Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 3 - Témoignages du 10 mars 2008
OTTAWA, le lundi 10 mars 2008
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 17 h 6 pour examiner des cas de discrimination présumée dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et étudier la mesure dans laquelle les objectifs pour atteindre l'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont réalisés.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit ce soir pour se pencher sur des allégations de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et pour étudier dans quelle mesure sont atteints les objectifs d'équité en matière d'emploi des groupes minoritaires.
Nous accueillons, de Statistique Canada, Christel Le Petit, chef, Analyse et projets spéciaux, Division de la statistique du travail, Geoff Bowlby, directeur, Division de la statistique du travail, et Tracey Leesti, directrice adjointe, Division de la statistique du travail.
Comme la greffière vous l'a certainement indiqué, nous sommes très intéressés par les statistiques que vous avez récemment publiées concernant l'immigration et la main-d'œuvre au Canada. Veuillez faire votre déclaration liminaire, après quoi nous aurons une période de questions.
Geoff Bowlby, directeur, Division de la statistique du travail, Statistique Canada : Madame la présidente, c'est un honneur pour nous de nous adresser à votre comité et nous vous remercions de votre invitation.
Notre objectif aujourd'hui est d'établir le contexte de vos délibérations et de vous communiquer certaines statistiques tirées de notre dernière Enquête sur la population active et de notre dernier recensement. Nous venons de les publier récemment et vous en avez certainement déjà vu plusieurs dans la presse.
Je suis directeur de la Division de la statistique du travail à Statistique Canada, qui s'occupe de l'Enquête sur la population active et des données sur la main-d'œuvre issues du recensement. Je suis accompagné de Mme Leesti, directrice adjointe, responsable de l'Enquête sur la population active. Nous sommes ici pour aider Mme Le Petit à répondre aux questions que vous allez lui poser après l'exposé qu'elle va faire, reposant en grande mesure sur des analyses effectuées par Jason Gilmore, analyste principal à Statistique Canada.
Christel Le Petit, chef, Analyse et projets spéciaux, Division de la statistique du travail, Statistique Canada : L'exposé est intitulé Les immigrants sur le marché canadien du travail en 2006 : analyse selon la région ou le pays de naissance. J'espère que vous en avez tous reçu un exemplaire.
Comme vous le savez, le marché du travail des immigrants est relié à la durée de leur présence dans le pays. Pour l'examiner correctement, nous avons regroupé les immigrants selon la durée de leur présence au Canada. Les immigrants très récents sont ceux qui ont moins de cinq ans de présence ici. Comme nous parlons de statistiques de 2006, il s'agit d'immigrants arrivés au Canada depuis 2001. Les immigrants récents sont ceux qui ont entre cinq et dix années de présence au Canada. Le dernier groupe est celui des immigrants établis, qui ont plus de dix années de présence.
Cet exposé porte en partie sur les résultats par région de naissance, regroupés en quatre grandes catégories : l'Asie, comprenant le Moyen-Orient; l'Europe; l'Amérique latine, comprenant les Caraïbes et les Bermudes; et l'Afrique. La majeure partie de l'analyse porte sur la cohorte des 25 à 54 ans, ce qui est le groupe d'âge où la plupart des personnes désirant travailler cherchent effectivement du travail. Ce sont des personnes qui ont terminé leurs études et qui sont âgées de 25 ans ou plus. Elles ne sont pas encore dans le groupe des personnes susceptibles de prendre leur retraite.
Afin de bien comparer les différents groupes — de comparer des choses comparables —, nous ne nous concentrons pas exclusivement sur les immigrants établis qui, par défaut, sont ici depuis au moins dix ans. En effet, ce sont là des personnes susceptibles d'être d'un âge moyen et dont beaucoup partiront à la retraite et ne participeront pas à la population active. Voilà pourquoi nous allons nous concentrer aujourd'hui sur le groupe des 25 à 54 ans.
La diapositive suivante montre la proportion d'immigrants dans la population canadienne. En 2006, plus d'un Canadien sur cinq de 15 ans ou plus était un immigrant. Dans ce groupe, 3 p. 100 étaient des immigrants très récents, 3 p. 100, des immigrants récents, et 16 p. 100, des immigrants établis. La dernière catégorie, de 2 p. 100, regroupe les immigrants ayant un visa d'étudiant, les immigrants ayant un permis de travail et les travailleurs étrangers temporaires.
Vous voyez maintenant la répartition par pays de naissance. Environ 40 p. 100 des immigrants établis sont originaires d'Asie, et 33 p. 100, d'Europe. Ce sont les groupes contribuant le plus à l'immigration canadienne. En ce qui concerne les immigrants récents, c'est-à-dire arrivés entre 1996 et 2001, le pourcentage de ceux qui étaient originaires d'Asie monte à 50 p. 100, alors que celui de ceux qui étaient originaires d'Europe baisse à 20 p. 100. Parmi les immigrants très récents, plus de la moitié sont originaires d'Asie et 18 p. 100, d'Europe.
Le pourcentage d'immigrants originaires d'Europe a baissé. On a aussi constaté un changement dans les pays d'origine à l'intérieur de l'Europe étant donné que la plupart venaient autrefois de l'Europe du Nord et de l'Ouest alors que, ces dernières années, un plus grand nombre vient de l'Europe de l'Est et du Sud.
On constate aussi une hausse du nombre d'immigrants originaires d'Afrique. Bien que ce changement ne semble pas important, la proportion est passée de 6 p. 100 à 12 p. 100 pour les immigrants établis. Ce phénomène est plus prononcé au Québec, dont la politique d'immigration favorise les immigrants francophones. Cela explique pourquoi il y a plus d'immigrants originaires d'Afrique. La proportion d'immigrants originaires d'Amérique latine se situe entre 10 p. 100 et 15 p. 100.
Vous voyez sur cette diapositive la situation des immigrants sur le marché du travail. Le taux de chômage des Canadiens âgés de 25 à 54 ans était de 4,9 p. 100 en 2006. Le marché du travail canadien est très ferme depuis quelques années, ce qui se traduit par un faible taux de chômage. En contrepartie, on enregistre un taux d'emploi de 83 p. 100, ce qui représente la proportion de la population qui occupe un emploi.
La situation est différente pour les immigrants très récents, dont le taux de chômage était de 11,5 p. 100 en 2006, soit plus du double du taux de la population née au Canada. Pour les immigrants récents, le taux était de 7,3 p. 100. Les immigrants établis ont un taux de chômage similaire à celui de la population née au Canada. Par conséquent, les immigrants présents depuis plus longtemps semblent avoir un taux de chômage plus faible que les autres.
La diapositive suivante présente l'évolution historique de la situation. On y voit les taux d'emploi des immigrants très récents et des personnes nées au Canada, c'est-à-dire des non-immigrants. En 1981, l'écart entre les deux groupes n'était que de 6 p. 100. Si l'on examine l'évolution de la différence tous les cinq ans, au moyen des données du recensement, on constate que l'écart s'est creusé. C'est en 1996 qu'il était le plus prononcé, à 19 p. 100.
De 1996 à 2001, les taux d'emploi ont augmenté à la fois pour les personnes nées au Canada et pour les immigrants. Il y a eu une petite réduction de l'écart entre 1996 et 2006, les deux groupes ayant bénéficié de la fermeté du marché du travail. Il n'en reste pas moins qu'il subsiste encore une différence significative entre les deux.
Voici maintenant des statistiques sur l'éducation. Le Canada préfère accueillir des immigrants ayant fait des études supérieures. Parmi les immigrants très récents, un peu plus de 50 p. 100 ont un diplôme universitaire. Toutefois, quand on examine les taux de chômage, on constate que les diplômés du secondaire avaient un taux de chômage de 13,1 p. 100, ceux ayant un baccalauréat, de 11,4 p. 100, et ceux ayant plus qu'un baccalauréat, de 12,4 p. 100. Autrement dit, les immigrants ayant un niveau d'éducation supérieur ne semblent pas en tirer avantage sur le marché du travail.
Comparons cela à la population née au Canada, pour qui un niveau d'éducation plus élevé s'accompagne d'un taux de chômage beaucoup plus faible. Environ 20 p. 100 de la population canadienne possède un diplôme universitaire, contre 50 p. 100 chez les immigrants très récents.
Les résultats des immigrants sur le marché du travail varient dans chaque province. Quand ils s'établissent dans une région, ils trouvent de l'emploi sur le marché du travail local et leur situation est influencée par le milieu où ils se trouvent. Il n'est pas étonnant que les immigrants qui réussissent le mieux se trouvent en Alberta, qui a profité de l'économie du pétrole et du gaz naturel. C'est là qu'ils ont le taux d'emploi le plus élevé. À l'opposé, c'est au Québec que leur taux d'emploi est le plus faible, parce que le marché du travail en 2006 n'y était pas aussi ferme que dans les autres provinces. Certains problèmes sont probablement aussi reliés aux pays d'origine étant donné que les immigrants des différents pays semblent avoir des taux de succès différents.
En ce qui concerne la participation au marché du travail par pays d'origine, la bonne nouvelle est que les immigrants des Philippines ont de bons taux d'emploi, même dans leurs cinq premières années de présence au Canada. Leur taux de chômage était de 5,4 p. 100 seulement, ce qui est comparable aux 4,9 p. 100 de la population née au Canada. Les Philippins occupaient des emplois dans de nombreux secteurs différents, comme la fabrication, les soins à domicile et les services de santé. Par contre, les immigrants d'autres régions enregistraient des taux de chômage variables : Europe, 8,4 p. 100; Amérique latine, 10,5 p. 100; Asie en général, 11,1 p. 100; et Afrique, 20,8 p. 100.
La diapositive suivante présente une situation similaire pour les trois grandes provinces de destination des immigrants, l'Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec. On constate que les immigrants d'Europe ont tendance à avoir des résultats positifs, avec un taux de chômage plus faible, suivis de l'Amérique latine, de l'Asie et de l'Afrique. C'est particulièrement vrai au Québec, où le taux de chômage est de 27 p. 100 pour les immigrants présents depuis moins de cinq ans.
Statistique Canada a mené d'autres enquêtes auprès des immigrants pour comprendre les raisons de ces difficultés. Dans l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, on a posé la question suivante : quels sont les obstacles à l'obtention d'un emploi? L'obstacle le plus fréquemment mentionné était l'absence d'expérience de travail au Canada. Ou ils n'avaient aucune expérience de travail, ou ils en avaient eu une mais pas au Canada et elle n'était pas reconnue par les employeurs. L'obstacle suivant était la langue — méconnaissance d'une des deux langues officielles, ce qui peut se manifester à deux niveaux, pour le travail ou pour la vie quotidienne. Dans le monde du travail, les compétences linguistiques peuvent englober des connaissances professionnelles, qui peuvent être techniques et même exclusivement canadiennes, mais ne sont pas les mêmes que celles requises dans le pays d'origine. Autre obstacle mentionné, l'absence de possibilités d'emploi et la non-reconnaissance des diplômes étrangers.
Vous trouverez une autre statistique intéressante en haut du graphique, concernant la proportion des étudiants dans la population. Dans le groupe des 25 à 54 ans nés au Canada, c'est seulement 4 p. 100. Cela n'est pas surprenant car, à partir de 25 ans, la plupart des Canadiens ont fini leurs études. Toutefois, l'âge est beaucoup plus élevé chez les immigrants. Il est intéressant de constater que la proportion la plus élevée était d'Amérique latine et d'Afrique.
On a demandé aux étudiants s'ils occupaient ou non un emploi en même temps qu'ils étudiaient. Pour la population née au Canada, les deux tiers des étudiants occupaient également un emploi. Chez les immigrants, la proportion était beaucoup plus faible. Ils ne semblent donc pas cumuler l'emploi et les études autant que les répondants nés au Canada.
Les deux diapositives suivantes sont extraites des données du recensement publiées la semaine dernière. Nous avons examiné les professions dans lesquelles les immigrants sont sur-représentés ou sous-représentés. En général, une proportion de 22 p. 100 de notre marché du travail se compose d'immigrants occupant un emploi. Quand on examine les professions occupées, 65 p. 100 des opérateurs de machines à coudre sont des immigrants. Cette profession a aussi connu le déclin le plus marqué entre 2001 et 2006 parce que le secteur manufacturier, notamment les textiles, connaît des difficultés au Canada. Cela affecte le marché du travail des immigrants.
Un autre secteur où les immigrants sont très présents est celui des chauffeurs de taxi et de limousines, où ils représentent 58 p. 100 du total. On trouve aussi beaucoup d'immigrants dans le secteur des logiciels. Avec l'expansion rapide de la TI à la fin des années 90, beaucoup de politiques ont été adoptées au Canada pour attirer des personnes ayant la formation voulue. Cela se reflète dans ces chiffres. Beaucoup d'ingénieurs informaticiens et de programmeurs sont des immigrants. La catégorie suivante dans la liste est celle des agents de comptoir, des aides cuisiniers et, phénomène intéressant, des omnipraticiens. Environ 31 p. 100 des omnipraticiens sont des immigrants, ce qui est plus que les 22 p. 100 en général.
La liste suivante concerne les professions ayant le moins de représentation immigrante. Ainsi, seulement 8 p. 100 des agents de police sont des immigrants, et 9 p. 100 des agents et cadres supérieurs du gouvernement. Les chiffres sont semblables pour le personnel des jardins d'enfants et les enseignants de l'élémentaire et du secondaire où la proportion d'immigrants est beaucoup moins élevée que dans l'ensemble de la population active. Par contre, elle est beaucoup plus élevée chez les professeurs d'université, profession qui fait maintenant partie d'un marché mondial et dont les membres viennent au Canada en provenance de nombreux autres pays. Chez les charpentiers, c'est 13 p. 100 seulement. Encore une fois, nos données du recensement montrent qu'il y a eu une forte expansion du secteur de la construction et de la charpenterie, mais il n'y a pas beaucoup d'immigrants dans ces secteurs.
En conclusion, nous avons constaté que les immigrants très récents et récents ont un taux de chômage plus élevé et un taux d'emploi moins élevé que les répondants nés au Canada. Les immigrants très récents ont un taux de chômage plus élevé, quel que soit leur niveau d'éducation. Même ceux qui ont fait des études supérieures de haut niveau ne trouvent pas d'emploi au Canada pendant les cinq premières années.
En 2006, ce sont les immigrants originaires des Philippines qui avaient les meilleurs résultats sur le marché du travail. Les immigrants d'Europe et d'Amérique latine ayant plus de cinq ans de présence au Canada obtenaient des résultats similaires à ceux de la population née au Canada, alors que les immigrants originaires d'Asie et d'Afrique avaient des taux d'emploi inférieurs à ceux de la population née au Canada, quelle que soit la durée de leur présence au pays.
Les immigrants sont plus représentés dans les professions reliées à l'alimentation, aux services, à la fabrication et aux secteurs techniques, mais moins dans l'éducation.
La seizième diapositive présente les deux rapports publiés sur l'Enquête sur la population active. Nous avons encore deux enquêtes à publier : l'une sur les résultats par pays d'éducation, basée sur l'éducation obtenue au Canada ou l'éducation obtenue avant l'immigration, et l'autre sur les caractéristiques de l'emploi. Nous nous pencherons alors sur les revenus ainsi que sur l'emploi permanent ou temporaire, et l'emploi à temps plein ou à temps partiel.
La présidente : Nous passons maintenant aux questions.
Votre définition des immigrants comprend-elle les réfugiés ou simplement les personnes arrivées dans le cadre de la Loi sur l'immigration?
Mme Le Petit : Ils tombent dans la catégorie « autres. » Quand nous parlons des immigrants et de la durée de leur présence, c'est depuis qu'ils ont obtenu le statut d'immigrant reçu. Si un réfugié ne devient jamais un immigrant reçu, il n'est pas inclus dans ces statistiques.
La présidente : La définition est donc « immigrant reçu. »
Mme Le Petit : C'est ça.
La présidente : On peut le devenir de plusieurs manières différentes. Vous avez parlé des charpentiers. Avez-vous étudié la corrélation entre les métiers et l'enseignement postsecondaire? Il y a un débat au Canada sur le fait que nous ciblons ceux qui ont fait le plus d'études, comme les médecins, les détenteurs de doctorats ou de maîtrises, par opposition aux soudeurs, aux plombiers et à d'autres métiers. Est-ce que les pourcentages reflètent la version plus longue de votre rapport que nous lirons?
Mme Le Petit : Vous parlez des métiers?
M. Bowlby : Nous avons des informations sur tous les métiers. Ce que nous avons présenté aujourd'hui, ce sont les catégories les plus importantes, celles où l'on trouve une proportion excessivement faible d'immigrants. C'est la seule raison pour laquelle nous avons inclus ça. Vous pouvez voir les soudeurs, les plombiers, les électriciens et beaucoup d'autres métiers.
Tracey Leesti, directrice adjointe, Division de la statistique du travail, Statistique Canada : Les titres des diapositives indiquent la représentation la plus forte et la plus faible. Il y en a parmi la plus forte et aussi parmi la plus faible. Ce ne sont pas absolument les plus forts ni absolument les plus faibles. Nous avions un certain nombre de métiers différents parmi lesquels choisir grâce aux données du recensement. Nous aurions pu donner beaucoup plus de détails mais nous avons choisi les secteurs et les catégories les plus importants où ils sont sur-représentés et sous-représentés, comme l'a dit M. Bowlby.
La présidente : Vous avez parlé des immigrants des Philippines. Vous avez fait ça dans l'enquête ou est-ce ce que vous l'avez extrait des résultats de l'enquête?
Mme Le Petit : C'est ce que nous avons obtenu des résultats de l'enquête. La majeure partie de l'étude repose sur l'Enquête sur la population active, qui est l'enquête qui nous donne le taux de chômage chaque mois. Nous venons de publier le dernier chiffre, vendredi. Nous avons ajouté ces questions concernant le pays de naissance, sans cibler explicitement les immigrants philippins ou africains. Elles étaient posées à tout le monde. Nous avons ensuite compilé les résultats par pays de naissance et c'est ce qui nous a montré que les Philippins s'en sortent extrêmement bien.
La présidente : Vous auriez pu avoir dans cette catégorie l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Indonésie, et cetera. Les Philippins semblent sortir du lot. Y a-t-il d'autres pays dans la même situation ou le cas des philippins est-il vraiment particulier?
Mme Le Petit : Leur cas est particulier. Ils sortent vraiment du lot de par leur succès. Pour pouvoir tirer une telle conclusion, il faut qu'ils soient assez nombreux. Il y a peut-être des immigrants d'autres pays qui s'en sortent aussi bien mais cela ne ressort pas d'une enquête de cette nature car nous n'interrogeons pas tout le monde. Par exemple, pour l'Europe, les immigrants du Portugal et de la Grande-Bretagne ont aussi de très bons résultats mais leur nombre est moins élevé et les chiffres sont donc moins fiables.
La présidente : Vous dites que les immigrants originaires des Philippines ont de bons résultats dans des secteurs auxquels vous ne vous attendiez pas. Pour ma part, je me serais attendue à de bons résultats dans les services infirmiers, les soins à domicile et la médecine. Est-ce ce que vous vouliez dire en parlant de vos attentes?
Mme Le Petit : Beaucoup de gens pensent qu'on vient des Philippines pour garder des enfants. C'est ce que je voulais dire. Nous avons constaté qu'il n'y a pas que des bonnes d'enfants, et il n'y a d'ailleurs pas que des femmes, il y a aussi des hommes qui travaillent dans la fabrication, les sciences et la vente au détail — donc, un large éventail de secteurs et de professions.
Le sénateur Munson : En ce qui concerne les Philippins, est-ce parce qu'ils parlent mieux l'anglais que d'autres immigrants d'Asie? Comme j'ai vécu en Asie, j'ai pu constater qu'ils maîtrisent très bien l'anglais.
Mme Le Petit : Je n'ai pas d'explication mais bon nombre de cours dans le système d'enseignement philippin sont dispensés en anglais. Il se peut que ce soit un facteur car une forte proportion de Philippins parle l'anglais. Nous n'avons pas posé la question dans l'enquête et je ne peux donc pas vous répondre directement.
Le sénateur Munson : Il y a probablement des questions auxquelles vous ne pouvez pas répondre. Nous sommes ici pour examiner des allégations de discrimination, notamment dans la fonction publique. Nous essayons d'assurer aux groupes minoritaires l'équité en matière d'emploi et de voir si les objectifs sont atteints ou non.
Le graphique 7 indique des taux de chômage plus élevés pour les immigrants récents, quel que soit leur niveau d'éducation : 12,4 p. 100 contre 2,4 p. 100 pour les Canadiens d'origine. Sur le plan statistique, vous est-il possible de creuser plus profondément et de comprendre pourquoi leur taux de chômage est si élevé, même s'ils ont probablement fait autant d'études que les Canadiens d'origine?
Mme Le Petit : C'est une excellente question. Vous avez raison de dire qu'on ne peut pas répondre directement. Nous savons, grâce à l'Étude longitudinale auprès des immigrants du Canada, qu'il y a des problèmes de reconnaissance des diplômes. L'une des hypothèses est que leurs diplômes ne sont pas canadiens et ne sont donc pas reconnus de la même manière que les diplômes canadiens.
Le sénateur Munson : C'est pourquoi ils conduisent des taxis et des limousines?
Mme Le Petit : C'est possible. Nous ne pouvons pas répondre à cela.
Le sénateur Munson : Il doit y avoir moyen d'établir la corrélation.
Mme Le Petit : Il y a un moyen. Ces données proviennent du recensement. Je ne l'ai pas avec moi aujourd'hui. Nous n'avons publié les données du recensement que mardi dernier et nous n'avons donc pas encore eu le temps. Toutefois, c'est quelque chose que nous avons l'intention d'examiner et nous publierons l'analyse.
Quelle est la corrélation entre la profession et le domaine d'étude pour les immigrants? C'est complexe. On ne fait pas d'études pour conduire un autobus, par exemple. On doit simplement être capable de le faire correctement. Nous n'avons pas les données depuis très longtemps. Cette information viendra.
Le sénateur Munson : Y a-t-il des données sur ceux qui réussissent avec les diplômes de leur pays d'origine, qui ne semblent pas être aussi bien acceptés que les nôtres, du point de vue des niveaux de salaire? Une fois qu'ils trouvent un emploi, — d'infirmières, par exemple, ou de n'importe quelle autre profession — obtiennent-ils les mêmes salaires que les personnes nées au Canada?
M. Bowlby : Nous n'avons pas de données permettant de comparer exactement les mêmes professions et niveaux d'éducation, pour standardiser tout cela. Ce que nous savons des salaires des immigrants, c'est que les immigrants ne gagnent pas autant que les personnes nées au Canada, généralement. Statistique Canada a constaté qu'il y a eu pendant les années 1980 et 1990 une baisse absolue des revenus des immigrants. Il y a eu un certain redressement à la fin des années 1990, quand les revenus des immigrants se sont améliorés. Depuis 2000, la baisse a repris. Entre 2000 et 2005, les revenus des immigrants ont baissé.
Le sénateur Munson : Y a-t-il une explication?
M. Bowlby : Statistique Canada a fait certaines recherches à ce sujet. Je vais devoir consulter mes notes car ce n'est pas moi qui les ai faites.
Picot et Sweetman ont produit un rapport sur certaines des explications possibles de l'écart de revenus entre les immigrants et les non-immigrants. Ils ont constaté que le changement des caractéristiques des immigrants au cours des années explique environ le tiers de l'accroissement de l'écart. Par exemple, le changement du pays d'origine a eu une incidence sur les revenus.
Deuxièmement, ils ont constaté que l'expérience de travail à l'étranger ne semble pas compter autant qu'autrefois. C'est une autre chose que nous avons constatée dans une enquête séparée — l'ELIC, l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada. L'une des plaintes formulées par les immigrants pendant cette enquête était que leur expérience de travail à l'étranger n'était pas prise en compte par les employeurs canadiens quand ils cherchaient du travail. Cela aussi a une incidence sur les revenus.
La troisième chose que Picot et Sweetman ont constatée, c'est qu'il y a eu un déclin général des résultats ou revenus sur le marché du travail pour les nouveaux entrants dans la population active. Qu'il s'agisse d'immigrants ou de jeunes arrivant aujourd'hui sur le marché du travail, il leur est plus difficile d'y trouver une place et de gagner autant que dans le passé.
Le sénateur Munson : J'ai une autre question. Un graphique, c'est un graphique, mais un graphique, c'est aussi des gens. Ça raconte une histoire. Je me demande si ceci est un graphique décourageant ou encourageant quand il s'agit des immigrants cherchant du travail au Canada. Quand ils voient la situation au Canada, est-ce un pays accueillant, libre de toute discrimination?
M. Bowlby : Les immigrants ont leurs réseaux et se communiquent leurs informations sur le Canada. L'une des constatations intéressantes de l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada est que ceux-ci disent dans l'ensemble qu'ils n'ont pas beaucoup à se plaindre du Canada. Toutefois, l'enquête a aussi montré que leur première plainte concerne le manque de possibilités d'emploi. En revanche, les trois quarts affirment qu'ils reviendraient au Canada s'ils devaient recommencer. Je sais que je ne réponds pas directement à votre question mais ce sont là des indices de la manière dont notre pays est perçu.
La présidente : Puis-je continuer sur le même sujet? Si vous demandez à quelqu'un ayant un diplôme en médecine de venir, vous pouvez comparer son salaire à celui d'un médecin canadien, et vous faites la comparaison. Toutefois, l'une des plus questions les plus intéressantes qu'on peut se poser en voyant vos données est celle-ci : encourageons-nous et accueillons-nous le genre d'immigrants qui aimeraient probablement venir mais qui en sont empêchés par notre processus d'immigration?
Je songe à l'Ouest canadien, où l'on manque de main-d'œuvre et où ce facteur ne figure pas très haut sur la liste de l'immigration. Ce n'est pas ce que nous ciblons. Nous cherchions des gens pour l'économie du savoir. Aujourd'hui, nous avons besoin de plombiers, de soudeurs. Les provinces ont dû chercher dans les pays où elles savent qu'il peut y avoir un certain désir de venir au Canada dans ces professions, mais elles ont dû franchir beaucoup d'obstacles.
Vos données fonctionnent-elles simplement sur ce que sont les politiques d'immigration? Autrement dit, vous ne pouvez pas vraiment voir derrière ce que pourrait être le bassin d'immigrants disponibles et voir ceux qui ont été rejetés. Vous comprenez ce que je veux dire?
M. Bowlby : Toutes nos données concernent les immigrants qui sont déjà ici. Nous n'avons pas d'informations sur le bassin disponible dans les autres pays, sauf au moyen de statistiques pouvant être produites par les organismes statistiques de ces pays. Dans l'ensemble, cela ne donne pas autant d'informations que nous en avons au Canada. Si nous devions aller dans l'un des pays d'origine pour demander des données sur les caractéristiques de leur population, ces données ne seraient probablement pas aussi riches que celles de Statistique Canada.
Le sénateur Poy : Mes questions seront similaires aux autres questions. Vous avez dit que l'écart se creuse à cause de l'emploi ou du chômage des immigrants du fait du changement des pays d'origine, et que l'écart s'est agrandi. Avez-vous des statistiques sur ceux qui sont venus au Canada mais qui ont été déçus et qui sont partis? Je sais que beaucoup sont partis dans des pays comme les États-Unis ou sont retournés dans leur pays d'origine. Avez-vous des chiffres là-dessus?
Mme Leesti : Non, malheureusement, nous ne recueillons pas d'informations sur les statistiques de sortie de ceux qui partent.
Le sénateur Poy : Qui le fait? Je sais qu'elles existent. Je parle du pourcentage de ces immigrants hautement qualifiés qui viennent ici mais qui ne peuvent pas trouver le genre d'emploi qu'ils espèrent, ce qui fait qu'ils partent dans un autre pays ou retournent chez eux.
Mme Leesti : Je ne sais pas. Vous pourriez vous adresser à Citoyenneté et Immigration Canada, le ministère responsable de l'entrée des immigrants au Canada. Je ne savais pas qu'on recueillait des statistiques de sortie mais vous pourriez vérifier auprès de ce ministère.
Le sénateur Poy : J'ai vu ça par le passé.
En ce qui concerne le manque d'expérience canadienne, on en entend continuellement parler. Des immigrants sont venus me dire : « Si je ne trouve pas d'emploi au Canada, comment puis-je acquérir une expérience canadienne? »
Vous avez parlé des diplômes canadiens. Dans « l'ancien temps », jusqu'aux années 1990, j'ai fait des recherches et j'ai découvert que les diplômes des universités du Commonwealth étaient reconnus au Canada alors que ceux des États-Unis ou d'autres pays ne l'étaient pas. Cela a-t-il changé?
Mme Le Petit : Nous ne le savons pas encore. Nous venons juste de commencer à décortiquer ces données.
Le sénateur Poy : Ce n'est pas dans vos informations de 2006?
Mme Le Petit : La question est posée et nous avons le lieu mais, comme vous le comprenez, le recensement est une grande base de données qu'il faut beaucoup de temps pour traiter et organiser. Nous n'avons pas encore publié cette information.
Le sénateur Poy : Vous avez dit aussi que le taux de chômage est beaucoup plus bas chez les personnes nées au Canada. Avez-vous des statistiques sur les Canadiens nés d'immigrants d'origine non européenne? Avez-vous ces statistiques?
Mme Le Petit : Elles sont quelque part. Elles ne sont pas ici avec nous.
Le sénateur Poy : Travaillez-vous sur ces statistiques? Ils ont des antécédents non européens mais sont nés au Canada. Selon le Congrès du travail du Canada, ces Canadiens de deuxième ou troisième génération gagnent moins que les Canadiens nés d'immigrants d'origine européenne.
Mme Le Petit : Je crois que des études ont été faites à cet effet.
Mme Leesti : Il y a des études. Je ne les connais pas en détail. En utilisant diverses sources de données de Statistique Canada, je crois qu'il y en a une qui a été faite avec l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, et c'est peut-être Garnett Picot qui en est l'auteur. Il y a donc des données.
Le sénateur Poy : Vous ne tenez pas ce genre de statistiques?
Mme Leesti : Pas dans notre division.
M. Bowlby : Elles sont disponibles à Statistique Canada. Le recensement peut vous dire cela. Vous pouvez aussi obtenir ces informations dans une enquête réalisée après le recensement de 2001, l'Enquête sur la diversité ethnique, qui devrait aussi contenir ce genre d'informations.
Mme Leesti : Ainsi que dans la Dynamique du travail et du revenu.
Le sénateur Poy : Les Philippins, hommes et femmes, ont le taux d'emploi le plus élevé. Le sénateur Munson disait que c'est peut-être parce qu'ils parlent anglais, mais c'est aussi le cas des immigrants originaires d'Asie du Sud. Quelle est la différence? Ils utilisent aussi l'anglais dans leurs écoles. Avez-vous une comparaison?
Mme Le Petit : Non, je regrette.
La présidente : Permettez-moi de clarifier cela. Ce que vous avez dit, c'est que les immigrants des Philippines ont de bons résultats. Vous avez des statistiques pour le reste, dont les résultats ne sont pas aussi bons, mais vous ne savez pas pourquoi, si je comprends bien?
Mme Le Petit : C'est cela.
La présidente : Ils sont inclus?
Mme Le Petit : Oui.
Le sénateur Poy : Le sénateur Munson a dit que c'est peut-être parce qu'ils parlent déjà l'anglais en arrivant ici, mais c'est aussi le cas des gens d'Asie du Sud.
Le sénateur Munson : En Malaisie ou dans d'autres pays, vous êtes plus susceptible d'entendre les langues locales dans la rue. À Manille et dans d'autres villes, les Philippins parlent beaucoup l'anglais. Ce n'est pas autant le cas, selon ce que j'ai constaté, dans les autres villes d'Asie du Sud.
Le sénateur Poy : Ça m'intrigue. C'était une clarification.
M. Bowlby : Je pense que c'est probablement un facteur mais ce n'est pas le seul. On peut se pencher sur les autres pays anglophones et on peut voir que les taux d'emploi ne sont pas aussi bons que pour les immigrants des Philippines.
Mme Leesti : Il y a d'autres facteurs, notamment la qualité des réseaux sociaux pour la recherche d'un emploi. Cela peut être une aide considérable. Il peut y avoir plusieurs facteurs en jeu.
Mme Le Petit : Autre raison, la connaissance du marché local du travail et l'intégration à un réseau social. Les Philippins sont une vaste communauté bien établie dans beaucoup de grandes villes. Ils sont présents à Montréal, à Toronto, à Vancouver, mais aussi à Winnipeg et à Edmonton. Cela les aide probablement car ils ont ainsi des services et des contacts locaux.
Le sénateur Poy : Quand vous dites « emploi », quiconque a un emploi autonome, même dans un petit commerce, est aussi pris en compte, n'est-ce pas?
Mme Le Petit : C'est exact.
La présidente : Vous avez dit que, si vous êtes né ici, c'est le type de moyen que tout le monde essaye d'atteindre. Plus un immigrant est ici depuis longtemps, peut-être en étant devenu citoyen, meilleures sont ses chances. Certaines des raisons peuvent être évidentes, comme l'intégration, la compréhension et la base de connaissances qui sont les mêmes.
Cela dit, avez-vous trouvé des cas où cette statistique n'est pas confirmée? J'ai jeté un coup d'œil sur vos statistiques. Est-il toujours vrai que, quel que soit l'indicateur, plus on est au Canada depuis longtemps, mieux on réussit? Pour les provinces, ça semble être le cas. Pour l'âge, ça semble être le cas. C'est donc là le grand égalisateur, le temps?
Mme Le Petit : Le seul cas où ce n'est pas tout à fait vrai est celui des immigrants africains, surtout au Québec. Il semble que même pour les immigrants d'origine africaine dans la population établie, le marché du travail n'était pas aussi positif, même après dix ans ou plus de présence dans le pays. Nous ne savons pas pourquoi. Nous ne pouvons que formuler des hypothèses.
La présidente : Les immigrants d'Afrique, dites-vous?
Mme Le Petit : Oui.
M. Bowlby : Pour compléter cette réponse, la situation des immigrants africains s'améliore avec le temps. Il se trouve qu'ils ont toujours un taux de chômage élevé plusieurs années après l'arrivée. C'était ça le constat.
La présidente : C'est particulier à une province, et à l'Afrique, par opposition aux minorités visibles d'autres continents que l'Afrique?
Mme Le Petit : Une précision. Nous parlons ici du pays d'origine, pas du statut de minorité visible.
La présidente : Juste le pays de naissance?
Mme Le Petit : Oui, le pays de naissance. Ceux nés en Afrique, en Afrique du Nord ou en Afrique centrale.
La présidente : Ça pourrait donc être n'importe où.
Mme Le Petit : Exactement.
M. Bowlby : Je voudrais ajouter une précision. Je crois que les immigrants africains, quelle que soit la province où ils sont établis, ont des difficultés sur les marchés du travail. Nous avons pris le Québec comme exemple parce que c'est là que le problème est le plus patent sur le marché du travail des immigrants africains. Toutefois, quelle que soit la région où les immigrants africains s'établissent, ils semblent avoir des difficultés à entrer sur le marché du travail.
La présidente : L'autre aspect qui m'intéresse est l'âge. Si un immigrant est jeune quand il arrive au Canada, aura-t-il plus de réussite que quelqu'un ayant plus de 50 ans à l'arrivée? Vos statistiques vous permettent-elles de le dire?
Mme Le Petit : C'est une bonne question. Nous n'avons pas examiné la question sous cet angle. Toutefois, nous avons analysé la situation des jeunes immigrants récents et avons constaté qu'ils ont des difficultés. Leurs résultats, par exemple en ce qui concerne le taux de chômage, étaient sensiblement plus élevés que pour les Canadiens d'origine.
Outre l'âge, nous avons analysé les chiffres selon le sexe et avons constaté qu'il est particulièrement difficile aux immigrantes de trouver du travail. Elles ont un taux de participation plus faible, ce qui est inhérent à certaines cultures. En outre, l'aspect des taux de chômage qui indique que les gens veulent travailler mais ne peuvent pas trouver d'emploi était plus élevé pour les femmes.
La présidente : Certaines de vos catégories m'intéressent, comme le fait que la police comprend 8 p. 100 d'employés immigrants. Avez-vous tenu compte de cela ou était-ce simplement un exemple que vous vouliez donner du fait que certaines professions, tout comme la fonction publique, donnent la préférence à un citoyen canadien par rapport à un immigrant reçu?
Mme Le Petit : Oui.
La présidente : Il y a aussi des questions de sécurité en ce qui concerne la police, et cetera. Est-ce que c'est pris en considération ou s'agissait-il seulement d'un exemple?
Mme Le Petit : C'était un exemple. Nous n'avons pas fait d'ajustement. C'est une statistique actuelle que 8 p. 100 des agents de police au Canada sont des immigrants.
Le sénateur Munson : Dans vos conclusions, vous dites que les immigrants récents avaient des taux de chômage plus élevés et des taux d'emploi plus faibles que les Canadiens d'origine. C'est une tendance. Je me demande quelle image cela donnera de notre pays si elle se maintient.
Allons-nous connaître de sérieuses difficultés avec ceux qui, comme vous l'avez dit, renoncent et décident de tenter leur chance dans un autre pays parce qu'ils ne réussissent pas ici?
Pour ce qui est de la différence entre les Canadiens d'origine qui travaillent et les immigrants récents qui ne travaillent pas, cela présage-t-il quelque chose de difficile avec des personnes sans emploi risquant d'être confrontées à de graves difficultés? Je me demande quelle image cela va donner si cette tendance continue.
M. Bowlby : Il est difficile de le savoir mais je pense que votre suggestion que ce n'est pas bon est correcte.
Prenons l'exemple de l'Alberta et de Terre-Neuve, en parlant seulement du marché du travail général dans ces deux provinces. Le marché du travail général en Alberta est soutenu, celui de Terre-Neuve n'est pas si ferme. Résultat : migration vers l'Alberta. Nous savons que les gens se déplacent à cause du travail et, si le travail n'est pas là, cette mobilité est moins probable.
Cela me dit que, plus le marché du travail fléchit au Canada pour les immigrants, plus il sera difficile d'attirer des immigrants.
Le sénateur Munson : C'est notre pays qui en souffre économiquement.
Mme Leesti : Il y a aussi d'autres facteurs à prendre en considération. Il y a des marchés du travail dans d'autres régions du monde. Nous devons examiner notre cas par rapport aux autres marchés du travail. On a peut-être plus de difficultés à trouver un emploi sur notre marché du travail, mais on a peut-être plus d'occasions ici qu'ailleurs car les immigrants font face à des marchés du travail tendus et à des situations difficiles dans d'autres pays.
Il y a une autre statistique intéressante dans l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada. C'est une enquête réalisée auprès d'un groupe d'immigrants arrivés entre 2001 et 2006. Elle est rigoureusement limitée à une période d'immigration donnée. On les a suivis pendant quatre ans. On leur a parlé à certains intervalles : six mois après leur arrivée, puis deux ans et quatre ans. Invités à dire pourquoi ils étaient venus au Canada, la plupart ont mentionné l'environnement social, les aspects culturels et la liberté des droits humains. Même parmi les immigrants économiques, seulement 2,6 p. 100 ont évoqué les possibilités d'emploi.
Une fois établis, ils ont parlé de leurs difficultés à trouver du travail et un certain nombre d'entre eux, comme M. Bowlby et Mme Le Petit l'ont dit, ont mentionné le manque d'expérience de travail au Canada, la non-reconnaissance des diplômes étrangers et les obstacles linguistiques. Toutefois, quand on leur a demandé au bout de quatre ans s'ils allaient rester, comme M. Bowlby l'a dit, beaucoup ont dit qu'ils resteraient quand même.
Outre les questions d'emploi, il y a d'autres raisons pour lesquelles les gens viennent au Canada, selon cette enquête que j'ai mentionnée concernant ce groupe particulier qui a répondu.
Le sénateur Munson : Dans votre rapport de décembre 2007, vous révélez que les immigrantes de 25 à 54 ans avaient un taux de chômage beaucoup plus élevé que les immigrants et les Canadiennes d'origine, quelle que soit la durée de leur présence au pays. Quels sont les obstacles auxquels sont confrontées ces immigrantes mais que ne connaissent pas les deux autres groupes?
Mme Le Petit : Il est difficile d'identifier une raison donnée. Nous pouvons formuler des hypothèses. Comme l'indique la portion emploi, les immigrantes travaillent beaucoup dans le secteur manufacturier, comme l'industrie textile, laquelle est en déclin depuis cinq ans. Donc, il se peut qu'il y ait moins d'occasions d'emploi. C'est pourquoi elles sont moins employées. À part cela, nous ne pouvons pas entrer dans les questions de discrimination ou des choses comme ça.
Le sénateur Munson : Est-ce la même chose pour les jeunes immigrants de 15 à 24 ans?
Mme Le Petit : Oui. Pourquoi ils ne trouvent pas d'emploi?
Le sénateur Munson : Oui.
Mme Le Petit : Ils font face à des obstacles similaires à ceux des adultes. Quand ils arrivent dans un nouveau pays, c'est difficile, qu'ils soient jeunes ou adultes. Ils partagent des ratios similaires, comme des taux de chômage deux à trois fois plus élevées, qu'il s'agisse de la cohorte de 15 à 24 ans ou de la cohorte de 25 à 54 ans.
Le sénateur Munson : Je me demande comment on pourrait résoudre ce genre de choses avec ces statistiques assez révélatrices?
La présidente : Dans le même ordre d'idées, je lis dans le synopsis d'une de vos études que, pour les immigrantes de 25 à 54 ans, ce qui est la cohorte centrale sur le plan de l'emploi, vous avez constaté un taux de chômage beaucoup plus élevé et des taux d'emploi beaucoup plus faibles que pour les immigrants et pour les femmes nées au Canada. Je lis ensuite que les taux de chômage des immigrants récents de 55 ans et plus sont équivalents à ceux des hommes du même groupe d'âge nés au Canada. Toutefois, les immigrantes âgées et récentes sont plus susceptibles d'être sans emploi que leurs homologues canadiennes.
Chaque fois qu'il y a une statistique concernant les femmes, on constate qu'elles ont plus de difficultés à trouver du travail.
Mme Le Petit : C'est ce que nous avons constaté pour tous les groupes d'âge. Vous avez parfaitement raison. C'est une constatation très intéressante. Comme nous le disions, ce constat émane d'une enquête produisant les statistiques du chômage. Il s'agit d'une enquête économique destinée à produire cet indicateur économique très important sur le fonctionnement de notre pays. C'est limité à des questions de nature plus qualitative.
Cependant, nous avons récemment publié ces données du recensement et, que ce soit notre groupe, n'importe quel autre groupe de Statistique Canada ou un groupe externe, on pourra utiliser cette information et jeter un peu de lumière sur la question de savoir si c'est le résultat d'une éducation différente, d'une profession différente ou de n'importe quoi d'autre.
Vous avez raison, qu'il s'agisse des femmes jeunes en âge de travailler ou des femmes plus âgées, elles ont toujours des taux de chômage plus élevés. Un taux de chômage plus faible pourrait être le résultat de facteurs culturels, ou être basé sur la décision que la femme restera à la maison et ne participera pas à la population active afin d'élever ses enfants, ou sur une autre raison. Toutefois, un taux de chômage plus élevé indique qu'elles souhaitent participer au marché du travail mais qu'elles ne trouvent pas d'emploi. Est-ce un problème de reconnaissance des diplômes? L'une des hypothèses est qu'elles ont tendance à travailler dans le secteur de la fabrication et de l'industrie textile où il y a moins d'occasions d'emploi, mais il faudrait approfondir les recherches pour en savoir plus.
Le sénateur Munson : Que s'est-il passé en 1996, où les choses allaient bien, par rapport à 2006, sur le plan de l'emploi des immigrants très récents? Vous avez parlé de cela. Il y a un écart de revenu indiqué dans votre sixième graphique. C'était beaucoup mieux.
M. Bowlby : En fait, c'était pire. Il s'agit là du taux d'emploi, pas du taux de chômage. Cela montre la proportion de la population qui occupait un emploi. C'était au minimum en 1996.
Le sénateur Munson : Pour quelle raison?
M. Bowlby : C'était le nadir de l'économie canadienne, après la récession du début des années 1990. C'est à partir de 1996 que la situation de l'emploi s'est considérablement améliorée.
Le sénateur Munson : Je suis désolé, j'ai du mal à m'y retrouver dans ces chiffres concernant l'emploi, le chômage et les salaires. Il y en a beaucoup.
La présidente : Cela m'amène à vous poser une autre question. Si je voulais venir au Canada pour une raison autre que c'est un bon pays, par exemple parce que je veux trouver du travail, j'essaierais de voir si je suis employable, si j'ai les compétences et la formation nécessaires. Si j'étais une infirmière, j'essaierais de voir si je pourrais trouver un emploi d'infirmière. Je n'ai pas trouvé cette correspondance. Les gens viennent au Canada pour d'autres raisons, comme la réunification familiale. Ils viennent pour ces raisons impérieuses et pensent qu'ils vont trouver du travail puis sont obligés de constater que leurs compétences ne sont pas nécessaires ici.
Il y a aussi la catégorie de ce que le Canada estime nécessaire pour progresser et être compétitif. Nous essayons de recruter mais nous adressons-nous au bon bassin? Vos données ne semblent pas porter là-dessus. Ce sont des données brutes, n'est-ce pas? Il faudra aller chercher ailleurs pour trouver les réponses. Où? Dans vos études?
M. Bowlby : Avec des questions précises comme celle-là, nous pouvons creuser plus profondément. Aujourd'hui, nous voulions vous donner le contexte.
La présidente : Je comprends mais vous voyez où je veux en venir. Nous voulons voir où se trouve le bassin de travail disponible et s'il y a des discriminations contre une catégorie ou un groupe quelconque. S'il y a des discriminations, d'où viennent-elles et que peut-on y faire? Est-ce parce qu'on a des attentes erronées avant d'arriver au pays? Est-ce parce que ce que nous faisons ici est discriminatoire? Nous pourrions vous poser les questions et vous pourriez peut-être nous donner les réponses.
M. Bowlby : Absolument.
La présidente : Vous êtes donc prévenus : vous allez recevoir des questions sur cet aspect particulier.
Le sénateur Poy : Je voudrais poser une question supplémentaire. Avez-vous comparé ce qui se passait avec l'immigration dans les années 1960 au Canada? D'après mes propres recherches, le Canada semblait savoir dans les années 1960 ce dont il avait besoin. Au début des années 1970, on avait besoin d'enseignants et d'infirmières et on est allé les chercher. Est-ce qu'on fait encore ça? Sommes-nous aussi efficaces aujourd'hui que dans les années 1960 et 1970?
Mme Le Petit : Il y a toujours un décalage entre le moment où les besoins sont évalués et où les politiques sont formulées. Statistique Canada ne formule pas les politiques et je donnerai donc ceci comme exemple.
Le secteur de la TI était en pleine expansion à la fin des années 1990 et les politiques d'immigration ont été conçues pour attirer des gens possédant ces compétences. Comme vous le savez, il y a eu ensuite l'effondrement de ce secteur et tout le monde a été touché. Peut-être que ça allait bien dans les années 1970.
Typiquement, les données démographiques vous disent combien d'enseignants seront nécessaires et c'est assez facile à prédire. À l'heure actuelle, il y a une expansion dans l'industrie de la construction. Aujourd'hui, en 2008, on a besoin de beaucoup de charpentiers, de plombiers, d'électriciens, et cetera. Si l'on adoptait des politiques pour attirer plus de gens de ce secteur et que la croissance s'arrêtait dans le secteur de la construction, ces gens-là se retrouveraient dans la même situation.
Il est difficile pour ceux qui formulent les politiques de pointer dans la bonne direction parce qu'il y a beaucoup de forces en jeu.
Le sénateur Poy : C'est juste. Étant donné le taux de chômage élevé des immigrants, est-ce pour cette raison, à votre avis, que nous n'atteignons pas les chiffres que souhaite le Canada? Je pense que l'objectif est de l'ordre de 300 000. Nous ne l'atteignons pas. Nous ne l'avons pas atteint pendant plusieurs années. Vous ne savez pas?
M. Bowlby : Aucun d'entre nous n'a la réponse à cette question.
Le sénateur Poy : Je suppose que Statistique Canada s'occupe uniquement du Canada. Comparez-vous ce que nous faisons avec ce que font d'autres pays d'immigration, comme les États-Unis et l'Australie?
Mme Le Petit : Pas nous, personnellement, mais on pourrait le faire. L'immigration est un scénario plus mondial aujourd'hui et nous faisons donc concurrence pour attirer des immigrants qualifiés mais nous n'avons pas entrepris d'études particulières récemment pour examiner cet aspect, à ma connaissance.
Le sénateur Poy : L'avez-vous fait dans le passé? Vous dites que vous ne l'avez pas fait récemment.
Mme Le Petit : Non.
M. Bowlby : Ça pourrait se faire. À Statistique Canada, nous comparons souvent nos données avec les autres pays; nous ne les avons simplement pas comparées dans ce contexte. Quand nous avons publié les chiffres du grand recensement, la semaine dernière, nous avons constaté que la croissance de l'emploi au Canada était plus élevée que dans tous les autres pays du G7 et était supérieure à la moyenne de l'OCDE.
Mme Leesti a dit tout à l'heure qu'il est important de tenir compte de ce qui se fait dans les autres pays car il y a une concurrence mondiale pour attirer des immigrants. En examinant ses statistiques du marché du travail, bien que les immigrants au Canada puissent avoir des difficultés à s'intégrer sur le marché du travail canadien — ce qui ressort clairement de ces résultats —, la situation aurait été encore pire si la croissance de l'emploi avait été plus faible au Canada comme dans la plupart des autres pays.
Mme Leesti : Vous pourriez peut-être obtenir ces données par Citoyenneté et Immigration Canada. J'ai vu des données sur les niveaux d'immigration en Australie par rapport au Canada. Je soupçonne qu'on a ce genre d'information.
Le sénateur Poy : Merci.
La présidente : Nous sommes à la fin de cette partie de la séance. Vous avez dit, et c'est exact, que nous démarrons avec vos données comme données brutes des statistiques pour le Canada sur le travail et sur la population immigrante venant au Canada et sur leur position relative par rapport aux citoyens nés au Canada. Nous allons creuser plus profondément pour voir ce que signifient ces statistiques. Nous vous remercions de nous avoir fourni les données brutes. Même si c'est partiel, ça nous sera utile.
Je peux vous assurer que nous vous demanderons des informations complémentaires quand nous essaierons de creuser un peu plus et de voir ce que cela signifie pour notre étude. Nous vous remercions d'être venus témoigner aujourd'hui. Nous savons que vous travaillez sous forte pression pour produire ces études et nous attendrons avec intérêt celles que vous publierez à l'avenir.
Le témoin suivant est Ravi Jain, avocat spécialisé en droit de l'immigration à Toronto. Nos témoins précédents, de Statistique Canada, nous ont fourni beaucoup de données brutes, oralement et par écrit. M. Jain a beaucoup d'expérience en matière d'immigration et connaît ces statistiques. On a immédiatement cité ses analyses dans la presse.
Monsieur Jain, nous aimerions savoir ce que vous pensez de ces données brutes et, plus généralement, des questions d'emploi et d'immigration.
Ravi Jain, avocat spécialisé en droit de l'immigration, à titre personnel : Merci, madame la présidente. Quand j'ai reçu une invitation à comparaître, j'ai dit à la greffière qu'elle devait avoir le mauvais M. Jain car mon père avait témoigné devant un comité similaire de la Chambre des communes par le passé. Il a récemment reçu l'Ordre du Canada pour ses recherches pionnières d'il y a bien longtemps. Il avait travaillé avec Rosalie Abella, aujourd'hui juge à la Cour suprême du Canada, dans le cadre de la Commission royale sur l'équité en matière d'emploi. Ses recherches ont toujours porté sur l'équité en matière d'emploi.
Il m'a demandé d'adresser ses salutations au sénateur Oliver, avec qui il a travaillé au sein d'un comité, ainsi qu'au sénateur Kinsella. J'ai l'impression que nos carrières se croisent ce soir, et c'est un honneur pour moi d'être ici.
Je crois comprendre que vous continuez d'examiner dans quelle mesure les objectifs d'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont atteints dans la fonction publique. Dans votre rapport de février 2007, vous disiez que les minorités visibles restent le seul groupe qui n'est pas représenté équitablement, de manière générale. Vous disiez aussi que la fonction publique fédérale est en retard sur le secteur privé du point de vue de la représentation des minorités visibles.
Hélas, je dois vous dire aujourd'hui que les obstacles à l'intégration des immigrants persistent dans les organismes de réglementation professionnelle et continuent de freiner l'intégration générale des immigrants sur le marché du travail.
Je saute certaines des statistiques figurant dans mon exposé car elles ont déjà été présentées. Mes remarques porteront donc sur les obstacles qui empêchent les immigrants d'avoir accès aux professions. Il y a toujours le problème classique, mentionné tout à l'heure, des immigrants travaillant dans des secteurs ne correspondant pas à leurs études ni à leur expérience.
Je parlerai aussi du système de points utilisé par les services d'immigration, qui joue un rôle dans ce domaine. Il réapparaît de temps à autre dans les préoccupations du public et dans les médias. De fait, on en a parlé récemment dans les médias à cause de deux de quarte études, l'une publiée le 13 février et l'autre, il y a six mois.
Je pense que le succès éclatant de la communauté philippine peut être attribué à la langue. Environ 99 p. 100 des Philippins travaillant ici parlent couramment l'anglais; en outre, 80 p. 100 ont un diplôme d'études supérieures, ce qui est plus les 60 p. 100 de moyenne des Canadiens d'origine. Le système d'enseignement des Philippines a été copié sur ceux du Canada et des États-Unis. Il y a le jardin d'enfants, l'école primaire, le collège et l'université. De plus, l'anglais est la langue d'enseignement aux Philippines.
Dans mon mémoire, je mentionne le fait que, dans mon activité professionnelle, je vois beaucoup de Philippins, notamment à Toronto, qui arrivent au Canada dans le cadre du programme d'aide personnelle à domicile. Ils font ensuite venir des personnes à charge, dont certaines iront travailler dans le secteur de la fabrication, par exemple, ce qui peut expliquer leur présence dans d'autres secteurs.
L'ambassadeur des Philippines a expliqué le système en disant que les Philippins savent qu'ils ne peuvent pas échouer car ils doivent assurer la survie de leur famille restée au pays. Il se peut qu'il y ait certains facteurs de motivation. Voyez ce qui se passe en Inde aujourd'hui. Les économies de l'Inde et de la Chine ont de plus en plus de succès et j'entends parfois des clients dire qu'ils devront apprendre à faire la cuisine et la vaisselle s'ils viennent au Canada parce qu'ils n'auront plus les serviteurs auxquels ils sont habitués. S'ils viennent ici, ils ont du mal à s'intégrer et ils décident de repartir. Certains ont un niveau de vie très élevé en Inde.
Dans le cas des Philippins, le scénario est peut-être différent. Les facteurs de motivation expliquent peut-être leur désir de rester au Canada et de travailler dur dans n'importe quel emploi qu'ils parviennent à obtenir.
Les difficultés auxquelles sont confrontés certains immigrants africains sont peut-être reliées au fait que 20 p. 100 d'entre eux arrivent comme réfugiés. Quelqu'un posait tout à l'heure une question sur la différence de statut après l'arrivée — ceux qui deviennent des immigrants reçus — et si cela concernait les réfugiés. Quand on demande le statut de réfugié et qu'on est accepté, on formule une deuxième demande pour devenir immigrant reçu. On est donc obligé de formuler cette demande pour devenir résident permanent du Canada.
La grande majorité des réfugiés deviennent des immigrants reçus. Le fait que 20 p. 100 d'entre eux arrivent au Canada comme réfugiés explique une bonne partie de la situation. Beaucoup se sont enfuis pour échapper à des persécutions et n'ont pas pu emporter des documents personnels tels que des copies de diplômes, et cetera. De toute façon, certains de ces documents ont pu être détruits. Une fois qu'ils sont arrivés ici, contacter leur pays d'origine pour obtenir leurs documents n'est pas une solution si ceux-ci ont été détruits.
Par conséquent, la connaissance de la langue, la demande de main-d'œuvre dans le cas des Philippins et la catégorie d'accueil — réfugiés dans le cas des Africains — jouent un rôle.
La première étude de Statistique Canada, publiée il y a six mois, est particulièrement intéressante. Les données montrent que beaucoup ont des niveaux d'éducation élevés quand ils arrivent ici — baccalauréat, entre autres — et qu'ils ne s'intègrent pas très bien. Les taux d'emploi sont également problématiques.
Le Quotidien est un bulletin dans lequel Statistique Canada annonce ses études. On y disait que de nombreux nouveaux arrivants peuvent avoir besoin de temps pour s'adapter à leur nouvelle vie au Canada et entrer dans la population active. Je le mentionne parce que je crois que certains immigrants ayant des obstacles linguistiques ont peut-être besoin de temps supplémentaire pour s'intégrer. Toutefois, je pense que l'explication selon laquelle ils ont besoin de plus de temps pour s'intégrer est trop facile.
J'aimerais maintenant parler des propositions de changement et des solutions possibles. Tout d'abord, comme on l'a laissé entendre, le système d'immigration a changé radicalement le 28 juin 2002 avec l'adoption de la nouvelle loi. En effet, nous avons alors commencé à mettre l'accent sur l'éducation et l'expérience de travail. Il n'était plus nécessaire d'avoir une expérience de travail dans son propre domaine pour être accepté au Canada. En 2002, et même avant, nous avons dit : « Les Canadiens changent plusieurs fois de carrière. » Autrement dit, les autorités ont pensé que la clé était de faire venir au Canada des gens ayant fait des études et qui pourraient s'adapter au marché du travail avec le temps.
Malheureusement, on n'a pas tenu compte des métiers. Nous voyons des gens dans les secteurs du camionnage et de la construction, où il y a des pénuries. C'est devenu un vrai problème qui a un effet ici. L'idée était bonne au départ mais, malheureusement, nous sommes tellement décalés par rapport aux besoins du marché du travail que c'est devenu problématique.
Dans mon mémoire, j'examine le système d'immigration actuel du point de vue des diverses méthodes permettant de faire venir les immigrants plus rapidement. Il y a plusieurs mécanismes mais tous exigent le parrainage d'un employeur. Une solution partielle à ce problème consisterait à faire venir les immigrants plus rapidement. Actuellement, ça prend trop longtemps. Pour venir d'Inde, de Chine et d'autres pays, il faut cinq ou six ans. Le ministère n'est pas tout à fait franc au sujet de l'ampleur de son arriéré. Je ne pense pas que les gens le savent et, en tout cas, ce n'est pas indiqué dans les délais de traitement des demandes figurant sur le site web du ministère.
Il y a des solutions à ce dilemme. En tant qu'avocat du domaine de l'immigration, je dis parfois aux gens : « Venez d'abord avec un permis de travail. Quand vous aurez été admis légalement au Canada pendant un an avec un permis de travail, vous pourrez présenter votre demande dans un consulat canadien aux États-Unis. Votre délai d'attente de cinq à six ans sera ramené à un an. Vous pourrez être accepté comme immigrant en un an environ. » Évidemment, cela exige le parrainage d'un employeur. Si vous ne pouvez pas passer par un organisme de réglementation et être accrédité, ça ne marchera pas.
Il y a un autre programme, appelé « l'emploi réservé », qui permet à votre demande d'immigration de passer en tête de liste et d'être traitée en accéléré si vous avez un emploi qui vous attend quand vous arriverez au Canada. Par exemple, si vous avez une offre de durée indéfinie — indéfinie parce qu'on ne sait pas combien de temps prendra le traitement de votre demande —, votre dossier pourra être traité en accéléré. C'est une autre solution mais, encore une fois, elle suppose que vous avez un employeur qui vous attend au Canada. C'est seulement de cette manière que vous pouvez en bénéficier.
La dernière catégorie est celle des programmes de candidats provinciaux, qui sont encore une fois des programmes exigeant un employeur. Le gouvernement fédéral a négocié ces programmes avec les provinces, qui doivent identifier leurs pénuries. Toutefois, le candidat doit avoir un employeur prêt à le parrainer pour ce programme, et nous avons vu ces derniers jours que le gouvernement fédéral a pris des mesures pour restreindre la portée de ces programmes provinciaux. Il vient d'annoncer l'annulation du programme d'immigration des investisseurs établi avec l'Île-du-Prince-Édouard.
À mon avis, la solution à tout cela est que les provinces, Service Canada et le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration collaborent avec le gouvernement fédéral pour dresser la liste des professions où les besoins sont critiques. Ensuite, des équipes de « francs-tireurs » se chargeront de traiter les demandes correspondantes en accéléré. Il faut faire plus à cet égard.
Chaque année, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration recueille plus d'argent qu'il n'en dépense avec ses programmes de sélection des immigrants. Quelqu'un demandait pourquoi il n'atteint pas ses objectifs annuels. Ce n'est certainement pas par manque d'argent. Il fait d'ailleurs l'objet d'une action en justice à cet égard, je crois. Il a l'argent pour faire le nécessaire mais il ne le fait pas. Pourquoi? Je crois qu'il n'affecte pas de personnel suffisant dans les bureaux de visas pour pouvoir éponger les arriérés de demandes.
Voilà donc un secteur où l'on peut apporter un changement. Un autre est celui de la sensibilisation du public à la reconnaissance des diplômes. Lors des dernières élections, tous les partis ont promis de régler ce problème mais, comme je suis sûr que les sénateurs le savent, ce n'est pas un problème de compétence fédérale.
Quel est le résultat? Je crois que le gouvernement actuel veut montrer qu'il agit à ce sujet. Le ministre fédéral de la Citoyenneté et de l'Immigration a annoncé en mai 2007 la création d'un Bureau d'orientation relatif aux titres de compétence étrangers. Il s'agissait de montrer que le gouvernement fédéral voulait agir. Toutefois, comme l'indique son nom, ce bureau ne fait que renvoyer les gens ailleurs. Il fournit simplement un numéro de téléphone et un site web pour les demandeurs de l'étranger ou d'ici. Service Canada a annoncé que ses bureaux fourniraient des informations de base, c'est-à-dire à quel organisme professionnel s'adresser pour régler ce genre de problème.
Comme je l'ai dit, c'est tout ce que le gouvernement fédéral peut faire. Il ne faut pas oublier non plus que le Canada est en concurrence avec l'Australie et les États-Unis pour attirer les candidats les meilleurs et les plus brillants. Nous sommes depuis trop longtemps organisés pour assurer l'échec des immigrants. Beaucoup n'ont pas les moyens de se requalifier pendant qu'ils occupent un emploi temporaire pour nourrir leur famille. Donner accès aux informations est une mesure indispensable qui n'a que trop tardé, mais elle est loin d'être suffisante.
Je crois que la faute doit clairement être attribuée aux organismes de réglementation professionnelle. Ils n'ont pas fait assez pour ouvrir l'accès aux professions. Selon Mme Augustine, commissaire à l'équité en Ontario, il y a eu :
... manque de cohérence dans les critères préalables à la demande, absence d'informations claires et complètes sur les normes professionnelles et les conditions d'accréditation, impossibilité de recevoir par écrit des réponses claires et rapides expliquant les décisions relatives à l'accréditation, insuffisance d'informations sur les droits d'accréditation, et méconnaissance des décideurs quant aux équivalences existant entre les titres internationaux et les titres canadiens.
Cette question de non-reconnaissance des titres professionnels et ces obstacles érigés par les organismes professionnels coûtent cher au Canada. Cela nuit à nos intérêts, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il y a une perte de recettes fiscales car les professionnels gagnent plus d'argent. Quand un professionnel est chauffeur de taxi, cela nous coûte en recettes fiscales.
Ensuite, il y a de vraies pénuries dans certaines professions. En Ontario, 1,2 million de personnes ne trouvent pas de médecin de famille, ce qui provoque de vives tensions dans des services d'urgence débordés, allonge les séjours à l'hôpital et les listes d'attente, et nuit à notre qualité de vie.
Il y a aussi des coûts économiques importants. Selon le Conference Board du Canada, régler le problème de l'accréditation des professionnels rapporterait entre 4,1 et 5,9 milliards de dollars par an aux Canadiens. Cela provoquerait un « afflux de cerveaux » dans les rangs des travailleurs qualifiés canadiens de l'ordre de 33 000 à 88 000 individus.
Finalement, le vieillissement de la population et la faiblesse des taux de natalité signifient qu'il y aura plus de départs que d'arrivées dans la population active d'ici à 2011. Exclure l'immigration comme source de croissance démographique signifie qu'il y aura plus de décès que de naissances d'ici à 2031. Par conséquent, l'immigration est notre seule source de croissance nette de la population active.
À mon avis, toutes les provinces devraient adopter une loi semblable à celle de l'Ontario, la Loi de 2006 sur l'accès équitable aux professions réglementées. Cette loi exige que 34 professions réglementées adoptent des pratiques d'accréditation équitables, transparentes et rapides. L'Ontario a créé le Bureau du commissaire à l'équité, initiative unique au monde. Ce commissaire est chargé non seulement de sanctionner mais aussi de collaborer avec les instances professionnelles et réglementaires. Il s'assure que les organismes réglementaires produisent des rapports annuels sur leurs pratiques de recrutement et d'admission et déploient des efforts pour assurer un accès équitable et transparent.
Nous avons parlé de statistiques et de la manière de les obtenir. Les organismes de réglementation devraient surveiller combien de gens formulent une demande et combien sont acceptés. Nous pouvons avoir des statistiques là-dessus. Le commissaire a également le pouvoir d'infliger jusqu'à 100 000 $ d'amende aux organismes de réglementation, ce qui n'est pas négligeable.
J'ai parlé à Mme Augustine avant de venir à cette réunion et elle m'a dit que le Manitoba a récemment adopté une loi similaire. La Colombie-Britannique et le Québec envisagent la même chose. Toutefois, il n'y a encore qu'un seul commissaire à l'équité, c'est Mme Jean Augustine.
À mon avis, il y a beaucoup à faire dans ce domaine. Il faut que les organismes de réglementation fournissent des informations complètes. Il faut qu'ils prennent leurs décisions de manière opportune, et il doit y avoir un mécanisme d'appel. Il doit aussi y avoir d'autres méthodes d'accréditation lorsque les documents ne sont pas disponibles pour d'excellentes raisons.
Voyez le cas d'une réfugiée iranienne, une enseignante, qui a récemment gagné devant la Cour supérieure de l'Ontario contre l'Ordre des enseignantes et enseignants de l'Ontario. La cour a jugé que l'ordre avait fait preuve de discrimination à son égard parce qu'elle n'avait pas été en mesure de fournir des originaux de ses titres, certifiés par le gouvernement. Je rappelle qu'il s'agissait d'une réfugiée. La cour a dit que l'Ordre des enseignantes et enseignants de l'Ontario doit réexaminer la demande étant donné qu'il y a une bonne raison pour laquelle cette personne ne pouvait pas obtenir ces documents et qu'on avait la confirmation qu'elle pouvait faire le travail demandé. Elle a donc gagné sa cause.
Finalement, Mme Augustine a indiqué qu'elle a le pouvoir de superviser le travail des tierces parties, comme les centres d'examen qui font passer les examens qu'utilisent les organismes de réglementation, pour s'assurer qu'ils ne font pas échouer certaines catégories d'immigrants, selon le sexe, et cetera. Parfois, il s'agit d'une question de financement. S'il y a 1 000 médecins pour 200 places en résidence, elle pourrait recommander un accroissement des budgets de la santé afin de créer des places supplémentaires.
La seule perspective de solution nationale, à mon avis, est que le gouvernement fédéral impose certaines conditions aux paiements de transfert aux provinces pour les encourager à adopter une loi similaire à celle de l'Ontario — c'est-à-dire une loi ayant des crocs. D'ici là, espérons au moins que les autres provinces suivront l'exemple ontarien.
En termes simples, les organismes de réglementation doivent changer leurs méthodes de travail, les obstacles doivent être supprimés, on doit faire des vérifications de leurs activités et les commissaires à l'équité doivent être habilités à imposer la conformité en infligeant éventuellement de lourdes amendes. C'est seulement de cette manière que ce problème, dont j'entends parler depuis que je suis enfant, pourra finalement être réglé, et quand je parle de « problème », je parle des détenteurs de doctorats qui conduisent des taxis. C'est un problème dont on parle depuis toujours et c'est la seule manière de le régler.
Le sénateur Munson : Vous parlez des obstacles et des détenteurs de doctorats. Ces derniers temps, nous avons vu apparaître des messages publicitaires de l'Association médicale canadienne disant que notre pays a besoin de 26 000 médecins de plus. Elle envoie des stéthoscopes dans nos bureaux en nous disant que nous devrons peut-être apprendre à nous en servir nous-mêmes. J'estime que c'est un gaspillage d'argent et que nous devrions les envoyer à des ONG, par exemple.
Il existe cependant dans la profession médicale des obstacles du fait que les titres de compétence des immigrants ne correspondent pas nécessairement aux nôtres. Nous voyons aussi de belles publicités télévisées nous demandant de respecter les gens des autres pays parce qu'ils ont peut-être un doctorat ou un diplôme en médecine. Nous sommes plus sensibilisés à ce problème mais ça n'empêche pas que personne ne peut encore entrer dans ces associations professionnelles.
Pourriez-vous nous donner un exemple de ce que doit faire une personne arrivant dans notre pays avec un diplôme étranger? Elle dira : « J'étais médecin dans mon pays, j'ai tous les diplômes nécessaires mais je ne peux pas faire ce qu'il faut pour être accrédité ici. » Pourquoi la porte reste-t-elle fermée?
M. Jain : Je prendrai l'exemple de ma propre profession. J'en parlais à la présidente il y a quelques instants. Beaucoup de Canadiens étudient à l'étranger. Beaucoup obtiennent un diplôme de droit à l'étranger. Je connais le cas d'une femme brillante qui est allée à Harvard. Elle a obtenu son diplôme de droit là-bas puis a fait un stage à la Cour suprême du Canada, ce qui est le stage le plus prestigieux qu'on puisse faire. Ensuite, elle est allée au Comité national sur les équivalences des diplômes de droit qui lui a dit qu'elle devrait suivre quatre cours spéciaux car elle ne possédait pas de diplôme de droit canadien. On lui a dit : « Suivez ces quatre cours et vous serez accréditée. » Il s'agissait de quatre cours que les Canadiens ne sont pas obligés de suivre. Ce sont des cours facultatifs. En outre, on lui a dit qu'elle n'avait pas fait les choses dans le bon ordre. Comme elle n'avait pas suivi les cours avant de faire son stage à la Cour suprême, on lui a dit qu'elle devrait refaire un stage. Elle a donc été obligée de refaire un stage et il lui a fallu deux ans de plus pour entrer dans le système.
Comme je fais des entrevues avec des candidats stagiaires qui souhaitent entrer dans mon cabinet de droit, je peux vous dire que je ne pourrais jamais trouver de candidat plus souhaitable qu'un candidat ayant fait un stage à la Cour suprême du Canada et possédant un diplôme de droit de Harvard. C'est bien beau d'appliquer toutes ces règles mais pourquoi ne pourrait-on pas s'adresser à un comité de l'organisme réglementaire pour lui dire : « Je demande une exception. J'ai des compétences exceptionnelles. Pouvez-vous faire une exception? »
Le sénateur Munson : Nous parlions également de la Loi sur l'accès équitable aux professions réglementées en Ontario qui, avez-vous dit, exige que 34 professions réglementées adoptent des méthodes d'accréditation équitables, transparentes et rapides. Vous avez parlé d'amendes de 100 000 $ en cas de non-conformité. J'aimerais savoir comment cela fonctionne et ce que serait un cas de non-conformité par rapport à cette loi?
M. Jain : Le commissaire m'a dit que sa priorité est de travailler avec les organismes professionnels car il s'agit d'une nouvelle loi. Elle n'en est pas encore à l'étape où elle va user de la matraque. Elle estime que les organismes professionnels font preuve de bonne volonté. Elle n'a pas encore imposé d'amende substantielle. Toutefois, je soupçonne que la simple menace d'une amende pourrait inciter les organismes professionnels à réagir s'ils ne font rien. La menace d'une amende pourrait les amener à changer leurs procédures sans qu'on soit obligé de l'infliger. Il y a aussi les vérifications pouvant montrer que des obstacles persistent. Finalement, on pourrait infliger une amende si un organisme refusait absolument de changer.
Le sénateur Munson : Dans notre étude, nous parlons toujours d'allégations de discrimination, ce qui est le thème de nos travaux concernant la fonction publique fédérale. Quelle est la situation dans le secteur privé pour les immigrants qui essayent de trouver un emploi? Est-ce systémique? Y a-t-il manifestement de la discrimination contre ceux qui veulent trouver un emploi au Canada?
M. Jain : Oui, c'est de la discrimination classique et systémique. Les organismes de réglementation ont mis en place il y a bien longtemps des systèmes protectionnistes. Par exemple, pour un médecin spécialisé, les droits d'accréditation très élevés pourraient dépendre du fait qu'il n'y a pas beaucoup de médecins exerçant dans votre spécialité dans votre région. Je ne veux pas dire qu'il s'agit de malveillance mais la discrimination systémique, comme elle existe dans d'autres secteurs, ne doit pas nécessairement être une discrimination délibérée. Parfois, c'est simplement le système qui est comme ça.
L'objectif est peut-être de s'assurer qu'il existe des normes élevées dans les professions, ce qui n'est pas mauvais. L'exemple que j'ai donné tout à l'heure était destiné à vous montrer qu'il y a bien des cas où une exception serait justifiée et où il devrait y avoir différentes méthodes pour prouver ses compétences, avec un processus d'appel et plus de souplesse. Sinon, c'est le Canada qui paye les pots cassés car cela nous coûte des milliards de dollars et nuit à notre qualité de vie dans la mesure où nous ne pouvons pas trouver de médecin de famille. C'est de la discrimination.
Le sénateur Poy : En vous basant sur votre expérience, monsieur Jain, avez-vous comparé les délais d'attente des candidats à l'immigration d'un pays européen par rapport à un pays d'Asie ou d'Afrique?
M. Jain : Oui, je l'ai fait.
Le sénateur Poy : Quel a été le résultat?
M. Jain : Il y a une demande très élevée de la Chine et de l'Inde, en particulier. Ce sont les deux plus grandes sources d'immigration. Si l'on devait dire à chaque candidat qui se présente que son dossier sera traité dans le même délai, nous n'aurions pratiquement que des immigrants chinois et indiens. Le gouvernement ne veut pas cela et il n'affecte donc pas dans ses bureaux d'Asie le personnel qui serait nécessaire pour permettre à chaque candidature d'être traitée dans le même délai. De cette manière, le gouvernement contrôle la composition ethnique des immigrants arrivant chez nous.
Je suis avocat dans le secteur privé et je peux vous dire cela ouvertement mais vous n'entendrez jamais cela d'un représentant du gouvernement. Pourquoi? Pouvez-vous imaginer le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration disant qu'il veut contrôler la composition ethnique des immigrants? Il ne dira jamais cela parce que ça semblerait horrible — un peu comme le système que nous avions autrefois de sélection des gens selon la race, et cetera. Je ne suis pas nécessairement en désaccord car je pense qu'il est bon que nous ayons des immigrants d'origine différente au Canada. Toutefois, la réalité est que les candidats d'Asie et d'Inde devront attendre plus longtemps pour que leurs demandes soient traitées, à moins qu'ils ne soient assez malins pour réussir à venir ici en ayant un emploi qui les attend et en ayant leur permis de travail. Si vous vous arrangez pour avoir déjà un emploi au moment où vous formulez votre demande d'immigration, votre dossier sera traité plus rapidement.
Le sénateur Poy : Je ne voudrais pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit mais êtes-vous en train de nous dire qu'il y a un quota?
M. Jain : On essaye d'avoir une immigration diversifiée. On est conscient du fait que, si chaque bureau était financé de la même manière pour que chaque dossier soit traité dans le même délai, il y aurait un nombre écrasant d'immigrants venant de certaines régions du monde.
Le sénateur Poy : Comment fonctionne le système de parrainage par un employeur? Cela permet-il à l'immigrant de venir ici pour une durée indéterminée ou pour une durée d'un an, par exemple? Comment ça marche?
M. Jain : Pour obtenir un permis de travail, il faut être parrainé par un employeur.
Le sénateur Poy : Si vous êtes parrainé, pouvez-vous rester aussi longtemps que vous voulez?
M. Jain : Non. Typiquement, quand un avocat en immigration prépare ce genre de demande, c'est pour un an ou deux ans. Certains dossiers doivent d'abord passer à RHDSC et l'on doit montrer qu'il n'y a pas de Canadiens pour occuper l'emploi, ou que le salaire est approprié, et cetera. RHDSC approuvera alors la demande, qui pourra être pour une durée d'un an à trois ans, et le permis de travail suivra pour le nombre d'années accepté. Les demandes sont toujours reliées à un employeur particulier et la plupart sont d'une durée d'un an à deux ans.
Le sénateur Poy : La commissaire à l'équité est entré en fonction en décembre dernier, n'est-ce pas?
M. Jain : Oui.
Le sénateur Poy : C'est une loi de l'Ontario.
M. Jain : Oui.
Le sénateur Poy : Elle n'a encore usé de la matraque contre qui que ce soit?
M. Jain : Non, pas encore.
Le sénateur Poy : Parlons des organismes de réglementation du secteur médical. Il est difficile à un médecin formé à l'étranger de venir au Canada et de trouver un poste de résident dans un hôpital car il doit obtenir une nouvelle formation professionnelle. Tant que cette formation n'est pas disponible, il ne pourra jamais exercer comme médecin.
M. Jain : C'est exact.
Le sénateur Poy : Pensez-vous que la commissaire à l'équité pourra dire aux facultés de médecine de créer plus de places dans leurs programmes en résidence?
M. Jain : La commissaire à l'équité pourra faire des recommandations. Si le problème est d'ordre financier, elle pourra recommander au gouvernement provincial de dégager des fonds pour des places supplémentaires en résidence. Ensuite, le Collège royal des médecins et chirurgiens ne pourra plus utiliser le manque de fonds comme excuse. Le mandat du commissaire à l'équité est très large et lui permettra d'adresser des recommandations au gouvernement et aux organismes de réglementation.
Le sénateur Poy : J'espère que ce système fonctionnera car les Canadiens ont besoin de plus de médecins.
La présidente : Je reste sur le même sujet. J'ai l'impression que ce poste est une sorte de médiateur chargé de faciliter et d'encourager, ainsi que de cerner les problèmes. Son pouvoir réel « d'utilisation de la matraque » pour assurer des évaluations équitables et transparentes est très limité.
Sommes-nous en train de mettre en place tout un mécanisme pour s'attaquer à un vice fondamental de notre système? Toutes les provinces ne possèdent pas le droit de régir certaines questions, beaucoup concernant les métiers et le droit d'exercer la médecine et la dentisterie. Comme vous l'avez souligné, il s'agit moins d'établir une norme élevée que d'établir une norme de sécurité et un niveau de compétence. Toutefois, on veut qu'il y ait dans chaque province la souplesse, l'ouverture et la diversité qu'il y a dans le reste du Canada.
Ne croyez-vous pas qu'il s'agit plus d'un problème interprovincial que fédéral-provincial? En ce qui concerne les métiers, chaque province détient le droit d'accréditer les personnes pouvant les exercer. Par exemple, il est difficile à un soudeur de passer d'une province à une autre car il est obligé d'obtenir une accréditation provinciale. Croyez-vous que donner au commissaire à l'équité le pouvoir d'utiliser la matraque contre un organisme de réglementation soit la bonne solution? Si nous avons des pénuries de main-d'œuvre, ne serait-il pas temps d'instaurer une sorte de mécanisme pour faciliter une nouvelle émergence dans ces métiers?
Je pense que toutes les professions sont confrontées à ce genre de problème mais que les métiers, qui n'étaient autrefois pas au cœur de l'ouragan, particulièrement en ce qui concerne l'immigration, y sont maintenant.
M. Jain : Nous avons besoin de programmes pour faire venir des immigrants possédant un métier. C'est ce que nous avons perdu en 2002 quand nous avons révisé la loi sur l'immigration. Nous avons mis l'accent sur l'éducation en laissant les métiers complètement de côté.
On a beaucoup parlé de cette situation dans les médias récemment. Nous avons entendu parler de familles portugaises et polonaises qui sont séparées parce que beaucoup ont soudainement été expulsées. Il y a des systèmes gouvernementaux différents. Certains politiciens recommandent une sorte d'amnistie, ou au moins de régularisation des personnes travaillant dans le secteur de la construction, alors que d'autres s'y opposent en disant qu'il ne faut pas renoncer à la règle de droit. C'est une question très controversée. Du point de vue de l'immigration, nous pourrions commencer à accorder des points aux personnes travaillant dans certains métiers où existent des pénuries confirmées. S'il y avait une pénurie particulière dans une province, ces personnes pourraient venir directement pour combler ce besoin.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, sur la nécessité d'une bureaucratie, je ne demande pas qu'on crée une bureaucratie pour le plaisir. Toutefois, il serait nécessaire d'ouvrir un très petit bureau dans chacune des provinces avec le mandat spécial d'exercer des pressions sur les organismes de réglementation. L'histoire des dernières décennies nous a prouvé que ces organismes ne s'ouvrent pas. Ils ne le feront tout simplement pas d'eux-mêmes. Qu'est-ce qui pourrait les y inciter? En fait, ils sont incités à faire le contraire. Ils tiennent à protéger les intérêts de leurs membres, qui ne sont pas toujours les mêmes que ceux du pays. Le pays a dans cette affaire un intérêt équivalant aux milliards de dollars que cela coûte à l'économie, et à la qualité de vie qui nous affecte tous.
La présidente : Si l'on recommençait à mettre l'accent sur les métiers, cela changerait-il la nature de l'immigration au Canada? En Afrique, par exemple, dans certains des pays où j'ai servi, on mettait fortement l'accent sur les métiers. Au Kenya, ils avaient un système où l'on apprenait quasiment comme apprenti. Le problème est que beaucoup devenaient seulement apprentis et n'obtenaient pas de certificat à la fin. Ce genre de situation engendre ses propres problèmes. Toutefois, cela déboucherait certainement sur une base d'immigration de ces pays, qui serait employable ici.
M. Jain : Certainement. Cela commencerait à changer les statistiques qui vous ont été présentées tout à l'heure. Si nous commençons vraiment à répondre à nouveau aux besoins du marché du travail, — en particulier dans les métiers, comme vous le dites — que se passera-t-il? Nous verrons les taux de chômage baisser et les taux d'emploi monter. C'est absolument incontestable. Si nous modifions le système pour accepter des gens de métier, cela aura une incidence profonde.
La présidente : Le sénateur Oliver est le prochain sur ma liste. Je sais que vous avez dû sortir brièvement pour un autre rendez-vous mais je tiens à vous dire que notre témoin a tenu à souligner que vous avez eu un lien avec son père dans certains comités, dans le passé.
Le sénateur Oliver : Veuillez m'excuser de n'avoir pas été présent dès le début mais je sais que vous êtes avocat dans le secteur de l'immigration, que vous êtes associé au cabinet Green and Spiegel de Toronto, et que vous avez pris la parole dans diverses tribunes au sujet de l'emploi des immigrants.
On me dit que vous avez parlé des problèmes de certains ordres professionnels du Canada — l'Ordre des médecins, dont a parlé le sénateur Poy, la profession d'ingénieur, notamment. On a parlé des obstacles qui empêchent les immigrants qualifiés de trouver du travail dans ces professions. À votre avis, que peut-on y faire?
La plupart d'entre nous connaissons bien la situation et avons entendu parler des obstacles systémiques. Considérant ces obstacles, quelles recommandations le comité devrait-il formuler pour résoudre ces problèmes — étant bien entendu qu'il s'agit dans certains cas de questions provinciales, par exemple avec le barreau?
M. Jain : Premièrement, il faut ajuster le système d'immigration de façon à faire entrer les catégories d'immigrants répondant aux besoins du marché du travail. Cela veut dire qu'il faut revoir le système de points de façon à ne plus privilégier généralement les études et à tenir compte exactement des secteurs dans lesquels il y a des pénuries de main-d'œuvre, afin de laisser entrer les personnes pouvant les combler.
Le sénateur Oliver : Et si nous avons besoin d'un cardiologue et que la personne a obtenu sa formation de cardiologue en Inde ou en Chine mais ne peut toujours pas trouver d'emploi de cardiologue dans un hôpital du Canada?
M. Jain : Vous avez raison, c'est une question relevant des provinces. La seule chose à laquelle je puisse penser, pour un organisme fédéral comme le Sénat, serait de relier les paiements de transfert fédéraux aux provinces à l'obligation d'adopter une législation semblable à celle de l'Ontario pour créer un poste de commissaire à l'équité afin de forcer les organismes de réglementation à s'ouvrir. C'est la seule solution dont on dispose au palier fédéral.
J'ai dit plus tôt que le Manitoba venait juste d'adopter une législation similaire à celle de l'Ontario, et que la Colombie-Britannique et le Québec envisagent de faire de même. Si les provinces n'adoptent pas ce genre de législation pour créer des bureaux pouvant forcer les organismes de réglementation à changer, la seule solution possible sera d'imposer cela par le truchement des paiements de transfert.
Le sénateur Oliver : Cela fonctionne-t-il en Ontario dans le domaine du droit?
M. Jain : En Ontario, le poste n'existe pas depuis assez longtemps. Mme Augustine a rencontré les 34 professions réglementées et elle est optimiste. Je lui ai parlé la semaine dernière, comme je l'ai dit, et elle perçoit une réelle volonté des organismes de réglementation à changer.
Je ne pense pas qu'il faille nécessairement voir de noirs desseins dans tout cela. Toutefois, il y a de la discrimination systémique. Si l'expérience dans les autres provinces est semblable à celle de l'Ontario, je pense que nous pouvons être optimistes. Tous les organismes de réglementation des professions ont dit qu'ils sont plus que prêts à se pencher sur le problème. Ils sont prêts à éliminer les obstacles, à envisager d'autres méthodes de reconnaissance des diplômes et à envisager des processus d'appel. Ils acceptent que leurs activités fassent l'objet de vérifications et ils ne semblent même pas choqués par le fait qu'ils risquent 100 000 $ d'amende s'ils ne font rien.
Je suis optimiste. Nous commençons peut-être finalement à attaquer le problème à la racine. Quels que soient les discours que nous entendons de la part des politiciens fédéraux, — soyons francs — c'est en réalité une question relevant des provinces, pas du gouvernement fédéral. Les Canadiens doivent comprendre que ce sont les organismes de réglementation eux-mêmes qu'il faut mettre sur la sellette.
Le sénateur Goldstein : C'est un plaisir d'être ici. On m'a dit de venir ici et j'y suis.
La présidente : Quand vous aurez passé un peu de temps ici, je suis sûre que vous voudrez revenir.
Le sénateur Goldstein : J'étais dans un autre comité et on m'a dit de venir ici dès que la séance serait terminée.
M. Jain : Je suis désolé qu'on vous oblige à m'écouter.
Le sénateur Goldstein : Au contraire, je suis désolé de ne pas avoir eu le plaisir de vous écouter dès le début. Ce que j'entends depuis mon arrivée est tout à fait fascinant.
Vous avez piqué mon intérêt en parlant des organismes de réglementation provinciaux. Je suis membre d'un tel organisme. Autrefois, je faisais partie du conseil de ce comité et je suis donc au courant des efforts qui sont déployés pour préserver les pratiques monopolistiques des professions réglementées. Je n'hésite pas à dire que c'est ce qui se passe.
Cela étant, je fais aussi partie d'un autre comité qui se penche sur les obstacles interprovinciaux au commerce. Nous sommes sur le point de nous attaquer à la question des professions réglementées qui empêchent les gens des autres provinces de venir exercer chez elles.
Le problème est différent de celui que vous avez si brillamment exposé mais il est génériquement très similaire. Dans quelle mesure devrions-nous essayer de nous joindre à l'initiative du gouvernement fédéral annoncée dans le dernier budget pour réduire sensiblement les obstacles interprovinciaux? Dans la mesure où ces obstacles seront réduits pour les citoyens et les résidents des autres provinces, ils le seront aussi d'office pour les immigrants. Nous devrions envisager de faire cause commune de façon à exercer des pressions encore plus fortes pour forcer ces organismes — dont je suis membre, dont vous êtes membre, dont le sénateur Oliver est membre — à s'ouvrir.
Je crois que tout le monde comprend l'idée qu'un cardiologue n'ayant pas eu une formation adéquate ne devrait pas faire d'opérations à cœur ouvert dans un hôpital sans obtenir une formation supplémentaire et sans faire accréditer ses titres de compétence, mais il n'y a dans la plupart des provinces aucun programme pour aider les gens venant des autres provinces ou d'autres pays à obtenir une qualification très rapide dans la profession qu'ils ont choisie. C'est une question qui ne relève pas du gouvernement mais des organismes professionnels. Le rôle du gouvernement doit être de faire pression sur ces derniers pour les forcer à établir de tels programmes pour faire ce genre de choses. Je ne vois pas d'autre porte de sortie.
M. Jain : Je suis d'accord. Je pense qu'ils le peuvent et que les problèmes sont très similaires. Comme ils sont similaires, pourquoi ne pas s'y attaquer en même temps? Si vous demandez aux organismes de réglementation d'abolir leurs obstacles touchant les immigrants, pourquoi ne pas leur demander en même temps d'abolir les obstacles interprovinciaux?
La présidente : Je suis heureuse de vous l'entendre dire. Comme c'était la question que j'allais vous poser, je peux enlever mon nom de la liste. Les avocats pensent peut-être comme les sénateurs, qui sait?
Monsieur Jain, merci beaucoup d'être venu ici. Vous avez dit que votre père a déjà témoigné devant un comité. Je pense que vous avez placé la barre très haut et qu'il sera fier de vous.
Nous vous remercions d'avoir élargi le débat sur la population active au Canada. Notre étude porte surtout sur la Commission de la fonction publique mais nous avons besoin de connaître le contexte pour comprendre ce qui se passe dans la population active et voir d'où viendront les employés de demain. La Commission de la fonction publique fait partie de tout le système d'emploi au Canada. Je vous remercie de vos remarques très intéressantes. Vous en trouverez certainement l'écho dans notre rapport.
M. Jain : Merci de m'avoir invité devant le comité.
La présidente : Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant le groupe de témoins suivant. Je rappelle que notre comité se penche sur des allégations de discrimination dans les pratiques de recrutement et de promotion de la fonction publique fédérale, et examine dans quelle mesure les objectifs d'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont atteints.
Dans ce contexte, nous avons spécialement examiné la Commission de la fonction publique mais, pour ce faire, nous devons nous pencher sur toute la problématique de l'emploi, de l'immigration, de la démographie, et cetera, qui influe sur la population active du Canada.
Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir Marie Crowther, registraire du British Columbia College of Teachers, Lise Roy-Kolbusz, registraire adjointe de l'Ordre des enseignantes et enseignants de l'Ontario, et Frank McIntyre, gestionnaire en ressources humaines.
Marie Crowther, registraire, British Columbia College of Teachers : Merci beaucoup de votre invitation. C'est un honneur pour moi d'être ici.
Le British Columbia College of Teachers est l'organisme de réglementation des enseignants en Colombie-Britannique. Il exerce une fonction d'intérêt public et comprend que son mandat consiste en partie à assurer que les normes, les outils d'évaluation et les procédures sont conformes aux normes de droits humains de non-discrimination et d'égalité.
Pour ce faire, le collège respecte certains principes fondamentaux. Il assure la transparence de l'information. Il donne sur son site Web des informations détaillées sur les critères d'accréditation. Nous procédons actuellement à une transformation de notre site web pour qu'il soit plus facile à utiliser, avec un langage simple. Nous préparons aussi des pages spécialisées par pays. Par exemple, un candidat originaire d'Ukraine sait qu'un diplôme de son pays est équivalent à un diplôme du Canada, et il comprendra le langage.
Nous organisons des sessions d'information deux fois par mois pour tous les candidats. Elles se sont avérées être une situation gagnant-gagnant car les candidats viennent de tout le Canada et internationalement, et les candidats internationaux peuvent voir que tout le monde doit présenter la même documentation et est évalué en fonction des mêmes règles. Nous avons aussi constaté qu'ils forment des liens d'amitié lors de ces réunions et s'entraident pour obtenir les informations dont ils ont besoin.
Nous avons préparé des fiches d'information professionnelle en collaborant avec la Immigrant Services Society of British Columbia et MOSAIC. Elles ont été traduites en plusieurs langues pour rendre l'information plus transparente.
Nous avons une équipe d'évaluation hautement qualifiée qui travaille individuellement avec les candidats internationaux. Les membres ont à ce moment-là des informations à jour sur les systèmes scolaires du monde entier afin de porter de bons jugements sur les programmes.
Nous avons révisé nos règlements pour permettre la reconnaissance des études antérieures, pour dispenser de cours les candidats ayant déjà exercé avec succès en Colombie-Britannique, et pour permettre l'équivalence dans certains cours. Nous utilisons des mécanismes d'accommodement pour accorder un certificat quand c'est justifié. Par exemple, nous pensons qu'il est important que tous les enseignants aient une compréhension du Canada. Nous exigeons un cours d'études canadiennes. Toutefois, nous n'attendons pas que ce cours soit terminé pour accorder un certificat. Nous délivrons le certificat et leur permettons de s'en servir pendant leur stage.
Nous accordons des accommodements aux candidats éduqués internationalement et, dans des cas exceptionnels, acceptons d'examiner les demandes même si la documentation d'appui n'est pas complète. Si quelqu'un se présente sans ses documents, il peut faire une déclaration sur l'honneur. Nous pouvons l'envoyer dans une université pour faire l'objet d'une évaluation académique en lui demandant de suivre certains cours de pédagogie, et peut-être aussi de faire un stage, afin de vérifier qu'il possède les compétences nécessaires pour enseigner.
Nous aidons activement nos candidats à rédiger des lettres lorsqu'ils sont incapables d'obtenir les informations dont nous avons besoin. Nos lettres d'évaluation contiennent des informations claires sur les cours qu'ils doivent suivre, où ils peuvent les suivre et à quel moment. Les lettres portent aussi sur les processus d'appel, les processus de révision et les mécanismes de réévaluation. Il n'y a pas de frais à payer pour ces processus.
Nous avons donné accès à la profession. Nous avons travaillé avec l'Université Simon Fraser pour formuler un programme d'initiation des enseignants éduqués internationalement sur les contextes culturel, social et politique des écoles de la province par le truchement d'une combinaison d'expériences en séminaire et en salle de classe. Le Professional Qualification Program, qui est le premier de son genre dans la province, tient compte des riches expériences des enseignants éduqués internationalement, offre aux enseignants la possibilité d'engager un dialogue professionnel sur l'enseignement et l'apprentissage, et les prépare à entrer avec succès dans le système scolaire de la Colombie-Britannique. Les enseignants éduqués internationalement savent que c'est un programme dont ils ont besoin. Nous avons toujours demandé à certains candidats de suivre des cours de mise à niveau mais cela ne fonctionnait pas parce qu'ils pensaient ne pas en avoir besoin. Ce programme est fondé sur ce qu'ils ont besoin de savoir sur l'enseignement au Canada.
Le programme actuel a maintenant trop de candidats et nous devons accroître le nombre de places disponibles. Nous avons travaillé avec d'autres établissements pour offrir d'autres programmes mais aucun n'a autant de succès que le PQP. Nous organisons des stages pour ceux qui ne peuvent pas en obtenir dans un établissement d'enseignement.
Nous avons récemment terminé une révision de nos critères d'accréditation en consultant des partenaires du monde de l'enseignement. Nous avons fait cela afin d'assurer la concordance de nos normes avec celles de l'Alberta, dans le cadre de l'Entente sur le commerce, l'investissement et la mobilité de la main-d'œuvre. À partir du 1er avril, les enseignants de l'Alberta pourront venir exercer en Colombie-Britannique sans être tenus de suivre des cours supplémentaires.
Le collège est régi par une loi et son rôle consiste à établir les normes de la profession enseignante en Colombie-Britannique. Ces normes définissent les caractéristiques professionnelles et les compétences que doivent posséder les enseignants dans l'intérêt des enfants et de la société. Tous les candidats, qu'ils présentent leur demande en Colombie-Britannique, au Canada ou à l'étranger, sont tenus de suivre ces normes. Parfois, les normes sont des obstacles à l'entrée dans la profession pour certains de nos candidats éduqués internationalement.
Comme les enseignants sont souvent des modèles pour les étudiants sur le plan de l'anglais écrit et parlé, il appartient au collège de s'assurer que les candidats obtenant un certificat d'enseignement sont compétents en anglais. Un très grand nombre de nos enseignants formés internationalement qui présentent une demande au collège ne parlent pas couramment l'anglais. Les programmes d'apprentissage de l'anglais offerts par nos collèges privés d'ALS et les collèges et universités de la Colombie-Britannique ne sont pas élaborés par des professionnels et ne sont pas axés sur le niveau de compétence élevé qui est nécessaire pour obtenir l'accréditation.
Nous devons aussi formuler un examen de connaissance de l'anglais pour les professionnels en nous fondant sur une analyse exhaustive des besoins linguistiques de la profession enseignante. Les examens d'évaluation actuellement disponibles ont été élaborés pour d'autres objectifs et ne sont pas toujours la meilleure mesure de compétence en ce qui concerne la profession enseignante.
Pour obtenir un certificat d'enseignement en Colombie-Britannique, on se doit de comprendre le contexte de l'enseignement dans les écoles canadiennes. Les candidats qui n'ont pas suivi un programme de formation à l'enseignement fondé sur des principes similaires à ceux des programmes canadiens, ou qui n'ont pas d'expérience acquise dans un système d'enseignement reposant sur les mêmes principes, sont tenus de suivre un programme d'études.
Par exemple, un enseignant venant de Chine, où le système est centré sur l'enseignant et fondé sur l'examen, peut avoir du mal à s'adapter à une salle de classe de la Colombie-Britannique où le système est centré sur l'enfant. Nous exigeons donc qu'ils suivent un programme, comme le PQP, pour obtenir un certificat.
Octroyer un certificat n'est pas la réponse à l'emploi des enseignants. Ils doivent avoir l'occasion d'acquérir une expérience dans les écoles canadiennes, sinon les conseils scolaires ne les engageront pas. Nous avons constaté qu'avec le programme PQP nos enseignants éduqués internationalement trouvent du travail. Nous avons de bons candidats dans des matières telles que les mathématiques et la physique qui sont originaires des pays de l'ancien bloc de l'Est et qui travaillent maintenant dans des écoles de la Colombie-Britannique.
On dit dans le rapport sur l'accès au droit d'exercer et les professions réglementées pour les professions formées internationalement en Colombie-Britannique que les organismes de réglementation doivent s'efforcer d'intégrer des évaluations fondées sur les compétences dans leurs processus d'évaluation. Les candidats n'ayant pas suivi un cours requis peuvent obtenir une reconnaissance et un crédit pour les connaissances et compétences démontrées au moyen d'un examen de cours institutionnel ou d'une évaluation sur portefeuille.
Toutefois, même si ces processus existent, les facultés n'offrent pas toutes des examens fondés sur des cours ou ne permettent pas toutes une évaluation sur portefeuille. Les facultés d'éducation rechignent à offrir des crédits de transfert pour des cours suivis ailleurs parce que leur financement repose sur le nombre d'étudiants suivant des programmes à temps plein. Le collège pourrait mettre au point un examen comme outil de mesure mais les frais d'élaboration d'examens dans 40 matières ou plus sont prohibitifs.
L'objectif primordial doit toujours être de protéger l'intérêt public en veillant avant tout à ce que les enfants aient des éducateurs compétents et attentifs dans leurs salles de classe. Le défi, pour le collège, est d'atteindre cet objectif en faisant tout son possible pour abolir les obstacles auxquels sont confrontés les éducateurs formés à l'étranger, de façon à en faire une situation gagnant-gagnant en permettant aux individus de participer pleinement à la société canadienne et en donnant aux enfants et aux familles du Canada la possibilité d'apprendre auprès d'éducateurs de cultures et d'origines diverses.
[Français]
Lise Roy-Kolbusz, registraire adjointe, Ordre des enseignantes et enseignants de l'Ontario : Madame la présidente, l'Ordre des enseignantes et enseignants de l'Ontario est l'organisme de réglementation de la profession enseignante en Ontario. Avant de me joindre à l'ordre, j'ai été enseignante dûment qualifiée et certifiée, directrice d'école et aussi surintendante de l'éducation en Ontario.
L'ordre a pour mandat de réglementer la profession enseignante dans l'intérêt du public. Il établit des normes d'exercice et de déontologie, mène des audiences disciplinaires et agrée des programmes de formation professionnelle.
Fort de ses quelque 210 000 membres travaillant auprès de 6 000 écoles et autres établissements scolaires financés par les fonds publics de la province, l'ordre est l'organisme d'autoréglementation qui compte le plus grand nombre de membres au Canada.
Je suis accompagnée ce soir de M. Frank McIntyre, gestionnaire des ressources humaines à l'ordre. Il est également l'auteur de l'étude sur la transition à l'enseignement, un sondage annuel du personnel enseignant nouvellement certifié en Ontario.
Tout d'abord, nous vous remercions de nous donner l'occasion ce soir de vous présenter les activités de l'ordre qui appuie les enseignants et enseignantes formés à l'étranger. Grâce à la mise en œuvre de plusieurs initiatives, il est plus facile que par le passé d'obtenir l'autorisation nécessaire pour enseigner en Ontario.
Par le biais de notre partenariat avec le Programme Enseigner en Ontario, un programme de formation transitoire, financé en partie par Citoyenneté et immigration Canada, nous avons aidé des enseignants et enseignantes formés à l'étranger, en leur fournissant, dans un premier temps, un soutien personnalisé en français et en anglais dans des centres de consultation situés à Toronto, Ottawa et Windsor, de l'aide pour obtenir l'autorisation d'enseigner et troisièmement, un programme de six semaines qui les prépare à la recherche d'un emploi d'enseignement et aussi des cours de mise à niveau linguistique en anglais.
Le site web de l'ordre contient une foule de renseignements destinés aux personnes formées à l'étranger. De plus, nous organisons périodiquement des séances d'information à l'ordre et dans des centres et agences communautaires, pour expliquer nos exigences de certification aux pédagogues d'autres pays qui viennent d'immigrer au Canada.
Parmi nos initiatives actuelles, signalons que nous faisons des présentations à travers l'Ontario, à l'intention des enseignants et enseignantes formés à l'étranger qui viennent tout juste d'obtenir l'autorisation d'enseigner dans la province, pour les renseigner sur notre cadre de formation de la profession enseignante.
Nous avons modifié nos procédures et permettrons désormais à une tierce partie de confirmer les titres de compétence d'un postulant, dans des circonstances exceptionnelles, notamment pour une personne qui vient d'un pays déchiré par la guerre et qui ne peut obtenir les documents requis pour s'inscrire à l'ordre.
Nous avons aussi créé Espace enseignant, un réseau qui permet au personnel enseignant formé à l'étranger et nouveau au pays de communiquer avec des pédagogues ayant de l'expérience en Ontario et qui se portent volontaire pour transmettre leurs connaissances.
Pour accélérer le processus de certification, nous avons mis en place une initiative qui nous permet d'examiner les documents des postulants et postulantes même avant de recevoir les résultats de leurs tests de compétence linguistique.
Enfin, nous venons de terminer la révision de nos pratiques d'inscription pour veiller à ce qu'elles soient conformes aux nouvelles exigences du Code de pratiques d'inscription équitables à l'Ontario. Même si la vaste majorité des répondants est d'avis que les politiques d'inscription de l'ordre sont transparentes, objectives, impartiales et équitables, il y a toujours place à l'amélioration. Nous soumettrons une copie du rapport au conseil de l'ordre le 27 mars, et vous en recevez une copie à ce moment-là. Il nous fera plaisir de faire le partage de ce rapport. Ce soir, j'en parlerai plus longuement.
Pouvoir enseigner en Ontario, le processus comprend deux étapes. Tout d'abord, vous devez devenir membre de l'Ordre des enseignantes et enseignants de l'Ontario, c'est-à-dire que vous devez détenir les qualifications qui répondent aux normes élevées de l'Ontario. Ce n'est qu'après avoir obtenu la certification de l'ordre que vous avez le droit d'enseigner dans les écoles financées par les fonds publics de la province.
S'il n'est plus aussi difficile qu'avant pour les enseignants et enseignantes formés à l'étranger d'obtenir l'autorisation d'enseigner en Ontario, décrocher un poste demeure un défi de taille, tel que l'indiquent les résultats de notre sondage.
Je vais maintenant céder la parole à Frank McIntyre, qui vous brossera un tableau du marché du travail pour les enseignantes et les enseignants nouvellement certifiés en Ontario.
[Traduction]
Frank McIntyre, gestionnaire des ressources humaines, Ordre des enseignantes et enseignants de l'Ontario : Merci de nous donner la parole ce soir. L'Ordre des enseignantes et enseignants de l'Ontario mène depuis six ans des enquêtes à grande échelle pour étudier les expériences de transition des enseignants nouvellement accrédités lorsqu'ils demandent et obtiennent — ou n'obtiennent pas — un poste d'enseignant dans la province.
Au début, nous nous sommes concentrés sur les diplômés des facultés d'éducation de l'Ontario. Il y a quatre ans, nous avons élargi la portée de notre étude pour englober les enseignants éduqués internationalement dans l'année suivant leur obtention d'un certificat d'enseignant de l'ordre. Pendant cette période de quatre ans, plus de 5 500 enseignants éduqués internationalement ont été accrédités par l'ordre, ce qui leur a permis d'être candidats à un poste d'enseignant en Ontario.
Certains de ces nouveaux enseignants en Ontario sont en fait des ontariens ayant obtenu leur formation d'enseignant dans d'autres pays. Toutefois, la plupart sont des personnes ayant immigré au Canada et ayant souhaité entrer dans la profession en Ontario. Dans la suite de mon exposé, je les appellerai des « nouveaux enseignants canadiens. »
Ces enseignants accrédités en Ontario sont des professionnels très chevronnés. Pratiquement tous ont enseigné avec succès dans un autre pays avant d'obtenir leur certificat dans notre province. La moitié au moins ont enseigné ailleurs pendant cinq ans ou plus, et un quart, pendant au moins deux ans. Tous ont satisfait aux critères de connaissance de la langue d'instruction énoncée dans le règlement ontarien. Ils ont suivi leur programme de formation à l'enseignement en anglais ou en français ou ont réussi l'examen désigné de connaissances linguistiques.
Malgré leur droit d'exercer valide, leurs antécédents comme enseignants ailleurs et leur connaissance d'une des langues d'instruction de la province, leur succès en matière d'obtention de postes d'enseignants en Ontario est limité. Pour vous en donner une idée, je peux citer les constatations de notre étude la plus récente qui comprenait des enquêtes auprès d'enseignants ayant été accrédités pour la première fois en Ontario en 2006, étude qui a permis d'examiner dans quelle mesure ces nouveaux enseignants avaient trouvé un poste d'enseignant au printemps 2007, la fin de l'année scolaire suivant l'obtention de leur certificat en Ontario. Seulement un sur 12 — soit 8 p. 100 — des nouveaux enseignants canadiens ayant répondu à nos enquêtes l'an dernier avait trouvé un poste d'enseignant régulier dans une école publique de la province pendant l'année scolaire 2006-2007.
Nous connaissons à l'heure actuelle une surabondance d'enseignants anglophones en Ontario. Les nouveaux diplômés des facultés d'éducation de la province en 2006 ont eux aussi eu du mal à trouver des postes l'an dernier. Le taux de succès de 40 p. 100 de ces niveaux diplômés des facultés de l'Ontario, leur taux de succès dans la recherche de postes d'enseignants pendant leur première année dans la profession, était cinq fois plus élevé que celui des nouveaux enseignants canadiens chevronnés récemment certifiés par l'ordre. Environ la moitié — 48 p. 100 — des nouveaux enseignants canadiens n'ont pas pu trouver de poste d'enseignant, que ce soit dans une école publique, une école privée, à temps plein, à temps partiel ou même comme remplaçants à la journée ou occasionnels. Ce taux de chômage est huit fois plus élevé que le taux de chômage correspondant des nouveaux diplômés de l'Ontario, 6 p. 100.
Bon nombre de ces enseignants nous disent que leurs expériences et leur succès comme enseignants dans d'autres juridictions ne sont pas reconnus lorsqu'ils cherchent un emploi d'enseignant en Ontario. Ils cherchent l'occasion d'être en salle de classe et de pouvoir démontrer qu'ils seront capables de faire cette transition pour appliquer avec succès leurs compétences et connaissances professionnelles dans les écoles de l'Ontario.
En conclusion, l'Ontario a accrédité avec succès un nombre élevé et croissant d'enseignants éduqués internationalement au cours des dernières années. À partir de maintenant, il faudra qu'un plus grand nombre de ces enseignants obtiennent des postes d'enseignants dans leur profession sur le marché difficile de l'emploi d'enseignant en Ontario aujourd'hui.
Nous vous avons remis un exemplaire d'une partie du rapport de l'enquête de 2007 concernant les nouveaux enseignants canadiens. Le texte complet du rapport, sur tous les enseignants interrogés, y compris les diplômés de l'Ontario, peut être consulté sur le site web de l'ordre.
Le sénateur Munson : Il y a dans l'enquête que vous nous avez remise une citation que je souhaite vous lire :
Je fais face à de la discrimination en tant que non-Canadien. Les employeurs exigent (de façon détournée) de l'expérience canadienne bien que j'aie plus de cinq années d'expérience en enseignement dans mon pays. Je veux seulement que l'on m'accorde une chance de prouver ce que je peux faire, mais personne ne veut donner une chance à un néo-Canadien sans expérience canadienne.
Vous avez expliqué les choses que vous avez faites. Vous avez aussi parlé d'une surabondance d'enseignants en Ontario, ce qui complique évidemment la recherche d'un emploi par un enseignant d'un autre pays.
M. McIntyre : Absolument. La raison pour laquelle c'est si difficile en ce moment est qu'il y a une vive concurrence sur le marché du travail des enseignants anglophones en Ontario. Ils peuvent obtenir le certificat dont ils ont besoin mais, comme je l'ai dit, beaucoup disent que leur expérience d'enseignant est sous-valorisée.
Sur ce marché du travail très compétitif, c'est très difficile quand on fait concurrence à des diplômés de l'Ontario qui ont acquis et prouvé leurs compétences d'enseignants en effectuant des stages dans des écoles ontariennes.
Le sénateur Munson : Y a-t-il du racisme systémique dans le monde de l'enseignement en Ontario?
M. McIntyre : Je crois que les éducateurs ontariens ont les meilleures intentions du monde et font des efforts de très bonne foi. Ils peuvent choisir dans un très large bassin de candidats, en se fondant sur les meilleures preuves disponibles. Ils appliquent des critères légitimes pour accorder les emplois et font les meilleurs efforts possibles pour faire les nominations en conséquence.
Mme Roy-Kolbusz : Dans mon exposé, j'ai parlé d'un programme qui existe en Ontario. Enseigner en Ontario est financé par les gouvernements fédéral et provincial. Plusieurs initiatives ont été lancées pour faciliter la transition. Il y un programme de six semaines pour aider les enseignants arrivant avec des titres de compétence étrangers qui ont été certifiés en Ontario à prendre connaissance de la situation dans les salles de classe de l'Ontario afin de comprendre les pratiques d'évaluation et la gestion des classes. Ces programmes existent à Ottawa, à Toronto et à Windsor.
Il y a un programme de mentorat de six mois permettant aux enseignants canadiens nouvellement certifiés d'avoir un partenaire pour partager des informations. Nous avons tenu dans toute la province des ateliers de deux jours organisés par Enseigner en Ontario pour aider les enseignants à comprendre ce qu'on attend d'eux en salle de classe. Il y a donc eu plusieurs initiatives pour aider les candidats. Il n'en reste pas moins qu'une surabondance d'enseignants qualifiés est apparue au cours des trois dernières années. Les statistiques montrent qu'elle devrait durer encore deux ou trois ans.
Le sénateur Munson : Ce que nous a dit Mme Crowther, de la Colombie-Britannique, au sujet de la transparence des informations et de l'évaluation des titres professionnels nous remplit d'optimisme.
Vous avez parlé de mettre sur pied une équipe d'évaluation composée de spécialistes hautement qualifiés et vous avez continué sur toute la ligne. Nous pourrions transmettre certaines de ces idées à la fonction publique dans notre rapport.
Vous avez dit que les candidats n'ayant pas suivi un programme de formation à l'enseignement fondé sur une philosophie similaire à celle d'un programme canadien doivent suivre un programme approuvé. Quelle en est la durée?
Mme Crowther : En vertu de nos règlements, la norme est d'obtenir 12 crédits de cours, ce qui prend moins d'un semestre, et faire un stage de six semaines au minimum. Toutefois, nous avons constaté que ce n'est pas assez long.
Le programme PQP est un programme de six mois en séminaire suivi d'un stage de 13 semaines, parce qu'il faut longtemps pour changer la manière dont quelqu'un fonctionne. Quelqu'un qui est passé dans un système centré sur l'enseignant plutôt que dans un système centré sur l'enfant qui est basé sur l'examen a besoin de temps pour comprendre et pour changer la manière dont il pense et fonctionne.
Le programme PQP est très complet et, pour certains, il faut près d'un an lorsqu'on constate des carences en connaissances. Nos enseignants éduqués internationalement comprennent qu'ils en ont besoin. Ils sont recrutés et cela assure leur succès professionnel.
Le sénateur Munson : Y a-t-il des programmes similaires pour les professions du droit et de la médecine à celui que vous avez en Colombie-Britannique pour les enseignants? Ça semble être un programme très complet mais vous disiez pourtant qu'après une année, peut-être, on devrait pouvoir enseigner dans votre province ou en Ontario.
Mme Crowther : Je crois que les ingénieurs ont instauré un programme d'internat. Acquérir une expérience dans des écoles canadiennes est crucial.
Le secteur de l'enseignement en Colombie-Britannique n'est pas aussi compétitif qu'en Ontario. On conseille généralement aux enseignants dont la spécialité est l'anglais langue seconde d'acquérir une autre matière. Ceux dont la spécialité est le français, les mathématiques et la physique ont beaucoup de succès dans nos écoles.
Le sénateur Munson : Essayons de renverser la situation. Nous parlons avec beaucoup de fierté de nos critères, de nos valeurs et de nos programmes d'éducation dans le contexte des immigrants arrivant chez nous. Je me demande ce qui se passe quand nous allons dans d'autres pays. Les Canadiens sont-ils confrontés aux mêmes critères rigoureux en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Australie? Est-ce qu'ils estiment que nos diplômes sont assez bons pour le Canada mais exigent que nous passions à un an ou deux à comprendre leur philosophie et la manière dont ils travaillent, que ce soit en génie, en droit, en médecine ou en enseignement?
Mme Crowther : Cela dépend évidemment du pays d'origine des candidats. Pour les enseignants venant d'un pays du Commonwealth ou des États-Unis, le système est assez similaire pour qu'ils n'aient pas besoin d'un programme d'acculturation au contexte des écoles canadiennes. Par contre, les enseignants venant des pays de l'ancien bloc de l'Est ou de la Chine, où ils ont un système centré sur l'enseignant, avec apprentissage par cœur, un système basé sur l'examen, où ils sont habitués à un programme de cours fixe, et où il n'y a pas d'intégration des besoins spéciaux dans la salle de classe, ont besoin de cette expérience en salle de classe. Si nous ne leur donnons pas cette expérience, nous les faisons courir à l'échec, et c'est pourquoi le programme PQP a été mis sur pied. Les personnes arrivaient avec les 12 crédits de pédagogie dans un stage, et ils n'étaient pas prêts à l'expérience de stage, et nous avons donc mis sur pied avec l'université quelque chose qui serait efficace pour eux. Dans certains cas, si nous ne leur donnons pas l'expérience, ils sont voués à l'échec.
Mme Roy-Kolbusz : Dans la Convention de Lisbonne, que beaucoup de pays ont ratifiée et que le Canada ratifiera bientôt, on trouve une compréhension plus commune de la manière dont on doit accepter les titres professionnels des différents pays. Cela se fait actuellement. Cela pourrait avoir une incidence mondiale profonde à mesure que nous continuons notre sensibilisation.
L'élément crucial est l'équivalence plutôt que la comparabilité. La comparabilité porte en réalité sur le contenu et ne mesure pas nécessairement les unités en soi. Elle permettra beaucoup plus de fluidité entre les pays.
Le sénateur Poy : La Colombie-Britannique a-t-elle un excédent d'enseignants comme l'Ontario?
Mme Crowther : Oui, mais pas aussi important. En outre, il y a des pénuries dans certains secteurs. C'est compétitif mais il y a un besoin en mathématiques, en sciences, en français, en éducation spéciale et en administrateurs. Nous avons certains secteurs où le besoin est élevé. En anglais, en études sociales, et cetera, il y a un excédent de demande.
Le sénateur Poy : Dans les années 1970, il y avait des foires d'enseignants en Ontario. Elles étaient destinées aux nouveaux immigrants qui avaient été enseignants à l'étranger. Ils pouvaient obtenir un emploi immédiatement. Y en a-t-il encore? Avez-vous toujours ces foires d'enseignants?
Mme Roy-Kolbusz : Nous en avons beaucoup en Ontario, notamment dans la région métropolitaine de Toronto et dans les grands centres urbains, où l'ordre participe souvent pour expliquer. Elles existent.
Je voudrais préciser quelque chose au sujet de l'offre et de la demande d'enseignants en Ontario. Si vous êtes un enseignant anglophone et que vous cherchez un poste en cours primaire ou moyen, vous pouvez vous attendre à avoir beaucoup de concurrence. C'est là qu'il y a le plus gros excédent de l'offre.
Il y a aussi de la concurrence au secondaire mais je dois préciser. Si vous êtes un enseignant francophone et que vous possédez cette capacité en français première langue et en français deuxième langue, vous pouvez aller un peu partout dans la province et trouver du travail. On cherche des enseignants de français dans le sud de l'Ontario. C'est la même chose dans les régions rurales.
Il y a aussi une demande en technologie. Vous parliez tout à l'heure des métiers. Même si le groupe est petit par rapport à la population, ce besoin existe. Toutefois, je ne veux pas vous peindre un tableau qui est universel et dans tous les domaines.
Le sénateur Poy : La réglementation s'applique-t-elle aussi aux enseignants des collèges ou simplement aux écoles secondaires et en dessous?
Mme Roy-Kolbusz : Pour enseigner dans une école publique en Ontario, il faut être membre certifié de l'Ordre, lequel représente environ 145 000 membres. Nous avons 70 000 autres membres qui acceptent d'autres postes. Il peut s'agir d'écoles privées ou de facultés, dans différentes matières. Toutefois, pour enseigner dans une école financée par l'État, il faut être qualifié.
Le sénateur Poy : Pour les enseignants formés à l'étranger qui présentent une demande d'immigration, commente peuvent-ils connaître les règlements provinciaux? Je suppose qu'il y a des qualifications et des normes différentes dans chaque province, n'est-ce pas?
Si des enseignants éduqués internationalement veulent venir, je suppose que ça dépend où les emplois se trouvent. S'il y a des emplois dans une province donnée, je suppose que c'est là qu'ils finiront par aller.
Mme Crowther : Il y a une mobilité de la main-d'œuvre entre les provinces. Donc, quelle que soit la province où ils vont et où ils voient le certificat, en vertu d'une entente de mobilité de la main-d'œuvre ils peuvent aller dans une autre province pour enseigner.
Le sénateur Poy : Ils n'ont pas besoin d'être mis à niveau?
Mme Crowther : Pas nécessairement.
En réponse à votre question, il y a aussi des foires d'emploi en Colombie-Britannique. Nos conseils scolaires recrutent activement. Ils ont envoyé des équipes en France pour voir s'ils pourraient attirer au Canada des enseignants formés en France. L'Université Simon Fraser vient de mettre sur pied un programme en collaboration avec l'université dans le cadre duquel ils recevront une partie de leur formation en France et une partie en Colombie-Britannique. Cela leur donnera un certificat du B.C. College of Teachers.
Le sénateur Poy : Si vous cherchez des enseignants de français, pourquoi n'allez-vous pas d'abord au Québec?
Mme Roy-Kolbusz : Il y a beaucoup de foires d'enseignants au Québec. Bien souvent, c'est pour répondre à un besoin particulier, notamment dans le Sud de l'Ontario, où l'on manque d'enseignants francophones. Toutefois, pour répondre à votre question, ils le font. En fait, ils vont au-delà du Québec. Ils vont aussi au Nouveau-Brunswick, au Manitoba — Saint-Boniface et Moncton. Des enseignants viennent en Ontario pour répondre à ce besoin.
Mme Crowther : C'est la même chose en Colombie-Britannique dans la mesure où nous allons d'abord dans le reste du Canada. Toutefois, il n'y a quand même pas assez d'enseignants francophones pour répondre à la demande. Nous avons du mal à trouver assez d'enseignants francophones pour les salles de classe de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Goldstein : Votre témoignage est très intéressant. J'ai plusieurs questions. Vous avez parlé de la Convention de Lisbonne. Serait-il est exact de dire que, nonobstant l'imminence de la signature du Canada, ça reste nécessaire parce que nous parlons d'éducation et de diverses autres qualifications provinciales? Il va falloir que les diverses provinces s'entendent pour que la ratification de la Convention de Lisbonne s'applique à elles. Vous êtes-vous penchés sur cette question?
Mme Roy-Kolbusz : Je crois comprendre qu'il n'y a plus qu'une province qui doit la ratifier. Il y a eu beaucoup de discussions. Je sais que Mme Crowther fait partie du comité de la main-d'œuvre et je vais donc la laisser vous donner des précisions. Avec l'entente provisoire sur la mobilité de la main-d'œuvre qui a été signée récemment, on a acquis une meilleure compréhension de cet impact. Je vais laisser Mme Crowther vous donner des précisions.
Mme Crowther : Les enseignants se battent depuis des années pour concilier les normes d'accréditation dans tout le Canada. C'est très difficile puisque l'enseignement est une compétence provinciale.
Nous avons signé en 1999 une entente de principe qui permet, aux fins de l'emploi, la mobilité des enseignants dans tout le Canada. Toutefois, certains enseignants de certaines provinces étaient tenus de suivre des cours additionnels. Nous essayons d'éliminer ces mécanismes d'accommodement qui sont actuellement en place.
Après plusieurs ébauches, nous avons signé une entente provisoire. Elle n'est pas encore parfaite. Elle permet la mobilité des enseignants dans tout le Canada mais il y a encore certaines choses à régler. Toutefois, il y a déjà eu beaucoup de changements.
Le sénateur Goldstein : Puis-je vous demander de nous fournir un exemplaire de l'entente afin que nous puissions mieux la comprendre?
Mme Crowther : Certainement, je vous l'enverrai.
Le sénateur Goldstein : Les associations ou les ordres d'enseignants ont-ils envisagé d'avoir recours à l'action positive en abaissant les normes imposées aux immigrants, selon le principe qu'un petit peu moins de connaissances, d'expérience et d'acculturation sera compensé par la valeur sociale ajoutée qu'obtiendront les enfants en recevant leur enseignement d'une personne venant d'une culture différente? Il y a eu des processus d'action positive aux États-Unis. Il y a eu certains succès dans certains États pour des enseignants immigrants qui ne répondaient pas à toutes les exigences d'admission mais qui possédaient d'autres qualités méritant d'être prises en considération pour qu'ils puissent commencer à enseigner.
Mme Roy-Kolbusz : Je répondrai d'abord dans le contexte de l'Ontario. Comme tous les organismes de réglementation, je pense que nous avons un mandat primaire qui consiste à assurer que les enseignants des autres pays répondent aux exigences pour entrer dans la profession. Les questions d'emploi sortent complètement de notre mandat.
Cela dit, en collaboration avec un certain nombre d'organismes communautaires et avec la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, nous avons essayé de trouver le moyen d'abaisser les obstacles à l'obtention d'un emploi. Je songe ici à l'initiative Enseigner en Ontario. C'est dans ce contexte que j'ai parlé plus tôt des possibilités de mentorat, par exemple. Vous verrez dans le rapport que je vais vous envoyer, après qu'il soit passé devant le conseil, un certain nombre de recommandations issues de nos consultations. L'une d'entre elles est la possibilité d'une initiation de 30 jours, semblable à celle que Mme Crowther a dit exister en Colombie-Britannique. On s'attendra alors à ce que la personne possède les qualifications requises en Ontario après cette période d'initiation. Cela sera ajouté à son certificat d'enseignement pour montrer qu'elle satisfait aux conditions lorsqu'elle cherche un emploi. Nous essayons d'être ouverts et transparents avec l'employeur potentiel que ces enseignants éduqués internationalement rencontreront pour demander un poste.
Le sénateur Goldstein : Je suis un peu découragé par ce rapport. Vous dites qu'il y a une surabondance d'enseignants en Ontario et pourtant 40 p. 100 des diplômés ont réussi à trouver un emploi l'année suivante, mais seulement 5 p. 100 des immigrants. Cela peut nous dire un certain nombre de choses différentes. Par exemple, on estime que les immigrants ne sont pas qualifiés. Toutefois, s'ils sont candidats à un poste, c'est qu'ils possèdent les qualifications requises. Ils sont ou devraient être sur un pied d'égalité avec les jeunes formés ici. En réalité, ils sont même à un niveau supérieur puisque beaucoup ont déjà une expérience de l'enseignement que ne possèdent pas les nouveaux diplômés.
Je vous félicite pour la franchise de ce rapport. En voici un extrait :
Mon plus grand obstacle était mon manque d'expérience canadienne. Pour en acquérir, j'ai fait du bénévolat dans une école pendant six mois. Lorsque j'ai demandé à la directrice de me fournir une lettre de référence, elle m'a dit qu'elle ne pouvait pas le faire puisqu'elle ne m'avait jamais vue enseigner. Les bénévoles sont traités comme des serviteurs par le personnel enseignant.
En voici une autre :
Je fais face à de la discrimination en tant que non-Canadien. Les employeurs exigent (de façon détournée) de l'expérience canadienne bien que j'aie plus de cinq années d'expérience en enseignement dans mon pays.
Et il y en a d'autres comme celles-là. Je trouve ça décourageant car ça montre qu'il y a encore un préjugé — je ne veux pas employer un autre terme plus provocateur — à l'égard des enseignants étrangers qui, selon votre propre ordre, sont tout aussi qualifiés que les diplômés du Canada. En fait, ils sont plus qualifiés car ils possèdent une expérience. Pourtant, leur taux d'emplois est de moins de 10 p. 100, si on les met tous ensemble.
Le sénateur Oliver : Excellente question.
M. McIntyre : L'une des choses que je dis dans l'étude, c'est que, quand on examine l'expérience des enseignants éduqués internationalement dans la région de l'Ontario que ma collègue décrit comme l'enseignement en français dans des conseils scolaires anglophones, ou l'enseignement en français dans des conseils scolaires francophones, ces enseignants ont beaucoup plus de succès sur le plan de l'emploi. Les détails se trouvent dans le rapport. En termes de compétitivité, ces individus qui sont diplômés et peuvent enseigner en français sont plus susceptibles d'obtenir un poste là où la demande est forte. Pour les postes en anglais extrêmement compétitifs, la preuve d'une expérience dans des salles de classe ontariennes donne un avantage à ceux qui peuvent en faire état.
Le sénateur Goldstein : Grâce à d'autres activités auxquelles je participe, je connais bien l'expérience qu'ont eue les Israéliens avec le recrutement d'enseignants étrangers. Il y a eu un afflux considérable d'immigrants russes qui ne possédaient pas la langue et n'avaient pas été formés aux méthodes pédagogiques israéliennes. Pour leur permettre d'acquérir cette expérience, Israël a trouvé à leur faire faire d'autres choses qui exigeaient comparativement moins de connaissances linguistiques et d'expérience locale. Par exemple, ils ont enseigné les échecs, la musique, la géographie ou l'informatique.
C'est mon opinion personnelle mais soyons francs. Si nous voulons favoriser l'emploi des minorités, il va falloir que les organisations professionnelles déploient plus d'efforts — je ne parle pas seulement des enseignants mais aussi des avocats, des médecins et de tous les autres — pour engager ces gens et les placer dans des postes où ils pourront être utiles grâce à leur expérience. Cela doit se faire même s'ils ne sont pas aptes à enseigner l'anglais parfait où le français parfait qu'attendent les conseils scolaires.
Je comprends bien que vous n'êtes pas un service d'emploi. Vous vous occupez tous des normes de votre profession et de la qualification des candidats. C'est votre rôle et il est légitime. Toutefois, il va bien falloir que quelqu'un fasse un effort pour encourager les immigrants qui arrivent chez nous avec ces compétences — comme avocats, médecins, ingénieurs, informaticiens, et cetera — et qui s'attendent à un climat plus favorable sur le plan de l'emploi. Nous payons un coût social quand nous ne les engageons pas d'une manière qui permette de faire bon usage de leurs compétences et qui leur permette d'acquérir l'expérience pour devenir des professionnels réguliers et qualifiés.
Pour reprendre l'exemple israélien, les médecins de l'ex-Union soviétique avaient comparativement peu de formation professionnelle. On a commencé par les utiliser comme personnel infirmier en les plaçant dans un milieu hospitalier pour les aider à acquérir les compétences requises pour entrer dans la profession médicale. La plupart ont réussi grâce à cela.
Je ne vous adresse aucun reproche, ce n'est pas votre problème. Je sais que c'est notre problème. Nous ne pouvons pas simplement dire : « Ils ne sont pas qualifiés. » Il faut faire un effort pour donner des emplois aux immigrants. Nous sommes un pays qui accepte et encourage l'immigration. Dieu sait qu'avec nos problèmes de productivité et nos problèmes de population, nous avons tout intérêt à encourager et à cultiver les immigrants si nous ne voulons pas que 2 p. 100 de la population subviennent aux besoins des 98 p. 100 restants dans 50 ans.
La présidente : Nous allons perdre nos membres à 20 heures parce que nous avons une question de budget à régler. Ce que vous dites est très pertinent. Je ne sais pas si c'était simplement une déclaration ou une question à laquelle vous attendez une réponse.
Le sénateur Goldstein : Je suis désolé, madame la présidente, en fin de compte, c'était une déclaration.
Le sénateur Munson : Je ne veux pas conclure sur une note négative car vos exposés étaient très solides. Toutefois, dans toutes les statistiques, la question de la race n'est pas abordée. Est-ce que les gens sont venus s'adresser à l'Ordre ou aux syndicats d'enseignants en disant : « Je n'ai pas obtenu tel ou tel poste à cause de la couleur de ma peau »? Y a-t-il une discrimination quelconque à l'égard des nouveaux canadiens? Dans l'affirmative, est-ce un petit ou un gros pourcentage?
M. McIntyre : Tout ce que je puis faire, c'est vous renvoyer à l'étude que vous avez. Nous avons essayé de fournir beaucoup de commentaires texturés d'enseignants éduqués internationalement. Ils parlent explicitement de la possibilité de démontrer leur expérience. Ils disent que leur expérience est sous-valorisée et qu'ils ont besoin de trouver un moyen pour obtenir une expérience canadienne.
Le sénateur Munson : C'est important pour nous de le savoir.
La présidente : Je remercie les témoins de leurs exposés francs et détaillés. Ils ont bien mis en relief le dilemme de l'accréditation et la question de l'emploi. Ils ont aussi parlé de la souplesse des mécanismes d'accréditation et des conseils qui représentent et réglementent les employés. Nous allons continuer d'étudier cette question.
Nous avons étudié la Commission de la fonction publique et il est utile de savoir que ces problèmes ne lui sont pas particuliers. Il y a des obstacles, des problèmes et des défis dans toute la sphère de l'emploi.
Honorables sénateurs, la question suivante à l'ordre du jour est l'ébauche du budget. Il y a un poste concernant l'équité en matière d'emploi. C'est quasiment le même budget que l'an dernier, à part l'ajout de conférences et de quatre audiences dans quatre villes canadiennes. Nous avons pensé qu'il faudrait voyager pour l'étude de la Commission de la fonction publique. Le comité directeur recommande quatre voyages au Canada — respectivement dans l'Ouest, en Ontario, au Québec et dans les Maritimes — si nous pensons que c'est nécessaire. La question doit faire l'objet d'un débat exhaustif en comité.
Le sénateur Oliver : Voilà le problème. Ces choses-là ne sont jamais traitées en comité. Je suis membre du comité et je ne suis pas au courant. Le comité directeur ne devrait pas prendre de décision pour l'ensemble du comité. À mon avis, le comité devrait certainement avoir son mot à dire là-dessus.
La présidente : Voilà pourquoi nous en parlons aujourd'hui. Je pensais que la pratique usuelle était que le comité directeur prépare le budget puis le présente au comité plénier. Si cela vous pose un problème, nous pouvons reporter cela à la prochaine réunion.
Je fais partie de nombreux comités et j'arrive juste d'une réunion où le budget m'a été mis sous les yeux, sans aucune explication, tel qu'adopté. J'ai demandé si le comité directeur en avait été saisi et on m'a répondu que oui et qu'il l'avait adopté. Si cette procédure vous met mal à l'aise, nous pouvons reporter la question. À vous de décider. Je peux expliquer celui-là.
Le budget du sujet suivant, sur les biens matrimoniaux, est de 3 200 $ pour les repas et les promotions si nous tenons les audiences ici. C'est le système standard.
Le suivant est le budget législatif, que nous sommes obligés d'avoir, pour 9 500 $. On nous demande de prévoir cela sous forme standard au cas où nous recevrions un projet de loi du Sénat.
Le plus important concerne le travail continu du comité sur la machinerie des obligations internationales et nationales en droits humains. Nous avons inclus des conférences dans le budget pour quelque chose de ce sujet que le budget des conférences du comité devrait couvrir. C'est une exigence du Comité de la régie interne. Nous avons ajouté de conférences, ce qui amène le total à 55 900 $.
Nous avons aussi l'étude continue sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Nous aurons des audiences pour nous mettre à jour et le total est de 3 200 $. Lorsque que le budget avait été présenté au comité directeur, nous n'avions pas inclus d'audiences dans les régions. Pour cette étude, il est important d'inclure les minorités visibles dans des endroits autres qu'à Ottawa. Toutefois, le budget n'est pas encore fixe et peut faire l'objet de délibérations. Tout peut être reporté, si vous le voulez.
Le sénateur Goldstein : Je ne peux pas voter parce que je ne suis pas membre du comité. Je suis ici simplement pour le quorum.
La présidente : Vous êtes membre, maintenant.
Jessica Richardson, greffière du comité : Vous êtes membre.
Le sénateur Goldstein : Comment cela se fait-t-il?
Jessica Richardson, greffière du comité : Le sénateur Lovelace Nicholas m'a remis un changement de membres.
La présidente : Vous êtes membre de ce comité et avez le droit de voter.
Le sénateur Goldstein : Ce soir seulement?
La présidente : Oui.
La présidente : Sénateur Oliver, vous avez soulevé la question. Êtes-vous à l'aise avec ce budget?
Le sénateur Oliver : Non mais je ne veux pas le bloquer et je vais donc proposer l'approbation du budget.
La présidente : De tous les éléments ou voulez-vous les traiter séparément?
Le sénateur Munson : Je les approuve tous. En ce qui concerne cette autre dépense que vous voyez, nous n'avons pas encore accepté de faire ces voyages mais nous acceptons de les inclure dans le budget au cas où nous les ferons.
Le sénateur Goldstein : C'est réservé.
Le sénateur Munson : Oui. Je pense que nous voulons sortir d'Ottawa pour aller au cœur du problème. Je conviens avec le sénateur que nous aurions peut-être dû en discuter plus longuement. Toutefois, nous ne semblons jamais avoir assez de membres dans nos séances. Je ne sais pas comment nous pourrions discuter de ces questions au sein du comité puisque nous ne sommes jamais plus de quatre ou cinq à la fois ici, ce que je trouve très décourageant.
La présidente : C'est un très petit comité qui exige une présence le lundi.
Le sénateur Munson : Il y a aussi des gens de mon côté qui ne viennent pas. C'est ça qui m'embête.
La présidente : Nous en avons discuté plusieurs fois au comité directeur. Je parle du fait que le lundi rend la chose difficile. Néanmoins, nous faisons notre possible. C'est la période qui nous a été attribuée.
J'ai pris note de l'objection du sénateur Oliver au fait que le comité directeur prenne des décisions. Cela n'a pas été le cas auparavant. En fait, comme nous siégeons le lundi, les autres membres du comité laissaient le pouvoir de décision au comité directeur, ce qui sera noté. Nous prévoirons une période de temps durant nos séances régulières pour traiter plus complètement de ces questions.
Le sénateur Oliver : Pourrions-nous obtenir une copie des procès-verbaux des séances du comité directeur, ce qui nous permettrait d'être informés? Ou pourrions-nous être informés autrement? Je veux simplement être informé. Si je dois participer aux travaux d'un comité sénatorial, j'ai besoin d'un minimum d'informations et de contexte. J'ai l'impression d'être en dehors du circuit, bien que je sois un membre sérieux de ce comité — en tout cas pour le moment.
La présidente : Un membre très sérieux.
Le sénateur Oliver : Je veux simplement être tenu informé de ce qui se passe. J'aimerais savoir, avant de venir ici, qui seront les témoins, et cetera.
La présidente : Nous avons eu beaucoup de discussions sur de nouvelles études. Je tenais particulièrement à ce que tous les membres aient la possibilité de donner leur avis sur les études. Nous avons des études en cours et on estime généralement qu'elles doivent continuer. C'est ce qui a été décidé. Très franchement, je ne pensais pas que ce serait controversé. Toutefois, si tout doit être présenté ici d'abord, c'est ce que nous ferons.
Le sénateur Oliver : Ce n'est pas ce que j'ai dit.
La présidente : Non, je comprends. Toutefois, je tiens à être absolument certaine parce que je ne sais pas où tracer la ligne. J'essaierai consciencieusement de tout présenter ici. Si vous dites que c'est trop de détails, je les renverrai devant le comité directeur.
Le sénateur Oliver : Permettez-moi d'être clair : vous n'avez pas à tout présenter devant le comité. Personnellement, j'aimerais être mieux informé de ce que fait le comité. J'ai dit que je serais satisfait si je pouvais recevoir le procès-verbal des réunions du comité directeur ou recevoir un courriel, une note ou une lettre disant : « Voici ce que fera le comité. » Je ne demande pas que tout soit soumis au comité.
La présidente : Très bien. Sommes-nous prêts à adopter les budgets?
Le sénateur Munson : Adoptons les budgets ici.
La présidente : Sommes-nous donc d'accord pour adopter ces budgets?
Le sénateur Oliver : J'ai proposé la motion il y a cinq minutes.
La présidente : Tout le monde est d'accord?
Le sénateur Goldstein : La motion a été présentée et je pense qu'elle a été adoptée.
La présidente : Adopté.
Le sénateur Goldstein : Puis-je faire une remarque? Dans plusieurs autres comités dont je fais partie — je suppose que je suis devenu le chef de l'opposition permanent — la possibilité de faire témoigner les gens au moyen de communications par satellite est tellement développée et si peu dispendieuse, relativement, que ce serait peut-être une solution à envisager au lieu de faire balader le comité à Halifax, à Vancouver, et cetera, ce qui peut coûter extrêmement cher.
J'ai vraiment mis le holà sur les voyages du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Pour être tout à fait franc, nous n'allons nulle part. C'est peut-être pour ça que les gens n'ont pas très envie d'en faire partie.
Au Comité sénatorial permanent des langues officielles, nous venons d'achever une consultation de tout le Canada par télécommunications. C'était remarquable. Faire la même chose aurait pris 100 fois plus de temps et aurait coûté des douzaines de milliers de dollars sans raison apparente. Nous avons accompli la même chose par vidéoconférence.
La présidente : Je dois dire que notre comité n'a pas voyagé, sauf en ce qui concerne la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, pour laquelle nous sommes allés à Genève, mais c'était le seul cas.
Le sénateur Goldstein : Non, c'est logique, il y a certains endroits où il faut aller.
La présidente : Toutefois, nous n'avons pas sillonné le Canada sauf si nous pensions que nous allions entendre beaucoup d'ONG et de groupes, ce qui est un peu difficile à faire par vidéo.
Le sénateur Goldstein : Je n'essaie pas de changer vos méthodes, c'était simplement une suggestion.
La présidente : De toutes façons, de notre côté, il est très difficile de voyager.
Le sénateur Munson : Je suis partiellement d'accord avec vous, sénateur Goldstein, mais je pense que les sénateurs doivent aussi être vus dans les régions, pas seulement à Ottawa. Ça marche à chaque fois du point de vue de la couverture médiatique locale.
En outre, les gens peuvent être réticents à témoigner devant une caméra car c'est un peu impersonnel. Je sais que ça fonctionne parfois mais c'est comme faire un reportage : on ne peut pas bien couvrir un événement de Vancouver quand on se trouve à Ottawa.
J'ai la ferme conviction que vous êtes sur place, que votre personnalité rayonne et que vos questions sont sur place. Il y a des exemples innombrables de sénateurs qui ont abordé la question importante mais c'est une question secondaire qui se retrouve sur la première page du Winnipeg Free Press dans tout le pays. Être vus ailleurs dans le pays, plutôt que ne pas être vus à Ottawa à l'intérieur d'une salle où il n'y a pas de télévision, il faut trouver l'équilibre. Toutefois, un voyage est toujours un voyage.
La présidente : Si vous devez consulter des avocats, par exemple, vous pouvez le faire par vidéoconférence, ils ont l'habitude. Par contre, faire témoigner une ONG ou des groupes de jeunes par vidéoconférence est difficile. Je crois par conséquent qu'il est préférable de trouver un juste équilibre.
Le sénateur Goldstein : Le sénateur Munson a raison. Il faut trouver un juste équilibre mais nous devons être conscients qu'il y a des circonstances appropriées autant pour voyager que pour ne pas voyager.
La présidente : Pour que les membres du comité le sachent officiellement, nous avons demandé de nouveaux renvois en juin dernier et nous avons reçu beaucoup de suggestions. Nous les avons examinées après la prorogation puis à nouveau en comité, et le comité directeur devait y jeter un coup d'œil. Il y aura certaines suggestions qui découleront de l'étude en cours, mais pas ce soir. Nous veillerons à ce que les membres du comité soient tenus informés. Je voulais juste vous prévenir.
Le sénateur Munson : Le panneau au-dessus de nous dit « diffusion publique. » Je croyais que c'était une séance à huis clos.
La présidente : Non, les budgets sont toujours discutés en public.
Le sénateur Goldstein : Je croyais que nous étions à huis clos.
La présidente : Je ne pense pas que quiconque ait dit quoi que ce soit qu'il n'aurait pas dû dire.
La séance est levée.