Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 7 - Témoignages du 16 juin 2008
OTTAWA, le lundi 16 juin 2008
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, auquel a été renvoyé le projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, se réunit aujourd'hui, à 17 h 1, pour en faire l'examen.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, nous sommes réunis en cette fin d'après-midi pour étudier le projet de loi C- 21, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. J'aimerais rappeler aux sénateurs que, dans le cadre d'études précédentes, nous nous sommes déjà penchés sur le contenu de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ce dont il est question dans le projet de loi C-21. Par conséquent, le sujet ne vous est pas inconnu. Nous entendrons divers experts tout au long de la séance, en commençant par l'honorable Chuck Strahl, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits.
Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue. Nous vous avons demandé d'être bref afin que nous puissions vous poser des questions. Nous voulons procéder le plus efficacement possible ce soir. Peut-être pourriez-vous commencer par nous présenter les fonctionnaires qui vous accompagnent.
L'honorable Chuck Strahl, C.P., député, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits : Merci. Je suis venu avec des experts sur les questions de droits de la personne et sur le projet de loi lui-même : Jim Hendry, avocat général, Section des droits de la personne, Justice Canada; Martin Reiher, avocat-conseil, Section des opérations et programmes, Justice Canada; et Andrew Beynon, sous-ministre adjoint principal par intérim, Politiques et orientation stratégique, Affaires indiennes et du Nord Canada. Évidemment, je leur céderai la parole lorsque leur opinion experte sera requise.
Je suis ravi d'être ici pour discuter du projet de loi avec vous.
[Français]
Merci de me recevoir au Comité sénatorial permanent des droits de la personne pour parler du projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.
[Traduction]
Le projet de loi porte sur l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui soustrait à l'application de la loi les décisions prises en vertu de la Loi sur les Indiens. Quand la Loi canadienne sur les droits de la personne a été rédigée et mise en œuvre, il y a 30 ans, l'article 67 se voulait une mesure temporaire. Depuis, de nombreux groupes, y compris le présent comité, ont réclamé son abrogation.
L'an dernier, l'étude du comité sur les droits des enfants a permis de conclure que l'article 67 devait être abrogé. Des conclusions similaires sont ressorties d'autres études comme le rapport déposé en 2005 par le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes au sujet des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves et l'examen réglementaire de la Loi canadienne sur les droits de la personne réalisé en 2000.
La Commission canadienne des droits de la personne a publié deux études qui réclamaient l'abrogation de l'article 67. De plus, pas moins de huit rapports produits par divers organismes des Nations Unies ont critiqué la tolérance du Canada à l'égard de la discrimination issue de l'article 67.
Les membres du comité comprennent les enjeux en cause mieux que la plupart des Canadiens. L'article 67 empêche en fait un groupe de citoyens d'accéder au recours dont disposent tous les autres citoyens. Tant et aussi longtemps que l'article 67 restera en vigueur, des personnes dont les droits seront brimés, principalement des résidents des communautés des Premières nations, auront un accès restreint au recours juridique normalement disponible. Cette injustice fondamentale est aggravée par le fait que ceux à qui cet accès est refusé comptent déjà parmi les citoyens les plus vulnérables et les plus pauvres au pays. Le Canada peut et doit faire mieux.
Le projet de loi C-21 offre une solution réaliste et sensée. Il élimine l'article 67 tout en instaurant plusieurs mesures de protection visant à assurer une transition en douceur. À titre d'exemple, l'abrogation sera appliquée progressivement, sur une période de trois ans, aux gouvernements des Premières nations. Entre-temps, les décisions prises par les gouvernements des Premières nations et d'autres organismes assujettis à la Loi sur les Indiens continueraient d'être soustraites à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Une étude exhaustive sera réalisée pendant cette période pour cerner les répercussions de l'abrogation et s'y préparer. Dans les cinq années suivant l'abrogation, le gouvernement fédéral devra procéder, conformément aux dispositions du projet de loi C-21, à l'examen des effets de l'abrogation, en collaboration avec les Premières nations.
Le projet de loi proposé renferme aussi plusieurs dispositions qui tiennent compte des intérêts et des préoccupations des Premières nations. Une disposition de non-dérogation a été ajoutée au projet de loi après de longs débats à la Chambre des communes. Une disposition interprétative, qui a également animé de longues discussions, stipule qu'on prendra dûment en considération les traditions et coutumes juridiques des Premières nations dans le cadre de l'examen des plaintes déposées contre les gouvernements des Premières nations relativement à la Loi sur les Indiens, et ce, dans l'esprit du respect du principe d'égalité entre hommes et femmes.
Lorsque le projet de loi C-21 sera adopté, la Commission canadienne des droits de la personne participera pleinement à sa mise en œuvre. La commission a déjà fait beaucoup de travaux de recherche sur la question, et elle a lancé l'Initiative nationale autochtone. À mon avis, aucune autre organisation n'est mieux outillée et placée pour veiller à ce que l'abrogation de l'article 67 se fasse de manière organisée et judicieuse.
Les membres du comité possèdent une compréhension approfondie des questions qui concernent la protection des droits de la personne, ici même au Canada et dans le reste du monde. Je crois que vous savez que les lois canadiennes, de même que la Commission canadienne des droits de la personne et le Tribunal canadien des droits de la personne, garantissent à la plupart des citoyens de notre pays un niveau exceptionnel de protection.
Cependant, l'article 67 réduit la protection offerte aux personnes visées par les dispositions de la Loi sur les Indiens. Il s'agit ni plus ni moins d'une mesure discriminatoire sanctionnée par la loi.
Les Canadiens souhaitaient instaurer un régime de protection des droits, parce qu'ils croient dans la justice et l'égalité et pensent que tous les citoyens devraient être égaux face à la loi. L'article 67 a porté ombrage à ces convictions pendant 30 ans, même s'il se voulait un complément temporaire à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il est en vigueur depuis bien trop longtemps.
[Français]
Le projet de loi C-21 propose d'éliminer progressivement l'article 67 et de rétablir la confiance des Canadiens dans notre système de justice. J'encourage les membres du comité à appuyer sans réserve le projet de loi C-21.
[Traduction]
Je ferai de mon mieux pour répondre aux questions des membres du comité.
La présidente : Merci, monsieur le ministre, d'avoir été si succinct et de nous avoir exposé la situation dans cette Salle des peuples autochtones, un lieu chargé d'histoire.
Comme les fonctionnaires qui vous accompagnent représentent Affaires indiennes et du Nord Canada et Justice Canada, j'imagine qu'ils pourront répondre à des questions portant sur les Autochtones, la Constitution ou la Charte.
Le sénateur Kinsella : J'ai été ravi de voir que le Sénat avait reçu le message de la Chambre des communes avec ce projet de loi l'autre jour. Comme vous l'avez dit, ça fait 30 ans que nous attendons.
Comme j'avais participé à la rédaction de la Loi canadienne sur les droits de la personne initialement, j'ai pu retrouver dans mes notes une citation du ministre de la Justice de l'époque, Ron Basford. J'aimerais vous la lire : « le Parlement ne serait pas très favorable à l'idée de maintenir cette exception indéfiniment ou très longtemps. »
Si l'article 67 a été maintenu depuis la promulgation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, c'est en grande partie en raison de craintes, de malentendus, et cetera. Cependant, comme l'a dit le ministre de la Justice à l'époque, il est vrai qu'il ne devait être que temporaire. La législation de l'impôt sur le revenu aussi était censée être provisoire.
J'aimerais maintenant qu'on se penche sur un article auquel vous avez fait référence dans votre déclaration. Il s'agit de l'article 3 du projet de loi, la disposition transitoire. Tout d'abord, le libellé m'intrigue. On emploie en français « Malgré l'article 1 », et en anglais « Despite section 1 ». Étant de la vieille école, nous sommes davantage habitués à voir « nonobstant. » Toutefois, l'art de la rédaction juridique a peut-être évolué; un représentant de Justice Canada pourrait peut-être nous donner son avis là-dessus.
J'aimerais savoir si vous ou vos fonctionnaires avez analysé en profondeur cet article qui, je crois, a été ajouté à l'étape de l'étude en comité à la Chambre des communes. J'aimerais savoir si on a vérifié qu'il ne dérogeait pas à la Charte des droits et libertés, surtout à l'article 15 de celle-ci.
Si j'ai bien compris — et corrigez-moi si j'ai tort —, cette disposition prévoit que l'abrogation de l'article 67 ne prenne pas effet avant trois ans, alors que le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés enchâssée dans la Constitution est très explicite :
La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination...
J'aimerais qu'on s'intéresse à l'expression « au même bénéfice de la loi ». Si la présence de l'article 67 dans la Loi canadienne sur les droits de la personne choque, à mon avis, c'est parce que celui-ci nie expressément le droit au même bénéfice de la loi, soit l'accès aux services offerts par l'organisme responsable de la lutte contre la discrimination, la Commission canadienne des droits de la personne.
Les fonctionnaires ont-ils effectué une analyse minutieuse de la question? D'après vous, est-ce que l'article 3 du projet de loi respecte l'article 15 de la Charte?
M. Strahl : Merci beaucoup, sénateur. Je comprends. Je laisserai les représentants qui m'accompagnent répondre à votre question sur l'emploi du mot « malgré », ou « despite ». Je ne sais pas pourquoi on a choisi ce terme, mais c'est la première fois qu'on le relève. On en discutera.
Vous savez peut-être, sénateur, que le projet de loi que nous avions déposé à l'origine prévoyait un délai plus court. Évidemment, plus longtemps la transgression grave ou l'omission perdure, pire c'est. La Commission canadienne des droits de la personne l'avait déjà fait remarquer, tout comme le comité du Sénat, à plusieurs reprises, et divers organismes des Nations Unies. Nous avions donc prévu un délai plus bref.
Toutefois, certains considéraient — et c'est ce qui a poussé le comité à proposer des amendements — qu'une période de transition était nécessaire pour permettre aux bandes et aux conseils des Premières nations de se familiariser avec la nouvelle loi et de déterminer ses répercussions sur leurs activités. Au cours du processus parlementaire, on a amendé le projet de loi pour allonger le délai jusqu'à 36 mois. J'aurais voulu qu'on procède plus rapidement.
Quant aux risques, M. Hendry pourra mieux vous répondre que moi. Grâce à ce projet de loi, nous tendons davantage vers l'égalité, nous ne nous en en éloignons pas, en dépit des risques qu'on peut voir. Toutefois, M. Hendry pourra vous parler du délai.
Jim Hendry, avocat général, Section des droits de la personne, ministère de la Justice du Canada : C'est limité dans le temps. J'aimerais également attirer l'attention du comité sur le fait que le gouvernement fédéral doit se conformer immédiatement. Toutefois, on accorde du temps aux Premières nations pour qu'elles se préparent et mettent en œuvre les systèmes nécessaires; pour qu'elles s'assurent, en travaillant de concert avec la Commission et d'autres intervenants, d'être tout à fait en mesure de respecter la loi.
Beaucoup ont souligné la nécessité de se préparer. Vous ne seriez pas saisi de ce projet de loi s'il n'avait pas été approuvé par le gouvernement et la Chambre des communes.
Je me dois également d'ajouter que le gouvernement a bénéficié d'un délai de trois ans, avant l'entrée en vigueur de la majeure partie de la Charte, notamment l'article 15, pour se conformer aux dispositions sur l'égalité. On fait un peu la même chose pour les gouvernements des Premières nations et les autres entités visées.
En somme, si vous êtes saisis du projet de loi, c'est parce qu'on a déjà examiné toutes ces questions.
Le sénateur Kinsella : J'aurais préféré qu'on se passe de cet article. Le projet de loi que j'avais présenté il y a quelques années ne comprenait pas de dispositions de ce genre.
Sur le plan des droits de la personne, c'est une bonne chose que l'article s'applique immédiatement au gouvernement fédéral dès l'entrée en vigueur de la loi. Si une plainte en matière de droits de la personne était déposée, il faudrait au moins trois ans pour qu'elle soit entendue par la Cour suprême et pour que celle-ci détermine si un Canadien affligé, ou quiconque, peut revendiquer le droit au même bénéfice de la loi prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Par conséquent, du point de vue de la défense des droits de la personne, cela justifie probablement la fin et les moyens.
Je tenais à exprimer mes craintes, d'un point de vue pratique. Je crois bien que ce sont les propos du ministre. C'est également le point de vue des défenseurs des droits de la personne. Nous avons atteint l'objectif que nous visions depuis 30 ans. C'est tout ce que j'avais à dire.
M. Hendry : J'aimerais ajouter, comme le ministre l'a mentionné, qu'on avait fixé à l'origine un délai plus court, peut-être plus acceptable. Toutefois, ce projet de loi prévoit bien l'abrogation de l'article 67. On ne le maintiendra pas plus longtemps que nécessaire pour que les principaux intéressés se préparent.
M. Strahl : C'est probablement une bonne question à poser aux témoins représentant la Commission canadienne des droits de la personne, plus tard ce soir. Vous pourriez leur demander de vous parler des composantes de l'Initiative autochtone — la campagne de sensibilisation des Premières nations visant à réduire les pratiques discriminatoires et à informer les bandes et les conseils, entre autres.
Comme vous l'avez dit, le processus judiciaire est long, mais il vaut mieux prévenir que guérir. On pourrait invoquer la nécessité d'informer les gens de leurs droits, d'une part, mais également des pratiques auxquelles ils doivent renoncer s'ils ne veulent pas répondre de leurs actes devant une commission. Je crois que cela fait également partie de l'Initiative, mais la Commission pourra vous donner plus de détails.
Le sénateur Munson : Tout d'abord, je tiens à féliciter le gouvernement pour ce qu'il a fait la semaine dernière. C'était la bonne chose à faire, et nous en sommes tous fiers.
J'ai deux questions. L'une porte sur le projet de loi C-21, tandis que l'autre concerne plutôt les droits des Autochtones. Ne vous inquiétez pas, c'est une question facile.
Les droits collectifs ont fréquemment fait l'objet de débats au comité des affaires autochtones de la Chambre des communes, où on a discuté des dispositions interprétatives sans vraiment s'attarder sur leur contenu. Lorsqu'il a comparu devant le comité, le chef national Patrick Brazeau, du Congrès des peuples autochtones, s'est demandé s'il existait des droits collectifs propres à chacune des réserves, par opposition aux droits collectifs des nations, comme celle des Algonquins.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. En outre, pourriez-vous nous donner des exemples de droits collectifs dans les réserves visés par la Loi sur les Indiens?
M. Strahl : Si je comprends bien, le chef Brazeau considère qu'il serait dans l'intérêt des Premières nations d'aborder les questions autochtones globalement. Par exemple, on devrait traiter avec l'ensemble de la nation algonquine ou crie — ou dans ma circonscription, les Sto:lo —, plutôt qu'avec 20 ou 30 bandes différentes. Il pense que l'administration aurait trop à faire avec trop peu de ressources. Il préférerait que ça se situe à un autre niveau pour que le gouvernement du Canada — et je ne veux pas lui faire dire des choses qu'il n'a pas dites, mais c'est ce que je comprends — puisse traiter avec les Mohawks, les Algonquins, les Cris ou tout autre groupe dans son ensemble, plutôt qu'avec chaque bande et conseil séparément.
Ça nous convient tout à fait. Par exemple, nous avons entamé des négociations sur un projet de traité avec les Maa- Nulth. Quatre ou cinq bandes et conseils participent et voteront, mais le traité s'appliquera à plusieurs réserves, bandes, conseils et communautés. C'est l'idéal. Ce serait formidable.
Toutefois, de nombreuses Premières nations, surtout lorsqu'il est question des droits de la personne et des biens immobiliers matrimoniaux, pensent que leurs préoccupations ne sont pas partagées par le reste des groupes.
Lorsque c'est possible, j'aime bien travailler avec de plus grands groupes. Je trouve que c'est intéressant de le faire à l'occasion. Dans les faits, si une communauté, une réserve, une bande ou un conseil veut traiter avec nous séparément, nous acceptons. Je ne sais pas si vous aviez une question technique au sujet de la disposition interprétative.
M. Hendry : J'aimerais changer un peu de perspective et vous parler de l'application de la Loi sur les droits de la personne. Si quelqu'un convoite un emploi, un lopin de terre ou autre, on parle d'un intérêt personnel, ou encore d'un droit individuel, si c'est prévu par la loi.
La loi comprend déjà certaines dispositions précises, comme l'exigence professionnelle justifiée en matière d'emploi, et le motif justifiable s'il est question de services. Celles-ci tendent à protéger les intérêts collectifs du groupe. Les intérêts personnels à l'égard d'un emploi, d'une terre ou d'un service sont contrebalancés, dans la loi, par les intérêts de la communauté, qui doit préserver ses terres et ses fonds ou respecter son budget. La loi essaie d'établir un équilibre entre les intérêts du groupe et ceux de ses membres, qui ont leurs propres revendications.
Le sénateur Munson : Merci. Maintenant, puisqu'il s'agit du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, j'aimerais aborder les droits des peuples autochtones. La semaine dernière, nous avons reçu le chef de l'Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine; c'était le lendemain des excuses du premier ministre à propos des pensionnats. C'était très intéressant, parce que nous avons été en mesure de lui poser des questions sur différents sujets.
Je crois qu'il convient de répéter ici ce qu'il a dit au sujet des langues autochtones. Trois d'entre elles — le cri, l'inuit et l'ojibwa — se portent encore bien, mais 52 autres sont menacées.
Sous un gouvernement précédent, a-t-il dit, nous avons entrepris une étude importante en vue d'examiner soigneusement cette question et mis sur pied un groupe de travail. Nous avons réussi à obtenir un engagement de 172 millions de dollars sur 10 ans pour promouvoir, préserver et revitaliser les langues autochtones. Toutefois, le chef Fontaine a déclaré :
Malheureusement, le gouvernement actuel nous a fait savoir que cet engagement sera rayé du cadre financier d'un simple trait de plume. Nous connaissons aujourd'hui une crise encore plus grave que celle où nous nous trouvions l'année dernière et l'année précédente, alors que nous étions arrivés à convaincre le gouvernement que des mesures devaient être prises sans délai.
Il a affirmé au sénateur Joyal qu'il avait raison de dire que ce serait mauvais pour le Canada qu'une seule de ces langues disparaisse.
Le premier ministre a présenté ses excuses, comme il se devait. Puis, beaucoup ont dit qu'il fallait s'occuper de la suite et passer à l'action. Voilà une mesure concrète; et de mon point de vue, puisque je siège au Comité sénatorial permanent des droits de la personne, c'est aussi un droit de la personne.
Monsieur le ministre, annuleriez-vous cette décision d'un simple trait de plume?
M. Strahl : Ce n'est évidemment pas aussi simple. C'est tout un poste budgétaire. Les fonds viennent en partie du MAINC, mais également de Patrimoine canadien, puisque la protection des langues relève de sa compétence. Le financement ne provient pas uniquement de mon ministère.
Malheureusement, je n'ai pas de chiffres à vous donner; je ne m'étais pas préparé à ce genre de questions. Cependant, je pourrai vous fournir plus tard les renseignements nécessaires et vous dire à combien s'élève le financement — considérable et permanent — de Patrimoine canadien.
Le sénateur Munson : Monsieur le ministre, après réflexion, croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait investir dans la sauvegarde de ces langues? Nous avons dépensé des centaines de millions de dollars pour protéger nos deux langues officielles. J'aimerais savoir si, du point de vue des droits de la personne, vous considérez qu'on devrait prévoir des fonds pour préserver ces langues. Seriez-vous disposé à revoir la question?
M. Strahl : Je suis prêt à dire que le gouvernement fédéral devrait investir dans la protection des langues autochtones; d'ailleurs, il le fait, et c'est une bonne chose. Permettez-moi de vous donner un exemple. Dans ma circonscription, une femme m'a parlé des sommes investies. Elle avait reçu quelques subventions non négligeables pour l'aider à sauvegarder un dialecte parlé dans le nord de mon comté, et avait obtenu d'excellents résultats jusque-là.
Le problème, c'est qu'elle commençait à manquer d'argent. Elle avait l'impression qu'on avait réduit les dépenses consacrées aux langues. En fait, elle voulait publier un livre sur le dialecte en question. Le hic, c'est que pour le faire, cela lui coûtait 50 p. 100 du montant total dont elle disait avoir besoin pour protéger la langue.
Beaucoup de gens dans ce domaine me disent que si on dispose de fonds limités — et c'est toujours le cas, jusqu'à un certain point —, publier un livre est la dernière chose à faire. C'est peut-être même inutile, puisqu'avec les ordinateurs et les sites Internet, il existe maintenant différentes façons de préserver nos connaissances. Dans ces conditions, amputer son budget de moitié pour publier un livre n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus efficient.
Certes, nous devrions affecter des ressources à cette question, et nous le faisons. Je vous donnerai les chiffres exacts, mais sachez qu'il faut dépenser judicieusement. Il y aura toujours des pressions budgétaires nous obligeant à gérer intelligemment notre argent. N'importe quel ministre vous dira qu'il ne suffit pas de tirer un trait de plume, comme vous le dites; il faut concilier de nombreuses priorités et investir le plus efficacement possible dans les domaines ciblés.
Le sénateur Munson : Pour conclure — et laisser la chance aux autres sénateurs de poser des questions —, je dirais qu'après les excuses de la semaine dernière, beaucoup de gens ont dit que les pensionnats avaient fait disparaître toute trace d'indianité chez les enfants.
À mon avis, on a aussi effacé toute trace de leur langue. Cela se répercute sur les générations suivantes, qui perdent tout repère identitaire, dans leur âme et leur cœur. Je tiens à le souligner. Comme je l'ai déjà dit, monsieur le ministre, vous avez fait le bon choix en présentant des excuses. Celles-ci étaient attendues depuis très longtemps déjà. Je suis convaincu que vous pouvez aussi faire un geste semblable à l'égard des langues.
M. Strahl : Merci. Les langues sont en effet importantes, mais il n'y a pas qu'elles. Lorsque nous avons signé l'accord avec les Cris de la baie James, je me suis rendu dans cette région. Aux abords de la ville, on avait créé un centre d'interprétation pour enseigner la langue, la médecine traditionnelle et comment survivre à l'hiver quand la température descend à moins 40 degrés, avec pour toute protection les vêtements que vous portez. Il y avait des programmes pour les enfants et l'ensemble de la communauté. Les aînés participaient en fabriquant des raquettes et en montrant comment tanner différents types de peaux de rennes. Les langues ne sont pas les seules à avoir été perdues, en partie à cause des pensionnats, mais aussi d'autres facteurs. Pour avoir voyagé partout au pays, je sais que lorsque les communautés font de leur culture une priorité, ça porte fruit. Les gens sont fiers d'où ils viennent. Ils commencent à réapprendre la langue et à se familiariser de nouveau avec la culture, ce qui favorise énormément leur estime personnelle et le bien-être de la communauté dans son ensemble. Ça fonctionne presque toujours. Voilà pourquoi je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet des langues, et j'inclurais même la culture.
Le sénateur Oliver : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre, et vous remercie de votre intervention. Mes questions vont dans le même sens que celles du sénateur Munson sur les langues et les coutumes. Lorsque le projet de loi C-21 a été présenté pour la première fois à la Chambre des communes, il ne comprenait pas de disposition de non- dérogation. L'Association du Barreau canadien, l'Assemblée des Premières Nations et d'autres intervenants en ont réclamé une. Après avoir entendu de nombreux témoignages, le comité de la Chambre des communes a choisi son propre libellé. Puis, le gouvernement a dit préférer sa formule, conforme à ce qui est utilisé le plus souvent dans d'autres mesures législatives et dans les lois fédérales.
Le libellé proposé par la Chambre des communes faisait justement référence à ce dont vous parliez, vous et le sénateur Munson — la langue et les coutumes. On disait : « à l'abrogation de l'article 67 et qui prévoyait plus largement la non-dérogation aux `droit ou libertés reconnus par le droit coutumier et les traditions des peuples des Premières nations' ».
On parlait donc du droit coutumier et des traditions. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-21 dit ceci :
[...] l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne porte pas atteinte à la protection des droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada découlant de leur reconnaissance et de leur confirmation au titre de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Il n'est pas question de droit coutumier et de traditions.
Comme vous le savez, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a effectué une étude approfondie sur la non-dérogation aux droits. Il en est arrivé à la conclusion que pour uniformiser la législation fédérale, il fallait inclure ces dispositions dans la Loi d'interprétation. De cette façon, on pourrait se référer à cette dernière pour interpréter toutes les mesures législatives canadiennes. Ça n'a pas encore été fait.
Voici donc ma question : considérez-vous que le libellé de l'article 1.1 du projet de loi C-21 soit plus contraignant que celui proposé par la Chambre des communes, lequel faisait mention du droit coutumier et des traditions des Premières nations?
M. Strahl : C'était un point litigieux quand on a débattu de l'amendement en comité, et cela nous préoccupait. Je vais discuter d'abord de la disposition de non-dérogation adoptée par la Chambre. On y emploie un libellé semblable à celui qu'on retrouve dans la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes. C'est plus ou moins une formule type employée dans sept ou huit lois différentes. Elle confirme aux Premières nations et aux peuples autochtones que les droits ancestraux enchâssés dans la Constitution seront respectés, et qu'on n'y portera pas atteinte. C'est pour les rassurer.
Je ne suis pas avocat spécialisé en droit constitutionnel. Cependant, j'ai reçu des avis juridiques selon lesquels, étant donné que la Constitution sous-tend notre système, toutes les lois sont interprétées à la lumière de celle-ci. Ce n'est donc pas nécessaire parce que, non seulement la Constitution est la loi du pays, mais c'est également ce sur quoi se fondent les tribunaux pour interpréter toutes les mesures législatives que nous pourrions adopter. Cela étant dit, les Premières nations préféraient inclure une disposition de ce genre. Au bout du compte, on l'a fait, à condition qu'elle soit semblable aux autres dispositions de non-dérogation d'autres lois.
Le problème que j'entrevois avec ce concept de droit coutumier et de traditions, c'est qu'il faudrait que les tribunaux basent leur interprétation sur des coutumes locales. Par exemple, une bande pourrait faire valoir des coutumes qui ne cadrent pas avec les normes constitutionnelles canadiennes. Elle pourrait dire, par exemple, que sa tradition veut qu'on embauche des gens en fonction de leur relation avec le chef. C'est peut-être vrai, mais l'objectif est de rendre la loi conforme à la Charte, tout en reconnaissant les droits et titres ancestraux de la communauté. Ce n'est pas contesté. Toutefois, un problème pourrait se poser si on incluait le droit coutumier et les traditions de chacune des 630 ou 640 Premières nations du pays. On pourrait se retrouver avec une multitude de droits et de libertés disparates. Une Première nation pourrait faire valoir devant la Commission des droits de la personne ou un tribunal que telle est sa coutume. Celle-ci passerait du statut de tradition à celui de droit coutumier, ce qui est tout à fait différent.
Nous avons accepté d'ajouter une disposition de non-dérogation semblable aux autres du même genre. Quant à la suggestion du comité d'ajouter ce concept à la Loi d'interprétation, je suis à préparer une réponse qui devrait vous parvenir sous peu. Les Premières nations et les peuples autochtones voulaient tellement que cette clause soit incluse dans ce projet de loi que je ne sais pas comment ils auraient réagi si on avait décidé de l'éliminer de toutes les mesures législatives pour l'intégrer à la Loi d'interprétation. Certains craindraient un affaiblissement des projets de loi.
Je sais qu'ils se battent bec et ongles pour faire ajouter ces dispositions. Cela étant dit, celle-ci est maintenant semblable aux autres. Voilà où nous en sommes.
Le sénateur Oliver : S'il y en avait six ou sept qui utilisaient le même libellé, six ou sept autres en employaient un différent. En regroupant tout, on aurait l'avantage de garantir l'uniformité, puisque la Cour suprême et les autres tribunaux se basent sur la Loi d'interprétation.
M. Strahl : D'après ce que j'en sais, ces dispositions sont parfois ajoutées à la demande de certains groupes; dans le cas présent, cela concerne les Premières nations, soit les principaux intéressés. Elles nous disent qu'elles ne seront satisfaites que lorsqu'on ajoutera cette clause au projet de loi, et même si on répond que c'est déjà prévu ailleurs, elles ne veulent rien entendre et la réclament.
C'est ce qui s'est passé ici. Nous considérions que ce n'était pas nécessaire. Des spécialistes du droit constitutionnel m'ont dit que cette interprétation était garantie de toute façon. Au bout du compte, cela servait à réconforter les gens, parce qu'ainsi on peut lire le projet de loi — il est bref —, et même si on n'a pas la Loi d'interprétation à portée de la main, on peut tout de même comprendre que, nonobstant tout le reste, ce sera interprété de façon à respecter les droits et titres ancestraux.
Le sénateur Oliver : Je comprends.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Monsieur le ministre, merci d'être venu, j'apprécie votre présence au Comité sénatorial des droits de la personne.
[Traduction]
C'est aussi une question de ressources. On sait que les communautés et organisations autochtones ont demandé un délai de trois ans parce qu'elles ne savaient pas comment réagir. Un processus de sensibilisation, d'information et de prévention est en cours.
Encore une fois, j'ai l'impression qu'on se renvoie la balle du côté des finances. On sait qu'on n'a pas besoin d'un avocat pour porter plainte, mais j'imagine qu'il est difficile d'aller de l'avant sans les conseils d'un juriste. Aucun financement n'est disponible maintenant que tout a été éliminé, et donc on ne semble avoir prévu aucuns fonds pour appuyer — comme vous l'avez dit — les plus pauvres des pauvres de ce pays, afin qu'ils puissent bénéficier de ce qui leur revient.
Ensuite, est-ce que votre ministère est capable d'absorber les coûts? Avez-vous les avocats et les ressources supplémentaires nécessaires? Est-ce prévu dans le cadre budgétaire ou devra-t-on prendre en charge cette dépense et peut-être — sans vouloir être désagréable — cesser de construire des écoles pour pouvoir s'en occuper?
On semble nous dire qu'il est inutile de se pencher sur la question des ressources, ou qu'on s'en occupera dans trois ans. Je crois que c'est inapproprié.
M. Strahl : Je dois admettre que nous ne savons pas combien de plaintes seront déposées. Certains prétendent que ce sera la pagaille et qu'on chamboulera tout le système. D'autres chefs et conseils me disent qu'ils respectent déjà la loi et qu'ils ont la situation bien en mains, que rien ne changera, mis à part que la loi s'appliquera pleinement.
Nous avons déjà un point de référence, puisque les Premières nations jouissant de l'autonomie gouvernementale au pays sont déjà couvertes par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elles ont cessé d'être exemptées en vertu de l'article 67 lorsqu'elles ont acquis l'autonomie gouvernementale. Comme elles ont déjà dû se conformer, on peut voir ce qui s'est passé. D'après mes observations, l'abrogation de l'article 67 ne changera pas grand-chose. Ça n'a pas semé la pagaille ni le chaos, tout s'est fait sans heurt. On n'a pas assisté à une avalanche de plaintes.
Cela étant dit, il faudra déterminer quelles seront les ressources nécessaires. On n'en fait pas mention dans le projet de loi parce qu'on ne sait pas encore dans quelle mesure on y aura recours. Voilà qui explique en partie pourquoi la mesure législative comprend une disposition d'examen; de cette façon, on peut suivre l'évolution de la situation avec les Premières nations et voir si elles ont les ressources sont suffisantes.
La Commission canadienne des droits de la personne devra également disposer de ressources pour mener à bien sa campagne de sensibilisation et son initiative autochtone. Vous pourrez lui demander quels seront ses besoins; elle sera mieux placée pour vous répondre. En gros, je crois que nous devrons évaluer la situation au fur et à mesure.
Le gouvernement mettra tout en œuvre pour se conformer dès la proclamation de la sanction royale. Les autres parties visées bénéficieront d'une période d'adaptation de trois ans. Il faudra assurer un suivi pour déterminer si les ressources sont suffisantes.
Le sénateur Dallaire : Votre ministère a déjà subi des compressions. Il est à court de ressources, et voilà qu'on allonge la liste de ses obligations. C'était à prévoir. On aurait dû prendre des dispositions, affecter des fonds. De cette façon, vous auriez pu pousser un soupir de soulagement, sachant que vous n'aviez pas à faire des sacrifices pour assumer cette responsabilité supplémentaire.
C'est la même chose avec la Commission. Vous parrainez ce projet de loi. Maintenant, la Commission des droits de la personne doit aussi réclamer de l'argent. Peut-être que dans la mesure législative, on aurait dû prévoir des ressources. Dans les prochaines années, on essaiera encore une fois d'encaisser le coup et d'arriver à ses fins avec les moyens du bord. Pendant ce temps-là, d'autres secteurs en souffriront. C'est une lacune regrettable.
Quant aux membres des Premières nations — les plus pauvres d'entre les pauvres de notre pays —, on ne prévoit aucune assistance financière pour les aider, au besoin, à porter plainte. Je sais que ce n'est pas un problème pour le reste de la population canadienne, mais la situation est particulière. A-t-on jamais envisagé cette possibilité?
M. Strahl : Pour terminer, des fonds ont été alloués à la campagne de sensibilisation de la Commission et à tout le processus permettant d'aider les Premières nations à faire la transition, de la proclamation de la sanction royale à l'entrée en vigueur de la loi trois ans plus tard. Des fonds ont été mis de côté. On pourrait se rendre compte très rapidement qu'il faut faire davantage, auquel cas, nous réévaluerons la situation et prendrons les mesures qui s'imposent.
En outre, ce qui est formidable avec le système canadien des droits de la personne, c'est qu'il ne s'applique pas qu'aux personnes qui ont les moyens de se payer un avocat. Ce n'est pas possible pour l'instant, mais à l'avenir, on pourra porter plainte sans avoir à en assumer les frais juridiques. C'est la Commission qui se chargera du dossier et qui le mènera à bonne fin.
Ça ne change rien que vous ayez accès à un avocat grassement payé ou non. Si la plainte est fondée et acceptée, on s'en occupera.
Le sénateur Dallaire : Ma question s'adresse au représentant du ministère de la Justice. Ce projet de loi ne date pas d'hier; ça fait longtemps qu'on y travaille.
Qu'ont fait les ministères pour faire avancer ce dossier? Est-ce qu'on vous l'a imposé pour des motifs politiques, ou est-ce vous qui avez pris l'initiative? Ne serait-il pas avisé que quelqu'un prenne en charge toutes les questions des droits de la personne, plutôt que de laisser le soin à chaque ministre de régler les problèmes qui se présentent?
M. Strahl : Il serait difficile pour les fonctionnaires de répondre puisqu'il s'agissait d'une décision politique : c'est une promesse électorale qu'avait faite notre parti.
Le sénateur Dallaire : N'empêche que cette disposition existe depuis de nombreuses années, alors qu'elle devait être temporaire. Aucun ministre n'est seul responsable des droits de la personne. Ça relève de tout un chacun. Ne serait-il pas mieux d'avoir au gouvernement quelqu'un dont la responsabilité première serait de s'occuper de ces enjeux, plutôt que d'espérer que chaque ministre s'attaquera à tous les problèmes qui lui tomberont dessus?
M. Strahl : Je ne crois pas qu'il soit approprié de demander aux fonctionnaires si l'on doit changer la composition du cabinet. Il est question ici d'une lacune flagrante dans l'application des droits de la personne au Canada. Il n'y en a pas d'autre, puisque tous les autres Canadiens sont couverts. Lorsque cette exception sera levée, non seulement la loi s'appliquera à tous, mais en plus, la Commission canadienne des droits de la personne jouera le rôle que vous décrivez, soit défendre les droits de tous les Canadiens, effectuer un suivi et en faire rapport.
En ce qui a trait à l'appareil gouvernemental, je ne crois pas qu'il soit pertinent de demander aux fonctionnaires s'ils pensent qu'on a besoin d'un autre ministre.
Le sénateur Dallaire : Peut-être qu'on vous posera la question de nouveau en l'absence du ministre.
M. Strahl : C'est à votre discrétion.
Le sénateur Di Nino : Bienvenue, monsieur Strahl. Ça fait plaisir de vous voir.
Vous avez tenu des propos qui m'ont vraiment frappé. Je crois que vous avez qualifié l'article 67 de discrimination cautionnée par la loi. Toute tentative d'abrogation de cet article est la bienvenue, puisque cela aurait dû être fait bien avant et bien plus rapidement, comme l'a dit le sénateur Dallaire.
Je crois que vous avez dit, peut-être pas en ces termes, qu'avec un gouvernement minoritaire et la situation des différents intervenants, c'était le mieux que vous puissiez faire dans les circonstances et qu'il faut s'en contenter. Nous sommes nombreux à ne pas être satisfaits et à trouver que 36 mois c'est trop long.
Cela étant dit, j'aimerais vous poser une question délicate au sujet de la rétroactivité. De nombreuses décisions ont été rendues en vertu de la Loi sur les Indiens au cours des dernières années, notamment sur l'attribution des terres de réserve, le logement, et cetera.
A-t-on songé à appliquer ce projet de loi rétroactivement, ou est-ce que les positions prises au fil des années sont maintenues et que les principaux intéressés, surtout des femmes, n'ont aucun autre recours?
M. Strahl : Je dois vous dire qu'à l'origine, nous avions prévu un délai de six mois. Autrement dit, nous voulions informer les gens et passer rapidement à l'action. Le comité et des témoins ont dit qu'on avait besoin de temps. Voilà ce à quoi a abouti l'expression de la sagesse collective de la Chambre des communes. On mettra fin à l'exemption après une période déterminée, c'est déjà une bonne chose. Je suis satisfait du produit fini.
En fait, il faut laisser l'occasion aux gens de déterminer si leurs pratiques sont discriminatoires, ou de demander l'avis de la Commission, s'ils veulent savoir, par exemple, si les pratiques d'embauche de leur conseil sont acceptables. Celle-ci pourrait leur répondre de changer quelques détails, de reformuler ici et là ce qui ne serait pas accepté une fois l'article abrogé, ou encore les enjoindre de changer leurs méthodes pour les rendre conformes.
Je crois que la plupart des Canadiens ne savent même pas que cette exemption existe. Ils pensent qu'ils sont tous couverts, alors qu'en réalité, ce n'est pas le cas. Il faut sensibiliser les gens. Il faut informer les citoyens, les habitants des réserves, et aussi aider les Premières nations qui veulent se conformer mais qui n'avaient jamais pensé à ça.
Je crois que le plus tôt sera le mieux. Je suis convaincu que la plupart des bandes des Premières nations n'attendront pas 36 mois. Elles vont aller le plus rapidement possible, mais au moins, il y a une date butoir. C'est l'important.
En ce qui concerne la rétroactivité, je ne crois pas qu'on ait envisagé cette possibilité, parce qu'il serait difficile de dire à une bande ou un conseil, par exemple, que même s'ils n'avaient jamais entendu parler de cette loi, qui d'ailleurs ne s'appliquait pas à eux, elle est maintenant rétroactive. À cause de quelque chose qu'ils auraient fait il y a 10 ans, ils pourraient se faire saigner à blanc pour dédommager quelqu'un. Je ne crois pas que ce serait juste. C'est pourquoi cela n'a pas été envisagé. En effet, c'est ce qu'on me dit.
Andrew Beynon, sous-ministre adjoint principal, par intérim, Politiques et orientation stratégique, Affaires indiennes et du Nord Canada : J'aimerais ajouter que s'il y avait rétroactivité, on risquerait de faire payer les administrations des Premières nations actuelles pour des erreurs commises par leurs prédécesseurs, élus il y a de nombreuses années.
Le sénateur Di Nino : Nous avons justement tenu tout un débat la semaine dernière sur ce que des gouvernements ont fait il y a longtemps, alors votre réponse est tout à fait appropriée.
Laissez-moi vous poser une autre question, brièvement. On a prévu une période de consultation d'ici trois ans, puis cinq, et ainsi de suite. Pouvez-vous nous garantir que le Sénat jouera un rôle? Notre comité des affaires autochtones est très actif et efficace, et je crois qu'il pourrait apporter une contribution importante.
Dans la mesure du possible, pourriez-vous vous assurer que le Sénat participe aux consultations périodiques, et même, fasse des recommandations après trois et cinq ans?
M. Strahl : J'hésite toujours à conseiller le Sénat sur les études qu'il doit entreprendre, mais connaissant ce comité, je suis convaincu qu'il surveillera la situation de près.
Le projet de loi lui-même prévoit qu'on fasse l'examen de certains paragraphes et qu'on en fasse rapport aux deux chambres du Parlement dans le délai prescrit. Vous recevrez les rapports de ces examens en même temps que la Chambre des communes, ce qui vous permettra de constater ce qui a été fait.
Comme je l'ai dit, étant donné l'intérêt que le comité porte à cette question, il pourrait très bien entreprendre d'autres études de sa propre initiative. Il n'en demeure pas moins que dans le projet de loi, il est indiqué qu'on fera rapport au Sénat en même temps qu'à la Chambre.
Le sénateur Di Nino : Je comprends.
Est-il utile que le Sénat participe aux consultations?
M. Strahl : Oui.
Le sénateur Jaffer : Merci, monsieur Strahl, d'être venu, et félicitations pour votre excellent travail de la semaine dernière. Tous les Canadiens sentent maintenant qu'ils font partie du processus de réconciliation, et je vous en remercie.
J'aimerais parler rapidement de la période de 36 mois. Lorsque la Charte est entrée en vigueur, les gouvernements ont eu trois ans pour s'adapter, alors pourquoi ne pas faire la même chose ici?
Maintenant, en ce qui concerne l'aide juridique, j'ai cru comprendre, d'après votre réponse au sénateur Dallaire, que pour l'instant aucune disposition n'a été prise pour assister ceux ayant besoin de l'aide juridique. Je sais que celle-ci n'est en général pas offerte aux personnes portant plainte en matière de droits de la personne, et je crois que c'est la même chose ici. N'offrira-t-on donc pas d'aide juridique aux plaignants?
M. Strahl : Non. Ils auront les mêmes droits que tous les autres citoyens. En général, lorsque la Commission canadienne des droits de la personne prend un dossier en charge, elle y met tout son poids.
Vous pourriez poser la question à la Commission plus tard. Je n'ai pas l'intention de traiter les membres des Premières nations différemment des autres Canadiens.
Le sénateur Jaffer : Je vous conseille vivement de vous pencher là-dessus. La Commission canadienne des droits de la personne pourra nous en parler, mais elle a beaucoup à faire. Lorsqu'on fait face à un nouveau processus, on est censé traiter tout le monde de la même façon, mais — et vous le savez mieux que personne — ce n'est pas toujours le cas. Au cours de l'examen, sera-t-il possible de compiler des statistiques sur le nombre de personnes demandant l'aide juridique, et les résultats?
Mon deuxième point me préoccupe davantage. À l'égard des traditions juridiques et du droit coutumier, on dit qu'on tiendra compte du principe d'égalité entre les sexes. Voilà ce qui m'inquiète. Si on le précise, certains ne pourraient-ils pas comprendre que le Parlement fera fi des autres facteurs de discrimination, comme la race, la nationalité, l'origine ethnique, la couleur, la religion, l'âge, et tous les autres énumérés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne?
Les décideurs pourraient conclure que, si le Parlement ne mentionne que l'égalité entre les sexes, les autres types de discrimination ne sont pas visés, lorsqu'il est question de droit coutumier.
M. Strahl : La Loi canadienne sur les droits de la personne s'appliquera dans sa totalité. On a apporté cette précision en raison d'une série de poursuites très médiatisés, la plupart intentées par des femmes autochtones et des Premières nations au sujet de leur statut de citoyennes dans les réserves, leur droit de vote, leur reconnaissance en tant que membres à part entière de leur communauté en fonction de leur situation de famille, et cetera. La plupart de ces cas portaient sur l'égalité entre les sexes. Les femmes autochtones ne voulaient surtout pas que ce soit interprété de la mauvaise façon. C'était presque le contraire de votre préoccupation légitime. Elles nous disaient : « Peu importe ce que vous écrirez, assurez-vous qu'il n'y aura pas de discrimination sexuelle. Il faut que personne ne puisse dire que c'est la coutume de traiter les femmes différemment, et que c'est ainsi, tout simplement. » Elles tenaient à ce qu'on le précise. Comme un certain nombre de cas ont marqué l'histoire, on a jugé important de mentionner l'égalité entre les sexes. Les autres types de discrimination ne sont pas exclus.
M. Hendry : J'aimerais ajouter que l'article 1.1 est une disposition de non-dérogation. On y précise les droits ancestraux et issus de traités. Comme vous le savez, ceux-ci sont reconnus à l'article 35 de la Constitution. Le paragraphe 35(4) porte quant à lui sur l'égalité entre les sexes. La disposition 1.2, toutefois, est légèrement différente parce qu'elle se rapporte à la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Cour suprême a déclaré que celle-ci avait était plus qu'une loi ordinaire; en fait, elle l'a qualifiée de quasi constitutionnelle.
Ainsi, l'article 1.2 reprend en gros la disposition interprétative de la Charte. Il y a l'article 15, qui porte sur la discrimination, puis l'article 28, qui est la disposition interprétative pour l'égalité entre les sexes. D'une certaine façon, on répète dans le document quasi constitutionnel ce qu'on protégeait déjà dans la Constitution. On n'a pas à s'inquiéter de la Charte, parce que l'article 28 met l'accent sur la discrimination sexuelle, mais c'est un ajout, comme dans le cas du paragraphe 35(4), qui concerne précisément les droits ancestraux et issus de traités.
La présidente : J'aurais une brève question à l'intention des fonctionnaires, peut-être pour M. Hendry. Si on revient à l'article 3, qui dit : « malgré l'article 1 », je crois que « nonobstant l'article 1 » serait très clair. On veut manifestement déroger à l'article 1. Indépendamment de l'article 1, on choisit d'agir d'une certaine façon.
Selon moi, le mot « malgré » signifie transitionnel, quelque chose de différent dans le cas qui nous intéresse. Malgré l'article 1 — je ne lirai pas ce qui suit sur le délai de grâce. On prévoit simplement une légère dérogation à l'article 1 pendant la période transitoire.
Ais-je raison de dire que « malgré » ne figure probablement pas dans d'autres lois?
M. Hendry : Il n'y a pas de rédacteur législatif dans la salle pour répondre à cette question. On cherchait peut-être simplement à assurer la clarté du texte. Je crois que c'est un ajout du comité. Il s'agit d'une disposition transitoire; le mot a donc le sens que vous lui prêtez et vous en avez évidement compris la signification. Que les rédacteurs aient choisi d'utiliser « malgré l'article 1 » ou « nonobstant l'article 1 », le sens est probablement le même.
La présidente : De toute évidence, on met l'accent sur la période transitoire.
M. Hendry : Oui. Le mot figure directement sous le titre des dispositions transitoires et c'est le sens qu'il a, sans plus.
La présidente : Monsieur le ministre, j'aimerais remercier les représentants du ministère de la Justice et d'Affaires indiennes et du Nord Canada d'avoir comparu ce soir pour répondre à nos questions et exposer votre point de vue sur le projet de loi C-21; ils ont également pris acte des travaux du comité sur l'article 67.
Comme d'autres membres du comité l'ont déjà fait, je tiens à vous remercier de vous être assuré qu'une excuse accompagne l'admission formulée par le premier ministre. Je vous remercie, vous et votre personnel, d'avoir permis cet événement historique et d'avoir témoigné ce soir.
Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne; notre prochain groupe d'experts vient de la Commission canadienne des droits de la personne. Nous entendrons aujourd'hui le témoignage de Mme Jennifer Lynch, présidente, et de fonctionnaires de la commission. Malgré nos efforts, nous sommes en retard sur notre horaire. Nous vous demandons de bien vouloir nous en excuser. Si vous avez une brève allocution, je vous encourage à la prononcer, après quoi nous passerons rapidement aux questions et aux réponses. Bienvenue.
Mme Jennifer Lynch, présidente, Commission canadienne des droits de la personne : Merci beaucoup. Je peux résumer rapidement mon exposé.
Nous nous réjouissons de la modification législative que l'on envisage d'apporter au projet de loi C-21. En fait, lorsque le sénateur Kinsella a fait l'historique du dossier, je me suis rappelée la lettre que j'ai reçue du premier président de la Commission canadienne des droits de la personne il y a quelques semaines. J'aimerais vous en lire le postscriptum, où M. Fairweather indique que : « L'abrogation de l'article 67 ne s'est que trop fait attendre. Lorsque le Comité de la justice a examiné le projet de loi sur les droits de la personne, en 1976-1977, le ministre de la Justice nous avait instamment demandé de maintenir l'article 67, le gouvernement ayant demandé aux Autochtones de proposer des modifications à la Loi sur les Indiens et devant leur accorder le temps nécessaire. Il y a 31 ans de cela. »
Ce déni entraîne des conséquences pour les personnes et les collectivités depuis des dizaines d'années et touche une foule de questions importantes pour les choses essentielles de la vie quotidienne, comme l'admissibilité au statut d'Indien en vertu de Loi sur les Indiens, le logement et l'éducation.
[Français]
La position de la Commission canadienne des droits de la personne contre l'article 67 a été entièrement détaillée dans le rapport de la commission intitulé Une question de droit en octobre 2005, et dans notre rapport subséquent, Toujours une question de droit, publié en janvier 2008.
Un certain nombre d'organisations autochtones ou d'organisations revendiquant l'égalité ont soutenu l'abrogation. Leurs commentaires ont aidé les parlementaires à créer des amendements au projet de loi afin d'augmenter sa signification et son effet pour les Premières nations, ce qui a mené à une adoption unanime du projet de loi en Chambre.
[Traduction]
Aujourd'hui, je vous fais part de l'opinion de la commission sur le projet de loi. Je dirai avant tout que la commission peut appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle.
En ce qui concerne la disposition de non-dérogation prévue à l'article 1.1, nous la considérons comme superflue. Nous encourageons plutôt l'adoption de la recommandation du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui souhaite l'inclusion d'une clause de non-dérogation dans la Loi d'interprétation pour qu'elle s'applique à toutes les lois. Ceci dit, nous ne nous opposons pas à l'inclusion de cette clause dans la mesure législative.
Quant à la disposition interprétative qui figure à l'article 1.2, elle prévoit que dans le cas d'une plainte déposée au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne à l'encontre du gouvernement d'une Première nation, il faut tenir compte des traditions juridiques et des règles de droit usuels des Premières nations et, en particulier, de l'équilibre entre les droits et intérêts individuels et collectifs, dans la mesure où ces traditions et règles sont compatibles avec le principe de l'égalité entre les sexes. Nous avons demandé l'inclusion d'une disposition interprétative, et cet article va en ce sens. Bref, nous approuvons cet article sous sa forme actuelle, et on verra comment on l'interpréta et l'appliqua dans chaque cas dans les années à venir.
Nous appuyons également l'article 2, sur l'examen et le rapport à effectuer après cinq ans, et l'article 3, qui concerne la période de transition.
L'article 4, qui porte sur l'étude sur les ressources, est ce dont je traiterai le plus en profondeur. À notre avis, cet article est crucial en raison de l'ampleur et de l'importance capitale de la démarche qu'il prévoit.
[Français]
L'article 4 énonce que le gouvernement du Canada, de concert avec les organismes compétents représentant les peuples des Premières nations, entreprend une étude visant à définir l'ampleur des préparatifs, des capacités et des ressources fiscales et humaines nécessaires pour que les collectivités et les organismes des Premières nations se conforment à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
La commission a toujours exprimé que des ressources suffisantes seront requises, pour la commission, pour les Premières nations et pour les organisations qui les représentent, afin de soutenir l'extension efficace et significative de la protection des droits de la personne aux communautés des Premières nations.
[Traduction]
Considérant qu'il s'agit d'une démarche essentielle, nous appuyons l'engagement législatif du gouvernement à évaluer la capacité dont les Premières nations ont besoin pour se conformer à la loi. Le succès de la mise en œuvre dépendra de la suffisance des ressources; leur insuffisance est donc ce qui risque le plus de faire déraper le processus.
Pour ce qui est de la mise en œuvre, la commission demandera conseil auprès des organisations autochtones pour que l'abrogation de l'article 67 s'effectue de manière adéquate et accessible.
[Français]
Nous savons pertinemment que les valeurs sous-jacentes de bien des cultures des Premières nations soutiennent un respect fondamental des droits de la personne et que de nombreuses communautés ont leur propre façon d'assurer la protection des droits. En effet, nous avons beaucoup à apprendre de la riche histoire des méthodes traditionnelles de résolution des litiges, comme les cercles de guérison ou les processus dans lesquels interviennent les aînés.
[Traduction]
Nous croyons qu'il est préférable de régler les questions de droits de la personne dans les collectivités concernées, dans la mesure où l'on y dispose des processus, des ressources et des capacités nécessaires. Il ne faudrait déposer une plainte officielle devant la commission que lorsque tous les autres moyens ont échoué, d'où l'importance de disposer de ressources adéquates. D'aucuns considèrent que notre mandat se limite au traitement des plaintes, ce qui a effectivement été le cas par le passé. L'un des aspects primordiaux de notre stratégie de mise en œuvre consiste à travailler avec les Premières nations à l'instauration de systèmes de recours communautaires et au renforcement des processus en place. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé devant le comité de la Chambre des communes sur les affaires autochtones et le développement du Grand Nord, le 7 juin 2007, si les approches modernes de gestion des différends doivent prévoir de solides processus de traitement de plaintes, ces derniers ne devraient servir qu'en dernier recours. Nous envisageons bien plus qu'un mécanisme de traitement de plaintes interne. Nous avons une occasion en or de développer un système global qui comprendrait d'abord une structure de résolution de conflits, appuyée par d'autres processus et pratiques; nous pourrions ainsi mettre l'accent sur la prévention de la discrimination et l'éducation.
Les principes fondamentaux que nous établirons devront viser l'établissement d'une culture où la résolution des conflits serait la pierre angulaire de la création de communautés et de milieux de travail inclusifs et productifs. Mais cette entreprise exigera du temps et des ressources, ainsi que le développement de notre structure de résolution de conflits.
Au bout du compte, les droits de la personne sont universels. Ils ne s'appliquent pas à nous en raison de notre nationalité, de notre religion, de notre couleur ou de notre sexe, mais parce que nous sommes tous des êtres humains. L'abrogation de l'article 67 est une démarche essentielle. Je vous remercie et je répondrai avec plaisir à vos questions.
La présidente : Merci.
Le sénateur Jaffer : Je vous remercie beaucoup de témoigner. J'ai été heureux d'entendre le message de M. Fairweather.
Je m'intéresse au processus de consultation dont vous avez parlé. Dois-je comprendre que vous envisageriez d'adopter un processus faisant fond sur la riche tradition de résolution de conflits, par exemple des cercles de guérison et d'autres processus qui existent déjà?
Mme Lynch : Nous respectons ces traditions, et je considère qu'il faut impérativement les maintenir et en élargir l'usage. Nous évitons d'utiliser le mot « consultation », qui est une responsabilité gouvernementale. Nous travaillons plutôt en collaboration. Nous avons tenu des dizaines de réunions avec des groupes et des organisations, et nous travaillons en étroite collaboration avec les principaux intervenants. Nous encourageons l'établissement de solides systèmes de dialogue au sein de chaque communauté, le processus de plainte ne devant être utilisé qu'en dernier recours.
Le sénateur Jaffer : Vous avez dit que l'inclusion de l'égalité entre les sexes ne vous préoccupait pas; je m'en inquiète pourtant. J'ignore si vous étiez dans la salle lorsque j'ai posé une question à ce sujet un peu plus tôt. Vous avez parlé de la disposition de non-dérogation, de l'égalité entre les sexes et des décideurs. Certains pourraient-ils considérer que, par exemple, les handicaps mentaux ou physiques, y compris la dépendance actuelle ou antérieure à la drogue ou à l'alcool, ne reçoivent pas autant d'attention que l'égalité entre les sexes?
Je crois comprendre qu'il a des précédents et que les femmes ont été confrontées à toutes sortes de défis; mais je crains que les autres types de discrimination dont il est question dans la loi pourraient ne pas recevoir autant d'attention.
Mme Lynch : Je puis vous assurer que nous leur accorderons toute l'attention nécessaire.
Le sénateur Jaffer : Fort bien. Merci.
Le sénateur Di Nino : Bienvenue, madame la présidente. J'aimerais faire suite aux commentaires du sénateur Jaffer. L'un des éléments les plus importants de cette mesure législative sera le déroulement de la période de transition. Aux termes de la loi, la Commission jouera un rôle de premier plan et exercera certains pouvoirs. D'après ce que j'ai compris, vous avez déjà commencé à résoudre ces questions, lançant notamment une initiative nationale autochtones à partir de Winnipeg.
Pourriez-vous nous indiquer comment vous comptez travailler avec les communautés autochtones et les autres intervenants en menant ce dossier à terme, dans trois ans, lorsque, comme l'a dit le ministre, ces discriminations sanctionnées par la loi prendront fin?
Mme Lynch : Bien sûr. Tout d'abord, je définis le mot « intervenant » comme étant celui ou celle qui ne doit pas être surpris. Les statistiques indiquent qu'il y a environ 600 communautés et 500 000 personnes.
Le sénateur Di Nino : Bonne chance. Vous allez avoir besoin des trois ans.
Mme Lynch : En effet. Il s'agit de bien préparer le processus. Ceci dit, comment convaincrons-nous les principaux intéressés de nous communiquer la meilleure information possible? Comment engager un dialogue pour qu'ils nous aident à établir le système qui s'appliquera à eux?
Nous avons tenu des rencontres préliminaires, demandant aux principaux intervenants d'établir un plan d'action et envisageant une sorte de processus stratégique. Mais comment nouerons-nous le dialogue? Nous travaillons actuellement en ce sens.
Dès que nous aurons obtenu du financement — et nous n'en avons absolument aucun actuellement — l'initiative autochtone deviendra un programme permanent; à partir de ce moment-là, nous pourrons lancer encore plus d'activités.
J'ai omis de vous présenter mes collègues. Veuillez m'en excuser. Linda Dabros est directrice générale de notre Centre des connaissances, de qui relève l'initiative autochtone. Yvonne Boyer, récemment nommée commissaire, a un intérêt particulier pour ce portefeuille, forte de son expertise dynamique dans le domaine. Ian Fine est directeur général et avocat général principal en matière de résolution de conflits. Mme Dabros s'occupe de la politique et du développement de l'initiative autochtone; M. Fine élabore pour sa part la structure de résolution de conflits et le processus de traitement des plaintes. Je les inviterais à vous fournir de plus amples renseignements si vous souhaitez en apprendre davantage à ce sujet ou sur nos activités à venir, à moins que j'aie répondu à vos questions.
Le sénateur Di Nino : Nous voulions simplement savoir où vous en étiez, si vous aviez entamé un processus. Espérons que tout sera terminé dans trois ans.
Mme Lynch : Souhaiteriez-vous obtenir des renseignements plus précis?
Le sénateur Di Nino : Vous pourriez nous en dire un peu plus par écrit.
Mme Lynch : Je le ferai avec plaisir.
Le sénateur Munson : J'ai quelques brèves questions à poser. Vous venez de dire, madame la présidente, que vos coffres sont vides. Avez-vous déterminé vous besoins? Auriez-vous besoin de plus d'effectif? À quoi vous attendez- vous? Croyez-vous être submergés par les plaintes? Je sais que vous avez parlé de la dernière résolution, mais je crois que les choses vont bouger assez rapidement en 36 mois.
Mme Lynch : Oui, nous savons ce dont nous avons besoin pour commencer.
Le sénateur Munson : Et de quel montant s'agit-il?
Mme Lynch : Un peu plus de 5 millions de dollars sur trois ans. Cela comprend un volet éducationnel et 1,7 million de dollars par année de financement permanent. Nous devrons également engager du personnel. Lorsque je dis que nous n'avons pas d'argent, j'entends par là que notre demande de financement est retardée jusqu'à l'adoption du projet de loi. Mais jusqu'à présent, nous n'avons reçu aucun fonds.
Nous ajouterons également quelques équivalents temps plein. Il faut aussi penser au financement de nos ressources de soutien. Cette enveloppe financière serait prévue pour trois ans, alors que nos activités, elles, se poursuivraient.
Le sénateur Munson : Accusez-vous du retard dans le traitement des plaintes?
Mme Lynch : Nous ignorons quel sera le volume de plaintes. Je m'attends à ce que nous ayons des cas très complexes à traiter, un peu comme des recours collectifs, présentés par une personne ou un groupe pour régler un problème. Certains dossiers exigeront un travail beaucoup plus long et complexe que d'autres.
Nous n'avons pas d'accumulation de plaintes, même si c'était le cas à la fin des années 1990. Nous avions alors 1 500 dossiers, dont le traitement prenait environ 25 mois. À la fin de l'année, au 31 décembre 2007, il y avait 600 plaintes en traitement, et il fallait environ neuf mois pour les régler. Il n'y a donc pas de retard. Cependant, nous ne pouvons prévoir si nous serons submergés ou non par les plaintes.
Le sénateur Munson : Je suis sûr que les plaintes ne tarderont pas à affluer, cela s'est déjà vu. Quelle sorte de sanction pouvez-vous appliquer? Si vous recevez une plainte sérieuse, qu'il s'agisse d'un recours collectif ou d'un autre type de dossier, et que vous délivrez un avertissement ou un jugement, le coupable en sera-t-il quitte pour éprouver de la honte? Pouvez-vous prendre des mesures plus musclées? Pourriez-vous me donner une idée de ce qui pourrait arriver au sein d'une communauté autochtone si un plaignant a gain de cause devant votre commission et que vous prenez une décision?
Mme Lynch : Je vous remercie de me donner l'occasion de clarifier ce point. Dans le cadre de notre mandat de traitement des plaintes, notre tâche consiste davantage à effectuer des examens préalables. Nous accueillons les plaintes officielles et entreprenons les démarches initiales, nous efforçant d'établir dialogue ou de réconcilier les parties. Si ces moyens échouent ou ne sont pas utilisés, nous décidons alors de rejeter la plainte ou de la renvoyer à un tribunal. C'est le Tribunal canadien des droits de la personne qui, en tant qu'organisme indépendant, entend les causes. Nous lui transmettons les dossiers pour qu'il décide des mesures correctrices à prendre.
M. Fine vous remettra la liste de ces mesures, à laquelle nous nous référons lorsque nous faisons de la médiation.
Ian Fine, directeur général et avocat général principal, Commission canadienne des droits de la personne : La Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit certains recours, notamment des dommages-intérêts généraux et un recours presque punitif pour les comportements volontaires et insouciants. Les dommages sont limités à 20 000 $ par personne, si je me rappelle bien. Évidemment, lorsqu'il s'agit d'un recours collectif, la décision dépend du nombre de victimes de discrimination, si discrimination il y a.
Le tribunal dispose de moyens stratégiques. Il n'est pas rare qu'il demande à l'intimé d'élaborer une politique de concert avec la Commission canadienne des droits de la personne, notamment dans des affaires de harcèlement ou de mesures d'accommodement concernant des personnes handicapées. Il existe un large éventail de recours — tout ce qui peut permettre d'éliminer la discrimination, en fait.
Le sénateur Dallaire : Vous disposez de bureaux dans toutes les régions du pays. Vous devez donc traiter avec des personnes de cultures et de langues différentes, qui vivent isolées du reste de la population. Vous pourriez être confrontés à des problèmes particuliers, puisque ces personnes ne sont pas tout à fait comme les Canadiens des régions du Sud. Comment allez-vous former votre personnel pour aider ces gens? Implanterez-vous des bureaux régionaux dans les réserves? Avez-vous élaboré un plan de formation? Ce qui m'inquiète plus particulièrement, c'est le budget très serré de votre ministère. Vous n'avez pas encore reçu un cent, alors que nous n'avons que trois ans pour agir. Pouvez- vous établir la capacité de régler ces problèmes complexes dans les délais et sans argent?
Mme Lynch : Nous n'y parviendrons pas sans argent, mais nous nous attendons à recevoir du financement. Je vous remercie d'avoir soulevé la question de l'équité en matière d'emploi et d'en avoir parlé plus tôt aujourd'hui. Si la Commission canadienne des droits de la personne entreprend une nouvelle activité sans financement supplémentaire, ce sera au détriment d'autre chose. Nous sommes conscients du mandat législatif dont nous sommes investis et nous faisons de notre mieux pour l'exécuter, mais la situation est sans issue. Si nous n'obtenons pas de financement, nous pourrons bel et bien remplir notre mandat, mais ce sera au prix d'une autre fonction prévue par la loi, qui est tout aussi importante. Nous sommes sur la corde raide.
Le sénateur Dallaire : Il faut former le personnel et établir une capacité. Peut-être devrions-nous formuler une observation concernant le financement et cette capacité à l'égard du projet de loi. Le ministère de M. Strahl, déjà confronté à de nombreuses demandes, dispose de peu de fonds; vous n'avez donc aucune marge de manœuvre. On aurait dû prévoir quelque chose à ce sujet. Nous pourrions devoir nous pencher de nouveau sur la question.
Le ministre a déjà donné une réponse à cet égard, mais c'est vous qui recevez les plaintes. Si j'étais une Autochtone frustrée de ses droits, vivant sur une réserve située au diable vauvert — et on n'a pas à aller bien loin pour être isolé — et que je voudrais formuler une plainte sans la moindre méthode ou aide extérieure, réussirais-je seulement à franchir l'étape initiale? Soyons honnêtes : j'aurais probablement du mal à simplement rédiger la plainte. J'ai aidé ma belle-sœur à déposer une plainte; il nous fallu un temps fou pour la formuler et pour nous y retrouver dans le dédale administratif. Les gens ne devraient-ils pas bénéficier d'une aide quelconque à cet égard?
Mme Lynch : C'est juste. Il ne faut toutefois pas perdre de vue le fait que de nombreuses organisations, dont d'importants organismes autochtones, tentent de venir en aide aux plaignants potentiels. C'est notamment le cas de l'Association des femmes autochtones, qui aurait toutefois besoin de ressources pour y parvenir.
Le sénateur Dallaire : Eh bien, voilà.
Mme Lynch : Nous sommes un organisme impartial, qui ne représente les intérêts ni du plaignant ni de l'intimé. Nous ne sommes pas là pour aider les plaignants à formuler leurs plaintes, mais pour leur fournir des modèles et autant d'orientation que nous le pouvons, si vous pouvez percevoir la nuance. Nous devons maintenir notre impartialité. C'est le nœud du problème.
Le sénateur Dallaire : Ainsi, les plaignants dépendent des organisations non gouvernementales et ne disposent d'aucune structure gouvernementale pour formuler une plainte.
Mme Lynch : C'est exact. Nous essayons de faire preuve d'innovation. Nous sommes très ouverts d'esprit. S'il y a moyen d'accueillir une plainte, si nous pouvons trouver un moyen créatif qui s'applique également à tous, nous n'hésitons pas à aller de l'avant.
Le sénateur Oliver : Je vais vous faire grand plaisir, madame la présidente. J'avais de nombreuses questions à poser, mais nous sommes déjà à court de temps. Je vais donc passer mon tour et n'en poserai aucune.
La présidente : J'ignore si c'est moi qui suis peu accommodante ou vous qui êtes particulièrement conciliant, mais je choisis de penser que vous avez simplement décidé de nous faciliter la tâche.
Madame Lynch, je vous remercie d'avoir comparu et de nous avoir fait part de votre opinion. D'autres présidents nous ont déjà encouragés à éliminer l'article 67. Nous vous remercions de nous avoir dit ce que vous ferez dans l'avenir pour faciliter la transition.
Honorables sénateurs, nous entendrons maintenant les témoignages de M. Patrick Brazeau, chef national du Congrès des peuples autochtones, et Ellen Gabriel, présidente de Femmes autochtones du Québec Inc., de l'Association des femmes autochtones du Canada.
Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Je crois comprendre, monsieur Brazeau, que vous prendrez la parole en premier.
Patrick Brazeau, chef national, Congrès des peuples autochtones : Merci, honorables sénateurs, de me donner l'occasion de témoigner.
[Français]
Honorables sénateurs, il me fait plaisir de comparaître devant le comité au sujet du projet de loi C-21.
D'une certaine façon, je suis désolé d'aborder la question de savoir si la Charte canadienne des droits et libertés devrait s'appliquer aux citoyens des Premières nations du Canada habitant dans les réserves et hors-réserves. Toutefois, compte tenu de l'importance de cette question, je parlerai au nom de ceux qui ne peuvent pas parler ou pour ceux qui ont peur de parler en leur propre nom.
[Traduction]
En 2007, l'Organisation des Nations Unies a promulgué sa Déclaration sur les droits des peuples autochtones, un document important que le Canada n'a malheureusement pas signé. Toutefois, la Déclaration peut servir d'orientation pour le projet de loi C-21. L'article 1 stipule que : « Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif ou individuel, de jouir pleinement de l'ensemble des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnues par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme et le droit international en matière de droits de la personne. »
L'article 2 donne des précisions supplémentaires, stipulant que les peuples autochtones ont le droit d'être libres de toute forme de discrimination.
La Loi sur les Indiens du Canada entraîne une discrimination systémique, sanctionnée et administrée par l'État. Ses dispositions sur l'inscription créent une hiérarchie autochtone et un système afférent de droit ou de privation des droits qui est discriminatoire et entièrement fondé sur l'origine et l'identité autochtone. Nous sommes, en vertu des alinéas 6.1 et 6.2 du projet de loi C-31, Indiens inscrits ou Indiens non inscrits. La seule chose qui soit pire que de faire partie de ce système est d'en être exclu complètement, comme c'est le cas pour les Indiens non inscrits et les Métis.
En 1977, le gouvernement du Canada a adopté la Loi canadienne sur les droits de la personne pour permettre à l'ensemble des Canadiens de demander réparation lorsque les institutions fédérales font preuve de discrimination à leur endroit. À l'heure actuelle, cette loi s'applique aux bandes indiennes.
[Français]
Cette importante nuance doit être précisée car il y a beaucoup de désinformation à ce sujet. Plusieurs conseils de bande ne croient pas avoir d'obligations concernant les droits de la personne à l'égard de leur propre peuple.
[Traduction]
Je tiens à citer un grand chef qui représente presque la moitié des Premières nations du Manitoba.
La MKO n'accepte pas l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne à une révision des lois et décisions des gouvernements des Premières nations, à nos représentants ou à nos employés. La MKO rejette aussi l'idée que la Commission canadienne des droits de la personne ou le Tribunal canadien des droits de la personne aient leur mot à dire sur les actions et les décisions des dirigeants élus des Premières nations.
La semaine dernière, le chef national de l'Assemblée des Premières Nations a indiqué aux honorables sénateurs, réunis dans la Chambre rouge, que les Premières nations appuient le projet de loi C-21 et l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans les réserves indiennes au Canada. Cependant, il est clair que ce ne sont pas tous les chefs du Canada qui sont prêts à appliquer les droits la personne à l'égard de leur propre peuple. Il faut l'admettre, certains chefs sont ceux-là même qui font preuve de discrimination envers les Premières nations.
Comme l'article 67 n'a servi à protéger la Loi sur les Indiens et non les bandes indiennes, nous savons ce qu'est la discrimination dans les réserves indiennes du Canada.
J'ai remis cinq résumés de causes judiciaires à titre de renseignement. Ces dossiers montre clairement que certains conseils de bande ont faire preuve de discrimination, cherchant à refuser l'emploi, les permis, le logement, l'éducation et le bien-être à des résidants de la réserve ne cadrant pas avec l'idée que se fait la bande d'un Indien convenable.
L'automne dernier, j'ai parcouru le pays pour parler à des membres de bandes hors réserve. Or, nombreux sont ceux qui m'ont dit que s'ils vivaient à l'extérieur des réserves, c'est justement parce qu'ils ne pouvaient espérer être traités de manière équitable ou juste au sein de leurs propres collectivités.
[Français]
Je porte ces situations à l'attention du comité non pas pour dénigrer le leadership dans les réserves, mais bien pour démontrer que le poison qui s'écoule de la Loi sur les Indiens nous affecte tous, que ce soit dans les réserves ou hors- réserves.
[Traduction]
La Loi sur les Indiens anéantit la dignité des gens et, en fin de compte, affaiblit la collectivité. Je comprends que les conseils de bande gèrent les politiques et les programmes à la demande d'un ministère qui refuse d'accepter toutes les responsabilités qu'il a à l'égard des peuples autochtones. J'accepte qu'à l'occasion, des conseils de bande soient l'auteur de la discrimination pour le compte d'un système national qui a permis, toléré et favorisé ce genre de conduite.
Mais il est temps de mettre fin à cette situation. Si nous voulons rétablir la justice et la dignité chez les peuples des Premières nations du Canada, nous devons commencer à remettre en question les hypothèses racistes sur lesquelles se fonde la Loi sur les Indiens. Nous devons nous y employer avec diligence et transparence, sûrs du fait que nos nations ne survivront que lorsque nous pourrons tous nous épanouir dans nos communautés.
[Français]
Le temps est venu pour chacun d'accepter ses responsabilités et son devoir d'assurer que la dignité humaine des citoyens des Premières nations du Canada est respectée, rétablie, protégée et, lorsque nécessaire, mise en application en vertu de la législation sur les droits de la personne.
[Traduction]
Honorables sénateurs, il vous incombe de mener à bien les travaux relatifs au projet de loi C-21. En notre qualité de chefs, nous aurons fort à faire avec cette mesure législative. Les Inuits et les Métis jouissent pleinement des droits de la personne accordés au Canada. Il est temps d'aller au-delà des politiques partisanes en la matière et de veiller à ce que justice nous soit faite, à moi, à mes enfants et aux centaines de milliers d'Autochtones du Canada, à qui l'on refuse encore de reconnaître les droits fondamentaux.
Il est temps de nous attaquer au problème et de rectifier la situation. Restaurons la fierté dans le cœur des Premières nations du Canada en leur permettant de jouir des mêmes droits que l'on accorde aux autres citoyens canadiens.
La présidente : Merci, monsieur Brazeau. Nous passons maintenant à Mme Gabriel.
Ellen Gabriel, présidente, Femmes autochtones du Québec Inc., Association des femmes autochtones du Canada :
[Note du rédacteur : Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle]
Bonjour. Je suis originaire de la communauté des Kanehsatà:ke, du clan de la tortue. Je représente aujourd'hui l'Association des femmes autochtones du Canada, dont fait partie Femmes autochtones du Québec Inc. L'Association des femmes autochtones du Canada est une organisation politique nationale qui représente les intérêts de 11 associations provinciales et territoriales.
L'AFAC met en œuvre des stratégies nationales de réforme législative et politique qui visent à répondre aux besoins particuliers des femmes autochtones en facilitant leur participation aux réformes.
L'AFAC cherche ainsi à donner des chances égales à tous et à faire en sorte que l'on adopte des approches adaptées aux cultures et aux besoins des hommes que des femmes pour trouver des solutions plus équilibrées et globales aux problèmes actuels.
L'Association a appuyé et continue d'appuyer l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, dans la mesure où cette dernière s'appuie sur plusieurs facteurs clés.
Il doit premièrement exister un plan de mise en œuvre adéquat avant que l'abrogation n'ait lieu; ce plan doit prévoir un calendrier clair, des principes, des critères et des normes, et comprendre des définitions, des rôles et des responsabilités pour tous ceux qui interviennent dans le processus. Il doit aussi préciser comment on répondra aux besoins particuliers des personnes qui parlent une langue autochtone ou qui vivent dans des régions rurales ou éloignées. Il faut également veiller à ce que les Premières nations qui utilisent actuellement des processus de résolution de conflit ou les autres critères ou approches traditionnels ou usuels pour gérer les plaintes formulées sur le plan des droits de la personne puissent continuer d'utiliser ces mécanismes, auxquels il faudra recourir avant de déposer une plainte officielle en matière de droits de la personne.
De plus, il faut prévoir des ressources financières et une capacité adéquates pour réagir avant l'entrée en vigueur de l'abrogation. Nous aurons besoin de ressources avant et après cette abrogation, notamment pour pouvoir offrir des recours en cas de plainte. Nous devons également consacrer des ressources pour évaluer le plan de mise en œuvre, analyser les résultats, déterminer des pratiques exemplaires et cerner les problèmes au cours de la mise en œuvre et après l'entrée en vigueur de l'abrogation.
L'AFAC se préoccupe de l'article 6 de la Loi sur les Indiens, des répercussions du projet de loi C-31 sur le statut d'Indien, des programmes et services offerts au sein des collectivités, des services de soins à l'enfance, des installations de détention, du logement et des allocations offertes à cet égard, du besoin de protéger les plaignants des représailles, du manque de financement pour réagir à l'abrogation et de la préparation de sa mise en œuvre. L'adoption de la mesure législative soulève des attentes, mais sans un soutien non législatif, une planification soignée, des ressources et du financement, je crois que les femmes autochtones se rendront compte que leur situation ne s'est guère améliorée. Nous nous inquiétons également de la manière dont on établira les directives en matière d'interprétation, tout en croyant qu'il est possible d'assurer l'équilibre des droits individuels et collectifs en vertu du droit coutumier d'une manière intégrée, en tenant compte de leur indivisibilité.
Pour que l'abrogation et les politiques et les programmes qui l'accompagneront aient le meilleur effet possible dans nos communautés, il faut tenir compte des systèmes juridiques autochtones, des droits prévus dans les traités, du droit coutumier et des traditions, qui assurent un équilibre délicat entre les droits individuels et collectifs.
Nous croyons que la planification ou le financement inadéquats de l'abrogation auront des répercussions néfastes disproportionnés sur les femmes autochtones. Les lignes directrices que formulera la Commission canadienne des droits de la personne devront s'appuyer sur une analyse comparative entre les sexes adaptée à la culture. L'abrogation doit également s'accompagner d'initiative de communication et d'éducation, pour que les gens connaissent leurs droits, sachent ce que l'abrogation a changé et comprennent les rouages du processus de plainte. Nous nous inquiétons du peu d'information que l'on trouve sur les mesures qui seront prises pour assurer la planification et l'analyse au cours de la mise en œuvre de l'abrogation. Le peu d'information diffusée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ne fait qu'accentuer nos préoccupations.
Nous nous posons donc plusieurs questions. Quelle est la définition d'égalité que la Commission canadienne des droits de la personne propose d'utiliser lors du traitement des plaintes? Quelle sera l'impact de cette définition lorsqu'il faudra assurer le juste équilibre entre les droits individuels et collectifs? Comment réalisera-t-on les analyses de l'intersectionnalité dans les affaires concernant des femmes autochtones? Comment les conclusions s'appliqueront-elles à l'abrogation? Comment les travaux de la Commission sont-ils liés à la reconnaissance des traditions juridiques et des pratiques traditionnelles et culturelles des Autochtones? Quelles données et quelles analyses la Commission canadienne des droits de la personne peut-elle fournir afin de planifier en fonction des renseignements recueillis sur les plaintes d'Autochtones?
L'AFAC a régulièrement demandé que les changements aux politiques et des programmes soient apportés dans le respect des cultures, des traditions et des langues propres aux Autochtones. Ces traditions prévoient un respect égal pour les femmes. Il ne suffit pas d'examiner ou d'analyser les répercussions des décisions stratégiques sur les femmes autochtones; il faut qu'elles et ceux qui les représentent aient leur mot à dire dans ces processus.
L'Association considère qu'il est inutile d'abroger l'article 67 si personne ne peut se prévaloir de la protection de cette mesure législative. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de contribuer à l'abrogation efficace de l'article 67 et à l'établissement d'une nouvelle approche qui permettra de traiter les plaintes en matière de droits de la personne en respectant pleinement les traditions juridiques et les coutumes autochtones.
J'aimerais poser une dernière question. Comment cette mesure s'appliquera-t-elle à la discrimination dont a fait preuve le gouvernement fédéral au titre de la Loi sur les Indiens? Les politiques que les conseils de bande appliquent sont celles du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Cette mesure s'appliquera-t-telle au ministère lui- même?
Merci beaucoup. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
La présidente : Merci.
Le sénateur Munson : Je vous poserai deux questions à chacun d'entre vous, en m'adressant d'abord au chef national Brazeau. Vous avez des réserves au sujet de la prolongation de la période de grâce de 36 mois, et j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet.
De plus, vous n'avez pas mâché vos mots au sujet des Autochtones qui vivent sur les réserves. À vous entendre, on croirait qu'il leur est presque impossible de faire valoir leur cause jusque devant la Commission canadienne des droits de la personne.
Madame Gabriel, je vous poserai une question pour vous permettre de réfléchir pendant que M. Brazeau répond. Vous avez posé plus de questions, un peu comme nous le faisons. Souhaitez-vous que l'on rejette le projet de loi dans sa forme actuelle?
M. Brazeau : Tout d'abord, lorsque nous avons comparu devant le Comité permanent des affaires autochtones, à la Chambre des communes, nous avons proposé une période de mise en œuvre de 18 mois, parce que nous considérions que la décision que la Cour suprême a rendu dans l'affaire Corbière en 1999, qui touchait le droit de vote des personnes hors réserve, avait établi un précédent à cet égard. Je crois que plus la mise en œuvre de l'abrogation de l'article 67 sera longue, plus longtemps nous nierons et retarderons la reconnaissance des droits des citoyens des Premières nations. Ceci dit, c'est quand même mieux que rien.
Le sénateur Munson : Vous avez également parlé de la langue. Vous avez dit que ces cas prouvent sans l'ombre d'un doute que les conseils de bande font preuve de discrimination afin de refuser des emplois, des permis, des logements, de la formation et des prestations à des personnes qui, selon eux, ne sont pas des Indiens convenables.
Je sais que vous êtes en désaccord avec le chef Fontaine à divers égards, mais j'ai vu, lors de l'excuse du gouvernement, de beaux exemples de collaboration. Or, vous faites des déclarations très sérieuses au sujet de ce qui se passe sur les réserves.
M. Brazeau : Le Congrès a pris les devants, à l'automne dernier, pour lancer une campagne en faveur de l'abrogation de l'article 67. Nous avons eu l'occasion de rencontrer directement des citoyens des Premières nations de toutes les régions du pays. Ils m'ont fait part de l'expérience qu'ils avaient vécue, évoquant la discrimination dont auraient fait preuve des chefs et des conseils de bande de diverses parties du Canada lorsqu'ils ont dû prendre des décisions à leur égard.
Ils doivent accepter de ne pouvoir accéder à certains services, comme le logement et l'éducation, parfois parce qu'ils ont décidé de vivre à l'extérieur des réserves. Il est question de ce problème dans un rapport plus long qui sera déposé dans les semaines à venir. Nous tenons ces faits des personnes directement concernées, des personnes que je représente.
Le sénateur Munson : L'Assemblée des Premières Nations nous dira si elle croit que la Commission canadienne des droits de la personne peut régler le problème dont vous parlez, advenant l'adoption du projet de loi.
Vous avez posé bien des questions, madame Gabriel, et le temps nous est compté. Êtes-vous en train de nous dire que vous souhaitez que nous retravaillions davantage le projet de loi ou que nous le rejetions? Avez-vous des observations à formuler?
Mme Gabriel : La mesure législative, telle qu'elle est présentement, est problématique. Il faut aussi tenir compte du manque de financement et du fait que nos communautés ont été privées de leurs droits fondamentaux. On nous impose la Loi sur les Indiens depuis la fin des années 1800.
À partir de maintenant, je ne parlerai plus en tant que présidente des Femmes autochtones du Québec, car je considère, à l'instar des membres de mon association, qu'il s'agit d'une question importante. Je fais partie de la Confédération iroquoise. Nous avons notre propre constitution et nos processus en matière de droits de la personne. En 1924, lorsque le gouvernement canadien a déclaré notre confédération illégale, il a retiré le pouvoir à nos gouvernements traditionnels, de sorte que c'est maintenant la Loi sur les Indiens qui s'applique à nous.
Je suis confrontée à un dilemme. Je crois que nous devons effectivement disposer d'un certain mécanisme en matière de droits de la personne pour les membres de notre communauté, surtout pour régler certains des problèmes dont M. Brazeau a parlé. J'ai toutefois choisi de vivre au sein de ma communauté parce que c'est là d'où viennent mes ancêtres et que je suis une Mohawk opiniâtre.
Je me pose des questions. Est-ce que cela veut dire que nous pouvons nous adresser au ministère des Affaires indiennes pour lui demander de rendre des comptes sur les abus des droits de la personne? Les Mohawks pourront-ils demander au gouvernement du Canada de corriger les abus dont nous avons souffert dans les années 1990, une affaire que connaît bien le sénateur Dallaire?
Ce sont là mes questions. Le gouvernement est-il prêt à résoudre ces questions en recourant aux lois en vigueur? Sait-il que, ce faisant, il devra en payer le prix? Nous souhaiterions avoir une constitution autochtone, qui serait fondée sur les lois et sur les droits de la personne, comme on le voit dans le reste du monde. Il est donc difficile pour moi de répondre par oui ou par non.
Le sénateur Jaffer : Je vous remercie beaucoup tous les deux de comparaître. Nous disposons de bien peu de temps, alors que les questions sont bien nombreuses.
Cet après-midi, nous avons interrogé le ministre au sujet des ressources. Pour autant que nous sachions, aucune ressource n'a été consacrée à ce dossier. Forts de votre expérience, pourriez-vous nous dire quelles sont les ressources dont on aurait besoin pour aider les gens à présenter leurs plaintes?
M. Brazeau : Je vous remercie de me poser la question, monsieur le sénateur. L'automne dernier, dans le cadre de la campagne que nous avons lancée pour faire abroger l'article 67 — dont la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne vous a parlé — nous avons recommandé que tous les intervenants, conjointement avec la commission, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministère de la Justice, se réunissent pour commencer à discuter d'un plan pour la période de mise en œuvre. Il devait y être question des ressources, ce qui a d'ailleurs été le cas.
Nous avons finalement tenu la séance initiale lundi dernier. Tous les intervenants se sont réunis, et nous avons eu une discussion constructive sur la manière de procéder pendant la période de mise en œuvre. Le projet de loi n'a pas reçu la sanction royale et, si je ne m'abuse, les mesures législatives ne prévoient généralement pas de ressources. C'est un point réglé ultérieurement. Je crois que tout le monde s'entend pour dire qu'il faut affecter des ressources suffisantes à la Commission et aux organisations afin d'établir une capacité pour que nous soyons capables et prêts, et disposions de l'expertise nécessaire pour gérer les plaintes que nous recevrons après l'abrogation de l'article 67.
Mme Gabriel : J'aimerais qu'un ombudsman soit en poste dans chaque région pour aider les collectivités à trouver méthodes novatrices de résolution des conflits. Comme je l'ai déjà indiqué, en raison de la Loi sur les Indiens, ce processus n'est pas en place dans certaines communautés. Il faut former des gens à l'échelle locale pour que nous ne dépendions pas toujours de la Commission canadienne des droits de la personne pour régler les plaintes.
Le ministre a fait remarquer, plus tôt, que cette mesure législative a une incidence à tous les égards. Elle concerne tous les aspects de la Loi sur les Indiens qui font que sommes soumis à l'oppression depuis si longtemps, notamment les questions d'appartenance et de revendications territoriales. Est-ce que cette mesure législative aura des effets sur ces revendications?
Il existe une multitude d'aspects qui nécessitent un examen et des recherches. Il faut déterminer quelles seront les répercussions sur nos communautés, car nous devons également protéger nos droits des lois canadiennes. Je ne dis pas cela par manque de respect, mais parce qu'on nous a imposé bien de choses sans nous consulter.
Comme je l'ai déjà dit, je crois fermement aux droits de la personne. Cependant, nous devons évaluer les impacts que cette mesure aura sur nos communautés. En tant qu'indigènes — et je ne parle pas ici de ceux qui sont entrés au pays en empruntant le détroit de Béring, mais bien des indigènes — nous avons le droit de disposer de nos terres. Est-ce que ce droit sera touché?
Nous avons de nombreuses questions et, faute de consultation, nous ignorons quelles seront les réponses. Il faut prévoir énormément de ressources. Je crois d'ailleurs que la Commission canadienne des droits de la personne en a mentionné quelques-unes.
Le sénateur Jaffer : Mme Lynch a proposé de résoudre les conflits en s'inspirant des moyens traditionnels. Comme vous vous trouvez tous deux devant des défis, j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée de régler les conflits en s'appuyant sur la riche tradition déjà présente dans les cultures autochtones.
M. Brazeau : C'est très important pour tous les Autochtones. Cependant, lorsque commencera la période de mise en œuvre, il faudra établir des pratiques exemplaires qui nous permettront de communiquer certains des mécanismes de résolution de conflits qui existent déjà au Canada et faire part des exemples de réussite.
Collectivement, nous devons régler cette question. Nous avons déjà commencé à en parler avec les intervenants et la Commission.
Mme Gabriel : Je crois que des formes traditionnelles de résolution des conflits existent déjà. Lorsqu'un problème surgit entre deux personnes, elles ne sont pas seules; un ancien ou quelqu'un d'autre peut leur venir en aide en déterminant où sont les torts. Cependant, comme je l'ai déjà dit, à cause de la Loi sur les Indiens, des pensionnats et de tout le reste, nos vies ont été complètement bouleversées, de notre identité à notre sexualité.
Je crois que les formes traditionnelles de résolution de conflits sont plus douces. Si les anciens ou d'autres membres de la communauté peuvent renouer avec leurs traditions, ils peuvent contribuer à régler les problèmes de façon honnête, délicate et équilibrée, en gardant un esprit ouvert plutôt qu'en montrant du doigt. Ce n'est pas la personne qui nous irrite, mais biens son comportement. C'est une façon de penser qui est tombée dans l'oubli parce qu'on nous a imposé la Loi sur les Indiens. Ce sont des politiques, qui n'ont rien à voir avec les droits de la personne.
Le sénateur Di Nino : J'aimerais revenir à la première question que le sénateur Munson a posée. La mesure législative a fait l'objet de débats intéressants à l'autre Chambre. On y a apporté de nombreuses modifications, qui ont été modifiées à leur tour. Ce processus est bien long. Ce n'est pas la première fois que l'on tente d'abroger l'article 67.
Il semble qu'il soit question de commencer le processus d'abrogation par une période de transition de trois ans, suivi d'un examen exhaustif après cinq ans. Cela devrait vous rassurer, je crois. Je voulais approfondir un peu plus la question.
On nous a renvoyé cette mesure législative, et nous recueillons vos témoignages et celui d'autres intervenants dans le cadre de nos travaux. Mais aucun d'entre vous n'a répondu clairement lorsque le sénateur Munson a demandé si nous devions adopter cette mesure législative, ce qui constituerait la première étape du processus d'abrogation de l'article 67, et si la période de transition, au cours de laquelle vous continueriez de participer — comme par le passé — assurerait le respect des traditions évoqué par Mme Gabriel et la prise en compte des points qui préoccupent le chef Brazeau.
Que répondez-vous à cela?
M. Brazeau : Je réponds « oui » sans hésiter. Il faut adopter la mesure législative.
Ceci dit, le projet de loi a effectivement causé plusieurs difficultés à l'autre Chambre, comme vous l'avez souligné. L'un des principaux problèmes, c'est que la plupart des témoins qui ont comparu représentaient des institutions, alors qu'on aurait dû faire appel aux personnes qui ont souffert de discrimination à l'intérieur ou à l'extérieur de leurs communautés. Si un plus grand nombre de citoyens avaient témoigné, la période de transition n'aurait peut-être pas été aussi longue.
D'un autre côté, on prévoit une période de transition de trois ans, ce qui revient à donner le feu vert pour continuer à faire preuve de discrimination à l'endroit des Autochtones pendant cette période. Au moins, cette mesure permet de lancer le processus afin que nous puissions enfin jouir des mêmes droits que les autres Canadiens.
Comme je l'ai dit plus tôt, c'est mieux que rien; voilà pourquoi j'appuie l'adoption immédiate du projet de loi.
Mme Gabriel : J'aurais tendance à être d'accord avec M. Brazeau, étant donné que nous sommes totalement dépourvus de droits actuellement.
La seule raison pour laquelle je répondrai quand même « non », c'est que lorsqu'il est question de relations entre les nations — et c'est un point que le premier ministre a souligné, comme de nombreux d'autres ministres —, on ne décide pas pour les États-Unis des droits de la personne qui s'appliqueront sur leur territoire. Pourtant, c'est exactement ce que vous faites aux Autochtones.
Je vous ai expliqué la raison de notre situation actuelle et pourquoi je devrais sacrifier certains de mes principes et de mes croyances pour dire que j'appuie cette mesure législative.
Je crois toutefois que l'idée a du bon, parce qu'il n'y a pas pour l'instant d'autres mesures de protection des droits individuels. Je répondrais donc « oui ». Je sais que je ne donne pas une réponse claire, mais c'est néanmoins mon point de vue, parce que je suis confrontée à un dilemme. Moi aussi, j'ai été victime de discrimination, et je n'ai aucun mécanisme pour m'aider.
C'est la meilleure explication que je puisse vous donner. Iriez-vous dire aux Américains que vous adoptez une loi en leur nom parce qu'ils se trouvent en territoire canadien?
Ce qu'il faut, c'est élaborer davantage de traités, où l'on tiendrait compte des droits de la personne et de l'égalité entre les sexes. Par égalité entre les sexes, on entend l'égalité entre les hommes et les femmes; cela ne concerne pas seulement les femmes, mais également les hommes et les jeunes, et la manière dont ces derniers grandiront.
Je sais que l'Association des femmes autochtones du Canada a bien des questions à vous poser. C'est également le cas de l'association québécoise que je représente. Je sais que les chefs du Québec et du Labrador n'appuieront pas ce projet de loi.
Voilà le dilemme devant lequel je me retrouve. Je veux pouvoir me tourner vers quelqu'un et appeler à l'aide, à défaut de pouvoir m'exprimer autrement. Je crois que ce projet de loi s'appuie sur de bonnes intentions. Si l'on fait preuve de bonne volonté, je l'accepterais en partie. Cependant, je n'en demeure pas moins citoyenne de la Confédération iroquoise.
Le sénateur Dallaire : Madame Gabriel, vous avez indiqué qu'il existe, au sein de votre nation, un processus de défense des droits de la personne, qui devrait pouvoir répondre aux besoins de tous les membres de la communauté du point de vue culturel, traditionnel et juridique. Vous dites maintenant qu'en adoptant cette mesure législative, nous ouvririons une boîte de Pandore, car certains voudraient se recourir à une aide extérieure à votre nation et utiliser ce système de dernier recours. On croirait plutôt que les gens préfèreraient résoudre le problème au sein de la communauté et, en cas d'échec, s'adresser seulement in extremis à la Commission pour régler le problème.
Ai-je tort de croire que c'est ainsi que cela devrait fonctionner, ou êtes-vous en train de nous dire que c'est un processus vers lequel on se tournera en premier et que vos propres méthodes internes de résolution de conflits seront abandonnées au profit de ce nouveau processus?
Mme Gabriel : Non, je pense qu'elles vont continuer d'exister. En raison des politiques d'assimilation, certains membres de notre peuple ont perdu le respect de nos propres traditions. Ils ne font plus confiance à la confédération ni n'ont de respect pour les cérémonies et autres choses du genre.
C'est un combat pour moi aussi : quelle serait la meilleure solution à cela? De mon point de vue, cette loi sert à déposer des plaintes contre le ministère des Affaires indiennes. C'est ma véritable plainte à moi, et c'est ce pour quoi je l'utiliserais. Si vous me qualifiez de citoyenne canadienne sans ma permission — et parce que vous me qualifiez de citoyenne canadienne, j'ai le droit d'utiliser cette loi — alors je vais l'utiliser contre les gens qui nous ont oppressés pendant si longtemps et qui méprisent tellement nos coutumes traditionnelles et nos structures politiques.
Le sénateur Dallaire : À moins que je me trompe, je ne vois rien dans cette loi qui vous en empêche. Le gouvernement n'est pas en train de s'organiser pour se faire envahir par un autre processus. Au contraire, le gouvernement est plutôt conscient du fait que les droits de la personne vont dans les deux sens, si je peux m'exprimer ainsi. Je n'y vois pas de problème. C'est très bien pour la personne.
Cela m'amène à mon argument : si un membre de votre nation décide de s'aventurer dans cette voie, votre nation exercera-t-elle de la discrimination contre lui? Cette personne sera-t-elle stigmatisée parce qu'elle sort de votre nation? Exercerez-vous des pressions sur elle pour qu'elle n'utilise pas le système?
Mme Gabriel : Je ne crois pas que nous ayons eu le temps d'en discuter entre nous. Sur le plan stratégique, en effet, cela sort un peu des sentiers battus. Cependant, à ce que je sache, il n'y a pas âme qui vive qui ne soit jamais sortie des sentiers battus.
J'aurais tendance à vouloir aider quiconque veut utiliser cet outil, qu'il estime faire partie de la confédération ou qu'il estime faire partie du système de conseil de bande. J'aurais tendance à être d'accord avec cette personne. Comme je l'ai dit, nous avons toujours vécu dans un vide juridique. Pendant toute la crise des années 1990, jamais on a répondu à mes plaintes en matière de droits de la personne.
J'ai hâte d'utiliser cet outil. Je vais sacrifier quelques principes, mais j'aimerais en faire l'essai moi-même. Je quelqu'un qui aime explorer. J'aurai peut-être l'air hypocrite, mais je veux avoir la chance de parler à ceux qui nous ont oppressés pendant si longtemps.
Nous avons des problèmes à l'interne, M. Brazeau a raison, mais je pense que beaucoup de ces problèmes ont une origine extérieure. Par exemple, prenons les pratiques discriminatoires de fraude par un conseil de bande. Le ministère des Affaires indiennes ne poursuivra pas le conseil de bande parce que c'est une autre ramification du ministère des Affaires indiennes.
Avez-vous témoigné devant le comité de la Chambre des communes quand il a mené cette étude?
Mme Gabriel : Oui.
Le sénateur Dallaire : Toutes les questions importantes que vous soulevez ont-elles été soulevées alors?
Mme Gabriel : Pas autant dans les détails que ce soir. En un sens, je suis une politicienne qui représente les membres qui voudraient utiliser cette loi.
La présidente : Je remercie nos deux témoins d'être venus nous exprimer leurs points de vue de façon pratique. Il y a tout lieu d'être optimiste quant à l'utilisation de cet outil s'il est mis en place comme il faut. On peut s'inquiéter de la façon dont il sera utilisé et se demander si en bout de ligne, il sera utile.
Nous partageons un peu les mêmes craintes. Cependant, la Loi sur les droits de la personne est en vigueur depuis plus de 30 ans. Nous la connaissons. Nous connaissons depuis longtemps l'article 67. Peut-être que la solution à cette énigme — compte tenu de ce que vous ressentez, madame Gabriel — serait de commencer par tester son application et de veiller à ce qu'il y ait des consultations et des mécanismes d'aide pour en assurer la mise en œuvre efficace.
Je vous remercie tous les deux, chef Brazeau et Mme Gabriel, d'être venus ici et d'avoir exprimé vos points de vue avec ouverture et franchise.
Honorables sénateurs, nous avons maintenant le plaisir d'accueillir un autre groupe composé, entre autres, du chef régional de l'Assemblée des Premières Nations, Angus Toulouse, et de M. Daniel Wilson, responsable de la Planification stratégique et du droit. Je crois, chef Toulouse, que c'est vous qui allez présenter votre déclaration.
La seconde participante à ce groupe sera Lisa Shaver, chef du Conseil des femmes de l'APN. Vous avez également préparé une déclaration d'ouverture. Nous écouterons brièvement ces déclarations, ce qui nous laissera du temps pour un échange de questions et de réponses.
Bienvenue. Chef Toulouse, la parole est à vous.
Angus Toulouse, chef régional, Assemblée des Premières Nations :
[Note de la rédaction : Le chef Toulouse s'exprime dans sa langue autochtone.]
J'aimerais me présenter sous mon nom traditionnel. Mon nom spirituel traditionnel est Corbeau Volubile. Je fais partie des Sagamok Anishnawbek du clan de la grue.
Au nom de l'Assemblée des Premières Nations, j'aimerais remercier la présidente et le Comité de nous permettre de comparaître aujourd'hui au sujet du projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. D'emblée, j'aimerais faire quelques observations générales sur la façon dont le projet de loi C-21 a été élaboré et les débats qui ont suivi.
L'Assemblée des Premières Nations a toujours appuyé vivement les droits de la personne des Premières nations, et nous continuons de protéger et de défendre les droits de nos citoyens et de nos nations dans toutes nos interventions à cet égard. Nous déplorons la perception que certains ont tenté de véhiculer que nos interventions à l'égard de ce projet de loi montrent que nous défendons avec très peu de vigueur nos droits. Nous réfutons l'idée avancée par certaines personnes que toute tentative de défendre les droits collectifs de nos communautés équivaut à une oppression des droits de la personne individuels. Nos gouvernements visent le juste équilibre de ces droits depuis des milliers d'années. Nous croyons que non seulement il est possible de continuer de le faire, mais que les Premières nations comme le gouvernement du Canada sont juridiquement tenus de le faire.
Les droits autochtones inhérents et issus de traités des Premières nations reconnus à l'article 35 de la Loi constitutionnelle du Canada, les droits protégés par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et les décisions de la Cour suprême du Canada sous-tendent tous la nécessité de mener des consultations sur toute initiative législative susceptible de toucher les Premières nations.
L'Assemblée des Premières Nations demeure contre tout projet de loi tant que le gouvernement ne s'acquitte pas de ce devoir fondamental. Nous l'avons dit publiquement. Nous avons pris la parole devant le Comité permanent de la Chambre des communes des Affaires autochtones et du développement du Grand Nord et avons pris diverses mesures pour que le projet de loi C-21 devienne la meilleure loi possible dans ce contexte.
Même si le gouvernement fédéral a manqué à son devoir envers les Premières nations, nous sommes déterminés à au moins prévenir tout dommage supplémentaire attribuable à la mise en œuvre de la future loi. C'est dans cet esprit que nous avons proposé une série d'amendements aux versions précédentes du projet de loi C-21 et à son prédécesseur, le projet de loi C-44.
Notre intention a toujours été de tirer le mieux d'une mauvaise situation, de rendre un mauvais projet de loi meilleur. Nous voyons bien que ce projet de loi risque fort d'être adopté même si le gouvernement ne s'est pas acquitté de sa responsabilité de nous consulter, mais nous déployons tout de même tous les efforts possibles pour que la version finale du projet de loi soit mise en œuvre efficacement.
Il est malheureux que les gouvernements successifs n'aient pas choisi de se préparer comme il faut à la mise en œuvre de la Loi sur les droits de la personne au cours des 30 dernières années. C'est extrêmement regrettable. Par les amendements que nous proposons, nous cherchons à pousser le gouvernement à se préparer comme il faut avant sa mise en œuvre. Nous cherchons aussi à faire respecter la position unique des Premières nations au sein du Canada. Tout projet de loi qui ne respecterait pas ce critère minimal ne ferait qu'écraser un ensemble de droits en faveur d'un autre, plus petit. Pour ces raisons, nous avons réussi à obtenir une période de transition de trois ans, afin de laisser suffisamment de temps aux collectivités des Premières nations pour se préparer à la mise en œuvre de cette loi. Nous avons également réussi à faire adopter un amendement pour que soit réalisée une étude sur l'impact de cette loi sur les Premières nations et pour évaluer là où les ressources ne sont pas suffisantes pour en assurer une mise en œuvre efficace.
De plus, nous avons recommandé des amendements pour créer l'équilibre entre les droits individuels ainsi que tous les intérêts au cœur de la Loi sur les droits de la personne, d'une part, et les droits collectifs ainsi que les intérêts des Premières nations protégés par la Loi constitutionnelle du Canada, d'autre part. Cette revendication a pris la forme d'une disposition interprétative et d'une disposition de non-dérogation, qui ont été incluses dans la version du projet de loi C-21 dont le comité permanent a fait rapport à la Chambre des communes. La Chambre des communes a ensuite modifié ces amendements en troisième lecture en remplaçant l'article de non-dérogation au complet et en ajoutant une phrase à la fin de la disposition interprétative.
Pendant le débat au Sénat, en seconde lecture, le sénateur Jaffer a fait part de ses préoccupations sur les deux mêmes articles. Pour ce qui est de la disposition interprétative, le sénateur Jaffer a fait remarquer que la mention de l'égalité des sexes était redondante étant donné que la Constitution garantit déjà l'égalité des sexes. Si cette analyse est juste, nous remettons en question la valeur de cette redondance. Si cette analyse est fausse, nous nous demandons quelle différence fait ce bout de phrase dans l'interprétation du projet de loi. Quel en est le but?
Si l'effet est de diminuer le poids relatif des droits collectifs des Premières nations par rapport à la Loi sur les droits de la personne, nous rappelons à ce comité que l'acceptation d'une langue supplémentaire contrevient aux dispositions constitutionnelles sur les droits autochtones et inhérents des Premières nations. Le cas échéant, nous nous y opposerions.
Si ni l'une ni l'autre de ces interprétations n'est juste, quel est le but?
Cette grande incertitude découle surtout du fait que le gouvernement du Canada a négligé de mener les consultations voulues, comme je l'ai déjà indiqué. Elle découle également du fait que le gouvernement du Canada a négligé d'analyser son projet de loi à la lumière de l'article 35. Il devrait être impératif d'analyser tous les projets de loi fédéraux qui touchent les droits et les intérêts des Premières nations à la lumière de l'article 35. L'omission répétée du gouvernement fédéral d'effectuer des analyses à la lumière de l'article 35 ou d'en partager les résultats avec les Premières nations justifie la nécessité d'une disposition de non-dérogation.
Le Sénat a fait de l'excellent travail récemment dans son étude des dispositions de non-dérogation, et le rapport qu'il a produit contient des recommandations qui pourraient être utiles pour corriger le problème à l'avenir. Cela pourrait même couper court au besoin de reprendre le même débat sur chaque projet de loi à l'avenir.
Le gouvernement du Canada n'a pas tenu compte de ces recommandations dans la préparation de ce projet de loi, pas plus qu'il n'a tenu compte de son devoir de consulter les Premières nations. Ce type de comportement ne contribue pas au processus de réconciliation. Néanmoins, par pragmatisme, l'Assemblée des Premières Nations a appuyé la disposition de non-dérogation élaborée par le comité permanent de la Chambre des communes. Nous ne pouvons cependant pas accepter le libellé qui se trouve maintenant à sa place dans le projet de loi qui vous est soumis. Comme votre propre étude en fait foi, les mots choisis par le gouvernement du Canada pour les dispositions de non-dérogation peuvent rétrécir la portée d'application de manière à protéger le projet de loi plutôt que les droits autochtones inhérents et issus de traités.
Pour cette raison, nous exhortons le Sénat à rétablir le libellé proposé par le comité de la Chambre ou, à tout le moins, à remplacer cette disposition de non-dérogation par une formule caractéristique de la période d'avant 1998, comme le Sénat le présentait dans son étude.
Nous avons apporté des copies des deux versions des dispositions de non-dérogation pour vous les remettre.
Je remercie le comité de nous accorder du temps et j'espère qu'il fera tout en son pouvoir pour protéger les droits contenus dans le projet de loi C-21 en tout égalité.
Lisa Shaver, chef, Conseil des femmes de l'APN :
[Mme Shaver s'exprime dans sa langue autochtone.]
Je vous salue dans ma langue autochtone, le dialecte hul'qumi'num des peuples salish de la côte de la Colombie- Britannique. Dans ma langue, mon nom est Paqualtaanaut, qui signifie Fleur Blanche. Je suis la représentante régionale du Conseil des femmes de l'APN pour la Colombie-Britannique.
Je vais commencer par remercier la présidente et le Comité sénatorial permanent des droits de la personne de m'avoir invitée à m'exprimer sur le projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi sur les droits de la personne, au nom du Conseil des femmes de l'Assemblée des Premières Nations. Le rôle du Conseil des femmes de l'APN est de veiller à ce que toutes les directives stratégiques de l'APN tiennent compte des perspectives des femmes des Premières nations et à ce que l'APN défende efficacement toutes les femmes des Premières nations, quel que soit leur statut et qu'elles vivent dans les réserves ou à l'extérieur.
Le Conseil des femmes l'APN participe à la prise de décisions politiques par le conseil exécutif de l'APN, et nous travaillons également en étroite collaboration avec le secrétariat de l'APN pour que les préoccupations et les perspectives des femmes des Premières nations soient prises en compte dans tous les travaux de l'APN. Nous travaillons de près avec nos autres collègues de l'APN sur le plan politique et stratégique afin que ce projet de loi reflète les préoccupations des femmes des Premières nations.
Mon collègue, le chef régional Angus Toulouse a décrit l'évolution du projet de loi C-21. Le Conseil des femmes de l'APN est d'accord avec son analyse et l'appuie.
Le Conseil des femmes de l'APN appuie l'abrogation de l'article 67 de la Loi sur les droits de la personne. Cependant, nous sommes d'accord avec l'affirmation du chef régional que nous cherchons à tirer le mieux d'un mauvais projet de loi parce que les Premières nations n'ont pas été consultées pendant la phase de rédaction du projet de loi.
Nous vous sommes reconnaissants d'avoir répondu à certaines de nos doléances dans le processus parlementaire, particulièrement en ce qui concerne la période de mise en œuvre et l'inclusion d'une étude d'impact ainsi que d'une analyse.
J'aimerais aborder l'une des questions qui reste en suspens du point de vue du Conseil des femmes de l'APN.
L'APN a réclamé des amendements au projet de loi C-21 pour favoriser un meilleur équilibre entre les droits individuels de la Loi sur les droits de la personne et les droits collectifs des Premières nations selon la Constitution du Canada, de même que nos coutumes et nos traditions.
L'APN a demandé pour cela l'ajout d'une disposition interprétative et d'une disposition de non-dérogation. Le Conseil des femmes de l'APN est d'accord avec cette position. En tant que femmes des Premières nations, nous considérons nos droits comme partie inhérente des droits collectifs. Pour les femmes des Premières nations, l'équité correspond à un accès égal à nos droits culturels, inhérents et issus de traités.
Les femmes des Premières nations veulent que la Loi sur les droits de la personne s'applique à elles, mais pas aux dépens des droits préétablis des peuples autochtones ni de notre identité culturelle.
Pour bien faire valoir ce point de vue, j'aimerais vous lire une citation. En février 2007, le Conseil des femmes de l'APN a tenu un forum spécial des femmes chefs et conseillères des Premières nations. Le projet de loi C-21 faisait partie des sujets de discussion, et la citation que je vais vous lire a reçu l'assentiment unanime des dirigeantes présentes.
Elle se lit comme suit :
Nous soutenons que, de par les pouvoirs qui nous incombent, nous sommes les législateurs et les gardiens de nos nations, de nos familles et de nos terres. Les lois holistiques des Premières nations continueront de guider nos décisions malgré les tentatives d'éventuelles lois fédérales, provinciales, ou territoriales de s'immiscer dans nos compétences inhérentes.
Dans l'adoption de leurs lois et de leurs politiques, les autorités fédérales, provinciales et territoriales doivent cesser tant d'empiéter sur nos droits inhérents ou qui découlent des traités que de bafouer ce même droit.
Les femmes chefs et conseillères des Premières nations s'opposent unitairement aux tentatives de la part du gouvernement fédéral pour imposer unilatéralement des lois et des politiques du type de celles que traduisent ces récentes initiatives pour régler la question des biens immobiliers matrimoniaux ou abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. De telles initiatives qui, sauf cas de cession, empiètent sur nos compétences inhérentes, ou les bafouent, seront rejetées.
Comme cette déclaration le montre, les femmes des Premières nations jugent inacceptable qu'une loi bafoue nos droits inhérentes. Les Premières nations veulent rétablir l'équilibre traditionnel qui existait entre nos hommes et nos femmes avant que la Loi sur les Indiens ne nous impose tous les changements destructeurs dont ont souffert nos femmes.
À cette fin, le Conseil des femmes de l'APN préconise également l'analyse comparative entre les sexes sensible à la culture, parce que les principes généraux de l'égalité entre les sexes au Canada et dans le monde ne semblent pas arriver à créer l'égalité recherchée entre les hommes et les femmes.
Je crois que l'adoption d'une approche comparative équilibrée adaptée à la culture des Premières nations serait perçue comme l'atteinte d'une norme supérieure par rapport aux approches populaires utilisées actuellement.
Notre analyse comparative entre les sexes examine les rôles traditionnels et historiques des hommes et des femmes, des garçons, des filles, des anciens, des personnes bispirituelles et des transsexuels; et la norme de l'équilibre entre les rôles insuffle un sens des valeurs et du respect pour tous les membres de la société, hommes ou femmes.
Notre analyse a été acceptée à l'unanimité par tous les chefs l'an dernier. Depuis, nous travaillons avec les gouvernements du Canada et d'ailleurs dans le monde pour que toutes les lois et politiques qui s'appliquent aux peuples des Premières nations soient revues à la lumière d'une telle analyse.
Nous croyons qu'une ACS adaptée à la culture des Premières nations pourrait aider la Commission canadienne des droits de la personne à interpréter et à appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne en fonction des intérêts des Premières nations. Nous espérons pouvoir collaborer avec la Commission pour que cela se concrétise. Ce qu'il faut retenir ici, encore une fois, c'est que les femmes des Premières nations veulent assurer la continuité de notre culture et de nos droits collectifs en tant qu'Autochtones. Nous accueillons bien sûr favorablement l'ajout de nouveaux droits et l'occasion de faire appel à la Commission des droits de la personne, mais pas aux dépens de l'autodétermination ou de la culture.
Comme très peu de consultations ont été faites pour appuyer l'élaboration du projet de loi C-21, le Conseil des femmes de l'APN estime que le gouvernement n'a pas suffisamment fait preuve de vigilance pour s'assurer que cette loi n'aura pas de répercussions sur les droits ancestraux et issus de traités. Nous croyons donc qu'une disposition de non- dérogation constitue une mesure minimum qui pourrait être prise pour protéger les droits et les intérêts des peuples des Premières nations. Il est également tout aussi important que la formulation de la disposition de non-dérogation soit suffisamment claire pour exprimer à tous l'intention ferme du Parlement de veiller à ce que la loi soit interprétée et appliquée conformément à l'article 35.
Je sais que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a abordé cette question dans son rapport intitulé Prendre au sérieux les droits confirmés à l'article 35.
Le Conseil des femmes de l'APN croit que les dispositions de non-dérogation ne devraient pas être inclues aux lois selon les besoins du moment. C'est toutefois la situation à laquelle nous sommes confrontés avec le projet de loi C-21.
Nous pensons que la formulation actuelle de la disposition n'est pas assez explicite. Nous accepterions le libellé de 1986-1996, dont fait mention le rapport du Sénat, un libellé beaucoup plus catégorique.
Avant de terminer, je vous prie de m'excuser de ne pas vous avoir un peu parlé de moi. J'arrive de la Colombie- Britannique et il semble que j'ai apporté la pluie avec moi; je suis très fatiguée. Je suis arrivée à 13 heures, heure d'Ottawa, et mon esprit était encore à l'heure de la Colombie-Britannique, c'est-à-dire 8 heures.
J'ai été élue par mon peuple il y a quelques années. Nous procédons à un processus de nomination tous les deux ans. Beaucoup de gens ne s'attendaient pas à ce que je gagne. J'étais alors enceinte de six mois, célibataire et sans emploi. Quand mon mandat de deux ans fut terminé et que l'on m'a demandé si j'allais me présenter de nouveau, j'ai décidé d'accepter. Lorsque je me suis présentée la première fois, je me rappelle que mon fils et moi avons fait du porte-à-porte pour demander aux gens de voter pour moi. Mon principal souhait, c'était de créer des emplois. C'est vraiment la raison pour laquelle j'étais là et que je le suis encore aujourd'hui.
Ce fut une expérience très enrichissante et intéressante. J'ai beaucoup compté sur l'aide et les conseils de mes anciens, ainsi que des autres conseillers qui ont été élus avec moi. J'ai été réélue le 29 janvier. J'étais tellement fatiguée que j'ai demandé à mon frère, qui habite juste à côté, et à son ami de voter pour moi. J'ai été reconnaissante et très honorée d'avoir été réélue. J'ai beaucoup de travail à faire dans nos communautés et c'est tout un honneur de comparaître devant vous. J'espère que nous aurons l'occasion de nous asseoir ensemble et de discuter plus longuement.
C'est une chose que j'aimerais que l'on puisse faire, et j'aurais surtout aimé que les personnes qui ont pris la parole avant moi soient restées, parce que j'ai eu l'impression qu'il y avait eu un malentendu. J'aimerais les inviter à rencontrer beaucoup des chefs que je connais en Colombie-Britannique.
Sur ce, je tiens à vous remercier pour votre temps.
[Mme Shaver parle dans sa langue maternelle.]
Dans ma langue, cela signifie « merci beaucoup ».
La présidente : Merci, chef Shaver. Merci de nous avoir parlé de vous. C'était très intéressant.
Le sénateur Jaffer : Merci beaucoup à vous deux d'avoir accepté l'invitation. Chef, vous avez dit être honorée d'être ici, mais laissez-moi vous dire que tout l'honneur est pour nous. Votre témoignage est très important pour notre comité.
Je suis la porte-parole responsable de ce projet de loi et je ne sais trop quoi faire des droits coutumiers, les droits collectifs et individuels. Maintenant que j'ai entendu vos deux témoignages, je suis encore plus inquiète et déconcertée. Peut-être que vous pourrez me guider. Je suis également issue d'une culture où les droits collectifs sont très importants. Pourriez-vous me donner un exemple d'une circonstance où les droits collectifs et les droits individuels pourraient s'entrechoquer? Comment pourrait-on remédier à la situation? Quelles mesures faudrait-il prendre?
M. Toulouse : Je vais tenter de répondre à votre question en m'appuyant sur ma propre expérience en tant que membre de la communauté Sagamok Anishnawbek.
Je vous résumerai d'abord le contexte dans lequel les choses se sont produites. Nous avons obtenu des excuses la semaine dernière. Les internats ont eu beaucoup de conséquences négatives, que l'on a pointées du doigt avec raison. Avant les internats, avant la Loi sur les Indiens, nous étions des nations avec des responsabilités, des obligations et des devoirs clairs, et nous comprenions quelles étaient nos responsabilités. Nous savions quels droits et quels enjeux collectifs devaient faire l'objet de discussions. Nous étions également conscients que chacun devait faire sa part. Ce sont des choses qui ont été perdues. Nous disons que nous avons perdu notre culture; nous avons perdu notre spiritualité et tout ce qui vient avec. Ce sont des enseignements et des connaissances que nous devons retrouver, et c'est grâce à l'éducation de notre prochain que nous y arriverons. Nous voulons nous guérir, guérir nos familles et nos communautés, au sein desquelles nos anciens, nos femmes et nos enfants pourront prendre la place qui leur revient dans nos systèmes de gouvernance.
J'ai mentionné que je fais partie du clan de la Grue. Nous avons perdu certains de ces enseignements à propos de nos responsabilités en tant que clan, et quelles fonctions ceux-ci tenaient par rapport à notre confédération des Trois Feux.
Ce sont des choses que nous devons rebâtir pour que l'on comprenne bien quels sont nos droits. Par exemple, si l'on suggère que les conseils des Premières nations ne respectent pas les droits des femmes, tout le monde comprendra de quoi on parle.
J'aimerais croire que nous pourrons être beaucoup plus conciliants et projeter un reflet beaucoup plus fidèle de certaines de nos sociétés. À titre d'exemple, les Hotinonshonni sont une société matriarcale. Évidemment, les femmes occupent une place prépondérante en ce qui a trait à la gouvernance et à la façon dont les leaders sont choisis, et comment ces leaders continuent à maintenir certaines de ces responsabilités.
J'espère que j'ai pu répondre à vos questions. Il faudra du temps pour que ces discussions aient lieu au sein de la communauté et qu'on assure l'éducation nécessaire.
Mme Shaver : Pourriez-vous reformuler la question?
Le sénateur Jaffer : Si des droits collectifs et individuels sont violés, quels sont les recours? On indique que le genre doit avoir préséance. Croyez-vous que les droits individuels doivent avoir préséance sur les droits collectifs?
Mme Shaver : Il devrait y avoir un équilibre entre les deux. En Colombie-Britannique, j'ai constaté que chaque fois que des mesures liées à la gouvernance sont proposées, les chefs veulent qu'on les tienne informés le plus possible. Les communautés, et pas seulement les chefs, veulent prendre part aux processus. En ce qui concerne votre question, qu'est-ce qui devrait être plus important? Tout le monde devrait avoir accès aux mêmes possibilités, et tout le monde devrait être traité équitablement. On ne devrait pas faire la distinction entre les droits individuels et les droits collectifs. Nous devons être justes.
Je ne suis pas certaine si j'ai bien répondu à votre question, mais différents processus sont en place.
Le sénateur Jaffer : Merci. C'est très utile.
J'ai une question que j'avais posée à la commissaire Lynch. Les cultures autochtones ont de riches façons de résoudre les conflits, comme le cercle de guérison, et elle a dit qu'elle en tiendrait compte. Tout nécessite des ressources et vous n'avez peut-être pas la réponse maintenant. Toutefois, nous devrions sans aucun doute considérer quelque chose dans les processus d'examen. Quel genre de ressources faudra-t-il fournir aux conseils de bande pour les aider à résoudre les conflits qui découleront de l'abrogation de l'article 67? Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Toulouse : Nous comptons quelque 600 conseils de bandes partout au pays. C'est vraiment là que le travail est à faire.
Nous avons aussi ce qu'on appelle des conseils tribaux, et chaque bande peut en avoir jusqu'à sept. Bon nombre d'entre eux sont près l'un de l'autre sur le plan géographique. Nous avons des organisations provinciales-territoriales dont la taille, l'emplacement et une partie du travail qu'elles font varient.
Il existe actuellement des organismes qui pourraient certainement assurer une partie de la coordination, fournir certains des moyens pour transmettre un message ou travailler avec un certain nombre de communautés. Il s'agit de pouvoir s'asseoir avec ces organisations ou ces communautés des Premières nations qui sont disposées à faire certaines choses conjointement.
Le vrai problème, c'est qu'il n'y a pas de ressources et qu'il en faudra vraiment. Autrement, nous aurons trois autres années vaines, tout comme les 30 dernières années. Il a été mentionné que nous devrions le faire et tout le monde en convient. Déterminons quelles ressources sont nécessaires pour que nous puissions le faire adéquatement et de manière satisfaisante pour tout le monde, tout en protégeant les droits individuels et en comprenant quels sont les droits collectifs.
Mme Shaver : Je partage l'avis de M. Toulouse. La capacité est toujours une préoccupation. La plupart des communautés que je connais manquent de personnel et ont du mal à traiter des problèmes actuels. Je souligne aussi que les communautés s'efforcent d'engendrer des changements pour elles-mêmes et d'envisager de travailler en partenariat avec d'autres entités, comme la GRC ou Santé Canada, sur des questions liées à la réduction de la violence dans nos communautés. Les gens ont effectivement toujours besoin d'argent et il aurait été avantageux qu'on en tienne compte il y a un certain temps.
En collaboration avec la GRC, notre communauté travaille à instaurer une politique de tolérance zéro à l'égard de la violence. Nous n'avons pas demandé d'argent au gouvernement pour cela. Nous l'avons fait parce que notre peuple l'a demandé. Nous avons invité la GRC à s'asseoir avec nous pour examiner une approche holistique pour nos aînés. Les réponses varient parce qu'il y a un très grand nombre de communautés autochtones différentes et de problèmes à régler, mais la capacité constitue toujours un problème.
Le sénateur Jaffer : Le sénateur Di Nino a demandé au ministre que le comité sénatorial soit consulté quand les consultations ont lieu. Je parle au nom de tous mes collègues en disant que nous ne devons pas attendre trois ans pour trouver ce qui ne fonctionne pas. S'il y a des choses que nous devrions savoir, il serait bon qu'on nous dise comment nous pouvons améliorer ce processus.
Le sénateur Di Nino : Ma première question s'adresse à Mme Shaver. Avez-vous comparu, ou quelqu'un de votre organisation, devant le comité de la Chambre des communes pendant qu'il étudiait ce projet de loi?
Mme Shaver : Oui.
Le sénateur Di Nino : Votre organisation a comparu devant ce comité et vous avez exprimé vos préoccupations de la même manière que vous l'avez fait devant le présent comité.
Mme Shaver : Oui.
Le sénateur Di Nino : Ma deuxième question s'adresse à M. Toulouse et porte sur la disposition de non-dérogation. Le projet de loi initial ne renfermait pas de disposition de non-dérogation et, en raison de la recommandation de l'APN et d'autres organisations, une disposition de non-dérogation a été incluse dans le projet de loi. Est-ce ainsi que vous voyez les choses, monsieur Toulouse?
M. Toulouse : Oui, mais je demanderais à M. Wilson de répondre.
Daniel Wilson, Politiques stratégiques, planification et questions juridiques, Assemblée des Premières Nations : Nous avons travaillé fort avec le comité pour faire en sorte qu'une disposition appropriée, qui répondait non seulement aux préoccupations générales, mais aussi aux préoccupations plus précises liées à ce projet de loi, soit incluse dans l'avant- projet de loi que le comité a présenté à la Chambre. Il a été changé à la troisième lecture. Je crois que le chef vous a dit ce que nous pensions des changements.
Le sénateur Di Nino : Là encore, d'après ce que je comprends, la disposition de non-dérogation incorporée par le comité de la Chambre avait un nouveau libellé non éprouvé, et des préoccupations sont exprimées par diverses Premières nations. Le libellé définitif reprenait une terminologie généralement utilisée dans des mesures législatives et des dispositions de non-dérogation depuis les dix dernières années ou plus. Êtes-vous de cet avis?
M. Wilson : Non. Nous convenons certainement que le libellé était quelque peu inhabituel et que la disposition que le comité a présentée à la Chambre renfermait un libellé non éprouvé. Nous estimions qu'elle était appropriée pour ce projet de loi précis, qui est en soi non éprouvé et qui n'avait pas fait l'objet de discussions avant son dépôt. Les Premières nations n'ont pas exprimé de préoccupations à l'égard de ce libellé.
Nous présentons l'opinion des chefs dans le cadre de notre travail. À notre assemblée spéciale des chefs en décembre, il y a eu une résolution sur la question qui était conforme à ce que nous avons fait. Je ne crois pas que vous constaterez qu'une Première nation s'est opposée au libellé de la disposition de non-dérogation que le comité a présentée à la Chambre.
En outre, c'est le libellé utilisé habituellement par le gouvernement à la dernière période. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a mené une étude approfondie où il a établi deux périodes distinctes : une première, où sept mesures législatives utilisaient un libellé semblable à celui de l'article 25 de la Constitution; et une deuxième et dernière, où six mesures législatives utilisaient un libellé qui ressemblait encore plus au libellé qui figure ici.
Cette étude et notre propre examen du dossier laisseraient entendre que le gouvernement tente d'affaiblir les protections des articles 25 et 35, et l'application des dispositions de non-dérogation, qu'il considère, pour citer le ministre, « inutiles ». Nous ne sommes pas d'accord. Nous préférerions le libellé que le comité a présenté à la Chambre, à défaut de quoi, nous préférerions celui de la première période qui a été utilisé pour les sept mesures législatives qui ressemblent à l'article 25 de la Constitution. Nous ne préférons pas le libellé qui est actuellement employé ni celui qui figure dans les six mesures législatives.
Le sénateur Di Nino : Je crois comprendre, monsieur Toulouse, que vous avez été l'une des organisations principalement responsables de l'inclusion de la période de transition de trois ans et de l'examen quinquennal. Je présume que cela a été fait dans le but de veiller à ce que durant cette période, vos préoccupations soient entendues et que l'examen fasse ressortir l'incidence qu'il aurait sur les Premières nations partout au pays. Avez-vous l'intention de participer à cet examen dans l'avenir?
M. Toulouse : Absolument. Nous y participerons.
Le sénateur Di Nino : Madame Shaver, nous aimerions vous revoir. Voulez-vous vous assurer que les voix de vos organisations sont entendues?
Mme Shaver : Certainement. Je vais recevoir des commentaires de différentes personnes en Colombie-Britannique — des chefs et des membres des communautés.
La présidente : Je vous remercie tous d'être venus nous faire part de vos points de vue. Nous avons suivi de près les délibérations de la Chambre des communes et je vous remercie d'avoir souligné le travail du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Les sénateurs Oliver, Di Nino et Jaffer y ont contribué. Il convient aussi de signaler que notre attachée de recherche, Mary Hurley, suit ce dossier depuis de nombreuses années et nous a donné des conseils.
Nous portons un intérêt à la non-dérogation et nous nous inspirerons du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles quant à la manière d'arriver à un consensus sur les problèmes liés aux dispositions de non-dérogation.
Madame Shaver, vous avez parlé de l'analyse comparative entre les sexes chez les Premières nations. N'importe quel document que vous pourriez nous soumettre sur celle-ci pour notre prochaine étude nous serait extrêmement utile pour essayer de comprendre la différence entre l'analyse comparative entre les sexes dans le contexte des Premières nations et la manière dont elle est utilisée sur la Colline du Parlement. Ce serait aussi utile si vous pouviez indiquer les groupes qui pourraient être touchés par une telle analyse.
Nous vous remercions d'être venus nous faire part de vos points de vue. Chef Toulouse, je sais que nous avions invité le grand chef Fontaine, mais vous êtes venu à sa place puisqu'on lui rendait hommage ce soir. Nous vous en remercions. Madame Shaver, merci d'avoir fait tout le chemin depuis la Colombie-Britannique pour être ici.
Chers collègues, nous avons un dernier groupe d'experts ce soir.
Vous allez maintenant devoir supporter tout le poids à vous seule. Nous recevons Mme Wendy Cornet, consultante et présidente de Cornet Consulting & Mediation Inc. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous.
Madame Cornet, nous entendrons votre déclaration préliminaire, si vous en avez une, et passerons ensuite aux questions.
Wendy Cornet, consultante et présidente de Cornet Consulting & Mediation Inc., à titre personnel : Merci beaucoup de m'avoir invitée à être des vôtres aujourd'hui. Pour ceux que je n'ai pas rencontrés, j'ai travaillé au cours de ma carrière avec diverses organisations des Premières nations, des Inuits, des Indiens non inscrits et des Métis depuis 1976. J'ai un diplôme en droit, mais je ne pratique toutefois pas. J'ai aussi travaillé pour le gouvernement fédéral — au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien — et pour différents ministères et organismes fédéraux sur des questions liées aux droits des peuples autochtones, y compris pour la direction de la recherche de la Bibliothèque du Parlement pendant un certain nombre d'années.
Le débat entourant les dispositions de non-dérogation et d'interprétation et l'abrogation proposée de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne est au moins en partie le résultat d'une question non réglée dans notre législation nationale, à savoir la relation entre les droits des Autochtones et les droits de la personne.
On a tendance à voir les droits des Autochtones et les droits de la personne comme deux ensembles de droits distincts et à présumer qu'il y a une relation de conflit plutôt que d'interdépendance entre les deux. C'est en partie parce que nous n'avons pas passé beaucoup de temps à parler de cette question en dehors des discussions sur la réforme constitutionnelle qui ont eu lieu dans les années 80 et au début des années 90. Je pense que notre Constitution est plutôt ambiguë à cet égard. Tandis que la Charte des droits et libertés se trouve à la partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, l'article 35, qui protège les droits ancestraux et issus de traités, se trouve à la partie 2.
Nous avons des articles importants, tels que l'article 25 de la Charte qui prévoit une disposition de non-dérogation pour les droits ancestraux et issus de traités et les autres droits et libertés des peuples autochtones du Canada.
À mon avis, même si la Loi constitutionnelle ne qualifie pas explicitement les droits des Autochtones de droits de la personne, on pourrait faire valoir que la Loi constitutionnelle de 1982 et la manière dont elle a été interprétée n'excluent pas nécessairement cette conclusion.
Les peuples autochtones appuient généralement l'application des droits de la personne à leurs communautés, gouvernements et citoyens, comme l'ont indiqué divers dirigeants autochtones qui ont comparu devant un certain nombre de comités parlementaires sur la question de l'exemption de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Toutefois, les dirigeants des Premières nations soulignent aussi que le système international des droits de la personne appuie leurs droits à la terre, à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination en tant que peuples, et ils désirent que la législation en matière de droits de la personne et de droit constitutionnel au pays reflète cet aspect fondamental de la théorie des droits de la personne.
Durant la dernière ronde des discussions sur la réforme constitutionnelle qui ont eu lieu en 1992 et 1993, les dirigeants des Premières nations et des Inuits ont décrit le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale comme étant un aspect du droit des peuples à l'autodétermination et, par conséquent, comme étant un droit fondamental.
Quand, conformément à la législation nationale, les gouvernements de l'extérieur, c'est-à-dire les gouvernements extérieurs aux peuples des Premières nations, veulent appliquer aux communautés des Premières nations les normes relatives aux droits de la personne qu'ils ont élaborées sans leur participation, comme la Loi canadienne sur les droits de la personne, les peuples des Premières nations cherchent naturellement une juste reconnaissance des droits collectifs qui relèvent ou font partie du droit à l'autodétermination des peuples.
Au Canada, les gouvernements fédéraux qui se sont succédé ont hésité à qualifier de droits de la personne les droits collectifs des peuples autochtones, plus particulièrement aux termes de la législation nationale. Des premières tentatives ont été faites par des peuples autochtones pour définir leurs droits à la terre et à l'autonomie gouvernementale et dans le cadre de leur droit à l'autodétermination, autrement dit, dans le cadre du système international des droits de la personne, mais ces tentatives ont souvent été rejetées et même ridiculisées. La réaction très hostile à la Déclaration des Dénés de 1975 est un bon exemple.
Toutefois, avec l'adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en 2007, le point de vue voulant que les droits fondamentaux des peuples autochtones d'utiliser leurs terres ancestrales et de se gouverner eux-mêmes soient des droits de la personne a maintenant été officiellement reconnu dans le cadre de notre système actuel des droits internationaux de la personne.
Des questions, comme celle de savoir si une disposition de non-dérogation est nécessaire et comment elle devrait être formulée, seraient vraisemblablement plus faciles à régler si nous établissions clairement si les droits ancestraux en vertu de notre Constitution, même s'ils sont mal exprimés ou appliqués, sont des droits de la personne. Nous serions alors peut-être plus en mesure de voir la relation et l'interdépendance entre la mise en œuvre du droit collectif des peuples autochtones de se gouverner eux-mêmes et des droits individuels de préserver leur culture et d'autres droits de la personne importants.
Autrement dit, je propose de nous inspirer d'aspects de longue date de la théorie des droits de la personne et du droit international en matière de droits de la personne à cet égard. Par exemple, la Déclaration de Vienne de 1993 qui a été adoptée par les Nations Unies réaffirme le droit à l'autodétermination en tant que droit fondamental, de même que les droits de la personne habituels déjà adoptés par les Nations Unies. Son article 5 réaffirme que tous les droits humains sont universels, indivisibles, interdépendants et interreliés.
De même, John Humphrey, un grand défenseur des droits canadiens de la personne qui a participé à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme, a dit :
La Déclaration universelle des droits de l'homme est fondée sur l'indivisibilité et l'interdépendance des droits de la personne. Nous ne saurions trop insister sur cet aspect étant donné que les droits civils et politiques sont doublement inséparables des droits économiques, sociaux et culturels. Ainsi, il n'existe pas d'hiérarchie des droits de la personne. Ils forment un tout où aucun droit ne peut être considéré comme dominant ou subordonné à un autre.
J'ai des recommandations précises à faire au sujet du projet de loi C-21, lesquelles à mon avis, sont conformes à notre législation actuelle, peu importe si on estime que les droits des peuples autochtones font partie des droits de la personne.
Je ne vais pas aborder toutes les différentes questions dont vous êtes saisis relativement aux dispositions de non- dérogation et d'interprétation. Je vais seulement parler de quelques questions, en raison des contraintes de temps.
En ce qui concerne l'article 1.1 du projet de loi C-21, je propose un ajout pour faire référence à d'autres droits ou libertés des peuples autochtones du Canada, en plus des droits qui sont protégés ou confirmés et reconnus par l'article 35. Cet ajout vise à inclure une phrase semblable à celle que l'on trouve à l'article 25 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour faire en sorte que les droits collectifs à la terre qui sont peut-être protégés par la Loi sur les Indiens, mais qui pourraient dans un cas particulier ne pas correspondre à un droit découlant du titre ancestral à l'article 35 continueront d'être protégé.
Différentes terres de réserve au Canada ont différentes histoires quant à leur création. Il n'est pas forcément clair que les droits de chaque Première nation dans les terres de réserve seront forcément considérés comme des droits prévus à l'article 35. Dans certains cas, nous savons avec certitude qu'ils le seront. Par exemple, dans l'affaire Garon, la Cour suprême du Canada a statué que les droits de la bande de Musqueam sur leurs terres de réserve, qui étaient en cause dans cette affaire, correspondaient à un titre ancestral.
Toutefois, l'histoire créant les terres de réserve est différente dans diverses régions du pays. Par conséquent, je recommande l'ajout des termes de l'article 25 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour cette raison.
Pour ce qui est de la disposition d'interprétation, j'ai proposé le libellé suivant :
Dans le cas d'une plainte déposée au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne à l'encontre du gouvernement d'une Première nation, y compris un conseil de bande, un conseil tribal ou une autorité gouvernementale qui offre ou administre des programmes et des services sous le régime de la Loi sur les Indiens, la présente loi doit être interprétée et appliquée de manière à tenir compte des traditions juridiques et des règles de droit coutumier des Premières nations...
Jusqu'ici, c'est la même chose et on remplacerait le mot « en particulier » par ce qui suit :
[...] et à assurer un équilibre entre les droits et intérêts individuels et les droits et intérêts collectifs conformément à l'universalité et à l'interdépendance de tous les droits de la personne.
Enfin, en ce qui concerne la question générale de la consultation et de l'examen du projet de loi pour qu'il soit conforme à l'article 35 avant d'être présenté au Parlement, je recommanderais de souscrire aux recommandations formulées à cet égard par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles dans son rapport publié en décembre 2007 intitulé Prendre au sérieux les droits confirmés à l'article 35.
Je vais conclure là-dessus et je vous invite à me poser des questions.
La présidente : Merci, madame Cornet.
Le sénateur Dallaire : Estimez-vous que tel qu'il a été présenté, ce projet de loi tenait compte des positions des différentes communautés et organisations autochtones? Croyez-vous que nous avons répondu à la demande pour que cet article soit abrogé après la tenue de consultations en bonne et due forme avec les peuples autochtones?
Mme Cornet : Je répondrai à cette question de deux manières.
Premièrement, comme le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles l'a souligné, il y a une question stratégique plus générale du fait qu'il n'existe pas de politique sur la manière de mettre en place une façon uniforme d'élaborer la législation censée viser les peuples des Premières nations. Il faut faire en sorte que cette consultation et les droits prévus à l'article 35 soient analysés conjointement avec les peuples des Premières nations.
Deuxièmement, les dirigeants des Premières nations vous ont eux-mêmes fait part de leur point de vue sur cette question. Ils sont mieux placés que moi pour vous dire si on les a consultés adéquatement.
J'ai fait référence aux recommandations du comité sénatorial permanent, car je crois qu'elles sont extrêmement importantes. Il est plus que temps que nous traitions le respect de l'article 35 avec le même sérieux que le respect de la Charte. Nous n'avons pas de mécanisme institutionnalisé grâce auquel tout le monde sait — les Premières nations, les parlementaires et la population — qu'il y a un système pour assurer le respect de l'article 35 et un moyen par lequel les gens peuvent donner leur avis à cet égard.
Le sénateur Munson : La fin de juin est l'une des rares périodes au Parlement où tout le monde semble être pressé. Les partis de l'autre côté veulent faire adopter ce projet de loi le plus rapidement possible. Vous avez proposé quelques amendements et il y a un grand nombre de questions de la part des différents groupes autochtones.
À partir du projet de loi dont nous sommes saisis, quand vous parlez de ces droits collectifs et individuels, le projet de loi, dans sa forme actuelle, vous satisfait-il, même si vous avez dit que vous aimeriez l'amender? Ou nous retrouverons-nous aux prises avec une foule de plaintes et de personnes dans les réserves craignant que leurs plaintes ne soient jamais entendues?
Les gens ont peut-être acquis de la maturité, souhaitent régler leurs propres problèmes et ne veulent pas faire appel à cette nouvelle institution. Je trouve désolant que nous en soyons arrivés là au Parlement où l'on nous dit à la fin de juin : adoptez cette mesure. C'est ce que tout le monde veut. Ce n'est pas l'impression que j'ai.
Mme Cornet : Je comprends ce que vous ressentez. La plupart des gens qui sont intéressés par ce projet de loi veulent certainement la mise en œuvre complète des droits de la personne de toutes sortes pour les peuples autochtones. Ils voudraient que le meilleur travail possible soit accompli. Il importe de faire les choses correctement.
Il est quelque peu rassurant de voir que cette mesure législative offre la possibilité de mener un examen pour la revoir dans quelques années. Même les représentants de la commission ne savent pas s'il y aura un déluge de plaintes; ils n'en ont aucune idée.
Je partage vos inquiétudes quant au fait que nous n'intégrons pas dans cette discussion les raisons pour lesquelles nous ne reconnaissons ni n'encourageons la compétence et les lois adoptées par les Premières nations qui exposeraient leur vision de la législation en matière de droits de la personne. Il n'y a pas qu'une seule façon de le faire. Nous avons des gouvernements provinciaux et territoriaux qui ont une compétence reconnue visant à adopter des mesures législatives en matière de droits de la personne sur leur territoire.
Si nous voulons vraiment encourager les gouvernements des Premières nations à respecter les droits de la personne, ne devrions-nous pas les encourager à adopter des chartes des droits de la personne et leur accorder le respect de reconnaître leur compétence à ce sujet?
J'ai déjà dit à d'autres séances comme celle-ci que la politique relative au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale du gouvernement fédéral ne traite aucunement de la question. Elle ne dit pas si les peuples des Premières nations ont une compétence inhérente sur les droits de la personne et s'ils peuvent adopter des lois comme une Loi canadienne sur les droits de la personne. L'hypothèse formulée par des fonctionnaires fédéraux — je l'ai apprise par des voies non officielles —, c'est qu'ils ont cette compétence. Je ne sais pas avec certitude si c'est le point de vue officiel.
La présidente : Madame Cornet, je pense que vous avez fourni des points de vue intrigants sur les dispositions de non-dérogation qui ne sont pas courants. J'ai assisté à de nombreuses séances du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles où nous avons débattu de la question à trois occasions avant d'obtenir enfin un rapport. L'universalité et l'interdépendance n'étaient pas notre priorité; c'était davantage une priorité nationale.
Vous êtes en train de nous dire que nous avons encore du travail à faire. Je vais parler à la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour lui présenter vos points de vue.
Je dois dire que ce n'est pas la première fois que notre comité examine l'article 67. Nous en avons effectué une étude soutenue et nous en avons en fait recommandé l'abrogation. J'espère que nos témoins, et plus particulièrement ceux qui ont comparu à la fin, comprennent que ce n'est pas nouveau pour nous; c'est une question que nous avons étudiée et qui nous préoccupe. Nous sommes inquiets pour ce qui est d'aller de l'avant avec l'abrogation, mais nous sommes également préoccupés par sa mise en œuvre appropriée et les introductions qui ont été précédé tous les commentaires — qu'il devrait y avoir une consultation et des processus adéquats en place, ainsi que des ressources pour les mettre en œuvre. Par conséquent, leurs paroles ne tombent pas dans l'oreille d'un sourd.
Merci d'être venus nous faire part de quelques nouveaux points de vue. Nous continuerons d'étudier bon nombre de ces questions dans les années à venir. Le Sénat a un avantage : Nous sommes ici longtemps et nous avons la mémoire longue concernant ce qui s'est passé, qui a dit quoi à qui et quelles promesses ont été faites. Nous continuerons de faire preuve de toute la diligence voulue et d'examiner cette question même en dehors du cadre de cette mesure législative.
Chers collègues, nous en sommes à la fin des témoignages.
Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour entreprendre l'étude article par article du projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'étude du titre est-elle réservée?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 1.1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 1.2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'article 4 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D'accord.
La présidente : Chers collègues, nous pourrions suspendre nos travaux brièvement et faire rapport du projet de loi à la Chambre. Nous pourrions ensuite nous réunir de nouveau pour la partie à huis clos de cette séance.
Le sénateur Jaffer : Ne pouvons-nous pas continuer l'étude du rapport maintenant?
La présidente : Oui. Nous pourrions faire une pause et poursuivre à huis clos, et vous pourriez présider la séance pendant que je présente le rapport.
Le sénateur Jaffer : Je ne pense pas que ce soit sage de procéder ainsi.
La présidente : Je crois qu'ils s'attendent à ce que je comparaisse sous peu. Cela n'est jamais arrivé auparavant. Nous pouvons suspendre la séance pour 10 minutes pour en faire rapport.
La séance est levée.