Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 4 - Témoignages du 28 avril 2008
OTTAWA, le lundi 28 avril 2008
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, auquel a été renvoyé le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (l'entrée en vigueur des articles 110, 111 et 171), se réunit aujourd'hui à 17 h 6 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a pour tâche aujourd'hui d'analyser le projet de loi C-280 Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (l'entrée en vigueur des articles 110, 111 et 171).
Le parrain du projet de loi au Sénat, l'honorable sénateur Goldstein, vient nous présenter son exposé. Mme Demers, députée de Laval, qui est l'une des personnes ayant parrainé le projet de loi à la Chambre des communes, je crois, est également présente. Je crois savoir que vous avez tous les deux une déclaration liminaire à présenter, après quoi nous allons vous poser des questions.
Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Nous sommes heureux de vous accueillir.
L'honorable Yoine Goldstein, sénateur, parrain du projet de loi : Merci de me permettre d'être là.
Je veux rendre hommage à Mme Demers, qui parraine le projet de loi en bas ou, suivant le terme que nous utilisons ici, à l'autre endroit. Je préfère parler d'en bas. Elle parraine le projet de loi de par l'humanité dont elle est si extraordinairement pourvue. C'est une très bonne personne.
D'abord, je veux donner à voir ce que le projet de loi C-280 doit permettre d'accomplir. Si vous vous rappelez les débats que nous avons eus à notre Chambre, vous savez peut-être que le projet de loi vise à faire entrer en vigueur les dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui établiraient un tribunal d'appel des réfugiés. Il s'agirait de mettre en vigueur les articles 110, 111 et 171 de la loi.
Le Parlement a adopté le projet de loi créant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada et envisagé la création d'une commission d'appel des réfugiés en 2001. Cependant, la Commission d'appel des réfugiés en question n'a pas encore vu le jour. Comme nous le verrons dans quelques minutes, l'existence de cette commission était un élément central de l'argumentaire en faveur d'une modification du système canadien de traitement des dossiers d'immigrants et de réfugiés.
Il est malheureux que le Parlement soit obligé de créer une autre loi pour mettre pleinement en œuvre les dispositions d'une loi qu'il a déjà adoptée. Dans le cas qui nous occupe, c'est doublement regrettable. Le refus de mettre en œuvre la Commission d'appel des réfugiés de la part des gouvernements successifs n'est qu'un symptôme de la crise grandissante qui touche le système canadien de protection des réfugiés et des demandeurs d'asile.
Je veux insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une question partisane. Les gouvernements précédents, d'une autre allégeance, n'ont pas mis sur pied la commission en question. Le gouvernement en place aujourd'hui ne l'a pas mis sur pied non plus. Les divers ministres qui ont eu affaire à la question de l'immigration, jusqu'au ministre Solberg, ont toujours justifié leur refus d'agir, quelles que soient les raisons invoquées. Je veux insister sur le fait qu'il s'agit non pas d'une question partisane, mais plutôt d'une question relevant des droits de la personne, et c'est la raison pour laquelle nous nous retrouvons ici aujourd'hui.
Nous savons que, tous les jours, partout dans le monde, il y a des milliers, peut-être des centaines de milliers de personnes qui s'enfuient de chez elles pour échapper à la persécution fondée sur la race, la religion, les idées politiques et toutes sortes d'autres facteurs. Il y a plus de 55 ans, pour reconnaître les horreurs associées au fait d'être réfugié, la communauté internationale a codifié la responsabilité qu'elle a de protéger les personnes en question en adoptant la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés.
Comme le Canada est partie à cette convention, il lui est interdit d'envoyer quelque demandeur d'asile que ce soit dans un pays où sa vie ou sa sécurité serait menacée. Le Canada a pour devoir d'examiner attentivement le dossier de chacun des demandeurs d'asile auquel il a affaire. Nous ne voudrions pas involontairement envoyer quelqu'un dans un endroit où il sera persécuté ou tué.
Malheureusement, nombreuses sont les personnes qui essaient de profiter du système international de protection des réfugiés, ce qui veut dire, pour être franc, que les responsables canadiens se trouvent souvent devant une tâche redoutable : distinguer les personnes qu'il faut vraiment protéger de celles qui essaient de profiter du système. La ligne de démarcation n'est pas très facile à discerner, surtout que les gens se présentent souvent sans documentation, sans antécédents officiellement établis. Souvent, ils ne sont pas vraiment en mesure de défendre leurs intérêts et leurs droits. De ce fait, il faut plusieurs mois pour traiter une demande de reconnaissance du statut de réfugié, surtout que, d'une année à l'autre, le Canada peut recevoir entre 23 000 et 38 000 demandes du genre. Notre système doit donc effectuer une certaine sélection. D'une manière ou d'une autre, nous devons identifier les réfugiés légitimes; nous devons nous donner un système suffisamment rigoureux et souple pour nous assurer de ne jamais renvoyer dans leur pays des gens qui sont vraiment en danger, de ne jamais les renvoyer là où le péril les attend.
En ce moment, fait regrettable, notre système penche en faveur des demandeurs authentiques, étant donné qu'il n'est pas possible d'en appeler de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en invoquant les mérites de l'affaire particulière dont il est question. Si le commissaire responsable d'entendre votre cause — commissaire qui n'est pas juge, qui n'a pas reçu la formation de juge — rejette votre demande de reconnaissance du statut de réfugié, vous êtes renvoyé, moyennant certaines protections minimales.
Pourquoi créer une section d'appel des réfugiés? Au moment où le Parlement a adopté la loi, en 2001, il espérait accélérer et simplifier le processus de traitement des demandes. Une disposition clé de la Loi faisait tomber de deux à un le nombre de commissaires appelés à instruire chacune des demandes. De ce fait, nous allions doubler le nombre de demandes de reconnaissance entendues en première instance durant une même période, du fait d'avoir un seul commissaire plutôt que deux qui se penchent sur chaque affaire. Cependant, pour compenser, nous allions créer un tribunal d'appel accessible aux réfugiés qui sont d'avis que le commissaire n'a pas entendu pleinement leur cause ou qu'il n'a pas bien compris leurs droits, tout comme n'importe quel Canadien ou n'importe quel citoyen d'un pays civilisé a la possibilité d'en appeler d'une décision.
Dans l'état actuel des choses, la vie des demandeurs d'asile se retrouve entre les mains d'un seul et unique commissaire au Canada. Je ne laisse pas entendre qu'ils ne sont pas tous formés, ni qu'aucun d'entre eux manque d'humanité, mais il faut dire que l'être humain fait des erreurs. Les gens qui n'ont pas de formation judiciaire ne sont pas forcément ceux à qui on devrait confier le soin de décider de la vie et du sort des gens. La décision de ce commissaire peut devenir une question de vie ou de mort.
C'est pour nous prémunir contre les erreurs possibles des responsables individuels des dossiers que la loi de 2001 met en équilibre l'efficacité accrue du processus de détermination et une nouvelle Section d'appel des réfugiés, chargée d'entendre les prétentions des réfugiés déboutés.
Peter Showler, président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à ce moment-là, est venu témoigner pour faire valoir que le risque associé aux audiences tenues par un seul commissaire « [...] est largement compensé par la création de la Section d'appel des réfugiés ». Le nombre de commissaires appelés à instruire chaque affaire a bel et bien été réduit — il est passé de deux à un —, mais l'élément compensateur n'a pas été mis en place. Aucune section d'appel n'a été créée — ça a été créé sans jamais être promulgué. C'est le but du projet de loi simple que nous avons devant les yeux, projet qui ne renferme qu'un paragraphe. C'est de créer une Section d'appel des réfugiés.
Certains font valoir des arguments concernant l'efficience du procédé. Or, il est tentant d'y céder. Nous voulons tous que la méthode soit efficiente et rapide, mais cela ne devrait pas être le but primaire d'un système qui est censé aider des gens qui fuient leur pays pour échapper au péril. Sans section d'appel des réfugiés, les demandeurs déboutés selon le nouveau système ne disposent d'aucune façon d'en appeler de la décision et de faire valoir les mérites de leur cause.
Ils peuvent s'adresser à un tribunal d'appel fédéral pour demander un contrôle judiciaire; c'est la Cour fédérale. Cependant, le contrôle ne porte pas sur les mérites de l'affaire; il s'agit simplement de déterminer si la marche à suivre a été respectée. Ceux parmi nous qui ont une formation juridique comprendront cela.
Ce n'est pas un appel, et il faut ajouter qu'il est pratiquement impossible pour les demandeurs d'asile de répondre aux exigences à cet égard. Il y a un coût à supporter. Il y a des mesures à prendre et des formulaires à remplir qui dépassent les moyens d'action et de compréhension de la plupart des revendicateurs, dont bon nombre ne parlent ni ne comprennent ni l'une ni l'autre des langues officielles.
En l'absence d'un processus d'appel en bonne et due forme, le Canada ne dispose d'aucun mécanisme pour s'assurer qu'il s'acquitte de ses obligations internationales en ce qui concerne la protection des demandeurs d'asile. La défaillance à cet égard a été notée par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, qui a adressé un message écrit à notre gouvernement pour dire : « Le mécanisme d'appel représente un élément vital du processus de détermination du statut de réfugié. »
Le nôtre est le seul pays civilisé qui n'ait pas de tribunal d'appel des réfugiés. Ce n'est pas reluisant. Notre image est ternie. La Commission interaméricaine des droits de l'homme et le Comité sur la torture des Nations Unies ont également exprimé cette idée, soit que le Canada ne remplit pas ses obligations internationales à cet égard.
J'affirme que le Canada est le seul pays qui n'ait pas de commission d'appel des réfugiés. Ce n'est pas tout à fait juste. L'Italie et le Portugal n'ont pas de tribunal d'appel non plus, mais ils ont mis en place des mécanismes, dont je vais vous épargner les détails, mais qui protègent les droits des réfugiés d'une façon que le Canada n'a pas adoptée jusqu'à maintenant.
En tant que parlementaires, nous nous enorgueillissons tous du fait que nous essayons de protéger les plus vulnérables de notre société. Nous devrions nous enorgueillir de protéger les personnes les plus vulnérables de la communauté internationale, qui viennent chercher refuge au Canada.
Si je m'intéresse personnellement à ce projet de loi et au processus de détermination du statut de réfugié, c'est que le Canada, au cours des années 30 et au début des années 40, aurait pu sauver de nombreuses victimes de la tyrannie nazie, mais il a choisi de ne pas le faire. Le Canada se donnait pour consigne à l'époque — c'est une devise honteuse dont nous sommes tous responsables — d'exclure systématiquement les juifs du pays — en disant « aucun, c'est encore trop ».
C'était le fruit du travail d'une seule personne, responsable de l'immigration, qui est parvenue à convaincre le premier ministre de l'époque : il fallait s'assurer de ne laisser entrer aucun juif. Il y a à ce sujet un livre intéressant écrit par le professeur Irving Abella, mari de Mme la juge Rosalie Abella, de la Cour suprême du Canada, et par le professeur Harold Troper. Le livre s'intitule justement None is Too Many. Si vous voulez être gêné d'être canadien, c'est une bonne lecture.
Honorables sénateurs, je vous invite vivement à appuyer ce projet de loi, pour que nous puissions signaler aux réfugiés de par le monde que la protection des réfugiés nous importe; pour que la protection des réfugiés se fasse correctement; pour que les demandeurs d'asile puissent demander cette protection d'une façon qui protège les intérêts du Canada, qui ne ferait pas alors l'objet de recours abusifs à son système, mais qui protégerait en même temps les êtres humains qui ont besoin d'être protégés. Sinon, nous permettons que le problème grandisse et nous contraignons certains réfugiés authentiques à retourner dans le pays dont ils fuyaient la persécution.
Je ne peux m'empêcher de vous raconter l'histoire d'une revendicatrice du statut des réfugiés, que je ne nommerai pas, mais qui a été obligée de retourner en Afrique où sa fille allait être soumise à une mutilation des organes génitaux. Selon un arbitre, comme elle n'était pas persécutée, elle ne pouvait demander le statut de réfugié; de même, sa fille n'avait pas présenté de demande de reconnaissance du statut de réfugié. Il lui a donc fallu retourner en Afrique. Agir ainsi, ce n'est pas notre façon au Canada.
Je serai heureux de répondre à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.
[Français]
Nicole Demers, députée (Laval), Chambre des communes : Madame la présidente, je vous remercie de nous permettre de vous présenter notre situation concernant le projet de loi C-280.
J'avais écrit un texte, mais après avoir écouté l'éloquent discours du sénateur Goldstein, comme je ne suis pas juriste et que je n'ai aucune compétence en immigration, je vous parlerai des raisons fondamentales qui m'ont amenée à mettre ce projet de loi de l'avant et ce sur quoi on doit s'arrêter.
Ce n'est pas un projet de loi partisan. Comme disait si bien le sénateur Goldstein, c'est un projet de loi qui fait appel à notre humanité. Ce projet de loi fait appel à ce pour quoi nous avons été nommés et élus; respecter et faire respecter les droits humains de tous les êtres qui choisissent le Canada comme pays, qui viennent ici se réfugier parce qu'ils n'ont plus de choix, parce que le Canada est l'ultime refuge.
Je vous dirais que si j'ai accepté de parrainer le projet de loi C-280, c'est que dans ma vie précédente, j'ai été confrontée à des situations où des personnes ont été retournées dans leur pays d'origine parce qu'ils n'ont pas obtenu leur statut de réfugié, parfois après plusieurs années de vie ici. En l'occurrence, un jeune homme que j'avais rencontré alors que je travaillais à l'hôtel Méridien, un jeune Chilien qui portait les marques de la torture qu'il avait subie sous le gouvernement Pinochet. Ce jeune Chilien est arrivé ici, il travaillait et après quatre ans, on lui a refusé le statut de réfugié et on l'a retourné chez lui. Nous n'avons jamais su ce qu'il était advenu de ce jeune homme. Je ne sais pas s'il est encore vivant; je ne le crois pas. J'ai ensuite rencontré d'autres personnes qui vivaient des situations semblables.
Il y a quelques années, alors que j'ai été élue comme députée à la Chambre des communes, on a commencé à faire appel à moi, à mon bureau de circonscription, pour me soumettre des problèmes concernant le statut de réfugié, et c'est là que je me suis rendu compte que le ministère de l'Immigration fait un travail remarquable. Il faut le dire, parce que plusieurs personnes demandent à venir vivre ici et le ministère de l'Immigration fait un travail remarquable en ce sens.
Plusieurs personnes viennent vivre ici et obtiennent le statut de citoyen. Ces gens viennent ici en qualité de réfugiés. Et ces gens n'ont pas la même chance, n'ont pas les mêmes possibilités parce que pour eux, il n'y a qu'une personne qui décide pour eux.
Dans la balance, il n'y a pas d'équité, pas de justice. C'est ce que je recherchais, c'est ce que j'ai voulu faire en mettant de l'avant le projet de loi C-280, parce que déjà, les personnes qui m'ont précédée y avaient pensé, cela faisait partie de la loi, c'était déjà inscrit dans la loi, mais cela n'avait pas été mis de l'avant. Tout ce que nous avons à faire, c'est mettre cette partie de la loi de l'avant.
J'ai vu une partie de la liste des témoins qui seront entendus. Je suis satisfaite et je suis convaincue qu'après avoir entendu ces témoins, vous agréerez que ce projet de loi doit aller de l'avant et que cette section d'appel des réfugiés doit être instaurée afin de s'assurer que toute personne qui demande à être reçue ici comme réfugié reçoive justice, et qu'elles soient entendues, et pouvoir dire : j'ai demandé le statut de réfugié, une personne me l'a refusé, mais j'ai eu l'opportunité de faire entendre ma requête par une section d'appel qui, elle, était vraiment neutre et pouvait prendre une décision qui était, selon moi, équitable.
Si j'ai demandé au sénateur Goldstein de bien vouloir parrainer ce projet de loi au Sénat, c'est parce qu'après l'avoir rencontré et avoir eu l'occasion de discuter avec lui à plusieurs reprises, j'ai compris que c'était un homme juste et équitable, et que c'était un homme d'une grande sagesse. C'est donc pour cette raison que je lui ai demandé de parrainer le projet de loi. Il a bien voulu le faire. Il faut dire que c'est très inhabituel qu'un sénateur accepte de parrainer un projet de loi d'une députée provenant du Bloc québécois. C'est d'autant plus méritoire et je l'en remercie énormément. Je travaille avec plusieurs d'entre vous sur différents comités d'amitié et je sais à quel point l'être humain est important pour vous. Je fais donc appel à cette humanité qui est en vous, et j'espère qu'on aura une issue concluante et que cette section de l'appel sera mise de l'avant.
[Traduction]
Le sénateur Di Nino : Je souhaite la bienvenue à nos deux collègues : Mme Demers et le sénateur Goldstein.
Évidemment, vous savez de quel côté je me situe. Je suis porte-parole de l'opposition en rapport avec ce projet de loi; je me suis prononcé à son sujet — contre. Il présente plusieurs problèmes qui, à mon avis, devraient nous préoccuper tous.
Le premier porte sur la notion de justice que vous avez défendue tous les deux avec tant d'éloquence. Il y a toutes sortes d'avis selon lesquels ce projet de loi ne permettra pas d'obtenir justice. Au contraire, les nombreux avis en question donnent à penser que, de fait, la justice sera différée.
Le système canadien est considéré comme un des meilleurs qui soient dans le monde — à l'échelle internationale et du point de vue de l'ONU. Lorsqu'une demande est refusée, il existe trois procédés d'appel possibles, d'ores et déjà. En ajouter un quatrième, comme le font valoir de nombreux commentateurs, ne ferait que prolonger le processus, non seulement pour le demandeur, mais aussi pour tous ceux qui se trouvent à attendre derrière lui. Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de cela?
Le sénateur Goldstein : Merci de poser la question, sénateur. Vous avez tout à fait raison : dans notre jargon, nous disons que justice différée est justice refusée. Certes, si la création ou l'implantation d'un processus d'appel avait pour effet de différer la justice, nous y penserions à deux fois avant d'adopter la mesure en question. Cependant, la question repose sur un certain nombre d'hypothèses. Premièrement, et c'est peut-être ce qui est le plus important, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est censée disposer d'un effectif d'un peu plus de 160 arbitres, car il y a des milliers et des milliers de questions et de dossiers de revendicateurs à traiter. Cependant, il y a 58 postes vacants à la Commission en question, ce qui veut dire que cette dernière ne fonctionne qu'aux deux tiers de sa capacité. Encore une fois, je ne veux pas prendre un point de vue partisan. J'imagine donc, bien que je ne le sache pas vraiment, qu'il y a deux bonnes raisons pour lesquelles on ne s'est pas encore donné un effectif complet. Nous devons nous assurer que la Commission, en première instance, dispose d'un effectif complet d'arbitres, pour travailler sans accumuler un arrérage.
Deuxièmement, je vous prie de garder à l'esprit le fait que la mise sur pied d'une commission d'appel aurait un effet tout à fait salutaire, soit de créer un tribunal qui, à son tour, viendrait créer des précédents et établir des principes, des orientations quant à l'arbitrage. Cela accélérerait le processus d'arbitrage en première instance, car aucun de ces arbitres n'aurait à rechercher les principes à appliquer ou à en créer lui-même. Ils pourraient suivre le précédent établi. D'après l'expérience que nous avons des tribunaux de cette nature, loin de créer des retards, la mise en place d'un processus d'appel accélère le processus, car elle élimine les retards qui surviennent lorsqu'un arbitre doit déterminer des nouveaux principes qui s'appliqueraient de nouvelles façons.
Vous avez affirmé qu'un demandeur débouté dispose de trois tribunaux où il peut en appeler pour faire renverser la décision rendue dans son cas. C'est vrai et faux à la fois. C'est vrai sur papier, mais c'est faux dans la réalité. Prenons un tribunal à la fois.
La Cour fédérale est un des trois endroits vers lesquels peuvent se tourner les demandeurs déboutés. Pour cela, il faut demander l'autorisation d'en appeler devant la Cour fédérale et assumer les dépenses qu'il faut pour se rendre jusque là. Soit que le demandeur dispose des moyens voulus pour retenir les services d'un avocat, ce qui est très rare, soit qu'il maîtrise le droit au point de pouvoir défendre sa cause lui-même, ce qui ne s'avère simplement pas dans la majorité de ces cas. En outre, de nombreux demandeurs ne parlent ni français ni anglais suffisamment pour se tirer d'affaire. Le résultat, c'est que la possibilité d'en appeler devant la Cour fédérale n'en est pas vraiment une. Plus de 90 p. 100 des demandeurs qui se sont adressés à la Cour fédérale ont vu leur demande d'autorisation rejetée. Pour être franc, le processus d'appel est purement théorique; dans les faits, ce n'est pas du tout une option du point de vue des demandeurs.
La deuxième option, sénateur Di Nino, c'est l'examen des risques avant renvoi, ou ERAR. Avec l'ERAR, le demandeur débouté en appelle devant des fonctionnaires dont la tâche consiste à déterminer si l'expulsion forcée de la personne vers son pays d'origine lui fait courir un risque grave. Les statistiques laissent voir que la démarche est fructueuse chez moins de 3 p. 100 des demandeurs, de sorte que ce n'est pas du tout un processus d'appel.
Le troisième processus d'appel prend la forme d'une demande pour motifs d'ordre humanitaire. C'est une mesure discrétionnaire. Un demandeur peut être expulsé avant que cette démarche soit enclenchée, ou une décision, rendue à son sujet. Le Comité sur la torture de l'ONU a déterminé que les demandes accueillies pour des motifs humanitaires ne représentent pas une façon efficace de protéger les droits des demandeurs d'asile.
Les trois possibilités dont disposeraient les réfugiés selon certains pour se donner des moyens conséquents de demeurer au pays une fois leur demande refusée ne sont pas réalistes. Si ce n'est pas réaliste, nous devons faire comme si ça n'existait pas.
[Français]
Mme Demers : Tout ce que le sénateur Goldstein a dit est vrai. C'est comme, dans un procès, lorsqu'un procureur fait appel à un psychiatre ou à un psychologue et que l'autre procureur fait appel à un autre. Pour chaque personne qui dira que le fait d'avoir une cour d'appel alourdirait le processus, une autre vous dira que cela allégera le recours pour une personne réfugiée.
En effet, lorsqu'une personne demande le statut de réfugié, elle n'a pas l'argent nécessaire pour aller jusqu'à la Cour fédérale d'appel. Il est insensé de croire qu'une personne qui demande le statut de réfugié arrivera avec des milliers de dollars.
L'examen de risque avant renvoi ne permet pas d'avoir un processus de révision sur le fond de la demande. On a vraiment besoin d'un tel processus. Il est vraiment essentiel que la section d'appel soit mise en place.
[Traduction]
Le sénateur Di Nino : Ce sont cinq ministres consécutifs de la Citoyenneté et de l'Immigration — trois du gouvernement précédent et deux du gouvernement actuel; pas le même parti, pas la même philosophie — qui ont refusé d'implanter cette partie du projet de loi, pour certaines des raisons que je viens d'expliquer. L'ex-ministre Volpe, l'ex- ministre Strahl, la ministre Finley qui y est en ce moment et d'autres ministres encore — tous ont donné à entendre qu'il existe des procédés à cet égard et que, selon eux, ils sont équitables. Ces gens-là comprennent le système mieux que quiconque, et nous ne parlons pas des bureaucrates, même si nous allons leur parler plus tard durant la journée. Le fait demeure : cinq ministres de l'Immigration ont affirmé que ce système aura pour effet de différer la justice et, de fait, qu'il ne fera pas grand-chose pour corriger la lacune relevée. Les ministres sont allés jusqu'à affirmer que le système proposé aggravera la situation.
J'ai une question particulière à poser à Mme Demers et au sénateur Goldstein aussi. L'article 73 de la LIPR donnera au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration l'autorisation d'introduire une instance de contrôle judiciaire de la décision de la Section d'appel des réfugiés devant la Cour fédérale.
Pourquoi avez-vous décidé d'exclure du projet de loi une disposition qui donnerait au ministre le même droit que le demandeur d'asile?
Le sénateur Goldstein : Je donnerais à cela une réponse très simple. La disposition existe déjà en droit. Au moment de proclamer les trois dispositions en question, j'espère que la ministre proclamera aussi cette disposition-là. C'est très simple. Je n'ai pas à obliger la ministre à l'établir. Si elle veut disposer de ce recours, elle n'a qu'à faire proclamer cette disposition. La disposition existe en droit, tout comme ces recours existent en droit.
Sauf le respect que je vous dois, je ne crois pas que la ministre puisse s'accrocher à un tel prétexte et affirmer : il n'est pas juste que les réfugiés puissent s'y essayer une deuxième fois, alors que je ne peux pas le faire moi-même. Le fait est que le ministre peut s'y essayer de nouveau dès que la Section d'appel des réfugiés est établie. À ce moment-là, le ministre met en œuvre l'article 73, et tout est joué.
Il est vrai que cinq ministres ont écarté la question. Il est vrai aussi que le ministre précédent l'a fait inscrire dans la loi. C'est cinq contre un. Je ne joue pas les ministres l'un contre l'autre. Chacun des ministres a choisi de ne pas faire proclamer la loi, mais chacun a déclaré qu'il fallait se pencher sur le système d'immigration et de reconnaissance du statut de réfugié dans son ensemble avant de faire proclamer l'article en question.
Pendant sept ans, nous avons connu des cas où un demandeur légitime ne parvenait pas à obtenir l'asile ici. Rien ne nous empêche de mettre en œuvre cet article. Si jamais nous décidons de réformer de fond en comble le droit de l'immigration et des réfugiés, je serai heureux d'y apporter ma contribution. Je suis sûr que tous les participants, quel que soit le parti au pouvoir, agiraient de bonne foi. En attendant que cette réforme ne se concrétise, donnez donc une chance aux réfugiés.
[Français]
Mme Demers : Je pense qu'il est très important de se rappeler que lorsque cette loi a été promulguée, et nous connaissons tous le processus pour qu'une loi soit promulguée, elle a été mise aux voix à la Chambre des communes et y a été votée à la majorité. Par la suite, elle est venue au Sénat, elle est passée en comité au Sénat et elle a été acceptée par le Sénat pour enfin être promulguée.
Alors, je crois que cette loi a été promulguée parce que les gens savaient que c'était la bonne chose à faire, que c'était correct et équitable pour les réfugiés. Si elle n'a pas été mise en application par la suite c'est qu'il y a eu des lacunes, c'est qu'on n'a pas voulu la mettre en application immédiatement parce qu'on faisait toujours passer autre chose avant. Maintenant, comme personnes responsables, nous nous devons de mettre cette section d'appel des réfugiés en œuvre. On ne peut plus attendre qu'un ministre décide que, maintenant, c'est le temps de débattre sur le fond. Les débats ont été tenus avant que la loi soit promulguée. Si la loi a été promulguée, c'est que le comité qui en a discuté ici — qui n'était peut-être pas celui-ci — a jugé que c'était une bonne loi, puisqu'on l'a acceptée et qu'on l'a renvoyée à la Chambre des communes.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Merci beaucoup à vous deux de la diligence dont vous faites preuve. En tant que réfugié installé au Canada, je ne saurais trop vous remercier du travail que vous accomplissez.
Sénateur Goldstein, avant d'arriver au Sénat, vous étiez un membre respecté du Barreau. Mon collègue affirme qu'il y a trois procédés d'appel. De la façon dont je les conçois moi-même, il n'y a qu'un seul procédé d'appel. L'examen des risques avant renvoi et la demande pour les motifs d'ordre humanitaire sont des procédés administratifs et bureaucratiques. Je ne crois pas qu'on puisse les assimiler à un appel dans le sens d'un appel porté devant un tribunal.
Le sénateur Goldstein : Vous avez raison, sénateur Jaffer. Les deux autres ne sont pas des procédés d'appel. Je dois dire que le recours devant la Cour fédérale ne constitue pas un procédé d'appel non plus. C'est un recours en cassation, ou « revision process » en anglais. C'est un procédé qui ne permet pas aux demandeurs de présenter une preuve. Pour les demandeurs qui parviennent à y accéder, cette étape consiste uniquement à déterminer si la Commission du statut de réfugié a satisfait ou non aux exigences. Comme je l'ai dit, plus de 90 p. 100 des demandeurs n'arrivent même pas à obtenir l'autorisation d'en appeler. Alors, l'appel en tant que tel... ce n'est pas un procédé d'appel, c'est un recours en cassation.
Ce à quoi nous aspirons, la sainte qui se trouve assise à côté de moi... je ne suis pas un saint. Je ne pourrais même pas présenter une demande sanctification.
Le sénateur Di Nino : Nous pouvons faire une exception dans votre cas.
Le sénateur Goldstein : Merci. Je vais citer le mari d'une Marocaine qui a été expulsée malgré sa crainte de persécution. L'homme en question a écrit : « C'est comme si personne ne nous écoutait. Nous voulons simplement en appeler comme toute personne normale aurait pu le faire au Canada. » Cela ne vous paraît-il pas révélateur?
Le sénateur Jaffer : J'ai beaucoup de questions à poser au sujet de l'arrérage. Nous nous soucions tous de l'arrérage. Cette façon de procéder n'aurait-elle pas pour effet d'accroître l'arrérage?
Le sénateur Goldstein : Je ne crois pas que cela aurait pour effet d'accroître l'arrérage. Je ne veux pas critiquer le gouvernement en place. Je ne veux pas en faire une question partisane. La Commission manquait de personnel sous les administrations précédentes. Par conséquent, le gouvernement en place n'a pas péché davantage que les gouvernements précédents, ni plus ni moins.
Le fait est que l'arrérage — et il y a arrérage — découle en bonne partie du fait que la Commission du statut de réfugié manque de personnel. Elle dispose des deux tiers de l'effectif qu'elle devrait avoir. J'espère que — quoi qu'il advienne du projet de loi, et j'ai l'intention de me battre pour qu'il soit adopté et bon espoir qu'il le soit — le gouvernement en place et tout autre gouvernement à l'avenir donnera à la Commission du statut de réfugié l'effectif complet dont elle doit disposer pour que les demandeurs d'asile puissent faire valoir leur cause correctement dans un délai raisonnable.
Vous avez demandé si cela n'aura pour effet d'accroître les retards. Je crois que ce sera l'inverse. À l'heure actuelle, les arbitres sont appelés à établir des principes en rapport avec chaque cause qu'ils instruisent. Une section d'appel aurait un effet très salutaire : établir les principes que le tribunal inférieur, pour ainsi dire, aurait non pas à établir, mais simplement à appliquer. Dans notre langue juridique, nous appelons cela un précédent. Avant d'en arriver à des fonctions plus nobles, notre présidente était une éminente avocate.
Dans les affaires judiciaires, en cas d'appel, le tribunal inférieur se plie aux principes énoncés par une cour d'appel. C'est la doctrine stare decisis. Le tribunal inférieur n'a pas à rétablir les principes en cause. Je crois que l'arbitrage s'en trouverait accéléré.
Je tiens à être équitable. Si un procédé d'appel était établi demain matin, il y a tout un lot de demandeurs déboutés en première instance qui en appelleraient de la décision. C'est la raison d'être d'un procédé d'appel. Nous avons des cours d'appel partout au pays. Les gens ont le droit d'en appeler de la décision rendue dans leur cas. Les Canadiens ont ce droit, les demandeurs d'asile devraient l'avoir aussi.
Le sénateur Jaffer : Madame Demers, je crois savoir que vous étiez au Parlement au moment où ce projet de loi a été présenté la première fois.
[Français]
Mme Demers : Je n'étais pas au Parlement à ce moment-là. Je suis arrivée au Parlement en 2004.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Je crois comprendre qu'il était question d'un membre plus la Section d'appel des réfugiés dans le projet de loi. Vous dites qu'il y a un élément qui est en place, mais que l'autre ne l'est pas. C'est bien cela?
[Français]
Mme Demers : C'est exact. Une grande partie de la loi a été mise en place, mais la partie qui traite de la section d'appel des réfugiés n'a pas été mise en fonction.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Vous avez abordé à l'autre endroit la question du refuge dans un lieu de culte. À l'heure actuelle, les gens qui cherchent à s'en prévaloir estiment n'avoir recours à aucun procédé juridique. Par conséquent, ils en appellent à une autorité morale supérieure et, de manière générale, aux Canadiens et Canadiennes. Quel est votre point de vue sur la question?
[Français]
Mme Demers : Vous avez tout à fait raison, madame la présidente. J'ai eu l'occasion de visiter des personnes réfugiées dans des églises, dans des lieux de culte, parce qu'elles n'avaient d'autres choix que de se réfugier en ces endroits.
Un jeune homme, entre autres, réfugié à Montréal depuis un an, avait fait une demande de statut de réfugié. Celle-ci fut refusée. Pourtant, il s'agissait d'un jeune Libanais qui avait été membre d'une armée, sous les ordres d'une personne qui, elle, fut acceptée comme réfugiée. Or, on a refusé à ce jeune homme le statut de réfugié. Il ne comprenait pas, ne pouvait appeler personne et n'avait pas d'argent pour aller en cour d'appel. Il avait le soutien de l'église qui l'hébergeait. Toutefois, les églises, de nos jours, ne sont pas riches. La plupart des églises acceptent d'héberger des réfugiés par charité. On sait fort bien que ces personnes sont retournées dans leur pays bien souvent pour y mourir.
Nombreux sont ceux qui doivent vivre ces horreurs chaque jour. L'Association des évêques, qui s'occupe de réfugiés, est venue témoigner au comité de l'immigration de la Chambre des communes pour nous laisser savoir à quel point il était difficile, même pour les églises, d'avoir ces personnes dans leur espace. S'ils habitent dans l'église, ils habitent bien souvent dans la sacristie, dans un lieu de culte utilisé à des fins religieuses. Les personnes ne peuvent ni aller à l'extérieur, ni communiquer avec d'autres personnes. Les gens viennent les voir seulement lorsqu'ils vont à l'église.
Il est très difficile de rester un an en prison dans une église, dans un lieu supposément d'harmonie, de paix. Cette situation est très difficile pour ces personnes. Je vous remercie d'avoir soulevé ce point.
[Traduction]
Le sénateur Goldstein : Cela me rappelle quelque chose d'intéressant : en anglais, nous disons « sanctuary », qui est un concept mosaïque qui remonte à 3 000 ans au moins. Une des premières lois établies par Moïse est celle qui consiste à offrir l'asile aux persécutés. Les gens qui n'avaient aucun espoir de survivre pouvaient demander l'asile en se rendant dans une zone religieuse désignée. Les gens ne devraient pas avoir à faire cela. Les réfugiés ont le droit de demander d'être reconnus comme tels. C'est un droit et non un privilège. Les demandeurs d'asile devraient pouvoir demander d'être reconnus comme réfugiés et, dans la mesure où le statut leur est refusé, ils devraient avoir le droit de s'adresser à une cour d'appel, comme n'importe quelle autre personne a le droit de le faire. Une fois que la cour d'appel a refusé d'accorder le statut de réfugié au demandeur après avoir passé en revue l'affaire, justice est rendue. Ceux qui recherchent un toujours refuge après le processus d'appel peuvent continuer de le faire, mais ils ont droit à beaucoup moins de sympathie de la part du clergé. Peut-être que le comité recevra le témoignage de membres du clergé à propos du projet de loi. Les membres du clergé peuvent sympathiser avec les personnes qui demandent l'asile, du fait qu'elles n'ont peut-être pas eu une possibilité raisonnable de faire valoir leur cause. Elles ont le droit de faire valoir leur cause; ce sont des êtres humains.
Le sénateur Trenholme Counsell : C'est un privilège pour moi de siéger à votre comité, que je tiens en très haute estime. Je remplace le sénateur Munson, dont la mère s'est fracturée la jambe, ce qui est bien triste.
Mon observation peut être présentée sous forme de question. Il me semble que la chose morale à faire serait d'adopter le projet de loi C-280. À quelques exceptions près, toutes les raisons dont j'ai pris connaissance, dans ce que j'ai pu lire et entendre, sont des raisons systémiques qui n'ont rien à voir avec les droits de la personne. Cela ajouterait un niveau au processus et accroîtrait l'arrérage. Dans mes lectures, certains ont fait valoir que ça exigera davantage de ressources. Oui, ce serait peut-être le cas, mais ça exigerait davantage d'assistance sociale. Aucun de ces facteurs n'ajoute de force à l'argument, car il n'est jamais question des droits de la personne. Néanmoins, ce projet de loi se rapporte à des droits. Que pensez-vous de l'idée que je me fais à première vue, en tant que nouvelle participante, du projet de loi et des arguments invoqués?
Le sénateur Goldstein : Vous avez tout à fait raison, comme c'est souvent le cas, sénateur. Je ne connais pas votre source d'information, mais il aurait fallu qu'elle vous dise que les demandeurs d'asile ne restent pas assis à attendre que leur statut soit tranché. Ils travaillent, ils envoient leurs enfants à l'école et ils paient des taxes; ce ne sont pas des fardeaux pour la société. Ce ne sont pas des fardeaux parce qu'ils n'ont pas droit aux services sociaux, à quelques exceptions près. Loin d'être des fardeaux, ils contribuent à la société. S'ils ne sont pas de véritables réfugiés, ils devraient emprunter les voies habituelles de l'immigration. J'aimerais pouvoir dire que nous devrions ouvrir nos portes à tout le monde, mais nous ne pouvons le faire; aucun pays ne peut faire cela. Si ce sont des réfugiés ou des personnes qui croient être des réfugiés, alors elles ont le droit de demander d'être reconnus comme tels, comme le fait valoir le pacte des Nations Unies. Tous les pays civilisés le font valoir, exception faite du Portugal et de l'Italie, qui appliquent d'autres procédures. Si un réfugié est débouté en première instance, il aura le droit d'en appliquer de la décision. Laisser entendre que ces gens-là sont un fardeau pour la société, c'est tout simplement faux.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez parlé de deux pays qui n'ont pas de section d'appel des réfugiés. Les États-Unis ont-ils une section d'appel des réfugiés?
Le sénateur Goldstein : Oui. Les Nations Unies nous ont critiqués à ce sujet; par écrit.
Le sénateur Trenholme Counsell : La marche à suivre recommandée par le projet de loi s'apparenterait-elle à celle qui s'applique dans les autres pays ayant un processus d'appel?
Le sénateur Goldstein : Oui.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce n'est pas particulièrement différent?
Le sénateur Goldstein : Non, ça concorde avec ce qui se fait aux États-Unis, en Angleterre et dans tous les pays membres de la Communauté européenne, exception faite du Portugal et de l'Italie.
Le sénateur Trenholme Counsell : Êtes-vous d'accord pour dire qu'il n'existe, du point de vue des droits de la personne, aucun facteur logique qui nous empêcherait de mettre en œuvre le projet de loi? La loi est là, mais elle n'a pas été promulguée.
Le sénateur Goldstein : Du point de vue strict des droits de la personne, je crois que personne, même pas le sénateur Di Nino, ne s'y opposerait. Or, il est le porte-parole de l'opposition en rapport avec ce projet de loi. Il a abattu un excellent travail au Sénat même, et je ne crois pas qu'il trouve à redire au projet de loi de ce point de vue-là. Sa critique tient non pas aux droits de la personne, mais à d'autres facteurs.
Je devrais vous dire que je suis d'accord avec les dirigeants gouvernementaux : si ce projet de loi est adopté, je conviendrais de la modification qui est proposée de reporter sa mise en œuvre pendant six mois. Il faudra ce temps-là pour créer ce tribunal et lui attribuer un effectif. Nous devons être réalistes pour ces choses-là.
La présidente : Vous avez dit que nous ne pouvons ouvrir les portes toutes grandes. Il est question d'un problème qui relève des droits fondamentaux de la personne. Il y a un processus de détermination du statut de réfugié et des milliers de sans-abri dans les camps de réfugiés des Nations Unies. Il y a des millions de personnes qui se sont pliées aux règles et qui, sans que ce soit du tout leur faute, se trouvent à attendre. Nous mettons dans la balance ce qui est juste et équitable envers les personnes qui ont atteint nos rives. Pouvons-nous traiter efficacement avec ces personnes, de manière à avoir la capacité d'absorption nécessaire pour en accueillir d'autres par la suite?
Pour revenir à la question du droit criminel élémentaire, n'êtes-vous pas d'accord pour dire que la procédure importe autant que les autres questions du point de vue de la justice? N'êtes-vous pas d'accord pour dire que nous pouvons créer des injustices par la procédure aussi bien que par le droit substantiel? Comment prendre en considération les retards dus au fait que nous disons vouloir appliquer une période d'appel?
Je sais que d'autres pays acceptent des motifs d'appel dans certains cas, et non seulement le droit d'appel quant au fondement de l'affaire et ainsi de suite. N'ont-ils pas circonscrit les critères applicables?
Le sénateur Goldstein : Certains l'ont fait, et la Commission d'appel des réfugiés peut établir des précédents qui serviront à délimiter les possibilités d'appel. Tout n'a pas à faire l'objet d'un appel. Il doit y avoir quelque indication des excès de compétence possibles. Ce sont toutes là des choses dont on sait qu'elles surviennent dans le cadre des appels.
Madame la présidente, vous soulevez un problème existentiel qui donne à entendre que le mécanisme d'admission au Canada est un jeu à somme nulle. Si nous admettons un plus grand nombre de demandeurs d'asile, nous allons admettre un nombre moindre d'immigrants. Sauf le respect que je vous dois, ce n'est pas vrai.
La présidente : J'affirme que nous ne pouvons qu'accueillir tant de demandeurs d'asile d'un coup. Si j'ai employé le terme « immigration », c'était involontaire.
Le sénateur Goldstein : Je vous ai peut-être mal compris.
La présidente : Nous pouvons seulement accueillir un certain nombre de demandeurs d'asile. Nous déterminons ce que nous sommes en mesure d'absorber. Ce n'est pas une politique de la porte ouverte.
Le sénateur Goldstein : Non, effectivement. Encore une fois, un tribunal d'appel sera en mesure d'établir des principes sur la foi desquels les gens seront, ou ne seront pas, admis au pays en tant que réfugiés. À mesure que les critères sont établis et qu'ils deviennent connus dans les divers pays d'où viennent les réfugiés, on finira par savoir qu'il est possible d'obtenir l'asile au Canada si on répond aux critères A, B ou C, mais pas D, E et F. Cela servira probablement à réduire le nombre de demandeurs qui arrivent, étant donné que les principes seront compris.
Il n'y a personne au Canada ni dans un autre pays qui est en mesure de vous dire quels sont les principes d'admission du demandeur, car les critères n'existent pas.
Les quelque 90 arbitres procèdent comme bon leur semble. Ils sont très peu encadrés. Ils ne disposent d'aucun précédent auquel ils seraient astreints; ils agissent comme bon leur semble. Ils essaient de faire leur mieux, mais leur mieux n'est pas forcément suffisant. Les juges des tribunaux supérieurs essaient aussi de faire de leur mieux, mais nous disposons de cours d'appel parce que, parfois, ils font des erreurs.
La présidente : J'étais là au moment où le projet de loi sur l'immigration a été adopté, et je me demande si nos témoins peuvent me rappeler quelque chose. Je crois comprendre que le gouvernement de l'époque, en 2001, n'a pas inclus dans le texte la Section d'appel des réfugiés. C'était une proposition d'un comité de la Chambre des communes. Est-ce bien ça?
[Français]
Mme Demers : Madame la présidente, je ne peux vraiment pas vous répondre. Mais je vous promets de trouver la réponse et de vous la faire parvenir.
[Traduction]
La présidente : D'après mon souvenir, cela s'est fait après l'étape de l'étude à la Chambre. Je me trompe peut-être; c'était il y a un moment déjà.
Le sénateur Goldstein : Cela m'étonne. C'est peut-être le cas, mais le président de la Commission de l'époque est venu nous dire que la diminution du quorum — de deux commissaires à un seul, modification incarnée dans le projet de loi — serait compensée par la création d'une section d'appel. Je ne crois pas que ce soit un comité qui y ait pensé après coup; c'était un élément du projet de loi parrainé par le gouvernement au départ.
La présidente : Nous pouvons obtenir une précision là-dessus en demandant à nos recherchistes de parcourir le témoignage.
Le sénateur Goldstein : Votre recherchiste est excellente. Vous n'aurez donc pas de difficulté à trouver cette réponse- là.
Le sénateur Di Nino : Cela ne fait aucun doute, ce projet de loi incarne un principe louable. J'aurais beaucoup de difficulté à trouver quiconque pour s'y opposer au Parlement. Cependant, ce qu'on fait valoir ici, c'est que les quatre ministres précédents, et puis la ministre en place aujourd'hui, ont affirmé que l'introduction du projet de loi servirait à aggraver la situation. Je crois que les deux anciens ministres ont déclaré que la mise en place du système d'appel immobiliserait entièrement le système. Nous devons faire inscrire au compte rendu le fait que, selon les gens qui ont eu la responsabilité de la question en tant que ministres, l'adoption de ce projet de loi servirait, en fait, à aggraver la situation. Comme vous l'avez dit, « justice différée est justice refusée ».
J'ai une question à poser au parrain du projet de loi. La question des dispositions transitoires ne figure pas dans le projet de loi. La question de savoir qui serait admissible à ce nouvel appel a été soulevée. Certains se soucient de l'éventualité, avec l'entrée en vigueur de cette loi, que toutes les causes rejetées depuis 2001 puissent faire l'objet d'un appel. Cela voudrait dire plus de 40 000 personnes.
Connaissez-vous la réponse à cette question-là?
Le sénateur Goldstein : Le projet de loi comporte déjà des dispositions transitoires; par conséquent, il n'est pas nécessaire que ce projet de loi-ci renferme des dispositions transitoires. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés comporte déjà des dispositions transitoires du fait de la création du tribunal d'appel qui y étaient envisagées. Même s'il est très important de poser cette question-là, car il faut que les choses soient claires, je crois que le projet de loi lui-même répond à la question.
Le sénateur Di Nino : Avec la présentation du projet de loi C-280 — je n'ai pas affirmé que ce projet de loi ne comportait pas de bienfaits transitoires; de fait, il n'en a pas été question —, tous les demandeurs déboutés depuis sept ou huit ans auront-ils le droit d'en appeler de la décision rendue dans leur cas?
Le sénateur Goldstein : Non, ils ne l'auront pas. Dans un monde idéal, j'aimerais qu'ils disposent de ce droit, mais ce n'est pas ce que dit la loi.
Je reviendrai à ce que vous avez dit plus tôt — le fait que tous les ministres ont affirmé d'une manière ou d'une autre que c'est une mesure qui ne convient pas forcément à la situation. Je vais citer deux ministres en particulier. Il y a entre autres la ministre Caplan :
En regroupant plusieurs étapes et critères de protection sous le pouvoir de décision unique de la Commission d'immigration et du statut de réfugié, et en combinant l'utilisation accrue de groupes spéciaux à membre unique au processus d'appel interne par écrit fondé sur le mérite, le projet de loi fera en sorte que les demandes du statut de réfugié puissent faire l'objet de décisions plus rapides et plus équitables.
Ce ne sont pas tous les ministres qui affirment qu'il ne faut pas s'attaquer à cette question, loin de là. Certains ministres ont déclaré qu'ils veulent s'y attaquer.
M. Volpe a déclaré que, même s'il ne ferme pas la porte à l'idée d'une section d'appel des réfugiés, il ne voyait tout simplement pas en quoi ça comportait le même degré d'urgence que certaines autres priorités à l'époque; il y avait une augmentation du nombre de réfugiés dans le système.
Sauf le grand respect que je dois à M. Volpe, que j'adore — c'est un être merveilleux —, dites-moi s'il y a quelque logique dans cette déclaration. Il ne voit pas l'urgence. Tout le monde voit l'urgence.
Le sénateur Di Nino : À titre de précision, le ministre Volpe a voté contre ce projet de loi à la Chambre des communes. Cela devrait être inscrit dans le compte rendu aussi.
Le sénateur Jaffer : Sénateur Goldstein, vous avez dit plus tôt que la Cour fédérale procéderait à un examen très étroit. Pour le compte rendu, j'aimerais que vous précisiez en quoi la Section d'appel des réfugiés serait différente. Jusqu'où irait son champ d'application et pourquoi le procédé envisagé serait-il meilleur?
Le sénateur Goldstein : La Cour fédérale se penche sur la forme de la demande et sur la forme de décision rendue par un tribunal inférieur. Elle ne se penche pas sur le fond de la demande. C'est un champ d'application très étroit.
Le sénateur Oliver : C'est ce qu'elle fait, très exactement et précisément.
Le sénateur Goldstein : Tout à fait. Vous avez dit juste, sénateur Oliver : c'est un recours en cassation et non pas un procédé d'appel. Le procédé d'appel permettrait au demandeur de faire réexaminer sa demande sur le fond. La question est trop importante pour qu'une seule personne décide du sort d'un réfugié.
Si vous le permettez, je vais réagir aux commentaires du sénateur Di Nino. Il est vrai que le ministre Volpe et d'autres ont voté contre le projet de loi C-280, au moment où ce dernier s'est trouvé à la Chambre des communes. Cependant, il a voté en faveur du projet de loi en 2001, tout comme tous les autres ministres et le reste des gens, au moment où la création de la Section d'appel figurait dans le projet de loi, projet de loi qu'ils ont parrainé et adopté.
La présidente : Merci, madame Demers et sénateur Goldstein. Vous avez assez bien supporté le contre- interrogatoire.
Nous commençons à peine à examiner le projet de loi C-280 sur le fond; vous allez donc, j'en suis convaincue, surveiller la progression des travaux du comité à ce sujet. Nous vous remercions d'être venus présenter une déclaration liminaire.
Je souhaite la bienvenue à notre prochain groupe de témoins, qui nous vient de Citoyenneté et Immigration. Ce sont Mme Andrea Lyon et M. Dick Graham; puis de l'Agence des services frontaliers du Canada, Mme Susan Kramer. Je présume que vous avez une courte déclaration liminaire à faire sur les orientations que l'étude par le comité du projet de loi C-280 mettent en jeu.
Andrea Lyon, sous-ministre adjointe, Politiques stratégiques et programmes, Citoyenneté et Immigration Canada : Merci, madame la présidente, et honorables sénateurs, de l'occasion que vous m'offrez de vous adresser la parole aujourd'hui. Je suis accompagnée de Dick Graham, directeur général par intérim à la Direction générale des réfugiés à CIC. Aux côtés de mon collègue de l'Agence des services frontaliers du Canada, nous répondrons à vos questions une fois que j'aurai formulé mes quelques observations succinctes.
Le comité a pris connaissance des préoccupations du gouvernement au sujet du projet de loi C-280 et sait que le gouvernement s'y oppose.
Les Canadiens peuvent être fiers de notre système d'octroi de l'asile pour les personnes se trouvant au Canada et de notre tradition humanitaire. Le Canada va au-delà de ses engagements internationaux et des exigences énoncées dans la Charte des droits et libertés.
En vertu du droit international, le gouvernement du Canada a l'obligation de ne pas expulser ou renvoyer une personne vers un pays où elle serait exposée à un risque de persécution, de torture ou de mort. En remplissant ces obligations, nous évaluons les demandes d'asile présentées par des personnes qui disposent de nombreux recours pour faire la preuve qu'elles ne doivent pas être renvoyées du Canada. Elles ont accès à la Section de la protection des réfugiés, au SPR, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la CISR, où des décideurs indépendants bien formés et bien informés entendent ce qu'elles ont à dire et prennent connaissance de l'information soumise à l'appui de leurs allégations. Actuellement, environ 14 mois en moyenne s'écoulent entre le moment où la CISR reçoit une demande et le moment où une décision est rendue. De même, les demandeurs d'asile peuvent demander un examen des risques avant renvoi, l'ERAR. Contrairement aux dispositions sur la Section d'appel des réfugiés du projet de loi C-280, l'ERAR permet la présentation de nouveaux éléments de preuve dont la CISR n'avait pas pris connaissance lors de l'audience. Les personnes qui demandent un ERAR peuvent rester au Canada pendant le processus. Actuellement, environ neuf mois sont nécessaires pour traiter une demande d'ERAR.
Les demandeurs d'asile peuvent présenter une demande en vue de rester au Canada pour des circonstances d'ordre humanitaire, notamment lorsqu'ils sont exposés à un risque. Des demandeurs d'asile présentent en effet des demandes de ce genre, et bon nombre d'entre elles sont acceptées. Environ la moitié des personnes qui demandent la résidence permanente pour des circonstances d'ordre humanitaire sont des demandeurs d'asile déboutés.
Enfin, les demandeurs d'asile déboutés peuvent présenter une requête pour faire autoriser un contrôle judiciaire sur chacune des décisions rendues à leur sujet. Chaque demande d'autorisation ajoute au moins quatre mois au processus. Si la personne présente une telle demande au sujet de chaque décision rendue à son égard, son séjour au Canada peut se prolonger d'une autre année et même plus. Si la Cour fédérale accueille chacune des demandes d'autorisation, une autre année en moyenne s'écoule avant la fin du processus. Actuellement, environ 76 p. 100 des demandeurs d'asile déboutés présentent une requête en autorisation du contrôle judiciaire d'une décision rendue par la CISR. Seulement 2 p. 100 de ces décisions sont annulées par la Cour et renvoyées à la CISR pour qu'une nouvelle décision soit rendue. En pratique, le projet de loi C-280 ne ferait que répéter le processus.
Lorsque la Cour fédérale examine une décision rendue par la CISR, elle tient compte des questions de fait et de droit, sensiblement comme le ferait la Section d'appel des réfugiés tel que le propose le projet de loi C-280. La Cour fédérale peut renvoyer des dossiers à la CISR en cas d'erreurs de fait déraisonnables. Elle a déjà renvoyé des dossiers par suite d'erreurs liées à la crédibilité d'un demandeur, à des allégations de nature médicale ou de persécution fondée sur le sexe, ainsi qu'à la capacité du demandeur à obtenir la protection de l'État. Encore une fois, ce pouvoir est semblable à celui qui est proposé dans les dispositions relatives à la Section d'appel des réfugiés.
Habituellement, les demandeurs d'asile restent au Canada pendant que le contrôle judiciaire se fait. Pendant cette période, ils continuent de bénéficier de divers avantages offerts par les provinces, notamment le droit de fréquenter un établissement d'enseignement et la possibilité d'obtenir des prestations d'aide sociale. Ils ont notamment accès aux services médicaux et hospitaliers offerts par le gouvernement fédéral dans le cadre du Programme fédéral de santé intérimaire.
Nous sommes tous fiers du système généreux et équitable qui est le nôtre, mais nous nous attendons aussi à ce qu'il fonctionne de manière efficiente et efficace. L'adoption des dispositions sur la Section d'appel des réfugiés dans le projet de loi C-280 ajouterait un quatrième mécanisme de recours à un processus qui est déjà long et complexe. Dans le contexte d'un nombre grandissant de demandes d'asile en attente d'une décision de la part de la CISR, l'ajout d'une étape condamnerait le système d'octroi de l'asile à faire du surplace. Tous les demandeurs d'asile qui seront déboutés par la Section d'appel des réfugiés pourront, tel qu'il est prévu dans le projet de loi C-280, demander à la Cour fédérale l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision.
La mise en œuvre des dispositions sur la SAR nécessiterait l'injection de dizaines de millions de dollars, y compris les frais de mise en marche ainsi que les frais d'exploitation permanents. Ces coûts devraient être assumés par les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que par les administrations municipales puisque les demandeurs d'asile continueraient de bénéficier de différents avantages, dont l'aide sociale. Nous estimons qu'un demandeur d'asile qui n'a accès qu'au système d'octroi de l'asile et à l'ERAR, qui présente une demande d'autorisation à la Cour fédérale et qui est débouté à chacune des étapes peut rester au Canada pendant environ trois ans. Selon la situation, une demande pour des circonstances d'ordre humanitaire peut ajouter jusqu'à deux années supplémentaires au processus. En supposant que la SAR bénéficierait d'un nouveau départ, sans arriéré à sa première journée d'existence, et qu'elle compterait sur une équipe de décideurs bien formés déjà en place, l'ajout de ce mécanisme se traduirait par l'addition d'au moins cinq mois au processus d'octroi de l'asile, qui est déjà long.
Un dernier point à souligner est le fait que le nombre de demandes d'asile a grimpé de 19 000 à 28 000 au cours des deux dernières années. À la lumière de l'augmentation du nombre de demandes reçues au cours des deux premiers mois de 2008, nous prévoyons recevoir jusqu'à 40 000 demandes d'asile cette année. En tenant compte de cette réalité, nous pouvons imaginer que la mise en œuvre de la Section d'appel des réfugiés entraînerait la mise en suspens du système. Nous constatons d'ores et déjà un nombre important et croissant de demandeurs d'asile originaires de pays qui ne sont habituellement pas une source de réfugiés authentiques, en ce sens que le taux d'acceptation des demandes d'asile présentées par des ressortissants de ces pays est très bas. Cela signifie que bon nombre d'entre eux viennent au Canada pour bénéficier des avantages que le pays a à leur offrir en contournant le processus d'immigration habituel, et ils sont si nombreux que le système d'octroi de l'asile risque d'être submergé.
Je laisse à mon collègue de l'ASFC le soin de vous expliquer les problèmes qui découleraient de l'ajout de la Section d'appel des réfugiés pour les futurs projets en matière de renvoi de l'agence. Nous croyons savoir que les répercussions seront considérables.
L'ajout d'une étape à un processus déjà onéreux et chronophage ne serait pas équitable pour les contribuables ni pour les réfugiés qui ont besoin de notre aide. Pour ces raisons-là, le gouvernement du Canada n'appuie pas le projet de loi C-280.
Susan Kramer, directrice, Exécution de la loi à l'intérieur du Canada, Agence des services frontaliers du Canada : Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui et de vous communiquer de l'information sur l'exécution de la loi de l'immigration rattachée à la mise en œuvre de la Section d'appel des réfugiés, ou SAR.
Le Canada s'est doté d'un système reconnu dans le monde entier pour assurer la protection des personnes qui fuient la persécution, la torture ou la mort dans leur pays d'origine. Ces personnes peuvent présenter une demande d'asile qui est évaluée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. De plus, les personnes faisant l'objet d'une mesure de renvoi ont également le droit de présenter une demande d'examen des risques avant renvoi par Citoyenneté et Immigration Canada. Enfin, elles peuvent également faire une demande de résidence permanente au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire auprès de Citoyenneté et Immigration Canada.
Les demandeurs déboutés ont droit à l'application régulière de la loi dans leur cas. Ils peuvent demander à la Cour fédérale de réviser toute décision rendue en vertu de l'un de ces processus. Dans le cas d'une demande d'asile rejetée, l'examen du cas par la Cour fédérale s'apparente en tous points à l'examen sur dossier effectué par la Section d'appel des réfugiés.
L'ajout d'un autre mécanisme d'appel au système de détermination du statut de réfugié aura une incidence sur l'intégrité du programme pour les réfugiés. Les demandeurs ont déjà accès à de nombreux processus pour éviter d'être renvoyés du pays lorsqu'ils risquent la persécution, la torture ou la mort dans leur pays d'origine.
Ce processus d'appel servira non seulement à prolonger le délai pour ce qui est de rendre une décision finale, mais il affaiblira aussi le système, étant donné qu'un plus petit nombre de personnes seront renvoyées en temps voulu du Canada. On prévoit que la majorité des personnes ayant le droit d'interjeter appel d'une décision auprès de la Section d'appel des réfugiés le feront, et que cela entraînera une augmentation importante du nombre de cas en souffrance. Par ailleurs, ce nouveau processus risque d'attirer davantage de demandeurs d'asile au Canada, conscients qu'il faudra plus de temps pour les renvoyer en cas de rejet de leur demande. Enfin, les membres de la Section d'appel des réfugiés se verront octroyer des pouvoirs que même les juges de la Cour fédérale ne détiennent pas, en particulier le pouvoir de substituer leur décision à eux à la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés.
En vertu de la législation sur l'immigration, l'ASFC a l'obligation de renvoyer dès que possible tout étranger qui fait l'objet d'une mesure de renvoi exécutoire. On peut présumer en tout état de cause que la totalité des personnes qui ont le droit d'interjeter appel d'une décision de détermination du statut de réfugié se prévaudront de ce droit. En d'autres termes, le renvoi des personnes ayant reçu une décision négative peut être porté de cinq mois à plusieurs années. En ce moment, il faut compter en moyenne deux ans et demi pour renvoyer du Canada une personne dont la demande d'asile a été rejetée. L'implantation de la Section d'appel des réfugiés portera cette moyenne à trois ans. Bien que l'ASFC respecte le droit d'une personne à interjeter appel d'une décision, si le projet de loi C-280 est adopté, il entraînera des retards importants dans le processus de renvoi des demandeurs d'asile déboutés. En augmentant d'au moins cinq mois la durée du processus d'envoi, un appel interjeté auprès de la Section d'appel des réfugiés constitue un autre défi à relever, étant donné qu'il est plus difficile de renvoyer une personne lorsqu'elle est demeurée au Canada pendant un certain temps. Tous les ans, l'ASFC renvoie de 10 000 à 12 000 personnes afin de maintenir l'intégrité des programmes pour les réfugiés et l'immigration. En renvoyant des personnes qui n'ont pas besoin de protection, l'ASFC s'assure que seules les personnes qui en ont réellement besoin sont autorisées à demeurer au Canada. Au cours des cinq dernières années, entre 70 et 75 p. 100 des renvois effectués par l'ASFC visaient des demandeurs d'asile déboutés.
La mise en œuvre de la Section d'appel des réfugiés entraînera une baisse des renvois, car il y aura moins de personnes qui s'ajouteront à la réserve courante de cas à traiter, et parce qu'il est plus difficile de procéder à un renvoi au fur et à mesure que le temps passe. Actuellement, l'ASFC compte une réserve d'environ 20 000 cas. Si la Section d'appel des réfugiés est mise en œuvre, ce nombre sera réduit d'environ 50 p. 100, selon les estimations de l'ASFC. Le nombre de renvoi diminuera de façon significative si la réserve courante de cas diminue de 50 p. 100 étant donné que, chaque année, les trois quarts des renvois de l'ASFC visent des demandeurs d'asile déboutés. Nous estimons que, pour la première année, le nombre des renvois en souffrance sera ramené à 7 000 cas environ, contre 12 302 cas seulement. Ce nombre augmentera vraisemblablement dans les années futures, mais ne reviendra probablement pas aux niveaux actuels en raison de la baisse initiale du nombre de renvois en souffrance, étant donné qu'à l'avenir, les demandeurs d'asile déboutés continueront d'interjeter appel de la décision auprès de la Section d'appel des réfugiés. Or, il est peu probable que le processus décisionnel de la Section soit en mesure de demeurer à jour avec le nombre des nouvelles demandes reçues.
Point encore plus important, la mise en œuvre de la Section d'appel des réfugiés retardera le renvoi de 3 à 4 p. 100 environ des demandeurs d'asile déboutés, qui sont considérés comme des renvois prioritaires pour l'ASFC. Il s'agit notamment de personnes qui posent un risque pour la sécurité nationale, qui sont impliqués dans le crime organisé, qui ont participé à des crimes contre l'humanité ou qui sont des criminels.
Les responsables du programme des renvois éprouvent de nombreuses difficultés à renvoyer les personnes qui sont interdites de territoire au Canada. L'ASFC doit relever des défis pour procéder au renvoi effectif d'une personne du Canada, par exemple, pour obtenir des documents de voyage, retrouver des personnes non coopératives qui se cachent, attendre qu'une personne ait purgé une peine d'emprisonnement et respecter le droit de la personne à une procédure de recours. Ajouter un mécanisme supplémentaire d'appel aura non seulement pour effet de retarder le processus de renvoi d'au moins cinq mois, mais aussi d'amplifier les difficultés déjà importantes que l'on éprouve pour renvoyer des personnes du Canada.
La mise en œuvre de la Section d'appel des réfugiés est également coûteuse. Il faudra des millions pour engager et former de nouveaux agents d'audience. Durant la deuxième lecture au Sénat du projet de loi C-280, on a proposé de retarder la mise en œuvre de 180 jours à partir de la date de la sanction royale. Bien que l'ASFC accueille favorablement ce report, ce serait encore insuffisant pour engager et former de nouveaux agents d'audience et établir des processus efficaces pour la Section d'appel des réfugiés.
Le système de détermination du statut de réfugié du Canada est déjà équitable et généreux. Les critiques affirment que le système actuel est trop lent; si l'on ajoute un mécanisme supplémentaire d'un plus long processus, on ne fera que ralentir davantage les procédures.
Le sénateur Di Nino : Vous étiez là au moment où nous avons discuté avec le parrain du projet de loi à la Chambre et avec le parrain du projet de loi au Sénat, le sénateur Goldstein.
Le message que je veux véhiculer clairement, c'est que le gouvernement en place n'essaie pas de jouer les méchants. Ce qui me frappe, c'est que plusieurs ministres de l'Immigration, trois du gouvernement précédent et deux du gouvernement actuel, ont affirmé que le système fonctionne aussi bien qu'il le peut. Ils l'ont qualifié d'équitable et ont affirmé qu'il s'agit probablement d'un des meilleurs qui soient dans le monde, et que le fait d'ajouter un niveau aura pour effet de créer d'autres retards et d'autres problèmes. En effet, ça ne servira pas les principes louables qui consistent à accepter plus de gens et à traiter plus rapidement leur demande.
Mme Lyon : Certaines des préoccupations que vous avez soulevées concordent tout à fait avec le point de vue du gouvernement, comme mon collège de l'ASFC vient de l'expliquer. Vous avez tout à fait raison de signaler que le système canadien jouit d'une excellente réputation internationale, pour le fait d'être équitable et généreux. Le système fonctionne raisonnablement bien et, selon nous, il offre de multiples possibilités pour les demandeurs d'asile de faire valoir leur cause et de la faire examiner à la Cour fédérale. L'ajout d'un niveau d'examen de plus, comme vous l'avez souligné, supposerait des heures de travail et des coûts supplémentaires, et servirait à contraindre le système encore plus, ce qui n'est pas dans notre intérêt et ce qui n'est certainement pas dans l'intérêt des réfugiés.
Le sénateur Di Nino : J'ai deux questions techniques à poser rapidement. Le projet de loi C-280 ne prévoit pas la mise en œuvre de l'article 73, qui permettrait au ministre de profiter lui aussi du droit d'en appeler de la décision à la suite de l'ERAR. On nous a dit qu'il n'est pas nécessaire de procéder ainsi, étant donné que le système permet au ministre, si cela est sa volonté, de mettre en œuvre l'article 73. Est-ce juste de dire cela selon vous?
Dick Graham, directeur général par intérim, Direction générale des réfugiés, Citoyenneté et Immigration Canada : Oui, il est vrai que le gouvernement pourrait mettre en œuvre l'article en question et le faire entrer en vigueur le jour même où le projet de loi est adopté.
Le sénateur Di Nino : Nous avons parlé de la question des dispositions transitoires. Si ce projet de loi était mis en œuvre, aurions-nous cet énorme arrérage remontant à 2001 et à 2002, et qui ajouterait de 40 000 à 50 000 personnes?
Mme Lyon : À nos yeux, pour le système transitoire, il faudrait préciser si ce potentiel existe.
M. Graham : Les dispositions qui avaient été incluses dans la version originale de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, ne s'appliquent pas au contexte d'aujourd'hui, car elles renvoyaient à un délai, soit le 28 juin 2002. Elles ne s'appliquent plus au projet de loi qui est proposé. Il faudrait y intégrer autre chose, sinon, le jour où la loi est proclamée, ça entrerait en vigueur et il y aurait toutes sortes de gens qui soit seraient en mesure d'en appeler de la décision, soit se croiraient en mesure de le faire. C'est là une de nos préoccupations : il y a un groupe, depuis juin 2002 jusqu'à aujourd'hui, dont les membres ont présenté des demandes et ont été déboutés. Une grande partie de ce groupe croit peut-être avoir le droit d'en appeler. Les gens en question présenteraient une demande, et leurs avocats seraient prêts à les accompagner et, au départ, la Commission serait submergée de demandes. Elle sera alors en mesure de les refuser et de s'adresser à la Cour fédérale pour savoir si, oui ou non, les gens en question ont le droit de demander cela. Alors que, en temps normal, la common law confirmerait peut-être notre point de vue, ici nous n'en sommes pas certains et nous ne savons pas ce que détermineraient les tribunaux.
Le sénateur Di Nino : Ce que différentes personnes ont fait valoir, y compris les ministres d'hier et d'aujourd'hui, c'est que nous faisons face à un problème : nous avons déjà un arrérage de 900 000 personnes et plus dans le système, dont un bon nombre du côté des réfugiés. S'il n'y avait pas un arrérage à ce point énorme, est-ce que votre position serait la même?
Mme Lyon : Je crois qu'il faut regarder quels sont les recours de base qui s'offrent aux demandeurs d'asile. Notre position serait la même, compte tenu des possibilités considérables offertes aux réfugiés. Ces derniers ont un recours à diverses étapes, à la CISR et jusqu'à l'ERAR, sans oublier les motifs d'ordre humanitaire, puis la Cour fédérale et, à un moment donné peut-être, la Cour d'appel fédérale, si ce sont des questions systémiques qui sont en jeu. Ils ont toutes sortes de possibilités de faire valoir leur cause.
Le sénateur Jaffer : Je veux vous remercier les trois d'être venus témoigner. Je suis au courant du très bon travail que vous faites. Vous sauvez des vies. Je vous ai entendu dire bon nombre de fois à quel point notre système est équitable et généreux, mais je ne vous ai jamais entendu dire qu'il était parfait. Je crois que vous devez être d'accord avec moi quand je dis qu'il y a des erreurs qui surviennent.
Mme Lyon : Je ne considère aucun système comme étant parfait.
Le sénateur Jaffer : C'est ce dont nous parlons : d'un système qui n'est pas parfait. Alors, comment nous assurer qu'il y a un recours? N'est-ce pas de cela que nous parlons?
Mme Lyon : Certainement.
Le sénateur Jaffer : Les trois procédés d'appel ont fait l'objet de discussions. Si je saisis bien la situation — et je vous prie de me corriger si je me trompe —, l'examen des risques avant renvoi vise à déterminer si la personne peut être torturée ou persécutée si elle est renvoyée dans son pays. Le centre d'intérêt, c'est d'abord et avant tout les conditions dans le pays où il serait renvoyé. C'est ça l'examen, n'est-ce pas?
M. Graham : Pour ce qui touche l'examen des risques avant renvoi, autrement que pour les gens qui sont considérés comme des auteurs de crime graves ou des membres du crime organisé, des risques pour la sécurité, pour quelqu'un d'autre, ce sont les mêmes critères tout à fait que ceux de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Les responsables se reportent à la Convention de Genève, qui traite des gens qui peuvent craindre la persécution pour des motifs liés à la religion ou à d'autres croyances, pour l'appartenance à un groupe social. Ils se reportent aussi à la Convention contre la torture et à certaines parties de la Charte canadienne des droits et libertés, à propos de la possibilité que les gens soient soumis à des traitements cruels et inusités dans leur pays.
La réponse est non. De fait, les critères présidant à l'examen sont exactement les mêmes.
Le sénateur Jaffer : Si je comprends bien, on examine ce qui suit : si la personne est renvoyée dans son pays, sera-t- elle soumise à la persécution, à la torture ou à la mort? C'est ce qui est examiné, n'est-ce pas?
M. Graham : Il s'agit des mêmes critères d'évaluation que ceux de la CISR, qui incluent également la persécution au sens de la Convention de Genève. L'article 112 de la loi précise qui peut présenter une demande. Les critères sont identiques. On examine exactement la même chose. Il ne s'agit pas seulement de la convention contre la torture, excepté les personnes qui ont commis des actes criminels graves, qui sont membres d'organisations criminelles ou qui sont des terroristes, et ainsi de suite. Sinon, l'information qu'on vous a donnée est inexacte.
Le sénateur Jaffer : Ça fait un petit bout de temps que je ne me suis pas occupée de ces choses, alors je me suis peut- être trompée. Lorsque je m'occupais de ça, nous expliquions aux membres de la Commission ce qui était arrivé à ces gens lorsqu'ils se trouvaient dans le pays, et non ce qui allait leur arriver. Les critères sont différents, non?
M. Graham : Non, les critères sont les mêmes. La seule différence, c'est que, à l'ERAR, la personne est autorisée à présenter de nouveaux éléments de preuve. Ce n'est pas un appel; en fait, c'est une nouvelle audience. Il y a de nouveaux éléments de preuve en rapport avec le cas, et la personne concernée peut les présenter avant que l'agent chargé de l'ERAR rende une décision.
Je sais qu'une critique qu'on formule souvent à l'endroit de l'ERAR, c'est que le taux d'admission est faible. Je ne pense pas qu'il s'agit vraiment d'une critique. C'est plutôt la preuve que la Commission rend de bonnes décisions. Nous constatons que, lorsqu'une deuxième organisation revoit les décisions de la Commission, celles-ci ont tendance à être confirmées.
Le sénateur Jaffer : Ce n'est pas une audience. C'est un examen des documents, n'est-ce pas?
M. Graham : Tout comme ça va être le cas de la Section d'appel des réfugiés. La Section d'appel des réfugiés ne tiendra pas une audience; elle va procéder à l'examen des documents.
Le sénateur Jaffer : Ce n'est pas comme la première instance.
M. Graham : Sauf que dans le cas de l'ERAR, il peut y avoir une audience. S'il y a une question de crédibilité en cause, on invite la personne concernée à témoigner, et celle-ci a donc le droit de répondre à toute question liée à sa crédibilité.
Le sénateur Jaffer : Connaissez-vous la proportion des cas où l'on invite la personne à témoigner?
M. Graham : Je n'ai pas cette information.
Le sénateur Jaffer : Pourriez-vous nous la fournir?
M. Graham : Oui.
Le sénateur Jaffer : L'option des motifs humanitaires n'a rien à voir avec ce que la personne a vécu dans son pays d'origine. Grosso modo, c'est un processus plus important. La personne va-t-elle bien s'intégrer dans notre pays? A-t- elle un emploi? Est-elle établie ici? C'est un processus plus important que le précédent, n'est-ce pas?
M. Graham : Oui, le processus est plus important. Il porte entre autres sur le risque. Les gens qui présentent des demandes pour motifs humanitaires peuvent également inclure dans ce processus — et la plupart des demandeurs du statut de réfugié le font — la possibilité qu'ils soient torturés ou maltraités s'ils retournent dans leur pays d'origine. Le risque fait partie de cette évaluation plus générale que la précédente. L'agent chargé de rendre une décision envisage de nombreux éléments.
Le sénateur Jaffer : C'est quelque chose d'un peu différent de l'audience. Il ne s'agit pas vraiment d'un appel relatif à l'audience de la CISR.
M. Graham : Non, ce n'est pas un appel; c'est plutôt un autre système dans le cadre duquel on examine souvent la même information.
Le sénateur Jaffer : Ainsi que d'autres renseignements?
M. Graham : Oui.
Le sénateur Jaffer : Vous avez entendu le sénateur Goldstein parler aujourd'hui du fait que la Cour fédérale lorsqu'elle examine un appel, se penche moins sur le bien-fondé de la cause que sur la forme de l'appel. Êtes-vous d'accord avec ce qu'il a dit?
M. Graham : Non, parce que la loi en soi précise quelles parties la Cour fédérale examine. Selon le projet de loi C- 280, elle va se pencher sur les erreurs commises relativement à des questions de droit ou de fait. Les deux textes sont très semblables.
L'article 110 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés se lit ainsi :
La personne en cause et le ministre peuvent, conformément aux règles de la Commission, en appeler — sur une question de droit, de fait ou mixte — à la Section d'appel des réfugiés de la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande d'asile ou la décision rejetant la demande du ministre visant soit la perte de l'asile, soit l'annulation d'une décision ayant accueilli la demande d'asile.
La Loi sur la Cour fédérale précise la même chose.
Le sénateur Jaffer : C'est ce que précise la Loi sur la Cour fédérale. Si j'ai bien compris ce qu'a dit le sénateur Goldstein, la Section d'appel des réfugiés examinerait le bien-fondé du cas, ce que la Cour fédérale ne fait pas.
M. Graham : Ce n'est pas ce que précise l'article 110, qui entrera en vigueur avec l'adoption du projet de loi. L'article parle d'une « [...] question de droit, de fait ou mixte [...] ». Il ne précise rien d'autre.
Le sénateur Jaffer : C'est la raison pour laquelle il s'agit d'un processus distinct. Ce n'est pas comme la répétition d'un processus, la Section d'appel des réfugiés. Celle-ci se pencherait sur le bien-fondé d'un cas plutôt que sur la seule forme, comme le fait la Cour fédérale lorsqu'elle examine l'affaire.
M. Graham : Selon moi, l'examen effectué par la Cour fédérale et l'article 110 sont très semblables. Il n'y a pas de différence quant à ce qu'on examine. On examine le dossier; on ne peut tenir compte de nouveaux renseignements.
Le sénateur Jaffer : Exactement, on examine le dossier.
Il y a quelque chose qui me préoccupe davantage, et c'est le fait que le Parlement a adopté la loi en question en 2001 en fonction du fait que Peter Schowler avait pris un engagement, je crois. Je sais comme vous que, auparavant, lorsqu'un seul commissaire entendait une cause, il fallait obtenir le consentement du demandeur avant de procéder. Depuis l'adoption de la loi, un seul commissaire peut entendre une cause. Cependant, je pense qu'il y avait dans la loi en tant que telle un engagement à permettre au demandeur de faire examiner le bien-fondé de la cause par la Section d'appel des réfugiés en cas d'erreur — et rien n'est parfait. On a adopté une partie de la loi et pas l'autre. Est-ce exact?
M. Graham : Oui, on est bel et bien passé de deux commissaires à un seul.
Le sénateur Jaffer : C'est l'effet de la loi en question.
M. Graham : C'est l'effet qu'a produit la loi lorsqu'elle est entrée en vigueur en 2002. Je vous signale cependant que, avant cette loi, les demandeurs pouvaient choisir. Ils pouvaient faire entendre leur cause par un ou deux commissaires.
En 1994-1995, environ 96 p. 100 des demandeurs optaient pour une audience à deux commissaires. En 2002, au moment où la loi a été abrogée, la proportion était d'environ 42 p. 100 à la commission. En d'autres termes, moins de la moitié des demandeurs optaient pour une audience à deux commissaires. Ils choisissaient le service plus rapide que leur offrait une audience à un seul commissaire.
D'après la CISR, la façon dont le système fonctionnait lorsqu'il y avait deux commissaires, c'était que si l'un des deux déclarait que le demandeur était un réfugié, celui-ci obtenait le statut de réfugié. Si la décision était partagée, le demandeur obtenait le statut de réfugié. En réalité, il y a eu une décision partagée dans moins de 1 p. 100 des affaires entendues par deux commissaires. Dans le cas des 99 et quelque pour cent qui restent, les commissaires étaient du même avis. Lorsqu'on est passé de deux commissaires à un, l'effet a donc été minime.
Le sénateur Jaffer : Je ne comprends pas votre raisonnement.
M. Graham : Dans moins de 1 p. 100 des cas...
Le sénateur Jaffer : Je comprends ce que vous dites, mais ça ne signifie qu'une chose, c'est-à-dire que dans 1 p. 100, 2 p. 100, 3 p. 100 ou peu importe le pourcentage des affaires donnant lieu à un désaccord, il y avait un mécanisme de protection.
M. Graham : Oui, pour moins de 1 p. 100 des affaires.
Le sénateur Jaffer : Ça n'a pas d'importance — si ça permettait de sauver les gens dans 1 p. 100 des cas, c'est mieux que de ne pas sauver ces vies.
J'aimerais poser une question à Mme Kramer. Je viens de la Colombie-Britannique, et je pense que l'ASFC fait du très bon travail dans cette province. Cependant, la crédibilité de l'organisation a souffert récemment d'une décision que les représentants de l'organisation n'ont pas le choix de prendre, je pense. Ils n'ont pas pu faire leur travail. Ils se sont rendus à l'endroit où se trouvait une personne qui devait être expulsée, et ils n'ont pas pu expulser cette personne.
Je suis désolé pour ces agents, qui ont une description de travail précise, mais qui ne peuvent faire leur travail parce que les citoyens pensent que le demandeur n'a pas eu droit à une audience adéquate. Ne pensez-vous pas que vos agents seraient en mesure de faire un meilleur travail si la Section d'appel des réfugiés était mise en place?
Mme Kramer : Évidemment, je ne peux parler d'éléments précis d'une affaire. Merci de vos compliments; c'est vrai que les agents travaillent très dur sur le terrain.
Dans certains cas, lorsqu'il s'agit d'expulser une personne, rien ne sert d'aller trop vite; il vaut mieux prendre son temps et bien faire les choses, pour qu'il n'y ait pas de critique. Notre priorité, c'est lorsqu'une personne pose une menace pour la sécurité nationale, fait partie d'une organisation criminelle, a commis des crimes contre l'humanité ou a posé des actes criminels; dans ces cas, nous réagissons rapidement.
Pour ce qui est de la mise sur pied de la Section d'appel des réfugiés, il existe actuellement un certain nombre de mécanismes et de possibilités pour les personnes qui interjettent appel de ce genre de décisions. De plus, il y a l'évaluation des risques avant le renvoi et la possibilité pour la personne concernée de demander le statut de résident permanent du Canada pour motifs d'ordre humanitaire, de façon à s'assurer que toutes les possibilités sont là et que ce sont les bonnes décisions qui sont prises.
Le sénateur Jaffer : Comme vous le savez, j'ai posé des questions sur les motifs d'ordre humanitaire et sur l'évaluation des risques avant le renvoi — on n'examine pas vraiment le bien-fondé de la cause dans ces cas-là, comme le ferait la Section d'appel des réfugiés.
Mme Kramer : Je renvoie la question à ma collègue de CIC, parce que c'est cette organisation qui est responsable de ces deux processus.
Mme Lyon : Notre réponse figure déjà au compte rendu, et c'est que nous pensons que l'organisation offrirait des recours semblables.
Le sénateur Goldstein : Je vais essayer de faire ça vite, madame la présidente. En février 2002, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a déclaré :
Dès que les faits d'une situation individuelle sont disputés, le cadre d'une procédure efficace devrait permettre leur révision. Puisque même les meilleurs des décideurs peuvent se tromper en rendant leur jugement, et compte tenu des dangers potentiels pour la vie des personnes qui résultent de telles erreurs, un appel sur le bien-fondé d'une détermination négative constitue un élément nécessaire de la protection internationale.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a déclaré :
Le HCR considère qu'un mécanisme d'appel constitue un élément fondamental et nécessaire du processus de détermination du statut de réfugié. Il permet non seulement de corriger des erreurs commises en première instance, mais aussi d'assurer un processus décisionnel cohérent. Le Canada, l'Italie et le Portugal sont les seuls pays industrialisés qui ne donnent pas aux demandeurs d'asile déboutés la possibilité de faire examiner des points de fait et de droit de la décision de la première instance.
Êtes-vous d'accord avec moi si je dis que le fait d'interjeter appel pour motifs d'ordre humanitaire n'est pas une procédure d'appel?
Mme Lyon : C'est exact.
Le sénateur Goldstein : Êtes-vous d'accord pour dire que l'évaluation des risques avant le renvoi n'est pas une procédure d'appel?
Mme Lyon : Je dirais que l'ERAR offre le même genre d'examen des faits qu'offrirait la SAR. Qu'on dise officiellement qu'il s'agit d'un appel ou non, il s'agit de réviser le même genre d'élément dans le même genre de contexte.
Le sénateur Goldstein : Le demandeur a-t-il le droit de témoigner devant un quelconque tribunal pour faire son plaidoyer dans le cas de l'évaluation des risques avant le renvoi?
Mme Lyon : Comme ma collègue l'a souligné, cette possibilité est offerte si des questions de crédibilité se posent, ce que je mettrais en opposition avec la SAR, qui n'offre pas ce genre d'audience.
Le sénateur Goldstein : N'est-il pas vrai que cette possibilité s'offre seulement si des questions de crédibilité se posent?
M. Graham : Oui, c'est le cas.
Le sénateur Goldstein : Alors nous convenons que ce n'est pas une procédure d'appel, non?
Mme Lyon : Comme je l'ai dit, je pense que si on examine le même genre de faits et de circonstances, que la chose porte le nom d'appel ou pas, c'est bel et bien un recours pour le demandeur.
M. Graham : Gardez en tête le fait que la SAR ne permet pas au demandeur de témoigner. Il ne s'agit que d'un examen des documents; il n'y a pas d'audience de la SAR.
Le sénateur Goldstein : Non, mais un avocat aurait le droit de témoigner devant la SAR.
M. Graham : Non, il s'agit d'une instruction sur dossier — aucun témoignage devant le comité.
Le sénateur Goldstein : Je ne suis sûr que c'est le cas, mais si vous me dites qu'il en est ainsi, alors il doit en être ainsi.
M. Graham : Je vous suggère de poser la question aux représentants de la CISR aussi.
Le sénateur Goldstein : Seriez-vous d'accord pour dire que le recours en vertu de la règle 29 devant la Cour fédérale n'est pas une procédure d'appel, mais qu'il s'agit plutôt d'un recours en cassation? Est-ce que l'un d'entre vous est avocat, en passant?
M. Graham : Non, mais je sais qu'il s'agit d'un examen.
Le sénateur Goldstein : C'est un examen, et ce n'est donc pas un appel, n'est-ce pas?
M. Graham : Oui.
Le sénateur Goldstein : En fait, aucun processus d'appel ne s'offre aux demandeurs déboutés, n'est-ce pas?
Mme Lyon : La vraie question, c'est la possibilité pour les demandeurs du statut de réfugié déboutés de présenter leur cause et de demander qu'on examine les faits. Un examen objectif du système canadien montrerait que le processus offre de nombreuses possibilités de faire cela précisément, entre autres jusqu'à la Cour fédérale à n'importe quel moment du processus décisionnel, avec un recours potentiel devant la Cour d'appel fédérale, si des questions systémiques sont soulevées.
Le sénateur Goldstein : Vous avez dit dans votre exposé que le processus de la Cour fédérale est « en pratique » équivalent à un appel. Vous n'avez pas dit que c'est l'équivalent d'un appel; vous avez dit « en pratique ».
Mme Lyon : Ce n'est pas l'équivalent d'un appel. Il s'agit d'une instance distincte.
Le sénateur Goldstein : Madame Kramer, vous avez dit que le processus « s'apparente en tous points » à l'examen. Cela ne signifie pas que c'est la même chose, sans quoi c'est ce que vous auriez dit.
Mme Kramer : C'est exact, mais il s'agit d'une autre possibilité de recours.
Le sénateur Goldstein : Il y en a beaucoup.
Parlons du nombre de demandeurs du statut de réfugié pour qui ces possibilités portent fruit. D'abord, quelle est la proportion de ceux-ci qui demandent une évaluation des risques après le renvoi?
M. Graham : Je ne connais pas ce chiffre, mais il est assez élevé, autour de 70 p. 100.
Le sénateur Goldstein : Combien de gens voient leur demande accueillie?
M. Graham : De 2 à 3 p. 100 environ
Le sénateur Goldstein : Quelle proportion des demandeurs présente une demande d'examen par la Cour fédérale et quelle est la proportion des demandes accueillies?
Mme Lyon : Environ 76 p. 100 des gens présentent une demande, et environ 15 p. 100 d'entre eux obtiennent l'autorisation demandée. Enfin, dans environ 2 p. 100 des cas la décision est renversée, et l'affaire est renvoyée à la CISR.
Le sénateur Goldstein : Quelle est la proportion des demandeurs du statut de réfugié qui obtiennent ce statut pour des motifs d'ordre humanitaire?
La présidente : Si vous pouvez trouver la réponse rapidement, nous allons attendre. Sinon, vous pourrez la faire parvenir par écrit.
Le sénateur Goldstein : Vous pourriez peut-être nous fournir cette réponse plus tard pour que nous ne perdions pas de temps.
Il serait donc vrai de dire que 6 p. 100 des demandeurs du statut de réfugié auraient obtenu ce statut au départ, mais que l'arbitre a commis une erreur dans leur cas.
M. Graham : D'abord, je peux répondre à votre question en vous donnant des chiffres. Quinze pour cent des demandeurs du statut de réfugié déboutés présentent une demande de résidence permanente, et environ 45 p. 100 d'entre eux l'obtiennent pour motifs d'ordre humanitaire, y compris le risque.
Le sénateur Goldstein : Si nous laissons de côté la demande de résidence permanence, qui est une autre question, puisque la Cour fédérale renvoie 2 p. 100 des cas, évidemment parce qu'elle pense que la décision prise par l'arbitre en première instance n'était pas la bonne, et puisqu'on effectue une évaluation des risques avant le renvoi dans 2 p. 100, on parle d'environ 4 p. 100 de réfugiés qui ne voient pas leur demande légitime accueillie en première instance.
M. Graham : Je ne pense pas que nous serions d'accord avec ça, parce que, tout d'abord, lorsque le tribunal renvoie le cas, c'est parce que, selon lui, il y a eu une erreur de procédure. Le tribunal ne dicte pas à l'arbitre la décision qu'il doit prendre. Il est encore possible que la personne n'obtienne pas le statut de réfugié.
Dans le cas de l'ERAR, nous permettons à la personne concernée de présenter de nouveaux éléments de preuve. C'est souvent ces nouveaux éléments de preuve qui donnent lieu à une décision différente. Ces nouveaux éléments de preuve peuvent par exemple avoir trait à un événement survenu la semaine précédente, plutôt qu'à des événements s'étant produits avant la première audience. Les critères relatifs aux nouveaux éléments de preuve sont importants dans le cadre des décisions prises à l'issue de l'ERAR.
Le sénateur Goldstein : Parlons d'autres choses que de chiffres pendant un instant. Tous les trois, vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il y a des demandeurs qui n'obtiennent pas justice en première instance. Oublions les pourcentages. Je pense qu'il est évident que c'est une question philosophique.
Y a-t-il des études sur le coût de mise sur pied de ce tribunal d'appel? Y a-t-il des études qui confirment votre affirmation selon laquelle l'existence de ce tribunal engendrerait des retards ou est-ce seulement ce que vous pensez et seulement une preuve empirique?
Mme Lyon : Pour ce qui est des coûts, nous avons des estimations de ce qu'il en coûterait au départ pour commencer à faire fonctionner le système. Ces estimations sont de l'ordre de dizaines de millions, et elles dépendent beaucoup de ce dont mon collègue a parlé, c'est-à-dire de la transition, ainsi que de l'application rétrospective ou non de ce système, et des litiges d'une quelconque nature qui en découleraient.
En ce qui concerne votre question au sujet de la répercussion sur le système dans l'ensemble, peut-être nos collègues de la CISR peuvent-ils vous donner des précisions au sujet de la période de cinq mois dont nous avons parlé. Mathématiquement, si l'on présume que tout le monde va demander un contrôle judiciaire après la mise sur pied de la SAR, ce qui a pour effet d'ajouter une année au processus, vous pouvez voir que les chiffres commencent à être très impressionnants et que les retards pourraient aussi être contraignants.
Le sénateur Goldstein : Certains d'entre nous n'envisagent pas cette question du point de vue des retards; certains d'entre nous l'envisagent du point de vue des droits humains.
Mme Lyon : Nous ne sommes pas d'accord avec ce que vous avez dit tout à l'heure, c'est-à-dire certains demandeurs n'obtiennent pas justice, parce que la possibilité de demander des examens subséquents à différentes étapes du processus pourrait bien avoir pour objectif, comme mon collègue l'a souligné, de tenir compte de nouveaux éléments de preuve relevés dans l'intervalle. On peut examiner toutes sortes de questions : des erreurs de fait, des erreurs de droit, une combinaison des deux ou encore un excès de compétence.
Je ne dirais pas nécessairement que la proportion de 2 p. 100, tant à l'ERAR qu'à la Cour fédérale, est par définition une preuve du mauvais fonctionnement du système, puisque ce n'est que ce que les chiffres donnent pour ce qui est du taux de réussite.
M. Graham : Nous prévoyons qu'il en coûtera aux provinces, qui n'ont pas vraiment voix au chapitre, environ 21 millions de dollars par année en coûts d'assistance sociale pendant ces cinq mois.
Le sénateur Poy : Merci beaucoup de vos exposés. Pour revenir sur ceux-ci, j'ai l'impression que vous vous inquiétez de l'arriéré et des chiffres qui augmentent.
Madame Lyon, dans votre exposé, vous dites qu'il y aura environ 40 000 réfugiés en 2008. Lorsque nous parlons des réfugiés, nous parlons de gens, et non de chiffres. Ce qui me dérange vraiment, c'est que nous n'allons pas mettre sur pied la SAR parce que nous voulons faire baisser les chiffres.
Dans votre exposé, vous avez dit que nous allons voir un nombre de plus en plus grand de demandeurs venant de pays qui ne sont généralement pas ceux dont sont issus les réfugiés. Cela signifierait que beaucoup d'entre eux viendraient s'installer au Canada pour tirer avantage de ce que le système a à offrir sans passer par les processus d'immigration ordinaires.
Pouvez-vous expliquer cela, s'il vous plaît?
Mme Lyon : Ces dernières années, nous avons vu augmenter considérablement le nombre de demandeurs d'asile originaires de pays comme le Mexique. Dans ce domaine, les examens effectués par la CISR montrent un taux de succès ou de décisions positives d'environ 10 p. 100 seulement.
M. Graham : L'an dernier, ce sont les Mexicains qui ont été le plus nombreux à demander l'asile au Canada. Il y a eu environ 7 000 demandeurs mexicains. Ils sont encore plus nombreux cette année, et le chiffre va probablement atteindre 10 000.
Mme Lyon : C'est de ça que je parlais.
Le sénateur Poy : Est-ce que la mise sur pied de la SAR ralentirait le processus? Vous dites que cela en augmenterait la durée de cinq mois. D'après ce que je comprends, les réfugiés qui se trouvent au pays ont le droit de travailler. Il n'y a donc pas vraiment de coût pour le gouvernement, sauf en ce qui concerne la procédure juridique. Est-ce exact?
Mme Lyon : Les provinces offrent de l'aide sociale, et le gouvernement fédéral assume les coûts relatifs aux services de santé. Comme mon collègue l'a mentionné, une partie de la facture de 21 millions de dollars dont nous avons parlé devrait être payée par les provinces.
Le sénateur Poy : Vous dites que les demandeurs vont passer cinq mois de plus au pays et que ceux qui vont être déboutés vont l'être de toute façon. Est-ce exact?
Mme Lyon : Cinq mois, c'est probablement le minimum, compte tenu des autres processus dont les demandeurs peuvent se prévaloir.
Le sénateur Poy : Dites-vous que vous êtes préoccupées par les coûts que devront assumer les différents ordres de gouvernement?
Mme Lyon : C'est une combinaison de facteurs. Notre principale préoccupation, c'est que le système actuel offre aux réfugiés potentiels de véritables possibilités de faire entendre leur cause par les autorités compétentes. Les réfugiés qui ne sont pas contents de la décision rendue dans leur cas ont un certain nombre de recours; ils ne peuvent pas interjeter appel, mais ils peuvent demander à une autre instance d'examiner les mêmes facteurs. Nous sommes d'avis que le système est tout à fait équitable et très généreux. Le fonctionnement de ce système nous a permis d'acquérir une bonne réputation à l'échelle internationale.
La première chose, ce serait la nécessité d'ajouter quelque chose alors qu'il y a déjà de nombreuses possibilités. Il faut tenir compte des coûts, ainsi que du facteur qui est la contrainte sur l'ensemble du système, qui n'est pas l'intérêt des réfugiés. Nous nous préoccupons aussi des gens.
Ce qui nous préoccupe, c'est que le mécanisme supplémentaire qui serait imposé n'offrirait aucun droit de plus au demandeur du statut de réfugié. Au contraire, cet ajout pourrait avoir un effet négatif sur l'efficacité et la fluidité d'un système qui a déjà fait l'objet d'importants éloges à l'échelle internationale.
Le sénateur Poy : Madame Kramer, vous avez mentionné le fait qu'il est difficile d'expulser les demandeurs réfugiés qui sont ici depuis un certain temps. Pouvez-vous m'expliquer cela, s'il vous plaît?
Mme Kramer : Plus ils restent longtemps au Canada, plus ils sont susceptibles de s'intégrer à la société et de se cacher. Il est plus difficile de les retrouver. Leurs documents de voyage arrivent à expiration. Nous pouvons devoir demander de nouveaux documents de voyage, ce qui pose problème dans certains cas. Selon notre expérience, plus ils restent longtemps au Canada, plus il est difficile de les expulser.
Le sénateur Poy : Vous avez parlé de trois ans, puis de deux ans. Ainsi, bon nombre de gens passeraient environ cinq ans au pays. Est-ce exact?
Mme Kramer : C'est exact.
Le sénateur Poy : Si une personne veut disparaître, elle peut le faire en deux semaines.
Mme Kramer : Habituellement, les gens se plient aux règles jusqu'à ce que le moment de leur expulsion arrive. C'est à ce moment-là que le taux de fuite est élevé, c'est-à-dire d'environ 90 p. 100.
Le sénateur Poy : Lorsque la demande est rejetée et que la personne doit être expulsée, si cette personne ne peut rentrer dans son pays d'origine, que fait la CISR? Trouvez-vous un autre pays prêt à accueillir cette personne?
Mme Kramer : La CISR n'est pas responsable de l'expulsion; c'est l'Agence des services frontaliers du Canada qui l'est.
Ça dépend de la situation. Nous envisageons parfois le pays où la personne est née, le pays où elle a résidé de façon permanente avant d'arriver au Canada, le pays duquel elle a la citoyenneté ou autre chose.
Le sénateur Poy : Si aucun de ces pays n'accepte d'accueillir la personne, que se passe-t-il? Celle-ci demeure-t-elle ici?
Mme Kramer : Normalement, si une mesure de renvoi applicable en vertu de la loi vise une personne, nous devons expulser cette personne. Ainsi, nous continuerions de chercher un pays prêt à accueillir cette personne. Cependant, dans l'intervalle, celle-ci n'aurait aucun statut au Canada.
Le sénateur Poy : Qu'est-ce que ça veut dire?
Mme Kramer : La personne n'a pas le statut de résident permanent.
Le sénateur Poy : Peut-elle travailler?
M. Graham : Une fois la mesure de renvoi en vigueur, la personne est visée par une mesure d'expulsion. À ce moment-là, elle n'a plus le droit de travailler, à moins que le ministre en décide autrement.
Mme Kramer : Ce genre de cas est très rare. Je ne pourrais même pas en citer un.
La présidente : Peut-être pourrais-je parler de certains cas avec le sénateur après l'audience. Les apatrides sont un problème. Je ne pense pas que la question soit pertinente par rapport à la loi et à l'amendement dont nous nous occupons aujourd'hui. Il y a des gens apatrides partout dans le monde. Ce n'est pas un problème qui ne touche que le Canada. C'est un problème auquel nous sommes confrontés lorsqu'il n'y a pas d'accueil et que les réfugiés se retrouvent chez nous ou dans un autre pays. C'est un problème qu'ont relevé les Nations Unies. C'est un débat qu'il faudrait tenir une autre fois.
Le sénateur Oliver : Madame Kramer, vous avez dit que ma question concernait non pas la loi, mais bien un projet de loi. Vous avez parlé d'un projet de loi en deuxième lecture au Sénat qui retarderait l'entrée en vigueur de la loi de 180 jours à partir de la date à laquelle celle-ci obtiendrait la sanction royale. Vous avez dit que ce serait inadéquat, mais vous n'avez pas précisé ce qui serait inadéquat.
Mme Kramer : C'est difficile à dire. Cependant, il faudrait probablement environ un an, ou peut-être plus, pour mettre sur pied cette fonction, vu le temps nécessaire pour recruter et former les agents d'audience qui en seraient chargés.
Le sénateur Oliver : Vous avez également dit en réponse à une question du sénateur Poy que le taux de fuite est élevé et qu'il atteint peut-être 90 p. 100. Combien de gens cela représente-t-il?
Mme Kramer : Nous expulsons entre 10 000 et 12 000 personnes par année. Le chiffre est donc de l'ordre de milliers.
Le sénateur Oliver : Combien de milliers?
Mme Kramer : Je ne peux pas dire précisément, mais c'est un gros chiffre.
Le sénateur Oliver : Ces fugitifs se trouvent-ils au Canada?
Mme Kramer : Oui.
Le sénateur Oliver : Madame Lyon, dans son témoignage à titre de sénateur membre du comité et aussi de témoin, le sénateur Goldstein a parlé de la situation du Canada et l'a comparée à celle de l'Italie et du Portugal, pays qui n'ont pas de mécanisme de contrôle.
Dans votre témoignage, vous avez présenté une analyse détaillée de l'évaluation des risques avant le renvoi. Vous nous avez dit que cette évaluation permet la présentation d'autres éléments de preuve que ceux présentés à l'audience de la CISR et que les demandeurs ont le droit de demeurer au Canada pendant la procédure. Savez-vous si les demandeurs ont les mêmes droits en Italie ou au Portugal?
M. Graham : Il n'y a qu'au Canada qu'il y a quelque chose du genre de l'évaluation des risques avant le renvoi. Les autres pays n'ont pas ce genre de mécanisme. Nous voulions nous assurer que celui-ci était en place afin que nous n'expulsions pas des gens dont la situation avait changé. Ce genre d'évaluation n'existe dans aucun autre pays.
La présidente : Monsieur Graham, si l'article 110 du projet de loi précédent entre en vigueur de par l'adoption du projet de loi présenté par le sénateur Goldstein, celui-ci aura pour effet de créer un processus d'appel devant la section d'appel des réfugiés. Cependant, d'après ce que je comprends, cet appel est limité. Le texte se lit comme suit :
110. (1) La personne en cause et le ministre peuvent, conformément aux règles de la Commission, en appeler — sur une question de droit, de fait ou mixte — à la Section d'appel des réfugiés de la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande d'asile ou la décision rejetant la demande du ministre visant soit la perte de l'asile, soit l'annulation d'une décision ayant accueilli la demande d'asile. [...]
Le texte se poursuit, mais je ne vais pas lire le reste. Le paragraphe 3 de l'article 100 se lit comme suit :
(3) La section procède sans tenir d'audience en se fondant sur le dossier de la Section de la protection des réfugiés, mais peut recevoir les observations écrites du ministre, de la personne en cause et du représentant ou mandataire du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi que de toute autre personne visée par les règles.
Je vois l'article 110 comme offrant une possibilité d'appel limité, et non une possibilité d'appel en bonne et due forme, comme ce pourrait être le cas devant un tribunal pénal. Ce qui est permis, c'est la présentation du document écrit par l'une ou l'autre des parties. Il n'y a pas d'audience. On examine les documents, et la procédure est fondée sur le dossier. Il est possible de demander l'examen de questions de droit ou d'un mélange de questions de fait et de questions de droit, mais en fonction du dossier seulement.
Ce que vous disiez, c'est que, dans le cadre de l'autre processus, il y a la possibilité de présenter de nouveaux éléments de preuve, avec ce que ça suppose. Cependant, vous avez dit quelque chose qui m'a dérangée. Vous avez dit que le système actuel d'appel devant la Cour fédérale est pareil, et j'affirme, d'après ce que j'ai lu, qu'il n'est pas pareil. Ce n'est pas pareil, puisqu'il est possible d'interjeter appel devant la Cour fédérale pour des motifs autres que des questions de droit. Le texte parle du défaut d'observer des principes de justice naturelle, du fait d'avoir agi sans compétence, d'avoir commis une erreur de droit, d'avoir formulé une conclusion de fait erronée, d'avoir agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages, ou encore d'avoir agi de toute autre façon contraire à la loi. Autrement dit, j'estime qu'il y a six principes qui permettent d'interjeter appel devant la Cour fédérale. Ceux-ci n'équivalent pas à un appel en bonne et due forme sur une question de fait, mais les motifs dépassent les questions de droit. Je pense que le système de la Cour fédérale est généreux en ce qui concerne les questions de droit à cet égard. Cependant, il me semble que l'existence de la section d'appel des réfugiés ajouterait ce second regard sur les faits, mais seulement à partir du dossier.
M. Graham : C'est exact.
La présidente : C'est ça la différence entre ce qui se passe à la Cour fédérale et ce qui se passerait si la section d'appel était mise sur pied.
M. Graham : C'est tout à fait exact.
La présidente : J'ai bien compris donc, il ne s'agit pas d'un appel en bonne et due forme. C'est un appel très limité, mais il y aurait un motif de plus que dans le cas de l'appel devant la Cour fédérale.
M. Graham : Un motif de plus, dans le sens que, si l'on envisage les six éléments qu'examine la Cour fédérale, ceux-ci se résument aux questions de droit et aux faits déjà présentés. La Cour fédérale examine le dossier. Elle examine le dossier et rend une décision à partir de celui-ci.
La présidente : À la section d'appel, on examinerait aussi le dossier, à moins que celle-ci n'ait décidé de demander des témoignages écrits, alors ce n'est pas obligatoire. C'est le mot « peuvent » qui figure dans la loi.
M. Graham : Non, les deux parties ont la possibilité de présenter des observations écrites à la Cour fédérale aussi; il est possible de présenter des observations. Autrement dit, la Cour examine le dossier, puis les avocats plaident. Ils ne peuvent présenter de nouveaux éléments de preuve.
La présidente : Non, mais si vous examinez ce qu'on propose pour la section d'appel des réfugiés, le texte dit « procède sans tenir d'audience », ce qui n'est pas le cas à la Cour fédérale. D'après ce que j'en comprends, la Loi sur la Cour fédérale offre un pouvoir discrétionnaire plus important. La section d'appel des réfugiés n'a pas le pouvoir discrétionnaire de tenir une audience; elle doit procéder sans tenir d'audience. Elle peut recevoir des observations écrites ou non, et c'est ce qui est laissé à sa discrétion.
M. Graham : Ces observations écrites sont du même genre que celles qui sont présentées à la Cour fédérale. Ce sont exactement les mêmes observations.
La présidente : Très bien. Il se peut que ce soit les mêmes observations.
M. Graham : Ce qui est certain, c'est que ce ne sont pas de nouveaux éléments de preuve, parce que la section d'appel doit procéder en se fondant sur le dossier et les observations.
La présidente : Je comprends. Ce que je voulais, c'était m'assurer que nous étions du même avis. La section d'appel des réfugiés pourrait accorder à la personne à la section d'appel le pouvoir de décider ce qu'elle est prête à accepter, ou encore la section d'appel des réfugiés pourrait se doter de la structure nécessaire pour qu'il en soit ainsi, parce qu'il s'agit d'un pouvoir qui contient le mot « peuvent », et non le mot « doivent ».
M. Graham : Oui, et vous souhaiterez peut-être demander aux commissaires de la CISR comment ils envisagent ce processus.
La présidente : Merci d'être venus et de nous avoir fait part de vos observations et de vos préoccupations en ce qui concerne le projet de loi à l'étude et le fonctionnement des processus d'appel, ainsi que de nous avoir donné de l'information sur les différents recours qui s'offrent aux demandeurs du statut de réfugié.
Nous recevons maintenant trois représentants de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Nous allons entendre les témoignages de MM. Jean Bélanger, Geoff Zerr et François Guilbault.
Geoff Zerr, directeur, Politiques et procédures, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada : Bonsoir. J'aimerais remercier les membres du comité d'avoir invité les représentants de la CISR à venir leur parler aujourd'hui du projet de loi C-280. Je m'appelle Geoff Zerr. Je suis le directeur des politiques et des procédures à la CISR.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Jean Bélanger, agent financier supérieur et directeur général de la planification et des services intégrés, ainsi que de M. François Guilbault, avocat général principal de la CISR.
[Français]
Notre objectif principal ce soir consistera à donner au comité un aperçu de la section d'appel des réfugiés proposée, de ce qu'elle est, de son fonctionnement et des répercussions concrètes de sa mise en œuvre sur la CISR en ce qui concerne les coûts, les délais de traitement, le recrutement et d'autres défis.
[Traduction]
Je voudrais préciser une chose avant de commencer : à titre de tribunal administratif indépendant, la CISR ne se prononce pas ni ne cherche à se prononcer sur les grandes questions de politique liées au projet de loi C-280. La CISR mettra la SAR en œuvre si telle est la volonté du Parlement.
Comme vous le savez, l'un des rôles de la CISR consiste à trancher les demandes d'asile. Cette fonction est remplie par la Section de la protection des réfugiés ou SPR, soit la plus grande des trois sections de la Commission.
[Français]
La section d'appel des réfugiés ajouterait une quatrième section à la structure de la CISR et donnerait une possibilité d'appel des décisions de la Section de la protection des réfugiés, ce qui signifie que tout demandeur d'asile débouté, ou le ministre, dans le cas où une demande d'asile aurait été accueillie, pourrait interjeter appel.
[Traduction]
La SAR aurait deux rôles à jouer : rendre la justice dans les cas particuliers, et favoriser la cohérence du processus décisionnel au sein de la SAR en donnant des conseils et en établissant des précédents faisant autorité. Comme la charge de travail de la SAR dépendrait entièrement de celle de la Section de la protection des réfugiés, le nombre d'appels entendus par la SAR fluctuerait nécessairement. Actuellement, quelque 36 000 demandes d'asile sont déférées à la SPR chaque année.
Il est tout aussi important de comprendre ce que la SAR ferait ou ne ferait pas. La fonction de la SAR consiste à entendre l'appel d'une décision de la SPR d'accueillir ou de rejeter une demande d'asile pour des motifs de droit, de fait et des motifs mixtes, comme vous l'avez entendu dire ce soir. Le processus de la SAR en serait un d'appel sur dossier seulement. La SAR ne tiendrait pas d'audience ni n'entendrait de témoignages. Les appels interjetés devant la SAR ne seraient tranchés qu'à la lumière des faits de l'espèce tels qu'ils étaient au moment où la SPR a rendu sa décision. La SAR n'examinerait pas de nouveaux éléments de preuve. Enfin, la SAR ne se pencherait que sur la question de savoir si le demandeur d'asile répond à la définition légale de réfugié ou de personne protégée. L'appel ne comprendrait pas l'examen des risques avant renvoi, et la SAR ne statuerait pas sur des questions comme les motifs d'ordre humanitaire de rester au Canada.
Après avoir examiné l'appel, la SAR pourrait faire l'une des trois choses suivantes : premièrement, confirmer la décision de la SPR, deuxièmement, l'annuler et la remplacer par sa propre décision, ou, enfin, l'annuler et renvoyer le cas à la SPR pour une nouvelle audience.
Comme vous le savez, si la SAR confirme la décision de la SPR, un demandeur d'asile débouté aurait encore accès à un contrôle judiciaire de la Cour fédérale, avec l'autorisation de la Cour. De plus, les demandeurs d'asile auraient toujours d'autres recours, dont l'examen des risques avant renvoi, et pourraient demander à rester au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire. Ces deux options permettent également un contrôle de la Cour fédérale, avec son autorisation, et il s'agit dans les deux cas de décisions prises par CIC.
Pour ce qui est des délais de traitement, pour avoir un processus équitable, la justice naturelle exige que l'on accorde à l'appelant le temps d'examiner la décision initiale et de préparer ses observations écrites. À notre avis, cela signifie qu'un appelant d'une décision de la SPR disposerait d'environ 45 jours à compter du prononcé de la décision initiale pour examiner le dossier, préparer ses observations et interjeter son appel.
La SAR aurait besoin de trois mois à trois mois et demi de plus pour terminer le cas. Nous estimons donc que, en moyenne, le processus d'appel ajouterait cinq autres mois au délai de traitement moyen total de la Commission.
J'aimerais maintenant passer aux points essentiels en ce qui concerne la mise en œuvre et les opérations permanentes de la SAR, plus précisément les questions de charge de travail et de coûts.
La réussite de la mise en œuvre d'une section d'appel sera également touchée par l'ampleur de sa charge de travail initiale. Des dispositions transitoires claires et un délai d'un an pour devenir opérationnel seront essentiels à cette mise en œuvre. Cela permettra à la SAR de remplir son mandat en temps utile. De plus, étant donné que la SAR ne peut pas examiner de nouveaux éléments de preuve — elle doit se limiter aux faits au moment de l'audience initiale de la SPR —, plus on attendra que la décision de la SPR soit examinée par la SAR, plus il y aura de chance qu'un changement de situation se soit produit dans le pays où le demandeur d'asile aurait été persécuté, ce dont on devra tenir compte dans les procédures ultérieures.
La SAR exigera un financement suffisant pour fonctionner efficacement. La SAR exigera des coûts de mise en œuvre ponctuels et des coûts de fonctionnement permanents. Ils devront peut-être être revus au cours de la mise en œuvre, mais la Commission prévoit que les coûts ponctuels de mise en œuvre de la SAR sont de l'ordre de 8,2 millions de dollars.
[Français]
Cette somme comprendrait les coûts de recrutement et de formation des fonctionnaires et des décideurs nommés par décret, de l'élaboration et de la mise à jour de règles et de procédures, de la conception et de la prestation de formation, de la création d'un système électronique de gestion des cas, de la réinstallation du personnel, de l'équipement et des locaux.
[Traduction]
Les prévisions des coûts permanents comprennent les coûts fixes et les coûts axés sur la demande. Les coûts axés sur la demande dépendent du nombre total d'appels que la SAR recevrait chaque année. Le nombre total d'appels dépend, lui, du nombre de cas que la SPR règle chaque année. En nous servant de la charge de travail actuelle prévue pour la SPR, nous avons calculé que les coûts permanents iront de 17 à 24 millions de dollars par année pour la SAR. M. Bélanger pourra vous donner des renseignements supplémentaires sur notre analyse des coûts si vous le souhaitez.
Les coûts que j'ai mentionnés sont ceux qui concernent la CISR. Comme vous avez entendu les représentants de CIC et de l'ASFC le dire, il y a des coûts supplémentaires pour d'autres organismes gouvernementaux. L'ampleur et la portée des exigences nécessaires au succès de la mise en œuvre d'un processus d'appel en font une très grande entreprise. Les exigences en question, soit le recrutement de ressources humaines, la rédaction de règles pour la Section, la formation, la création d'un système, ainsi que l'obtention d'un bail pour un bureau et des locaux. Tout cela prendra du temps. De plus, nombre de ces activités requises pour la mise en œuvre de la SAR ne peuvent pas être exercées en même temps. Par exemple, la formation ne peut pas être donnée avant que les procédures et les guides ne soient rédigés et que le personnel soit mis en place. C'est pourquoi la Commission estime qu'il faudrait au moins un an à compter de l'adoption des dispositions législatives pour que la SAR devienne opérationnelle.
Pour récapituler certains des principaux points que j'ai soulevés dans mes commentaires, il est important de se rappeler que la charge de travail de la SAR dépendra directement du nombre de cas que la SPR règle chaque année. En outre, il est nécessaire de comprendre clairement que la SAR fonctionnera selon un processus d'appel sur dossier, dans lequel on ne tiendra compte que des faits de l'espèce tels qu'ils étaient au moment où la SPR a rendu sa décision. Un tribunal d'appel solide aura besoin de suffisamment de financement et de ressources humaines pour mettre en œuvre et atteindre les objectifs de la SAR de façon efficace. Enfin, des dispositions transitoires apporteraient davantage de clarté quant à savoir qui est admissible à interjeter appel devant la SAR, et donneraient à la Commission le temps de devenir pleinement opérationnel.
J'espère que cela vous donne un bon aperçu de la SAR et des questions qu'elle soulève pour la CISR en ce qui concerne sa mise en œuvre.
Le sénateur Di Nino : Vous avez dit que la SAR ne se fonderait que sur le dossier et rendrait une décision seulement en fonction des faits de l'espèce, tels qu'ils ont été présentés à l'audience. Cependant, dans votre déclaration — et j'aimerais une précision là-dessus —, vous avez dit :
Étant donné que la SAR ne peut examiner de nouveaux éléments de preuve — elle doit se limiter aux faits au moment de l'audience initiale de la SPR —, plus on attendra que la décision de la SPR soit examinée par la SAR, plus il y aura des chances qu'un changement de situation se soit produit dans le pays où le demandeur d'asile aurait été persécuté, ce dont on devra tenir compte dans les procédures ultérieures.
Est-ce que cela signifie qu'il est possible de présenter de nouveaux éléments de preuve?
M. Zerr : La SAR ne pourrait tenir compte que de l'information qui figurerait au dossier au moment où la SPR a rendu sa décision. Elle ne sera pas en mesure d'envisager de nouveaux éléments de preuve.
Le sénateur Di Nino : Qu'est-ce que signifie cet énoncé, dans ce cas, monsieur Zerr? Je ne comprends pas. Je n'essaie pas de vous rendre la tâche difficile.
Le sénateur Oliver : Je ne le comprends non plus. C'est une très bonne question.
M. Zerr : Si la situation de la personne qui interjette appel devant la SAR change après que pas mal de temps s'est écoulé, le résultat final est que cette personne n'obtient probablement pas la décision qu'elle devrait obtenir.
Je vais vous donner l'exemple de la guerre en Iraq. Si une personne interjetait appel aujourd'hui d'une décision rendue en 2002, nous ne pourrions pas, à la SAR, tenir compte du fait que l'Iraq est en guerre, ce qui veut dire que nous devrions examiner la situation en Iraq au moment où la décision a été rendue, en 2002. Pour cette raison, la décision de la SAR ne serait fondée que sur un examen du dossier de la décision rendue en 2002, et tout nouvel élément de preuve devrait être présenté par l'intermédiaire du mécanisme de l'ERAR, ou peut-être, par celui de la demande pour motifs d'ordre humanitaire de CIC, mais cela ne pourrait être fait dans le cadre d'un appel interjeté devant la Section d'appel des réfugiés, selon les règles actuelles.
Le sénateur Di Nino : Pour être juste et objectif, les demandeurs qui obtiendraient une décision négative de la SAR pourraient passer par les autres processus d'appel, ou par les autres processus de réexamen de leur dossier?
M. Zerr : Ils pourraient demander une évaluation des risques avant le renvoi ou présenter une demande pour motifs d'ordre humanitaire. Ce choix est bien entendu laissé à leur discrétion.
Le sénateur Di Nino : Je comprends maintenant. Merci beaucoup.
Un certain nombre d'anciens ministres de la Citoyenneté et de l'Immigration, ainsi que la ministre actuelle, ont exprimé l'opinion selon laquelle la mise sur pied de la SAR ne viendrait pas vraiment davantage en aide aux demandeurs que le système actuel ni ne répondrait mieux à leurs besoins. Selon eux, le système actuel offre des possibilités adéquates de réexamen des cas des demandeurs déboutés.
Vu que trois processus différents s'offrent aux demandeurs déboutés, et d'après votre expérience et vos connaissances, diriez-vous que l'adoption du projet de loi C-280 engendrerait des changements importants dans les décisions qui sont prises en ce moment en l'absence de la SAR? Est-ce que c'est clair? Je n'essaie pas de vous piéger.
M. Zerr : Malheureusement, je ne peux répondre à votre question, tout simplement parce que la Commission n'a pas d'opinion sur la SAR. Elle ne peut mettre sur pied la SAR que si une loi portant la création de cette section est adoptée.
Le sénateur Di Nino : Très bien.
Les gens qui connaissent mieux le fonctionnement du système sont ceux qui travaillent à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Croyez-vous que le processus actuel est équitable, juste et équilibré, de façon que quiconque se présente devant la Commission a une véritable occasion de présenter son cas d'une façon qui répond à ses besoins?
M. Zerr : Je ne suis certainement pas ici pour juger de l'efficacité de notre processus. Je peux vous dire que notre système est un modèle selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Nous consacrons beaucoup d'énergie et de ressources au recrutement et à la formation des personnes que nous chargeons de rendre les décisions, et nous concentrons nos efforts sur le fait de nous assurer que les décisions de première instance sont rendues le mieux possible. C'est tout ce que je peux dire là-dessus.
Le sénateur Di Nino : Je vais m'en tenir à ça pour l'instant.
Le sénateur Jaffer : Veuillez prendre le texte de votre exposé à la page 4. J'aimerais que vous me donniez une précision. Au premier paragraphe, vous dites « le demandeur d'asile répond à la définition légale de réfugié ou de personne protégée ». Il y a aussi des lignes directrices relatives au sexe qui s'appliquent, non?
François Guilbault, avocat général principal par intérim, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada : Les commissaires doivent appliquer des lignes directrices relatives au sexe dans tout cas de violence contre les femmes ou de persécution fondée sur le sexe. Il s'agit d'un élément complémentaire de la définition de réfugié.
Le sénateur Jaffer : Ce qui me préoccupe, c'est que, comme nous le savons, la définition de réfugié ne parle pas du sexe, mais qu'il y a des lignes directrices relatives au sexe. On en tiendra compte dans le cadre du processus de la SAR, n'est-ce pas?
M. Guilbault : Oui. Il n'y a rien qui empêcherait les lignes directrices relatives au sexe de s'appliquer dans le cadre du processus de la SAR.
Le sénateur Jaffer : L'un des éléments qui ressortent du débat, c'est le statut des demandes en attente de décision à la CISR. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il y a un arriéré?
M. Zerr : Je pourrais passer pas mal de temps à parler de l'arriéré actuel de la SPR. Comme vous le savez, en 2003, il y avait un arriéré important à la Commission, et celle-ci a passé pas mal de temps à essayer de régler ce problème. Pour différentes raisons, l'arriéré a recommencé à augmenter, et, bien sûr, cet arriéré suppose du travail à faire dans le cas où la SAR serait mise sur pied.
Je sais que je ne réponds pas à votre question de façon précise, mais, pour être franc, nous sommes ici pour discuter de la Section d'appel des réfugiés et de sa mise en œuvre, et je ne veux pas distraire les sénateurs de cette question.
Le sénateur Jaffer : Vos collègues ont soulevé la question de l'arriéré à de nombreuses reprises.
M. Zerr : L'arriéré a recommencé à augmenter en raison d'un accroissement important du nombre de refus que nous avons connu au cours des dernières années, du fait que nous avons les ressources nécessaires pour traiter un certain nombre de dossiers et du fait que, à l'heure actuelle, le nombre de dossiers à traiter excède notre capacité, vu les ressources dont nous disposons.
Le sénateur Jaffer : Combien devrait-il y avoir de commissaires à la CISR, en tout?
M. Zerr : Nous avons les ressources nécessaires pour environ 127 décideurs nommés par le gouverneur en conseil.
Le sénateur Jaffer : Combien de décideurs avez-vous?
Jean Bélanger, directeur général, Direction générale de la planification et des services intégrés, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada : En moyenne, 36 p. 100 des postes étaient vacants l'an dernier.
Le sénateur Jaffer : Ma dernière question a trait au budget. Plus tôt, vos collègues ont parlé de millions de dollars. D'après la transcription des délibérations qui ont eu lieu à la Chambre des communes, le coût de départ de la mise en œuvre serait de six millions de dollars, les services liés aux TI vont coûter deux millions de dollars, et les frais d'exploitation varieront entre six millions de dollars et huit millions de dollars. Est-ce que ce sont les dernières évaluations de coût?
M. Bélanger : Oui, le coût de départ est à peu près le même que ce qu'on avait prévu au début, c'est-à-dire environ huit millions de dollars. Les frais d'exploitation permanents ont beaucoup changé, pour cinq raisons. Premièrement, le premier budget était fondé sur une projection de la charge de travail différente. À l'heure actuelle, cette projection est beaucoup plus élevée qu'à l'origine.
Deuxièmement, au cours des 12 derniers mois, nous avons examiné plus en détail le soutien à la gestion des cas qui sera nécessaire pour appuyer les activités de la SAR. Nous estimons que cela va faire augmenter de beaucoup les coûts de gestion des cas.
Troisièmement, nous incluons maintenant les coûts indirects du renvoi de certains cas de la SAR à la SPR. Certains cas vont être renvoyés de la SAR à la SPR, et nous incluons maintenant cela dans nos estimations de coût, ce qui n'était pas le cas auparavant. Nous pensons que les coûts d'aménagement des locaux vont être un peu plus élevés que prévu, compte tenu de l'état du marché en 2008, par rapport à ce qu'il était en 2002. C'est la raison pour laquelle nos coûts sont plus élevés.
De plus, nous faisons maintenant l'évaluation des coûts sous forme de fourchette, parce que la charge de travail fluctue. Les activités de notre organisation dépendent du volume de cas, et la charge de travail fluctue en fonction du nombre de cas qui sont renvoyés à la SPR. Plutôt que de prévoir des coûts précis, nous parlons maintenant d'une fourchette de coût, pour faire état de la fluctuation de notre charge de travail.
Le sénateur Goldstein : Merci, messieurs, de votre témoignage et du professionnalisme dont vous avez fait preuve en évitant les questions liées aux politiques et en fournissant des explications descriptives et analytiques. Je suis sûr que c'est très difficile, parce que vous avez tous vos opinions personnelles, que nous respectons, et nous respectons également le fait que vous avez choisi de ne pas les exprimer. C'est tout à fait professionnel de votre part.
Monsieur Bélanger, vous prévoyez l'augmentation de la charge de travail de la CISR, puisque, si la SAR était mise sur pied, il y aurait des cas qui seraient renvoyés à la CISR. Est-ce que cela ne donnerait pas à croire à une personne de l'extérieur comme moi que, pour des raisons quelconques, les décisions initiales ne sont pas les bonnes?
M. Bélanger : Lorsqu'on nous demande de produire des estimations des coûts, nous devons faire preuve de prudence en indiquant des coûts potentiels. Le coût de cela pourrait être nul, mais peut-être pas. Comme organisation, nous devons nous protéger et nous assurer d'estimer les coûts de la façon la plus prudente possible. Une bonne partie de ces estimations pourraient en fait varier, parce que nous sommes en territoire inconnu.
Le sénateur Goldstein : C'est tout à fait correct. Je suis content que vous procédiez ainsi, parce que ça nous rend la tâche plus facile.
Vous avez cependant formulé une hypothèse quant au nombre de cas qui pourraient être renvoyés à la SAR. Aux yeux d'une personne de l'extérieur, il semble qu'un certain nombre de cas donnent lieu à une décision incorrecte en première instance et qui exige une nouvelle décision. Quelle était votre hypothèse quant au nombre de cas qui seraient renvoyés en raison de la mise sur pied de la SAR?
M. Bélanger : Aux fins du budget, nous avons prudemment estimé que le taux serait de 15 p. 100. Ce pourrait très bien être 1 p. 100, 2 p. 100 ou 5 p. 100; nous ne le savons pas. Aux fins du budget, nous voulions faire une estimation prudente.
Le sénateur Goldstein : Le coût prévu de la mise en œuvre était de huit millions de dollars, et il a varié entre huit millions de dollars par année à 12 millions de dollars, et, maintenant, vous avez parlé d'un coût variant entre 17 millions de dollars et 24 millions de dollars. Nous sommes conscients de cette variation.
Pour faire une comparaison, êtes-vous conscient du fait que le gouvernement canadien a annoncé dans le budget 2008 qu'il avait prévu 25 millions de dollars pour le relais du flambeau olympique dans le cadre des Jeux de 2010 à Vancouver, seulement pour le relais, en plus des 31 millions de dollars déjà prévus par le Comité d'organisation des jeux?
Autrement dit, le gouvernement s'est senti à l'aise avec raison de consacrer 25 millions de dollars au relais du flambeau. Dans ce contexte, 16 ou 24 millions de dollars, ça ne semble pas très différent, n'est-ce pas?
M. Bélanger : Je ne peux pas comparer les coûts d'exploitation. La seule chose que je dis au comité, c'est que le coût d'exploitation de la SAR va être de cet ordre. Je ne suis pas ici pour dire que la somme est petite ou grosse.
Le sénateur Goldstein : Vous ne portez pas de jugement.
M. Bélanger : Non, je ne porte pas de jugement sur la valeur de la chose. Je ne fais qu'énoncer les faits.
Le sénateur Goldstein : C'est quelque chose que j'admire, monsieur Bélanger. Monsieur Zerr, il y a, d'après ce que je comprends, 58 postes vacants. Je pense que ça correspond au chiffre de 36 p. 100 que vous avez cité. Ai-je tort? S'agit-il des 36 p. 100 dont vous avez parlé?
M. Zerr : Il y a environ 58 postes vacants, oui.
Le sénateur Goldstein : Serait-il juste de dire que si ces postes vacants étaient comblés, l'arriéré diminuerait de beaucoup?
M. Zerr : Vous me demandez si l'arriéré de la SPR diminuerait de façon importante?
Le sénateur Goldstein : Oui.
M. Zerr : Avec un effectif complet, c'est sûr que nous pourrions rendre des décisions dans un plus grand nombre de dossiers chaque année.
Le sénateur Goldstein : Quelle est la proportion de l'arriéré total de la Commission qui a trait aux demandeurs d'asile, par rapport aux autres catégories de demandeurs?
M. Zerr : L'arriéré de la section de la protection des réfugiés est entièrement constitué de dossiers de demandeurs d'asile. Dans certains cas, il s'agit des dossiers du demandeur principal, et dans d'autres, ce sont les demandeurs ayant un lien avec le demandeur principal, par exemple, la conjointe et les enfants.
Le sénateur Goldstein : Très bien, mais quelle est la proportion de l'arriéré total qui est constitué des dossiers des demandeurs d'asile, y compris les demandeurs auxiliaires?
M. Zerr : Parlez-vous de l'arriéré de CIC, c'est-à-dire du chiffre qu'on a cité plus tôt?
Le sénateur Goldstein : Oui.
M. Zerr : Notre arriéré n'est pas considéré comme faisant partie de celui-ci. Celui de la Section de la protection des réfugiés est d'environ 42 000 ou 43 000 dossiers en ce moment.
Le sénateur Goldstein : Il y a deux autres divisions.
M. Zerr : Exact. Il n'y a pas d'arriéré à la Section d'immigration, et il y a un arriéré de 9 000 ou 10 000 cas à la Section d'appel de l'immigration, qui ne pourrait renvoyer de cas à la SAR.
Le sénateur Goldstein : Ainsi, deux tiers de l'arriéré total est constitué de cas de demandeurs d'asile. Nous sommes tous capables de faire le calcul.
M. Bélanger : Si vous me permettez, je vous encourage à consulter le rapport que nous avons déposé récemment devant le Parlement, tout comme d'autres organisations du gouvernement fédéral. Dans ce document, vous trouverez des chiffres très précis sur les quatre à cinq dernières années et sur nos prévisions en ce qui concerne les cas à traiter ou l'arriéré des trois sections.
Le sénateur Goldstein : Merci beaucoup. J'ai d'autres questions, mais, par respect pour la présidente, je ne vais pas les poser.
Le sénateur Poy : Le sénateur Goldstein a posé quelques-unes des questions que je voulais poser moi-même. À quel moment l'arriéré de la CISR a-t-il atteint son point le plus bas?
M. Zerr : Je pense que c'était en 2005.
Le sénateur Poy : À ce moment-là, y avait-il deux commissaires à chaque audience?
M. Zerr : Non. Il n'y avait qu'un seul commissaire.
Le sénateur Poy : Est-ce que le passage de un commissaire à deux a contribué à faire diminuer l'arriéré?
M. Zerr : La Commission a pris un certain nombre de mesures pour traiter les dossiers en retard de la SPR dans le cadre du plan d'action de la présidence. Ça a été un effort concerté de réexamen de nos stratégies de gestion des cas dans le but de ramener l'arriéré à un niveau tolérable. C'est principalement grâce à cette mesure que nous avons pu atteindre ce but.
M. Bélanger : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, au cours de la période de 2004 à 2006, la CISR disposait de ressources temporaires supplémentaires pour s'occuper de l'arriéré qu'il y avait à la SPR à l'époque.
Le sénateur Poy : Est-ce que la méthode a été simplifiée? Est-ce ainsi qu'on s'est occupé de l'arriéré?
M. Zerr : La Commission a examiné l'ensemble de ses processus, à partir du renvoi d'un dossier jusqu'à la décision finale. Nous avons relevé un certain nombre de domaines dans lesquels il était possible d'améliorer l'efficacité et dans lesquels il convenait d'examiner nos processus. Ça a été une évaluation complète de la façon dont nous gérions nos activités, et nous avons réglé les problèmes que nous avons découverts.
Le sénateur Poy : Vous avez cependant conservé la même politique?
M. Zerr : C'est exact.
Le sénateur Poy : Vous avez encore un arriéré énorme?
M. Zerr : Oui, surtout en raison de l'augmentation du nombre de dossiers et du manque de capacité que nous avons relevé. Cependant, le plan d'action prévoyait un certain nombre de changements à apporter à la culture de notre organisation, et nous sommes en train de procéder à ces changements. Si nous avions toutes les ressources dont nous avons besoin, nos décideurs continueraient de l'utiliser.
Le sénateur Oliver : Lorsque le sénateur Poy vous a demandé d'expliquer comment vous avez fait pour vous débarrasser de l'arriéré, vous avez répondu que vous disposiez alors de « ressources supplémentaires temporaires ». De quoi s'agit-il? Pourquoi ne pas prendre les mêmes mesures aujourd'hui pour vous débarrasser de votre arriéré actuel?
M. Bélanger : Nous avions obtenu ces ressources temporaires dans le cadre d'une présentation au Conseil du Trésor justifiant des ressources supplémentaires pour une période de trois ans, en fonction des cas à traiter à l'époque.
Le sénateur Oliver : Avez-vous présenté une demande au Conseil du Trésor afin de faire quelque chose du genre de nouveau?
M. Bélanger : Non. La différence, c'est que, à l'époque, il y avait une source de financement qui nous permettait d'obtenir de l'argent supplémentaire. En ce moment, cette source de financement n'existe pas, alors nous devons discuter avec les organismes centraux d'une autre source potentielle de financement qui pourrait nous servir à éliminer l'arriéré à la SPR.
Le contexte est un peu différent aujourd'hui. Lorsqu'on obtient de nouveaux fonds du Conseil du Trésor, ces fonds doivent venir de quelque part. À l'époque, il y avait une source. Cette source n'existe plus.
Le sénateur Oliver : Quelle était cette source?
M. Bélanger : C'était le fonds de la sécurité publique et de l'antiterrorisme. Je pense que ça remonte à 2002.
La présidente : Si je comprends bien, des modifications ont été apportées à la commission que vous utiliseriez après la restructuration — je ne me rappelle pas en quelle année ça c'est produit —, en ce sens qu'il y aurait des lignes directrices concernant les décisions liées à certaines questions stratégiques. La plainte qui avait été formulée, c'est qu'une décision pouvait être contraire à une autre concernant certains faits ou certaines situations, ce qui fait qu'il était possible que deux personnes se trouvant pratiquement dans la même situation et demandant le statut de réfugié soient traitées différemment. Par conséquent, il devait y avoir des précédents, des lignes directrices ou une base de données auxquels la Commission pouvait avoir recours. Pouvez-vous nous donner quelques explications là-dessus? Est-ce encore laissé à la seule discrétion de chacun des décideurs?
M. Zerr : Je vais laisser mon collègue, M. Guilbault, répondre à cette question. Cependant, c'est sûr que toutes les décisions sont prises en fonction du bien-fondé des cas. Nous envisageons tout un inventaire d'outils stratégiques, lorsque c'est possible, pour assurer l'uniformité des décisions autant que possible, notamment des lignes directrices de la présidence ou ce que nous appelons des décisions à caractère persuasif. Ces lignes directrices précisent certains faits que les décideurs confrontés à des cas semblables pourraient envisager lorsqu'ils doivent eux-mêmes rendre une décision.
M. Guilbault : Depuis l'adoption de la LIPR, la présidence a à sa disposition deux documents stratégiques de lignes directrices, l'un portant sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire, l'autre étant ce qu'on appelle un guide jurisprudentiel. Ces lignes directrices permettent à la présidence de déterminer quelle décision a préséance sur les autres, parce que les commissaires indépendants ne sont pas tenus de s'appuyer sur les décisions rendues par leurs collègues dans des situations où les faits étaient semblables, par rapport à des personnes provenant du même pays.
Le président a exercé ce pouvoir, par exemple, dans le cas du Costa Rica. Il a dit que, pour certaines demandes concernant les caractéristiques précises, il avait choisi une décision selon laquelle les gens du Costa Rica qui craignent la violence doivent être protégés, et il a dit qu'il s'attendait à ce que les commissaires suivent l'exemple de cette décision. Ainsi, les commissaires doivent suivre ce guide jurisprudentiel à moins d'avoir des raisons de ne pas le faire et de pouvoir les expliquer. Voilà un outil à la disposition de la présidence, qu'il est aussi possible d'utiliser dans d'autres situations.
Le sénateur Goldstein : C'est vrai, n'est-ce pas, que, malgré l'existence de votre dossier de jurisprudence et des lignes directrices à l'intention de la présidence, des décisions différentes sont rendues par différents arbitres? Je pense, par exemple, au fait que certains arbitres sont d'avis que les gens qui viennent d'Israël pourraient être considérés comme étant des réfugiés, tandis que d'autres pensent que ce n'est pas le cas. Est-ce exact?
M. Zerr : Ce que vous vous dites touche l'essence même de notre processus, c'est-à-dire que chacun des cas doit être envisagé séparément, non seulement parce que la CISR est indépendante du gouvernement, mais aussi lorsque chacun des décideurs est indépendant de ses collègues. C'est la nature humaine qui fait que deux personnes chargées d'examiner des documents semblables ou d'autres éléments de preuve semblables peuvent prendre des décisions différentes.
Le sénateur Goldstein : Cependant, s'il y avait un tribunal d'appel et que celui-ci définissait des lignes directrices à l'intention des arbitres chargés de rendre les décisions en première instance, ces arbitres devraient respecter les principes du tribunal d'appel, non?
M. Zerr : C'est exact. L'existence d'une instance d'appel ferait en sorte qu'il y aurait des précédents.
Le sénateur Goldstein : Merci beaucoup de votre témoignage. Celui-ci nous a beaucoup éclairé.
La présidente : J'aimerais remercier les témoins d'avoir été patients avec nous et d'avoir attendu avant de témoigner un peu plus tard que prévu. Je vous remercie de l'information que vous nous avez donnée et du travail que vous faites à la Commission.
La séance est levée.