. Bref, nous avons moins de bureaux que nos concurrents.
Le sénateur Grafstein : Et dans le cas de la Russie?
M. Sunquist : Nous n'avons qu'un bureau en Russie. Les Américains et les Britanniques en ont chacun quatre ou cinq.
Le sénateur Grafstein : Ne seriez-vous pas d'accord pour dire que si nous voulons transiger avec ces pays, nous devons accroître de façon radicale et considérable les ressources du service des délégués commerciaux dans chacun de ces pays?
M. Sunquist : Absolument, sauf que cette question relève probablement de la politique gouvernementale.
Le sénateur Grafstein : Le deuxième point concerne les sociétés d'État. Nous avons du mal à accepter que des sociétés d'État investissent au Canada. Selon nous, les règles du jeu ne sont pas équitables. Quelle approche adoptez- vous à l'égard des sociétés d'État dans chacun de ces trois marchés, et comment devons-nous composer avec la situation? Qu'arrive-t-il quand ils investissent ici par le biais de leurs sociétés d'État? J'aimerais savoir quelle est la politique du ministère à ce sujet, parce que j'ai du mal à la comprendre.
M. Sunquist : C'est une question légitime. Je pense que le ministre Emerson a été assez clair là-dessus. Nous ne sommes pas contre les sociétés d'État en tant que telles, pourvu qu'elles ne tiennent pas lieu d'instrument pour promouvoir la politique étrangère d'un autre gouvernement.
Le ministre Prentice, si je ne m'abuse, a fait le même genre de commentaire pour ce qui est de la Loi sur Investissement Canada et des dispositions qui pourraient, ou non, être revues. En fait, nous cherchons des investissements du secteur privé et du secteur public, à la condition qu'ils servent les intérêts du Canada.
Le ministre Emerson a essayé d'être très clair, car les médias ont fait grand cas de cette question en Chine, et un peu moins, en Russie.
Le sénateur Grafstein : Est-il juste de dire, monsieur Sunquist — et je ne prétends pas parler pour vous —, qu'il faut procéder au cas par cas, que nous n'avons pas vraiment de politique générale qui s'applique à ces trois marchés?
M. Sunquist : Notre politique générale est la suivante : nous sommes ouverts aux investissements. Le projet, s'il est suffisamment important et qu'il attire notre attention, va faire l'objet d'un nouvel examen si, pour une raison ou une autre, nous estimons qu'il ne sert pas les intérêts du Canada.
M. Houlden : Je voudrais faire un commentaire au sujet du rôle de la Chine et des sociétés d'État. La Chine a adopté une approche très différente de celle de l'Union soviétique quand elle a entrepris ses réformes économiques. Elle a choisi de laisser intact les sociétés d'État qui employaient des dizaines de millions de personnes parce qu'elle craignait les conséquences de leur démantèlement.
Ils ont laissé le secteur privé prendre de l'expansion rapidement de sorte qu'il y a maintenant en Chine, chose assez étonnante, des entreprises privées très grandes qui opèrent à côté des sociétés d'État. En fait, en termes d'activité économique, elles ont complètement supplanté les sociétés d'État.
La Chine est un pays un peu complexe : ce n'est plus une économie dominée par l'État.
M. McGovern : Pour revenir aux visites que le ministre Emerson a effectuées à Beijing, quand il parle des sociétés d'État, il fixe également des critères. Par exemple, si une entreprise est inscrite à la Bourse de Shanghai comme société d'État, qu'elle a des obligations en matière de responsabilité similaires à celles d'une entreprise d'ici et une structure de gouvernance qui rend des comptes aux actionnaires, eh bien, il juge que cette entreprise répond aux règles qui permettent à une société d'investir au Canada.
Ce qui inquiète avant tout le ministre, ce sont les questions de gouvernance, de responsabilité, de transparence et aussi le facteur sécurité mentionné par M. Sunquist, à savoir qu'une entreprise d'État ne constitue pas une extension du gouvernement chinois dont l'objectif est d'intervenir dans des secteurs d'activités névralgiques.
Il y a plusieurs entreprises qui répondent aux critères cernés par le ministre. Il a souvent dit que nous devrions ouvrir la porte aux entreprises qui souhaitent investir au Canada.
Le sénateur Downe : Il y a une chose qui me préoccupe. Les sociétés d'État, de par leur nature, ont été restructurées dans le but de promouvoir les intérêts stratégiques du pays hôte. Elles se distinguent des sociétés privées qui, elles, doivent rendre compte à l'actionnaire des profits réalisés sur leurs investissements. Je crains que le gouvernement trouve tout à fait acceptable, comme vous l'avez expliqué, que ces sociétés soient inscrites à la bourse. Je pense que le gouvernement devrait s'inquiéter des objectifs stratégiques que visent ces sociétés. Le gouvernement a refusé, dernièrement, qu'une entreprise soit achetée par des intérêts étrangers. Dans ce cas-ci, il était question des États-Unis, pas de la Chine, de l'Inde ou de la Russie. J'espère que le gouvernement va considérer ces entreprises d'État comme un outil stratégique pour le gouvernement hôte, et non comme un débouché pour ce pays-ci.
M. Sunquist : Je pense que le ministre serait d'accord avec tout ce que vous dites. En fait, comme l'a indiqué M. McGovern, le respect de ces critères signifierait, dans un premier temps, que l'entreprise a le droit d'investir ici. C'est M. Houlden qui a dit, si je ne m'abuse, que l'influence des sociétés d'État est en train de diminuer de façon exponentielle en Chine. Il y en a de plus en plus qui sont privatisées. Elles n'agissent plus aujourd'hui comme elles le faisaient il y a 10 ans.
Pour ce qui est du cas par cas, j'ai dit que notre politique générale était la suivante, soit que le Canada est ouvert aux investissements, ce qui est vrai, qui servent les intérêts du pays. Il va falloir examiner la situation de plus près si les investissements proviennent clairement d'une société d'État.
Le sénateur Grafstein : Compte tenu de nos ressources limitées, il nous faut presqu'une carabine de calibre 22, et non pas une bombe atomique, pour essayer de pénétrer ces marchés. D'après vous, quels sont les moyens les plus efficaces de pénétrer les marchés respectifs de chacun de ces pays si différents? Par exemple, devons-nous établir des liens institutionnels, jumeler des villes, regrouper des institutions, comme nous le faisons au Canada?
Je sais ce que font les Australiens et les Japonais dans ces marchés, mais je ne sais pas quelle est notre approche d'un point de vue institutionnel. Comment les entreprises canadiennes peuvent-elles arriver à s'implanter dans ces marchés?
M. Sunquist : À long terme, la meilleure chose que nous pouvons faire, c'est de mettre l'accent sur la commercialisation de l'éducation — avoir des jeunes de l'Inde, de la Russie et de la Chine étudier au Canada. Ce sont vos meilleurs représentants, vos meilleurs vendeurs. Ils comprennent le Canada et sont fiers du temps qu'ils ont passé ici. Cela cadre en tous points avec le commentaire que vous avez fait au sujet des arrangements institutionnels que nous avons. Le jumelage des villes ouvre la voie aux discussions stratégiques. Le jumelage des villes encourage les discussions politiques. Cela vaut aussi bien pour la Russie que pour la Chine. De nombreuses personnes ne reconnaissent pas, du moins pour ce qui est de l'Inde et de la Chine, l'importance des contacts personnels.
Négocier avec les ministres de façon continue à des réunions bilatérales, de l'OMC ou de l'APEC, par exemple, contribue à créer des causes communes. Il existe des outils pour améliorer les relations avec ceux qui vous permettront de prendre part à des projets. Cela ne se limite pas à la commercialisation. Si on veut être perçu comme étant un intervenant en matière de politique étrangère ou de commerce, on doit être considéré comme faisant partie du groupe.
Je ne pense pas répondre à votre question, mais nous appuyons le renforcement des institutions et le jumelage de villes et de provinces. J'ai dit tout à l'heure au président que les délégations parlementaires sont extrêmement importantes pour la Chine et la Russie, par exemple. C'est une façon de faire des affaires que ces pays estiment appropriée. Ils aiment savoir qui est responsable d'élaborer la politique et quels sont leurs points de vue.
[Français]
Le sénateur Corbin : J'aimerais savoir ce qui empêche l'accession rapide de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce?
[Traduction]
M. Sunquist : Je pourrais répondre à cette question de deux ou trois façons. Le Canada a conclu une entente avec la Russie sur l'accession à l'OMC. La Russie n'est pas parvenue à une entente avec toutes les autres parties, y compris les États-Unis. Il y a un délai. Nous aimerions que l'accession se produise le plus tôt possible. Comme M. Houlden le disait, je pense que les pays au sein de l'OMC s'engagent à observer une norme judiciaire donnée. Nous croyons qu'il serait important que la Russie fasse partie de ce groupe. C'est à peu près la réponse la plus brève que je puisse vous donner.
Le sénateur Corbin : C'est la pierre d'achoppement. Le Canada accueille 35 000 étudiants chinois.
M. Sunquist : Nous en avons plus que cela car c'est le nombre d'étudiants qui arrivent chaque année.
Le sénateur Corbin : C'est le chiffre que vous avez fourni. Cela nous donne une idée de l'ampleur.
[Français]
Y a-t-il un échange comparable avec les étudiants russes? Vous parlez du fait que le Canada est mal connu et mal compris par les Russes. On a touché, plus tôt, à certaines initiatives qui pourraient améliorer l'image du Canada. Plus de 35 000 étudiants chinois viennent ici pour étudier et retournent dans leur pays. Ils ont un impact profond sur l'image du Canada en Chine. Alors que fait-on à ce niveau en Russie?
[Traduction]
M. Sunquist : Pour répondre à la question, je vais expliquer comment est perçu l'avancement de quelqu'un. En Chine ou en Inde, étudier dans des établissements étrangers était un pas de géant et on n'avait pas à franchir les étapes du système. On acquérait de l'expérience à l'extérieur pour être promu plus rapidement. En Russie, étant donné qu'il était autrefois un peu mieux de rester au pays pour sa formation, ce n'était pas aussi bon.
Toutefois, je crois que cette situation est en train de changer. Le nombre d'étudiants en provenance de la Russie est encore bas comparativement à la Chine et à l'Inde. Je ne sais pas si nous avons ces chiffres avec nous.
[Français]
Le sénateur Corbin : Un des facteurs est le fait que la Russie a quand même de bonnes universités et écoles de formation. Ils n'ont donc pas à recourir à l'étranger autant que la Chine ou l'Inde.
[Traduction]
M. Sunquist : Non. Chaque année, 350 000 ingénieurs environ obtiennent leur diplôme en Chine. Si seulement 1 p. 100 de ces diplômés équivalait à un diplômé du MIT ou de McGill, le chiffre serait tout de même supérieur au nombre total d'ingénieurs qui obtiennent leur diplôme dans tout le Canada.
Les grandes écoles en Inde et en Chine sont de classe mondiale. Elles sont aussi bonnes que les nôtres et parfois un peu meilleures.
La question qui se pose, c'est pourquoi venir au Canada si on a de bonnes écoles en Inde, en Chine ou en Russie? C'est pour connaître une culture différente et apprendre des langues différentes. J'ai eu une affectation en Indonésie, et les Indonésiens qui venaient au Canada sont tous allés à Concordia car c'est l'université qu'ils connaissaient, et ils y sont allés pendant des années. Il y a de curieux liens. Pendant des années, les étudiants de Singapour allaient à l'Université McMaster. Il n'y a aucune justification dans un sens ou dans l'autre. En Inde ou en Chine, les étudiants se sont grandement intéressés au Canada, tandis qu'en Russie, il y en a eu moins.
[Français]
Le sénateur Corbin : Vous ne nous avez pas parlé de l'Articque. C'est quand même en train de devenir une question géopolitique importante, surtout pour les pays de la circonférence. La Russie a planté, grâce à son submersible, le drapeau russe au Pôle Nord. Le pôle magnétique se déplace du Canada vers la Russie à une vitesse de 50 kilomètres par année, mais vous ne pouvez rien faire à ce sujet.
Mais eu égard à des domaines de coopération entre la Russie et le Canada, est-ce qu'il y a couramment des activités et des programmes qui permettraient de promouvoir de meilleures relations entre nos deux pays en ce qui concerne les activités industrielles et autres à venir sur les fonds marins, par exemple?
[Traduction]
M. Houlden : Je ne suis pas un spécialiste de la Russie. Cela ne répond pas directement à votre question, mais les pays d'Asie dont l'économie est florissante figurent possiblement parmi ceux qui bénéficieront le plus d'une autre voie commerciale ou d'une autre route maritime. Elle réduit considérablement le délai de transport des marchandises en provenance du Japon, de la Chine et de l'Asie en général, qui s'intéressent donc vivement à cette question. Le transport des marchandises de Yokohama à Rotterdam pourrait être réduit du tiers ou plus, et les économies seraient avantageuses pour les échanges entre l'Europe et l'Asie. Ces questions sont étroitement surveillées. La situation est géostratégique. Puisque je m'occupe de l'Asie orientale, et non pas de la Russie, je vais laisser à quelqu'un d'autre le soin de répondre à cette partie de la question.
M. Sunquist : Notre gouvernement s'intéresse vraiment à l'Arctique. La Russie faisant partie de notre commission économique internationale, c'était une question distincte dont on a discuté lors de la dernière rencontre avec le premier ministre. Nous avons eu de nombreuses discussions concernant le pont de l'Arctique. Nous avons parlé des questions de coopération et de déglaçage. Un groupe de travail sur l'Arctique est en place entre les deux pays. C'est un secteur d'intense coopération. Il s'intéresse aux questions scientifiques et technologiques et à la coopération. Il est possible de faire encore beaucoup plus, et c'est l'un de nos vrais secteurs prioritaires avec la Russie. Il y a aussi toute l'approche dans le Nord à l'égard des établissements, et donc la participation des villes.
Le président : Ma question s'adresse à M. Houlden parce qu'il s'occupe davantage des relations politiques. Les relations entre le Canada et la Chine — mais aussi l'Inde — sur des questions controversées qui portent sur ce que nous appellerions normalement des libertés et des valeurs sont très d'actualité en ce moment à cause des Olympiques, du Tibet et du Soudan. Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur la façon dont elles nuisent aux relations commerciales?
M. Houlden : Vous avez soulevé un ensemble complexe de problèmes. La Chine compte presque le quart de la population mondiale. La société qui régit les Chinois, le gouvernement qu'ils ont, leurs valeurs et notre influence sur eux, qui est parfois limitée, sont des questions extrêmement importantes pour l'avenir de la planète. Nous avons de vives préoccupations à l'égard des pratiques en matière de droits de la personne en Chine, y compris la liberté d'expression, la détention arbitraire, les abus par les autorités policières et la liberté de parole. Je pourrais énumérer une foule d'autres problèmes, mais ils tombent dans la catégorie de la libre expression politique et du droit d'association.
Je signale que la Chine a connu une évolution extraordinaire au cours des 30 dernières années. Il y a eu diverses améliorations dans la vie des Chinois qui peuvent sembler parfois banales aux Canadiens mais qui sont importantes pour les Chinois; pensons au système des communes où les gens étaient contraints de rester à un endroit et n'avaient pas le droit de choisir leur profession, ni parfois même le genre de vêtements qu'ils pouvaient porter. La gamme de renseignements qu'on mettait à leur disposition était incroyablement limitée. Je ne dis pas que la Chine est devenue comparable aux nations occidentales pour ce qui est des pratiques en matière de droits de la personne, mais il y a eu de nettes améliorations.
L'interaction entre le commerce, les affaires et les droits de la personne est la question cruciale. D'après moi, l'ouverture de la Chine, le changement de la Chine, est en partie attribuable à l'arrivée d'étrangers en Chine, au mouvement des idées véhiculées par eux et à la circulation plutôt libre des Chinois comparativement à dans le passé. Il est maintenant possible pour un simple citoyen qui en a les moyens d'acheter un billet d'avion pour l'étranger et de se plonger dans un autre ensemble de réalités totalement différentes, et c'est possible grâce au développement économique.
En général, comme dans bien des pays, l'établissement de relations commerciales et la promotion du commerce avec la Chine ont amélioré la situation des Chinois pour ce qui est de leurs droits. Ces mesures ne suffisent probablement pas en soi, mais elles ont été positives dans l'ensemble.
Le président : Je comprends cela.
Le sénateur Mahovlich : Combien d'entreprises chinoises contrôlent des entreprises canadiennes? Je sais que les Américains ont acheté quelques-unes de nos plus grandes sociétés, et j'ignore si nous avons une limite sur ces acquisitions. Y a-t-il une limite au nombre d'entreprises que les Chinois peuvent acheter?
M. Sunquist : Il n'y en a pas en ce sens. Il y a les valeurs monétaires quand un investissement est enregistré et examiné. Vous posez une bonne question. Nous pouvons faire des recherches et remettre à la greffière une réponse concernant le nombre d'entreprises canadiennes qui sont contrôlées par les Chinois. J'utilise le terme « contrôler » plutôt que « posséder » parce que ce pourrait être différent. Nous allons vérifier si nous pouvons trouver un chiffre pour vous. Je sais qu'il y en a quelques-unes dans l'industrie pétrolière et gazière en Alberta sur lesquelles nous nous sommes penchés et quelques entreprises de distribution en Colombie-Britannique et ailleurs. Ce n'est pas négligeable, mais je ne pense pas que ce soit beaucoup.
Le sénateur Mahovlich : L'Inde a-t-elle les yeux sur nous?
M. Sunquist : L'Inde a ici plus d'investissements que la Chine. Le Canada est la deuxième destination d'impartition en importance dans le monde, en partie à cause des États-Unis, d'AT&T et de tous ces centres d'appels canadiens. Les Indiens ont été intelligents de prendre une participation dans ces genres d'entreprises, si bien qu'ils continuent actuellement leur impartition vers le Canada.
Le sénateur Mahovlich : J'ai un problème avec le téléphone à mon chalet, et je parle avec une personne du Bangladesh.
M. Sunquist : Bangalore. J'ai parlé avec le même gars. Je suis encore en attente.
M. McGovern : La stratégie générale de l'Inde pour les investissements au Canada vise l'acquisition et les prises de contrôle. Récemment, il y a eu une très grande prise de contrôle d'Algoma Steel par un groupe indien appelé le Groupe Essar.
En outre, le Groupe Tata, la plus grande entreprise en Inde, a acheté Téléglobe il y a quelques années. La stratégie des Indiens à l'égard du Canada est différente de celle des Chinois où des entreprises canadiennes bien connues ont été achetées par des sociétés indiennes.
Le sénateur De Bané : Monsieur Sunquist, plutôt que de vous poser des questions, j'aimerais vous faire part de quelques-unes de mes réflexions.
J'ai remarqué que vous êtes l'un de nos illustres fonctionnaires. Vous avez reçu de nombreux prix de la fonction publique, du ministre et du ministère pour votre excellent travail.
J'aimerais vous faire part de mes préoccupations, de mes craintes et de mon pessimisme.
En 1970, la petite île de Taïwan, pas plus grosse que l'Île-du-Prince-Édouard, n'a rien vendu au Canada. Elle s'est mise à le faire par la suite. Quelques années plus tard, elle avait un excédent de quatre milliards de dollars.
Ensuite, j'ai vu une ville comme Hong Kong devenir le centre du monde et le plus grand producteur dans plusieurs catégories. Cette ville compte six millions d'habitants. Si toute la Chine est en voie de devenir une ville de Hong Kong géante, qu'adviendra-t-il de nous?
La dernière fois que j'ai parlé à notre ambassadeur à Beijing, il a dit que les hommes d'affaires chinois qui ont des entreprises sur la côte trouvent que les salaires sont trop élevés. Cinq mille dollars par année, c'est trop. Ils déplacent leurs usines à l'intérieur des terres où les gens gagnent 300 $ par année. L'ambassadeur a dit que l'avantage concurrentiel durera 50 ans environ.
Nous vivons dans un pays dont le plus proche voisin a le marché le plus riche au monde, ce qui nous porte à dire que c'est tellement plus facile de négocier avec lui. C'est le plus gros marché mondial, et il a le même droit commercial, les mêmes douanes et la même façon de faire des affaires que nous. Pourquoi nous tourner vers une région comme la Chine?
Je me dis que la Chine représente 25 p. 100 de l'humanité. Ensemble, la Chine et l'Inde doivent constituer près de 40 p. 100 de la population mondiale. Ces pays ont tout ce qu'il faut pour réussir : ils travaillent fort, sont axés sur la technologie et comptent des gens de métiers.
J'ai vu ce que des petites villes et des îles ont accompli. Si toute la région devient un grand Hong Kong, je me demande si nous pourrons trouver une façon d'agir.
Vous pourriez peut-être nous parler du point de vue de certains de nos anciens chefs de mission à Beijing qui ont décidé de rester là-bas et de travailler pour certaines entreprises. Je sais que vous êtes membre du Conseil commercial Canada-Chine.
M. Sunquist : À voir ce qui se passe dans le monde et qui remporte du succès à l'heure actuelle, il y a de quoi devenir pessimiste. Par ailleurs, les Canadiens de ma génération se sont fait dire que les « scieurs de bois » et les « porteurs d'eau » étaient choses du passé et que l'industrie du savoir serait l'avenir; pourtant, nous voici aujourd'hui, en train de profiter d'un bon mode de vie et d'une bonne qualité de vie.
On peut voir d'où cela provient dans l'Ouest canadien : cela remonte aux produits de base. Il n'y a rien de mal là- dedans parce qu'il s'agit également d'un moyen de bâtir nos industries du savoir et des services. Le Canada et les Canadiens font beaucoup de choses bien.
Nous pouvons exercer un peu plus de pression sur les entreprises. Les délégués commerciaux peuvent leur fournir des renseignements sur les marchés pour les aider à prendre des décisions. Nous ne pouvons pas faire les ventes pour leur compte. Nous pouvons leur fournir des renseignements sur les marchés possibles à explorer, les débouchés éventuels, ainsi que les points de contact et les réseaux possibles.
Le dernier poste que M. Houlden a occupé à l'étranger, c'était celui de directeur du bureau à Taïwan; il comprend donc — et nous comprenons tous — l'esprit d'entreprise qui règne là-bas. En Asie, le Vietnam, Hong Kong, Taïwan et la Chine élargie s'en sortent extrêmement bien, mieux que quiconque. Que pouvons-nous apprendre d'eux?
À la base, nous effectuons beaucoup d'analyses comparatives pour examiner ce qu'ils font de bien. Plus important encore, comment pouvons-nous aider les Canadiens à mieux réussir dans ce domaine? C'est une combinaison de tous ces facteurs.
Je ne suis pas pessimiste. Je crois que notre réussite ne cesse de croître, mais pas aussi rapidement qu'elle le devrait dans l'absolu. Je m'inquiète du fait que bon nombre de nos compétiteurs réussissent mieux que nous. C'est ce qui me préoccupe. Comment l'Australie peut-elle mieux réussir que nous? Comment l'Allemagne peut-elle mieux réussir que nous? Il s'agit là de nos compétiteurs. Ce ne sont pas nécessairement les États-Unis.
Je comprends ce que vous voulez dire et j'accepte votre point de vue. Ayant vécu plusieurs années en Asie, je peux vous dire que c'est ce qui me préoccupe. L'Asie est en plein essor grâce à un esprit d'entreprise. Cela revient à ce que le président a dit tout à l'heure : il faut tenir compte de ceux qui se présentent à nos portes, ici. Tata achète Land Rover et Jaguar, et produit les voitures les moins chères au monde. Comme collaborer avec les gens en Inde, tout en travaillant avec les autres? Je crois que nous sommes dans la bonne voie, mais il faut faire plus.
M. Houlden : Ces pays ont leurs propres défis, notamment celui de nourrir leur population. Pour ce qui est de leur économie, ils ont appris à marcher, mais ils ne courent pas encore. Les besoins alimentaires et vestimentaires posent un défi de taille pour les Chinois. Ils font face à des tensions internes à cause de la disparité. Les défis environnementaux sont énormes. C'est pourquoi nous connaissons toujours un flux d'immigration.
La Chine génère également une croissance mondiale. En 2007, 17 p. 100 de la croissance économique mondiale provenait des États-Unis — une croissance plus lente, mais une économie plus grande — et 17 p. 100, de la Chine. En 2008, il se peut que la croissance de la Chine produise plus de richesse commerciale à l'échelle mondiale que celle des États-Unis. Ce phénomène crée également des possibilités.
À mesure que des dizaines de millions, voire des centaines de millions de Chinois grimperont les échelons vers les niveaux de consommation de la classe moyenne, on verra, comme c'est le cas à Taïwan, qu'ils manifesteront de l'intérêt envers les marchandises et les articles de qualité que nous produisons. Cela nous ouvrira des créneaux. Leur réussite même nous pose un défi dans certains domaines, mais elle crée aussi une possibilité. Une Chine pauvre n'est pas un marché d'exportation attrayant.
M. Sunquist : Je vais vous donner un exemple relativement à la question de Hong Kong que vous avez soulevée. Il y a 15 ans, Hong Kong comptait 250 000 manufactures. Aujourd'hui, il y en a moins de 1 000. Les fabricants ont déménagé dans le Sud de la Chine. Toutefois, personne ne dira que Hong Kong est moins bien nantie aujourd'hui. Sa croissance a bondi. Quelles sont les répercussions stratégiques, et où devrions-nous aller? Voilà pourquoi nous sommes heureux d'entendre vos observations et de connaître le résultat de vos délibérations. Hong Kong est passée d'une énorme base manufacturière à une base de services; elle se porte mieux que jamais. Elle y arrive par le biais de la Chine. Tel est le défi que nous devons relever.
Le sénateur Downe : Étant donné l'importance du commerce, votre budget a-t-il augmenté, ou vos ressources ont- elles été réaffectées?
M. Sunquist : Notre budget est le même depuis quelque temps. Il s'agit principalement de réaffectation des ressources à l'interne, plus précisément des réaffectations à l'intérieur du MAECI pour des pays prioritaires et non seulement pour des marchés au sens commercial. Il s'agit d'un processus budgétaire statique.
Ces dernières années, côté commerce, nous avons eu la Stratégie commerciale mondiale, qui ajoute 50 millions de dollars chaque année. Cela nous permet de faire plus de choses à plus d'endroits, mais il faut s'assurer une position stratégique.
Le sénateur Downe : Le commerce mondial représente-t-il à 30 millions de dollars ou 50 millions de dollars par année? Je croyais que c'était 60 millions de dollars sur deux ans.
M. Sunquist : La question, c'est de savoir si l'on passe à la comptabilité d'exercice, et la façon dont on s'y prend.
Le sénateur Downe : Nous serons ici toute la nuit.
M. Sunquist : C'est 50 millions de dollars par année.
Le sénateur Downe : Ma crainte, c'est que si vous réaffectez les ressources, vous prenez des délégués commerciaux sur des marchés établis où l'on a une activité commerciale bien développée pour les placer sur des marchés qui, vous l'espérez, porteront fruit. Sans financement supplémentaire, vous pourriez perdre les marchés dont vous vous retirez. Il s'agit d'une question dont nous pouvons discuter avec le ministre.
Le président : C'est un très bon point.
Le sénateur Smith : J'aimerais connaître votre point de vue sur la corrélation entre les possibilités d'affaires et de commerce et toute la question de l'immigration. Il est intéressant de noter que, l'année dernière, l'Inde a remplacé la Chine au premier rang. J'ai eu la grande chance de visiter la Chine en 1975, et je m'y suis rendu à plusieurs reprises dans les années 1970, 1980 et 1990; j'ai donc vu sa transformation durant ces différentes périodes. Ces dernières années, je me suis rendu plus souvent en Inde.
Une chose qui semble aider le commerce, c'est l'établissement de liens avec des gens qui se sont installés ici il y a 30 ans. J'ai voyagé là-bas à quelques reprises et, quand je me ballade en voiture à Mumbai, je vois des panneaux publicitaires sur des assurances qui montrent le lien entre Lombard et la Banque ICIC. C'est assez incroyable.
Je suis au courant des initiatives gouvernementales actuelles en matière d'immigration qui, au lieu de se concentrer sur la réunification familiale, placeront l'accent sur les compétences professionnelles. Je n'essaie pas d'être partisan ici. Notre niveau d'immigration par habitant est trois fois supérieur à celui des États-Unis. J'estime qu'il existe des possibilités incroyables parce qu'un si grand nombre de gens impressionnants veulent venir ici. Les diplômés de l'IIT — une école où il est beaucoup plus difficile d'être admis qu'à l'Université Harvard, au MIT ou à la Wharton School — vous renversent complètement. J'aimerais connaître vos observations sur le lien entre les niveaux d'immigration de ces pays — l'Inde et la Chine arrivent maintenant au premier et au deuxième rangs — et les possibilités d'affaires et de commerce.
M. Sunquist : Le plus grand obstacle à la croissance et à la prospérité au Canada aujourd'hui, c'est la mobilité de la main-d'œuvre. Je pourrais consacrer tout mon temps à la promotion des investissements commerciaux, mais si les entreprises ne parviennent pas à trouver de la main-d'œuvre en Colombie-Britannique ou en Alberta, elles ne viendront pas. La mobilité de la main-d'œuvre et l'immigration sont essentielles à la prospérité future du Canada. Je dis cela du point de vue du MAECI parce que cette question relève d'un autre ministère gouvernemental, mais ce dernier prend également des mesures à cet égard.
C'est un peu ce que j'ai dit tout à l'heure sur le marketing de l'éducation. Inciter les étrangers à venir au Canada est important, en ce sens que s'ils retournent dans leur pays, ils deviendront nos meilleurs amis. Toutefois, s'ils restent ici, ils deviennent habituellement un véritable avantage pour la société canadienne, ce qui revient à l'argument que vous avez évoqué au sujet des gens productifs dans la société. Je suis entièrement d'accord avec vous : le gouvernement a beaucoup à faire à cet égard.
Le gouvernement de la Colombie-Britannique a dégagé un chiffre tout à fait particulier. On compte environ 650 000 étudiants en Colombie-Britannique, de la maternelle à la 12e année. D'ici à ce qu'un étudiant de la maternelle termine ses études secondaires, il y aura 1 million d'emplois à combler en Colombie-Britannique, ce qui signifie que l'on a 350 000 postes vacants avant même de commencer. C'est un obstacle à la croissance et à la prospérité, et c'est le type de problème auquel fait face la politique du travail.
M. McGovern : Sénateur Smith, une des principales dimensions de notre politique commerciale, à mesure que nous avançons avec une vision intégrée du commerce, c'est la question du capital humain et de l'ensemble des compétences dont nous aurons besoin pour rester concurrentiels, par exemple des scientifiques ayant une maîtrise en administration des affaires. Il nous incombe de régler ces types de questions dans l'avenir. Il se peut que nous nous dirigions vers une époque où nous recruterons des individus ayant les compétences dont nous avons besoin dans le cadre d'une vision commerciale sur un horizon de 30 ans pour maintenir notre compétitivité dans le contexte de la mondialisation. Nous pourrions être obligés de recruter pour combler les postes vacants dans les industries afin de maintenir notre compétitivité, tout comme nous l'avons fait il y a bien des années avec le CPR pour construire le chemin de fer et coloniser les Prairies.
M. Houlden : Les plus grands réservoirs de migrants éventuels se trouvent en Asie, où vivent les deux tiers de la population mondiale. En tant que spécialiste de l'Asie, j'examine ces réserves de talents. Il est vrai que la Chine produit un très grand nombre d'ingénieurs. Inspirée du confucianisme, la société chinoise accorde une grande valeur à l'éducation.
La quantité de postes libres dans le secteur tertiaire en Chine est certes modeste. Sur le plan du capital humain, les étudiants postsecondaires qui ont une grande capacité de réussir dans les universités canadiennes sont disponibles en grands nombres. C'est un domaine de recrutement fertile. Bon nombre des ingénieurs qui sortent des universités chinoises de premier plan peuvent bien combler les lacunes dans l'industrie canadienne. Peu importe dans quelle mesure nous accroissons le nombre de nos diplômés d'universités, nous ne pourrons répondre aux chiffres mentionnés par M. Sunquist. La grande réserve de main-d'œuvre qualifiée se trouve en Asie qui représente, pour nous, un attrait naturel. Ces nombres sont certainement disponibles.
Le président : Je remercie nos témoins d'être venus cet après-midi nous faire profiter de leur sagesse.
La séance est levée.