Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 9 - Témoignages du 27 mai 2008
OTTAWA, le mardi 27 mai 2008
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui à 17 h 31 pour étudier l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.
Le sénateur Consiglio Di Nino (président) occupe le fauteuil
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, nous avons le quorum. Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Le comité se penche actuellement sur l'influence nouvelle de la Chine, de l'Inde et de la Russie sur le plan économique et sur les politiques qu'adopte le Canada en réaction à cette influence.
Nous sommes heureux d'accueillir, d'Affaires étrangères et Commerce international Canada, Patricia Fuller, Éric Ens et Martine Moreau. J'invite Mme Fuller à faire quelques commentaires liminaires, après quoi nous passerons aux questions.
[Traduction]
Je vous invite à faire votre présentation, laquelle, à ce que je crois comprendre, est assez longue. Ensuite, les sénateurs vous poseront des questions.
Patricia Fuller, économiste en chef, Affaires étrangères et Commerce international Canada : C'est un plaisir pour moi que d'être ici ce soir. Comme vous l'avez dit, j'ai préparé une assez longue présentation, qui est en deux parties. La première partie fait un survol des chaînes de valeur mondiales — ce qu'elles sont et ce que nous en savons. La deuxième partie est une étude de nos rapports commerciaux avec la Chine, l'Inde et la Russie.
Je commencerai donc par les chaînes de valeur mondiales.
L'économie mondiale subit une transformation spectaculaire qui modifie fondamentalement les relations économiques du Canada avec le reste du monde. D'abord, il y a l'importance croissante des pays à faible salaire — en particulier l'Inde et la Chine —, qui est le principal thème de votre étude, et ceux-ci pourraient constituer de vastes marchés pour les biens et services du Canada. Cependant, les économies à faible salaire posent aussi un défi concurrentiel au Canada. Le deuxième de ces changements radicaux qui surviennent est l'apparition de ce que nous appelons les chaînes de valeur mondiales comme nouveaux modèles d'affaires.
Ces deux changements sont liés. L'émergence des chaînes de valeur mondiales a été catalysée par l'arrivée de la Chine, en particulier, sur la scène économique mondiale. La croissance rapide de la Chine a fait la preuve des avantages de l'intégration de ces vastes chaînes de valeurs au-delà des frontières.
Je vous invite à passer à la page 3 du document d'information, sur ce que signifient ces développements pour le Canada. La façon dont le Canada réagit à ces changements aura des conséquences profondes sur la prospérité future de la population canadienne. Les pays avancés se concurrencent de plus en plus pour les investissements dans les mêmes activités de grande valeur de la chaîne de valeur — soit la R et D, la fabrication et les services qui demandent des compétences de pointe. Les économies émergentes se joignent aussi à la concurrence pour ces activités de grande valeur tandis qu'elles gravissent les échelons des chaînes de valeur mondiales par la valeur ajoutée des activités dans lesquelles elles s'engagent.
Ces nouvelles pressions ont été la motivation d'Avantage Canada, le plan économique à long terme du gouvernement, et de la stratégie commerciale mondiale au sujet desquels vous avez entendu des présentations de Ken Sunquist et Stewart Beck, deux de nos sous-ministres adjoints, qui vous ont parlé de la stratégie mondiale de notre ministère en matière de commerce. L'apparition des chaînes de valeur mondiales a été l'élément motivateur de la stratégie commerciale mondiale.
Le défi pour les décideurs est de faire du Canada la destination de choix pour ces activités de grande valeur qui sont essentielles pour maintenir ou améliorer le niveau de vie des Canadiens.
Le défi pour les décideurs est de faire du Canada la destination de choix pour ces activités de grande valeur qui peuvent sembler essentielles pour maintenir le niveau de vie des Canadiens. Qu'est-ce qu'une chaîne de valeur? Les chaînes de valeur ont parfois été appelées des chaînes d'approvisionnement, ce qui leur donne plus une connotation manufacturière; cependant, une chaîne de valeur peut tout aussi bien être un service plutôt qu'un bien en bout de ligne. À la page 4, la chaîne de valeur est définie comme étant la gamme complète des activités requises pour faire passer un bien ou un service de l'étape de la conception à celle de l'utilisation finale, et même au-delà. Elle englobe des activités telles que la conception, la production, la commercialisation, la distribution et le soutien donné au consommateur final.
Ainsi, une chaîne de valeur mondiale évoque un état du monde où différentes étapes de la chaîne de valeur sont éparpillées dans le monde et interreliées par de complexes réseaux de production, où différentes étapes de la production sont exécutées par différentes compagnies.
C'est en contraste avec la façon dont le commerce et la production se déroulaient dans le passé, quand l'intégralité de la production d'un produit fini se faisait dans un seul pays.
À la page 5, nous pouvons voir les diverses composantes que j'ai déjà décrites, ainsi que des éléments comme le « siège social », les « services administratifs », jusqu'aux « ventes et services ».
Tournons la page. L'idée, ici — et ce n'est que pour illustrer la chaîne pour vous —, c'est que ces fonctions individuelles deviennent fragmentables. Non seulement sont-elles fragmentables en n'étant pas toutes exécutées par la même entreprise, mais aussi au plan de leur situation géographique dans le monde. Par exemple, la page 7 illustre un exemple fictif d'une compagnie canadienne qui peut avoir son siège social, disons, à Montréal, et dont les activités de R et D sont menées en sous-traitance par une compagnie de la Californie. La compagnie fictive a des avocats à Washington ou New York, des installations d'assemblage en Chine et un centre d'appel en Inde. Ces activités, comme je le disais, pourraient être menées au sein de l'entreprise, ou de manière indépendante, ce que l'on appelle l'impartition.
Pourquoi les chaînes de valeur mondiales sont-elles devenues un thème de discussion? Pourquoi sont-elles apparues ces derniers temps? Les éléments moteurs sont généralement considérés comme étant — nous sommes à la page 8 — les suivants : la baisse des coûts du transport, tant par air que par mer; l'amélioration des technologies de l'information et des communications, les TIC; la réduction des obstacles au commerce et aux investissements; et le mouvement en faveur des économies axées sur le marché.
Ces forces font qu'il est désormais possible pour chaque étape d'une chaîne de valeur d'être contrôlée ou surveillée de beaucoup plus loin — par exemple, l'élément des TIC est facilité par la réduction des coûts du transport. En conséquence de ces forces encore, les coûts de réseau sont en baisse, les marchés peuvent être approvisionnés de plus loin et, au bout du compte, la concurrence pour les composantes de ces chaînes de valeur mondiales est en hausse.
Au nombre des autres facteurs qu'il ne faut pas oublier, en ce qui concerne ce phénomène, et j'y ai fait allusion au début, figure notamment l'apparition de nouveaux joueurs, comme les pays à faible salaires qui prennent une place de plus en plus grande. Le commerce et les investissements Sud-Sud et Sud-Nord ont augmenté plus rapidement que ceux Nord-Nord, et la croissance s'est accélérée dans les pays en développement. Même sans compter la Chine, on a pu assister à une certaine convergence des revenus au cours des dernières années.
En plus de la production d'aliments, il est important de mettre aussi l'accent sur les services. Les services sont devenus plus commercialisables, et toutes les activités deviennent de plus en plus mobiles à l'échelle internationale. J'ai des chiffres pour illustrer cela. En 1990, il existait 37 000 multinationales d'envergure, lesquelles possédaient au moins 170 000 filiales internationales. Selon les données les plus récentes, les multinationales ont maintenant doublé et il y a quatre fois plus de filiales étrangères. Pour donner un autre exemple, les multinationales allemandes ont établi plus d'installations de R et D hors de l'Allemagne dans les années 1990 qu'au cours des 50 années précédentes. Nous voyons se créer une masse critique relativement à ce type d'activité.
Passons à la question qui est peut-être la source d'un peu de frustration pour nous tous qui travaillons à quoi que ce soit qui est lié aux chaînes de valeur mondiales. La mesure de cette activité en termes quantitatifs concrets est difficile. La collecte traditionnelle de statistiques, du genre de celles que recueillent les organismes de statistiques du monde entier, n'est tout simplement pas conçue pour circonscrire ce type de relations commerciales complexes. Par conséquent on ne peut, actuellement, faire le suivi d'une marchandise à tous les stades de la chaîne de valeur mondiale d'une manière qui soit retraçable. Le flux des marchandises reflète le mouvement d'une marchandise d'un lieu à l'autre. Si nous revenons à notre exemple fictif de compagnie canadienne ayant son siège à Montréal, à quoi ressembleraient les statistiques sur le commerce ou l'investissement dans cette situation? On verrait un flux d'investissement vers la Chine, le paiement de services à New York et en Californie, l'exportation des marchandises de la Chine vers diverses destinations du globe, mais comment extrapoler tous ces facteurs séparément des autres flux entre ces endroits, et décréter que c'est une chaîne de valeur mondiale? Ce n'est pour l'instant pas faisable avec les statistiques que nous avons, et c'est quelque chose que nous cherchons à régler, au moins de façon préliminaire, avec une enquête spéciale que mènerait Statistique Canada.
Entre-temps, nous nous faisons une idée de l'évolution du monde à la lumière des statistiques actuelles sur le commerce. La page 11 illustre l'expansion des flux des exportations dans le monde entier, des exportations de services commerciaux, et cetera, jusqu'au bas du graphique, et fait le lien entre celles-ci et la croissance du PIB mondial. L'idée, ici, c'est que tout ce qui croît plus rapidement que la production mondiale revêt, en fait, plus d'importance dans le processus de production. Ceci démontre que, comparativement à la production de biens et services dans le monde, les exportations affichent une croissance presque deux fois plus rapide. Le rythme de croissance des exportations de services commerciaux est plus de deux fois plus rapide. Ce qui est vraiment remarquable, c'est la croissance de l'investissement direct étranger, qui a quintuplé, et ceci pendant la période de 1982 à 2005. Les ventes de filiales étrangères ont à peu près doublé, et cetera. Nous voyons, en deux mots, que l'activité internationale s'intensifie énormément dans la production mondiale.
Comment le Canada se compare-t-il à cette évolution? Le graphique de la page 12 affiche les mêmes données que le graphique précédent relativement à ce qui se passe à l'échelle mondiale, sous la rubrique « croissance mondiale », et maintenant, les lignes illustrent la rapidité de la croissance de ces activités pour le Canada, toujours en rapport avec le PIB mondial. Vous pouvez voir ici que dans tous les cas, sauf pour la croissance de nos importations, la croissance de ces activités est nettement plus lente au Canada qu'à l'échelle mondiale.
Je termine ce volet de ma présentation sur les chaînes de valeur mondiales, l'incidence sur les politiques et l'environnement des politiques dont j'ai déjà parlé. Pour récapituler, cela signifie une concurrence accrue entre pays pour des éléments des chaînes de valeur mondiales. Ces activités sont beaucoup plus mobiles; elles sont beaucoup plus sensibles aux petites nuances entre les politiques. Ces différences entre les politiques revêtent une importance de plus en plus grande dans les décisions des entreprises quant au lieu où se dérouleront ces activités qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, peuvent ne pas être au sein de l'entreprise mais confiées en sous-traitance. L'environnement des politiques doit aider le Canada à devenir une destination de choix pour les activités de grande valeur et très mobiles. C'est l'esprit et la motivation qui catalysent Avantage Canada et la stratégie commerciale mondiale dont d'autres témoins vous ont déjà parlé.
La deuxième moitié de ma présentation portera sur le commerce et les investissements du Canada avec les trois pays auxquels s'intéresse le comité. Bien que nous souhaiterions pouvoir vous dire exactement la nature de l'élément de la chaîne de valeur mondiale de ce commerce, ce n'est pas possible, en raison des limitations statistiques dont j'ai parlé tout à l'heure. Nous ne pouvons que tirer des conclusions générales et simplement faire une comparaison entre notre commerce avec ces pays et d'autres pays, pour nous faire une idée de la manière dont notre intégration se déroule avec ces pays comparativement à certains de nos concurrents, et en déduire la mesure dans laquelle nous participons au développement de chaînes de valeur mondiales en ces endroits.
Comme on peut le voir à la page 15, les importations et les exportations avec la Russie, l'Inde et la Chine ont connu une croissance importante au cours des dix dernières années; cependant, le niveau des échanges commerciaux avec la Russie et l'Inde demeure bas. La croissance du commerce avec la Chine a été considérable, et ce pays est en train de devenir le deuxième plus gros importateur de marchandises au Canada. La forte croissance des importations chinoises au Canada a dépassé les exportations canadiennes, ce qui engendre un déficit commercial. Ce qui est intéressant, toutefois, avec les chaînes de valeur mondiales, c'est qu'elles remettent vraiment en question la perspective du monde selon laquelle les exportations sont bonnes et les importations mauvaises pour l'économie. Dans une chaîne de valeur mondiale, les importations deviennent un élément de la participation. Nous devons y penser quand nous envisageons d'importer des produits de pays à faibles salaires.
Le commerce de services reste faible, de même que l'investissement; cependant, les investissements directs du Canada en Chine ont nettement augmenté au cours des dernières années.
Voyons des graphiques. Vous constaterez à la page 16, si nous regardons les exportations de marchandises vers la Chine, l'Inde et la Russie, que la Chine l'emporte largement sur les deux autres, tant en volume qu'en croissance. À la page 17, vous pouvez voir les taux de croissance réels des dix dernières années, avec les exportations vers la Chine qui ont presque quadruplé. Les taux de croissance des exportations vers l'Inde et la Russie sont aussi assez vigoureux et, présentés ainsi, ne sont pas tellement loin de ceux des exportations vers la Chine, mais les échanges commerciaux étaient nettement plus restreints au départ.
En ce qui concerne notre part des importations de la Chine, elles ont diminué de 2 p. 100 en 1995 à un peu plus de 1 p. 100 en 2007. Toutefois, comme vous pouvez le voir à la page 19, c'est attribuable en grande partie à la constitution de chaînes de valeur régionales en Asie. Un grand nombre de pays de l'Asie ont délocalisé leurs chaînes d'assemblage en Chine. Vous pouvez voir, par les taux de croissance de ce tableau, que les pays comme la Malaisie et les Philippines affichent de forts taux de croissance des exportations vers la Chine. Nous ne devrions pas nous étonner de la diminution de la part du Canada sur le marché chinois des importations.
Voyons cela en comparaison avec des pays plus comparables, pour ainsi dire. Nous avons ici une liste de pays dont nous allons parler tout au long de la prochaine partie de cette présentation. Le Royaume-Uni, la France, les États- Unis, l'Allemagne, l'Australie forment un groupe sélect de pays comparables. Vous pouvez voir que la croissance de nos échanges avec la Chine se situe environ à la médiane et que les exportations de l'Allemagne et de l'Australie vers la Chine ont connu une bien meilleure croissance. Nous ne devons pas oublier que les taux de croissance du Canada ont été influencés par la hausse des coûts des produits de base. Une certaine portion de la croissance de nos exportations vers la Chine est l'effet sur la valeur de la hausse du cours des produits de base qui sont importants pour notre commerce avec la Chine.
J'aimerais pouvoir faire comprendre au comité l'importance de notre commerce et de nos exportations comparativement aux exportations de l'Australie, par exemple, avec la Chine. Comparativement au PIB de chaque pays, on peut voir que les exportations vers la Chine représentent une partie bien plus importante du PIB de l'Australie que, disons, du Canada. Dans ce groupe, nous nous situons environ encore une fois à la médiane selon cette mesure aussi.
Passons maintenant à l'Inde. On constate aussi une réduction de sa part de ce marché. Cette réduction n'est pas aussi nettement abrupte qu'avec la Chine, cependant; c'est une part un peu plus mince que celle que nous avons sur le marché chinois.
Si nous comparons notre croissance — c'est à la page 23 — à celle de notre groupe de pays comparables, nous nous situons, encore une fois, dans la moyenne pour les importations de marchandises en provenance de l'Inde. Là encore, ce sont l'Australie et l'Allemagne qui l'emportent sur les autres en termes de croissance sur le marché de l'Inde. Si nous voulons nous comparer en rapport avec le PIB, nous sommes assez bas. Le commerce avec l'Inde revêt moins d'importance pour nous que pour le Royaume-Uni, l'Allemagne ou l'Australie.
Si on regarde maintenant la page 25, la part de nos échanges avec la Russie n'est pas en baisse, mais elle est inférieure à celle de nos échanges avec la Chine ou l'Inde. De fait, c'est la plus petite part, à environ 0,6 p. 100. La croissance a été assez passable dans ce cas — je suis à la page 26; nous nous dirigeons vers la partie gauche de ce groupe de pays. Encore une fois, l'Australie est en première place au plan de la croissance sur le marché russe. Mesuré en comparaison du PIB, c'est médiocre et tend vers la partie inférieure en termes d'importance en regard du PIB.
Pour résumer ce que nous avons vu dans les trois cas, dans celui de la Chine et l'Inde, notre part dans leurs importations est en chute, bien que notre croissance au chapitre des exportations soit moyenne; pour l'Inde, la valeur des exportations est faible par rapport aux pays comparés; et pour la Russie, la part du Canada des importations en provenance de la Russie ne décline pas, mais la croissance de ses exportations est minime par rapport à celle des pays comparés.
Passons aux importations. La Chine est, de loin, je ne doute pas que vous le sachiez, le plus important fournisseur pour le Canada parmi ces trois pays. À la page 29, vous voyez que la valeur des importations en provenance de la Chine augmente considérablement. Comme je le disais, la Chine est maintenant en deuxième place des exportateurs vers le Canada après les États-Unis. Les importations de la Russie tout autant que de l'Inde restent modestes. La page 30 illustre les taux de croissance des importations depuis dix ans : environ 500 p. 100 pour la Chine; un peu moins de 200 p. 100 d'augmentation des importations de l'Inde et de la Russie.
Les échanges commerciaux de services restent une faible part des exportations. Comme vous pouvez le voir, globalement, pour les trois pays, nous parlons d'environ 450 millions de dollars selon les données les plus récentes, lesquelles nous parviennent après un certain délai. Pour les importations, ce n'est qu'environ 300 millions de dollars. C'est à la page 32.
La page 33 illustre un classement des exportations et des importations de marchandises du Canada par région, et démontre encore que la Chine est maintenant en deuxième place parmi nos fournisseurs. C'est une espèce de tableau de référence pour vous.
Enfin, parlons de l'investissement direct, à la page 34. C'est un élément crucial des chaînes de valeur mondiales, dans la mesure où la participation à cette chaîne de valeur nécessite souvent un investissement direct à l'étranger pour établir une base à partir de laquelle fabriquer des produits ou desservir un marché étranger. Nous pouvons voir que la Chine, encore une fois, est le pays qui affiche les plus vigoureux taux de croissance au titre de l'investissement direct canadien. C'est encore assez modeste, à environ 1,8 milliard de dollars, mais la croissance a été assez brusque. Il convient de souligner que le taux de croissance du débit entrant en Chine, à l'échelle mondiale, a été relativement neutre, dernièrement. C'est une bonne nouvelle en ce qui concerne notre rendement relatif. Dans ce cas, notre investissement vers la Chine a connu une croissance rapide ces dernières années. Je répète, cependant, que 1,8 milliard de dollars doit être reconnu comme un chiffre modeste, si nous le comparons à l'ensemble des investissements internationaux en Chine, qui est de l'ordre de 300 milliards de dollars.
L'IDCE en Russie et en Inde est faible. Si on regarde l'investissement étranger direct au Canada en provenance de la Russie, de l'Inde et de la Chine, dont nous avons beaucoup entendu parler dans le cas de la Chine, ce sont là encore des chiffres assez modestes pour les flux globaux d'investissement au Canada. La Chine, encore une fois, est en première place avec 616 millions de dollars, mais cela ne représente que 0,1 p. 100 de l'ensemble des investissements directs étrangers au Canada; pour la Russie, c'est presque rien.
Ceci m'amène à la conclusion de cette présentation. Pour récapituler, l'avènement des chaînes de valeur mondiales a changé l'économie mondiale, en créant à la fois des défis et des possibilités pour le Canada. Notre capacité de concurrence pour les activités de grande valeur dans les chaînes de valeur sera déterminante pour notre prospérité future. Notre intégration économique avec la Russie, l'Inde et la Chine, et particulièrement avec la Chine, augmente, mais accuse néanmoins un retard sur d'autres pays comme l'Australie.
Vous trouverez en annexe de cette présentation les « Principales exportations et importations du Canada en provenance et à destination des RIC ». Cette annexe vous donnera une idée du genre de produits que nous échangeons avec ces pays, au cas où il puisse être utile au comité de le savoir, bien que je ne doute pas que vous ayez déjà ces renseignements.
Le président : Nous vous remercions, madame Fuller.
A priori, nous sommes tous frappés par le fait que votre tâche ne deviendra pas plus facile avec le temps, parce que la chaîne de valeur mondiale dont vous nous avez parlé est tellement complexe. Nous avons parlé d'essayer de déterminer de quels pays viennent ces composantes, mais n'y a-t-il pas aussi la question des sociétés filiales canadiennes — ou des filiales d'autres compagnies qui n'ont pas nécessairement pignon sur rue au Canada, mais qui produisent peut-être des parties de ce produit final sous un autre nom, d'un autre pays — ce qui serait encore plus difficile à reconnaître? Est-ce ce que vous comprenez?
Mme Fuller : Oui. Il est utile, aussi, de s'intéresser au commerce des sociétés affiliées à l'étranger et aux données de ces sociétés. Nous constatons une croissance vigoureuse.
Le président : Est-ce que vous recueillez ces données? Pouvez-vous les recueillir? C'est là, vraiment, la question.
Mme Fuller : On peut voir l'une des mesures dans les diapositives des pages 11 et 12. Si on regarde la page 12, qui examine comment le Canada suit la tendance, nous pouvons constater que l'emploi, dans les sociétés affiliées du Canada à l'étranger et au plan des ventes a, en fait, affiché une croissance inférieure à celle de notre PIB. Il y a eu croissance, mais elle n'a pas été aussi rapide que celle de notre PIB.
Le président : Je m'interrogeais sur la difficulté de recueillir ces renseignements. Parfois, je ne suis pas tellement sûr que toutes les compagnies soient empressées de les fournir et bien ouvertes, quand il s'agit de parler de leurs autres activités.
Mme Fuller : Ce serait probablement plus l'affaire de Statistique Canada, mais je sais qu'il y a énormément de données à recueillir. Par exemple, pour la ventilation des données, nous n'avons pas les chiffres des ventes de sociétés affiliées canadiennes en Chine. Ces renseignements ne sons pas accessibles. Ils ne sont pas publiés.
Le président : Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion.
[Français]
Le sénateur Dawson : J'aimerais tout d'abord vous féliciter de votre présentation. L'usage des tableaux et de la géographie est une façon extraordinaire de vulgariser un concept qui semblait beaucoup plus complexe avant votre exposé liminaire. Les graphiques, en particulier ceux des pages 11 et 12, sur le défi du Canada à participer et être compétitif me semblent aussi très frappants.
Il est évident que les pays, tant de l'Europe que de l'Asie, qui deviennent nos compétiteurs nous forcent à inventer des outils pour encourager les entreprises canadiennes. Avec tout le respect que j'ai pour le gouvernement, il s'agit avant tout de trouver les façons d'aider les compagnies canadiennes à être compétitives.
Quelques incidents se sont produits. Pour la première fois dans l'histoire, le cabinet des gouvernements de l'Ontario et du Québec vont se réunir cette semaine et un des sujets à l'ordre du jour sera justement Équipe Canada.
[Traduction]
Nous allons accueillir un membre de l'Équipe Canada, le sénateur Mahovlich, sans son entraîneur. Les provinces sont en train de décider qu'il leur faut aller en Chine. Je pense que ceci s'applique à l'Inde, et la Russie évidemment, mais elles se réunissent actuellement comme deux cabinets et discuteront de la manière dont elles, en leur qualité de provinces, peuvent collaborer pour essayer de participer à cette chaîne mondiale.
J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion ici, à ce comité, de parler des débouchés. Au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, nous débattons de la conteneurisation — le fait qu'entre 25 et 30 p. 100 du transport de conteneurs du monde passe par la Chine. Nous aurons des millions de conteneurs qui iront de Prince Rupert à Chicago et Houston; ils partiront pleins et reviendront vides. C'est une occasion pour nous, dans cette chaîne mondiale, de prendre ces conteneurs vides et de les remplir de produits qui peuvent être assemblés ailleurs — ou ne serait-ce que de produits de base. C'est le monde changeant de la concurrence dans lequel nous devons évoluer.
Je ne peux qu'encourager les provinces qui débattent de la possibilité d'avoir une Équipe Canada. Il y a une chose que nous pourrions envisager, monsieur le président, et c'est d'inviter les gens qui songent à la possibilité d'amener les provinces à faire une démarche du genre de celle d'Équipe Canada auprès de la Chine, à venir témoigner et nous expliquer exactement leurs intentions.
Vous êtes l'économiste, madame Fuller. Pourriez-vous nous dire, à la lumière de l'analyse que vous avez faite, quels outils les autres pays utilisent pour aider leurs compagnies à être plus concurrentielles dans cet environnement très compétitif? Il y en a certainement qui utilisent des outils sur lesquels nous devrions être renseignés, pour pouvoir encourager notre gouvernement à en faire autant.
Mme Fuller : Je classerais les outils en deux catégories. L'une est la conjoncture de l'investissement, parce que le message central, ici, c'est qu'il faut amener les éléments de grande valeur de ces chaînes de valeur à s'installer ici, au Canada. Si nous parlons des outils qu'emploient d'autres pays, nous nous faisons tous concurrence pour ces activités de grande valeur, alors il s'agit de droits fiscaux, de cadre fiscal et de tous les facteurs que les investisseurs prennent en compte quand ils décident du lieu de leurs installations de production ou de toute autre composante de cette chaîne de valeur. Nous devons nous préoccuper de la comparabilité de notre taux d'imposition des entreprises avec ceux d'autres pays, et de tous ces facteurs dont se préoccupe Avantage Canada.
La deuxième catégorie d'outils est plus axée sur l'extérieur pour engager nos compagnies et les aider à faire des affaires partout dans le monde. Je pense qu'il y a là une évolution de la pensée, que nous ne faisons plus seulement que promouvoir l'exportation. Nous devons nous dégager de cette perspective en quelque sorte mercantile du monde, selon laquelle seules les exportations ont du bon et tous les gouvernements du globe s'efforcent de stimuler les exportations de leurs compagnies. Nous devons élargir notre angle de vision et penser plus en termes d'activités avantageuses pour le Canada. Tous les pays évolués le font; ainsi, nous faisons concurrence à d'autres gouvernements par le type de services et de renseignements que nous fournissons à nos compagnies.
Notre trousse d'outils est décrite dans la stratégie commerciale mondiale. Quant à dire comment nous nous comparons à l'échelle internationale, peut-être Mme Moreau voudrait-elle en parler. Je pense que notre Service des délégués commerciaux du Canada a bonne presse à l'échelle internationale, mais nous devons veiller à ce qu'il reste comparable. Dans ce sens, les gouvernements font concurrence aux gouvernements au chapitre des services qu'ils offrent aux compagnies pour les aider à s'intégrer aux chaînes de valeur mondiales; alors il s'agit d'avoir les ressources à l'étranger et toutes ces choses dont Stewart Beck et Ken Sunquist, les SMA responsables de ces questions, ont parlé au comité.
Martine Moreau, directrice par intérim, Direction des initiatives stratégiques, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Je ne suis pas sûre de pouvoir en dire beaucoup sur la manière dont nous nous comparons aux pratiques d'autres pays. Je peux, toutefois, expliquer certaines mesures que notre ministère propose de mettre de l'avant dans le cadre de la stratégie commerciale mondiale.
Des ressources particulières ont été réservées à la réalisation d'initiatives portant sur les chaînes de valeur mondiales. À cet égard, certains des outils que nous proposons visent à faire en sorte que les compagnies soient munies des renseignements nécessaires pour pouvoir tirer parti de ces chaînes de valeur. Il s'agit, notamment, de la création d'un portail des chaînes de valeur qui permet aux compagnies, à partir d'un lieu, d'obtenir des renseignements sur les rapports, disons, qui décrivent les chaînes de valeur mondiales de compagnies multinationales particulières — comment elles sont structurées, leur fonctionnement et les décisions qui sous-tendent les décisions liées à la chaîne de valeur mondiale. Les dirigeants et les produits de recherche y seraient aussi indiqués. C'est le genre d'outils qui existent.
Nous allons aussi améliorer nos ressources réservées à la réalisation des initiatives visant les chaînes de valeur mondiales. À cette fin, de nouveaux postes vont être créés à l'étranger spécifiquement pour accroître notre capacité d'étudier ces occasions qu'offrent les chaînes de valeur mondiales. Certains postes, par exemple, seront créés aux États- Unis. Nous envisageons aussi de créer des postes dans certains nouveaux marchés importants, comme Shanghai, Sao Paulo et Ho-Chi-Minh-Ville.
Le sénateur Corbin : Je pense que le sénateur Dawson avait à l'esprit les mêmes interrogations que moi; cependant, je ne suis pas sûr de comprendre la réponse. Il y a là tellement d'information à assimiler. Vous employez ce langage au quotidien. Vous en rêvez probablement. C'est un concept intéressant.
Ce qui me frappe, dans la documentation, c'est que les petites différences dans les politiques peuvent constituer un avantage ou un désavantage. C'est bien illustré dans les graphiques que vous avez présentés. Comment se fait-il que, comparativement au Canada, l'Allemagne et l'Australie semblent s'en être mieux tirées que notre pays? Quelles sont précisément les politiques stratégiques qu'ont employées l'Allemagne et l'Australie qui leur donnent le dessus sur nos propres gens qui participent au commerce et à l'importation?
Ces questions sont du même ordre que celles du sénateur Dawson, mais peut-être engendreront-elles d'autres renseignements.
Le président : Si vos collègues ont quelque chose à ajouter quand vous avez terminé, allez-y plutôt que d'attendre que je vous invite à prendre la parole. J'accueillerai avec plaisir tout commentaire que vous avez à faire.
Mme Fuller : Ce sont d'excellentes questions. Je vais être tout à fait franche avec vous et vous dire que nous avons reconnu qu'il nous faut approfondir nos connaissances sur ces questions. Il nous faut mieux cerner pourquoi l'Allemagne et l'Australie ont un meilleur rendement sur ces plans que le Canada.
Nous pouvons fournir des renseignements assez primaires au sujet des activités de grande valeur sur lesquelles sont centrées les exportations, les échanges commerciaux et l'économie de l'Allemagne. On constate une forte présence de services dans les pays de l'Europe en général. Ils occupent une meilleure place que le Canada au titre de la participation au commerce international et aux services.
Pour l'Australie, la réponse facile serait sa proximité avec l'Asie. Nous constatons toutefois, je le répète, qu'elle s'en sort très bien en Russie. Nous devrons effectuer des recherches. Il y a une chose que j'ai oublié de dire au début, et c'est que notre entendement des chaînes de valeur mondiales n'est encore que tout à fait embryonnaire. Cela transparaît probablement dans mes commentaires.
Par conséquent, ce type de questions est de la catégorie des aspects à étudier. Je regrette de ne pouvoir fournir une meilleure réponse, à part pour dire que ce sont de bonnes questions, qui figurent déjà dans notre programme de recherche.
Le sénateur Corbin : Voulez-vous dire que l'Allemagne et l'Australie ont mieux su formuler leurs stratégies que le Canada?
Mme Fuller : Non, je ne pense pas que nous puissions dire cela pour l'instant, tant que nous n'aurons pas examiné tous ces facteurs.
N'oubliez pas que les graphiques que nous avons présentés portent sur l'ensemble du commerce. Nous revenons encore à la question frustrante de comment nous allons pouvoir extraire de ces flux commerciaux les éléments que nous pouvons qualifier d'activités liées à la chaîne de valeur mondiale par contraste aux ventes de viande de l'Australie à la Russie. Les chaînes de valeur mondiales peuvent englober n'importe quel type d'activité commerciale, en fait, mais il nous faudra trouver le moyen de distinguer les divers types d'activités.
En menant ce genre d'étude à un échelon plus sectoriel, nous pourrons nous faire une meilleure idée de la situation et mieux circonscrire ces aspects.
Le sénateur Corbin : J'ai une deuxième question à poser.
Vous avez parlé des pays à faible salaire, puis vous parlez ensuite des pays évolués. Je ne sais pas si c'est un langage élitiste, mais j'aimerais savoir qui est membre de ce club
Nous prenons parfois quelque liberté avec les mots, une habitude qui me gêne, parce que je voue un immense respect à la langue et à la précision de l'expression. Vous dites que les pays évolués se font concurrence pour les mêmes activités de grande valeur. Ceci me porte à croire que nous sommes d'une classe à part et que nous n'allons pas perdre notre temps avec des choses insignifiantes comme les arachides et les noix de coco, ou tout ce qu'on voudra. Pourtant, en même temps, vous dites aussi que ces pays évolués font fasse à une concurrence de plus en plus vigoureuse des pays en développement.
Il y a quelque chose, dans cette approche, qui me met mal à l'aise. Je ne sais pas si c'est la nature de nos échanges commerciaux qui fait de nous ce que nous sommes — évolués, élitistes, des compétiteurs pour les activités de grande valeur — ou si c'est seulement quelque chose qui trouve tout seul sa place et à quoi nous devrons nous faire.
Pourriez-vous préciser la valeur que vous attribuez à ce type d'expression? Je ne crois pas en un monde qui n'a pas de place pour les pays moins évolués au plan technologique au sein des pays plus évolués.
Je suis encore en train de digérer les renseignements que vous nous avez fournis, et je devrai étudier les graphiques de plus près. Pourriez-vous néanmoins faire un commentaire général sur les préoccupations que j'exprime?
Mme Fuller : Certainement, sénateur. Ces termes ne sont là que pour illustrer une perspective quantitative — un pays développé est tel en fonction de son revenu par habitant comparativement aux économies émergentes dont le revenu par habitant est nettement inférieur.
Cependant, le vrai message, ici, c'est que les économies à faibles salaires — la Chine et l'Inde en particulier — grimpent rapidement les échelons de la chaîne de valeur. Que les salaires, dans ces pays, soient faibles, est un fait économique. Nous avons observé un changement dans la structure des échanges commerciaux de la Chine. Il n'y a pas bien longtemps, elle était dominée par les textiles; elle est maintenant dominée par les produits manufacturés.
Ces pays prennent un virage vers les activités à plus grande valeur ajoutée. Du point de vue d'un économiste, c'est lié à l'avantage concurrentiel. On pourrait espérer que l'avantage concurrentiel du Canada n'est pas seulement dans les produits provenant de ressources naturelles, mais aussi dans les activités fondées sur le savoir. Nous devrions exploiter un avantage concurrentiel en fonction du degré d'évolution en termes de richesse par habitant dans notre pays — ce qui nous permet d'avoir les niveaux d'éducation que nous avons — pour nous engager dans les activités fondées sur le savoir à forte valeur ajoutée.
Nous ne pouvons faire concurrence à la Chine au plan des salaires — ce qui est, je crois, l'évidence même. Par conséquent, nous devons la concurrencer sur la base du savoir, et c'est pourquoi Avantage Canada parle de l'avantage du savoir.
Comme je le disais, ces économies évoluent très rapidement. Nous ne devrions pas être trop optimistes à ce propos en pensant que ce sont des économies à faibles salaires, à faible valeur ajoutée. Tout au contraire, le message, c'est qu'elles grimpent très rapidement les échelons de la chaîne de valeur, alors nous devons nous assurer de grimper nous aussi cette chaîne de valeur pour protéger notre prospérité.
Le sénateur Corbin : Cependant, nous ne les grimpons pas à la même vitesse.
Mme Fuller : Il y a différents moyens de le mesurer, mais je pense que c'est l'élément motivateur des politiques qui sont centrées sur l'avantage du savoir et la promotion de l'engagement des compagnies canadiennes dans les activités à plus grande valeur ajoutée.
Le sénateur Corbin : J'ai une brève question. Est-ce qu'Avantage Canada et la stratégie commerciale mondiale tiennent suffisamment compte des défis de notre époque?
Mme Fuller : Ils ont, je dirais, des politiques très réalistes, pour ce qui est de la reconnaissance des défis qu'il faut relever. Dans les limites de ce à quoi le gouvernement est confronté, selon les mesures de contrôle dont il dispose, ils vont aussi loin que c'est possible relativement à notre position actuelle. Ils sont résolus à poursuivre le chemin dans la même direction
M. Ens souhaite ajouter quelque chose au sujet de la mesure.
Erik Ens, économiste principal, Bureau de l'économiste en chef, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Cela revient à ce dont vous avez parlé tout à l'heure et à notre rendement comparativement à celui d'autres pays, peut-être pas tant sous l'aspect des politiques mais de là où nous nous situons aux plans de la réflexion et de l'examen des enjeux, selon la perspective d'un économiste. Un économiste aime étudier les choses qu'il peut mesurer et auxquelles il peut facilement attribuer une mesure, et l'une des difficultés qui se pose, c'est que peu de recherches ont été faites. Ce qui est unique au Canada, c'est la conscience qu'a le gouvernement de la nécessité de mesurer ces choses.
Comment nous en tirons-nous comparativement à l'Allemagne et l'Australie? Nous ne pouvons pas répondre à bien des questions sur les nuances entre les politiques qui peuvent faire la différence. C'est là que nous réalisons des progrès dans notre étude de la question.
Le sénateur Downe : Je m'intéresse au graphique de la page 20 de votre présentation, où vous dites que nos exportations vers la Chine sont en hausse, mais l'Allemagne et l'Australie ont fait mieux. Comment mesurez-vous l'Allemagne et l'Australie? Appliquez-vous les mêmes critères qu'au Canada? Est-ce que ce sont des renseignements que nous fournissent ces pays?
Mme Fuller : Nous tirons ces renseignements du World Trade Atlas. L'avantage de cet outil, c'est qu'il met toutes les données de tous les pays du monde en un format comparable. Autrement dit, si c'est le coût, l'assurance et le transport, CIF, ou franco bord, FOB, ou avec ajustement monétaire, toutes ces choses, tout est dans cette base de données, présenté de manière comparable. C'est de là que nous tirons nos renseignements.
Le sénateur Downe : Autrement dit, est-ce uniforme? Est-ce identique? Est-ce que c'est comme remplir un formulaire qui est pareil dans tous les pays, et alors c'est facile à mesurer?
Mme Fuller : Ces données proviennent d'autorités statistiques nationales et elles sont ensuite mises en un format comparable, c'est-à-dire que des ajustements sont faits pour des facteurs comme les coûts du transport, s'ils sont ou non compris. Pour ce qui est de pouvoir comparer les importations de la Chine en provenance de l'Allemagne ou du Canada, il n'y a pas mieux. Les données ont toujours leurs défauts. Je pense que vous avez entendu de Statistique Canada comment on peut concilier les données des importations de la Chine avec celles du Canada? Il existe des différences.
Quand on compare cela au défi que pose la mesure des flux de service et d'investissement, les données commerciales sont extrêmement bonnes parce que nous avons l'avantage des documents des douanes, que nous n'avons pas pour les services ou l'investissement direct à l'étranger.
Le sénateur Downe : Compte tenu de l'importance des renseignements, avez-vous des discussions, par exemple, avec vos homologues australiens? Envoyons-nous des délégations discuter de ces enjeux commerciaux ou de statistiques avec eux? Y a-t-il des échanges entre les deux pays?
Mme Fuller : Il y a, c'est certain, des échanges entre nos autorités statistiques sur les questions des défis statistiques, oui. Statistique Canada dirige cette démarche.
Le sénateur Downe : Ils n'ont pas relevé d'importants écarts, alors vous nous dites que nous pouvons nous fier à ces chiffres?
Mme Fuller : Statistique Canada fait des exercices de conciliation des données avec plusieurs pays. Ils en ont fait un il n'y a pas très longtemps avec la Chine, et des écarts ont été relevés dans nos données commerciales. Si je me souviens bien, ce n'était rien de radical. Nous avons un bien plus grand problème avec le Mexique, dont les données font état d'un flux d'importations bien plus important que nous n'enregistrons d'exportations canadiennes vers le Mexique. C'est là que nous avons de plus grandes discordances dans les chiffres.
Le sénateur Mahovlich : Dans quelle mesure ces pays nous font-ils concurrence sur nos marchés traditionnels, comme les États-Unis, l'Union européenne et le Japon? Sommes-nous perdants? Je sais que pendant des années, nous avons été en tête des partenaires commerciaux des États-Unis. L'année dernière, la Chine nous a pris cette place. Est-ce que nous perdons aussi vis-à-vis la Russie et l'Inde comme avec les États-Unis? Est-ce que nous perdons du terrain, en matière d'échanges commerciaux, sur certains de ces pays traditionnels qui étaient auparavant nos concurrents?
Mme Fuller : Notre part du marché américain a diminué depuis quelques années, et vous avez raison, la Chine est devenue le plus important fournisseur du marché américain l'année dernière, dépassant le Canada au titre des exportations de biens sur le marché des États-Unis.
À ce propos, il est important de nous demander si nous les concurrençons dans les mêmes domaines pour le marché américain. Il y a un certain chevauchement avec la Chine, mais en général, nous avons tendance à vendre aux États- Unis des produits différents de ceux de la Chine. Il est remarquable que les Européens n'aient pas perdu de leur part du marché américain. Bien que je ne sache pas exactement le rendement de l'Inde et la Russie sur le marché américain, je pense que ce qui doit nous préoccuper, c'est que les Européens ont pu préserver leur part de ce marché quand le Canada n'y est pas parvenu. C'est cela qui est inquiétant.
Le sénateur Mahovlich : Quelle incidence peut avoir l'arrivée de millions de nouveaux travailleurs sur le marché de l'emploi en Chine et en Inde sur les salaires ici, au pays, le cas échéant? Est-ce que les millions de nouveaux travailleurs chinois ont une incidence sur nous, ici, au chapitre des salaires?
Mme Fuller : Ceci revient à l'ancienne théorie économique de l'avantage comparatif. La Chine jouit d'un avantage comparatif au plan de la main-d'œuvre. Elle a une immense population; les salaires sont plus bas. On pourrait s'attendre à ce qu'ils excellent dans la production de produits à forte intensité de main-d'œuvre, et c'est le cas. Ils produisent des jouets et des textiles. Cependant, comme je le disais tout-à l'heure, leurs salaires sont en hausse, le niveau auquel ils font concurrence au plan de la valeur ajoutée est en hausse.
Le Canada a affiché une saine croissance des salaires ces dernières années. Nous voulons voir un virage de la population active vers les activités à plus grande valeur ajoutée et, par conséquent, les activités plus rémunératrices. Les salaires augmentent et les journaux ne cessent d'en parler, on craint que le secteur de l'emploi prenne un virage pour, du secteur manufacturier, se réorienter vers celui des services. En soi, ce n'est pas une mauvaise chose. Les services comportent des activités à très forte valeur ajoutée. Je ne suis pas l'expert du MAECI sur le sujet, mais la question qui se pose, c'est dans quelle mesure est-ce que nous excellons au chapitre des services à plus grande valeur ajoutée? Ceci nous ramène à la question de la chaîne de valeur mondiale, sur la concurrence pour les composantes à grande valeur ajoutée, tant dans la production de biens que dans celle de services.
Le sénateur Mahovlich : Quand les plus petites compagnies ont commencé à s'intéresser au marché russe, elles ont eu beaucoup de problèmes avec certaines de leurs règles. Est-ce que les plus petites compagnies ont de la difficulté à aller en Chine?
Mme Fuller : C'est encore une fois un peu en dehors de mon domaine. C'est vraiment une question sur les obstacles aux échanges commerciaux. Mes collègues qui s'occupent des politiques commerciales et des négociations commerciales seraient mieux placés pour répondre à cette question.
Avez-vous des commentaires à faire là-dessus, madame Moreau, en ce qui concerne le Chine et la conjoncture là- bas?
Mme Moreau : Non.
Mme Fuller : Si vous souhaitez que nous posions cette question à nos collègues pour un suivi, nous pouvons le faire.
Le sénateur Mahovlich : Vous ne vous occupez pas de droits de la personne?
Le président : Permettez-nous de clarifier quelque chose, et peut-être aussi de poser une question.
Vous avez dit que les Européens n'ont pas perdu leur part du marché américain. Est-ce que ce sont les Européens de l'Union européenne, ou certains pays de l'Europe ou des pays de l'Europe en particulier?
Mme Fuller : Quand nous avons étudié cette question, nous nous sommes intéressés à la part de l'Europe sur le marché américain. Quand nous avons fouillé plus loin, nous avons pu constater que l'Allemagne, par exemple, a préservé sa part du marché américain.
M. Ens : Le Royaume-Uni aussi, surtout dans le secteur des services.
Le président : L'Allemagne et le Royaume-Uni sont les deux principaux exportateurs vers ce pays, n'est-ce pas?
Mme Fuller : Oui.
Le président : Ma question concernait l'Union européenne. Il y a des années, ils étaient 15 pays; maintenant, ils sont 27. Je suppose que vous en avez tenu compte dans vos statistiques?
L'un des problèmes qui se pose à nous constamment, c'est que l'exportation est une bonne chose, mais l'importation — on en a besoin, mais est-ce vraiment bon pour notre économie? Vous avez dit quelque chose de très valable, que la vigueur de la croissance des importations au Canada pourrait être une indication que les compagnies canadiennes font un meilleur usage des intrants moins coûteux qui engendrent des intrants. Nous voyons cela sous un angle différent.
Pourriez-vous préciser votre pensée, et nous donner des exemples? Dites-nous exactement de quoi il s'agit. Aussi, prévoyez-vous une incidence sur les politiques du Canada?
Mme Fuller : C'est une question importante parce qu'elle concerne tout le débat sur la délocalisation, qui est toujours un paratonnerre des préoccupations parce qu'elle fait surgir des images d'emplois qui partent à l'étranger. Si une compagnie, en prenant la décision de déménager une composante de sa chaîne de production dans un endroit moins coûteux, peut être plus compétitive et augmenter ses activités à plus grande valeur ajoutée ici, au pays, c'est ce que nous voulons. C'est une bonne nouvelle à diffuser. C'est précisément ce dont je parlais quand je disais que nous devons voir dans les importations, dans ce monde de chaînes de valeur mondiales, un élément de la réponse.
Le président : Est-ce que deux exemples pourraient être l'industrie automobile ou RIM, le fabricant du fameux BlackBerry? Est-ce que ces deux compagnies, d'après vous, pourraient s'inscrire dans cette catégorie?
Mme Fuller : Oui, absolument. Le secteur automobile est un parfait exemple de chaîne de valeur hautement intégrée, mais surtout en Amérique du Nord, c'est une chaîne de valeur régionale avec des produits qui traversent la frontière à de nombreuses reprises. Le BlackBerry de RIM a des composantes qui sont fabriquées partout dans le monde.
M. Ens : Beaucoup de recherches ont été faites sur le sujet au Canada, mais pas aux États-Unis où c'est un plus important enjeu politique. En regardant les chiffres, ils ont remarqué que, comparativement aux pertes normales d'emplois dans une économie, la perte d'emplois attribuable à la délocalisation, qui a été plus importante aux États- Unis, a en fait été assez minime. Là-dessus, ils ont pu calculer le nombre d'emplois qui étaient protégés par la délocalisation des intrants moins chers. Dans le monde des chaînes de valeur mondiales, si vous n'importez pas, vous vous retrouverez au bas de la chaîne de valeur mondiale et non dans les fonctions principales et les activités à plus grande valeur ajoutée.
Le président : Je comprends.
Le sénateur Johnson : Nous entendons de plus en plus parler de ce que coûte l'inflation en Chine à l'ensemble des États-Unis et de facteurs comme la montée en flèche des coûts de l'énergie, de la production manufacturière et des matières premières. La chute du dollar et la multiplication des règles administratives, y compris un droit du travail plus rigoureux, forcent les usines chinoises à augmenter le prix de leurs exportations. Cela se répercute sur d'autres pays qui fabriquent des produits à meilleur prix.
Quelle incidence cela a-t-il eu sur le Canada et quelles sont les mesures préventives qui devraient être envisagées pour faire face aux répercussions de l'inflation sur la dynamique des échanges commerciaux entre le Canada et la Chine?
Mme Fuller : Ce qui est surtout important de se rappeler, c'est que tandis que la Chine évolue, comme on l'a déjà dit, avec la hausse des prix dans ce pays, la hausse des salaires, on doit s'attendre à ce qu'elle se développe. La flambée des prix des aliments à l'échelle mondiale, au plan de son incidence pour nous, est une question de stabilité politique dans la mesure où la hausse des prix des aliments exerce d'énormes pressions sur les pays où les prix des aliments augmentent de manière phénoménale.
Je ne sais pas ce que je pourrais dire d'autre sur les chaînes de valeur mondiales. Je ne sais pas si cela vous aide, sénateur.
Le sénateur Johnson : Avec une population comme la sienne, à propos de cet aspect-là lui-même, où est-ce que cela s'équilibrera pour nous, au plan économique? Pourront-ils continuer d'y faire face? La Chine a investi 18,7 milliards de dollars américans à l'étranger, dans les secteurs non financiers, en 2007. Ils sont partout. Ils pourraient probablement noyer l'économie américaine sous la quantité de dollars américains qu'ils possèdent.
Selon votre perspective, quelle est la limite, pour la Chine? Sa population continue d'augmenter. L'Inde est, dans sa plus grande partie, un pays affligé par la pauvreté, à part une bourgeoisie qui est en train de naître. Et pourtant, ce sont les nouvelles économies qui vont faire y surface, et on nous dit que nous ne sommes pas compétitifs.
Mme Fuller : En fin de compte, même si nous avons déjà constaté l'incidence énorme sur l'économie mondiale de l'émergence de la Chine — et dans une moindre mesure de l'émergence de l'Inde — une grande part de cette incidence reste encore à venir. C'est pourquoi il est tellement important d'étudier ces questions et de porter ceci à l'attention des Canadiens et des entreprises canadiennes. C'est une transformation incroyable dans l'économie mondiale, et nous n'avons pas encore tout vu.
Le sénateur Johnson : C'est un énorme changement, n'est-ce pas?
Mme Fuller : La bonne nouvelle, c'est que des millions de personnes, en Chine, sortent de la pauvreté. Tandis que le pays se développe à cette cadence incroyable et qu'il se fait une place dans les secteurs d'activités à valeur ajoutée de plus en plus grande, il pourra offrir des débouchés bien plus intéressants à ses citoyens.
Le sénateur Johnson : C'est un virage phénoménal, dont il est difficile de comprendre tout à fait l'ampleur.
Mme Fuller : Les chiffres de toutes ces mesures sont stupéfiants, pour les répercussions qu'ils ont et auront.
Le sénateur Corbin : À propos du graphique de la page 38 intitulée « Principaux produits exportés vers la Chine », la dernière rubrique est « autres », et représente 2,8 milliards de dollars. Qu'est-ce qui se trouve dans cette catégorie, qui est différent des précédentes?
C'est une somme énorme comparativement aux rubriques précédentes. Je suis sûr qu'il ne s'agit pas seulement de vis et d'écrous et d'articles pour les boutiques de marchandises à un dollar. Qu'est-ce qui ressortirait dans cette catégorie « autres », qui n'est pas indiqué précisément?
Mme Fuller : Ce graphique illustre le fait que les exportations du Canada en Chine sont assez diversifiées. Si vous prenez un graphique similaire pour d'autres pays, vous pouvez voir que la catégorie « autres » est assez modeste. Cependant, en Chine, ce sont les dix principaux produits, et la catégorie « autres » englobe un grand nombre de produits, dont aucun ne figure parmi les dix principaux produits. Si vous voulez, nous pourrions vous donner la liste des 20 ou 30 principaux produits exportés. Je ne sais pas si nous l'avons ici.
M. Ens : Nous pouvons vous la faire parvenir.
Le sénateur Corbin : Cet « autres » représente des débouchés. Il représente la croissance potentielle et ce genre de choses, alors il serait intéressant de connaître la nature de ces produits.
Mme Fuller : Tous ces éléments représentent des débouchés. Il est remarquable, en particulier, de voir les chiffres de la machinerie. Si nous pensons à nos exportations vers la Chine, la notion courante c'est que nous exportons surtout des ressources vers la Chine. Ceci démontre que oui, la pâte de bois, les matières chimiques organiques et le nickel sont les trois principaux produits, mais la machinerie est en quatrième place et affiche une croissance de 15 p. 100 en 2007. C'est une bonne nouvelle.
Comme nous avons des fabricants de machinerie qui subissent de fortes pressions sur le marché américain, avec la hausse du dollar et le ralentissement économique aux États-Unis, nous assistons à une vigoureuse croissance des exportations de machinerie vers les nouvelles économies. C'est même encore plus pour la Russie. Je ne pense pas que la machinerie soit au nombre des dix principaux produits exportés en Russie — oui, elle l'est — la croissance a été de 60 p. 100 en 2007.
Nous avons étudié cet aspect parce que c'était tellement remarquable — les exportations de machinerie vers la Russie et la vigueur de leur croissance l'année dernière. Ce qui est intéressant, ici, c'est que l'histoire des ressources n'est pas qu'une affaire d'exportation de ressources mais aussi d'exportation d'équipement associé aux ressources. Les exportations vers la Russie d'équipement agricole et d'équipement relatif au pétrole et au gaz affichent des taux de croissance assez spectaculaires. Les indices de base sont assez faibles. Ces 60 p. 100, c'est environ 100 millions de dollars, ou quelque chose du genre. Sur l'ensemble des exportations du Canada, ce n'est pas énorme. Cependant, cela démontre que les exportateurs de machinerie qui ont eu des difficultés sur le marché américain dernièrement connaissent une vigoureuse croissance sur les nouveaux marchés — et ça, c'est une bonne nouvelle.
Le président : À la page 43, nous voyons qu'il y a eu une hausse de plus de 1 100 p. 100 des exportations d'animaux vivants en Russie. Nous devons avoir envoyé tout un tas de vaches d'un seul coup l'année dernière. Est-ce parce que le chiffre de départ était si faible?
M. Ens : Le chiffre de base est d'environ 23 millions de dollars, alors quand on arrive à ce niveau-là, une seule transaction, à peu de chose près, peut suffire à faire gonfler les chiffres.
Le président : Je pense que nous avons effectivement envoyé un chargement de vaches de boucherie, ou quelque chose du genre.
Je vais revenir sur un autre commentaire intéressant que vous avez fait. Tout d'abord, en guise de contexte, la dépendance sur nos produits de base pour notre croissance ces dernières années finira par nous poser un problème si nous ne commençons pas à diversifier nos activités. Vous avez parlé de la nécessité de faire du Canada une destination de choix pour ces activités à grande valeur ajoutée. Je pense que nous serions d'accord avec vous. Nous l'avons déjà entendu dire, ce n'est pas la première fois.
Pourriez-vous nous aider à déterminer plus précisément dans quels domaines, d'après vos recherches, nous présentons des lacunes, où nous ne sommes pas aussi bons, ou encore où nous devrions apporter des améliorations? Permettez-moi de vous orienter un peu avec la question suivante : nos lacunes sont-elles dans le domaine de l'éducation, la R et D, les questions de réglementation, la productivité? Pourriez-vous nous aider à le déterminer?
Il y a un pendant à cette question : Nous faisons partie d'une organisation appelée l'ALENA, un groupe commercial qui, à mon avis, a remporté un succès certain. Quand nous parlons de faire du Canada la destination de choix pour ces activités de grande valeur, parlons-nous spécifiquement du Canada ou pensez-vous que nous devrions aussi avoir un partenariat stratégique avec nos partenaires de l'ALENA?
Mme Fuller : En réponse à la première partie de votre question, au sujet des activités de grande valeur, il y a une statistique digne de mention, et c'est la comparaison du Canada sur le plan des dépenses en recherche et développement au sein du groupe de l'OCDE. Notre secteur privé dépense environ la moitié de la moyenne des pays de l'OCDE sur la recherche et le développement. Donc oui, la R et D dans ce domaine se qualifie sans aucun doute comme une activité de grande valeur, telle que mesurée par les niveaux des salaires dans ce secteur, dans lequel nous souhaiterions qu'il y ait de l'investissement. C'est le genre de facteurs auxquels s'intéresse notre ministère pour choisir le type d'investissements que nous cherchons à attirer et à promouvoir au Canada. Les investissements avec un élément de R et D seraient certainement un bon exemple.
Il ne faudrait pas penser, en ce qui concerne les ressources, en termes de faible valeur ajoutée, de produits ne provenant pas des ressources naturelles ou de forte valeur ajoutée. Il y a des activités à forte valeur ajoutée dans les industries des ressources. Ce que je disais à propos des exportations de machinerie est un exemple clair de la manière dont notre force et les ressources peuvent engendrer la force dans ce qui est une activité à forte valeur ajoutée — la production d'équipement et de technologies associés à l'extraction des ressources ou, dans le cas de l'agriculture, les technologies associées à la production agricole.
En ce qui concerne la deuxième partie de la question, il est certain que l'existence d'accords commerciaux est un important aspect du défi que présente l'attraction d'activités à grande valeur ajoutée au Canada.
C'est un facteur pris en compte dans les choix de destination que font les investisseurs. C'est une question d'accès aux marchés à partir d'une base particulière. C'est ce qui fait l'énorme avantage de l'ALENA pour le Canada, qu'il puisse offrir l'accès principalement au marché américain aux investisseurs qui viennent au Canada. C'est d'une importance fondamentale.
La stratégie commerciale mondiale vise à accroître l'accès au marché pour les compagnies canadiennes au moyen d'un programme actif de négociations commerciales. Comme je l'ai dit, je pense que vous avez entendu les témoignages d'autres fonctionnaires qui sont directement engagés dans ce domaine. C'est un élément fondamental de ce dont je parlais tout à l'heure, au sujet de l'environnement que nous devons créer pour être une destination de choix.
Le président : Vos collègues ont-ils d'autres commentaires?
M. Ens : J'ajouterais qu'en ce qui concerne l'ALENA, le Conference Board du Canada a récemment fait certains travaux. Ils ont examiné les échanges commerciaux d'intrants intermédiaires. Ce qui a été frappant, c'est le bond qu'ont fait les échanges commerciaux d'intrants entre le Canada et les États-Unis après la signature de l'ALENA. C'était l'élément central de l'intégration et des chaînes de valeur régionales qui ont été créées avec l'ALENA.
Le président : Avons-nous un exemplaire de ce document? Il serait intéressant de l'avoir.
Permettez-moi de glisser une question, si vous voulez bien. Il est évident que notre point de mire, ce sont les relations entre le Canada et la Chine, l'Inde et la Russie. Il y a de très intéressantes économies émergentes — certaines d'envergure moyenne, certaines étant des pays de l'Asie et même d'autres régions du globe. Est-ce un aspect sur lequel vous vous êtes penchés — vous y avez fait allusion dans vos observations, mais nous ne vous avons pas demandé de vous expliquer. Y a-t-il une région que vous avez étudiée dont, selon vous, le comité ne devrait pas négliger le potentiel pour le Canada au plan du commerce et de l'investissement dans certaines de ces autres économies émergentes?
Mme Fuller : Le groupe que nous appelons les économies émergentes est vaste. Le Vietnam, par exemple, a fait les manchettes à maintes reprises avec les pas de géant qu'il a fait et la croissance spectaculaire qu'il a affichée.
Je dirais que la liste pourrait être assez longue, des pays qui prennent le virage de l'orientation de leur économie sur les marchés. Il y en a de nombreux exemples; il n'y a pas que la Chine et l'Inde. Ceux-là sont tout simplement remarquables en raison de leur taille, mais il y en a beaucoup d'autres qui, bien que plus modestes, offrent aussi des débouchés aux compagnies canadiennes.
Le président : Avez-vous pu identifier, quand vous prépariez vos observations, d'autres pays, comme le Brésil? Nous envisageons un accord de libre-échange avec la Colombie. Je sais que c'est un peu loin du point de mire de l'étude, mais y a-t-il d'autres économies émergentes qui évoluent et commencent seulement à s'épanouir auxquelles, selon vous, nous devrions nous intéresser en marge de cette étude?
Mme Fuller : Eh bien, il est certain que le Brésil est dans la foulée classique de la Russie, l'Inde et la Chine. C'est le candidat suivant évident à étudier, encore une fois en raison de sa taille. C'est une vaste économie. Pas aussi vaste que la Chine, mais au plan de la population et du PIB, oui. Ses échanges commerciaux sont modestes en regard de son PIB, alors avec la croissance de ces échanges, il y a un grand potentiel et un grand pouvoir économique dans ce pays.
Les Amériques sont une priorité du gouvernement. Nous entretenons d'importants liens, depuis longtemps, avec bien des pays de cette région. C'est une stratégie axée sur l'exploitation des forces. En ce sens, c'est pourquoi nous nous intéressons aux accords commerciaux dans les Amériques et avons accentué notre attention sur cette région.
Le président : En vous remerciant, je veux souligner que c'est la première fois, je pense, que nous sommes pas mal à l'heure, après les quelques audiences que nous avons eues. Je tiens donc à vous remercier d'avoir respecté l'horaire.
La présentation que nous avons entendue ce soir, chers collègues, nous a été faite par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international : Patricia Fuller, économiste en chef; Erik Ens, économiste principal, Bureau de l'économiste en chef; et Martine Moreau, directrice par intérim, Direction des initiatives stratégiques WSI.
Au nom de tous nos collègues et des téléspectateurs qui écoutent peut-être cette audience, nous tenons à vous remercier d'être venus nous communiquer cette information.
Mme Fuller : Merci, sénateur.
Le sénateur Corbin : Que signifie WSI?
Mme Moreau : Rien du tout. C'est seulement la Direction des initiatives stratégiques.
Le sénateur Corbin : Mais ce sigle ne correspond pas aux initiales DIS?
Mme Fuller : Il remonte à l'époque des télégrammes au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Il y a une histoire, là-dedans.
Le président : Très bien. Merci encore, mesdames et messieurs. Nous clôturons donc cette réunion.
La séance est levée.