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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 15 - Témoignages du 16 avril 2008


OTTAWA, le mercredi 16 avril 2008

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-210, Loi modifiant le Code criminel (attentats suicides), se réunit aujourd'hui à 16 h 15 pour procéder à l'examen article par article du projet de loi.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Le premier point à l'ordre du jour, que vous avez tous reçu, est l'examen article par article du projet de loi S-210, Loi modifiant le Code criminel (attentats suicides).

Êtes-vous d'accord, chers collègues, pour procéder maintenant à l'étude article par article de ce projet de loi?

Des voix : Oui.

La présidente : L'étude du titre est-elle réservée?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté.

L'article 1 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté.

Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Avec dissidence? Je me demandais si un membre allait dire : avec dissidence. Quelqu'un est-il contre? Y a-t-il des abstentions? Adopté.

Est-ce que le comité désire joindre des observations au rapport?

Le sénateur Andreychuk : Eh bien, je ne veux pas en mettre trop, mais je crois qu'il faudrait indiquer que le problème n'était pas l'objectif du projet de loi, qui consiste à faire échec aux attentats suicides. Je crois que tout le monde s'entendait pour dire que ces attentats sont abominables. Cependant, les témoins qui ont traité des aspects juridiques, c'est-à-dire les représentants du ministère de la Justice, ont indiqué que la loi couvrait déjà ce type d'attentat et que la mesure législative n'ajoute rien à la loi. Si un attentat suicide survient au Canada, la loi nous permettrait de faire face à la situation; en fait, avec cette mesure législative, on procéderait probablement comme prévu, en menant une enquête, en s'adressant aux tribunaux, et cetera.

Il semblerait que ce projet de loi ne nous ait pas été renvoyé parce qu'il est inadéquat sur le plan juridique, mais plutôt pour que nous fassions des commentaires à valeur morale ou éducative. Si nous souhaitons mettre certains points en exergue, nous pourrions soit ajouter des observations au rapport soit en parler en troisième lecture.

Le premier point auquel le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'est intéressé est le bien-fondé juridique de la mesure législative; or, les seuls témoins qui ont abordé cette question — ainsi que d'autres, il faut bien l'admettre — ont dit, en essence, que les attentats suicides constituent actuellement un crime. Ils ont cependant fait valoir les avantages sociaux et pédagogiques que la mesure législative aurait si elle était adoptée.

Le deuxième point est valide si on procède à un ajout au projet de loi. Mais ce faisant, limiterait-on le type d'actions qui peuvent être visées par l'article sur les activités terroristes? Je ferais remarquer que le libellé est « il est entendu que », il me semble, et qu'on a envisagé d'utiliser plutôt « sans limiter la portée générale ». Ce qui m'inquiète, c'est que lorsqu'on dresse une liste, les éléments énumérés peuvent inspirer d'autres ajouts.

Est-ce que cette mesure risque de restreindre le type d'activités terroristes que la définition pourrait englober? Oui et non; il y a là matière à débat. J'avais espéré que le comité recueille des témoignages à cet égard.

Le sénateur Joyal, qui a interrogé le dernier témoin au sujet des articles actuels du Code criminel, a soulevé avec justesse l'autre point. Il a demandé à M. Trudell quelle incidence cette modification pourrait avoir sur les articles du Code criminel. M. Trudell n'avait pas le Code criminel en mains et n'a pas vraiment répondu à la question dans sa déclaration préliminaire; il ne croyait toutefois pas que la mesure législative avait une incidence quelconque sur ces articles. Cette fois-ci encore, je n'en suis pas très certain.

Il semble que le projet de loi constitue une déclaration que nous voulons faire, en tant que Canadiens, plutôt qu'un document de portée juridique. J'espère qu'il fera l'objet d'une surveillance permanente; en effet, nous devons être certains que notre intervention n'en aura pas restreint l'application et n'aura pas eu de conséquences non voulues sur le Code criminel, particulièrement sur les deux articles dont nous avons discuté.

Je ne suis pas sûre que mes collègues soient tous d'accord avec moi et je pourrais certainement soulever ces points en Chambre lors de la troisième lecture. Nous n'avons pas besoin d'ajouter d'observations. Nous pourrions exprimer globalement une certaine réserve concernant les répercussions juridiques et espérer qu'un autre comité, par exemple le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme, continue de suivre le dossier. En fait, ce comité est habilité à examiner des questions comme celles-ci et pourrait donc étudier les définitions et les répercussions de la mesure législative.

Je laisse cela à la discrétion du comité.

La présidente : Est-ce que d'autres sénateurs souhaitent intervenir?

Le sénateur Grafstein : Je voudrais réagir aux arguments du sénateur Andreychuk. Je suis certain que lorsqu'il sera examiné par le Sénat, le projet de loi sera largement débattu. Les témoignages seront scrutés à la loupe et des questions que je croyais réglées ressortiront; mais cela, bien sûr, est l'objectif même de la troisième lecture. Si certaines personnes décident d'intervenir à cette étape pour modifier la mesure législative, c'est le moment propice de le faire.

D'après les témoignages, que j'ai examinés de nouveau, il est évident que le projet de loi est clair. Il n'a aucune incidence sur les autres parties du Code criminel. Outre les témoignages des représentants du ministère de la Justice, nous avons entendu ceux de deux universitaires, de deux avocats et de M. Trudell.

Le témoignage de M. Trudell a apporté de l'eau à notre moulin. Je ne m'y attendais pas. J'ignorais ce qu'il allait dire jusqu'à ce qu'il prenne la parole, et c'est incroyable que la Criminal Lawyers' Association appuie ce projet de loi, car nous bénéficions rarement de son soutien.

Pour ce qui est des conséquences non voulues, la vaste majorité des témoignages, outre ceux du ministère de la Justice, indiquent que la mesure législative en a effectivement. Le projet de loi n'a pas d'effet restrictif; de plus, la GRC a affirmé qu'il sera utile lors de poursuites. Je crois que les arguments, notamment ceux concernant Internet, montrent que la mesure législative dépasse la portée du Code criminel sans avoir d'effet néfaste sur ce dernier.

Enfin, j'ai lu les articles qui nous ont été remis cet après-midi et je renverrais les sénateurs à la page 37 de l'article que le gouvernement a fourni pour appuyer ses arguments, alors qu'il a l'effet contraire. Je vous demande de lire le dernier paragraphe de la page 37.

La présidente : Est-ce le chapitre écrit par Kent Roach ou l'autre?

Le sénateur Grafstein : C'est celui tiré du document intitulé Law and Liberty in the War on Terror.

On ne peut trop insister sur la fonction d'expression du droit criminel; les condamnations pour violence à caractère politique ou religieux servent à envoyer un message symbolique, selon lequel certaines formes de violence ne peuvent être tolérées dans les démocraties séculaires multiculturelles, qui ont le devoir d'assurer la sécurité de leurs citoyens et de mettre fin aux activités de ceux qui veulent influencer les politiques et nuire à l'autonomie des autres en recourant à la violence. Le droit criminel permet ici de renforcer les valeurs éthiques des systèmes politiques démocratiques, qui se fondent sur un engagement commun à recourir aux délibérations pacifiques et au dialogue actif plutôt qu'à utiliser unilatéralement les armes contre les citoyens ou les institutions démocratiques d'un pays.

Si vous vous rappelez, ce document n'est pas de nous, mais du ministère de la Justice, qu'il l'a utilisé pour étayer ses arguments. Très franchement, je crois qu'il a exactement l'effet contraire, car il appuie plutôt la teneur du projet de loi. Il va certainement dans le même sens que la vaste majorité des témoignages que nous avons entendus au sujet de la mesure législative; mais, comme je l'ai dit dès le départ, je suis sûr que ce point fera l'objet de discussions. Les témoignages seront passés au peigne fin par les sénateurs qui ne sont pas pleinement satisfaits, et j'espère que nous aurons un débat libre et ouvert au Sénat et que nous pourrons convaincre les sénateurs qui ne comprennent pas ce projet de loi, car ce dernier est si court et si bien ficelé qu'ils l'appuieront en troisième lecture.

La présidente : Merci, sénateur Grafstein. Eh bien, quelqu'un considère que ces observations seraient utiles, alors qu'un autre membre croit le contraire.

Est-ce que quelqu'un d'autre souhaite participer à ce débat?

Comme personne ne se précipite pour faire de commentaire, auriez-vous quelque chose à ajouter, sénateur Andreychuk?

Le sénateur Andreychuk : Je n'ai fait que proposer une solution : je ne veux forcer la main de personne.

Je ferais remarquer que les paragraphes qu'ont lus mes collègues...

La présidente : Sénateur Andreychuk, pourrions-nous conclure la mise aux voix?

Le sénateur Andreychuk : Ce paragraphe devrait être lu avec le reste de l'article, parce qu'il concerne les motifs et l'établissement de profils raciaux. Avec le sénateur Joyal, j'ai recommandé qu'on modifie la définition; le motif ne devrait pas constituer un problème et la définition ne devrait pas faire mention des raisons politiques et religieuses.

La présidente : Merci.

Convenons-nous, chers collègues, de faire rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : D'accord.

La présidente : Est-ce que quelqu'un a dit non? Bien.

Est-ce que quelqu'un est contre? Y a-t-il des abstentions? Adopté.

Sénateur Joyal, vous avez la parole.

Le sénateur Joyal : J'aimerais faire des commentaires sur les articles, particulièrement celui de M. Kent Roach. Je voudrais attirer l'attention du sénateur Andreychuk sur ce texte, car elle fait, comme le sénateur Stratton et moi-même, partie du Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme.

Cet article permet de confirmer la position du sénateur Andreychuk et d'autres membres, qui considèrent que la notion de motif devrait être exclue de la définition du terrorisme. Je tiens à souligner ce point, car c'est celui sur lequel le comité sur l'antiterrorisme achoppe. C'est important parce que le ministère de la Justice s'est également prononcé à ce sujet. Je crois que c'est une question qui reste sans réponse, et nous devons en discuter à nouveau dans le cadre de notre examen du projet de loi, après avoir étudié le S-3.

La présidente : Je m'attends à ce que ces points fassent l'objet de discours en troisième lecture.

Je tiens à préciser que les articles dont nous parlons sont tirés d'un livre intitulé Law and Liberty in the War on Terror (The Federation Press, Sydney, 2007) publié récemment en Australie. Ce livre comprend deux articles, l'un de Ben Saul et l'autre de Kent Roach, qui nous ont été transmis par le ministère de la Justice.

Je crois que cela met fin notre examen du projet de loi, chers collègues. Nous avons eu un débat intéressant. Félicitations, sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein : Si vous voulez bien m'excuser, je dois participer à l'examen d'un projet de loi d'intérêt privé de l'autre côté de la rue.

Je ferais simplement remarquer à ceux qui appuient le gouvernement que nous voudrions bien examiner des projets du gouvernement, mais que nous mettons dans le Feuilleton de projets de loi d'intérêt privé pour nous tenir occupés.

Le sénateur Stratton : Mon père avait coutume de dire : « Tout vient à point à qui sait attendre. »

La présidente : Chers collègues, il y a beaucoup de questions qui requièrent notre attention. Vous remarquerez que le second point à l'ordre du jour d'aujourd'hui est l'examen à huis clos d'un rapport préliminaire qui nous a été renvoyé par le Sénat pour que nous procédions à l'examen des modifications relatives à la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu.

Nous faisons maintenant une pause pour que l'on prépare la séance à huis clos.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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