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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 4 - Témoignages du 13 décembre 2007


OTTAWA, le jeudi 13 décembre 2007.

Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 47 pour étudier le projet de loi C-11, Loi portant mise en vigueur de l'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik et modifiant une loi en conséquence.

L'honorable Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Je les remercie de leur comparution au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-11, Loi portant mise en vigueur de l'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik et modifiant une loi en conséquence.

[Traduction]

Nous allons entendre ce matin trois groupes de témoins, en commençant par le Grand Council of the Crees (Eeyou Istchee). Nous allons entendre le grand chef Mukash et Me Robert Mainville, conseiller juridique. Ils seront suivis par un représentant du gouvernement du Nunavut. Plus tard, nous entendrons des fonctionnaires d'Affaires indiennes et du Nord Canada, que nous avons déjà entendus hier soir. Ils ont accepté de revenir devant le comité.

Bienvenue et merci à tous d'être ici.

Matthew Mukash, grand chef, Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) : Merci. Nous sommes également accompagnés par le chef Roderick Pachano, un des principaux négociateurs du dossier de la zone extracôtière.

La présidente : Je ne vous avais pas sur ma liste. Je vous demande de m'en excuser.

M. Mukash : Bonjour. Je suis heureux d'avoir été invité à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour parler en faveur de l'adoption par le Sénat du projet de loi C-11, qui concerne l'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik.

Je vais vous fournir rapidement quelques données générales concernant les Cris de la baie James et expliquer la raison de notre intérêt pour ce projet de loi et pour l'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik. Je vous présenterai ensuite les principales raisons pour lesquels le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) appuie ce projet de loi.

Les Cris de la baie James représentent environ 15 000 personnes regroupées dans 10 collectivités. Les Cris de la baie James sont représentés au niveau régional par le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee), qui a été créé en 1973 pour défendre et préserver tous les droits collectifs des Cris. Je suis le grand chef élu de ce gouvernement régional cri.

Nous occupons depuis des temps immémoriaux tout le bassin hydrographique de la baie James et de la partie sud de la baie d'Hudson, située dans la province de Québec. Nos ancêtres occupaient ces terres et vivaient de la chasse, du trappage et de la pêche. La plus grande partie de notre territorial traditionnel est divisée en zones géographiques bien définies connues sous le nom de lignes de piégeage. Chaque ligne de piégeage est administrée par un Cri, qu'on appelle un pointeur, qui s'occupe de l'entretien des terres et surveille les activités de récolte exercées sur la ligne de piégeage.

Nous avons vécu dans la paix et l'harmonie dans cette région pendant des milliers d'années. Nous avons habituellement entretenu d'excellentes relations avec nos voisins, en particulier avec les Inuits qui vivent au nord de notre territoire traditionnel. Pendant très longtemps, nous avons partagé avec les Inuits des secteurs de récolte en commun situés dans la partie nord de notre territoire. De plus, nous avons essayé de conserver des relations amicales avec les Inuits et ces relations se sont encore renforcées au cours des dernières décennies.

Il est intéressant de noter sur ce point qu'une de nos collectivités, la collectivité crie de Whopmagoostui, dont je suis originaire et où je réside encore, est contiguë à la collectivité inuite de Kujjuarapik. Ces deux communautés partagent de nombreux services et un espace géographique commun. De plus, notre principale collectivité, Chisasibi, englobe également une petite communauté inuite distincte mais très respectée. Comme vous pouvez le noter, nous avons d'étroites relations avec nos voisins, les Inuits.

Au début des années 1970, le gouvernement du Québec a annoncé un projet hydroélectrique d'envergure ainsi que l'inondation d'une grande partie de nos terres traditionnelles. Nous nous sommes vivement opposés à ce projet, et avec nos amis et voisins, les Inuits, nous avons demandé aux tribunaux d'arrêter ce projet. Nous avons obtenu gain de cause au départ puisqu'en 1973, feu le juge Malouf a délivré une injonction qui avait pour effet d'arrêter la construction du projet hydroélectrique pour le motif qu'il était mis en œuvre sans tenir compte de nos droits ancestraux sur ce territoire ni des droits ancestraux de nos voisins, les Inuits. Malheureusement, la Cour d'appel du Québec a infirmé cette décision quelques jours plus tard. Les gouvernements ont néanmoins été ébranlés par la décision du juge Malouf et ont décidé de nous offrir la possibilité de négocier avec eux un nouveau traité auquel les Inuits et nous serions parties.

C'est dans ce contexte que la Convention de la Baie-James et du Nord québécois de 1975 a été négociée. C'est ce que l'on a appelé le premier traité moderne au Canada. La Convention de la Baie-James et du Nord québécois était un traité très particulier parce qu'il concernait à la fois les Cris et les Inuits. En fait, les dispositions de ce traité s'appliquent aux deux groupes qui ont négocié simultanément les termes de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.

La Convention de la Baie-James et du Nord québécois n'a toutefois pas réglé toutes les revendications des Inuits et des Cris. En fait, l'application de cette convention se limitait, d'après la teneur de ses clauses, au Québec, et les revendications non réglées des Cris et des Inuits portant sur les secteurs extracôtiers du Québec, y compris la baie James et la baie d'Hudson, devaient être négociées plus tard. Au moment de la signature de la Convention de la Baie- James et du Nord québécois en 1975, le gouvernement du Canada s'est officiellement engagé par écrit à négocier des traités distincts avec les Cris et les Inuits au sujet des revendications touchant la zone extracôtière.

Peu après la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois en 1975, le Canada a démarré des négociations pour résoudre ces revendications portant sur le secteur extracôtier, négociations qui se sont avérées très délicates. Je ne vais pas vous faire l'historique de ces longues et difficiles négociations qui se sont étalées sur plus d'une trentaine d'années. Je noterai toutefois qu'il a fallu 32 ans aux Inuits pour obtenir un traité couvrant la zone extracôtière et que les Cris sont toujours en train de négocier un tel traité. De tels retards sont malheureusement courants dans les négociations des revendications territoriales auxquelles participe le gouvernement du Canada.

De toute façon, les gouvernements n'ont pas mis en œuvre correctement la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, ce qui a obligé les Cris à déclencher des poursuites judiciaires complexes contre les gouvernements du Québec et du Canada. Ces poursuites ont été réglées en 2001 grâce à un nouvel accord conclu avec le gouvernement du Québec, et nous espérons pouvoir bientôt régler les poursuites visant le Canada par le biais d'une nouvelle entente conclue récemment, qui a été ratifiée en octobre dernier à la suite d'un référendum auprès de la population crie et qui devrait être bientôt ratifiée par le Canada.

Pour ce qui est des revendications extracôtières, comme cela a été noté auparavant, les négociations ont progressé très lentement. Les Cris et les Inuits espèrent toujours pouvoir un jour régler ces revendications.

Un des obstacles que nous opposait le gouvernement fédéral touchait les secteurs où il y avait des chevauchements de droits et d'intérêts entre les Cris et les Inuits sur la région extracôtière. Le Canada retardait le règlement de nos deux séries de revendications sous le prétexte que nous n'avions pas encore résolu entre nous les chevauchements entre nos revendications. Nous avons pris le gouvernement au mot sur ce point, et en 2003, les Cris d'Eeyou Istchee et les Inuits du Nunavik ont conclu une entente concernant la zone extracôtière de chevauchement des droits des Cris et des Inuits, que j'appellerais l'entente sur le chevauchement.

L'entente sur le chevauchement est une des premières ententes de chevauchement au Canada et constitue manifestement un document novateur et important qui pourrait servir de modèle pour le règlement des autres revendications entraînant un chevauchement au Canada. Selon cette entente de chevauchement, une partie de la région extracôtière a été reconnue comme étant d'intérêt commun pour les Inuits et les Cris.

Cette région a été découpée en trois zones. La première est une zone conjointe inuite et crie, dans laquelle les Cris et les Inuits auront un droit de propriété conjoint et égal sur les terres dont ils partageront conjointement et également les droits, les avantages et les recettes. La deuxième zone est une zone inuite dont la propriété appartiendra aux Inuits, mais dans laquelle les Cris et les Inuits exerceront conjointement des activités d'exploitation et de récolte des ressources fauniques. La troisième est une zone crie dont ces derniers seront propriétaires, mais dans laquelle les Cris et les Inuits exerceront conjointement des activités d'exploitation et de récolte des ressources fauniques.

L'entente de chevauchement a été officiellement incorporée à l'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik et est reproduite à l'annexe 28-1 de cet accord. Par conséquent, une grande partie des droits des Cris et des Inuits découlant de cette entente de chevauchement prendront effet avec l'entrée en vigueur de l'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik au moyen de l'adoption du projet de loi C-11.

C'est la raison pour laquelle le Grand conseil des Cris, Eeyou Istchee, est directement touché par l'adoption de ce projet de loi par le Sénat. En fait, si ce projet de loi n'était pas adopté, les Inuits et les Cris perdraient l'avantage que constitue la reconnaissance officielle par le gouvernement de la propriété autochtone des terres situées dans la zone de chevauchement, y compris la propriété conjointe crie-inuite des droits fonciers importants situés dans la zone conjointe inuite-crie. C'est une conséquence que nous ne pourrions accepter.

C'est pourquoi, à titre de grand chef de la nation crie, j'invite le Sénat à approuver ce projet de loi et à ainsi mettre fin à plus de 30 années de négociations portant sur ces aspects.

Je vous rappelle que la Nation crie est encore en train de négocier avec le gouvernement du Canada au sujet de la zone extracôtière crie. Nous espérons en arriver à un accord sur cette question avec le Canada au début de 2008. Par contre, si le projet de loi C-11 n'était pas adopté, cela risquerait de compromettre nos négociations actuelles avec le Canada, qui se déroulent très bien, compte tenu du fait qu'une bonne partie des dispositions du projet de traité que nous sommes en train de négocier sont semblables — même si ce n'est pas toujours le cas — à celles qu'on retrouve dans l'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik.

Enfin, je voudrais commenter brièvement les questions soulevées par le sénateur Watt au sujet de ce projet de loi. Nous avons étudié la position du sénateur Watt et je dois dire qu'il soulève des questions graves et importantes, en particulier celles qui touchent les dispositions du traité en matière de certitude et le fait que les lois du Nunavut doivent s'appliquer dans la zone extracôtière, étant donné que la plupart des Cris et des Inuits qui utilisent cette zone résident au Québec. Ce sont là des points que nous avons nous-mêmes soulevés avec le gouvernement fédéral dans le cadre de nos propres négociations. Nous espérons que nous allons bientôt trouver des compromis qui satisferont à la fois les gouvernements et la Nation crie sur ce point. Bien sûr, cela ne veut pas dire que nous sommes en faveur du rejet du projet de loi ou de le retarder.

Les questions touchant les droits ancestraux sont effectivement toujours très graves et elles soulèvent des considérations très importantes liées aux droits de la personne. Dans ce cas-ci, il est important de noter que, s'il semble bien exister une certaine disposition en matière de non-affirmation des droits ancestraux des Inuits, le traité reconnaît néanmoins que les Autochtones sont propriétaires des terres de la zone extracôtière. En outre, le traité accorde de nombreux avantages importants aux peuples autochtones vivant dans les régions marines. Il est essentiel de replacer dans le contexte de ce traité, qui reconnaît que 80 p. 100 des terres en question appartiennent en exclusivité aux Autochtones, toute discussion des dispositions relatives à la certitude.

Les parties autochtones sont ainsi placées devant le même dilemme que celui auquel elles faisaient face en 1975 : accepter d'inclure dans le traité certaines dispositions en matière de certitude pour obtenir une reconnaissance claire par le traité de droits fonciers et autres, ou attendre des dizaines d'années pour obtenir un changement éventuel, voire incertain, dans la politique du gouvernement en matière de certitude. Je suis convaincu que la direction de la société Makivik a étudié cette question de façon aussi sérieuse et attentive que cela a été fait par la direction en 1975 au sujet de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois — puisque ces deux organismes avaient pour principal objectif de préserver les droits à long terme des populations autochtones qu'ils représentaient.

Par conséquent, nous comprenons jusqu'à un certain point les aspects qu'a soulevés le sénateur Watt dans ce domaine, mais cette question va bien au-delà du traité et touche l'application et le contenu de toutes les politiques du Canada en matière de règlement global des revendications territoriales pour ce qui est des dispositions en matière de certitude. Nous sommes tout à fait en faveur d'un débat sur cette question; le Sénat pourrait peut-être inviter le Canada à justifier sa politique dans le cadre des audiences du comité ou autrement. Il faudrait procéder de façon holistique pour tous les groupes autochtones en procédant à une révision de cette politique, et non pas en faire une excuse permettant de retarder l'adoption d'un accord attendu depuis longtemps.

La présidente : Merci, grand chef Mukash. Je répète que nous avons une journée très, très chargée. Nous avons une liste de personnes qui veulent poser des questions. Je vais demander aux sénateurs de raccourcir le plus possible leur préambule et de poser directement leurs questions, de façon à pouvoir en poser le plus possible.

Le sénateur St. Germain : Je vais essayer de poser une question brève et de respecter les directives de notre présidente. Cet accord a maintenant été retardé, parce qu'il était prêt à être adopté avant la prorogation. Vous dites que cela risquerait de compromettre les négociations de la Nation crie à l'égard de cette région extracôtière. Pouvez- vous nous expliquer cela?

De plus, pourquoi avez-vous la propriété de 80 p. 100 des terres constituant ces îles extracôtières et non pas 100 p. 100? Qui possède le 20 p. 100 restant? Pourquoi n'ont-ils pas obtenu 100 p. 100? Je devrais peut-être poser ces questions à M. Molloy, mais au moins, j'ai tout dit.

M. Mukash : Sur la question des négociations relatives à la zone extracôtière, n'oubliez pas que cela concerne essentiellement la convention initiale de 1975. Nous attendons depuis 32 ans, et nous attendons toujours. C'est une question non réglée.

Mes collègues qui sont assis à cette table sont les négociateurs pour les revendications territoriales relatives à la zone extracôtière. Je vais demander au chef Roderick Pachano de vous répondre.

Roderick Pachano, Chef, Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) : Comme l'a dit le grand chef, le principal effet qu'aurait ce retard serait de nuire à la confiance qui s'est instaurée entre les gouvernements et les Cris dans ces négociations. Lorsque la confiance est perdue, il est très difficile, à mon avis, de la reconstruire.

Nous ne parlons pas seulement des problèmes qu'occasionnerait un retard dans l'adoption de cette mesure législative particulière. Nous parlons de répercussions beaucoup plus larges. Comment nous, les Cris, pourrions-nous dans une telle éventualité continuer à faire confiance au gouvernement, et même à cette Chambre? Ce serait là le principal problème, à mon avis.

Pour ce qui est du pourcentage des terres, je suis sûr que nous ne refuserions pas 100 p. 100. Nous ne refuserions pas du tout cela.

Le sénateur St. Germain : L'aspect mise en œuvre a causé beaucoup de frustration chez les Première nations. C'est également une question grave pour un autre comité dont je fais partie. Je pense que le grand chef des Cris l'a bien expliqué.

Le sénateur Watt : J'aimerais souhaiter la bienvenue au grand chef et à ses collègues.

Je vais commencer par dire que je comprends que vous ne voulez pas nuire de quelque manière que ce soit à cet accord et que vous aimeriez qu'il soit mis en œuvre. Je suis également tout à fait d'accord avec votre collègue quand il a parlé d'un manque de confiance. Lorsque la confiance n'est pas là, il est difficile de progresser. Je le sais parce que je l'ai vécu.

Ce n'est toutefois pas la seule question qui devrait nous inquiéter en tant que représentants des peuples autochtones. Il ne faut pas oublier que quelles que soient les conséquences de cet accord, elles seront éternelles. L'aspect qui m'importe le plus comme sénateur est le fait que les gens qui vont hériter de cet accord seront obligés de l'appliquer pendant très, très longtemps.

Je ne suis pas ici non plus pour bloquer le processus. Je demande simplement la justice — rien de plus, et rien de moins.

Hier, certains d'entre vous ont entendu nos discussions. Malheureusement, je me suis senti un peu gêné. Je me suis senti vivement attaqué par le ministère, par mon représentant et par mon conseiller juridique, une personne en qui j'ai placé toute ma confiance pendant toutes ces années. Je dois dire que j'ai maintenant moins confiance en ces personnes, pour ce qui est de reconnaître ce qu'elles représentent.

Je n'ai pas beaucoup de questions à poser. Je voulais simplement rappeler encore une fois, monsieur Mukash, que vous avez soulevé deux questions au sujet du fait que le Nunavut possède des compétences législatives sur une zone contiguë à vos terres et à vos îles. Je ne sais pas ce que cela apportera. J'éprouve les mêmes inquiétudes pour les Inuits qui vivent du côté québécois.

Lorsqu'on se place du point de vue d'un gouvernement provincial, on constate habituellement que ce qui lui importe, ce sont les terres contiguës. Il veut exercer ses pouvoirs. Malheureusement, étant donné que cela relève des compétences fédérales, nos droits seront administrés de loin. Nous aurons bien sûr la possibilité de participer à ces décisions et de formuler des recommandations, comme le prévoit le texte de l'accord, mais les gens prendront à distance des décisions qui nous concernent. Parallèlement, notre responsabilité à l'égard de ces conseils consistera également à mettre en œuvre le droit canadien. On nous impose de graves restrictions, notamment celles qui viennent du fait que les Autochtones n'ont pas accès à certaines choses importantes. Cela m'inquiète. Je suis heureux que M. Mukash ait soulevé une préoccupation que je partage.

La question de la certitude est bien plus vaste que celle qui découle du projet de loi C-11. Je siège ici depuis 23 ans et j'ai essayé toutes ces années de négocier ces choses. Monsieur Mukash, vous et moi partageons cette préoccupation. Je me souviens de l'époque pendant laquelle nous négociions; vous étudiiez le droit à Montréal. Nous avons passé de nombreuses nuits à parler de cette question. Ce problème n'est toujours pas résolu.

Je crois que d'autres pays, comme l'Australie, essaient encore de le résoudre, mais ils sont beaucoup plus avancés que nous le sommes aujourd'hui pour ce qui est de la perception des droits autochtones et de leur intégration aux nouvelles lois qui régissent aujourd'hui ces domaines.

Je ne suis pas sûr que cette politique ait jamais passé l'épreuve d'une ratification par le Parlement et d'une discussion approfondie. J'espère qu'un jour, nous réussirons à le faire. Je parle de cet aspect parce que je siège ici depuis 23 ans et que j'essaie toujours de trouver le moyen de préserver quelque chose et d'en faire une question à discuter. Jusqu'ici, cela ne s'est pas fait.

Malheureusement, je dois voir dans le projet de loi C-11 un mécanisme, parce que j'en suis bénéficiaire. Il vise mon peuple et personne d'autre, à part les Cris. Je considère également que les Cris font partie de mon peuple parce que je négocie avec eux depuis les années 1970; j'ai négocié avec eux, gagné et perdu des causes et je suis retourné avec eux à la table de négociation. Ce sont mes voisins et je les considère comme mon peuple. Je ne pense pas qu'il y ait de différence entres les Inuits et les Cris dans ce domaine. Nous avons toujours travaillé ensemble. Je suis désolé d'avoir fait précéder ma question d'un préambule aussi long.

Je sais que vous avez gagné votre cause contre le gouvernement dans une affaire environnementale qui durait depuis dix ans concernant la mine du lac Doré. Cela vient du fait que cette mine était visée par l'interprétation du français et de l'anglais. Les Cris soutenaient que le régime environnemental de la Convention de la Baie-James et du nord québécois s'appliquait. Le gouvernement fédéral a déclaré que ce n'était pas le cas; le régime fédéral venait s'ajouter à tout cela. Les Cris ont eu des différends sur ce point pendant des années. Cette affaire est toujours devant les tribunaux.

La loi elle-même contient un article qui n'est ni en français ni en anglais. Il est sujet à interprétation. Vous pensez peut-être que ce n'est pas une question très grave, parce que cela peut toujours être corrigé, mais cela n'a en fait jamais été corrigé. C'est une question essentielle. Comme vous l'avez mentionné, nous sommes toujours devant les tribunaux et nous poursuivons le gouvernement fédéral. C'est une autre question qui a été soumise aux tribunaux. Elle n'a toujours pas été résolue.

C'est à nous, en tant que sénateurs, d'assumer cette responsabilité. Pensez-vous comme moi que nous devrions aborder cette question et essayer de la régler?

M. Mukash : Sénateur Watt, je vous remercie de vos commentaires. Nous sommes d'accord avec vous sur la question de la certitude. Nous soulevons tous les mêmes questions depuis 30 ans au sujet de l'extinction des droits. Nous espérons qu'un jour, quelqu'un se décidera à la régler.

Nous ne voulons pas trop aller dans les détails. Ce traité n'est pas le nôtre. Nous avons présenté la position du Grand conseil.

M. Mainville va répondre à votre question sur l'environnement.

Me Robert Mainville, conseiller juridique, Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) : Cette affaire est à l'heure actuelle devant la Cour d'appel du Québec, et il est donc délicat pour nous de la commenter. Il y a des problèmes d'interprétation de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, ainsi que des traités conclus dans d'autres régions du Canada, ce qui demeure une question majeure. Nous pensons que cela vient de la nature même du processus de conclusion des traités. Tous les grands documents, y compris les documents constitutionnels, sont toujours sujets à diverses interprétations.

Dans le cas des Cris de la baie James, nous pensons qu'il appartient aux tribunaux de résoudre ces questions. Jusqu'ici, nous avons obtenu qu'elles soient résolues en faveur des peuples autochtones et nous espérons que cela va continuer.

Le sénateur Baker : Je félicite nos témoins pour tout ce qu'ils ont accompli. Je sais que vous avez été des précurseurs, parce que vous avez amené nos tribunaux à définir des notions comme celles d'obligation fiduciaire et de droits ancestraux, dont vous avez parlé notamment devant la Cour fédérale et la Cour suprême.

Il me semble que la plupart des affaires dont vous vous êtes occupés jusqu'à environ 1990 concernaient des questions liées aux terres. Avec l'accord dont nous parlons aujourd'hui, nous passons à l'océan.

J'aimerais savoir si vous pensez qu'il sera plus facile ou plus difficile à l'avenir de parler d'obligation fiduciaire lorsque des gouvernements ou des conseils quasi judiciaires prendront des décisions au sujet des droits ancestraux. Cela sera-t-il plus facile après l'arrêt Sparrow et compte tenu du fait que le ministre des Pêches et des Océans et les ministres de la Couronne exercent un contrôle sur la zone extracôtière? Les choses seront-elles plus claires qu'avant, puisque vous avez été obligés de défendre constamment vos droits devant l'Office national de l'énergie, Hydro-Québec, le gouvernement du Québec et le procureur général du Canada?

Avec cet accord, pensez-vous qu'il sera peut-être plus facile de faire respecter vos droits dans les discussions et les différends qui pourraient découler de cet accord?

Me Mainville : C'est ce que nous pensons. L'accord qui vous est soumis ne concerne pas directement les Cris, à l'exception de la zone conjointe qui traite des droits fonciers des Cris. Le traité que nous négocions actuellement avec le gouvernement du Canada est très semblable à cet accord et nous pensons que les intérêts à long terme de la nation crie seraient mieux servis par un traité que si les droits ancestraux associés à ce territoire n'étaient pas définis.

Nous sommes en train de négocier un traité parce que nous pensons qu'il permettra de préciser, sur le plan substantiel, les droits et les intérêts du gouvernement du Canada et ceux des Cris de la baie James sur la zone extracôtière. Nous pensons que ce sera à l'avantage de la partie autochtone et à l'avantage des gouvernements.

Le sénateur Baker : Le Grand conseil des Cris a déjà eu du mal devant les tribunaux à contester les décisions d'organismes quasi judiciaires. La Cour suprême du Canada a déclaré applicable la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et vous a invités à vous fonder sur la teneur de cette convention.

Prévoyez-vous rencontrer les mêmes difficultés dans les questions relatives à la zone extracôtière que celles qui se sont posées sur la partie continentale?

Me Mainville : C'est une question hypothétique. Je pense que les traités modernes sont des documents complexes. Il est normal que les parties aient des différends au sujet de leur interprétation et de leur application. Ces différends doivent être résolus par l'appareil judiciaire. La ratification des traités ne mettra pas un terme aux litiges entre les peuples autochtones et le gouvernement. Le traité fournit un cadre qui structure leurs relations. Les traités prévoient habituellement la constitution de conseils administratifs ou d'un cadre institutionnel à l'intérieur duquel les peuples autochtones et les gouvernements peuvent résoudre leurs différends sans recourir aux tribunaux. C'est l'avantage qu'offre le processus de conclusion des traités

Je ne pense pas qu'il soit réaliste d'espérer que ces traités ne donneront pas lieu à l'avenir à des litiges.

Le sénateur Baker : Je vous pose cette question parce que vous avez une expérience incroyable en matière de litiges touchant ces questions.

Depuis qu'il a été décidé dans l'arrêt Sparrow que les droits ancestraux s'étendaient à la pêche commerciale au-delà des besoins alimentaires immédiats des Autochtones, il devrait être plus facile pour vous de veiller à ce que, aux termes de cet accord, les personnes chargées de le mettre en œuvre respectent l'obligation de fiduciaire qu'elles ont à l'égard des gens que vous représentez et que les droits ancestraux soient protégés.

Me Mainville : Dans le cas de la pêche, nous n'avons pas encore terminé nos négociations avec le gouvernement. D'une façon générale, votre affirmation est exacte. La difficulté est de savoir comment s'applique l'obligation fiduciaire. Lorsque cette obligation n'est pas encadrée, il est difficile pour les représentants du gouvernement d'exercer leurs attributions en tenant compte des droits autochtones. Lorsqu'un traité est signé, il nous fournit un cadre. Cela permet habituellement de mieux comprendre les rôles et les responsabilités fiduciaires à l'égard des Autochtones visés par le traité.

Le sénateur Andreychuk : Si je vous comprends bien, les tribunaux sont un moyen de dernier recours. Vous prévoyez pouvoir résoudre les litiges ou cogérer les notions utilisées dans l'accord dans les domaines qui vous paraissent soulever des difficultés. Est-ce bien exact?

Me Mainville : Un traité a pour but de créer un cadre institutionnel. Cela veut dire habituellement mettre sur pied divers conseils et organismes conjoints chargés de résoudre les questions qui se posent, par des discussions et des négociations. Ce sont des documents complexes, et il est évident qu'il peut arriver que les parties à un traité puissent, tout en étant de bonne foi, ne pas être d'accord sur le sens qu'il convient de donner à ces documents à long terme.

Les gouvernements ou les groupes autochtones auront recours aux tribunaux à l'avenir lorsqu'ils seront incapables de résoudre des problèmes en utilisant les mécanismes prévus par le traité. D'une façon générale, un traité crée un cadre institutionnel qui permet aux parties d'éviter ce genre de litige et de régler leurs différends à l'intérieur du cadre institutionnel prévu par le traité.

Le sénateur Merchant : Je suis au courant des difficultés que vous avez dans cette région et des luttes que vous avez dû livrer. Ce matin, vous avez exprimé de nombreuses préoccupations au sujet de la demande. Vous avez parlé de confiance. De plus, il y a tous ces litiges. C'est l'évolution historique de la situation des Première nations.

Chef, vous avez déclaré que si cet accord n'était pas adopté, ce serait là un résultat que vous n'accepteriez pas. Pourriez-vous nous en dire davantage? Que feriez-vous? Quelle serait votre réaction immédiate?

M. Mukash : Comme je l'ai dit dans mes commentaires, il nous a fallu 32 ans pour négocier ces revendications territoriales avec le gouvernement fédéral. Si le projet de loi n'est pas adopté, on peut alors se demander quand ces revendications seront réglées. Il est important pour notre peuple d'essayer de régler ces questions qui remontent à la Convention de la Baie-James et du Nord québécois de 1975. Un de ces régions est visée par des revendications sur la zone extracôtière. Il demeure encore des questions non résolues qui touchent les revendications sur la partie continentale, les zones sur lesquelles les deux groupes autochtones, les Inuits et les Cris, ont des intérêts communs. Le moindre retard, comme je l'ai dit, nous obligera à agir. Nous devrons alors vraiment nous demander quand nous pouvons espérer voir toutes ces questions réglées. Ces négociations n'impliquent pas un grand nombre de personnes. Les gens s'attendent à ce qu'un accord soit conclu très rapidement et si cela ne se produit pas, nous serons obligés de leur faire savoir que cela n'est pas encore fait. Les gens s'attendent à ce que nous réussissions à régler ces questions. Pourriez-vous ajouter quelque chose sur cet aspect, chef Pachano?

M. Pachano : Non.

Le sénateur Joyal : Bienvenue. Le Grand conseil des Cris n'est aucunement mentionné dans le projet de loi. Votre nom n'y figure pas. Si j'ai bien compris la structure de l'accord sur les revendications territoriales, qui est un traité selon l'article 3 du projet de loi, cet accord traite uniquement des Inuits. Il y a peut-être une subtilité, mais j'aimerais savoir exactement quel est votre statut juridique par rapport à ce traité.

Dans l'entente que vous avez signée avec les Inuits, à la page 16, annexe 28-1, on peut lire que les signataires de l'entente sont Ted Moses et David Masty pour le Grand conseil des Cris, et qu'elle a été conclue le 30 avril 2003 et, bien entendu, pour la société Makivik, il y a Pita Aatami et Johnny Peters. Cette entente figure en annexe au traité. Il s'agit essentiellement de vos deux nations autochtones.

Il me semble que s'il y a une entente entre vous deux, il ne fait aucun doute qu'il n'y a pas d'extinction des droits ancestraux entre vous deux. Vous conservez le pouvoir de négocier avec le gouvernement fédéral vos droits autochtones et le règlement de vos revendications territoriales. Pourriez-vous me fournir une réponse claire sur ce point? Je crois que c'est une question très importante.

Me Mainville : C'est ce que nous appelons une entente de chevauchement. Un de grands problèmes que pose la négociation des accords sur les revendications territoriales est que de nombreuses régions sont utilisées conjointement par plusieurs groupes autochtones.

Le sénateur Joyal : Bien sûr. Je le comprends.

Me Mainville : Ce n'est qu'un exemple. À la différence de nombreuses régions où les groupes autochtones n'ont pas réussi à négocier une entente de chevauchement, dans ce cas-ci, les groupes autochtones concernés ont réussi à s'entendre sur la façon d'exercer leurs droits ancestraux et issus de traités dans la zone de chevauchement. Cette entente de chevauchement a été incorporée au traité.

L'entente de chevauchement énonce que, lorsque nous signerons le traité, et nous espérons le signer un jour, les parties ont convenu d'incorporer cette même entente dans ce traité, tout comme les Inuits incorporent cette entente dans leur traité.

Cette entente est, si je peux m'exprimer ainsi, reconnue par le gouvernement dans le traité. Le gouvernement reconnaît l'entente, l'incorpore au traité et, dans une certaine mesure, l'entente de chevauchement fait alors partie du traité.

D'un point de vue juridique, par rapport au projet de loi C-11, les Cris ne sont évidemment pas touchés par les dispositions du traité en matière de certitude. Il y a des dispositions précises de l'entente de chevauchement qui le mentionnent. Ces questions de certitude seront réglées dans notre propre traité. Nous négocierons avec le gouvernement aux termes de la politique actuelle ou de celle qui sera en vigueur au moment où nous signerons notre traité. Nous recevons des avantages et le fait que nous ne signions pas nos traités en même temps donne aux Cris la possibilité de tirer un avantage des droits fonciers qui sont mentionnés dans l'entente de chevauchement.

Si le traité relatif aux Inuits entre en vigueur, ces derniers obtiendront la majeure partie des îles situées dans la zone extracôtière et dans la zone de chevauchement que nous avons définie avec les Inuits, ils exerceront un droit de propriété conjoint avec les Cris. Dès que le traité du projet de loi C-11, le traité des Inuits du Nunavik entrera en vigueur, les droits fonciers et la propriété des terres situées dans la zone de chevauchement seront détenus conjointement par le Grand conseil des Cris et la société Makivik ou tout autre organisme désigné.

Essentiellement, ce traité nous accorde des droits fonciers. Nous n'en bénéficions pas directement, mais il a pour effet d'accorder des droits fonciers aux Cris.

Le sénateur Joyal : La seule façon dont ce traité conclu par les Inuits et le gouvernement pourrait vous toucher serait en cas de conflit d'interprétation du traité. Une telle décision prise après une procédure d'arbitrage ou une autre procédure légale pourrait-elle vous toucher indirectement?

Me Mainville : Indirectement, oui. Théoriquement, cela serait possible.

Le sénateur Joyal : Vous préservez intégralement votre capacité de poursuivre les négociations avec le gouvernement fédéral. Comme vous l'avez dit, vous êtes encore en train de négocier au sujet de la zone extracôtière.

Si j'ai bien compris la carte, vous possédez des droits sur la zone extracôtière, des droits potentiels, qui sont, jusqu'à un certain point, différents de la zone représentée sur la carte que nous avons vue hier et qui est reproduite dans la proposition de la société Makivik.

Me Mainville : La zone extracôtière crie qui a été reconnue englobe toute la zone de chevauchement, qui est décrite dans le traité des Inuits, et elle s'étend vers le sud jusqu'à la baie James, jusqu'à la frontière de l'Ontario.

Le sénateur Joyal : Autrement dit, vous êtes encore en train de négocier avec le gouvernement à partir de cette position. L'article 28.2 de l'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik énonce :

Le gouvernement n'est pas lié par le préambule de l'Entente relative à la région extracôtière de chevauchement Cris-Inuit ni par la partie 8 de cette Entente, et l'intégration de ladite Entente au présent accord ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance par le gouvernement de droits ancestraux dans la région de chevauchement.

Me Mainville : Cela vient du fait que les Cris et les Inuits ont mutuellement reconnu dans l'entente de chevauchement qu'ils possédaient des droits et des intérêts autochtones communs dans cette zone. Le gouvernement du Canada a toutefois hésité à reconnaître ce fait officiellement. Je ne peux pas parler pour le gouvernement du Canada, mais il a reconnu qu'il existait dans cette zone suffisamment de droits ancestraux pour que les Inuits et les Cris entament des négociations, mais pour des raisons que je ne comprends toujours pas — et je les invite à répondre s'ils le souhaitent — il n'était pas disposé à reconnaître officiellement ces droits ancestraux dans cet instrument.

Le sénateur Joyal : Est-ce le même argument qui vaut pour l'inclusion de l'article 28.3. L'article 28.3 énonce :

Il est entendu que les définitions de la partie 3 de l'Entente relative à la région extracôtière de chevauchement Cris-Inuit s'appliquent uniquement à la région extracôtière de chevauchement des intérêts cris et inuit.

Me Mainville : Je pense qu'il s'agit plutôt d'une question technique, parce qu'il est possible que notre entente de chevauchement contienne des définitions qui ne sont pas identiques à celles qui figurent dans le traité. C'est donc pour des raisons techniques et pour éviter toute ambiguïté qu'il a été convenu qu'il y aurait une série de définitions dans l'entente de chevauchement qui ne serait nécessairement identique à la série de définitions contenues dans le traité.

Le sénateur Joyal : En d'autres termes, si vous signez un accord avec le gouvernement pour régler la question des droits extracôtiers, les définitions que nous voyons ici seraient peut-être différentes?

Me Mainville : Elles pourraient être différentes dans notre propre traité, mais pas dans l'entente de chevauchement. Pour ce qui est des dispositions de l'article 28 de l'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik et de celles de l'entente de chevauchement, nous avons convenu avec le gouvernement et avec les Inuits que ces termes seraient reproduits à l'identique dans le traité avec les Cris lorsqu'il sera conclu.

Le sénateur Adams : Merci d'être venus. Votre position s'est quelque peu améliorée depuis 1975. À l'époque, il n'y avait pas de zone extracôtière. Je ne sais pas exactement si vous possédez maintenant certaines îles ou non. C'est un accord qui porte sur les droits de pêche et de chasse exercés dans la zone extracôtière que vous ne possédiez pas auparavant.

Il vous arrive de faire un peu de trappage dans cette zone. Lorsque nous y habitions, nous prenions principalement des renards blancs, au sud de la ligne des arbres. Je me demande si aujourd'hui, votre peuple possède davantage de pouvoirs pour le trappage dans la zone extracôtière.

Ma deuxième question concerne l'entente de chevauchement. Nous avons entendu hier un représentant du ministère qui nous a parlé des redevances découlant des activités minières et pétrolières. Avez-vous un accord qui vous permet de négocier les pourcentages relatifs aux redevances pour ce qui est du pétrole et des mines?

M. Mukash : Pour ce qui est de la zone extracôtière, traditionnellement, les Cris ont toujours chassé dans la zone extracôtière, tout comme les Inuits. Dernièrement, il y a eu la migration des caribous, qui ont disparu de notre territoire. Nous allions auparavant jusqu'au lac Minto. Nous nous rendions également dans ce secteur pendant l'été pour chasser le caribou. Nous ne chassons pas d'autres animaux, comme le renard. Dans la partie sud, celle qui touche la région de la baie James, les Inuits chassent le bélouga.

Historiquement, nous n'avons pas signé de traité. Il était admis que notre peuple avait le droit de se déplacer comme il l'entendait. Aujourd'hui, les choses ont un peu changé. Nous avons un traité qui impose des conditions que nous devons respecter. Il y a encore des aspects non réglés.

Je ne sais pas vraiment si cela fait une différence. Bien sûr, cela fait une différence parce qu'il y a davantage de chasseurs qui se rendent dans le Nord et aussi d'Inuits qui vont vers le cap Johns et au-delà. C'est pourquoi il était important de s'entendre sur la zone de chevauchement, la zone extracôtière.

Je vais demander à Me Mainville de faire des commentaires sur l'accord lui-même.

Me Mainville : Pour ce qui est des redevances, celles qui proviennent de la zone extracôtière seront partagées également entre les Cris et les Inuits. Les Cris partageront avec les Inuits les redevances et les avantages qu'ils obtiennent; de la même façon, tout ce que reçoivent les Inuits dans cette zone sera partagé également entre les deux groupes.

Il est important de signaler qu'au cas où le projet de loi ne serait pas adopté, cela pourrait compromettre l'entente de chevauchement que nous avons conclue. Cela pourrait également remettre en question les négociations que nous avons entreprises pour en arriver à un nouvel accord. C'est la raison pour laquelle la situation nous préoccupe.

La présidente : J'aimerais vous remercier tous les trois. Cette session a été très utile et pleine d'enseignements. Évidemment, nous pourrions vous poser des questions pendant des heures, mais c'est ainsi que fonctionne le Parlement. Nous sommes extrêmement reconnaissants que vous voyez venus.

Je vais maintenant demander à M. William Mackay, du gouvernement du Nunavut, de prendre place à la table. Bienvenue. Je pense que vous voulez faire une déclaration préliminaire.

William Mackay, conseiller juridique principal, ministère de l'Exécutif et des Affaires intergouvernementales, gouvernement du Nunavut : Je comparais au nom du gouvernement du Nunavut, en réponse à l'invitation que le comité a lancée à notre premier ministre, Paul Okalik. Le premier ministre Okalik vous transmet ses regrets, mais je suis venu parler au nom du gouvernement du Nunavut en faveur de ce traité.

J'ai agi en tant que négociateur et avocat auprès du gouvernement du Nunavut pendant une partie des négociations qui ont débouché sur ce traité. En outre, j'ai représenté le gouvernement du Nunavut au comité de ratification et me suis rendu au Nunavik avant le vote de ratification.

Je partage le sentiment du premier ministre Okalik et du gouvernement du Nunavut, et je recommande fortement que le Sénat appuie l'adoption de ce projet de loi et la ratification de l'accord.

Le sénateur Watt a soulevé un certain nombre de points importants et a demandé que le comité examine l'accord et la loi de façon plus approfondie. Le gouvernement du Nunavut lui en est reconnaissant.

Un des sénateurs a déclaré hier, au sujet de la conclusion des traités, que le mieux était l'ennemi du bien. Ce traité est loin d'être parfait, mais c'est un bon traité. Il est bon pour le gouvernement du Nunavut, le gouvernement du Canada, et comme le montrent les résultats du vote de ratification, il est bon pour les Inuits du Nunavik.

De son côté, le gouvernement du Nunavut est heureux de constater que les droits que possèdent les Inuits du Nunavik sur le territoire du Nunavut seront précisés et définis une fois le traité ratifié. Comme le sénateur Sibbeston l'a déclaré hier, cet accord précise les droits et les obligations des gouvernements et des Inuits dans la région marine du Nunavik. Il définit la façon dont les ressources seront gérées dans cette partie du Canada, qui occupent une place très importante pour les Inuits. Il ne supprime aucun droit ancestral, et tous les droits ancestraux, issus de traité ou non, possédés par les Inuits continuent d'être protégés par l'article 35 de la Constitution, que l'accord soit ratifié ou non.

De plus, cet accord n'attribue pas au gouvernement du Nunavut de nouvelles compétences. Le gouvernement du Nunavut possède des compétences dans cette région à l'heure actuelle et en possédera toujours, que l'accord soit ratifié ou non. Les compétences qu'exerce le gouvernement du Nunavut dans cette région découlent de la Loi sur le Nunavut, une loi fédérale, et il possède les mêmes compétences que celles qu'avait auparavant le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

Le rôle du gouvernement du Nunavut sera en fait restreint par la ratification de ce traité. Dans le domaine des ressources fauniques, par exemple, le rôle du gouvernement du Nunavut sera réparti entre le gouvernement du Canada, les Inuits du Nunavik et les Cris, éventuellement.

Honorables sénateurs, cet accord concerne l'avenir. Le gouvernement du Nunavut sera heureux de participer à la mise en œuvre de cet accord, en association avec le Canada et les Inuits du Nunavik.

En particulier, le gouvernement du Nunavut sera heureux de gérer les ressources avec les Inuits du Nunavik et le Canada par le truchement des conseils de gestion qui seront créés aux termes de cet accord, y compris le conseil de gestion des ressources fauniques, la commission d'aménagement du territoire et la commission chargée de l'examen des répercussions.

Je signale en passant que le gouvernement connaît bien le fonctionnement de ces organismes, étant donné qu'il s'inspire des commissions qui ont été créées aux termes de l'accord relatif au Nunavut et auxquelles le gouvernement du Nunavut participe depuis 1999, et même avant cela, à titre de gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Nous pourrons transmettre aux Inuits du Nunavik l'expertise que nous avons acquise dans la création de ces conseils et le gouvernement du Nunavut sera également heureux de le faire.

C'est donc pour ces raisons, honorables sénateurs, ainsi que pour les avantages considérables que les Inuits du Nunavik retireront de ce traité, que nous invitons vivement le Sénat à adopter le projet de loi C-11 pour que le Canada puisse ainsi ratifier l'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik.

Le sénateur St. Germain : Merci d'avoir comparu devant nous pour le compte du Nunavut.

Malgré le fait que cet accord restreint quelque peu les droits et l'accès à certains secteurs, est-ce la certitude que cet accord apportera qui est un élément positif pour le peuple du Nunavut ainsi que celui du Nunavik?

M. MacKay : Il est évident que la certitude est un des aspects qui a conduit les deux gouvernements à conclure le traité. Aux termes de cet accord, comme vous le dites, les droits du gouvernement et ceux des Inuits seront précisés par le traité et il suffira d'examiner le traité pour savoir quelles sont nos obligations dans la région marine du Nunavik.

Le sénateur Watt : Je vais essayer de me limiter aux trois séries d'instruments qu'envisage l'accord lui-même. Le premier est le conseil de gestion des ressources fauniques qui prend en compte le Nunavik, le Nunavut et les Cris, comme le sénateur Adams l'a mentionné, ainsi que le conseil d'examen des répercussions et la commission d'aménagement.

J'ai étudié l'accord, sachant que le premier ministre Okalik a déclaré que les sénateurs devaient avoir une influence positive, et je vais essayer de l'aider pour ce qui est d'avoir accès à certains pouvoirs accessoires et autres.

Je ne considère pas que cet accord introduise un véritable équilibre. Là encore, j'ai déclaré plus tôt ce matin que cela vient du fait que le gouvernement fédéral conserve ses pouvoirs dans cette région, étant donné que le gouvernement du Nunavut n'est que la projection du gouvernement fédéral. Sur ce plan, il n'y a pas de changement, comme vous l'avez mentionné. Le gouvernement possède déjà des compétences dans cette région.

Ne pensez-vous pas qu'il pourrait y avoir — ou qu'il y aura — des difficultés par la suite? Il y en a déjà aujourd'hui. Lorsqu'il s'agit de questions de gestion, le territoire qui est contigu à celui des Inuits du Nunavik est très proche, ce sont les îles délimitées par la ligne des hautes eaux. Cette zone relève du gouvernement fédéral.

Le fait d'être réglementé et d'être visé par diverses séries de lois qui seront adoptées par la suite pourrait avoir des répercussions sur les droits des Inuits.

M. MacKay : Sénateur, c'est exact. Le gouvernement du Nunavut possède des compétences sur cette zone et l'assemblée législative du Nunavut pourrait adopter des lois qui toucheraient les Inuits du Nunavik. C'est la situation actuelle.

Lorsque cet accord sera ratifié, un conseil de gestion des ressources fauniques sera créé et ses membres nommés. Vous avez mentionné qu'il y aura un nombre égal de représentants du gouvernement et des Inuits du Nunavik, qui choisiront ensemble leur président. Dans ce scénario, les Inuits du Nunavik participeront en fait davantage à la gestion des ressources fauniques qu'ils ne le font actuellement. Aujourd'hui, c'est le gouvernement du Nunavut qui possède des compétences sur les ressources fauniques de la région, et c'est une compétence exclusive.

Le sénateur Watt : C'est ce qui se trouve dans le résumé, c'est ainsi que vous l'avez décrit, mais dans le texte lui- même, les Inuits du Nunavik ne sont pas représentés en nombre égal. Je voulais simplement vous le rappeler. De plus, les Inuits du Nunavik pourront mettre en œuvre les mesures adoptées. Ils auront pour rôle de formuler des recommandations qui seront soumises au ministre. Les lois fédérales et du Nunavut s'appliqueront. Nous serons, dans un certain sens, mis en minorité. Je voulais simplement le mentionner.

J'aimerais savoir pourquoi les Inuits du Nunavik n'ont pas été informés par le conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut de sa décision d'interdire l'exploitation de ces ressources dans les îles Sleeper et King George, qui sont très proches de plusieurs de leurs collectivités? Êtes-vous au courant de cela?

M. MacKay : Sénateur, je sais que le ministère des Pêches et des Océans a raccourci la saison de la chasse au bélouga. Comme vous le savez, c'est un ministère du gouvernement fédéral et le gouvernement du Nunavut n'a donc pas participé à la prise de cette décision. Comme vous l'avez dit dans votre intervention, le conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut a approuvé cette mesure, de sorte que le gouvernement du Nunavut y a, en un certain sens, participé. Le conseil se fonde sur l'information que nous fournit le gouvernement et dans ce cas, c'est le gouvernement fédéral qu'il était tenu de consulter. D'après mes informations, le conseil a consulté les Inuits du Nunavik, mais je ne travaille pas pour le ministère des Pêches et des Océans, et je ne suis donc pas au courant des modalités de la consultation.

Le sénateur Joyal : Si je comprends bien la portée de cet accord ou de ce traité, parce que c'est un traité d'après le projet de loi qui nous est présenté, j'aimerais savoir si le gouvernement du Nunavut espère retirer certains avantages financiers de cet accord.

M. MacKay : Le gouvernement du Nunavut fait partie du comité de mise en œuvre. Le comité de mise en œuvre accorde un financement aux organes chargés de mettre en œuvre l'accord. Cela vise les ministères fédéraux ainsi que le gouvernement du Nunavut et les mandataires de la société Makivik.

Nous avons négocié un plan de mise en œuvre qui précise le montant annuel des fonds destinés au gouvernement du Nunavut. Pendant une première période initiale de dix ans, le gouvernement du Nunavut recevra 350 000 $ par année. Cette somme est destinée à couvrir les frais supplémentaires que devra engager le gouvernement du Nunavut pour mettre en œuvre le traité. Il s'agit de tenir compte du coût de fonctionnement supplémentaire que devra assumer le gouvernement à cause de ce traité. Lorsque le traité sera ratifié, le gouvernement du Nunavut recevra 350 000 $ par année.

Le sénateur Joyal : Vous recevrez un financement supplémentaire de la part du gouvernement fédéral pour pouvoir vous acquitter des responsabilités supplémentaires que vous attribue l'accord en question.

M. MacKay : C'est exact, sénateur.

Le sénateur Joyal : Cela a-t-il pour effet d'élargir l'assiette fiscale qui vous permet, d'une façon générale, d'encaisser les recettes?

M. Mackay : Non. Cela vise uniquement à recouvrer les coûts découlant de l'accord. Le but n'est pas d'accorder un financement supplémentaire au gouvernement du Nunavut pour qu'il puisse s'acquitter de ses obligations générales dans le domaine de la santé, des services sociaux ou de l'éducation. Ce financement vise uniquement à donner au gouvernement du Nunavut les moyens de mettre en œuvre l'accord.

Le sénateur Joyal : En d'autres termes, si les Inuits devaient recevoir des redevances ou d'autres avantages, cela ne représenterait absolument pas une nouvelle source de recettes sous la forme de taxes ou frais indirects?

M. Mackay : Non, le Nunavut n'en retirerait aucun revenu supplémentaire. À l'heure actuelle, le gouvernement du Nunavut ne possède pas de compétence sur les ressources naturelles, de sorte qu'il ne perçoit pas de redevances. S'il arrivait que notre gouvernement perçoive des redevances, conformément à cet accord, une partie de ces redevances, comme cela a déjà été expliqué, serait versée aux Inuits du Nunavik. En fait, le gouvernement du Nunavut réduit son assiette fiscale générale en concluant cet accord, mais sa raison d'être est d'augmenter la stabilité économique des Inuits du Nunavik, qui sont bien sûr nos voisins et qui partagent de nombreuses zones de récolte avec les Inuits du Nunavut. Il est dans l'intérêt du gouvernement du Nunavut que cette source de revenus soit réservée aux Inuits du Nunavik.

Le sénateur Joyal : À l'heure actuelle, exercez-vous une compétence précise dans le domaine des ressources naturelles?

M. Mackay : Non.

Le sénateur Joyal : Dans le cas où les ressources naturelles seraient exploitées autrement que par la pêche et la chasse, seriez-vous obligés de demander au gouvernement fédéral de modifier votre loi constitutive pour obtenir une responsabilité précise dans ce domaine?

M. Mackay : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Pour ce qui est du partage des redevances, M. Molloy nous a déclaré hier que le montant de 2 millions de dollars serait partagé également et que 5 p. 100 des montants supplémentaires seraient partagés conformément à l'accord qui a été conclu dans le contexte du Nunavut. Comment cela se passe-t-il chez vous?

M. Mackay : La formule est à peu près la même. L'accord sur les revendications territoriales du Nunavut contient une disposition concernant les terres de la Couronne. En cas d'exploitation des ressources se trouvant sur les terres de la Couronne, les Inuits du Nunavut reçoivent une partie des redevances selon la formule que vous avez mentionnée : 50 p. 100 des deux premiers millions de dollars et ensuite 5 p. 100 de tout montant supérieur.

Si les ressources qui sont exploitées se trouvent sur des terres appartenant aux Inuits — et je crois que près de 20 p. 100 des terres du Nunavut appartiennent aux Inuits —, alors ce sont les Inuits qui fixent et perçoivent toutes les redevances et qui les conservent pour les organisations inuites. La situation prévue par cet accord est semblable, à la différence que 80 p. 100 des terres appartiennent aux Inuits du Nunavik dans ce cas-ci, de sorte qu'ils pourraient obtenir une part plus grande des redevances, s'il y en avait.

Le sénateur Joyal : Pourquoi ne pas avoir demandé un barème progressif dans les discussions que vous avez eues avant de conclure cet accord? Il me semble que cela aurait été une façon d'assurer l'avenir.

M. Mackay : Je ne sais pas pourquoi ce montant a été bloqué à 2 millions de dollars dans le contexte du Nunavut. Dans le présent accord, nous voulions que les deux groupes inuits soient traités de la même façon, c'est pourquoi nous avons conservé le chiffre de 2 millions de dollars qui avait été fixé en 1993.

Je crois que dans la plupart des cas, les deux premiers millions de dollars sont atteints assez rapidement, de sorte que cela ne pose pas de question. C'est en fait le chiffre de 5 p. 100 qui est le plus important.

Le sénateur Joyal : J'espère que vous pourrez m'éclairer au sujet de la définition de « redevance liée à l'exploitation des ressources » qui paraît dans l'article des définitions de l'accord au bas de la page 6 :

« redevance liée à l'exploitation des ressources » s'entend de toute part de la production, en espèces ou en nature, payée ou payable au gouvernement, en sa qualité de propriétaire avant la production, à l'égard d'une ressource produite par une personne sur des terres de la Couronne dans la région marine du Nunavik ou dans son sous-sol.

Pourquoi précise-t-on « en sa qualité de propriétaire avant la production »?

M. Mackay : La Couronne est propriétaire de toutes les ressources qui se trouvent dans le sol, mais une fois qu'elles sont exploitées, c'est l'exploitant qui en devient propriétaire. Le gouvernement perçoit une redevance découlant de sa propriété des ressources, mais cela est mentionné pour préciser que c'est bien le propriétaire des ressources qui se trouvent dans le sous-sol qui a droit à ces redevances, et non pas celui des ressources qui sont transportées ailleurs. Je crois que cela vient d'un différend qui s'est produit dans les Territoires du Nord-Ouest. Je vais laisser le gouvernement fédéral vous donner des précisions sur ce point, parce que c'est lui qui a voulu reformuler cette disposition pour qu'elle comprenne l'expression « en sa qualité de propriétaire avant la production ».

Le sénateur Joyal : S'il y avait un différend entre le gouvernement du Nunavut et les Inuits du Nunavik, quel serait le mécanisme de règlement des différends applicable dans le cadre de cet accord?

M. Mackay : Dans l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut, il existe entre les deux groupes d'Inuits une entente de chevauchement qui est semblable à celle qui a été conclue avec les Cris. S'il surgissait un différend dans ce contexte, il serait réglé conformément à l'article pertinent de l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut, en utilisant les dispositions de résolution des différends prévues par cet accord. Celui-ci contient également une clause d'arbitrage.

Le sénateur Joyal : Y a-t-il des situations de conflit qui risqueraient de se reproduire dans un avenir proche avec cet accord?

M. Mackay : Pas à ma connaissance. Il y a eu, bien sûr, des conflits entre les Inuits et le gouvernement, tant du côté du Nunavik que de celui du Nunavut. Je ne pense pas toutefois qu'il y ait eu de litige entre les deux groupes autochtones depuis la signature de l'accord de 1993.

Le sénateur Adams : Pour ce qui est des revendications territoriales, il y a certains quotas dans les secteurs 0A et 0B. Avec les ententes de chevauchement, je crois que la situation sera plus favorable pour les Cris et les Inuits du Nunavik et du Nunavut. Il en irait peut-être différemment avec un accord de revendications territoriales qui concerne des sociétés comme la société Makivik. Ces sociétés n'ont pas d'organe législatif, alors que le Nunavut en possède un. Les mammifères sont mieux contrôlés avec ces accords parce que nous disposons de mesures législatives. Le gouvernement ne le reconnaît pas. Les gens s'inquiètent du fait que le Nunavut sera chargé d'administrer les ressources. Nous devons encore nous adresser au gouvernement fédéral au sujet des mammifères, par exemple. J'aimerais savoir s'il y a des différences entre la gestion des ressources par les différentes parties dans ces accords sur les revendications territoriales?

M. Mackay : Voulez-vous parler de la différence qui existe entre ces deux accords pour ce qui est de la gestion des ressources fauniques?

Le sénateur Adams : L'ensemble de l'accord. Supposons qu'il y ait un premier ministre et ensuite, un président de la société Makivik. Tous les ans, on adopte de nouvelles mesures législatives. Je crains que le Nunavut renonce à ses droits sur l'eau s'il y avait un chevauchement dans l'accord.

M. Mackay : Comme vous l'avez signalé, la société Makivik est celle qui a signé cet accord. L'accord du Nunavut a été signé par la société Nunavut Tunngavik. Le gouvernement du Nunavut est le gouvernement territorial chargé de mettre en œuvre les deux accords. Les deux accords visent uniquement le territoire du Nunavut. Voilà comment cela fonctionne.

Comme vous l'avez mentionné, en matière de ressources fauniques, le rôle du gouvernement fédéral consiste à administrer les ressources fauniques marines et celui du gouvernement du Nunavut se limite aux ressources terrestres. Je ne sais pas si cela répond entièrement à votre question.

Le sénateur Adams : Je le crois. Il y a un accord sur les revendications territoriales au Nunavut, en particulier avec la société Nunavut Tunngavik, qui comprend certaines îles et qui protège les mammifères; il s'applique jusqu'à la baie James et à une partie de ces îles. Ces secteurs ne sont pas contrôlés par le Nunavut parce qu'il faut des fonds pour exploiter ce secteur. C'est une zone qui vise à protéger les oiseaux et les mammifères. Cela ressemble davantage à un parc écologique.

Les accords sur les revendications territoriales se chevauchent en partie. Je pense qu'à l'avenir, il sera plus facile de négocier les droits commerciaux. On nous a dit hier que la pêche commerciale au Nunavut avait fait l'objet de négociations pendant cinq ans. À cette époque, le Nunavut avait des revendications territoriales qui concernaient près de 6 000 tonnes métriques de turbot du Groenland. Cela représentait près de 2,5 p. 100, et ce pourcentage est passé à 10 p. 100. Si le projet de loi est adopté, je pense que cela facilitera les choses parce que nous avons maintenant une entente de chevauchement.

M. Mackay : Je pense que vous avez raison, sénateur. Les deux groupes d'Inuits obtiennent des droits avec cet accord pour ce qui est de la pêche commerciale. Cela revient pratiquement à reconnaître aux deux groupes d'Inuits le droit de pratiquer la pêche commerciale.

La présidente : Merci, monsieur Mackay. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir fourni des réponses claires, ce qui n'est pas toujours le cas lorsqu'il s'agit de questions juridiques.

Nous allons maintenant demander aux fonctionnaires qui étaient ici hier soir de reprendre place à la table. Nous allons accueillir M. Tom Molloy, négociateur en chef du gouvernement fédéral, d'Affaires indiennes et du Nord Canada, M. Pat Walsh, négociateur principal, Makivik/Cris, au large des côtes du Québec, et M. Brian Keogh, conseiller principal, ministère de la Justice Canada.

Merci d'avoir accepté de revenir ce matin. Cela n'était pas prévu au programme, mais cela reflète tout l'intérêt qu'a porté le comité aux commentaires que vous avez faits hier. Je vais reprendre là où nous nous sommes arrêtés hier soir, ce qui veut dire que je vais d'abord donner la parole au sénateur Joyal, et ensuite au sénateur Watt et que nous reprendrons ensuite la formule habituelle.

Le sénateur Joyal : Bienvenue. J'aimerais revenir à la page 13 de la déclaration qu'a faite hier le secrétaire parlementaire. Je vais vous lire le paragraphe au sujet duquel j'aimerais obtenir des explications supplémentaires :

Ce traité comprend une clause de renonciation subsidiaire, qui n'entre en vigueur que si, pour une raison quelconque, les tribunaux ne donnent pas effet à la promesse faite par les Inuits et qu'il s'ensuit un préjudice pour les droits des Inuits ou les droits d'autrui. En pareil cas, la renonciation ne s'applique que dans la mesure nécessaire pour éviter le préjudice aux droits.

Pourriez-vous m'indiquer quel est l'effet juridique et la nature de cette clause de renonciation subsidiaire et préciser à quel article du texte de l'accord elle fait directement référence, pour que nous puissions examiner sa formulation juridique?

Brian Keogh, conseiller principal, ministère de la Justice Canada, Affaires indiennes et du Nord Canada : Sénateur Joyal, les dispositions en question font partie de l'article 2.29, les dispositions de l'accord qui traitent de certitude.

Le sénateur Joyal : À quelle page êtes-vous?

M. Keogh : Je suis à la page 11. La disposition pertinente est l'article 2.29.4. Nous espérons que cette renonciation subsidiaire ne sera jamais appliquée parce que nous pensons et espérons que l'engagement préalable qui a été pris de ne pas exercer certains droits suffira et que les tribunaux donneront effet à cet engagement préalable, à cette promesse, de ne pas exercer de droits, à l'exception de ceux qui sont prévus par l'accord.

Cette disposition vise le but suivant : dans le cas où la promesse initiale de ne pas affirmer certains droits ne serait pas mise en œuvre par les tribunaux, alors il y a une présomption selon laquelle il y a eu renonciation à ces droits à la date de l'accord, dans la mesure nécessaire pour éviter de léser les droits du Canada, ceux des tiers ou des Inuits.

Le sénateur Joyal : Pourriez-vous nous donner un exemple de façon à mieux illustrer cette clause?

M. Keogh : J'espère que je peux vous redonner l'exemple que je vous ai fourni hier, parce que c'est peut-être l'exemple le plus clair d'un cas où l'on pourrait appliquer un droit non prévu par l'accord. L'accord énonce que le droit de propriété en fief simple des Inuits porte sur environ 80 p. 100 de la surface terrestre de la région marine du Nunavik. Vingt pour cent environ de cette zone est réservé à la Couronne pour diverses fins.

Si, pour une raison ou une autre, un Inuk prétendait qu'il possédait un droit ancestral sur ce 20 p. 100 et que la Couronne ne pouvait donc utiliser les terres en question comme elle souhaitait le faire, cela constituerait une tentative d'exercer un droit non prévu par l'accord. La renonciation subsidiaire entraînerait alors la cession du droit autochtone ou du titre aborigène sur ce 20 p. 100 des terres, dans la mesure nécessaire pour que la Couronne puisse exercer ses activités et utiliser ces terres comme elle le souhaitait.

Le sénateur Joyal : J'essaie de comprendre dans quel contexte particulier une telle affirmation pourrait être faite. Supposons que l'on trouve des ressources sous-marines. Étant donné que 80 p. 100 des terres appartiennent aux Inuits, aux termes de cet accord, ce serait à eux de décider si cette ressource doit être exploitée. Pourraient-ils alors s'opposer à la décision du gouvernement d'exploiter ces ressources et demander d'en percevoir des redevances?

M. Keogh : premièrement, les Inuits ne sont pas propriétaires du sous-sol marin. Le 80 p. 100 concerne les îles.

Le sénateur Joyal : Je parle des îles.

M. Keogh : Cela s'appliquerait au 20 p. 100.

Le sénateur Joyal : Je voulais simplement dire qu'une île est parfois une chose très importante. Vous êtes au courant du conflit qui oppose le Canada et le Danemark. C'est une île très petite. C'est très symbolique, mais c'est quand même un endroit stratégique.

M. Keogh : Je ne voulais pas minimiser l'importance des îles. C'est la raison pour laquelle les Inuits ont finalement obtenu 80 p. 100, parce qu'elles sont très importantes pour eux.

Cette disposition vise à protéger le gouvernement sur le 20 p. 100 des îles qu'il possède. Elle protégerait également le 80 p. 100 des îles que possèdent les Inuits. Par exemple, avec un droit de propriété en fief simple, les Inuits ont le pouvoir d'utiliser ces terres comme ils le souhaitent à cause de la nature de ce droit de fief simple. Si un Inuk déclarait alors : « Nous possédons des droits ancestraux sur ces terres et le titre aborigène veut dire que vous ne pouvez pas utiliser les terres de façon incompatible avec leur utilisation initiale, ce qui semble découler, d'après nous, de l'arrêt Delgamuukw », alors la collectivité inuite pourrait dire : « Non, nous avons le droit d'utiliser ces terres comme nous l'entendons, et il n'y a pas de restrictions. Dans la mesure où ce titre de propriété nous empêche d'utiliser ces terres comme nous le souhaitons, il y a eu renonciation à ce titre dans la mesure nécessaire à ce que nous puissions les utiliser. »

Cette disposition a pour but de protéger les Inuits, le gouvernement et les tiers pour qu'ils puissent agir de façon à ce que les titres de propriété ou les droits qui ne peuvent être affirmés n'aient aucune répercussion juridique sur leurs pouvoirs.

Le sénateur Joyal : Selon votre définition juridique de la non-affirmation d'un droit, le fondement du droit existe toujours, mais les parties conviennent de ne pas exercer leurs droits.

M. Keogh : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Je vais vous donner un exemple tiré de la common law. Si je suis propriétaire d'un terrain et que mon voisin l'utilise constamment, comme vous le savez, il y a prescription, et après l'écoulement d'un certain délai, mon voisin peut prétendre qu'il a le droit d'utiliser ce passage pour faire ce qu'il a envie de faire. Cependant, nous pouvons nous entendre sur le fait qu'il utilisera la terre aussi longtemps qu'il le souhaite, mais que cet usage de la terre n'aura pas pour effet de lui faire acquérir quelque droit que ce soit.

Est-ce que cette comparaison avec une autre réalité juridique vous paraît conforme à ce que vous me dites aujourd'hui?

M. Keogh : Il faudrait que j'examine toutes les répercussions possibles d'un droit d'usage. Il s'agit ici de droits plus importants, de droits ancestraux, avec peut-être le titre aborigène et un droit de propriété en fief simple. Je suis un peu réticent à affirmer que cette comparaison est valable dans tous les cas.

Le sénateur Joyal : Je ne faisais que proposer une comparaison.

M. Keogh : À titre de comparaison, nous nous trouvons ici dans un cas où les Inuits ont un droit qu'ils conservent. Ils reconnaissent que dans la mesure où ce droit n'est pas prévu par l'accord, il n'a aucun effet juridique. En un sens, il y a renonciation à la capacité d'invoquer ce droit.

Le sénateur Joyal : Comment un tribunal interpréterait-il cette clause par rapport à la notion d'extinction ou de non- extinction des droits ancestraux?

M. Keogh : Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour éviter que cette clause soit interprétée comme constituant une extinction. Je ne peux pas prédire comment les tribunaux l'interpréteront. J'espère qu'ils l'interpréteront conformément à la façon assez simple dont nous l'avons formulée, que le droit continuera d'exister et que les Inuits accepteront de ne pas l'exercer.

Le sénateur Joyal : Il s'agit d'éviter d'utiliser le mot « renonciation » et les autres mots que vous avez mentionnés hier, « cession », notamment. En évitant d'utiliser ces mots et en reconnaissant que les Inuits s'engagent eux-mêmes à ne pas exercer ces droits, il est possible d'en déduire que ces droits existent toujours.

M. Keogh : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Si j'étais un Inuit, est-ce l'argument que je devrais invoquer devant un tribunal pour soutenir que mes droits n'ont pas été éteints?

M. Keogh : Ce serait le point de départ de tout argument visant à justifier l'invocation d'un droit non prévu par l'accord. Il y a toutefois la clause de renonciation subsidiaire qui vise à empêcher quiconque d'invoquer un tel droit.

Le sénateur Joyal : Étant donné qu'il n'existe pas de mécanisme de révision du traité après un certain délai et que le traité est un document ouvert, à votre avis, est-il admis que l'accord aura un effet permanent et ne pourrait être révisé devant un tribunal pour la raison qu'il existe des droits préexistants?

M. Keogh : C'est exact. Nous ne prévoyons pas que le traité puisse être révisé unilatéralement par une des parties. Il existe des dispositions en matière de modification et s'il paraît souhaitable que les parties modifient l'accord en raison d'un changement de circonstances, il y a toujours la possibilité de le faire. L'accord contient des dispositions de modification très précises, mais nous ne prévoyons pas que le traité puisse être révisé unilatéralement par une des parties.

Le sénateur Joyal : Pouvez-vous nous expliquer la portée du mécanisme de modification?

M. Keogh : Oui. La procédure de modification n'exige pas le même type de ratification que l'accord initial.

Le sénateur Joyal : Pouvez-vous préciser à quel article vous faites référence?

M. Keogh : Il figure à la page 9, c'est l'article 2.13.

Le sénateur Joyal : Pourriez-vous le lire à haute voix?

M. Keogh : L'article 2.13 énonce :

Le présent accord ne peut être modifié qu'avec le consentement des parties et celui-ci doit être attesté :

a) dans le cas de Sa Majesté, par un décret du gouverneur en conseil;

b) dans le cas des Inuit du Nunavik, par une résolution de Makivik, sauf disposition contraire de ses règlements administratifs.

Le sénateur Joyal : Au sujet de ce pouvoir de modifier le traité, peut-on modifier n'importe quelle clause, ou y a-t-il dans ce traité des dispositions de nature plus fondamentale que d'autres et qui constituent un règlement définitif?

M. Keogh : Je pense que les parties peuvent modifier n'importe quel article du traité si elles le souhaitent.

Le sénateur Joyal : Autrement dit, il n'y a aucune partie du traité qui constitue le règlement définitif des revendications que les Inuits pourraient avoir dans la région visée?

M. Keogh : C'est un règlement définitif dans le sens que le traité ne peut être changé que si toutes les parties y consentent. C'est de cette façon que nous préservons la certitude recherchée. Le but n'est pas d'en faire un document fermé qui interdirait aux parties d'examiner une disposition s'il leur paraissait logique de le faire.

Tom Molloy, négociateur en chef du gouvernement fédéral, Affaires indiennes et du Nord Canada : Je tiens à préciser que le gouvernement du Canada a toujours soutenu, au cours de ces négociations et dans d'autres situations également, que, s'il existe bien des dispositions en matière de modification, nous ne pensons pas que l'on puisse les utiliser pour changer ce qui nous paraît des aspects fondamentaux du traité, c'est-à-dire les questions qui touchent la superficie des terres, les transferts de fonds et les choses de ce genre. Nous n'avons jamais mentionné à aucune partie que nous serions disposés à envisager des modifications de ce genre.

Les dispositions en matière de modification ont été insérées dans le cas où une disposition ne donnerait pas les résultats qu'espéraient les parties. Avec le temps, les gouvernements modifient leur façon d'exercer leurs activités et il pourrait être nécessaire de modifier certains aspects pour que le traité puisse être appliqué efficacement.

Le sénateur Joyal : Voilà ce que j'ai compris de ce que vous nous avez dit aujourd'hui. Projetons-nous dans l'avenir, dans 50 ans, et comme le dit l'expression en français, dans un monde meilleur ou pire. S'il survient à l'avenir des circonstances que nous ne pouvons prévoir aujourd'hui, y a-t-il un article de cet accord qui limiterait légalement la possibilité de le modifier, en plus de l'intention dont vous nous avez fait part ce matin? Cet accord aura la nature d'un traité, d'après le projet de loi. C'est important, parce que cela donne à cet accord une nature juridique différente de l'accord que le sénateur Milne et moi pourrions conclure pour exploiter une terre que nous possédons en commun; cela serait un accord très différent de l'accord à l'étude.

M. Molloy : Non, il n'y en a pas.

Le sénateur Joyal : Un tribunal ou une autorité légale qui serait amené à interpréter ce traité accord à l'avenir tiendrait certainement compte de l'intention des parties. Vous avez exprimé une intention ce matin, mais le texte du traité, pris isolément, ne contient aucune limite juridique.

M. Molloy : C'est exact.

Le sénateur Watt : Je vais limiter le nombre de sujets que je voulais aborder. Hier, j'ai essayé d'obtenir des réponses à propos des sujets que vous avez abordés dans le cadre de l'interprétation de l'accord et des questions qu'avait posées le sénateur Joyal et de la mesure dans laquelle les mots « céder » et « renoncer » s'appliquaient vraiment. Comme je l'ai mentionné hier, lorsque j'ai écouté les exposés qui ont été présentés pendant la consultation des collectivités, je peux vous dire que ces exposés n'ont pas abordé de façon détaillée et concrète les ramifications juridiques du présent accord.

Je vais néanmoins poser des questions sur les sujets qu'a soulevés le sénateur Joyal, à savoir les îles, des aspects concrets et faciles à identifier. Permettez-moi d'utiliser le même scénario pour les pratiques coutumières.

Les Inuits ont une économie de subsistance. C'est leur économie et leurs activités sociales. Il arrive que les gouvernements adoptent des lois qui touchent leurs pouvoirs et leurs activités. Il arrive que les gouvernements adoptent des lois qui empêchent ce peuple de vivre comme il en a l'habitude. Le fait est qu'un certain nombre de personnes ont été accusées parce qu'elles ne respectaient pas les lois. Je vais prendre l'exemple des bélougas, mais on pourrait prendre n'importe quelle autre espèce.

Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut-il dire que nous ne pourrons pas utiliser nos droits ancestraux et nous défendre devant les tribunaux si un Inuit est accusé de quoi que ce soit parce qu'il a essayé de subvenir aux besoins de sa famille et de la nourrir parce qu'il n'y a pas d'autre façon ou moyen de le faire? Comment cela se réglerait-il avec cet accord?

M. Molloy : Je crois savoir que la plupart des affaires judiciaires concernant l'application des règlements en matière de ressources fauniques et de pêche découlent d'un litige entre un droit ancestral et le pouvoir du gouvernement de porter atteinte à ce droit et d'adopter des lois qui le restreignent. Cela vient du fait qu'il existe une grande incertitude au sujet de la nature des droits ancestraux, des lieux où ils peuvent être exercés et de la façon dont ils peuvent l'être.

Du point de vue du Canada, le principal objectif des négociations relatives aux traités est d'introduire une certitude dans les régions du Canada où il n'y a pas eu de traité et où les Autochtones, les Première nations et les Inuits affirment posséder un droit ancestral et un titre aborigène. Grâce aux négociations, nous essayons de lever l'incertitude qui entoure les droits ancestraux et le titre aborigène et de mettre sur pied un système et un régime dans lequel toutes les parties savent comment les droits en question peuvent être exercés dans une région particulière.

Le traité que nous examinons aujourd'hui précise la façon dont les droits seront exercés dans la région du Nunavik et il protège la capacité des Inuits de continuer à récolter des ressources. Il limite la capacité du gouvernement de limiter le droit des Inuits dans des domaines comme la conservation, la santé et la sécurité publiques. Ce sont les trois domaines essentiels qui peuvent entraîner une limitation du droit de pêcher et de chasser reconnus par le présent accord.

Le droit de chasser et de pêcher est protégé par le traité, sauf dans trois cas, la conservation, la sécurité et la santé publiques, et il y a également un régime de gestion qui est établi, auquel participent des représentants du Nunavik, du Nunavut et du gouvernement du Canada pour constituer un conseil de gestion indépendant chargé d'administrer la pêche, la chasse et les règlements.

L'objectif général est d'essayer de...

Le sénateur Watt : Est-il en train d'utiliser mon temps de parole pour me répondre?

M. Molloy : ... supprimer l'incertitude qui existe actuellement.

Le sénateur Watt : Je crois comprendre l'essentiel de cet accord. C'est la raison pour laquelle je pensais qu'il s'agissait là d'une ressource importante. Vous venez de mentionner la conservation, la préservation et la capacité du gouvernement d'adopter des lois en se fondant sur des renseignements fournis par la communauté scientifique. Le gouvernement a le pouvoir de limiter les droits de qui que ce soit en cas de besoin, je sais parfaitement tout cela.

Comme je l'ai mentionné l'autre jour, je constate que dans cet accord, le droit à subvenir à ses besoins n'est pas considéré comme étant une des priorités reliées au droit de vivre. Il y a déjà des gens qui ont été accusés. Ils seront jugés. Voilà ce qui m'inquiète. Cela concerne uniquement le bélouga pour le moment, mais que se passera-t-il demain? Voilà ce qui me préoccupe. Pendant des années, nous avons eu dans le Nord la liberté de faire ce qui nous paraissait le mieux pour nous permettre de survivre, d'avoir une économie, de vivre, de nous gouverner et faire des choses de ce genre.

Le Sud intervient dans notre vie. Je ne suis pas convaincu que l'on ait examiné suffisamment cet aspect. Vous ne faites pas de différence sur ce plan dans cet accord. On semble accorder une plus grande importance à la pêche commerciale, mais qu'en est-il de la nécessité pour le peuple du Nunavik d'assurer sa subsistance, ce qui n'a rien à voir avec la pêche commerciale?

C'est la question qui est la plus importante pour les gens du Nunavik, malgré ce qu'a dit hier notre représentant, à savoir que ces gens avaient totalement approuvé l'accord. Les gens m'ont demandé : « Eh, qu'est-ce qu'ils font avec nos vies? Cela ne nous a jamais été expliqué. »

Ce que vous venez d'expliquer au sénateur Joyal et à moi n'a jamais été expliqué aux Inuits. C'est la raison pour laquelle je soulève ces questions.

M. Molloy : Je dirais que cet accord, en particulier le chapitre consacré aux ressources fauniques, traite davantage des droits des Inuits d'assurer leur subsistance que d'activités commerciales. Il n'y a que quelques articles de l'accord qui traitent de l'aspect commercial. Le chapitre sur l'exploitation des ressources énonce les principes applicables aux objectifs du régime de gestion des ressources fauniques. Il énonce les objectifs recherchés par ce chapitre, à savoir définir et protéger les droits de récolte des Inuits du Nunavik. Il est régi par les principes de la conservation et met en œuvre ces principes. Il tient compte des niveaux des ressources, il favorise les droits économiques, sociaux et culturels des Inuits du Nunavik sur le long terme. Il prévoit la récolte et l'accès par des personnes autres que des Inuits du Nunavik. Il reconnaît la valeur des méthodes utilisées par les Inuits du Nunavik pour gérer les ressources fauniques ainsi que celle des connaissances que possèdent les Inuits de la faune et de son habitat et intègre ces éléments aux connaissances obtenues grâce à la recherche scientifique. Il intègre la gestion de toutes les espèces fauniques et de l'habitat de ces espèces dans un système de gestion global. Il prévoit la participation publique et favorise la confiance de la population dans la gestion des ressources fauniques, en particulier chez les Inuits du Nunavik. Il crée un conseil de gestion des ressources fauniques chargé de prendre des décisions et de coordonner son action avec les autres institutions responsables de la gestion des espèces fauniques qui migrent entre la région marine du Nunavik et d'autres régions.

Ce sont là les objectifs qui sont exposés dans ce chapitre. Nous pensons avoir atteint ces objectifs, grâce aux négociations.

Il y a également une série de principes à la lumière desquels il convient d'interpréter ce chapitre. Il est reconnu que les Inuits du Nunavik utilisent et occupent traditionnellement la région et continueront à le faire. Il reconnaît que l'utilisation et l'occupation traditionnelles par les Inuits du Nunavik découlent de leurs droits en matière de ressources fauniques, que les Inuits du Nunavik peuvent exercer dans l'ensemble de la région marine du Nunavik, et que les Inuits du Nunavik sont les utilisateurs actuels et traditionnels des ressources fauniques et autres et qu'ils ont acquis une connaissance et une compréhension particulières des régions et des ressources.

La population inuite augmente régulièrement. Il reconnaît une principe à long terme...

La présidente : Monsieur Molloy, pour gagner du temps, vous êtes en train de lire...

M. Molloy : J'essaie simplement de...

La présidente : Je sais que vous essayez d'apporter des réponses précises. Vous lisez un document, mais vous pourriez peut-être nous fournir ce document à titre de référence, et nous pourrons ainsi revenir aux questions.

M. Molloy : Je devrais peut-être expliquer à chacun d'entre vous l'ensemble du régime de gestion des ressources fauniques, article par article, ce qui prendrait une éternité. J'essaie d'exposer les principes et les objectifs sur lesquels les parties se sont entendues avant de négocier un accord sur la gestion des ressources fauniques. Nous pensons que cet accord reflète ces principes et ces objectifs.

La présidente : Merci.

Le sénateur Watt : Monsieur Molloy, j'ai compris tout cela, et je vous demande : quel est le résultat final? Qui décide en fin de compte? Cela finit en fait par les trois mécanismes envisagés par l'accord : des organismes de réglementation ayant le pouvoir de présenter des recommandations au ministre et, par l'intermédiaire du ministre, au Parlement. Ces recommandations peuvent également être transmises au gouvernement du Nunavut. Cela ne nous permet pas vraiment de protéger nos intérêts. Parallèlement, ce sont des gens de l'extérieur qui vont s'occuper de nos droits et de nos intérêts, en particulier pour ce qui est de subvenir à nos besoins. Encore une fois, la nécessité de subvenir à nos besoins est un élément extrêmement important. C'est l'aspect le plus important de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. Cette convention établit une différence entre la pêche sportive et la pêche commerciale et sur la façon de résoudre progressivement les différends.

Il n'y a pas de mécanisme qui permet de régler et de réconcilier les différences entres les connaissances traditionnelles et les connaissances scientifiques. C'est la raison pour laquelle je soulève ces questions.

La présidente : Vouliez-vous répondre?

M. Molloy : Je tiens à dire que l'article 5.3.1 de l'accord énonce que chaque Inuit du Nunavik aura le droit de récolter les espèces, « jusqu'à concurrence de la quantité dont il a besoin pour satisfaire l'ensemble de ses besoins économiques, sociaux et culturels ». L'accord tient compte de votre préoccupation.

Le sénateur Watt : Je le sais, mais cela continue. Ce sont de belles paroles, mais on ne les retrouve pas ensuite.

La présidente : Nous semblons nous entendre parfaitement sur le fait que nous ne sommes pas d'accord et que les deux points de vue ont été présentés en détail.

Le sénateur Andreychuk : Personne n'a dit que les personnes qui négociaient avec le gouvernement fédéral n'avaient pas le pouvoir ou la capacité de le faire. Autrement dit, il s'agissait de négociateurs légitimes reconnus par la société Makivik, d'après ce que je comprends.

Il a été dit que, lorsque les négociateurs ont terminé le travail et remis le texte à leurs mandants pour déclencher le processus de ratification, certains se sont demandés si tout le monde avait effectivement bien compris les conséquences d'un tel accord. Il est tout à fait inhabituel de remettre en question ce genre de choses, parce qu'il arrive souvent que le gouvernement fédéral négocie pour le compte des Canadiens. Je suis sûre que nous ne connaissons pas toutes les subtilités des accords que conclut notre gouvernement.

Le processus de ratification a été choisi par la société, mais a-t-elle consulté le gouvernement fédéral sur ce point? Le gouvernement fédéral a-t-il vérifié que le processus de ratification retenu était conforme aux principes applicables dans ce domaine?

Permettez-moi de prendre un peu de recul et de dire qu'il nous arrive souvent d'examiner dans la démocratie si les élections et les processus de prise de décisions respectent un processus libre et équitable. Ce sont des aspects que les Canadiens examinent souvent. J'aimerais savoir si la ratification qu'a effectuée la société en question est conforme à ces grands principes. Dans notre régime électoral, si nous n'aimons pas le résultat des élections, nous ne pouvons pas les remettre en question, mais nous pouvons remettre en question le processus et la procédure et faire savoir si ces mécanismes ont été respectés.

De votre point de vue, quelle a été la procédure adoptée et a-t-elle jamais été remise en question, et là je ne pense pas à quelqu'un qui n'aimerait tout simplement pas le résultat obtenu? Vous pouvez fort bien ne pas aimer que tel parti ait remporté une élection au Canada, ni ce que fait votre gouvernement par la suite, mais vous devez l'accepter dès que le processus électoral a été respecté, parce que vous avez des recours s'il ne l'a pas été.

Je veux que l'on me dise qu'on a adopté un processus de ratification et que ce processus a été respecté. À votre connaissance, quelqu'un a-t-il remis en question le processus pour des motifs techniques et administratifs, et non pas par rapport aux résultats obtenus?

M. Molloy : premièrement, je tiens à préciser que ce n'est pas la société Makivik qui a choisi le processus de ratification. L'article 25.5 de l'accord énonce que, dès la signature de l'accord, les parties — à savoir le Canada, les Inuits et le gouvernement du Nunavut — créent un comité de ratification chargé de tenir le vote de ratification. Des représentants de chacune des parties ont été nommés à ce comité et chargés de surveiller le déroulement du vote.

Comme M. Mackay l'a mentionné ce matin, c'est lui qui représentait le gouvernement du Nunavut. Après la tenue du vote, ce comité a conservé tous les documents et toutes les parties avaient le droit de les consulter. Il n'y a eu aucune plainte au sujet du déroulement du vote.

Le sénateur Milne : J'aimerais poser quelques questions concrètes. Est-ce que les Inuits du Québec, les Naskapis, ont été consultés au cours de ce processus?

M. Molloy : Non, parce qu'ils n'affirment pas posséder des droits sur les zones extracôtières.

Le sénateur Milne : Sur les zones marines. Vraiment? C'est une société qui vit sur la partie terrestre plutôt que dans les zones marines.

M. Molloy : C'est ce que j'ai compris.

Pat Walsh, négociateur principal, Makivik/Cris, au large des côtes du Québec : Lorsque le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes, ils ont posé des questions à ce sujet et nous leur avons fourni l'information demandé. Cela les a satisfait et ils n'ont fait aucun commentaire.

Le sénateur Milne : Je n'ai pas entendu d'explication au sujet du partage 80-20 des îles extracôtières. Est-ce que 20 p. 100 de chaque île sera détenu au nom du gouvernement fédéral ou sera-ce 20 p. 100 des îles qui seront ainsi détenues? Comment cela sera-t-il décidé?

M. Molloy : Nous avons commencé par négocier le pourcentage, et une fois que nous avons obtenu un accord sur ce point, nous avons négocié l'emplacement exact du 80 p. 100 des îles appartenant aux Inuits et du 20 p. 100 appartenant au gouvernement. Toutes ces îles sont indiquées sur les cartes.

Le sénateur Milne : Oui, c'est vrai, mais je ne vois pas de cartes. Pouvez-vous me donner une idée de la façon dont les îles ont été partagées, ou s'il s'agit plutôt de groupes d'îles?

M. Walsh : La plupart des îles appartiendront entièrement aux Inuits du Nunavik. Le Canada conservera certaines îles; il y a quelques îles qu'habitent certaines colonies d'oiseaux que nous voulons protéger, de sorte que nous avons conservé la zone des falaises de ces îles.

La plupart du temps, la superficie totale des îles a été accordée à un groupe. Il y a quelques exceptions, peu nombreuses, qui concernent habituellement la protection d'une espèce faunique particulière ou d'une zone de nidification.

Le sénateur Milne : Le partage tient-il compte de la possibilité d'exploiter à l'avenir les ressources naturelles de cette région?

M. Walsh : D'après ce que je sais, il n'y a pas eu de recommandation de ce genre. En fait, nous avons demandé aux divers ministères quels étaient leurs intérêts précis dans cette région. Comme je vous le mentionne, ces intérêts prenaient habituellement la forme de l'établissement de parcs ou de zones de réserve. Je crois pouvoir vous affirmer qu'aucune de ces décisions n'a été prise en se fondant sur la possibilité d'exploiter des ressources minérales.

Le sénateur St. Germain : M. Mackay a fait une citation ce matin, que j'ai déjà utilisée : le mieux est l'ennemi du bien.

D'après votre expérience, monsieur Molloy, cet accord contient-il des choses très différentes qui ne se trouvent pas dans les autres accords que vous avez négociés ou dans des accords qui ont été négociés par des négociateurs comme vous?

Je comprends ce qu'a dit le sénateur Watt et je respecte son point de vue. J'estime que vous avez répondu à sa question au sujet des moyens de subsistance. Y a-t-il dans cet accord une clause qui risquerait d'avoir un effet préjudiciable si nous devions accepter l'accord sous sa forme actuelle, en vous fondant sur ce qui s'est passé avec d'autres accords?

M. Molloy : Eh bien, il peut toujours arriver que des accords en vigueur aient un effet préjudiciable que personne n'avait prévu. Comme cela a été dit ce matin, cet accord ressemble beaucoup — même s'il n'est pas totalement identique — à l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut, qui est entré en vigueur vers le milieu des années 1990. Les structures de gestion retenues reflètent cet aspect.

La grosse différence porte sur la question de la certitude. L'approche adoptée ici à l'égard de la certitude est différente de celle que contenait l'accord du Nunavut. L'accord du Nunavut, conclu au milieu des années 1990, exigeait encore qu'il y ait renonciation et cession. Ce n'est pas le cas de ce traité.

C'est le résultat des négociations que nous avons eues avec la société Makivik et d'autres groupes au Canada. Nous avons essayé de trouver une technique qui donne au gouvernement le même genre de certitude que les autres dispositions, tout en préservant les droits du groupe à l'origine des revendications.

Le sénateur St. Germain : Je pense que toutes les personnes qui sont touchées par cet accord y sont favorables et c'est une situation communautaire. Nous pourrions en discuter pendant des heures, mais je crois que ces gens veulent poursuivre leur vie.

Je vais revenir sur l'accord du peuple tlicho. La plupart des sénateurs qui sont ici se trouvaient à la Chambre ou au Sénat au moment où nous avons pris cette décision et où j'ai subi les critiques de mes partisans pour avoir demandé l'adoption immédiate du projet de loi, et non pas d'attendre la prochaine session du Sénat. Mes partisans m'ont violemment critiqué pour avoir demandé au sénateur Sibbeston de passer immédiatement à la troisième et dernière lecture et d'accorder la sanction royale à ce projet de loi le jour même.

Cela concernait le gouvernement précédent. Je sais que vous pensez sans doute que c'est une remarque partisane, mais ce n'est pas le cas; nous devons aller de l'avant. Je ne pense pas que nous pourrons jamais répondre aux besoins de tout le monde, parce que je ne pense pas que cela soit possible.

Je ne suis pas du tout en train de critiquer les préoccupations exprimées par le sénateur Watt ou d'en amoindrir l'importance, parce que je pense qu'elles sont sincères et pertinentes. Je pense simplement qu'à un moment donné, il faut faire quelque chose. Je pense que le temps est venu d'agir et que nous devrions prendre une décision à ce sujet.

Nous avons à l'heure actuelle des gouvernements minoritaires et je crains que cet accord tombe dans l'oubli si nous ne nous en occupons pas immédiatement.

J'ai pris ma décision concernant le peuple tlicho en regardant les anciens qui se trouvaient dans la tribune. Si nous avions retardé l'adoption du projet, ces anciens qui négociaient depuis plus de 20 ans cet accord n'auraient peut-être pas vu le jour de la sanction royale. C'est pourquoi j'invite les honorables sénateurs à examiner cet aspect. J'aimerais présenter une motion favorable pour que nous examinions ce projet de loi...

Le sénateur Watt : Avant de...

La présidente : Je pense que nous pourrions maintenant demander aux témoins de quitter la salle, parce que nous abordons une autre discussion. Cependant, ne partez pas tout de suite.

Pourriez-vous laisser le sénateur St. Germain terminer sa phrase, sénateur Watt?

Le sénateur Watt : J'aimerais répondre à ce qui a été montré à la télévision aujourd'hui. J'aimerais vous donner un exemple de ce genre de choses.

La présidente : Sénateur Watt, je vous ai demandé d'attendre que le sénateur St. Germain ait fini sa phrase.

Le sénateur St. Germain : J'aimerais bien sûr savoir ce que pense le sénateur Watt. Cette motion favorable propose de passer à l'étude article par article de cet accord pour que nous puissions en faire rapport au Sénat le plus rapidement possible.

La présidente : C'est une motion qui peut faire l'objet d'un débat.

Le sénateur Watt : Les gens à qui je voulais répondre ont déjà quitté leur place.

La présidente : Ils peuvent revenir si nous avons besoin d'eux.

Le sénateur Watt : Le sénateur St. Germain a demandé aux représentants fédéraux quels pourraient être les effets préjudiciables de cet accord; qu'est-ce qui serait d'après eux le plus probable. Nous sommes en train d'adopter des mesures législatives qui se retrouveront devant les tribunaux. Qu'en disent les représentants des Cris? Cela fait combien d'années qu'ils vont devant les tribunaux? Ils sont toujours devant les tribunaux en espérant obtenir des solutions.

Le Nunavut a intenté une poursuite de 1,4 milliard de dollars pour rupture de contrat. Parallèlement, le procureur général, la défense, affirme maintenant que la Nunavut Tunngavik Incorporated, qui a joué un rôle essentiel pour représenter les Inuits dans les négociations, ne peut représenter les divers groupes constitués par les sociétés ou par l'association.

La présidente : Sénateur Watt, je pense que vous nous dites que le comité a encore des questions qui méritent d'être posées.

Le sénateur Watt : Oui. On ne nous a présenté qu'un côté de la médaille. Nous n'avons pas entendu les témoins qui représentent l'autre côté. Attendre quelques mois de plus ne tuera personne. Nous agissons avec précipitation et je ne souhaite pas le faire.

La présidente : Nous n'avons pas encore décidé d'agir rapidement. Il y a une motion qui parle de cet aspect.

Le sénateur Milne : Je vais m'opposer à la motion parce que le comité n'a jamais procédé à l'étude article par article le jour même où il a entendu des témoins. Ce n'est pas la façon dont le comité procède habituellement et cela ne favorise pas le débat. Je m'oppose vivement à cette motion.

Je crois qu'il y a encore des témoins sur la liste qui ont déjà été contactés et qui sont disposés à venir. J'estime que nous devrions les entendre.

Le sénateur Andreychuk : Je suis d'accord avec le sénateur Milne pour ne pas procéder à l'étude article par article la première journée. Je pourrais vous mentionner les exceptions qui ont été faites à ce principe dans des situations qui le justifiaient. Il s'agit de savoir si la situation actuelle le justifie.

Nous sommes tous conscients du temps qu'il a fallu pour négocier la plupart des questions touchant les Autochtones. Nous en sommes très conscients. Cependant, lorsque les groupes ont terminé de négocier avec le gouvernement, lorsqu'ils sont passés devant la Chambre des communes et qu'ils sont ici, c'est presque comme s'ils voyaient de la lumière au bout du tunnel. Nous sommes toujours en train de boucher ce tunnel.

Nous aurions pu, et peut-être dû, siéger au cours de l'été pour au moins obtenir des témoignages. Je crois que certains d'entre nous pensaient qu'il y avait prorogation.

La présidente : Nous n'avions pas le projet de loi à l'époque.

Le sénateur Andreychuk : Il nous est déjà arrivé d'effectuer des études préliminaires. Nous aurions pu agir de façon plus judicieuse. Néanmoins, ce sont des questions que nous devons examiner et nous faisons attendre les Autochtones. Je pense qu'ils ont suivi un processus légitime. Nous devons nous demander si le fait d'entendre d'autres témoins nous permettra de mieux comprendre cet accord. Ces témoins vont-ils au contraire faire ressortir les difficultés qu'il y a à étudier ces contrats? Comme tout le monde l'a dit, il n'y a pas de certitude absolue. Est-ce vraiment là tout ce que nous pouvons faire à ce moment-ci?

Est-il juste de retarder les choses pour les personnes envers qui nous avons des responsabilités fiduciaires? J'invite les sénateurs à agir plus rapidement que nous ne l'avons fait jusqu'ici.

La présidente : Merci. Je vais maintenant donner la parole au sénateur Adams. Étant donné qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps, je vais mettre la motion aux voix.

Le sénateur Adams : Oui. Si les rumeurs sont vraies, il est possible que le Sénat cesse de siéger aujourd'hui ou demain pour le congé de Noël. Si nous retardons cette adoption encore une fois et que nous ne revenons qu'après Noël, nous ne savons pas ce qui arrivera au premier ministre au pouvoir. Nous entendons parler tous les jours de politiciens qui attendent son départ.

L'entente de chevauchement ne concerne en fait aucunement le gouvernement. Elle traite des zones de chasse des Inuits. Cela nous donne au moins quelque chose. Les gens du Nunavik ont dû s'adresser tous les ans à d'autres personnes pour obtenir des quotas. Si ce projet de loi est adopté, ils en retireront au moins un avantage pour la pêche. Cette question est même peut-être de nature constitutionnelle.

La présidente : Merci. Je vous signale que sur le plan de la procédure, même si le comité procède à l'étude article par article et adopte le projet de loi immédiatement, il est très peu probable que le projet de loi entre en vigueur avant le congé de Noël. Il nous faudrait obtenir une autorisation et je crains que cette autorisation de procéder à une troisième lecture accélérée devant le Sénat ne soit pas accordée.

Le sénateur St. Germain : On vient de m'informer que nous siégeons demain. Je viens de recevoir cette information. Je ne sais pas si elle est exacte.

La présidente : Cela est possible. Je pense qu'il est temps de mettre la motion aux voix. Je pense que les deux côtés de la question ont été clairement présentés. Le sénateur St. Germain propose que le comité procède à l'heure actuelle à l'étude article par article du projet de loi.

Honorables sénateurs, voulez-vous adopter la motion?

Des sénateurs : Non.

Des sénateurs : D'accord.

La présidente : À mon avis, les non l'emportent. Les membres du comité veulent-ils procéder à un vote par appel nominal?

Le greffier va procéder à ce vote.

Le sénateur Fraser : Non.

Le sénateur Andreychuk : Oui.

Le sénateur Jaffer : Non.

Le sénateur Joyal : Non.

Le sénateur Merchant : Non.

Le sénateur Milne : Non.

Le sénateur St. Germain : Oui.

Le sénateur Watt : Non.

Adam Thompson, greffier du comité : Deux oui, 6 non, aucune abstention.

La présidente : La motion n'est pas adoptée.

Honorables sénateurs, avant de lever la séance, nous devons nous occuper de trois autres questions mineures. Les deux premières concernent des projets de loi qui ont été renvoyés au comité. Il y a le projet de loi du sénateur Lapointe, le projet de loi S-213. Nous allons vous distribuer des lettres émanant du légiste du Sénat qui précisent que le texte du projet de loi est identique à celui qui a été adopté par le Sénat au cours de la session précédente et qui contient un résumé de son historique législatif préparé par le service de recherche de la Bibliothèque du Parlement.

Pour ce qui est du projet de loi C-2, j'invite tous les membres du comité à présenter des listes de témoins le plus rapidement possible. Je sais que le Sénat va bientôt suspendre ses travaux pour le congé de Noël et que nous sommes tous occupés, mais il nous faut une bonne liste de témoins pour le projet de loi C-2. Je m'en remets à vous sur ce point.

Le prochain point à l'ordre du jour est la distribution des documents que nous recevons dans une seule langue officielle. Auparavant, les mémoires que nous recevions dans une seule langue officielle n'étaient pas distribués, mais il était possible de les consulter. Dans d'autres occasions ou dans d'autres comités, la pratique consiste à distribuer les mémoires aux membres du comité dans la langue dans laquelle ils ont été reçus et de faire suivre le plus tôt possible la traduction. La dernière solution consiste à ne pas distribuer ces documents tant qu'ils ne sont pas dans les deux langues.

À mon avis, il arrive que des mémoires soient particulièrement intéressants et que nous n'ayons pas le temps de les faire traduire; il serait alors approprié de les distribuer immédiatement pour donner aux sénateurs la possibilité de les étudier et nous pourrions ensuite distribuer la traduction le plus rapidement possible.

Le sénateur Jaffer : Je sais que devant la Chambre des communes, un mémoire doit être présenté dans les deux langues officielles avant de pouvoir être distribué. Je pense qu'au Sénat, la situation est différente. Nous essayons de favoriser l'accès aux documents et il arrive que des groupes qui comparaissent devant nous n'aient pas les moyens de faire traduire leurs documents. Si nous voulons vraiment favoriser l'accès aux documents au Sénat, nous devrions accepter le mémoire dans la langue dans laquelle il nous a été remis et obtenir ensuite sa traduction, plutôt que de refuser quoi que ce soit à la personne qui le présente. Une bonne partie de ce travail se fait par écrit.

La présidente : Vous recommanderiez donc de distribuer les mémoires, si cela est nécessaire, avant d'en avoir la traduction?

Le sénateur Andreychuk : Je suis d'accord avec le sénateur Jaffer. Lorsque des témoins comparaissent, ils devraient pouvoir fournir des documents et témoigner dans la langue de leur choix.

Je m'attends toutefois à ce que toutes les personnes qui ont la responsabilité d'être bilingues, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, présentent ces documents dans les deux langues. Je ne les interdirais pas s'ils sont présentés dans une seule langue, mais ce serait alors une exception et non pas la règle.

Si un mémoire est présenté dans une seule langue, je préfère le recevoir aussi rapidement possible et qu'il soit demandé au greffier de l'envoyer immédiatement à la traduction et de nous en informer dans une note jointe. Par exemple, pour ce qui est du mémoire du Barreau du Québec, si je l'avais reçu deux jours avant, j'aurais pu, avec mon pauvre français, l'étudier pour être en mesure d'en parler.

La présidente : Je pense que les sénateurs sont pour l'essentiel d'accord sur cette position.

Le sénateur Joyal : C'est une question qui relève du fonctionnement interne du comité. Comme l'a dit le sénateur Andreychuk, il y a des mémoires qui sont très importants pour les débats du comité. Nous manquons de temps, mais je ne pense pas que nous puissions distribuer officiellement aux membres du comité un document rédigé dans une seule langue. Pour le travail que nous effectuons personnellement, il est important d'avoir accès aux mémoires. Le cas du Barreau du Québec est un bon exemple d'un mémoire qui n'a pas été distribué dans l'autre endroit.

La présidente : Le greffier agira donc comme nous en avons convenu.

J'aimerais, au nom du comité, remercier tous ceux qui nous permettent d'effectuer notre travail. Il y a tant d'interprètes, de greffiers, d'attachés de recherche, de personnel de soutien, de pages et autres. Il est toujours dangereux de faire des énumérations parce qu'on oublie toujours quelqu'un. Nous leur sommes extrêmement reconnaissants et j'aimerais leur souhaiter une excellente saison des Fêtes et une très belle nouvelle année.

La séance est levée.


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