Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 1 - Témoignages du 10 décembre 2007
OTTAWA, le lundi 10 décembre 2007
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit ce jour à 16 h 4 pour examiner des cas de discrimination présumés dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et étudier la mesure dans laquelle les objectifs pour atteindre les groupes minoritaires sont réalisés.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, nous avons le quorum. Nous sommes réunis pour poursuivre nos travaux concernant notre ordre de renvoi relatif à l'équité en emploi.
Nous avons commencé à examiner il y a quelque temps des cas de discrimination présumée dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et à étudier la mesure dans laquelle les objectifs pour atteindre l'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont réalisés.
Nous avons ouvert un dialogue avec la Commission de la fonction publique et constaté que le système fédéral compte un grand nombre d'autres agences et responsabilités. Afin d'assurer une étude complète et adéquate, nous nous sommes dit qu'il conviendrait d'examiner la situation des employés ne relevant pas de la Commission de la fonction publique afin de voir dans quelle mesure leurs conditions d'emploi sont conformes à celles de la Commission. Les règles sont-elles les mêmes? Les difficultés sont-elles les mêmes? Les objectifs fixés par le gouvernement sont-ils appliqués également à ces autres groupes?
Aussi, nous avons demandé à Mme Karen Ellis, vice-présidente principale du Secteur du renouvellement de la main-d'œuvre et du milieu de travail de l'Agence de la fonction publique du Canada de comparaître aujourd'hui afin de nous parler de manière générale de l'Agence de la fonction publique du Canada, de manière à nous familiariser davantage avec ses rôles et responsabilités, puis de traiter plus spécifiquement de l'équité en emploi.
Karen Ellis, vice-présidente principale, Secteur du renouvellement de la main-d'œuvre et du milieu de travail, Agence de la fonction publique du Canada : Merci de m'avoir invitée à m'entretenir avec vous aujourd'hui. Je signale d'emblée que ma collègue, Mme Kami Ramcharan, devait comparaître avec moi aujourd'hui. Il s'est produit un décès soudain dans sa famille, vendredi, et elle a dû se rendre à l'étranger de ce fait. Je suis désolée de ce qui lui arrive, mais voilà pourquoi je suis seule aujourd'hui. J'espère pouvoir répondre à vos questions.
Comme la présidente l'a mentionné, je fais partie de l'Agence de la fonction publique du Canada, anciennement connue sous le nom d'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada. Le changement de nom est devenu effectif au début de cette année.
Créée en 2003, l'agence est le résultat d'une fusion d'unités du Secrétariat du Conseil du Trésor avec des unités de la Commission de la fonction publique. C'est donc une entité relativement nouvelle.
[Français]
La raison d'être de l'agence est de moderniser la gestion des ressources humaines et les méthodes de leadership ainsi que de favoriser le maintien de l'excellence dans ces domaines dans toute la fonction publique. Afin de réaliser son objectif stratégique et de livrer des résultats aux Canadiens, les plans et priorités de l'agence s'articulent autour des trois activités des programmes suivants : une gestion des ressources humaines modernisée et une responsabilisation accrue; un leadership efficace, conforme à l'éthique, et un milieu de travail de qualité; une fonction publique représentative et accessible.
Le mandat statutaire de l'agence découle des pouvoirs qui lui sont délégués par le Conseil du Trésor en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques dans les domaines suivants : la gestion des ressources humaines, les langues officielles, l'équité en matière d'emploi, les valeurs et l'éthique.
Mon secteur, celui du renouvellement de la main-d'œuvre et du milieu du travail, met l'accent sur les programmes et les politiques, et sur les valeurs qui définissent l'environnement de travail de la fonction publique. Il rassemble sous une même bannière les politiques sur l'emploi, les valeurs et l'éthique, les langues officielles, la diversité, les collectivités fonctionnelles et la planification intégrée des ressources humaines. Notre objectif est de promouvoir le renouvellement de la fonction publique et d'aider les ministères et les organismes du gouvernement à constituer et à maintenir un effectif bien géré, dynamique et engagé, qui est représentatif de la population canadienne et qui est apte à la servir dans les deux langues officielles.
L'agence, par l'intermédiaire de la Division de la diversité, offre aux ministères conseils et orientation au sujet des politiques et évalue le rendement des ministères grâce à la composante du cadre de responsabilisation de gestion.
Nous produisons également le rapport annuel du président sur l'équité en matière d'emploi, document qui est déposé au Parlement.
[Traduction]
Il incombe aux administrateurs généraux d'assurer l'équité en matière d'emploi au sein de leurs ministères. Il est important de souligner que les ministères ont la responsabilité de préparer leurs propres plans concernant l'équité en matière d'emploi, d'effectuer des examens des systèmes d'emploi, de cibler et d'éliminer les obstacles à l'emploi et de montrer qu'ils font des progrès raisonnables vers l'atteinte des objectifs liés à l'équité en matière d'emploi.
En 2006, le greffier du Conseil privé a amorcé le processus de renouvellement de la fonction publique, pour lequel l'Agence du Canada offre un soutien opérationnel et un soutien en matière de politiques. L'agence fait la promotion de l'intégration de la diversité et de l'équité en matière d'emploi dans le processus de renouvellement.
Les quatre priorités du renouvellement de la fonction publique sont la planification, le recrutement, le perfectionnement des employés et l'infrastructure de base.
La planification intégrée est le fondement et le moteur du renouvellement. La planification intégrée consiste à utiliser pleinement la souplesse que confère la Loi sur la modernisation de la fonction publique et à faciliter l'atteinte des objectifs concernant l'équité en emploi et les langues officielles.
Le recrutement est essentiel au renouvellement afin de renouveler et de maintenir les ressources à tous les niveaux.
Le perfectionnement consiste à encourager le leadership à tous les niveaux et à veiller à ce que les employés aient un travail enrichissant et un milieu de travail positif.
L'infrastructure habilitante désigne les systèmes et processus adéquats qui assurent une planification, un recrutement et un perfectionnement efficaces.
En substance, le renouvellement consiste à établir une fonction publique fédérale solide et durable pour l'avenir. Cela implique la constitution d'un effectif de travail capable de tirer avantage de la diversité d'origines, de cultures, de visions, d'idées, de connaissances et de perspectives qu'offre le Canada.
[Français]
Depuis que la Fonction publique du Canada s'est assujettie à la Loi sur l'équité en matière d'emploi, en 1996, le taux de représentation des femmes, des Autochtones, des personnes handicapées et des membres des minorités visibles a augmenté de manière constante.
En mars 2006, le taux de représentation des femmes, des Autochtones et des personnes handicapées dépassait le taux de disponibilité de ces mêmes groupes. Les résultats initiaux pour 2007 établis en fonction des données préliminaires des ministères, lesquelles n'ont pas encore été publiées, montrent que les taux de représentation pour ces groupes sont encore au dessus du taux de disponibilité et que les taux de représentation des membres de minorités visibles ont augmenté.
Les progrès réalisés dans le domaine de l'équité en matière d'emploi ne sont pas seulement liés à la représentation. Par exemple, la répartition des membres de ces groupes au sein des groupes professionnels et des régions est plus uniforme, et les salaires ont augmenté.
[Traduction]
Vous savez, d'après le rapport que vous avez vous-même rédigé et d'autres données récentes, que le taux de représentation des minorités visibles se situe toujours sous le taux de disponibilité. Nous avons progressé, mais nous restons toujours en dessous de ce taux.
Il y a dix ans, le taux de disponibilité des membres des minorités visibles était de 9 p. 100, alors que le taux de représentation de ces derniers dans la fonction publique n'était que de 4,5 p. 100. Aujourd'hui, le taux de représentation des membres des minorités visibles se situe environ à 8,6 p. 100, alors que le taux de disponibilité de ces derniers est de 10,4 p. 100, selon les données du recensement de 2001. Nous ne remplissons toujours pas les objectifs, mais nous avons obtenu des améliorations.
De 2001 à 2006, presque 6 000 membres des minorités visibles sont entrés au service de l'administration publique centrale, et le nombre de cadres membres de minorités visibles a plus que doublé. L'administration publique centrale compte maintenant plus de 15 000 employés se déclarant membres des minorités visibles, dont 200 cadres supérieurs sur un total de 4 505.
Une analyse comparative des niveaux de rémunération des employés membres des minorités visibles et des niveaux de rémunération de l'ensemble des employés a donné des résultats encourageants. En effet, le pourcentage d'employés membres des minorités visibles gagnant jusqu'à 75 000 $ par année est comparable à celui de l'ensemble de l'effectif. Le chiffre est de 80 p. 100 pour les minorités visibles et de 79 p. 100 pour tous les employés dans cette fourchette de salaire. De fait, de tous les quatre groupes désignés, les minorités visibles se situent le mieux dans la comparaison avec les niveaux de salaire de la population totale de fonctionnaires.
Cette situation est attribuable en partie au taux de représentation élevé des employés membres des minorités visibles faisant partie de la catégorie scientifique et professionnelle. Plus de 20 p. 100 des membres des minorités visibles se situent dans cette catégorie, qui comprend l'architecture, la vérification comptable, la chimie et les mathématiques.
[Français]
L'agence appuie les trois conseils représentant les employés autochtones, les employés handicapés et les employés membres des minorités visibles — le Conseil national des employés fédéraux autochtones, le Conseil national des employés handicapés fédéraux et le Conseil national des minorités visibles respectivement — en leur offrant des services de secrétariat et un soutien financier afin qu'ils puissent nous aider à constituer une fonction publique représentative.
Plusieurs ministères réussissent à atteindre un taux de représentation très satisfaisant en ce qui a trait aux groupes d'équité en matière d'emploi. Ils partagent d'ailleurs, avec les autres ministères, les méthodes qu'ils utilisent pour assurer l'équité en matière d'emploi.
Certains ministères offrent des services de mentorat aux employés handicapés, ce qui permet à ces derniers de relever des défis importants dans leur milieu de travail.
Il existe aussi des exemples à suivre en matière de programmes de perfectionnement gérés de manière centrale. Durant la période 2006-2007, le taux de représentation des membres des minorités visibles dépassait largement le taux de disponibilité de ces derniers dans de tels programmes. Par exemple, le programme de formation accélérée pour les économistes, 12,5 p. 100 minorités visibles; le programme de stagiaire en gestion, 43,4 p. 100; et le programme de perfectionnement accéléré des cadres supérieurs, 24,4 p. 100. En 2003, le taux de représentation au sein du dernier groupe ayant suivi le programme cours et affectation de perfectionnement était de 36 p. 100. Ces chiffres nous indiquent que lorsque nous planifions et recrutons en ayant en tête l'équité en matière d'emploi, nous réussissons.
[Traduction]
L'agence a élaboré deux nouveaux instruments de politique afin de créer un milieu de travail plus inclusif et plus accessible. Nous nous attendons à ce que ces politiques entrent en vigueur le 1er avril 2008.
La politique sur l'équité en emploi aidera les ministères à atteindre les objectifs en la matière dans l'ensemble de l'administration publique centrale. Nous révisons cette politique pour qu'elle soit plus simple et plus claire et davantage axée sur les résultats, ce qui nous permettra de soutenir l'intégration des objectifs d'équité en emploi dans tous les aspects de la planification des activités de gestion des ressources humaines et aussi d'améliorer la responsabilisation pour ces résultats.
Dans le cadre de la mise en œuvre de cette politique, nous organiserons des ateliers régionaux et une conférence sur l'équité en emploi. Ces activités permettront aux ministères de renforcer leur capacité afin de devenir plus représentatifs.
Je me dois de souligner que nos efforts visent maintenant les gestionnaires opérationnels, en sus des professionnels des ressources humaines. Nous pensons que ce sont les gestionnaires opérationnels qui procèdent à la planification et à l'embauche et ce sont eux qui doivent être sensibilisés à cette problématique, comme les spécialistes des ressources humaines l'étaient dans le passé.
La nouvelle politique sur l'obligation de prendre des mesures d'adaptation s'appliquera à tous les groupes protégés par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elle permettra d'empêcher la discrimination fondée sur quelque motif que ce soit, par exemple la discrimination fondée sur la race, l'origine ethnique ou nationale, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l'état de délinquant réhabilité.
La politique sur l'obligation d'adaptation exige que les administrateurs généraux intègrent des principes d'accommodement dans la conception et la planification de l'ensemble des politiques, des pratiques, des procédures, des systèmes, des événements et des installations afin d'empêcher la discrimination fondée sur des motifs illicites.
Ces instruments de politique révisés, ainsi que l'instauration d'un dialogue et d'activités de formation efficaces en vue de soutenir leur mise en application, aidera à favoriser un milieu de travail qui valorise et encourage l'intégration et la pleine participation des groupes d'équité en emploi ou des autres groupes qui ont besoin de mesures d'adaptation.
[Français]
En conclusion, l'équité en matière d'emploi dans l'administration publique centrale est synonyme d'excellence. Nous savons qu'un milieu de travail représentatif et diversifié contribuera à améliorer la politique, les programmes et les services pour toute la population canadienne. L'équité en matière d'emploi, ce n'est pas que des chiffres, il s'agit de nos valeurs. Il est essentiel, pour le renouvellement de la fonction publique, de rendre la fonction publique aussi diversifiée et accessible que possible, cela est aussi synonyme d'occasion et de leadership et d'amélioration de la gestion des ressources humaines dans tout le pays.
Il incombe aux sous-ministres, aux cadres supérieurs, aux gestionnaires hiérarchiques et aux employés dans l'ensemble de la fonction publique de s'occuper du renouvellement. Nous savons que nous devons surmonter certains obstacles afin d'assurer l'équité en matière d'emploi. Nous faisons des progrès et nous nous engageons à nous améliorer sans cesse.
Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.
[Traduction]
La présidente : Merci, madame Ellis. Avant de donner la parole aux autres sénateurs, j'aimerais un éclaircissement. La Commission de la fonction publique nous a indiqué ici même qu'elle sensibilise, facilite et encourage mais qu'elle n'a nul pouvoir d'obliger les gestionnaires ou le système à rendre des comptes. Votre Agence s'appelait précédemment AGRHFPC, et maintenant Agence de la fonction publique du Canada, un bien meilleur nom. Vous dites collaborer avec le Secrétariat du Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique en vue d'encourager, faciliter et identifier, et toutes ces activités semblent utiles. Tant vous-même que la Commission de la fonction publique dites que la solution au problème résidera dans une planification et un accroissement des ressources et une application plus systématique.
Cependant, cela ne règle pas pour moi la question de savoir qui est responsable? Si tout ce travail de facilitation et d'encouragement ne porte pas fruit, qui est responsable?
Mme Ellis : C'est un point important et j'aimerais lui consacrer quelques minutes. J'ai travaillé assez intensément sur le renouvellement de la fonction publique l'an dernier, ainsi que sur l'équité en emploi, et je vais essayer de montrer et d'expliquer au comité pourquoi les deux doivent aller de pair.
La responsabilité à l'égard de l'équité en emploi et des résultats d'un ministère en la matière appartient à l'administrateur général de ce ministère. Les organismes centraux, tels que le Conseil du Trésor et l'agence, formulent des politiques et des lignes directrices et donnent des outils pour faire le travail et permettre aux ministères de mettre en œuvre ces politiques et lignes directrices. Finalement, c'est à l'administrateur général et au ministère qu'il incombe d'assurer la planification et d'obtenir et d'améliorer les résultats au sein de cette administration.
Nous pouvons contribuer des éléments utiles. D'autres témoins vous ont parlé du Cadre de responsabilisation de gestion, au titre duquel les ministères sont évalués chaque année par les organismes centraux selon un certain nombre de facteurs, depuis la planification jusqu'à leur adhésion aux valeurs et à l'éthique et à leur action en matière d'équité en emploi. De fait, c'est mon équipe — composée aujourd'hui de trois éléments — qui va évaluer, ministère par ministère, les résultats sur le plan de l'équité en emploi et transmettre cette évaluation au Conseil du Trésor. Ce dernier rassemblera les différents facteurs évalués par différents experts sous le régime de ce cadre et en fera la synthèse. Toute une évaluation du ministère est réalisée selon ces différents aspects de la gestion.
Sur le plan de l'équité en emploi, nous réalisons notre évaluation, laquelle rendra visible l'action d'un ministère. La mise en lumière d'une performance par le biais d'une évaluation va attirer l'attention sur les domaines exigeant une amélioration. Tout sous-ministre dont un domaine a été reconnu par cette évaluation comme exigeant une action ou amélioration prêtera attention à cet aspect, mais devra s'efforcer constamment d'améliorer les résultats et en portera la responsabilité. Cela vaut certainement pour l'équité en emploi.
Le volet planification est crucial pour le renouvellement. Permettez-moi d'expliquer ce que nous entendons par planification. Tout d'abord, l'administrateur général du ministère et son équipe doivent comprendre le rôle de ce ministère. Pour exécuter ce rôle et remplir leur mandat, nous disons qu'ils doivent se doter des ressources humaines voulues afin de disposer des compétences et des effectifs requis pour cela. C'est ce que nous entendons par conjuguer les ressources humaines et la planification de l'activité.
Dans mon exposé, j'ai indiqué que lorsqu'on fait bien cette planification et que l'organisation prend du temps pour en parler et y réfléchir, il s'agit de considérer des éléments tels que les objectifs en matière d'équité en emploi et de langues officielles. Là où il y a des lacunes ou des besoins, il faut les intégrer d'emblée dans le plan et se dire : « Parmi les besoins organisationnels, nous avons quelques lacunes dans tel domaine et voici certaines des stratégies que nous allons utiliser cette année pour mettre en œuvre notre plan et remédier à ces problèmes ».
J'ai décrit la planification comme le fondement et le moteur du renouveau. Si vous prenez le temps, en tant qu'institution, de vous asseoir avec votre équipe et d'engager une conversation... j'ai entendu certains sous-ministres dire que le discours dans leur ministère a changé lorsqu'ils ont commencé à avoir cette discussion approfondie sur la planification; ils constataient que chacun des cadres supérieurs connaissait des difficultés similaires et qu'ils pouvaient chercher à les régler collectivement. C'est ce que j'entends lorsque je dis que la planification est cruciale.
Chaque ministère doit effectuer sa propre planification car chacun a des activités et des difficultés différentes. Le plan d'ensemble n'est donc pas de taille unique, mais lorsqu'il s'agit d'aspects tels que l'équité en emploi et les langues officielles, il y a de bonnes politiques communes à l'ensemble de la fonction publique que les ministères doivent intégrer dans leur propre plan.
La présidente : Entre ce que vous et la Commission de la fonction publique avez dit, nous sommes convaincus que cette planification est nécessaire et que vous fournissez les outils. Vous apportez des outils de telle manière que les administrateurs généraux des ministères ne peuvent éluder leurs responsabilités. Vous leur avez donné les outils, et ils ne peuvent donc pas prétendre ne pas posséder les compétences et ne pas savoir quel est le plan.
Si tout cela est à leur disposition et qu'ils ne mettent pas les plans en place et qu'il n'y a pas de résultat, quelle est la conséquence? Nous sommes tous gravement préoccupés de voir que la situation des minorités visibles s'est de nouveau dégradée au lieu d'avancer dans une direction appropriée. Si quelqu'un peut dire que les outils manquaient, c'est une excuse ou une raison invocable; mais si les outils sont là — nous avons deux organismes centraux, voire plus, pouvant aider — et qu'il n'y a pas de réaction au sein du ministère, quelle est la conséquence?
Mme Ellis : Sous le régime du Cadre de responsabilisation de gestion, les sous-ministres sont évalués chaque année, et nous sommes tous évalués sur notre performance chaque année, mais eux le seront sur la base de leur performance dans le ministère. Ce qu'ils ont fait vis-à-vis de tous les éléments du Cadre de responsabilisation de gestion constitue une partie de cette évaluation. C'est un des critères de l'évaluation du rendement effectuée chaque année au niveau des postes les plus élevés de la fonction publique.
Vous soulevez là un point capital. Permettez-moi de mettre en lumière une relation cruciale. Je sais que le comité, dans son rapport, a souligné qu'un changement de mentalité est le moteur de tout changement véritable. Vous avez raison; on a beau avoir des outils et des politiques, mais le monde ne change que si les gens prennent conscience, deviennent sensibilisés et commencent à mettre en œuvre efficacement ces outils. C'est ainsi que l'on commence à voir évoluer les chiffres et les résultats dans un domaine comme celui de l'équité en emploi.
Par exemple, j'ai mentionné que nous procédons à une refonte des deux politiques, soit l'équité en emploi et l'obligation d'accommodement. Lorsque j'ai présenté ces deux politiques à un important groupe de 27 sous-ministres réunis au sein d'un comité dont je devais obtenir l'assentiment, ils ont été unanimes à me faire la même réflexion. Ils m'ont dit : « Nous comprenons pourquoi cette politique est importante. Nous comprenons pourquoi l'équité en emploi et la diversité sont importantes. Nous comprenons bien. Nous approuvons les politiques. Cependant, ce dont nous avons besoin et ce dont nos cadres opérationnels ont besoin, c'est une aide pratique pour les mettre en œuvre. Ce n'est pas que nous ne comprenons pas. Nous comprenons pourquoi c'est important. Cependant, nous avons besoin d'une aide concrète pour appliquer ces politiques, s'asseoir avec les gens, leur parler, relier cela à la planification, les aider à comprendre comment travailler avec ces principes d'une manière qui se répercute sur le recrutement et l'exécution du plan ».
Les ateliers régionaux et la sensibilisation que nous entreprenons constituent une approche nouvelle pour nous. Traditionnellement, au fil des ans, nous étions en contact étroit avec le service des ressources humaines ou le coordonnateur de l'équité en emploi au sein d'un ministère. Mais ces gens-là sont très au fait de la problématique et la comprennent et travaillent à y remédier. Il nous fallait porter ce message directement aux gestionnaires opérationnels qui recrutent et forment les employés, car ce sont eux qui ont besoin d'être davantage sensibilisés. Dans la plupart des cas, ce n'est pas un manque de bonne volonté. Ils demandent simplement qu'on leur donne des outils et des conseils et une aide pour passer à l'exécution. C'est pourquoi nous cherchons à joindre un auditoire de type différent avec la prochaine publication des nouvelles politiques, car nous savons que lorsqu'on s'assoit et que l'on passe du temps face à face avec un groupe de gestionnaires, cela fait une différence. On obtient une meilleure adhésion.
J'ai fait l'expérience de cela moi-même il y a deux mois environ. J'ai rencontré quelque 25 directeurs de niveau EX-1 de tout le pays pour parler de l'obligation d'adaptation. Nous gérons aujourd'hui une main-d'œuvre très complexe, ce qui présente des difficultés. Je leur ai parlé pendant environ deux heures, mais cela aurait pu durer toute la journée. Ils demandaient : « Que dois-je faire dans un cas comme celui-ci? Comment puis-je gérer une situation comme celle-là? »
L'appétit est là chez les gestionnaires pour mettre davantage la main à la pâte, se familiariser avec l'enjeu et travailler là-dessus. Nous ne pouvons pas former chaque personne, mais nous pouvons recourir à l'approche de formation de formateurs pour joindre un noyau de cadres dans les ministères. Plus des gens comprenant le problème passeront de temps avec d'autres... c'est cela qui va amorcer le changement d'attitude.
Si l'évaluation fait apparaître de piètres résultats, l'une des conséquences est la visibilité. Cependant, on admet qu'il faut du temps pour établir un niveau de confort et engranger les résultats que produit un changement dans la façon de travailler au jour le jour.
Notre travail peut paraître nébuleux, mais pour moi c'est une passion et c'est très clair. Lorsque vous donnez de votre temps, les gens changent et peuvent s'emparer des solutions, essayer d'appliquer ce qu'ils ont appris sur leur lieu de travail. C'est ainsi que les choses changent. Le changement n'est pas le fruit d'une interminable série de courriels. On l'obtient en parlant et en partageant l'expérience de ce qui marche. Pour moi, il s'agit de faire saisir l'importance de la planification et la nécessité de changer les mentalités.
Pour ce qui est de la planification, chaque sous-ministre doit afficher son plan intégré des activités et des ressources humaines d'ici mars 2008. Je crois que tous les sous-ministres vont l'afficher. Ils y travaillent.
Le sénateur Jaffer : Que signifie « administration publique centrale »?
Mme Ellis : Cela signifie les fonctionnaires dont le Conseil du Trésor est l'employeur. Nous avons quelques agences qui sont des employeurs distincts, telles que le SCRS. L'effectif de l'administration centrale est d'environ 250 000 fonctionnaires.
Le sénateur Jaffer : À la page cinq de votre exposé, vous dites qu'environ 80 p. 100 des minorités visibles touchent jusqu'à 75 000 $, comparé à 79 p. 100 de tous les employés. Est-ce 80 p. 100 du 8,6 p. 100 que représentent les minorités visibles dans l'effectif total?
Angela Henry, directrice intérimaire, Politiques sur la diversité, Direction générale du renouvellement de la fonction publique et de la diversité, Agence de la fonction publique du Canada : Oui, c'est juste, sénateur.
Le sénateur Jaffer : C'est un groupe plus restreint que vous comparez au reste?
Mme Ellis : Oui, 80 p. 100 de 15 000 personnes.
Le sénateur Jaffer : C'est 8,6 p. 100; exact?
Mme Ellis : C'est juste.
Le sénateur Jaffer : Vous voyez à quoi je veux en venir, le chiffre absolu est très faible. Un grand nombre de membres des minorités visibles occupent des emplois très mal payés, mais du fait de leur présence dans la catégorie scientifique, cela porte le nombre à 80 p. 100. Est-ce exact?
Mme Henry : C'est une moyenne. Les postes scientifiques et professionnels font augmenter la moyenne.
Pour chaque groupe désigné, il y a une ventilation des salaires. Je n'ai pas les chiffres en pourcentage des minorités visibles travaillant aux niveaux inférieurs. De manière générale, les salaires des employés appartenant à une minorité visible sont comparables à ceux de la population d'ensemble. La majorité des fonctionnaires fédéraux ne sont pas rémunérés aux échelons supérieurs, et cela est probablement vrai aussi des minorités visibles.
Le sénateur Jaffer : Je respecte et admets cela.
Pourriez-vous communiquer cette ventilation à la présidence? Combien parmi les 8,6 p. 100 sont rémunérés aux divers niveaux, par exemple, catégorie scientifique, niveau d'entrée, sous-ministres, cadres supérieurs, et cetera. Cela nous serait très utile.
Mme Henry : Oui. Nous ne pourrons peut-être pas vous donner la distribution. Nous pouvons vous donner les chiffres pour les six catégories professionnelles mais peut-être pas ceux des échelons à l'intérieur de ces catégories. Nous pouvons aussi vous fournir l'échelle des salaires de chacune de ces catégories.
Le sénateur Jaffer : Est-il exact que, selon la disponibilité totale dans la main-d'œuvre, l'objectif est de 10,4 p. 100, mais vous n'avez atteint que 8,6 p. 100?
Mme Henry : C'est juste.
Le sénateur Jaffer : Quelle sorte de recrutement faites-vous pour encourager les minorités visibles?
Mme Ellis : Nous vous trouverons les chiffres que vous demandez.
Pour ce qui est du recrutement, j'en reviens au fait que les ministères en sont responsables. J'ai mis en lumière quelques programmes gérés depuis le centre, tels que le Programme accéléré des économistes, entre autres. Nous avons d'excellentes statistiques sur la représentation des minorités visibles car l'on va recruter toute une classe, peut-être en privilégiant les minorités visibles. Lorsqu'une action explicite comme celle-ci a lieu, on obtient de bons résultats. Cependant, ce sont là des programmes à petite échelle.
Nous communiquons aux ministères ces pratiques exemplaires qui produisent des résultats au niveau des stratégies de recrutement. Nous leur disons que lorsqu'ils incorporent ces stratégies dans leurs stratégies de recrutement, ils peuvent combler les écarts.
La nouvelle Loi sur la modernisation de la fonction publique offre des flexibilités pour combler de tels écarts. Si un ministère identifie un écart chronique dans la représentation des personnes handicapées, ou de l'un des groupes visés par l'équité en emploi, il peut faire un recrutement ciblé pour combler cet écart. Par exemple, il peut y avoir un processus exempt d'annonces permettant de nommer des personnes appartenant à un tel groupe.
Si un bon plan de base est en place, il a une justification pour dire qu'il existe un écart concernant tel groupe désigné et que l'on choisit telle stratégie pour le combler. Ce sont là des outils concrets dont les ministères disposent pour remplir les objectifs d'équité.
Si un ministère a réalisé la planification voulue, il peut considérer stratégiquement ces secteurs d'activité et voir dans quelle mesure une plus grande diversité peut l'aider à mieux faire le travail. Il voudra transmettre le message à tous les gestionnaires qui recrutent de réfléchir à leurs plans, au public desservi et à la façon de remplir ces objectifs de manière à construire un objectif plus divers. Certains ministères s'en tirent très bien sur le plan de la représentation de tous les groupes, alors que d'autres ont des résultats passables et doivent s'améliorer.
Nous cherchons à jumeler les différents ministères pour savoir ce qui marche bien dans chacun. Beaucoup tient au leadership, au fait de prendre le temps pour dialoguer et décider d'agir en utilisant telle ou telle stratégie pour obtenir tel résultat. Le recrutement peut être ciblé si l'on a un bon plan et si l'on peut démontrer qu'il existe un besoin.
Le sénateur Jaffer : Vous dites que l'agence finance trois conseils. Quels sont ces conseils?
Mme Ellis : Ce sont des conseils élus représentant la base.
Le sénateur Jaffer : S'agit-il de fonctionnaires?
Mme Ellis : Oui, ce sont tous des fonctionnaires. Ils se sont rassemblés au cours des dernières années. Le Conseil national des minorités visibles est le plus ancien; il est bien établi. Les deux autres sont plus récents.
Il s'agit là d'employés qui élisent un organe de gouvernance pour se faire une idée des problèmes à la base, des difficultés que rencontrent les différents groupes désignés. Ils transmettent cette information à leur organe de gouvernance qui collabore étroitement avec nous pour attirer l'attention sur les enjeux.
C'est donc là une autre source de conseils qui nous permet de prendre le pouls et de travailler sur les problèmes systémiques ou tout ce qui requiert notre attention, selon eux.
Le sénateur Munson : Merci de votre comparution. Je me demandais, si j'étais membre d'une minorité visible suivant cette séance sur CPAC et écoutant votre exposé, qui est plein de bon sens, qu'est-ce qui me donnerait envie d'entrer dans la fonction publique? Vous avez utilisé les mots « aide pratique » pour sensibiliser les administrateurs régionaux ou organiser des ateliers, et cetera.
J'ai l'impression que parfois il faut réellement un changement d'attitude dans la fonction publique. Vous dites avoir des politiques qui prendront effet le 1er avril 2008 et vous allez organiser des ateliers régionaux. Cela ne laisse pas beaucoup de temps.
Mme Ellis : Nous avons déjà tenu des ateliers sur l'obligation d'adaptation l'automne dernier. Ils ont été très bien suivis et très bien accueillis par les cadres qui y ont pris part.
J'ai moi-même passé en revue tous les scénarios sur lesquels les gens ont travaillé. Nous avions quatre scénarios différents de problèmes d'accommodement. Des groupes de gestionnaires s'assoyaient et disaient : « Voilà qui est intéressant. Je n'ai jamais rencontré une telle situation auparavant. Que ferais-je dans un tel cas? » Nous avons obtenu d'excellentes réactions à cette aide concrète offerte.
Le sénateur Munson : Donnez-moi un exemple.
Mme Ellis : Souhaitez-vous un exemple de l'un des scénarios?
Le sénateur Munson : Oui.
Mme Ellis : Un scénario était le cas d'un employé qui avait habituellement un très bon rendement, mais dont le supérieur commence à voir le rendement baisser. Par exemple, les notes de breffage de la personne sont moins bonnes, son attitude semble changer et il semble y avoir quelque chose de différent dans son comportement. Comment le gestionnaire détermine-t-il s'il s'agit là d'un problème de rendement, qui pourrait l'amener à prendre certains types de mesures? Existe-t-il un besoin d'adaptation parce que la personne connaît une quelconque difficulté personnelle ou maladie mentale? L'obligation d'accommodement couvre différentes choses.
C'était là un scénario populaire. On demandait : « Dans quelle mesure vous, gestionnaires, êtes-vous équipés pour identifier les problèmes de ce genre et savoir comment y réagir »? Il s'agissait d'indiquer aux gens où ils pouvaient trouver des conseils sur la façon de traiter ce genre de situations. Lorsqu'on parle de problèmes concrets relatifs à l'obligation d'accommodement ou à l'équité en emploi, on peut s'asseoir et discuter de la manière de devenir un bon gestionnaire du personnel et comment bien conduire son équipe. C'est cela qui stimule l'intérêt des gens.
Ma passion, c'est le renouvellement, l'équité en emploi, les langues officielles, tout ce genre de choses. Tout cela revient à être un excellent leader et gestionnaire d'effectifs dans la fonction publique, car c'est ainsi que l'on suscite l'engagement, la passion et l'excellence, et il faut bien savoir gérer le rendement pour que tout cela se réalise.
À mon avis, quel que soit l'aspect sur lequel on travaille, tout revient à une bonne gestion des personnes et au leadership. Pour moi, c'est cela le renouvellement.
Le sénateur Munson : La politique d'équité en emploi que vous avez mentionnée et la nouvelle politique sur l'obligation d'adaptation, je suppose, s'appliquent aux chiffres que vous avez cités — à savoir les 6 000 membres de minorités visibles ajoutés entre 2001 et 2006, les quelque 16 000 employés de l'administration centrale qui se sont déclarés comme membres d'une minorité visible et les quelque 240 cadres supérieurs sur une population de 4 505.
Si vous faisiez des projections d'avenir, est-ce que ces deux politiques augmenteraient rapidement le chiffre de recrutement des minorités visibles dans la fonction publique? Si oui, de quelle manière?
Mme Ellis : Les politiques s'appliquent à tout le monde dans l'administration publique centrale. Ce sont des politiques générales qui s'appliquent à tous les ministères.
Par exemple, pour ce qui est de l'équité en emploi, les responsabilités de chaque administrateur général sont déterminées dans cette politique, qui exige d'avoir un bon plan, d'identifier toutes les barrières ou problèmes et un plan pour réaliser les objectifs d'équité en emploi. C'est une politique à ce niveau. Elle indique aux administrateurs généraux ce qu'ils doivent faire pour remplir les objectifs d'équité en emploi sous le régime de la loi.
Ce sont des politiques applicables généralement à la fonction publique. Cependant, vous demandez si elles devraient accroître la représentation. Si c'est bien votre question, je peux certainement vous en parler.
Le sénateur Munson : Oui.
Mme Ellis : Si nous avons des ministères qui font de l'excellente planification, songent à l'équité en emploi dans leur planification et, par conséquent, lors de leur recrutement, petit à petit on devrait voir ces chiffres s'améliorer.
Le sénateur Munson : Pour ce qui est de la question que j'ai posée tout à l'heure, et pour revenir brièvement sur l'attitude dans ces ateliers — je ne sais pas comment dire cela, mais y a-t-il une attitude de laisser-faire ou un manque de conviction pour ce qui est de l'embauche de minorités visibles dans la fonction publique?
Mme Ellis : Je ne m'aventurerais pas à faire des commentaires sur des attitudes individuelles ou même une attitude généralisée à ce sujet au sein de la Commission de la fonction publique. J'entends souvent dire qu'il faut davantage d'éducation et de temps passé à parler aux gens et à les aider à travailler avec les outils de gestion élémentaires relativement à l'équité en emploi. S'il y avait des cas individuels de mauvaise volonté, ils devraient être réglés au cas par cas.
Dans la plupart des cas, je pense que c'est un problème de charge de travail et non un manque de volonté. Il s'agit sans doute de montrer aux gens comment faire entrer cet aspect dans leur approche administrative générale. C'est pourquoi il faut faire un travail de sensibilisation et amener les gens à se parler entre eux.
Je pense qu'il y a beaucoup de bonne volonté. Il s'agit de stimuler l'attention et les énergies et d'introduire tout cela de façon délibérée dans la planification, dès le début. Si le fondement est bon, les résultats suivront automatiquement.
Le sénateur Dallaire : En ce qui concerne les minorités visibles — les Autochtones, en particulier — cela fait 40 années que nous avons instauré le bilinguisme. Pour le mettre en œuvre, il a fallu des quotas et désigner des postes. Les quotas déterminaient combien de minorités visibles on voulait avoir à l'intérieur du système, et puis ensuite il y avait des quotas de recrutement et des mesures délibérées.
Nous semblons avoir bien saisi le scénario de l'égalité des sexes. Cependant, là aussi on a introduit des quotas de recrutement et décidé combien de membres de minorités visibles on voulait avoir dans les différents ministères. On a également introduit des évaluations réalisées selon le sexe pour obtenir des chiffres et construire une masse critique afin d'avoir, à l'interne, des politiques, des actions concrètes et un renouvellement.
Nous en sommes maintenant aux « minorités visibles », et nous envisageons 10 p. 100. Pour ce qui est des méthodes et priorités de renouvellement, il y a le recrutement et le perfectionnement professionnel.
C'est une façon de gérer le problème, à savoir en imposant les mesures que j'ai décrites. Bien entendu, on peut renforcer cette action grâce au leadership.
Ma question est la suivante : Les minorités visibles deviennent le bassin du recrutement de l'avenir — pas les Anglo-blancs ou les Franco-judéo-chrétiens. Que faites-vous pour vous préparer à 25 p. 100 de minorités visibles? Je comprends l'attitude. Je mets en doute le leadership car je n'ai jamais saisi comment le leadership est enseigné dans la fonction publique. Il y a beaucoup de cadres administratifs dans la fonction publique, mais elle est exceptionnellement faible sur le plan du leadership, lequel crée l'atmosphère, engendre les mentalités, et cetera.
Vous êtes en train de mouliner des chiffres, mais qu'en sera-t-il de la réalité en 2015 et en 2020? Ne pensez-vous pas qu'il faudrait utiliser les mêmes méthodes que pour l'égalité sexuelle et la représentation des francophones et commencer à imposer de véritables quotas au niveau du recrutement, de l'emploi et de l'évaluation des fonctions, sachant qu'il est possible de recruter à l'extérieur pour tous les niveaux?
Mme Ellis : Toute décision sur de nouveaux programmes ou politiques appartient au gouvernement. Je ne puis exprimer d'opinion à ce sujet.
Notre cible est la disponibilité dans la main-d'œuvre, ce chiffre de 10,4 p. 100 que nous n'atteignons pas. Nous savons quel est le chiffre que nous devrions atteindre pour pouvoir dire que nous embauchons à un taux égal à la disponibilité des minorités visibles dans la main-d'œuvre.
Vous avez raison de signaler les changements démographiques au Canada et le pourcentage de minorités visibles dans la population. Cependant, ces minorités sont concentrées dans les grandes villes. Cela n'est pas sans effet sur le bassin de main-d'œuvre disponible pour occuper certains types d'emplois dans certains ministères. Vous aurez toujours une représentation plus forte dans certains endroits parce que la disponibilité sur le marché du travail y existe.
Pour ce qui est de la nécessité d'une masse critique dans le système, un volet positif réside dans l'un des programmes que j'ai mentionnés tout à l'heure, le Programme de perfectionnement accéléré des cadres supérieurs. Je l'ai moi-même suivi. Le nombre de membres de minorités visibles dans la dernière promotion est très élevé.
Ce qui est très important sur le plan du leadership, c'est que ces personnes entrent au niveau de directeur général. Ils seront les sous-ministres adjoints et les sous-ministres futurs. Cela va commencer à porter fruit du point de vue de la création d'une masse concrète, critique au niveau supérieur. De fait, déjà, grâce à cette cohorte, nous avons un chiffre bien supérieur à celui d'avant au niveau de directeur général. C'est très positif. Si nous pouvons continuer dans ce sens, ce sera très important pour accumuler la masse critique à l'avenir.
Le sénateur Dallaire : Sur le plan du développement du leadership et de l'accréditation des titres de compétences des immigrants, combien d'argent et d'années-personnes consacre-t-on à cela? En outre, que faites-vous de concert avec Immigration Canada et les provinces pour accélérer l'accréditation afin de pouvoir combler nombre de ces postes par des immigrants?
Mme Ellis : Pour ce qui est du développement du leadership et de la formation à cet égard, tout un service de mon Agence se consacre au développement du leadership aux niveaux supérieurs de la fonction publique.
Le sénateur Dallaire : Là d'où je viens, on commence la formation au leadership au niveau du simple soldat. Le leadership n'existe pas réellement. Comment peut-on inspirer des changements d'attitude et des atmosphères qui vont influencer les mentalités, par opposition à la simple gestion des ressources humaines?
Mme Ellis : Vous avez parlé de gestion. Lorsque j'ai dit qu'une bonne gestion des gens est au cœur du renouvellement, cela se ramène directement à ce que vous dites. Une bonne partie de la formation offerte actuellement aux cadres commence à devenir obligatoire dans certains cas. Cependant, dans beaucoup d'autres, nous nous efforçons d'enseigner aux gens quelques rudiments, avec une sensibilisation à la diversité et la familiarisation avec l'équité en emploi, et ces cours sont obligatoires. Ce n'est pas seulement de la théorie, comme je l'ai dit tout à l'heure. Ils acquièrent aussi l'expérience pratique de la gestion dans une équipe, sous la supervision de mentors et de moniteurs qui leur montrent comment s'y prendre et quels résultats sont attendus.
Vous avez raison, cela doit se faire à tous les niveaux, mais cela signifie que nous devons asseoir la sensibilisation, la connaissance, l'engagement véritable et l'adhésion de façon à enseigner aux jeunes au fur et à mesure qu'ils montent dans les rangs.
Le sénateur Dallaire : Lorsque nous nous sommes penchés sur l'emploi des généraux trois étoiles et au-dessus — soit le niveau SMA et au-dessus — entre 1968 et 1987, la durée moyenne pendant laquelle ils occupaient un poste était de 1,68 année.
Tout le programme est construit sur le leadership au niveau du sous-ministre. Combien de ces messieurs-dames voient réellement avancer les choses? Pendant combien de temps en moyenne un SM et un SMA reste-t-il en poste pour constater l'effet de ses directives et leur mise en œuvre? Avez-vous un chiffre ?
Mme Ellis : J'ai tout cela au bout des doigts, mais je sais que c'est variable. On a pu lire récemment qu'il y avait beaucoup de roulement et de déplacements dans le groupe des sous-ministres, mais un certain nombre d'entre eux sont en place depuis plusieurs années dans d'autres ministères. Différentes raisons expliquent ces variations dans la durée des fonctions.
Le point clé est que tout le groupe des sous-ministres est maintenant engagé dans le renouvellement, lequel englobe tout ce qui touche à la diversité. Même s'ils changent de ministère, la politique s'applique à tous. Ils auront toujours à rendre compte des résultats de leur ministère, qu'ils soient là pendant un an, deux ans ou cinq ans. Le système prend très au sérieux ces obligations imposées aux administrateurs généraux.
[Français]
Le sénateur Dawson : J'aimerais d'abord faire le commentaire suivant, à savoir que si nous jugeons de l'avenir sur le passé, nous devons nous rappeler qu'à certaines périodes, lorsque la fonction publique fédérale décidait que c'était important d'avoir des Québécois francophones dans la fonction publique, des efforts ont été faits et il y a eu recrutement.
Mais également, si je me fie à ce qui est arrivé par le passé, à partir du moment où nous avons arrêté de chialer, nous avons arrêté de faire ces efforts. Par exemple, si vous vous penchez sur la progression du fait français dans la fonction publique fédérale dans les années 1970 et au début des années 1980, il y avait une bonne proportion de Québécois francophones. Mais lorsque les Québécois ont cessé d'être les chiens de garde de leur dossier et qu'ils ont cessé d'en faire une priorité, la machine a cessé de s'en occuper. C'est encore la même chose aujourd'hui.
J'ai deux questions; la première concerne la comparaison entre le progrès pour les minorités visibles à Ottawa par opposition aux régions. Comment le gouvernement fédéral compare-t-il sa performance à Ottawa concernant les minorités visibles, et « toutes les minorités », par rapport à sa performance en région?
Je ne vous demande pas de me donner une réponse aujourd'hui.
Ma deuxième question : comment le gouvernement se compare-t-il à l'Ontario? Je vois le titre : « The new duty to accommodate policy ». En français, nous pourrions parler d'une « politique d'accommodement », mais nous avons plutôt opté pour « la nouvelle politique sur l'obligation de prendre des mesures ».
Le Québec a certainement pris un retard, en particulier au niveau de la fonction publique — et je trouve drôle que la traduction soit ainsi — et je pense que si nous n'agissons pas rapidement, nous risquons une détérioration.
J'aimerais connaître la teneur de cette comparaison entre Ottawa et les régions et celle entre l'Ontario et le Québec en ce qui concerne la présence, le progrès et la sensibilité au sujet des minorités visibles.
Mme Ellis : Nous avons noté vos questions et allons faire tout ce que nous pouvons afin d'assurer le suivi.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Comment la fonction publique se compare-t-elle au secteur privé?
Mme Ellis : Du point de vue de nos chiffres?
Le sénateur Jaffer : Oui.
Mme Ellis : Je peux vous donner une réponse générale. Si nous trouvons des cas particuliers sur lesquels nous pouvons vous envoyer une documentation, nous le ferons.
Le secteur que l'on nous cite souvent en exemple sur le plan de la représentation des minorités visibles est le secteur financier. Manifestement, on y prête une grande attention à cet aspect car les résultats sont là.
J'ai assisté à une table ronde il y a quelques mois avec plusieurs responsables des ressources humaines assez hauts placés dans le secteur privé. Ils ont fait état du degré de réussite variable sur le plan du recrutement des minorités visibles, mais plusieurs ont reconnu que les rangs des cadres supérieurs n'ont pas encore une bonne représentation des minorités visibles.
C'est le même défi que nous connaissons dans la fonction publique. Nous commençons à recruter davantage de minorités visibles mais il faut réellement focaliser sur le perfectionnement de ces employés afin qu'ils puissent apporter une pleine contribution et monter dans les rangs et occuper des postes de dirigeant. Le secteur privé connaît des difficultés similaires, mais certains secteurs affichent de meilleurs chiffres à ce stade. Je vous reviendrai avec des chiffres plus détaillés.
Le sénateur Jaffer : De façon générale, les chiffres de la fonction publique sont-ils meilleurs?
Mme Ellis : Je ne puis l'affirmer catégoriquement.
Les chiffres pour certaines minorités visibles sont meilleurs dans le secteur privé mais non en ce qui concerne les Autochtones. Nous vérifierons pour confirmer, mais c'est ce qu'il nous semble. Je le dis sous réserve de vérification.
Le sénateur Munson : J'ai remarqué que vous n'avez pas produit cette année de rapport annuel. Pourquoi?
Mme Ellis : Si. Il suit son cheminement dans le système, monsieur.
Le sénateur Munson : Existe-t-il une raison à ce retard?
Mme Ellis : Il n'y a pas de raison particulière, nous suivons simplement le processus.
Le sénateur Munson : Voilà une bonne réponse de fonctionnaire.
Mme Ellis : Nous ne pouvons parler des résultats tant qu'ils ne sont pas déposés. Il existe un processus au Parlement pour cela. Nous avons un rapport en train.
La présidente : S'agit-là de rapports annuels dus à la fin de l'année?
Mme Ellis : Oui, techniquement. Souvent, ils arrivent un peu plus tard que cela. Ils finissent toujours par être déposés, mais parfois avec un peu de retard.
La présidente : Merci, madame Ellis, d'avoir expliqué le nouveau titre et une partie du travail que vous faites dans ce domaine. Comme je l'ai indiqué au début, nous regardons maintenant au-delà de la Commission de la fonction publique pour essayer de nous faire une image complète de tout l'effectif du système fédéral. Merci d'être venue nous rencontrer et de nous avoir expliqué votre rôle dans cela. Nous allons continuer à examiner la question de la responsabilité et des conséquences, qui sous-tend une bonne partie de cette action. Nous vous remercions d'avoir apporté votre pièce à ce casse-tête.
Le groupe qui représente le ministère de la Justice Canada est composé de Mme Camille Therriault-Power, de Mme Zina Glinski et de Mme Pamela Woods.
Après avoir rencontré la Commission de la fonction publique et l'Agence de la fonction publique du Canada, nous sommes intéressés d'apprendre que chaque ministère est maintenant tenu de dresser un plan. Étant donné que les questions d'équité en emploi mettent carrément en jeu la justice et l'équité envers tous les Canadiens, nous commençons par le ministère de la Justice pour déterminer comment ce ministère aborde ce mandat, avec l'assistance de la Commission de la fonction publique et de l'Agence de la fonction publique du Canada. Nous aimerions que vous nous fassiez le point de la situation dans votre ministère relativement à ces enjeux importants.
Soyez les bienvenus. Veuillez nous faire votre exposé liminaire, mais j'espère qu'il ne sera pas trop long afin que nous puissions vous poser des questions. Merci.
Camille Therriault-Power, directrice générale, Bureau de la directrice générale, ministère de la Justice Canada : Merci beaucoup. C'est un plaisir de vous rencontrer ce soir et je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler des efforts de Justice Canada en matière d'équité en emploi et des diverses initiatives en cours au ministère à cet égard.
[Français]
Le ministère de la Justice a pour mission d'appuyer le gouvernement dans sa tâche d'assurer, au Canada, l'existence d'une société juste et respectueuse des lois, pourvue d'un système judiciaire efficace, équitable et accessible à tous, de fournir des conseils et des services juridiques de haute qualité au gouvernement ainsi qu'aux ministères et organismes clients et de promouvoir le respect des droits et libertés et de la loi de la Constitution.
[Traduction]
Le ministère de la Justice comporte un effectif de 4 500 fonctionnaires, dont plus de la moitié sont des avocats employés dans le groupe Droit. Nos programmes sont administrés à partir de notre bureau central d'Ottawa et par l'intermédiaire d'un réseau de sections de services juridiques établies dans les ministères et organismes et des bureaux régionaux et sous-bureaux à travers le Canada. Le groupe Droit est la principale catégorie professionnelle de prestation de services. Par conséquent, et contrairement à d'autres ministères de la fonction publique, le corps des cadres de Justice Canada se compose principalement d'avocats avec peu de cadres administratifs, un peu plus de 30, principalement responsables de la gestion des fonctions administratives et de quelques programmes pour des gens comme moi. Tous les sous-ministres adjoints du ministère sont membres du groupe Droit et ne sont pas classés cadres administratifs. Outre l'obligation de respecter la Loi sur l'équité en matière d'emploi, le ministère de la Justice a réalisé de longue date qu'il lui faut recruter dans un basin de main-d'œuvre diversifiée si nous voulons faire en sorte que le Canada conserve un système de justice fort, dynamique et novateur axé sur l'excellence, qui soit capable de répondre aux besoins futurs et de remplir sa mission et ses priorités.
Nous, à Justice Canada, connaissons le même resserrement du marché du travail des juristes professionnels que d'autres employés du secteur public et privé au Canada. Cela signifie que nous devons trouver de nouvelles façons de recruter, perfectionner, fixer et soutenir nos employés et mettre à profit toutes les compétences de ceux faisant déjà partie de notre effectif. Pour réussir, nous devons veiller à ce que notre image de marque auprès des candidats à l'emploi soit celle d'un lieu de travail inclusif qui nous confère un avantage concurrentiel dans la compétition pour le recrutement et le maintien en poste de juristes aujourd'hui.
L'équité en emploi représente un engagement de longue date du ministère de la Justice. Des gains ont été réalisés sur le plan de la représentation d'ensemble des membres des groupes désignés, et nous sommes l'un des rares ministères à dépasser actuellement les taux de disponibilité sur le marché global de la main-d'œuvre pour tous nos groupes désignés. L'analyse de l'effectif du point de vue de l'équité en emploi du ministère de la Justice au 31 mars 2007 indique que l'effectif du ministère était globalement représentatif, la représentation étant supérieure à la disponibilité sur le marché du travail en général pour tous les groupes désignés, comme je viens de le mentionner.
Sans passer en revue tous les chiffres de représentation, nous dépassons la disponibilité sur le marché du travail pour tous les groupes. Par exemple, pour ce qui est des minorités visibles, nous avons une représentation de 10,6 p. 100, comparée à une disponibilité dans la main-d'œuvre de 7,9 p. 100. Dans tous les autres groupes d'équité en emploi, nous dépassons la disponibilité.
De fait, l'évaluation de notre ministère pour 2006-2007 réalisée au titre du Cadre de responsabilisation de gestion du Conseil du Trésor, ou CRG comme nous aimons à l'appeler dans la fonction publique, nous a alloué la cote « acceptable » pour tous les indicateurs relatifs à l'équité en emploi, soit représentation des groupes désignés, recrutement, promotion, planification des RH et de l'activité. Cette évaluation disait en outre, à la rubrique « équité » des pratiques d'emploi et de travail et efficacité des pratiques de relations de travail du CRG, que Justice Canada avait de bons résultats sur le plan de la création d'un lieu de travail juste, comme en témoignent sa performance sur le plan des pratiques de dotation et du recrutement, son exécution de la Loi sur la modernisation de la fonction publique et ses efforts sur le plan de l'équité en emploi.
Au cours de l'exercice 2006-2007, nous avons recruté 581 personnes au ministère, dont 70,7 p. 100 étaient des femmes et 3,8 p. 100 des Autochtones. Ce recrutement excédait la disponibilité sur le marché du travail de ces deux catégories, ainsi que de celle des minorités visibles. Le seul groupe d'équité en emploi pour lequel nous n'avons pas dépassé la disponibilité est celui des personnes handicapées, l'écart étant de 0,3 p. 100.
Au cours de la même période, si l'on considère maintenant les promotions au sein du ministère, les femmes ont été promues au taux de 69,3 p. 100, soit un chiffre supérieur à leur taux de représentation de 67,6 p. 100. Pour tous les groupes, nous avons dépassé le taux de représentation, à l'exception des Autochtones chez qui 3,1 p. 100 ont été promus alors que leur représentation dans le ministère est de 3,2 p. 100.
Des progrès ont été réalisés au niveau des objectifs-repères Faire place au changement. Pour ce qui est des minorités visibles, cela se traduit par une augmentation de leur représentation dans les groupes de relève de la direction et de leur participation au Programme pour les leaders de demain du ministère de la Justice. Je parlerai de cela plus tard. Il s'agit d'un programme de leadership que nous avons mis sur pied à l'interne pour les populations de relève.
Il nous reste encore à remplir les objectifs-repères Faire place au changement pour les nominations en suppléance et les nominations au groupe EX. Alors que nous avons une forte représentation de femmes chez les cadres supérieurs du ministère, tant dans le groupe Droit que dans le groupe Exécutif, il nous reste à apporter des améliorations en ce qui concerne les minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées.
Comment le ministère de la Justice a-t-il pu réaliser ces progrès d'ensemble en matière d'équité en emploi? Nous avons un engagement ferme de la part de nos cadres supérieurs. Nous avons un champion qui est l'un de nos sous-ministres adjoints et divers comités de gouvernance pour chacun des groupes d'équité en emploi, comités dirigés par des hauts fonctionnaires du ministère. Le ministère a fait preuve de leadership, s'est doté d'une solide structure de gouvernance de l'équité en emploi, d'un plan d'action triennal d'équité en emploi, d'un plan de gestion des ressources humaines établissant des liaisons étroites entre l'équité en emploi et le processus de planification des ressources humaines et des activités stratégiques.
Voici quelques initiatives nouvelles entreprises pour nous doter de pratiques plus raffinées et sophistiquées au fur et à mesure que nous avançons dans les étapes du processus de planification. Chaque année, des liens sont établis entre les programmes d'équité en emploi et les pratiques de recrutement concrètes au sein du ministère. Nous progressons à cet égard.
Aux fins de chaque rapport direct au sous-ministre, nous contrôlons et évaluons le progrès de l'équité en emploi par région et portefeuille. Cela fait partie de notre processus de gestion du rendement. Chaque responsable est évalué en fonction de ses résultats sur le plan du recrutement et de l'établissement d'une culture d'inclusion au sein de l'organisation. Des outils et des programmes sont fournis pour aider les gestionnaires à créer un effectif divers reflétant la société canadienne.
Outre le leadership assuré par les comités consultatifs d'équité en emploi du ministère et les employés qui y siègent bénévolement, nous continuons de faire en sorte que les enjeux touchant leur groupe désigné restent à l'avant-plan de la poursuite des objectifs en matière d'équité du ministère de la Justice. Cela englobe les aspects qui influent sur les pratiques de recrutement et de promotion.
Par exemple, notre Comité consultatif des minorités visibles a procédé à un audit culturel. Celui-ci a fait apparaître la nécessité de doter les membres des groupes désignés des compétences requises pour occuper des postes de niveau supérieur. Il en a résulté une analyse exhaustive de nos groupes désignés et la création ultérieure d'un programme pilote intitulé Programme pour les leaders de demain du ministère de la Justice qui est actuellement en cours d'éxécution et jouit d'une représentation de plus de 50 p. 100 des groupes désignés.
Il s'agit là d'un groupe de 20 jeunes participants dynamiques, principalement des juristes, qui suivent une formation en gestion et en leadership afin de renforcer leurs aptitudes et les préparer à occuper des postes d'encadrement lorsqu'ils deviendront disponibles. Nous sommes une organisation qui cultive et prépare ses dirigeants futurs.
Nous sommes également des participants actifs au programme du Bureau du Conseil privé appelé Carrière en mouvement. Ce programme recrute des agents membres de minorités visibles en vue d'un détachement au Bureau du Conseil privé pour une période de deux ans dans le but d'acquérir une expérience de l'appareil de gouvernance. Nous avons actuellement quatre participants dans ce programme.
Plus récemment, le Comité consultatif des minorités visibles a établi le besoin d'un programme de mentorat pour les minorités visibles, ce qui a amené le Comité directeur de l'équité en matière d'emploi à créer un comité chargé d'examiner les différentes options pour un programme de mentorat. Nous allons réintroduire un programme de mentorat au ministère avant la fin de l'exercice en cours.
[Français]
La mise en œuvre de notre plan en matière d'équité d'emploi pour la période 2006-2009 et les étapes progressives que nous avons prises dans les dernières années nous ont permis de rehausser nos objectifs en ce qui a trait à l'équité d'emploi.
[Traduction]
Des objectifs numériques contraignants ont été établis afin de rectifier les écarts de représentation au sein des différents groupes professionnels, tel que l'exige la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Nous avons fixé des objectifs numériques dans des domaines où il n'y a pas sous-représentation afin d'assurer que la représentation ministérielle soit maintenue, voire accrue. Nous sommes sensibles au fait que Statistique Canada publiera l'an prochain de nouveaux résultats d'enquête. La disponibilité sur le marché du travail reflétera mieux les données de 2001 et nous voulons préserver notre représentativité et l'améliorer à l'avenir.
Le ministère de la Justice a également adopté un plan de ressources humaines prenant en compte les grandes priorités du ministère et indiquant comment il va relever les défis actuels et futurs dans le domaine de la gestion des ressources humaines. Cela englobe les objectifs d'équité en emploi énoncés dans notre plan 2006-2009. Ce plan sera intégré dans le plan d'activités du ministère et contribuera à renforcer ses pratiques de gestion et appuiera le volet ressources humaines du Cadre de responsabilisation de gestion.
Nous pouvons fournir ce plan au comité s'il le souhaite.
Comme Mme Ellis l'a mentionné dans son exposé, notre plan est affiché sur notre site Internet et nous entreprenons une stratégie de dialogue dynamique pour informer les employés de ce que nous faisons pour améliorer leur lieu de travail.
[Français]
Les buts élaborés dans les plans d'Équité d'emploi et de Gestion des ressources humaines s'alignent avec les priorités de renouvellement à court et à moyen terme qui ont été établies pour la fonction publique entière, en fonction de la planification de recrutement, du perfectionnement des employés et de l'infrastructure habilitante, tels que décrits dans le 14e rapport du greffier du Conseil privé et du Comité consultatif sur la fonction publique.
[Traduction]
Nous vérifions les progrès sur le plan de la représentation sur une base trimestrielle avec nos rapports directs. Le ministère a réalisé de bons progrès au niveau de son recrutement et continue de faire en sorte d'être représentatif de la société canadienne. Nous utilisons des outils tels que les flexibilités accordées par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, l'intégration de l'équité en emploi et de l'obligation d'accommodement dans les outils et politiques relatives aux nominations, ainsi que l'examen sur une base semi-annuelle des objectifs en matière d'équité en emploi.
Étant donné que nous sommes le plus gros cabinet juridique du Canada, nous faisons un gros travail de sensibilisation dans les facultés de droit en vue de regrouper des membres des groupes désignés à l'échelle régionale et nationale dans notre programme de stage « Excellence juridique ».
Un exemple en est le soutien financier du ministère à la création en 2001 de l'École de droit Akitsiraq, un programme quadriennal novateur créé pour répondre aux besoins d'avocats inuits et à la sous-représentation de ces derniers dans la pratique privée et dans l'administration publique du Nunavut. C'est un programme de la faculté de droit de l'Université de Victoria, en partenariat avec le Nunavut Arctic College et l'Akitsiraq Law School Society s'adressant à tous les Inuits du territoire. Trois des nouveaux diplômés de cette école sont maintenant procureurs stagiaires au Service des poursuites pénales du Canada à Iqaluit.
Nous avons une trousse d'outils qui aide les gestionnaires dans leurs efforts de recrutement, leur fournissant des données sur le recrutement, le maintien en poste et le perfectionnement des membres des groupes désignés. Cela a été lancé en parallèle avec notre plan d'équité en emploi 2006-2009.
Nos gestionnaires suivent une formation en recrutement, en particulier concernant les pratiques de recrutement et les techniques d'entrevue. Il existe un outil, appelé l'Oeil objectif, mis au point par Citoyenneté et Immigration Canada et l'École de la fonction publique du Canada. C'est un outil dont nous faisons la promotion et que nos clients utilisent aux fins du recrutement afin d'assurer dans toute la mesure du possible une sélection impartiale.
En conclusion, le ministère ayant beaucoup plus de programmes et d'initiatives en cours ou en voie d'établissement, nous vous remettons deux documents qui vous donneront un aperçu plus complet des avancées réalisées par le ministère de la Justice avec ses pratiques de recrutement et de promotion et ses programmes et initiatives touchant la représentation des groupes désignés dans notre effectif.
Plus précisément, voilà donc le Plan d'équité en matière d'emploi du ministère de la Justice — que nous vous remettons aujourd'hui dans les deux langues officielles — ainsi que le Rapport sur les progrès en équité en matière d'emploi, qui mesure notre représentativité au 31 mars de cette année.
[Français]
En conclusion, le ministère de la Justice continue ses efforts afin d'atteindre les objectifs prescrits dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi et il assure également que la discrimination et les obstacles pour l'accès à l'emploi soient éliminés de nos politiques et pratiques de travail.
[Traduction]
Nous continuons à revoir et à évaluer les mesures que nous prenons pour remplir nos obligations légales, collaborer avec nos comités consultatifs représentant les groupes désignés et les agents négociateurs — notre groupe Droit est devenu syndiqué il y a un an — pour examiner les problèmes et veiller à avoir un effectif à tous les niveaux de notre organisation qui soit représentatif de la société canadienne d'ensemble.
Le sénateur Munson : Merci de votre exposé. Nous avons beaucoup appris aujourd'hui. La semaine dernière, nous avons reçu la présidente de la Commission de la fonction publique. Vous avez parlé des programmes d'équité. Elle nous a dit la semaine dernière que le ministère de la Justice ne figure pas sur la liste des 12 organisations qui lui ont remis des stratégies de dotation couvrant l'équité en emploi. Est-ce là le plan que vous nous remettez aujourd'hui?
Mme Therriault-Power : Le ministère avait antérieurement des processus de planification qui n'étaient pas alignés.
Le sénateur Munson : Alignés sur quoi?
Mme Therriault-Power : Nous avions des plans de dotation liés à nos budgets salariaux, par exemple, nos plans d'équité en emploi, un plan d'activités s'inscrivant dans les processus du RMR et de rapports sur les plans et priorités. Il se faisait beaucoup de planification qui n'était pas nécessairement alignée de façon à nous permettre de remplir nos objectifs d'équité en emploi.
Nous avons élaboré un plan de ressources humaines couvrant une période triennale et qui énonce des programmes et objectifs que nous voulons réaliser en vue de résoudre les problèmes de représentation et culturels dans notre organisation.
En outre, pour 2007-2008, nous avons affiné notre processus de planification des RH de façon à recueillir auprès de nos clients des données précises sur leurs projets de dotation. Nous examinons ainsi les départs à la retraite projetés ou les programmes qui accroissent leurs effectifs, à la lumière de nos objectifs d'équité en emploi et nous travaillons proactivement sur la dotation de postes précis en vue de remplir ces objectifs.
Nous alignons le recrutement sur l'équité en emploi, ce qui paraît évident, mais ce qui n'était pas nécessairement évident dans le passé.
Le sénateur Munson : Devez-vous soumettre cela à la présidente de la Commission de la fonction publique afin de figurer sur la liste?
Pamela Woods, gestionnaire, Dotation, langues officielles et reconnaissance, Section de la dotation, des langues officielles et des reconnaissance, ministère de la Justice Canada : Nous n'avons pas à soumettre de rapport avant la fin de l'exercice. La demande ne nous est pas encore parvenue.
La présidente : Je crois que là est le problème. On nous a dit que les plans devaient être en place au 1er avril de l'an prochain. Jusqu'à présent, seuls 12 ont été présentés, si ma mémoire est bonne.
Serez-vous en mesure de remettre le vôtre à la Commission de la fonction publique avant le 1er avril 2008?
Mme Therriault-Power : Je peux vous le dire avec assurance, oui, ce sera le cas.
Le sénateur Munson : J'ai remarqué deux autres points. Vous avez mentionné que le Comité consultatif des minorités visibles a déterminé le besoin d'un programme de mentorat pour les minorités visibles, ce qui a conduit le Comité directeur de l'équité en emploi à créer un sous-comité du mentorat, lequel vient de déposer des recommandations en vue d'un programme de mentorat national. Le ministère va introduire un programme de mentorat cette année. De quelle sorte de mentorat parle-t-on?
Mme Therriault-Power : Le ministère avait un programme de mentorat il y a quelques années, mais en raison des coupures budgétaires et d'autres considérations, le programme a pris fin. Tous nos comités directeurs des groupes d'équité en emploi ont manifesté le désir de réintroduire le programme, et ils ont donc chargé un groupe de cette tâche, lequel a formulé des recommandations. Jeudi dernier, je crois, l'une des recommandations a été acceptée, qui préconisait le rétablissement du programme. Des crédits seront alloués et nous aurons de nouveau un programme de mentorat à Justice Canada.
Le sénateur Munson : Qui fait quoi? Que signifie le mentorat dans ce contexte?
Mme Therriault-Power : Il s'agit d'adjoindre à un employé — dans notre cas très probablement un conseiller juridique, vu leur nombre chez nous — un haut fonctionnaire ministériel plus chevronné afin de discuter de stratégies, de culture et d'autres choses pour l'aider à avancer dans sa carrière.
Ce que nous avons fait dans le passé, et que je prévois faire à l'avenir, c'est assurer aussi une certaine formation pour expliquer en quoi consiste la relation de mentorat et comment elle débute et prend fin. Ces relations de mentorat suivent un cycle de vie.
Le sénateur Munson : Vous vous êtes qualifié vous-même de « plus gros cabinet juridique du Canada «. Ce sera peut-être la question la plus naïve que vous entendrez de la bouche d'un sénateur, mais est-ce qu'un membre d'une minorité visible arrivant tout juste dans ce pays peut entrer directement comme avocat au ministère de la Justice?
Mme Therriault-Power : Non. Lorsque nous affichons des postes pour un recrutement externe, ce qui serait le cas en l'occurrence, la préférence est donnée aux citoyens canadiens.
Le sénateur Munson : Est-ce que cette personne n'est pas un citoyen canadien ou résident permanent dès le moment de son arrivée? Je suis curieux.
Il semble y avoir tellement d'obstacles dressés devant les membres de minorités visibles nous arrivant de tous les pays du monde et bardés de tous les diplômes imaginables, et une fois qu'ils débarquent de l'avion, ils se retrouvent obligés de conduire un taxi ou de faire autre chose pendant quelque temps, et peut-être dans deux ou trois ans lorsque vous comprendrez notre système juridique, vous pourrez travailler dans le secteur privé ou la fonction publique, ou même être dentiste ou médecin.
Mme Woods : En ce qui concerne les avocats, pour être avocat au gouvernement fédéral il faut une accréditation professionnelle, c'est-à-dire qu'il faut être membre en règle du barreau de la région dans laquelle vous travaillez. Nous ne fixons pas les conditions d'appartenance à ce barreau, c'est le barreau qui les détermine.
Par conséquent, la barrière n'est pas de notre fait. Nous devons attendre que ces personnes remplissent les exigences du barreau avant que nous puissions les recruter comme avocats dans notre ministère.
Le sénateur Munson : Je comprends assez bien cela, mais il me semble que tous les ordres professionnels du pays, qu'il s'agisse des médecins ou des avocats ou des architectes, voudraient avoir les normes les plus strictes du monde et il y a donc un prix à payer pour cela et la vie académique et professionnelle des intéressés s'en trouvent retardée.
Au ministère de la Justice, vous acceptez tout simplement que le barreau joue ce rôle?
Mme Woods : Cela me paraît intuitivement logique, mais c'est peut-être parce que je travaille au ministère de la Justice et que je suis accoutumée à cette notion.
Étant donné que les avocats du ministère de la Justice doivent avoir une connaissance approfondie des lois du Canada, il semble normal qu'il faille à une personne un certain temps pour l'acquérir.
Le sénateur Munson : Serait-il possible d'avoir un programme de mentorat pour les nouveaux arrivants, un programme qui fonctionnerait à l'intérieur du système?
Mme Therriault-Power : Lorsqu'on parle de titres de compétence étrangers, cela n'est plus du ressort du ministère de la Justice à titre d'employeur. Lorsque Mme Barrados vous a parlé, elle a indiqué que la Commission de la fonction publique se penchait sur les titres de compétence étrangers. Nous avons collaboré étroitement avec la commission à ce sujet.
C'est actuellement un énorme problème pour l'industrie au Canada. Lorsque nous recrutons à l'extérieur, nous avons beaucoup de postulants pour les emplois au ministère à cause des enjeux dont nous traitons. Cela ne signifie pas, cependant, que nous ne ressentirons pas une pénurie ultérieurement, comme la ressentent déjà d'autres industries au Canada, et nous voulons nous attaquer à ce problème et encourager la Commission de la fonction publique à le faire aussi.
La présidente : Sénateur Munson, la reconnaissance des titres de compétence des nouveaux arrivants au Canada est un vaste problème. La Commission de la fonction publique nous dit également que nous donnons la préférence aux citoyens canadiens par rapport aux résidents permanents. Contestez-vous cela?
Le sénateur Munson : Non. Je m'interroge simplement sur le processus et pourquoi il faut si longtemps. J'admets qu'il faut bien connaître le système judiciaire pour pratiquer le droit, mais je trouve que les choses avancent avec une lenteur incroyable pour des gens que nous connaissons et rencontrons, que ce soit dans la fonction publique ou dans le secteur privé.
Mme Woods : Un autre point à clarifier est que c'est l'Agence de la fonction publique du Canada, que représentait tout à l'heure Mme Ellis, qui détermine les normes de qualifications pour tous les groupes professionnels de l'administration fédérale. Nous n'avons d'autre choix que de les respecter. Ces normes sont considérées comme une exigence essentielle pour occuper un emploi, et ces normes sont fixées par l'AFPC.
En ce qui concerne les avocats, c'est l'agence qui fixe comme condition d'être membre d'un barreau. Les ministères ne peuvent qu'appliquer ces normes de qualifications.
Le sénateur Munson : Je ne veux pas sortir des sentiers battus, mais ces normes imposent-elles de pratiquer le droit dans ce pays pendant deux ans avant que la personne puisse seulement songer à servir son pays au sein du ministère de la Justice?
La présidente : Il est même difficile de changer de province au Canada, ce qui aggrave la difficulté. Si vous habitez à Vancouver, par exemple, et que vous voulez postuler à un poste qui vous amènerait à plaider devant les tribunaux ontariens, vous devez vous faire accréditer en Ontario. C'est une responsabilité provinciale. Nous pourrions peut-être explorer la question avec d'autres témoins.
Le sénateur Dallaire : Permettez-moi d'aller un peu plus loin. Bien entendu, les ministères clients peuvent exercer une influence sur l'agence et les critères qu'elle va fixer. Vous avez votre mot à dire à cet égard.
Deuxièmement, vous avez dit que vous cultivez ou formez vos effectifs. Si je comprends bien les critères pour être juriste, il faut être citoyen canadien pour être avocat, est-ce exact?
Mme Therriault-Power : Non.
Mme Woods : Non, la Loi sur l'emploi dans la fonction publique nous oblige à donner la préférence aux citoyens canadiens lorsque nous embauchons à l'extérieur.
Le sénateur Dallaire : Nous avons toutes ces belles paroles, mais prenons un exemple. Prenons l'exemple d'immigrants arrivant dans ce pays, particulièrement s'ils appartiennent à des minorités visibles. Si vous disiez, nous allons en embaucher un certain nombre, les aider à étudier à la faculté de droit, ou bien les aider à obtenir leur accréditation et ensuite leur donner un poste, à mes yeux, ce serait là une action concrète — pas des paroles. Cela serait également une belle démonstration pour l'agence qui dit qu'il faut préférer les Canadiens aux immigrants, ce que je déplore. Les paroles ne suffisent pas. Si la personne est un résident permanent, l'argumentation serait valable.
Pourquoi ne pas créer votre propre école de formation? Ma question n'est pas aussi bête qu'elle le paraît. Si vous regardez le bassin des gens qui vont composer la population active d'ici l'année 2015 ou 2020 — et personne du côté des ressources humaines ne m'a encore dit avoir regardé l'avenir concrètement — le gros de la population active ne sera plus composée de Judéo-Chrétiens blancs. Si vous avez de la difficulté à remplir les objectifs maintenant, imaginez ce qui va se passer dans 10 ans. Quelles idées novatrices avez-vous en tête, telles que former votre propre personnel? Serait-ce envisageable?
Mme Therriault-Power : Le financement de l'École de droit Akitsiraq était un exemple de soutien à la formation et la préparation d'Inuits pour qu'ils puissent pratiquer le droit dans le Nord.
Une autre chose que font beaucoup de grands cabinets d'avocats, c'est recruter très proactivement des étudiants en droit, pour les préparer à entrer dans notre programme de stage afin que, après celui-ci, ils puissent être recrutés pour un poste à durée indéterminée dans le ministère. Il y a eu beaucoup d'action proactive à ce niveau dans les facultés de droit.
Nous nous apercevons aujourd'hui que le marché du travail pour des juristes devient tellement serré que si l'on n'établit pas une relation avec l'étudiant en droit avant son diplôme, il devient presque impossible de le recruter. Nous ne pouvons évidemment pas soutenir la concurrence au niveau des salaires.
Le sénateur Dallaire : Mais vous n'avez pas ciblé spécialement les immigrants ou les minorités visibles dans ce plan, n'est-ce pas?
Mme Therriault-Power : Nous ciblons les membres des groupes d'équité en emploi, mais j'admets que ce sont là des gens déjà acceptés à la faculté de droit.
Le sénateur Dallaire : Il reste encore tous les autres qui n'y sont pas.
Avez-vous bien dit que l'une des exigences que vous adressez à vos gestionnaires, c'est qu'ils remplissent les quotas concernant les minorités visibles? Je parle là de quotas précis, par exemple, dans telle direction ou telle section, vous voulez voir quatre membres de minorités visibles d'ici telle et telle date? Fixez-vous de tels objectifs?
Mme Therriault-Power : Nous fixons des cibles, je suppose. Je vais demander à Mme Glinski de répondre à cette question.
Le sénateur Dallaire : Je suis dans l'artillerie et je pose beaucoup de cibles, mais je n'en touche pas énormément. Comme nous l'avons fait avec les francophones et le bilinguisme, et comme nous l'avons fait avec l'égalité sexuelle, existe-t-il le même enthousiasme pour une telle action à l'égard des minorités visibles?
Zina Glinski, conseillère principale en politiques, Équité d'emploi, Planification des ressources humaines, et de l'équité en matière d'emploi et systèmes, ministère de la Justice Canada : Chaque ministère doit établir des objectifs — pas des contingents — pour se conformer à la Loi sur l'équité en matière d'emploi dans les catégories où il y a sous-représentation. Ce sont là des objectifs contraignants, des objectifs que nous devons atteindre au niveau ministériel pour nous conformer à la loi.
S'agissant des minorités visibles, nous avons deux objectifs contraignants que nous avons établis et nous contrôlons leur réalisation sur une base semi-annuelle. Mais nous sommes allés plus loin encore et avons établi des objectifs facultatifs pour chaque rapport direct au sous-ministre — cela est par portefeuille et région — afin que nous puissions mieux maintenir notre représentation ou l'accroître. Là encore il y a un contrôle semi-annuel. En outre, les rapports directs sont évalués sur une base annuelle, au titre de l'accord de gestion du rendement.
Oui, nous avons des objectifs, les ministères sont contrôlés. Les administrateurs généraux doivent rendre des comptes, mais nous ne les appelons pas réellement des quotas. Ce sont des parts de l'activité de promotion du recrutement.
Le sénateur Dallaire : Lorsque vous recrutez au ministère, vous aurez 10 p. 100 de minorités visibles, faute de quoi des postes resteront vacants. Vous ne comblez pas les postes prévus pour des minorités visibles par des anglo-saxons blancs ou des francophones ou ce genre de choses, n'est-ce pas?
Mme Glinski : Nous essayons d'avoir une part équitable du recrutement.
Le sénateur Dallaire : Je ne veux pas vous mettre sur la sellette. En gros, ce que je retire de tout cela, c'est qu'il n'existe pas le même enthousiasme à atteindre les objectifs de diversité qu'il y en avait pour l'égalité des sexes ou le bilinguisme — initialement, les francophones. Tant que je ne verrai pas la même discipline à l'œuvre que celle suivie pour ces deux catégories, non seulement n'allez-vous pas forcément remplir vos objectifs, vous n'allez certainement pas les atteindre aux divers niveaux hiérarchiques. Dans ces conditions, comment ferez-vous face à l'avenir?
Mme Therriault-Power : Comme Mme Ellis l'a mentionné tout à l'heure, la notion de leadership intervient réellement ici. Comme exemple de réussite, je vous cite l'un des postes couverts par notre rapport direct au sous-ministre qui est devenu vacant au début de l'année. Avec la collaboration du sous-ministre adjoint dont j'ai fait état tout à l'heure, nous avons dit que nous chercherions assidûment à combler ce poste avec un membre d'un groupe d'équité en emploi et nous y sommes parvenus.
Il faut pour cela que toutes les étoiles soient alignées et que tout le monde travaille de concert à remplir ensemble cet objectif. Historiquement, je crois que nous n'étions pas bien alignés. C'est une question de maturité. Notre organisation gagne en maturité.
Le sénateur Dallaire : Nous sommes passés par tout cet exercice avec les francophones et Dieu sait combien de gens en ont été catastrophés. Nous sommes passés par le même exercice avec les femmes et nous continuons encore à travailler là-dessus. Encore une fois, regardez ce qui s'est passé aujourd'hui.
Est-ce la même chose dans le cas de la diversité? Regardez autour de la table. Je ne vois rien venir. Je ne vois pas la même discipline au profit de la diversité, et cela annonce votre échec futur pour ce qui est des nombres.
Recrutez-vous des minorités visibles à l'extérieur pour des postes de niveau de directeur et directeur généra avant de promouvoir de l'intérieur?
Mme Therriault-Power : Étant donné la nature du droit pratiqué au sein de l'organisation, nous tendons à recruter à des niveaux hiérarchiquement inférieurs et à promouvoir de l'intérieur, sur la base de l'expérience. Nous recrutons très peu de gens à mi-carrière.
Cependant, la crise démographique qui s'annonce va nous contraindre à envisager une stratégie de recrutement très différente. Si cela s'avère, nous envisagerons très certainement à recruter à ce niveau des membres des groupes d'équité en emploi. Jusqu'à présent, nous avons cultivé nos juristes à l'intérieur de l'organisation.
Le sénateur Dallaire : Je ne pousse pas en ce sens, bien entendu. Cependant, votre concept du développement doit comporter quelques mesures radicales, et pas seulement « Concertons-nous et mettons-nous d'accord sur quelque chose ». Si nous avions fait cela avec l'égalité des sexes et le bilinguisme, nous ne serions pas là où nous en sommes.
La présidente : Merci, sénateur Dallaire. C'est la deuxième fois que vous dites que nous avons atteint nos objectifs pour ce qui est des femmes et des francophones. Je crois pourtant que le problème continue à se poser. Nous avons rempli les objectifs numériques, mais il nous faut plus de femmes aux postes supérieurs. Je vous rappelle que nous luttons toujours au niveau des quatre groupes cibles. Ce n'est pas encore gagné. Nous avons un problème particulièrement difficile avec les minorités visibles parce que les chiffres dans leur cas reculent plutôt que de progresser. N'oubliez pas, les femmes sont 50 p. 100 de la population.
Le sénateur Dallaire : Oui, madame la présidente. N'oubliez pas que je m'exprime ici dans ma deuxième langue. J'essaie de dire qu'une minorité doit faire preuve de vigilance chaque jour. Nous avons fait beaucoup de chemin, mais nous ne sommes pas rendus encore au premier coussin dans le cas des minorités visibles. Certes, je trouve que l'initiative pour les Inuits est superbe. Étendez cela aux Premières nations, et cetera, et tapez sur les gouvernements provinciaux, absolument.
Merci beaucoup.
Le sénateur Jaffer : Premièrement, j'aimerais parler des personnes handicapées. Quelles adaptations précises votre ministère réalise-t-il pour encourager davantage de personnes handicapées, de personnes ayant une déficience physique, à travailler dans votre ministère?
Mme Glinski : En ce qui concerne particulièrement les personnes handicapées, nous avons une politique d'adaptation aux différences sur le lieu de travail. Elle couvre non seulement les personnes handicapées, mais tous les groupes couverts par la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Pour répondre à votre question concernant les personnes handicapées, nous avons un fonds d'adaptation central de telle façon que nulle personne handicapée ne soit défavorisée à l'embauche parce qu'elle a besoin d'un matériel technique coûteux, par exemple, ou peut-être d'un assistant personnel — le salaire de cet assistant sera couvert. Un gestionnaire peut se fier au ministère pour défrayer les frais excédant ce qu'un directeur pourrait normalement engager. Ce fonds a été reconnu comme pratique exemplaire dans la fonction publique. D'autres ministères s'inspirent également de notre politique, sur le plan de notre processus et des rôles et responsabilités des gestionnaires dans le processus d'accommodement.
L'augmentation du nombre d'employés handicapés depuis l'entrée en vigueur de notre politique et sa communication est considérable. En outre, les changements technologiques au niveau du matériel dont disposent les personnes handicapées sur le lieu de travail ont considérablement accru le bassin dans lequel nous pouvons recruter. Nous affichons de très bons résultats pour ce qui est des personnes handicapées au ministère.
Comme Mme Ellis l'a dit, l'Agence de la fonction publique du Canada va introduire sa nouvelle politique le 1er avril, et le ministère de la Justice a couvert tous les groupes. Nous adopterons cette nouvelle politique et la répercuterons sur les règles et les responsabilités régissant le processus d'adaptation dans notre ministère.
Le sénateur Jaffer : Peut-être ai-je mal compris, mais l'effectif total de Justice Canada est de 4 500?
Mme Glinski : Oui.
Le sénateur Jaffer : Sur les 4 500 employés, combien ont une déficience physique?
Mme Glinski : Les personnes handicapées sont au nombre de 226.
Le sénateur Jaffer : Quel est le chiffre des minorités visibles?
Mme Glinski : Le chiffre des minorités visibles est de 483. Voulez-vous les pourcentages ou le chiffre absolu? Dans le cas des personnes handicapées, il s'agit de 5 p. 100 des 4 500; et dans le cas des minorités visibles, c'est 10,6 p. 100.
Le sénateur Jaffer : Qu'en est-il du pourcentage de femmes?
Mme Glinski : Les femmes représentent 67,6 p. 100.
Le sénateur Jaffer : Combien de femmes cela fait-il?
Mme Glinski : C'est 3 069.
Le sénateur Jaffer : Qu'en est-il des Autochtones?
Mme Glinski : Les Autochtones sont au nombre de 146, soit 3,2 p. 100 de la population ministérielle.
Le sénateur Jaffer : Pouvez-vous expliquer ce qu'est la disponibilité dans la main-d'œuvre?
Mme Glinski : C'est le bassin de personnes disponibles...
Le sénateur Jaffer : Le bassin d'avocats autochtones disponibles? Est-ce là ce que cela signifie?
Mme Glinski : Oui, disponibles à l'extérieur.
Le sénateur Jaffer : Par « disponibles », entendez-vous à la recherche d'un emploi ou le nombre d'avocats? Je ne comprends pas cela.
Mme Glinski : Chaque catégorie professionnelle a un objectif en fonction de la disponibilité. Oui, c'est fonction du nombre d'avocats disponibles en dehors du ministère qui ont les titres de compétence voulus pour travailler au ministère de la Justice.
Le sénateur Jaffer : Comment calculez-vous ce chiffre?
Mme Therriault-Power : Les données du recensement de 2001 de Statistique Canada. L'an prochain, nous aurons les données du recensement de l'an dernier. Statistique Canada fournit les données et nous mesurons notre représentativité au moyen de ces données.
Le sénateur Jaffer : Cela signifie-t-il qu'il y a 7,9 p. 100 d'avocats membres de minorités visibles dans notre population, ou bien que, parmi tous les avocats, seuls 7,9 p. 100 appartiennent à la catégorie des minorités visibles ?
Mme Glinski : Pour les avocats membres de minorités visibles, notre représentation est de 231. Cela équivaut à 9,6 p. 100 de tous les avocats du ministère. La disponibilité pondérée pour notre ministère est de 6,2 p. 100. Nous sommes au-dessus de la disponibilité des minorités visibles.
Le sénateur Jaffer : Que signifie « disponibilité »?
Mme Glinski : Ce sont les personnes dans la population canadienne qui présentent toutes les qualifications pour travailler comme avocats au ministère de la Justice.
Le sénateur Jaffer : Au niveau de la direction, combien avez-vous de membres de minorités visibles?
Mme Glinski : Aucun, mais notre catégorie de la direction est très restreinte. Au 31 mars, nous n'avions que 35 employés dans cette catégorie. Comme Mme Therriault-Power l'a signalé, la plupart des cadres supérieurs du ministère se situent dans le groupe Droit. Nous avons différents niveaux dans le groupe Droit, et ils se trouvent aux niveaux supérieurs de notre groupe Droit.
Le sénateur Jaffer : Combien y a-t-il de femmes parmi les 35?
Mme Glinski : Il y en a 19; 54,3 p. 100 des cadres supérieurs sont des femmes.
Le sénateur Jaffer : Combien d'Autochtones?
Mme Glinski : Un.
Le sénateur Jaffer : Combien avec une déficience physique?
Mme Glinski : Un.
Le sénateur Jaffer : Et pas de membre de minorités visibles?
Mme Glinski : Non.
Le sénateur Jaffer : Avez-vous une explication de cette absence?
Mme Glinski : L'une est le très petit nombre de cadres de direction au ministère.
Mme Therriault-Power : Le groupe de la direction remplit généralement des fonctions de gestion administrative au sein de l'organisation. Ce n'est pas nécessairement une organisation qui attire un grand nombre de cadres supérieurs car les règles sont très spécifiques. Nombre des fonctions du cadre supérieur sont assurées par des avocats. Nous avons du mal à attirer dans ces postes des membres des groupes d'équité en emploi, particulièrement des Autochtones et des membres de minorités visibles. C'est un point sur lequel nous devons travailler.
Le sénateur Jaffer : Lorsque vous dites que vous avez de la difficulté, qu'entendez-vous par-là. Quels efforts avez-vous déployés?
Mme Therriault-Power : Nous avons passé des annonces pour les postes et nous avons sélectionné des candidats parmi les répondants. Je suis au ministère depuis seulement deux ans. Je ne sais donc pas si un effort concerté a été effectué, comme nous l'avons fait avec l'un de nos postes juridiques supérieurs faisant l'objet d'un rapport direct pour assurer que le candidat retenu soit membre d'un groupe d'équité en emploi. Je ne sache pas que nous ayons fait cela pour des postes de cadres de direction au ministère, mais il nous faudra le faire afin d'accroître la représentation à ce niveau.
Le sénateur Jaffer : Dans votre exposé vous avez dit être le plus gros cabinet juridique. Je sais aussi que vous sous-traitez beaucoup de travail. Lorsque vous sous-traitez, demandez-vous au cabinet concerné de suivre vos politiques d'équité en emploi?
Mme Therriault-Power : Je ne connais pas la réponse à cette question. Nous sommes assujettis aux mêmes politiques de sous-traitance imposées par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada à tout le reste de la fonction publique. Un certain nombre de règles doivent êtres respectées, mais je ne suis pas sûre que l'équité en emploi en fasse partie.
Le sénateur Jaffer : Puis-je vous demander de vous renseigner, s'il vous plaît?
Mme Therriault-Power : Oui, certainement.
Le sénateur Jaffer : Lorsque vous dites que vous êtes le plus gros cabinet juridique, entendez-vous l'effectif de 4 500, ou les 4 500 plus le travail que vous sous-traitez?
Mme Therriault-Power : En tant que directrice des ressources humaines, je me concentre sur mon effectif. Les consultants ou mandataires engagés pour assurer les poursuites ou mener les contentieux civils ou conseiller le gouvernement sont couverts par notre stratégie de main-d'œuvre, mais je ne les cible pas lorsque je travaille sur nos stratégies de ressources humaines.
Le sénateur Jaffer : Vous avez des travailleurs contractuels en sus des 4 500.
Mme Therriault-Power : Oui.
Le sénateur Jaffer : Il n'y a pas nécessairement de politique d'équité en emploi à ce niveau. Serait-ce que les minorités visibles, les Autochtones et les femmes y seraient représentés encore moins?
Mme Therriault-Power : Je ne connais pas les chiffres. Nous verrons si nous pouvons en trouver et nous vous les communiquerons.
Depuis la Loi fédérale sur la responsabilité, le Service des poursuites a été retranché du ministère et est devenu un organisme indépendant le 12 décembre 2006. Un grand nombre de nos mandataires contractuels sont des procureurs engagés par le Service des poursuites pénales du Canada pour mener des poursuites à travers le Canada. Aujourd'hui, c'est davantage dans le domaine des contentieux et des conseils que nous faisons appel à des contractuels. Cependant, je vais m'enquérir pour voir si un filtrage est effectué sur cette base et je communiquerai les résultats à la présidente.
La présidente : Des témoins précédents nous ont dit que 80 p. 100 des fonctionnaires étaient jadis des contractuels qui occupent ensuite des postes permanents dans la fonction publique.
Mme Therriault-Power : Oui, c'est juste.
La présidente : Si vous êtes déjà connu dans un ministère, vous obtenez ce contrat de trois mois, et puis peut-être un autre et un autre encore. Ensuite, vous vous portez candidat à ce poste permanent. Environ 80 p. 100 des titulaires de postes permanents sont issus de ce bassin de contractuels. C'est pourquoi nous nous intéressons de près aux contrats.
Mme Therriault-Power : Il faut établir ici une distinction. Je pensais que le sénateur Jaffer parlait, par exemple, d'un membre d'un cabinet juridique tel que McCarthy Tétrault ou Lang Michener. Nous recrutons à l'occasion parmi cette population, mais vu les écarts de salaire, je peux compter sur les doigts d'une main le nombre de cas où cela s'est produit.
Nous embauchons également un certain nombre d'employés à durée déterminée dans notre programme de stagiaires. Nous le faisons car nous ne pouvons nommer quelqu'un à durée indéterminée dans un poste d'avocat sans que la personne soit membre d'un barreau. Nous avons une forte représentation d'employés à durée déterminée au niveau du recrutement, mais il s'agit bien d'employés du ministère de la Justice, ce qui n'est pas le cas des mandataires. Ces derniers sont des personnes engagées à contrat pour effectuer du travail juridique pour nous.
Le sénateur Jaffer : Je suis de la Colombie-Britannique. Vous pouvez avoir à Nanaimo, par exemple, des mandataires travaillant pour vous sur des affaires de drogue. J'aimerais savoir si cette politique s'applique à eux ou non.
Mme Therriault-Power : Non. Je ne pense pas que nous tenions compte de cela dans nos décisions de sous-traitance à des mandataires, mais je vais vérifier et je vous donnerai la réponse.
La présidente : De nombreux avocats autochtones m'ont dit qu'ils savaient que s'ils devenaient diplômés en droit ils pourraient faire une différence pour leur collectivité et aussi une différence pour eux-mêmes. Il y a là un bassin naturel. Je pense que les membres des minorités visibles, les Autochtones, et cetera. se battent pour faire des études de droit, se battent pour la justice et, par conséquent, on pourrait espérer que le ministère de la Justice fasse appel à eux de préférence pour combler ces postes.
Vous avez peut-être rempli vos objectifs, mais tout juste et vous ne devez pas vous reposer sur vos lauriers.
Par exemple, il y a 30 ans, il n'y avait pratiquement pas d'avocats autochtones. Nous avons maintenant des programmes de droit spécialisés et davantage d'Autochtones qui poursuivent ces études, mais ils ouvrent soit leur propre cabinet, soit vont travailler pour des Premières nations soit sont recrutés par AINC, et cetera.
Pensez-vous que le ministère de la Justice devrait faire mieux sur ce plan, ou bien le faible chiffre est-il dû au fait que vous partagez ces avocats avec d'autres organes qui en ont un plus grand besoin?
Mme Therriault-Power : Nous avons un très gros portefeuille de Droit autochtone qui s'occupe d'un grand nombre de contentieux complexes. Il existe au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien une Section de services juridiques et il existe aussi une Section des politiques et contentieux à notre bureau central.
Je ne puis vous dire pourquoi les gens font les choix qu'ils opèrent. Cependant, avec l'intensification de la concurrence pour attirer des juristes, nous aimerions devenir plus inclusifs, ouvrir davantage la porte et recruter plus de membres des groupes visés par l'équité en emploi, notamment des Autochtones. Le problème est la disponibilité. Si je regarde les facultés de droit à travers le Canada, elles sont très représentatives — les femmes y sont plus de 50 p. 100 et les membres des autres groupes désignés y sont également nombreux. Nous devons parvenir à recruter ces professionnels.
La présidente : Le ministère de la Justice est l'organisme chef de file au Canada pour tous les contentieux intéressant la Charte des droits et libertés et d'autres enjeux intéressant l'ensemble du Canada. Le ministère joue-t-il un rôle auprès d'autres ministères pour diffuser le message que le ministère de la Justice n'est pas seul responsable de la Charte et de l'équité et de la justice? Le faites-vous également d'un point de vue juridique? Existe-t-il un programme ou une directive spécifique chargeant le ministère de la Justice de jouer ce rôle?
Mme Therriault-Power : Oui. Nous avons des avocats travaillant à l'Agence de la fonction publique du Canada, à la Commission de la fonction publique et au Secrétariat du Conseil du Trésor. Nous avons des avocats-conseils travaillant dans ces divers domaines et fournissant des conseils au gouvernement. En matière de droit public, nous avons également des groupes de pratique légale qui se réunissent pour traiter de diverses questions en vue de partager les connaissances et promouvoir les valeurs de la Charte, et cetera. Nous-mêmes appliquons dans notre organisation ces principes à la gestion de notre propre effectif.
Nous avons des unités de services juridiques dans presque tous les ministères. Souvent, nos juristes supérieurs siègent au comité exécutif d'un ministère. Ce sont là des aspects que nous voulons promouvoir au niveau de la direction de notre ministère et de notre propre conduite sur le plan de notre représentativité.
Dans le domaine du droit public, par le biais des groupes de pratique légale, nous cherchons à promouvoir une meilleure connaissance de la Charte, tant au sein de la communauté des juristes du gouvernement que de notre clientèle.
Le sénateur Jaffer : J'ai une question complémentaire. La présidente a dit que je possède peut-être mes raisons propres pour vous poser ces questions. Seul mon rôle de sénateur me motive. Je n'ai pas d'autres raisons.
La présidente : Je voulais dire que cela découlait de notre étude et je ne savais pas si vous vous inscriviez dans cette optique ou dans une perspective plus large.
Le sénateur Jaffer : J'ai deux questions. Dans votre site Internet, vous dites que dans les affaires civiles le ministère de la Justice souscrit pleinement à l'équité en matière d'emploi et est résolu à prendre des mesures spéciales lorsque cela est nécessaire pour éliminer les barrières qui peuvent exister.
Je n'ai rien entendu au sujet de mesures spéciales. Peut-être cela m'a-t-il échappé, car j'ai dû quitter la salle pendant quelques minutes. Quelles mesures spéciales appliquez-vous aux minorités visibles?
La raison pour laquelle je vous ai posé des questions au sujet de vos sous-traitants est que le ministère de la Justice a pour politique d'encourager le respect des principes d'équité en emploi par les avocats et cabinets juridiques nommés comme mandataires du procureur général. Pour cela, les mandataires doivent, comme condition de leur nomination, se conformer aux exigences énoncées dans cette politique. Vous n'avez pas fait état des mandataires dans votre exposé.
Mme Therriault-Power : Il va falloir que je me renseigne et fasse part au comité de la réponse ultérieurement.
Le sénateur Jaffer : Pourriez-vous également indiquer quelles mesures spécifiques a prises le ministère de la Justice à l'égard des minorités visibles?
Mme Therriault-Power : Oui.
Le sénateur Munson : Vous ne pourrez peut-être pas répondre à cette question — et je la pose uniquement pour avoir un éclaircissement. Je vais vous lire une déclaration que nous a faite M. Niemi, du Centre de recherche-action sur les relations raciales. Il a comparu précédemment à ce comité.
Si vous ne le savez pas, voici ce qu'il a dit :
Si les membres du comité —
— c'est-à-dire nous —
— doivent accompagner une victime de discrimination, lui expliquer le système des droits de la personne un niveau fédéral, ils verront à quel point ce processus est complexe, décourageant et même exigeant. Un délai moyen de trois à quatre années s'écoule avant que l'on obtienne une décision de la commission — à condition que la commission use de ses pouvoirs et de son autorité pour recevoir la plainte. L'intéressé peut devoir attendre ensuite encore un an ou deux avant que l'affaire puisse être portée devant le Tribunal canadien des droits de la personne, aux frais du plaignant. Si le plaignant perd au bout de cinq ans, il ou elle peut avoir à payer les dépens du répondant. Dans la plupart des cas, les répondants sont le procureur général du Canada ou les grandes institutions fédérales, avec en face d'eux un particulier solitaire. Nous ne pensons pas que ce système soit juste [...]
Il y avait quelque confusion ce jour-là sur la question de savoir si des dépens pouvaient être infligés au niveau du tribunal ou seulement à celui de l'appel en cour de justice. Peut-être pourriez-vous nous éclairer à ce sujet. Je n'escompte pas nécessairement la réponse aujourd'hui.
Est-il arrivé que le procureur général du Canada ait demandé à un plaignant en discrimination de payer des dépens en appel? Si les dépens peuvent être réclamés en appel, ne pensez-vous pas que cela peut constituer une barrière dissuadant une victime de déposer plainte pour discrimination?
Je sais que nous sommes en fin de journée et que vous n'avez pas nécessairement les réponses à portée de main. Nous aimerions cependant les recevoir ultérieurement.
Mme Therriault-Power : Nous allons nous renseigner.
La présidente : Je pense que ces réponses pourraient être obtenues d'une autre division du ministère de la Justice.
Mme Therriault-Power : Oui. Nous pourrions facilement poser la question et trouver les renseignements. Je suis sûre qu'ils sont disponibles.
La présidente : Je vous remercie d'avoir comparu aujourd'hui et expliqué le travail que fait le ministère de la Justice. Vous pouvez voir d'après les questions que nous portons un grand intérêt à vos efforts et nous vous pousserons à faire plus et à donner priorité aux groupes cibles définis par la Commission de la fonction publique.
Dans notre premier rapport nous avons fait savoir que nous n'étions pas satisfaits des efforts déployés jusqu'à présent et qu'il fallait faire plus. Vous êtes venus nous expliquer ce que vous cherchez à faire, et nous vous en remercions.
Notre prochain témoin est M. Karl Flecker, directeur national du Service des droits de la personne et de la lutte contre le racisme, Congrès du travail du Canada.
Je pense que vous avez une déclaration liminaire. Si elle pouvait être brève, nous pourrions avoir une période de questions et réponses avec les sénateurs. Nous sommes intéressés non seulement par les politiques nationales, mais aussi à avoir une discussion franche et libre sur la mise en œuvre. Je pense que cela nous aidera à mieux comprendre et résoudre les difficultés rencontrées dans toute la fonction publique fédérale sur le plan de l'emploi des membres de minorités visibles, des Autochtones, des femmes et des personnes handicapées.
Karl Flecker, directeur national du Service des droits de la personne et de la lutte contre le racisme, Congrès du travail du Canada : Merci, madame la présidente, sénateurs et collègues. J'apprécie que vous ayez pris un peu de retard. J'ai fait le trajet depuis Kingston aujourd'hui et je suis sur la route depuis une semaine, et votre retard m'a facilité les choses.
Je suis du Congrès du travail du Canada, lequel représente 53 syndicats affiliés et 3,2 millions de travailleurs. Mes propos aujourd'hui porteront sur la politique d'ensemble plutôt que sur les préoccupations au quotidien des fonctionnaires fédéraux car je crois savoir que l'un de nos membres affiliés, l'Alliance de la fonction publique du Canada, comparaîtra ici la semaine prochaine.
Je regrette que l'invitation ait été finalisée seulement la semaine dernière car je n'ai pas eu le temps de rédiger un mémoire complet. Cependant, je vous apporte quelques documents dont j'espère qu'ils vous intéresseront.
Je ferai quelques remarques préliminaires concernant votre mandat d'études. J'aimerais reprendre quelques-unes des recommandations de votre rapport intitulé « L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale : Nous n'y sommes pas encore » et avoir, comme vous dites, une discussion franche et ouverte avec vous.
Une chose que j'ai relevée dans votre rapport, et que je signale souvent dans mon travail au Congrès, est à quel pont les résultats sont décourageants pour les travailleurs racialisés. Comme l'ont fait observer les témoins que vous avez entendus, cela témoigne d'un besoin pressant de parvenir à une masse critique, ou point d'inversion, si l'on veut obtenir un changement organisationnel véritable.
Je parle souvent du fait que les données démographiques démontrent abondamment qu'une vague colorée commence à déferler. Du point de vue du mouvement syndical, trois cohortes seulement joueront un rôle significatif dans le remplacement d'une main-d'œuvre vieillissante et dans notre densité syndicale : les Autochtones, les immigrants, et les générations X et Y.
Il est évident à nos yeux que chacune de ces cohortes comporte intrinsèquement des catégories en quête d'égalité — les femmes, les personnes de couleur — et les deux dernières catégories sont composées majoritairement de personnes de couleur ou de travailleurs racialisés.
Par exemple, dans la catégorie des immigrants, 80 p. 100 des nouveaux arrivants sont aujourd'hui originaires du Moyen-Orient, d'Afrique, d'Asie et de la région Pacifique. En clair, il s'agit là de travailleurs de couleur. Les cohortes des générations X et Y, c'est-à-dire la tranche des 18 à 34 ans — comprend quelque 7 millions de personnes; 20 p. 100 d'entre elles sont des personnes de couleur. La cohorte des 5 à 15 ans est racialement la plus diverse de toute l'histoire canadienne : une personne sur trois est non blanche.
Cette cohorte de nouveaux travailleurs a beaucoup à offrir à la fonction publique fédérale et au mouvement syndical en général. Ils arrivent, et vont arriver, sur le marché du travail au rythme d'environ 500 000 personnes par an au cours des 10 prochaines années, selon la plus récente projection décennale du marché canadien du travail de RHDSC.
Ces travailleurs sont au début de leur carrière. Ils sont hautement instruits, un équipage très coloré composé aussi bien d'individus racialisés et, de ce que mon fils et ma fille appellent eux-mêmes des « hybrides », le fruit de relations mixtes.
Si je mentionne ces cohortes, c'est pour souscrire à l'observation faite dans votre rapport que les employeurs comme le gouvernement fédéral doivent intensifier leurs stratégies portant sur le recrutement, le maintien et la promotion des groupes en quête d'égalité, en prêtant particulièrement attention aux cohortes dont la représentation dans la fonction publique fédérale est piètre. Je parle ici des travailleurs racialisés. Pour dire les choses simplement, nous avons besoin de recruter en grand nombre les membres de cette équipe. La masse critique nous environne.
Nous convenons avec vous qu'il est grand temps de rechercher des solutions originales, sous forme d'un leadership fort et de mécanismes de reddition de comptes, afin d'impulser un changement soutenu et réel. Votre recommandation de lier les primes des sous-ministres aux résultats sur le plan de la diversité et des objectifs d'équité est judicieuse. Cependant, peut-être devriez-vous envisager aussi des conséquences punitives pour les gestionnaires recruteurs qui omettent constamment de changer le visage de leur personnel et de leurs programmes.
J'ai une connaissance très limitée des systèmes de primes et d'évaluation de rendement. Je crois savoir qu'ils sont très complexes et pourraient bien ne pas fournir et la carotte et le bâton nécessaires pour amener le changement requis, au rythme requis. En substance, nous disons qu'il faut ajouter « des dents prêtes à mordre » en cas de non-exécution des plans d'équité en emploi.
Nous avons vu beaucoup de plans d'équité en emploi dans les lieux de travail syndiqués; il s'agit essentiellement de documents très épais possédant une très longue histoire dont peu de gens se souviennent ou sont capables de parler en connaissance de cause. Le mouvement syndical en a retiré l'enseignement que ces plans doivent être moins encombrés de formalités, plus compréhensibles et, surtout, assortis d'un calendrier d'exécution intégré et mesurable — un peu comme les mécanismes de négociation collective utilisés par les syndicats.
J'ai également été intéressé par la recommandation de votre rapport préconisant des plans d'action concrets visant à opérer une transformation efficace de la culture de la fonction publique. Comme vous le savez, il est difficile d'attirer des gens qui sentent, voient et entendent que la politique, les cultures et pratiques organisationnelles ne sont pas véritablement accueillantes.
Votre rapport « Nous n'y sommes pas encore » parlait de la nécessité d'affronter les attitudes discriminatoires, de surmonter les résistances et de promouvoir un milieu de travail coopératif ouvert aux différences — ce sont là toutes de bonnes choses que nous préconisons dans le mouvement syndical. Cependant, lorsque d'autres politiques fédérales sont promues par d'autres branches du gouvernement qui institutionnalisent à toutes fins pratiques des politiques telles que le profilage racial et le traitement discriminatoire de certains membres de groupes désignés, tels que les gens originaires du Moyen-Orient, les Arabes ou les musulmans, les contradictions d'un gouvernement qui se prétend être un lieu de travail accueillant apparaissent au grand jour.
Je songe à des politiques suivies par divers éléments de l'administration fédérale qui prônent les listes d'interdiction de vol, les certificats de sécurité, les arrestations préventives, les audiences d'investigation ou les mécanismes d'habilitation sécuritaire associés à des accords internationaux et binationaux tels que l'ITAR — International Traffic in Arms Regulations — ou le Customs Trade Partnership Against Terrorists, C-TPAT, ou des vérifications sécuritaires douteuses imposées aux travailleurs des compagnies aériennes et des ports, ou l'expansion rapide et l'exploitation des programmes de travailleurs étrangers. Chacune de ces mesures a pour effet de sanctionner ouvertement les pratiques de profilage ou d'encourager insidieusement les attitudes discriminatoires chez les citoyens. Nous voyons ce déplorable message faire surface dans maints lieux de travail.
Ces politiques sacrifient à des notions douteuses de sécurité un climat général sur le lieu de travail qui prétend respecter la différence. Lorsque le gouvernement fédéral applique ce genre de politiques et de règlements et les fait exécuter par ses employés, le tapis rouge de l'accueil paraît bien effiloché.
Votre rapport « Nous n'y sommes pas encore » parle de la nécessité d'une stratégie de communication permettant de joindre les différentes populations, de techniques plus efficaces pour recruter et maintenir en poste les candidats externes et améliorer la compréhension des procédures de recrutement et de promotion. Ce sont là toutes de bonnes choses. Nous ajouterions à cela la nécessité d'une stratégie de communication honnête mais impertinente — non seulement pour la fonction publique fédérale mais pour tous les Canadiens. Il est alarmant de voir à quel point la discrimination, le racisme et la xénophobie persistent et il importe de les confronter agressivement.
J'ai remarqué qu'un rapport a été publié aujourd'hui par la Fondation canadienne des relations raciales et l'Association des études canadiennes qui indique qu'un Canadien sur quatre considère que ses droits sont violés. Les trois formes les plus couramment citées sont la discrimination fondée sur la race, l'ethnicité, la couleur de la peau ou le sexe — deux des trois principales formes.
Je veux également signaler rapidement une enquête très inquiétante effectuée par le Strategic Council en 2005. Elle demandait aux répondants s'ils jugeaient que certains immigrants apportaient une contribution plus grande et meilleure que d'autres.
Voici les résultats : 40 p. 100 des sondés ont exprimé l'avis que les immigrants de certains pays apportent une contribution plus grande et meilleure que d'autres; 80 p. 100 affirmaient que les immigrants européens font une contribution positive; 59 p. 100 le disaient des Asiatiques; 40 p. 100 des Indiens et seuls 33 p. 100 des Caribéens.
Vu le rapport dont j'ai fait état tout à l'heure qui indique que la population née à l'étranger est en hausse et a augmenté de 14 p. 100 depuis 2001, soit un rythme quatre fois supérieur à la population née au Canada, cela a des conséquences sérieuses pour l'accueil d'une masse critique et fait apparaître la nécessité pour le gouvernement d'agir avec force pour modifier la culture dominante, surtout lorsqu'on sait que la croissance de la main-d'œuvre dépendra au cours des prochaines années de l'immigration à un taux situé entre 75 et 100 p. 100.
Enfin, je veux également signaler le numéro d'octobre de Maclean's, qui posait carrément la question : Devenons-nous une nation intolérante?
L'article mettait en lumière les opinions des Canadiens sur la question de l'accommodement raisonnable pour les minorités religieuses et culturelles, et les réponses trahissaient une population très intolérante. Le plus frappant était que 45 p. 100 disaient qu'aucune adaptation ne devait être offerte sur le lieu de travail et seuls 4 p. 100 acceptaient une adaptation complète, ce qui démontre bien la nécessité pour la fonction publique fédérale de faire preuve de leadership en entreprenant une campagne de communication agressive, impertinente et franche sur la persistance du racisme et de la discrimination, deux tendances auxquelles il est grandement temps de résister.
Nous partageons là un point commun. Le mouvement syndical au Canada n'a d'autre choix que de confronter et contester aussi ces tendances et d'utiliser les outils que nous avons en main et ceux que nous n'avons pas encore songé à employer. Cela suppose parler franchement de nos échecs avec les groupes en quête d'égalité, particulièrement les communautés racialisées et la cohorte d'enfants métissés à l'intérieur de cette grande catégorie; des campagnes publicitaires qui montrent non seulement les visages de gamins colorés, comme je les appelle, mais met en lumière aussi de façon dramatique et graphique les coûts et les conséquences de la discrimination. Ce doit être là un volet de l'action si l'on veut donner un coup d'arrêt à ces manifestations croissantes de discrimination et d'intolérance que révèle le sondage de Maclean's.
Utiliser de nouvelles méthodes d'approche. J'ai relevé dans la présentation précédente qu'il ne faut plus se contenter d'installer des kiosques dans les campus, mais envisager des stages créatifs, communiquer aux jeunes cohortes à quoi ressemble réellement le travail et créer des opportunités dynamiques sur le lieu de travail pour changer les systèmes inopérants. Ces jeunes ne sont pas intéressés à simplement essayer des choses dont ils savent qu'elles ont échoué.
Il a été instructif pour le mouvement syndical de dialoguer avec les communautés en quête d'égalité afin d'apprendre de première main quels obstacles elles rencontrent. Il est essentiel de communiquer par l'intermédiaire des organes de presse des groupes en quête d'égalité, les associations et réseaux communautaires. Nous avons appris ainsi l'existence d'écarts salariaux, des possibilités de perfectionnement offertes de manière différentielle, de pratiques officieuses sur le lieu de travail qui favorisent l'avancement de certains et en bloquent d'autres et l'absence de modèles de rôle. Ce ne sont là que quelques-unes des leçons que nous avons apprises. Mettre en lumière ces déficiences montre aussi quelles mesures précises doivent être prises pour y remédier.
Les initiatives d'équité en emploi doivent elles aussi combattre ces réalités, avec moins de formalités et plus d'action. Enfin, le mouvement syndical a fortement investi dans la formation sur le lieu de travail visant à transformer la culture organisationnelle, et a consacré des ressources à appuyer la création de réseaux à l'intérieur et entre les groupes en quête d'égalité de façon à créer et entretenir une masse critique. Est-ce assez? Loin de là. Nous non plus ne sommes pas encore au but.
Je vais m'en tenir là et faire de mon mieux pour répondre à vos questions.
La présidente : Merci. Ai-je raison de penser que la situation que nous constatons au sein de la Commission de la fonction publique reflète dans une certaine mesure — je ne sais pas dans quelle mesure — les difficultés similaires au sein du mouvement syndical? Autrement dit, un autre témoin nous a dit que le dépôt d'une plainte pour discrimination raciale n'est pas prise au sérieux autant que peut-être une pour d'autres catégories de discrimination en rapport avec le travail et qu'il y a là, par conséquent, un problème commun à nous tous. Je me demande si vous menez des actions spécifiques dans le mouvement syndical à travers le pays, non pas seulement au bureau national, car je crois que le Congrès du travail du Canada met en œuvre des politiques au niveau national et comprend le problème. Il s'agit plutôt de savoir comment les faire descendre sur le terrain.
Avez-vous des programmes particuliers ou des actions dont nous pourrions nous inspirer, ou qui pourraient au moins élargir notre connaissance?
M. Flecker : Certainement. Je vous remercie de la question. Vous avez raison; les problèmes que rencontre la Commission de la fonction publique sont les mêmes que ceux que connaît le mouvement syndical en général. Pour ce qui est de mesures spécifiques, certaines de nos actions sont de nature éducative au sein du mouvement syndical. Cette éducation est une excellente occasion de confronter ces attitudes racistes et discriminatoires et de les inscrire dans le contexte de ce que vivent les travailleurs.
Depuis que j'occupe ce poste, par exemple, un certain nombre de nos écoles syndicales à travers le pays organisent des cours d'une semaine ou d'une fin de semaine afin d'intégrer ces modules directement dans les cours existants. Dans le passé, lorsqu'on traitait du racisme, de la discrimination et de l'équité, très souvent c'était présenté comme des cours supplémentaires portant sur les droits de la personne. Ces cours étaient offerts, mais les seuls qui venaient les suivre étaient les groupes en quête d'égalité. C'était typiquement une fin de semaine thérapeutique pour ces personnes, mais est-ce que cela changeait la structure organisationnelle? Pas dans le sens que nous souhaitons.
Nous avons commencé à élaborer des modules qui sont intégrés dans les cours sur la négociation collective, l'hygiène et la sécurité et les communications, intégrés dans divers cours de façon à y intégrer les problèmes que rencontrent les travailleurs de couleur, par exemple, dans la collectivité ou le lieu de travail. Nous inscrivons donc la discrimination, la xénophobie ou l'intolérance dans le contexte des droits des travailleurs.
Par exemple, l'un des documents que j'ai distribués traite de la fréquence accrue du profilage racial occulte dans certains secteurs, dans la fabrication ou le transport. Nous présentons ces problématiques et disons : voici une étude de cas tirée de la vie réelle. Regardez voir comment cela pénalise 40 p. 100 d'un groupe particulier de membres qui sont nés à l'étranger. Il y a des personnes qui travaillent sur les docks, par exemple, qui doivent subir toutes ces contraintes supplémentaires pour leur attestation sécuritaire, dont les noms sont entrés dans les bases de données sur la sécurité intérieure et recoupés avec trois quarts de millions de noms de Noirs et de Blancs, surtout de Noirs, et qui s'aperçoivent ensuite que leurs perspectives de carrière ou leur vie vont être ralenties ou détruites.
Nous présentons ces cas et demandons comment y réagir. On constate peu à peu que ces travailleurs perçoivent les droits de la personne ou les questions d'égalité selon une optique beaucoup plus large et commencent à utiliser des outils tels que la négociation collective pour obtenir des changements.
J'organise souvent des ateliers pour les syndicats. Nous disons qu'il nous faut pouvoir contester le climat du lieu de travail. Une approche utilisée dans le passé s'inscrivait dans une approche antiraciste ou une perspective strictement morale. Il existera toujours des personnes qui ne sont pas prêtes à intégrer cet esprit d'inclusion dans leur façon de penser. Cependant, lorsque nous expliquons la réalité d'une population active vieillissante, de la baisse du taux de fécondité et expliquons qu'en 2016 notre population plafonnera à 35 millions et que les fonds de pension, pour rester viables, exigeront une main-d'œuvre dynamique, tout d'un coup la problématique revêt un aspect monétaire. Les travailleurs regardent cela et disent : « J'ai intérêt à faire en sorte qu'un jeune de 25 ans appartenant à un groupe en quête d'égalité — nous savons que 70 p. 100 de notre main-d'œuvre appartiendra aux quatre groupes désignés — trouve un emploi, un bon emploi, et grimpe dans la hiérarchie, car ma pension dépend de sa réussite professionnelle ». Pour parler cru, voilà le genre de facteurs motivants qui rencontrent un certain écho.
La présidente : Cela attire l'attention.
Le sénateur Jaffer : Merci beaucoup. J'ai trouvé votre exposé très intéressant. Étant le plus gros groupe, vous rassemblez beaucoup de gens. J'ai quelques questions pour vous.
La semaine dernière, comme on vous l'a dit, M. Fo Niemi, le cofondateur et directeur exécutif du Centre de recherche-action sur les relations raciales a comparu ici et a dit que le comité devrait se pencher non seulement sur les employeurs mais aussi sur le rôle des syndicats sur le plan de l'équité en emploi. Vous lui avez donné la réplique dans une certaine mesure dans votre exposé, mais j'aimerais en entendre davantage. Pensez-vous que les syndicats soient équipés pour s'attaquer adéquatement à la discrimination raciale et au harcèlement?
M. Flecker : Certes, nous pourrions toujours faire mieux à cet égard. Vous constaterez en parlant aux travailleurs qui déposent ces plaintes que les mécanismes sont et peuvent être très lourds. Prenez le cas des délégués syndicaux qui ont pour mission de conduire la plainte. Si nous ne consacrons pas assez d'attention à la formation du délégué syndical afin qu'il comprenne bien pourquoi il est important de conduire une plainte individuelle et perçoive la nature systémique des plaintes individuelles, ce qui pourrait donner lieu à des griefs de groupes ou des griefs de principe, nous laisserons passer cette occasion.
Pour répondre à votre question, nous devons faire plus pour former les délégués syndicaux et utiliser les outils internes à leur disposition avant de recourir aux outils légaux externes. Des syndicats comme le SCFP, le Syndicat canadien de la fonction publique, sont parvenus à constituer une masse critique de travailleurs autochtones syndiqués. Il a demandé à ses quelque 100 000 membres ce qui, selon leur expérience et leur lieu de travail respectif, pourrait être utile comme disposition progressiste à inscrire dans une convention collective pour répondre aux préoccupations des travailleurs autochtones. Un manuel a été constitué proposant des clauses précises.
Voilà le genre d'action concrète réalisée par le mouvement syndical. Il l'a fait parce que des militants pour les droits de la personne au sein du mouvement syndical ont exigé que l'on utilise à cette fin une partie des cotisations des syndiqués. Ni le gouvernement fédéral ni personne d'autre ne nous verse de fonds pour cela; ce sont des fonds internes. Aussi, l'impact est proportionnel à la dimension de la ressource dont nous disposons.
Le sénateur Jaffer : J'ai été intéressée par ce que vous avez dit dans votre exposé sur le profilage racial et les travailleurs portuaires. Je suis régulièrement en contact avec des travailleurs membres de minorités dans les aéroports, qui perdent leurs emplois. Il existe un plafond de verre. Que faites-vous pour sensibiliser les gens à l'intérieur de votre mouvement?
M. Flecker : Dans ce document, par exemple, nous disons que nous prenons la parole lors d'événements publics. Nous utilisons notre site Internet. Lorsque nous parlons des droits de la personne, nous énumérons les problèmes contemporains que connaissent aujourd'hui les Canadiens et les inscrivons dans tout ce qui se passe depuis le 11 septembre. Depuis le 18 juin 2007, le Canada possède sa propre liste d'interdiction de vol ou programme de protection des passagers. Nous nous sommes élevés contre ce programme. Ce n'est pas parce que nous ne voulons pas avoir des vols sûrs, mais parce que l'on reprend là purement et simplement une initiative américaine sans vraiment réfléchir aux conséquences. On nous a signalé des cas et nous créons un site Internet qui permet aux gens qui ont été inscrits à tort sur ces listes de raconter leur histoire, car l'on ne parle pas suffisamment des conséquences.
Vous avez mentionné les employés du transport aérien. Quelque 1 000 travailleurs se sont vus refuser leur attestation sécuritaire permettant de travailler dans différentes parties des aéroports à cause des mesures sécuritaires hâtivement mises en place après le désastre d'Air India. Ne vous y trompez pas, chaque travailleur se soucie de la sécurité sur le lieu de travail et de celle du public en général. Ce qui nous inquiète, c'est la ruée pour mettre en place des politiques « d'insécurité » nationale qui stigmatisent des groupes particuliers, sans réfléchir aux conséquences.
Pour contrer cela, nous protestons, nous rencontrons les ministres respectifs, les syndicats déposent des griefs, nous saisissons les tribunaux d'arbitrage et nous utilisons tous les outils à notre disposition pour résister.
Enfin, l'une des choses que nous préconisons, si l'on va aller dans cette voie, c'est de profiler tout le monde et non pas seulement quelques-uns. Cependant, je crois que les services de sécurité canadiens ont déjà commencé ce profilage.
Le sénateur Jaffer : Dispensez-vous une formation spécifique au sein du mouvement syndical concernant le profilage racial?
M. Flecker : Oui, dans notre formation et les cours que nous offrons. Par exemple, dans le cours de négociation collective, nous expliquons comment le profilage racial se manifeste dans le transport aérien, la fabrication, le transport et des parties des secteurs des services et des communications. Nous utilisons ces exemples pour montrer comment ils se manifestent ouvertement et insidieusement, afin que les gens prennent conscience des conséquences.
Par exemple, si vous prenez les docks, tant que vous ne réalisez pas que 40 p. 100 des membres de l'ILWU, l'International Longshore and Warehouse Union, sont nés à l'étranger, vous ne comprendrez pas l'impact du profilage racial. Il faut considérer la question de la double citoyenneté pour les personnes nées dans une vingtaine de pays et voir comment cela s'applique aux fabricants qui signent des contrats fédéraux sous le régime des règles d'ITAR. Les personnes nées au Liban, en Irak, et cetera. ont des perspectives de carrière limitées ou sont assujetties à des mesures sécuritaires supplémentaires.
Comment cela se répercute-t-il sur le climat du lieu de travail? Est-ce équitable et juste? Comment peut-on contrer cela? Dans le cours nous donnons des exemples de recours en justice possibles et demandons si cela nous apporte la sécurité recherchée ou bien plutôt si cela ne coûte pas à des travailleurs donnés leur carrière.
Le sénateur Jaffer : J'ai remarqué sur votre site Internet des rapports portant sur les Autochtones, les femmes et les personnes handicapées. Est-ce que le Congrès du travail du Canada a effectué des recherches récentes sur les minorités visibles en milieu de travail?
M. Flecker : Un document que je n'ai pu apporter, et que je transmettrai électroniquement au greffier, est un rapport de l'un de nos comités permanents qui contient quelques données de recherche sur les quatre groupes désignés que nous partagerons bien volontiers avec vous.
La présidente : Nous avons demandé une ventilation à la Commission des droits de la personne. Est-ce que, au CTC, vous avez des chiffres pour tous vos syndicats affiliés avec une ventilation du nombre de femmes, de personnes handicapées, de minorités visibles et d'Autochtones? Avez-vous une ventilation de ces chiffres chez vos membres qui nous serait utile aux fins de comparaison?
M. Flecker : Je ne possède pas le genre de détail que vous souhaitez.
La présidente : Recueillez-vous ces chiffres, et si oui, pourriez-vous nous les communiquer?
M. Flecker : Nous pourrions vous donner certains chiffres. Ce sera à un niveau plus agrégé. Nos syndicats membres ne recueillent pas nécessairement ces données au même degré.
Par exemple, les chiffres du recensement canadien récent montrent que le nombre de femmes l'emporte aujourd'hui sur celui des hommes dans les lieux de travail syndiqués.
Je ferai de mon mieux pour vous trouver des données globales et je vérifierai auprès de certains des G8 s'ils ont des données utiles.
La présidente : Nous avons demandé cela à la Commission de la fonction publique et il nous serait utile d'avoir des données complémentaires pour voir si nous pratiquons ce que nous prêchons. Nous nous sommes penchés sur le Sénat et celui-ci a utilisé notre rapport pour contrôler son propre travail.
M. Flecker : Certainement.
Le sénateur Munson : Je suis intéressé par les clauses progressistes à insérer dans les conventions collectives relativement à l'embauche d'Autochtones dont vous avez parlé.
Avez-vous des clauses progressistes concernant les minorités visibles dans les conventions collectives que vous négociez? Si non, qu'entendez-vous réellement par disposition progressiste?
M. Flecker : Prenons par exemple les clauses concernant les Autochtones dans les conventions collectives du SCFP. Tout, depuis les notions de famille et séjours familiaux jusqu'aux journées d'observance étaient spécifiques à cette communauté particulière. C'était le premier syndicat à prendre l'initiative de regrouper cela dans un ouvrage utile. D'autres syndicats et le Congrès de travail du Canada ne l'ont pas encore fait, mais le SCFP nous dit qu'il est grand temps et que nous devrions en faire autant.
Le sénateur Munson : Les responsables du ministère de la Justice et de l'Agence de la fonction publique du Canada ont lancé beaucoup de chiffres aujourd'hui. Ils semblent parler d'une multiplication par deux du nombre des membres de minorités visibles dans l'administration publique centrale. Leur représentation est aujourd'hui d'environ 8,6 p. 100, comparée à 4,5 p. 100 il y a 10 ans. Ils semblent fiers de ces chiffres.
Que pensez-vous de ce qui se passe dans la fonction publique fédérale dans toutes ces catégories professionnelles et à tous ces niveaux? Tout le monde dira qu'il faut faire beaucoup plus. Du point de vue syndical, ont-ils réellement accompli beaucoup? Ou bien est-ce dû simplement au fait qu'il y a davantage de membres de minorités visibles dans ce pays?
M. Flecker : Très franchement, les efforts n'ont pas été très impressionnants. On parle de cela depuis maintenant 20 ans, soit 80 trimestres d'activité. Si j'étais en entreprise privée et que quelqu'un disait avoir une nouvelle idée, vouloir l'essayer, mais qu'il ne faudra que 20 ans avant d'évaluer les résultats, je serais en faillite.
Lorsque je considère le long terme et la vague démographique que j'ai décrite, nous accusons un retard tellement dangereux que je crains souvent que nous ayons laissé passer l'occasion.
Lorsque je regarde l'étude longitudinale de Statistique Canada sur la durée de séjour des immigrants, remontant jusqu'aux années 80, je vois des immigrants — particulièrement des travailleurs racialisés — qui languissaient dans des situations à faible revenu pendant 20 ans. Je vois aujourd'hui que les hommes jeunes dans la tranche d'âge de 18 à 44 ans séjournent au Canada pendant un an ou moins — six sur 10 vont ailleurs — je me dis que nous sommes bien mal partis.
Ce pays, et la fonction publique fédérale, subit une vive concurrence pour des gens qualifiés. Soixante-dix pour cent des emplois disponibles d'ici 2017 le seront pour cause de départ à la retraite. Les travailleurs de la prochaine vague voudront éprouver de l'intérêt, se sentir les bienvenus et capables de faire le travail. Cette vague, comme je l'ai mentionné, est faite d'hybrides. Ils sont immigrants. Ils sont les fils et filles d'immigrants. Ce sont mes enfants.
Très franchement, si j'étais à leur place, avec un lien ancestral avec l'Inde, par exemple, l'une des économies les plus chaudes de la planète — demain, 72 millions de téléphones cellulaires branchés et 350 millions de personnes parlant l'anglais, et si je savais trouver mon chemin entre Hyderabad et Bangalore — et si j'avais le choix entre conduire un taxi, qui est à peu près le seul choix réaliste qu'auraient mes enfants, entre Surrey et le centre-ville de Vancouver sept jours par semaine, ou bien monter ma propre entreprise ou travailler avec un centre de services communautaires ou publics en Inde, eh bien le choix est simple : j'irais là-bas.
La nouvelle génération fera la navette entre Mumbai et Montréal. La fonction publique fédérale et le Canada luttent depuis 20 ans pour nous mettre aujourd'hui de mauvais chiffres sur la table. Nous sommes mal partis.
Le sénateur Munson : Vous avez employé le mot « dangereux ». Manifestement, les mentalités changent. Nous sommes à un point dangereux. Si les choses continuent à ce rythme, quel est le danger? Est-ce la stagnation économique et culturelle de notre pays?
M. Flecker : Au plan économique, je crois que c'est clair. Nous pouvons plafonner à 35 millions de population totale et continuer à avancer en boitant avec une économie de service et regarder les gens partir ailleurs.
Cependant, je dirais que l'un des plus gros dangers à surveiller est le suivant : si l'on songe aux émeutes qui se sont produites en France il y a deux ans, à la montée du néo-nazisme en Allemagne, à certaines des politiques que nous suivons en l'absence d'un climat chaleureux et accueillant et les concentrations ethno-raciales en train de se créer, l'un des plus gros dangers sont les schismes et tensions entre communautés qui pourraient bien devenir irréparables. Je pense que nous en avons tous vu des signes dans différents pays.
Je vais vous donner un exemple personnel. Je vis à Kingston, et à chaque Fête du Canada Aryan Nation et Heritage Front organisent un barbecue du 1er juillet à la périphérie de ma ville. C'est un barbecue qui attire de plus en plus de monde, et pas moins, chaque année.
C'est juste un signe anecdotique. C'est le genre de danger qui nous attend, à mon avis. Si les travailleurs, la cohorte des gamins de couleur, ne voient pas de perspectives économiques dans la fonction publique fédérale, le mouvement syndical ou nulle part ailleurs, le problème devient évident.
Le sénateur Munson : Parfois je me dis que l'idée que cela n'arrivera pas chez nous tient au fait que nous sommes entourés d'océans, mais cela pourrait très bien arriver. Je suis d'accord avec vous.
Avant de poursuivre, puisque j'ai été impertinent la plus grande partie de ma vie, j'ai remarqué que vous avez employé deux fois le mot « impertinent » dans votre exposé. Vous avez parlé d'une « stratégie de communication impertinente » puis d'une « campagne de communication agressive, impertinente et franche ». Qu'entendez-vous par « impertinent » dans ce contexte? Je suis juste curieux.
M. Flecker : Il me semble que lorsqu'on parle de ce problème, parfois on emploie un langage très atténué. On parle de diversité et d'inclusion et tout cela devient très flasque. Je prononce assez souvent des allocutions et je suis très étonné d'être le premier à utiliser le mot « racisme » et à reconnaître que nous avons une très piètre histoire à cet égard dans nos lieux de travail et notre société.
Le sénateur Munson : Lorsqu'on écoute les gens parler pendant trois heures, on entend tellement de formules qu'elles deviennent flasques.
M. Flecker : Oui. Il faut dire que ces choses sont très réelles.
Je vais vous donner un exemple. Pour ceux d'entre vous qui regardez la télévision, des annonces très réalistes sont actuellement diffusées sur les accidents du travail. Ce sont des images assez horrifiantes, mais elles font très bien passer le message central.
Lorsque je parle d'impertinence, je pense qu'il nous faut abandonner ce langage très flasque sur la diversité et l'inclusivité, et dire franchement que nous ne sommes pas un peuple réellement accueillant. Il faut changer cela.
Nous avons vu qu'une personne sur cinq a vécu le racisme, et c'est intolérable. Il faut montrer des exemples réels, qu'ils soient voulus ou non, de discrimination à l'encontre de tous les groupes désignés. Après 20 ans, si un employeur ou un syndicat n'a pas encore saisi, il est grand temps. Il est temps de manier le bâton, mesdames et messieurs.
Le sénateur Munson : Moi aussi j'ai lu l'article aujourd'hui dans l'Ottawa Citizen disant qu'un sur quatre dit avoir fait l'objet de discrimination raciale. Ce sont des chiffres très surprenants, mais l'article est enterré à la page A10. Il faut aller chercher ce genre d'information. Ce devrait être en première page.
M. Flecker : Pour en revenir à la cohorte de la génération X et Y, nous sommes encore un certain nombre à prendre un exemplaire papier d'un grand journal et à le parcourir pour nous faire une idée de ce qui se passe. Je ne pense pas que les membres des générations X et Y fassent cela. Ils utilisent des médias différents.
Lorsque je parle d'une stratégie de communication « impertinente «, je veux dire que nous pouvons placarder des affiches sur les bus d'OC Transpo, les bâtiments et les machines distributrices, mais nous devons réfléchir aux différents véhicules que les gens utilisent pour s'informer.
Est-ce que les grands medias vont mettre cela en première page, comme il le faudrait? Non. Vont-ils faire les grands titres avec l'arrestation de 17 terroristes bien de chez nous, un 2 juin, il y a un an, et avoir un cahier spécial de fin de semaine avec des photos des maisons où vivaient ces gens? Oui, avec toutes les conséquences de ce battage médiatique sur la xénophobie et le racisme.
Je dis qu'il nous faut passer des annonces non seulement très provocantes, mais aussi les placer dans différents médias, afin d'avoir une communication de type différent visant un auditoire de type différent.
La présidente : Je pense que les problèmes ont été cernés et vous avez certainement contribué à leur description. Le dilemme est que nous avons beaucoup parlé de discrimination et du fait que le problème n'est pas encore réglé.
Dans notre premier rapport, notre première tentative, nous cherchions des solutions. La difficulté pour ceux à l'intérieur du système, tels que la Commission de la fonction publique, et à l'intérieur du mouvement syndical est de savoir comment changer la dynamique? Nous continuons à mettre le doigt sur le problème et nous disons que nous avons pour le moment les solutions que nous connaissons, mais elles n'ont pas encore produit les résultats que nous voulons.
Dans votre analyse et votre critique d'aujourd'hui, vous dites que nous ne saisissons toujours pas. Nous ne devrions pas être fiers des résultats obtenus. Comment aller plus loin? Vous préconisez de passer des annonces provocantes et d'utiliser les médias d'une manière que les jeunes et un plus grand public peuvent comprendre. Vous avez rappelé que certains d'entre nous continuons à vivre à l'ère de l'imprimé, mais la plupart de ceux que nous voulons joindre sont dans l'ère technologique.
La Commission de la fonction publique nous propose un nouveau modèle avec une planification inclusive. Elle se structure différemment. Que pensez-vous de ce plan? Pensez-vous que c'est un meilleur modèle que ce que nous avons vu dans le passé?
Pensez-vous que les résultats seront meilleurs que dans le passé? Si non, que prescrivez-vous pour la Commission de la fonction publique et la fonction publique fédérale, hormis les recommandations que nous avons déjà formulées dans notre rapport?
M. Flecker : Sur ce point particulier, je sais que mes collègues Lisa Adario et John Gordon, de l'Alliance de la fonction publique, comparaîtront ici le 17 décembre. J'ai bavardé avec eux brièvement sur le chemin. Ils auront des choses à dire car cela concerne leurs membres. Je préfère m'effacer devant eux.
Sur un plan plus général, j'aimerais dire que j'ai été dérangé lorsque j'ai lu les propos de la commissaire — peut-être les ai-je mal interprétés — disant que les chiffres pourraient être trop élevés. Si je me souviens bien, Mme Barrados semblait dire qu'il faudrait peut-être choisir un chiffre plus réalisable car les résultats sont si piètres. Cela m'inquiète.
Comme je l'ai dit auparavant, la question à se poser n'est pas si l'on va y arriver ou non, mais quelles seront les conséquences si nous n'y arrivons pas? J'aimerais souligner un point particulier, pour ce qui est d'une solution prescriptive : Pensez-vous qu'il y a suffisamment de bâton dans les recommandations que vous entendez pour amener le type de changement qui est indispensable?
La présidente : C'est justement le dilemme dont je parle. On a parlé de carotte et de bâton. L'information, l'éducation et la coordination sont les choses que nous avons essayées pour résoudre nombre de problèmes — le racisme systémique en est un — mais comme nous l'avons encore entendu aujourd'hui, les responsabilités et les objectifs sont conflictuels. Chacun doit faire ceci et cela dans son travail, et de ce fait on perd son chemin et choisit une solution de facilité.
Par exemple, dans les statistiques de la fonction publique, la solution de facilité a été les contrats à court terme, mais cela a des conséquences imprévues. C'est la meilleure façon d'entrer dans la fonction publique, mais cela marginalise ceux qui ne sont pas proches du système.
Le régionalisme est un autre dilemme. Si nos employés futurs vivent surtout à Vancouver et Toronto, comment les intéresser ou leur donner une chance équitable d'occuper un poste à Ottawa?
Faut-il toute une nouvelle conception — certains disent que oui — pour résoudre ce problème ou bien faut-il chercher à faire mieux ce que nous faisons déjà? Si j'ai bien compris Maria Barrados, c'est peut-être l'approche de la tortue, un pas ou une phase après l'autre, mais elle vous mène au but, au lieu d'essayer quelque chose de totalement nouveau qui risque d'être encore plus régressif. Où vous situez-vous dans ce débat?
M. Flecker : Je réalise la complexité. Je préfère m'abstenir de répondre car je crois que mes collègues de l'Alliance vous soumettront la semaine prochaine des idées concrètes et précises pour la Commission de la fonction publique.
La présidente : Pour en revenir au Congrès du travail du Canada, vous avez dit avoir intégré les ateliers au lieu qu'ils soient un surcroît. À mes yeux, cela revient à ajuster un système que vous avez déjà pour le rendre plus efficace. Est-ce là l'approche que va suivre le Congrès du travail du Canada dans sa propre organisation, ou bien envisagez-vous une initiative nouvelle et différente?
M. Flecker : Cet exemple particulier est l'une des mesures qu'il nous faut prendre pour changer l'attitude des membres actuels.
L'autre réalité à prendre en considération — et qui exige une approche plus globale — est une énorme transformation pour ce qui est des secteurs où travailleront les syndiqués. Nous avons perdu ces derniers temps plus de 300 000 emplois dans le secteur manufacturier. Si vous regardez la ventilation, il n'y a pas un gros pourcentage de travailleurs de couleur dans le secteur manufacturier. On les trouve surtout dans le secteur des services, en nombres de plus en plus importants.
Un changement de politique profond, si nous voulons réaliser les progrès nécessaires — non seulement sur le plan de la densité syndicale mais aussi de l'avenir de l'économie et de la main-d'œuvre — consistera à changer de point focal et à commencer à travailler agressivement à organiser ces travailleurs, à communiquer avec eux, à les écouter pour comprendre leurs problèmes et commencer à les représenter de manière différente.
C'est une lutte interne et une tâche difficile en raison du visage du leadership syndical. Il y a beaucoup de soutien à la base, mais le visage lui-même doit changer considérablement.
La présidente : Est-ce que le Congrès du travail du Canada a envisagé un modèle différent de collaboration avec les pouvoirs publics? Récemment, considérant l'Europe, nous avons vu certaines des initiatives qu'ils ont prises dans le passé et envisageons d'importer — différentes façons de collaborer du fait de cette nouvelle dynamique. Participez-vous à l'une ou l'autre de ces réflexions ou initiatives?
M. Flecker : Je suis dans mon poste depuis 24 mois, 10 jours et sept heures. Ce n'est pas très long et il faut en tenir compte. Ce que j'ai vu qui me paraît différent, c'est davantage de dialogue avec des ministres et sous-ministres particuliers sur des points précis — par exemple, le Programme des travailleurs étrangers du gouvernement.
Nous rencontrons régulièrement depuis l'automne dernier les responsables de ce dossier et discutons avec eux de toute une série de conséquences, dont la moindre n'est pas un problème d'équité. Le fait de pouvoir mettre nos préoccupations au centre de la discussion et de dialoguer plus directement à une table commune est un signe positif, même si nous avons des points de vue très différents sur la question. Je pense que c'est une meilleure façon que de simplement lancer nos critiques de loin, comme c'était le cas avant mon arrivée.
La présidente : Merci, monsieur Flecker, d'être venu nous rencontrer ce soir. Vous nous avez certainement apporté une optique différente et élargi nos discussions et nos évaluations. Je ne sais pas si votre exposé était impertinent, comme l'a dit le sénateur Munson, mais il était certainement stimulant. Vous nous avez fourni quelques idées concrètes que nous pouvons examiner. Merci de la patience avec laquelle vous nous avez attendu et merci de votre contribution.
La séance est levée.