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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 15 - Témoignages du 17 avril 2008


OTTAWA, le jeudi 17 avril 2008

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-224, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (sièges vacants), se réunit aujourd'hui à 10 h 50 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Chers collègues, bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui entame l'étude du projet de loi S-224. C'est un projet de loi émanant du sénateur Moore. En tant que parrain du projet de loi, il sera le premier à comparaître ce matin.

Bienvenue, sénateur Moore. Ce comité ne vous est pas inconnu, mais peut-être en êtes-vous à vos débuts dans ce rôle.

L'honorable Wilfred P. Moore, parrain du projet de loi : Oui, il s'agit d'un rôle très inhabituel pour moi. Je vous remercie, madame la présidente, mesdames et messieurs, de m'avoir invité à témoigner ici ce matin.

Honorables sénateurs, je tâcherai d'être bref. En vertu de la loi actuelle, le premier ministre exerce un pouvoir discrétionnaire très vaste à l'égard des sièges vacants au Parlement, ce qui ne sert à aucune fin légitime et peut donner lieu à des abus. De plus, le pouvoir discrétionnaire du premier ministre va à l'encontre de la notion d'un Parlement efficace et exempt de toute influence ministérielle. Enfin, le pouvoir discrétionnaire brime le droit de tous les Canadiens d'être représentés au Parlement en permettant au premier ministre de retarder ou de suspendre l'application de ce droit de façon sélective et, dans le cas du Sénat, pour une période indéfinie.

Le Canada est une démocratie de longue date, et le temps est venu de retirer au premier ministre un pouvoir discrétionnaire inutile en ce qui a trait à la dotation des sièges vacants au Parlement.

Comme vous le savez, la Loi sur le Parlement du Canada contient déjà des dispositions régissant les sièges vacants à la Chambre des communes. En règle générale, les élections partielles doivent être déclenchées dans les six mois qui suivent une vacance. Mon projet de loi ne vise pas à modifier ces dispositions. En fait, je propose une restriction semblable pour les sièges vacants au Sénat.

Le problème que le projet de loi S-224 cherche à régler dans le cas de la Chambre des communes, c'est que le premier ministre peut choisir le moment où il déclenchera des élections partielles. Il peut déclencher des élections partielles à peine quelques heures après qu'un siège soit devenu vacant s'il croit que son parti le remportera. À l'inverse, il peut laisser vacant un autre siège qui s'est libéré plusieurs mois auparavant, ce qui va à l'encontre des droits démocratiques des Canadiens vivant dans les circonscriptions qui n'ont pas de représentant à la Chambre des communes.

Le projet de loi S-224 empêcherait le déclenchement sélectif d'élections partielles. Il conserve le délai de six mois, mais il exige que les élections partielles aient lieu dans l'ordre dans lequel les sièges sont devenus vacants. Le premier ministre ne pourrait alors plus déclencher une élection partielle pour un siège alors qu'un autre est demeuré vacant plus longtemps.

Honorables sénateurs, je ne veux pas prolonger mon exposé. À la deuxième lecture, j'ai mis en relief les faits récents concernant les sièges vacants à la Chambre des communes dans la présente législature.

Je n'entrerai pas dans les détails, mais je me contenterai de dire que nous avons été témoins de cas assez frappants où des élections partielles étaient déclenchées à peine quelques jours après une vacance alors que les Canadiens d'autres circonscriptions n'étaient pas représentés depuis près de neuf mois. Dans une démocratie bien développée comme la nôtre, il est inacceptable que l'organe exécutif puisse s'adonner à de telles manipulations.

Permettez-moi maintenant d'aborder la question des sièges vacants au Sénat. La Loi constitutionnelle de 1867 établit clairement l'obligation juridique de doter les sièges vacants au Sénat. Le premier ministre actuel choisit de faire abstraction de la Constitution en laissant des sièges vacants pendant plus de deux ans. Il a même poussé l'audace jusqu'à dire qu'il n'a pas l'intention de doter ces sièges.

Je sais que le premier ministre actuel n'est pas le premier à laisser les sièges vacants s'accumuler. Comme certains l'ont fait remarquer, de nombreux sièges ont été laissés vacants pendant trop longtemps par le passé. Cependant, je crois que le premier ministre est le premier à déclarer ouvertement qu'il a choisi de ne pas combler les sièges vacants. Quoi qu'il en soit, je ne vois aucun exemple d'acte de négligence commis par le passé qui justifierait l'inaction actuelle.

Comprenez-moi bien. De mon point de vue, la Constitution exige que les sièges vacants au Sénat soient dotés le plus tôt possible. De toute évidence, le gouvernement n'est pas de cet avis. J'ai proposé le projet de loi S-224 pour clarifier la loi et faire disparaître toute ambiguïté. J'ai utilisé comme point de départ la disposition de la Loi sur le Parlement du Canada qui établit une limite de temps pour les sièges vacants à la Chambre des communes.

Le projet de loi S-224 viendrait ajouter une disposition semblable pour le Sénat. D'une certaine manière, le projet de loi S-224 définit l'obligation constitutionnelle de doter les sièges vacants du Sénat en imposant un délai de six mois au pouvoir discrétionnaire du premier ministre.

Pour ce qui est des sièges vacants au Sénat, nous savons tous à quel point la situation est grave. À l'heure actuelle, le Sénat compte 14 sièges vacants. On prévoit trois départs à la retraite cette année, et 12 autres l'année prochaine. Il faut également prendre en considération la démission éventuelle du ministre des Travaux publics, qui a déclaré son intention de se porter candidat à la Chambre des communes à l'occasion des élections générales qui doivent avoir lieu au plus tard l'automne prochain. D'ici la fin de 2009, si le premier ministre actuel ne revient pas sur sa position, il y aura au moins une trentaine de sièges vacants au Sénat, sans compter les démissions possibles ou, que Dieu nous en garde, les décès en service.

En conclusion, honorables sénateurs, le projet de loi S-224 ne repose pas sur la réforme du Sénat. Il vise à assurer rapidement une représentation adéquate des Canadiens dans les deux Chambres du Parlement et à empêcher le premier ministre de pouvoir s'en mêler. Il faut donner suite à cette question, peu importe l'issue des réformes du Sénat entreprises par M. Harper.

Le projet de loi S-224 supprimera l'un des nombreux moyens qui permettent au Cabinet trop puissant du premier ministre de fausser le fonctionnement d'un gouvernement responsable et équilibré sur le plan constitutionnel, qui est ancré dans la tradition parlementaire de Westminster.

En plus d'assurer l'équilibre entre les institutions constitutionnelles, le projet de loi respecte le principe selon lequel la représentation au Parlement est un droit fondamental accordé à tous les Canadiens en vertu de la Constitution. Le premier ministre ne doit pas s'immiscer dans l'application de ce droit à des fins partisanes.

La loi actuelle confère au premier ministre un trop grand pouvoir discrétionnaire. La dotation sélective des sièges vacants au Parlement est indéfendable quel qu'en soit le motif, et nous devons y mettre un terme une fois pour toutes.

La présidente : Merci beaucoup, sénateur Moore.

Sénateur Andreychuk?

Le sénateur Andreychuk : Je vais attendre.

La présidente : Nous avons l'habitude de céder d'abord la parole au gouvernement — c'est-à-dire au parti autre que celui du président.

Sénateur Di Nino?

Le sénateur Di Nino : Je veux bien commencer, avec plaisir. Nous avions promis de faire preuve d'indulgence à votre égard, mais je crains de ne pouvoir tenir cette promesse. Je plaisante.

Le premier commentaire que je voudrais formuler ne sort pas de l'ordinaire. À mon humble avis, cette proposition risque peut-être davantage d'attiser la discorde que d'améliorer la situation.

Croyez-vous sincèrement que cette mesure législative permettra d'améliorer le Sénat et de résoudre certains des problèmes très complexes de l'institution proprement dite? Comment cela se ferait-il?

Le sénateur Moore : Ce projet de loi ne vise que la dotation des sièges vacants au Sénat. Comme vous le savez bien, sénateur, votre parti en particulier aurait certainement besoin d'autres membres pour s'acquitter de ses responsabilités.

Le sénateur Di Nino : Je suis de cet avis. Certains d'entre vous pourriez vous joindre à nous.

Le sénateur Moore : Eh bien, je me montrerai clément à votre égard.

Il est évident que votre parti pourrait bénéficier d'un plus grand nombre de sénateurs pour s'acquitter de ses responsabilités dans les comités et des autres travaux qui lui sont confiés au Sénat.

En imposant une limite à la période de vacance et en assurant la dotation des sièges vacants dans les six mois, on veillerait à une certaine continuité. Ces sièges seraient comblés, et le Sénat fonctionnerait conformément à la Constitution.

Le sénateur Di Nino : Vous avez cité le premier ministre, qui aurait affirmé qu'il ne dotera pas les sièges du Sénat.

Le sénateur Moore : En effet.

Le sénateur Di Nino : Ce n'est pas exactement ce qu'il a déclaré. Il a dit qu'il voulait doter les sièges du Sénat — en fait, des mesures législatives sont en préparation à cette fin — , mais qu'il tenait à passer par un processus de consultation, au terme duquel il nommerait les sénateurs élus par les provinces.

Par conséquent, il est incorrect de dire que le premier ministre a indiqué ne pas avoir l'intention de pourvoir les sièges du Sénat. Il aimerait le faire d'une façon plus démocratique selon lui que la pratique actuelle, c'est-à-dire grâce aux choix effectués par les citoyens des provinces, que ces sénateurs représenteraient et envers qui ils seraient responsables.

Peut-on du moins s'entendre sur le fait qu'il n'a pas dit qu'il ne pourvoirait pas les sièges vacants?

Le sénateur Moore : Cette loi verra peut-être le jour, peut-être pas. Je dois m'en tenir aux lois du pays comme elles existent, et il a indiqué ne pas être prêt à pourvoir les sièges vacants du Sénat en vertu de la disposition actuelle de la Constitution.

Le sénateur Di Nino : Si on pouvait accélérer l'adoption du projet de loi...

Le sénateur Moore : De ce projet de loi-ci, tout à fait.

Le sénateur Di Nino : Non, du projet de loi que le premier ministre a proposé de mettre de l'avant pour consulter la population.

Le sénateur Stratton : Seriez-vous en faveur de cette démarche?

Le sénateur Di Nino : Il serait possible de pourvoir les sièges vacants de cette façon.

La présidente : Cela ne relève pas des paramètres de la présente étude.

Le sénateur Di Nino : Je m'en remets à ceux qui en connaissent davantage que moi sur ces questions, mais je comprends que les conventions font partie intégrante du fonctionnement de nos institutions parlementaires.

Divers premiers ministres de toutes allégeances politiques ont longtemps choisi de ne nommer personne au Sénat, pour différentes raisons. Ce n'est pas inusité; cela se produit de temps à autre. Êtes-vous d'accord?

Le sénateur Moore : Oui, c'est un fait, mais ça ne rend pas la chose correcte.

Je suis d'avis que tous ceux qui ont agi ainsi ont porté atteinte aux droits des Canadiens d'être représentés de manière appropriée et sans un trop long délai tant au Sénat qu'à la Chambre des communes.

Le sénateur Di Nino : Soit. Vous avez votre opinion.

Le sénateur Moore : C'est arrivé, tout à fait. Des premiers ministres libéraux et conservateurs ont agi de la sorte. Ça ne justifie en rien la chose et ça ne veut pas dire qu'il n'est pas pertinent aujourd'hui d'examiner la question.

Le sénateur Joyal : Un premier ministre peut-il refuser d'appliquer la convention qui consiste à recommander des candidats au Gouverneur général, jusqu'au point où tous les sièges du Sénat seraient vacants? En poussant un peu plus loin cette logique, nous nous retrouverions alors en situation d'infraction à l'article de la Constitution qui stipule que les lois sont promulguées grâce au consentement et à l'acceptation des deux Chambres du Parlement.

Le sénateur Moore : Exactement.

Le sénateur Joyal : Voilà qu'on vire à l'absurde.

La Constitution est assez claire. L'article 91 se lit comme suit :

Il sera loisible à la Reine, de l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada...

L'article 91 exige le consentement de la Chambre des communes et celui du Sénat.

Le sénateur Moore : Oui.

Le sénateur Joyal : Pour exprimer un consentement, il doit y avoir un vote, une voix.

Le sénateur Moore : Exactement.

Le sénateur Joyal : La voix est exprimée par les personnes nommées au Sénat.

Pour rephraser ma question, serait-il « constitutionnel » pour un premier ministre de ne pas exercer le pouvoir lui étant conféré par la Constitution de recommander des nominations, jusqu'au point où le Sénat ne serait plus en position d'exprimer son consentement, invalidant du coup le processus législatif?

Le sénateur Moore : Je ne suis pas un spécialiste des questions constitutionnelles mais, après avoir lu cet article, il est clair à mon avis que le premier ministre irait à l'encontre de la Constitution de ce pays s'il refusait de pourvoir les sièges vacants.

Vous avez poussé votre raisonnement à l'extrême. Les régions doivent être représentées.

Le sénateur Joyal : Vous faites un pas de plus que moi.

Le sénateur Moore : Si les régions ne sont pas représentées, la Chambre ne fonctionnera pas comme le prévoit la Constitution. Nous n'entendrons pas les voix et ne serons pas en mesure d'obtenir le consentement requis pour adopter les projets de loi afin qu'ils obtiennent la sanction royale. Cela fait partie intégrante de la façon de fonctionner du pays.

Le sénateur Joyal : Je vais aborder la question sous un autre angle. Voici ce que dit le préambule de la Loi constitutionnelle :

Considérant que les provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ont exprimé le désir de contracter une Union Fédérale pour ne former qu'une seule et même Puissance (Dominion) sous la couronne du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, avec une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni :

La Cour suprême, dans la Convention sur le travail de 1937, a clairement indiqué que le débat démocratique fait partie intégrante de la Constitution. Par « débat démocratique », on entend une proposition, une contre-proposition, un argument, un contre-argument, et ainsi de suite, puis un vote. La Cour suprême du Canada a clairement indiqué que ça fait partie intégrante de la Constitution.

S'il y a une diminution du nombre de membres au Sénat, comment le principe démocratique peut-il être réalisé s'il ne reste qu'un parti?

Le sénateur Moore : Ça ne peut pas marcher.

Le sénateur Joyal : En d'autres termes, qui présentera les contre-arguments aux propositions du gouvernement?

Le sénateur Moore : Exactement. Il n'y aurait aucun autre parti pour défendre la position opposée dans un débat. Au bout du compte, il n'y a aucun Sénat en place pour fournir le consentement nécessaire pour adopter les lois et, entre-temps, il n'y a personne pour protéger les intérêts des régions et des minorités, ce qui est l'une des principales fonctions du Sénat du Canada.

Le sénateur Joyal : Vous soulignez un autre point, soit la protection des droits des minorités.

Le sénateur Andreychuk : Pour résumer le débat, il ne resterait qu'un parti et on se demande donc comment la voix démocratique ou l'opposition au gouvernement se feraient entendre. De quelle façon notre structure reconnaît-elle les partis au Sénat? Selon notre règlement, nous avons nommé un chef et un chef de l'opposition mais, si je comprends bien, et je vais aller vérifier cette information, les partis n'ont jamais été intégrés de quelque façon que ce soit. C'est comme ça que nous avons choisi de fonctionner. Nous pourrions, aujourd'hui, faire fi de l'ensemble de notre règlement et tous siéger comme membres indépendants, et nous aurions quand même un Sénat fonctionnel.

Le sénateur Moore : Je ne suis pas certain que ce soit tout à fait exact. Je ne crois pas que nous ayons réalisé la répartition des sièges selon les partis. Il faut remonter à la Constitution, dont les principes sont semblables à ceux du Royaume-Uni. C'est de là que nous est venue l'idée. En Nouvelle-Écosse, lorsque le premier gouvernement responsable a commencé à siéger, son système était inspiré du modèle du Royaume-Uni qui existait à l'époque et qu'on a continué d'appliquer durant toutes ces années.

Le sénateur Murray : Je m'excuse, mais je crois qu'il est vrai de dire qu'en 1867, les premières personnes nommées au Sénat étaient réparties entre les deux partis qui existaient alors. Je crois que les Conservateurs ont eu le droit de nommer un certain nombre de sénateurs, tout comme l'autre parti, peu importe comment il s'appelait à l'époque.

Le sénateur Andreychuk : Par convention.

Le président : C'est la façon dont les choses fonctionnent encore aujourd'hui au Royaume-Uni.

Sénateur Joyal, vous parliez des minorités.

Le sénateur Joyal : J'aimerais aborder un autre point. Dans le renvoi sur la succession, la Cour suprême a clairement indiqué qu'il existe quatre principes fondamentaux consacrés par la Constitution. Il s'agit du constitutionnalisme et de la primauté du droit, de la démocratie en ce qui a trait à la décision dont j'ai parlé plus tôt relativement au préambule de la Constitution, du fédéralisme et enfin de la protection des droits des minorités. La protection des droits des minorités est un principe constitutionnel selon la Cour suprême du Canada.

La protection des droits des minorités est intégrée à la structure du Sénat par la répartition des sièges. Comme vous le savez, la répartition des sièges au Sénat n'est pas fondée sur la représentation de la population, comme c'est le cas à la Chambre des communes. En d'autres termes, les petites provinces sont surreprésentées au Sénat, tandis que certaines ne le sont pas suffisamment. Notre collègue, le sénateur Murray, a présenté une motion qui avait certains mérites pour ce qui est de rééquilibrer la représentation régionale au Sénat. La représentation des minorités au Sénat dépend de la structure qui y est appliquée en matière de représentation des régions.

Si des régions où se concentrent des minorités ne sont pas représentées au Sénat à cause de la réduction du nombre des membres, ne s'agit-il pas d'un manquement à un autre principe constitutionnel, soit la protection des droits des minorités et de leur droit de s'exprimer dans le processus législatif tel qu'il est structuré dans la présente Constitution?

Le sénateur Moore : Je crois que c'est le cas, comme je l'ai dit plus tôt. Le Sénat, dans le régime politique que nous avons aujourd'hui, est la seule institution qui assure aux minorités qu'un représentant parlera en leur nom à la chambre haute qui participe à l'administration du pays. Il est possible de faire siéger au Sénat des personnes qui représentent les divers groupes minoritaires provenant de toutes les régions. Le fait de ne pas respecter ce principe, de ne pas pourvoir les postes vacants, est tout à fait irresponsable et contraire à la Constitution.

Le sénateur Joyal : Si on venait effectivement à observer une diminution du nombre de sénateurs, quel serait le recours constitutionnel?

Le sénateur Moore : Quel serait le recours constitutionnel?

Le sénateur Joyal : Oui. Comment pourrions-nous obliger le premier ministre à recommander à la Gouverneure générale de nommer des sénateurs de façon à ce que ces principes soient respectés?

Le sénateur Stratton : Ils devraient être élus.

Le sénateur Moore : C'est une bonne question. C'est la Gouverneure générale qui est l'autorité suprême. Selon les conventions, le premier ministre la conseille. S'il ne la conseille pas, la Gouverneure générale a quand même toujours la responsabilité de pourvoir les postes vacants, conformément à la Constitution.

Le sénateur Joyal : C'est ce qui est dit à l'article 24 de la Loi constitutionnelle.

Le sénateur Moore : La Gouverneure générale est l'autorité suprême. Je suggère qu'il incombe à la personne qui occupe la fonction de Gouverneur général d'utiliser les pouvoirs qui lui sont conférés pour faire des nominations.

Si personne ne conseille la Gouverneure générale, rien dans la Constitution n'indique qu'elle est déchargée de son obligation de faire des nominations parce que personne ne l'a conseillée. Sa responsabilité reste en vigueur aux termes de la Constitution. C'est la dernière disposition qui garantit que le Sénat ne pourra pas disparaître si la situation que vous décrivez devait survenir.

Le sénateur Joyal : En d'autres termes, selon vous, l'une des options serait que la Gouverneure générale ignore les conventions, qu'elle fasse des nominations au Sénat et qu'elle paie le prix politique de sa décision.

Le sénateur Moore : Oui, c'est exact.

Le sénateur Stratton : Bienvenue, sénateur Moore. Il s'agit d'un débat intéressant. Vous avez présenté une proposition fort intéressante. Est-ce que vous croyez à l'élection des sénateurs?

Le sénateur Moore : Si je crois à l'élection des sénateurs?

Le sénateur Stratton : Oui.

Le sénateur Moore : Ça dépend de bien des choses.

Le sénateur Stratton : Vous dites « bien des choses ». Pouvez-vous en nommer une ou deux?

Le sénateur Moore : Je ne veux pas me lancer dans un long débat à ce sujet. Vous parlez ici de la réforme du Sénat. Il faudrait réformer toute l'institution qui gouverne le pays. Ce qui veut dire qu'il faudrait examiner le Parlement, la Chambre des communes et le Sénat. Ce n'est pas une mince tâche.

Le sénateur Stratton : L'Alberta le fait aujourd'hui. Nous avons actuellement au Sénat un membre qui a été élu en Alberta. Il est là.

Le sénateur Moore : Oui, il est là, mais pas aux termes de la loi édictée par le gouvernement du Canada.

Le sénateur Stratton : Il s'agit d'une loi de l'Alberta.

Le sénateur Moore : C'est dans les limites des compétences de l'Alberta et c'est tout. Il n'avait pas à être nommé. On aurait pu l'ignorer.

Le sénateur Stratton : Je serais surpris qu'un premier ministre agisse ainsi.

Vos affirmations sur le pouvoir du premier ministre me préoccupent. En réalité, la question nous préoccupe tous. Pendant plus de quatre législatures, j'ai présenté un projet de loi sur la nomination des sénateurs par un processus différent. Je décrivais un processus selon lequel un comité restreint formé de quatre anciens parlementaires, soit des conseillers privés, ou de cinq conseillers privés publierait une annonce dans les journaux pour le poste de sénateur dans une région donnée, par exemple la Nouvelle-Écosse. Les citoyens de cette province pourraient présenter leur candidature. Il y aurait un processus de sélection, puis le comité restreint choisirait quatre ou cinq personnes dont la candidature sera ensuite examinée par le premier ministre ainsi que par le premier ministre de la province concernée.

Cela enlève en partie tout pouvoir au premier ministre.

Pourquoi ne voudriez-vous pas inclure cela dans le projet de loi pour réduire le pouvoir du premier ministre? Peut-être n'y avez-vous pas pensé, mais ça semble aussi être une étape logique, c'est-à-dire rendre le processus à tout le moins plus démocratique au sens où tout le monde dans la province concernée pourrait se présenter. La liste des personnes sélectionnées ferait l'objet d'une discussion entre le premier ministre de la province et le premier ministre fédéral, et ceux-ci choisiraient ensemble le candidat. Ce serait là une étape logique à inscrire dans le cadre de votre projet de loi. Êtes-vous d'accord?

Le sénateur Moore : Il s'agit encore ici d'un autre type de réforme du Sénat. Je n'ai pas préparé le projet de loi en pensant aux diverses suppositions ou réformes possibles du Sénat du Canada ou de la Chambre des communes du Canada. J'ai conçu le projet de loi en fonction de la loi qui est en place actuellement, en essayant de l'améliorer et d'améliorer la représentation sous le régime de la loi existante.

Le sénateur Stratton : Je comprends et je saisis cela. J'aimerais que quelqu'un de votre côté présente le projet de loi que j'avais l'habitude de présenter, car vu votre majorité, nous pourrions vraiment le faire adopter. Je ne suis même pas arrivé à le faire étudier en comité lorsque je l'ai présenté.

Quoi qu'il en soit, 29 sièges seront vacants d'ici la fin de 2009. Ce serait bien si certains d'entre eux étaient occupés par des conservateurs — l'ensemble des 29 sièges, par exemple.

Le sénateur Joyal : Pourquoi ne présentez-vous pas votre projet de loi, sénateur Stratton?

Le sénateur Stratton : Il n'a pas pu être adopté quand vous étiez aux commandes et que votre parti était au pouvoir. Je ne vois pas pourquoi il serait adopté maintenant.

Le sénateur Joyal : Il faut parfois donner le temps à la sagesse de faire son chemin dans l'esprit des gens.

La présidente : Permettez-moi de faire remarquer, sénateur Stratton, que le comité a rarement eu le luxe qu'il a aujourd'hui d'être en mesure d'étudier un grand nombre de projets de loi d'initiative parlementaire de sénateurs, parce qu'à ce jour, nous n'avons pas reçu beaucoup de projets de loi émanant du gouvernement qui nécessitaient une étude. La conjoncture vous est peut-être favorable.

Le sénateur Andreychuk : Le sénateur Joyal a souligné que si ça continuait ainsi et que le premier ministre n'exerçait pas son pouvoir discrétionnaire, nous nous retrouverions sans sénateurs.

Le sénateur Moore : Et cela peu importe qui est premier ministre.

Le sénateur Andreychuk : Oui, et ça serait en violation de la Constitution. Vous avez réfuté cela en disant que le Gouverneur général ou la Gouverneure générale pourrait exercer certaines responsabilités qui nous éviteraient d'en arriver aux limites de la validité constitutionnelle.

Pourquoi 180 jours? La Constitution à cet égard a été conçue — et je crois que notre Constitution a été ingénieusement conçue — de manière à confier ce pouvoir discrétionnaire considérable à un premier ministre. Il y avait une raison à cela. Ce n'était pas là par hasard.

Vous avez choisi de limiter le pouvoir discrétionnaire du premier ministre à 180 jours. Pourquoi croyez-vous que c'est équitable? Pourquoi croyez-vous que ses pouvoirs devraient être limités ainsi, alors que dans les faits, l'histoire nous montre que bon nombre de premiers ministres, pour une raison ou une autre, n'ont pas exercé leur pouvoir discrétionnaire dans un délai de 180 jours?

Le sénateur Moore : Je reconnais le bien-fondé de votre dernière affirmation. Je l'ai mentionné dans mes propres remarques. Je répète, encore une fois, que je ne crois pas que ce soit pour autant acceptable. Peu importe l'allégeance politique de la personne qui exerce les fonctions de premier ministre, cela reste un déni du droit constitutionnel des citoyens canadiens d'avoir une représentation opportune et adéquate dans chaque chambre du Parlement.

J'ai choisi 180 jours pour être cohérent avec le paragraphe 31(1) de la Loi sur le Parlement du Canada, qui stipule que :

En cas de vacance à la Chambre des communes, le bref relatif à une élection partielle doit être émis entre le onzième jour et le cent quatre-vingtième jour suivant la réception, par le directeur général des élections, de l'ordre officiel.

Évidemment, un certain délai est nécessaire après l'annonce de la vacance, d'où le 11e jour. Cette loi était à la base de mon raisonnement pour proposer ce délai.

Le sénateur Andreychuk : La trame de fond de tout cela, c'est que vous dites que les gens se verront refuser d'être représentés. Vous avez examiné quelques raisons.

En démocratie, la volonté du peuple devrait ressortir d'une façon ou d'une autre, mais je n'amorcerai pas un débat politique à ce sujet. S'il s'agit vraiment d'une crise concernant le manque de représentation, premièrement, comment avez-vous fait pour consulter les Canadiens à ce sujet, et deuxièmement, les gens n'exprimeraient-ils pas, à la faveur d'une élection, leur satisfaction ou insatisfaction envers le premier ministre et la façon dont il exerce ses pouvoirs et fonctions?

Les gens pouvaient auparavant exprimer leur insatisfaction face à l'inaction d'un premier ministre au moins une fois tous les cinq ans, si c'était d'importance fondamentale pour leur représentation, et maintenant, en raison d'une loi, ils le feront tous les quatre ans.

Pouvez-vous répondre à l'une ou l'autre de ces questions?

Le sénateur Moore : J'essaierai de répondre.

En ce qui concerne la dernière partie de votre commentaire, il s'agit de consulter les Canadiens. Vous représentez la population. Le Sénat donne une voix à la population. À mon avis, c'est une réponse honnête au point que vous soulevez.

Pour ce qui est de réagir à la décision d'un premier ministre de jouer avec le déclenchement d'élections partielles, pensez-vous que les gens de Toronto-Centre sont contents d'avoir à attendre 8 mois et 15 jours, tandis que ceux de Roberval—Lac-Saint-Jean attendent 1 mois et 19 jours? Il y a là quelque chose de foncièrement inadmissible.

J'essaie de trouver un équilibre ou d'assurer une certaine uniformité dans cette situation afin que, peu importe votre circonscription, une personne élue vous représente à la Chambre des communes ou qu'une personne nommée vous représente au Sénat du Canada.

Le sénateur Andreychuk : Je suis heureuse de ne pas présenter le projet de loi parce que j'aurais à répondre aux questions.

Je suis sérieuse sur ce point. Je viens de l'Ouest du Canada, où les gens ont fait connaître leur point de vue à tous les partis politiques, à savoir qu'ils n'approuvent pas la façon dont les sénateurs sont nommés. Ils veulent un processus différent. Bon nombre veulent un processus électoral. Beaucoup d'autres ont dit qu'ils ne voulaient pas que la partisannerie soit présente dans ces nominations. Certains préféreraient avoir recours à un autre processus, comme celui dont parlait le sénateur Stratton.

Si un premier ministre écoute cela et essaie de trouver une façon de répondre au souhait du peuple et, ce faisant, prend plus de temps pour procéder à des nominations, que peut-on lui reprocher? Pourquoi la représentation et la consultation ne devraient-elles se faire qu'entre nous au Sénat? C'est une façon valable d'entendre les gens, mais une seule parmi d'autres.

Le sénateur Moore : Vous recommencez à me poser des questions au sujet de la réforme du Sénat. Je ne suis pas ici pour parler de cela. Je suis ici pour présenter une structure qui soit plus équitable sous le régime de la loi actuelle.

Le sénateur Andreychuk : Vous vous sentez très à l'aise d'imposer des limites au pouvoir discrétionnaire du premier ministre. Avez-vous le même degré d'aisance pour imposer des limites au pouvoir discrétionnaire des juges?

Le sénateur Moore : Je n'y ai jamais songé.

Le sénateur Murray : Comme vous le savez, je ne suis pas membre du comité. Je vous remercie donc de m'accorder votre indulgence et de me donner la parole.

La présidente : Je vous en prie.

Le sénateur Murray : Je suis ici pour apporter mon soutien moral au sénateur Moore dans le cadre de son initiative. Je crois qu'il est dans la bonne voie, si ce n'est que de quelques commentaires que j'ai l'intention de formuler.

D'autres questions ont été soulevées, alors je me dois de répondre au sénateur Stratton concernant le Sénat élu. Suis-je en faveur d'un Sénat élu disposant des mêmes pouvoirs que le Sénat actuel et que la Chambre des communes? Non, je ne le suis pas du tout. Nous ne pouvons avoir qu'une seule chambre habilitée à prendre un vote de confiance, et c'est la Chambre des communes. Suis-je en faveur d'un Sénat élu, compte tenu du déséquilibre actuel dans la représentation des régions? Encore ici, la réponse est un « non » catégorique.

Je serais enclin à partager le point de vue du sénateur Stratton quant aux changements à apporter au processus de nomination. Je suis prêt à faire preuve d'ouverture dans l'examen de ses propositions ou de son projet de loi à venir, le cas échéant.

Cela dit, je suis sensible aux commentaires formulés par le sénateur Andreychuk à propos de l'insatisfaction entourant la nomination des sénateurs. Je me souviens certes de la consternation qui a gagné les progressistes-conservateurs en Saskatchewan le jour où elle a été nommée au Sénat, en dépit de son allégeance politique. Je m'empresse de dire qu'effectivement, comme le sénateur Joyal le souligne, elle est un bon sénateur. Fait-elle exception à la règle ou est-elle la preuve vivante que le système actuel de nominations est un bon système? Je laisse la réponse aux autres.

Sénateur Moore, j'apprécie ce que vous faites et vous avez mon appui. J'ai une ou deux questions qui sont plutôt techniques. La première concerne la Chambre des communes. La loi, comme je la comprends aujourd'hui, prévoit qu'en cas d'élection partielle, le premier ministre doit émettre un bref d'élection six mois après qu'un siège soit devenu vacant à la Chambre des communes.

Il semble, cependant, que les premiers ministres aient beaucoup de latitude quand vient le temps de fixer la date réelle de l'élection partielle. Par exemple, la circonscription électorale de Roberval—Lac-Saint-Jean est devenue vacante avec la démission, dans le cas présent, de Michel Gauthier, le 29 juillet 2007. Le premier ministre a agi promptement en émettant un bref d'élection 13 jours plus tard. Trente-sept jours après, l'élection partielle avait lieu. Au total, 50 jours se sont donc écoulés entre la démission de M. Gauthier et l'élection de son successeur dans Roberval—Lac-Saint-Jean.

Par ailleurs, le même mois, soit le 2 juillet 2007, l'honorable Bill Graham démissionnait de son siège de député de la circonscription de Toronto-Centre. Le premier ministre a attendu qu'on ne soit plus qu'à quelques jours du délai de six mois prévu, avant d'émettre le bref d'élection partielle, soit le 21 décembre 2007. Il a fixé l'élection au 17 mars suivant. La campagne relative à l'élection partielle s'est donc étendue sur 87 jours, de sorte qu'au total, la période comprise entre la démission de M. Graham et le jour de l'élection a été de 259 jours.

L'un des problèmes que pose le déclenchement d'élections partielles vient du fait que, lorsqu'un siège se libère au Parlement au cours de la quatrième année du mandat du gouvernement, les premiers ministres, souhaitant éviter une situation où une élection partielle serait tenue à quelques jours, à quelques semaines ou à un mois d'une élection générale, annoncent la tenue d'une élection partielle à une date ultérieure à celle-ci, et l'annonce de la dissolution de la Chambre en prévision de l'élection générale vient, bien sûr, annuler l'élection partielle.

Je me demande si on ne pourrait pas, en apportant une modification à la Loi électorale du Canada, prévoir que lorsqu'un siège se libère au cours de la quatrième ou de la cinquième année du mandat d'un gouvernement, l'obligation de tenir une élection partielle dans les six mois est levée.

Mon deuxième point, en ce qui concerne le Sénat — et la question devient un peu délicate mais je ne peux m'empêcher d'en faire mention — c'est que vous exigeriez que le premier ministre recommande au Gouverneur général, dans les 180 jours suivant l'avis de vacance, une personne capable et ayant les qualifications voulues. Or, des conventions existent en ce qui a trait à la recommandation. Par exemple, un premier ministre dont le gouvernement a perdu la confiance de la Chambre des communes ne peut, en vertu des conventions, tenter de combler un siège vacant au Sénat avant que la situation n'ait été corrigée.

Le sénateur Moore : Cela est arrivé. Ils ont essuyé un refus.

Le sénateur Murray : Comme vous le savez, dans au moins un cas, un premier ministre qui voulait combler certains sièges vacants au Sénat a été renvoyé à ses devoirs, et à juste titre, par la Gouverneure générale.

Je ne sais pas s'il faudrait apporter un amendement dans l'éventualité où la période de six mois survienne après que le premier ministre a perdu la confiance de la Chambre ou, en fait, après qu'il ou elle a perdu l'élection. Il est évident, toutefois, que le premier ministre ne pourrait pas, dans ces circonstances, recommander dûment la nomination d'un sénateur, pas plus que le Gouverneur général ne pourrait accepter une telle recommandation. Je vous laisse réfléchir à ces points délicats.

Le sénateur Moore : Ce sont là des points intéressants. Je suis réceptif aux idées qui sont susceptibles d'améliorer le projet de loi.

Vous avez évoqué la possibilité réelle, notamment en raison du fait que nous avons maintenant des dates fixes pour la tenue des élections générales fédérales, qu'en cas de vacance dans une circonscription électorale qui surviendrait à moins de six mois de la date d'une élection fédérale — et j'utilise ce chiffre simplement parce que c'est celui que j'ai utilisé depuis le début — l'obligation de tenir une élection partielle serait levée dans l'attente de l'élection générale.

Quant à votre deuxième point, la personne se trouvant dans une telle situation serait premier ministre de titre mais sans son autorité, de sorte que je ne crois pas que le Gouverneur général serait tenu d'accepter son avis.

Le sénateur Murray : Il ne serait pas nécessaire d'amender le projet de loi à cet égard.

Le sénateur Moore : Je ne crois pas que cela serait nécessaire.

Le sénateur Joyal : Si je me souviens bien de mon histoire constitutionnelle, une fois que le Parlement est dissous, le premier ministre qui remet la démission du gouvernement au Gouverneur général s'abstient de lui faire des recommandations. Il me semble que ce sont les conventions. En d'autres mots, aucune nomination n'est faite une fois qu'un gouvernement a remis sa démission au gouverneur général.

Le sénateur Murray : Quoi qu'il en soit, cela se produit rarement.

Le sénateur Joyal : Ce sont les conventions.

Le sénateur Moore : Je crois qu'on a essayé une fois, et la Gouverneure générale a rejeté l'avis.

Le sénateur Joyal : Il faudra que je vérifie dans les livres d'histoire, mais c'est toujours ce qu'on a fait.

Le sénateur Murray : Je suis au courant de la nomination d'un juge de rang plutôt élevé à la Cour fédérale du Canada par un premier ministre à qui la Chambre avait retiré sa confiance, mais il avait consulté, à l'époque, le chef de l'opposition avant de faire cette recommandation.

Le sénateur Joyal : C'est une façon de respecter le principe.

Sénateur Stratton, j'ai appuyé publiquement le principe qui sous-tend votre proposition, dans un livre intitulé Protéger la démocratie canadienne : Le Sénat en vérité..., qui a été publié une première fois en 2003 et réédité en 2005 et en 2007. Tous les droits découlant de la vente du livre ont d'ailleurs été remis à l'École de la fonction publique du Canada.

Permettez-moi de citer l'extrait suivant que l'on trouve à la page 318 :

Pour établir un processus transparent régissant la nomination des sénateurs, le mieux serait que le Parlement adopte une loi qui :

[...]

établirait une commission indépendante d'examen des candidatures nommée pour la durée de chaque législature.

Puis, à la page 335, la note 99 se lit comme suit :

Par exemple, cette commission pourrait être composée des éléments suivants : 1) deux anciens sénateurs provenant l'un du gouvernement et l'autre de l'opposition; 2) un ancien député du parti qui a le plus de sièges à la Chambre des communes mais qui n'est pas représenté au Sénat; et 3) deux citoyens éminents à qui leurs réalisations ont valu d'être nommés compagnons de l'Ordre du Canada.

Nous ne sommes pas tellement divisés quant à nos opinions, sénateur Stratton. Nous pourrions avoir une discussion intéressante.

Pour revenir au projet de loi, ne serait-il pas possible pour une province dont les sièges au Sénat sont vacants depuis un certain temps d'obtenir un avis par le biais d'un renvoi à la Cour d'appel en ce qui concerne l'obligation de combler les sièges vacants au Sénat? Avez-vous pensé à cela?

Le sénateur Moore : J'ai réfléchi à certains de ces aspects quand, plus tôt pendant la session, j'ai inscrit une motion au Feuilleton pour demander à la Gouverneure générale de faire des nominations en l'absence d'avis du cabinet du premier ministre. Je n'ai pas poussé plus loin ma réflexion. Rien ne peut empêcher une personne ou une province de faire valoir ses droits en vertu de la Constitution. J'imagine qu'on accepterait de les entendre.

Vous parlez d'une situation où une région verrait le nombre de sièges dont elle dispose au Sénat réduit. Nous nous rapprochons d'une telle situation aujourd'hui. La Colombie-Britannique a trois sièges vacants sur six. Cela veut dire 50 p. 100.

Le sénateur Campbell : J'ai un lourd fardeau sur les épaules.

Le sénateur Moore : C'est un exemple très concret. J'espère que quelqu'un s'en occupe.

Le sénateur Joyal : Je connais deux décisions de la Cour suprême du Canada où les juges ont reconnu que l'exercice d'une prérogative par le pouvoir exécutif n'échappe pas au contrôle du tribunal.

En 1983, dans Thorne's Hardware Limited et al. c. Sa Majesté la Reine, le juge Dixon déclarait :

Les décisions prises par le gouverneur en conseil sur des questions de commodité publique et de politique générale sont sans appel et ne peuvent être examinées par voie de procédures judiciaires.

En 1980, dans l'affaire Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada, le juge Estey indiquait que le simple fait qu'une décision soit prise en vertu d'un pouvoir conféré par la Loi au gouverneur en conseil ne signifie pas que son exercice échappe à toute révision judiciaire.

En d'autres termes, pour que le Gouverneur général soit fondé à agir de son propre chef, en conformité avec l'article 24 de la Constitution, ne serait-il pas utile, pour une province, d'adresser un renvoi à sa cour d'appel en vue d'obtenir une déclaration selon laquelle une région a le droit, en vertu des principes constitutionnels, de faire entendre sa voix dans le cadre du processus législatif au Canada?

Le sénateur Moore : Je crois qu'elles seraient tout à fait habilitées à le faire et qu'il serait irresponsable de leur part de ne pas agir.

Le sénateur Joyal : N'y a-t-il pas une façon d'amener le Gouverneur général à agir devant l'inaction d'un premier ministre, en vue de satisfaire aux principes constitutionnels qui sont enchâssés dans le système législatif au Canada?

Le sénateur Moore : Hormis le fait que la ou le Gouverneur général puisse agir de son propre chef comme le prévoit la Constitution du pays, elle ou il pourrait exiger une telle déclaration si elle ou il avait besoin d'une autre source faisant autorité, ce qui, à mon avis, n'est pas le cas. Je suppose également que cette déclaration devrait comporter une disposition exigeant que la ou le Gouverneur général agisse en conformité avec la Constitution.

Nous nous écartons du projet de loi, mais la question est intéressante. Je me demande jusqu'à quel point on peut dire quoi faire à la Couronne, c'est-à-dire à Sa Majesté ou à son représentant au Canada. Il faudrait que je fasse certaines recherches. Une disposition de la Constitution prévoit que les sièges doivent être occupés. Je me demande pourquoi la personne occupant le poste de Gouverneur général ne pourrait pas être sollicitée par un autre moyen, et j'ignore quel serait ce moyen, mais en excluant le recours aux tribunaux. Il va de soi que la personne occupant ce poste peut compter, j'imagine, sur les services de conseillers juridiques et ne vit pas dans une tour d'ivoire, inconsciente de ce qui se passe dans le pays. Cette personne verrait que la situation n'est pas conforme aux dispositions de la Constitution et n'est pas défendable. Elle doit être réglée et les sièges vacants comblés, et cette personne se trouverait à exercer sa responsabilité en vertu de la Constitution du Canada.

La présidente : Sénateur Moore, merci beaucoup. Cette rencontre a été extrêmement intéressante.

[Français]

La présidente : J'inviterais notre prochain témoin à se présenter à la table. Nous recevons M. Marc Mayrand, directeur général des élections. M. Mayrand a passé beaucoup de temps avec nous depuis quelques mois. Nous sommes toujours heureux de l'accueillir. Il est accompagné de Mme Diane Davidson, sous-directrice générale des élections et première conseillère juridique et Affaires réglementaires, et de M. Stéphane Perrault, avocat général principal et directeur principal, d'Élections Canada. Si les témoins veulent bien prendre leur place.

Bienvenue à tout le monde. Je vois que M. Mayrand a une déclaration à nous faire. Les sénateurs ont reçu le texte, je vous cède donc la parole et on passera ensuite à une période de questions.

Marc Mayrand, directeur général des élections, Élections Canada : Honorables sénateurs, il me fait plaisir de comparaître devant votre comité aujourd'hui au sujet du projet de loi S-224, parrainé par l'honorable sénateur Moore, et intitulé Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada, et touchant les sièges vacants.

Mes propos porteront uniquement sur l'article 2 du projet de loi, soit l'ajout proposé à l'article 31.1 de la Loi sur le Parlement du Canada. Cet article exigerait que les brefs d'élections partielles soient délivrés dans l'ordre selon lequel les vacances à la Chambre des communes sont survenues.

Permettez-moi d'abord de vous rappeler très brièvement la procédure actuelle lorsqu'un siège devient vacant à la Chambre des communes.

Aux termes de la Loi sur le Parlement du Canada, le député qui désire démissionner communique cette intention verbalement en Chambre ou par écrit au Président. Si la vacance est causée par le décès du député ou son acceptation d'une autre charge, le Président peut en être avisé verbalement en Chambre par un autre député ou par avis écrit signé par deux députés.

Quelle que soit la cause de la vacance, le Président adresse alors au directeur général des élections un ordre officiel de délivrer un bref d'élection pour la circonscription que représentait ce député.

L'article 31 de la Loi sur le Parlement du Canada prévoit que le bref d'élection doit être délivré entre le 11e et le 180e jour suivant la réception de l'ordre officiel par le directeur général des élections.

[Traduction]

Dès réception de l'ordre officiel d'émission d'un bref, j'informe officiellement le leader du gouvernement à la Chambre des communes, en l'occurrence, le ministre, aux fins de la Loi électorale du Canada, de la date à laquelle j'ai reçu l'ordre officiel. Par la même occasion, j'informe le ministre des dates précises entre lesquelles le bref doit être émis pour satisfaire aux exigences de l'article 31 de la Loi sur le Parlement du Canada.

Tel que prévu à l'article 57 de la Loi électorale du Canada, c'est le Gouverneur général qui fixe, par décret, la date exacte de délivrance du bref. Le décret doit également préciser quelle est la circonscription ou quelles sont les circonscriptions dans lesquelles une élection sera tenue, de même que la date de cette élection.

Une fois le décret pris, l'article 58 de la Loi électorale du Canada exige que le directeur général des élections délivre sans tarder un bref au directeur du scrutin de chacune des circonscriptions où se tiendra une élection.

L'ajout proposé de l'article 31.1 à la Loi sur le Parlement du Canada imposerait au gouverneur en conseil une contrainte additionnelle en exigeant que les brefs soient émis dans l'ordre où les sièges sont devenus vacants. Cette contrainte ne touche pas particulièrement les opérations d'Élections Canada. De notre côté, dès que nous recevons l'ordre officiel de délivrer un bref, nous accélérons les préparatifs en vue de la tenue d'une élection partielle dans la circonscription visée par l'ordre. Nous nous devons d'être prêts pour la tenue d'élections partielles qui pourraient être déclenchées en même temps dans toutes les circonscriptions où il existe une vacance.

Mes collègues et moi sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le sénateur Andreychuk : Pour être certaine de bien comprendre, vous dites que vous avez examiné la modification proposée à la loi et que vous ne changeriez pas votre façon de faire.

M. Mayrand : C'est exact.

Le sénateur Andreychuk : Vous mettez le processus en branle lorsque vous recevez l'avis.

M. Mayrand : Nous recevons l'avis du Président, et c'est à la réception du décret en conseil que la date est fixée.

Le sénateur Andreychuk : Pour vous, il s'agit d'une question politique, et ça ne changerait rien au fonctionnement de votre organisation.

M. Mayrand : C'est exact.

[Français]

Le sénateur Joyal : En pratique, quand un siège devient vacant, quelle qu'en soit la cause, n'êtes-vous pas sur un pied d'alerte le même jour puisque le déclenchement d'élections pourrait être fait dans les 24 heures qui suivent?

M. Mayrand : Il faut quand même attendre la période de 11 jours. Aussitôt qu'on sait qu'une vacance est annoncée, on accélère évidemment nos préparatifs.

Le sénateur Joyal : Je suis certain que, dans votre bonne gouvernance, dès qu'un siège devient vacant, vous savez que tôt ou tard vous devrez assumer vos responsabilités électorales — et le « tard » peut être « tard », comme on le voit dans le tableau qui nous a été distribué ce matin, mais il peut être également « tôt ».

Savez-vous, de mémoire ou selon vos propres statistiques, quelle a été l'élection complémentaire la plus rapide qui ait jamais été convoquée au Canada? En d'autres mots, un siège devient vacant; quel a été le délai le plus court dans lequel vous avez eu à procéder?

M. Mayrand : Je regarde un tableau ici. J'ai quelques exemples. Le délai le plus court que je vois, dans le tableau devant moi, serait possiblement de 49 jours.

Le sénateur Joyal : Donc, l'équivalent du maximum ou à peu près d'une période électorale?

M. Mayrand : Oui.

Le sénateur Joyal : Pouvez-vous me donner la date? Si c'était une période où il y avait des énumérations, à l'époque des énumérations de noms de la liste permanente?

M. Mayrand : On m'indique qu'il y en a un autre plus court encore, de 47 jours, dans le cas de Hamilton-Est, en 1996, où l'avis de vacance à la Chambre a été connu le 1er mai et le bref d'élections partielles a été émis le même jour, le 1er mai, et l'élection s'est tenue le 17 juin, donc une période électorale de 47 jours.

Le sénateur Joyal : Le minimum qui était prévu par la loi à cette époque.

M. Mayrand : Oui.

Le sénateur Joyal : Lorsqu'un siège est vacant, vous êtes en mesure d'assumer vos responsabilités aux termes de la loi.

M. Mayrand : Oui, il le faut.

Le sénateur Joyal : Donc, une période plus ou moins longue n'a pas d'impact sur votre capacité d'intervenir pour préparer l'élection.

M. Mayrand : On se prépare toujours en fonction de la période la plus courte. Si la période est plus longue, cela peut faciliter certaines choses.

Le sénateur Joyal : Il n'y aurait pas d'impact ni direct ou indirect sur vos opérations si ce projet de loi était adopté tel quel dans les dispositions qui vous concernent?

M. Mayrand : Dans sa forme actuelle, non, cela ne touche pas vraiment notre mode de fonctionnement ni nos opérations.

Le sénateur Joyal : Très bien.

[Traduction]

Le sénateur Murray : Plus tôt, lorsque le sénateur Moore a comparu, j'ai soulevé les problèmes qu'entraînaient les vacances à la Chambre des communes au cours de ce qui correspond habituellement à la dernière année d'existence du Parlement. Les premiers ministres essaient habituellement d'éviter la confusion tout simplement en délivrant un bref et en fixant une date qui, d'après eux — mais ils ne peuvent pas en être certains —, sera après les élections générales, qui annulera le bref d'élection partielle.

Selon moi, la confusion augmente lorsqu'on reçoit l'ordre de procéder au redécoupage. Règle générale, le redécoupage prend effet à la suite de la délivrance du bref ordonnant la tenue des prochaines élections générales. En théorie, il se pourrait que, dans une ancienne circonscription, une élection partielle ait lieu, suivie de très près par des élections générales pour lesquelles on applique les nouvelles limites des circonscriptions. Cette situation provoque encore plus de confusion.

Votre vie serait-elle plus compliquée, plus simple ou exactement la même si nous amendions la Loi électorale du Canada en supprimant la contrainte de délivrer un bref lorsqu'il y a un siège vacant à la Chambre des communes au cours de la quatrième année, dirons-nous, d'existence du Parlement, disons?

M. Mayrand : Encore une fois, comme il s'agit du pouvoir discrétionnaire du premier ministre et du gouverneur en conseil, la réserve que je formulerais serait la suivante : ça dépend depuis combien de temps le poste est vacant et quelle est la circonscription concernée. C'est une considération qui ne relève pas des responsables des élections, mais du gouverneur en conseil.

Il est difficile de prévoir qu'il n'y aura pas d'élections partielles au cours de l'année précédant des élections générales parce que, surtout lorsque le gouvernement est minoritaire, on ne sait vraiment pas quand il y aura des élections. Il faudrait que je réfléchisse à la question dans le contexte d'une élection à date fixe.

Le sénateur Murray : Je vois.

M. Mayrand : J'aimerais y réfléchir un peu plus avant de vous répondre.

Le sénateur Murray : Fort bien.

Le sénateur Moore : Je remercie les témoins de leur présence.

Je veux faire suite aux questions du sénateur Joyal. J'aimerais qu'on se penche sur les cinq ou six dernières élections partielles qui ont eu lieu. Elles n'ont pas toutes été tenues en suivant l'ordre dans lequel les vacances sont survenues.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire plus tôt ce matin, lorsqu'on a déclenché l'élection partielle dans la circonscription de Roberval—Lac-Saint-Jean, trois vacances de siège étaient survenues précédemment sans qu'on ordonne la tenue d'élections partielles. En fait, les brefs concernant ces trois vacances n'ont été délivrés que quatre mois plus tard.

Pouvez-vous nous indiquer si la décision de tenir ces élections partielles sur une base sélective a été motivée par des préoccupations transmises par votre bureau?

En d'autres mots, y a-t-il une raison d'ordre administratif qui explique pourquoi les élections partielles dans les circonscriptions de Toronto-Centre, de Willowdale ou de Vancouver Quadra n'ont pas pu être tenues en même temps que l'élection partielle dans la circonscription de Roberval—Lac-Saint-Jean? Est-ce que le gouvernement a attendu parce qu'Élections Canada n'était pas prêt?

M. Mayrand : On ne nous consulte pas avant de fixer la date d'une élection, peu importe les circonstances.

Le sénateur Moore : Y a-t-il une raison administrative qui expliquerait pourquoi les trois autres élections partielles n'ont pas pu être tenues?

M. Mayrand : Lorsque vous parlez d'une raison administrative, vous vous demandez si Élections Canada était prêt? Comme je l'ai dit, notre devise est d'être prêt en tout temps à mener des élections.

Le sénateur Moore : D'après vous, il n'y a donc aucune obligation sur le plan administratif ou opérationnel qui influe sur le choix du gouverneur en conseil en ce qui concerne l'ordre dans lequel sont déclenchées les élections partielles?

M. Mayrand : Pas que je sache.

Le sénateur Moore : Si on pense aux élections partielles qui ont été tenues récemment, la campagne électorale a duré 87 jours, soit plus que le double que la période minimale prévue pour une campagne dans le cadre d'élections générales. Ça semble très long.

Qui détermine la durée de la campagne? Pourquoi a-t-elle été aussi longue cette fois-là? Est-ce que des considérations d'ordre opérationnel de votre bureau y étaient pour quelque chose?

M. Mayrand : La date est fixée dans le décret en conseil.

Le sénateur Murray : N'y a-t-il pas une durée maximale pour des élections partielles?

M. Mayrand : Il n'y a pas de durée maximale pour des élections partielles.

Le sénateur Murray : Y en a-t-il une pour des élections générales?

M. Mayrand : Non, il n'y en a pas. Les dernières élections générales ont duré 55 jours. La loi fait seulement mention d'une durée minimale, qui est de 36 jours pour les élections partielles ou générales. Il n'y a pas de maximum.

Le sénateur Murray : Voilà une autre question sur laquelle nous devrions nous pencher.

Le sénateur Joyal : Afin de satisfaire notre curiosité historique, pouvez-vous nous dire, selon vos statistiques, combien de temps a duré la campagne fédérale la plus longue dans l'histoire électorale du Canada?

M. Mayrand : Pour des élections partielles ou générales?

Le sénateur Joyal : Pour des élections générales.

M. Mayrand : Pour des élections générales, malheureusement, je n'ai pas l'information avec moi aujourd'hui. Toutefois, je la ferais volontiers parvenir au comité.

Le sénateur Joyal : Je me rappelle que lorsque j'étais député, la durée moyenne était de 55 jours. Dans ces années-là, il fallait procéder au recensement des électeurs, ce qui prenait au moins deux semaines. Les élections ne pouvaient pas commencer tant que le recensement n'était pas terminé. La durée minimale était donc d'au moins deux semaines.

De nos jours, comme il y a une liste permanente, la période de campagne électorale est habituellement plus courte.

M. Mayrand : Oui, le minimum est de 36 jours.

Le sénateur Moore : Permettez-moi d'explorer une option à laquelle j'avais pensé pour mon projet de loi, mais que j'ai décidé de ne pas pousser plus loin. Il s'agit du fait qu'on craint que les sièges vacants restent libres trop longtemps. Grâce à mon projet de loi, le premier ministre ne pourra pas décider de garder un siège vacant aussi longtemps pour des raisons de stratégie politique.

En ce qui concerne la règle des six mois à la Chambre des communes, est-il vraiment nécessaire que le délai soit aussi long? Au Royaume-Uni, il semble que les sièges restent vacants beaucoup moins longtemps; ils sont parfois comblés en quelques semaines. Je crois que le whip du parti qui a un siège vacant présente une motion à la Chambre des communes. Une fois que la motion est adoptée, le processus législatif est enclenché et les élections partielles sont habituellement tenues quelques semaines plus tard.

Au Canada, le délai est vraiment long. Y a-t-il des raisons sur le plan opérationnel qui empêcheraient de raccourcir la période de six mois prévue par la loi?

M. Mayrand : Non, elle pourrait être raccourcie d'un point de vue opérationnel. Il n'y a pas de raison particulière. Je le répète, l'élément qui met en branle le processus dans notre cas est la délivrance du décret en conseil qui nous indique la date à laquelle aura lieu l'élection.

Le sénateur Moore : Oui, lorsque le sénateur Joyal vous a demandé la durée de l'élection partielle la plus rapide, vous lui avez répondu que c'était de 47 jours.

M. Mayrand : Dans ce cas, l'avis de vacance délivré par le Président était daté du 1er mai. On a émis l'ordre du gouverneur en conseil la même journée. Dans cet ordre, la date des élections avait été fixée au 17 juin, et la campagne a donc duré 47 jours.

Le sénateur Moore : Dans le cas de Roberval—Lac-Saint-Jean, que j'ai mentionné plus tôt, je crois que la campagne a duré 50 jours. C'était presque la même chose.

S'il appartenait au directeur général des élections, et non plus à des intérêts politiques, de déterminer à quel moment on délivre les brefs, croyez-vous, puisque vous dites que vous êtes capables d'organiser des élections partielles en moins de six mois, que les brefs relatifs à de telles élections seraient délivrés plus rapidement? Iriez-vous même jusqu'à dire que dans une telle situation, vous pourriez élaborer une norme voulant que le bref soit délivré aussi rapidement que possible? Pouvez-vous spéculer sur ce que pourraient être les modalités de la norme en question? Tout cela est-il trop hypothétique?

M. Mayrand : Oui, il faudrait beaucoup spéculer pour répondre à cette question, et il faudrait que l'on débatte davantage, au Parlement, de la question de savoir si c'est le directeur général des élections qui devrait être chargé de fixer une date.

Le sénateur Di Nino : Monsieur Mayrand, je vous souhaite la bienvenue. Je suis heureux de vous revoir. Je vais revenir sur la question des sièges vacants au Sénat, mais je vais le faire en vous posant une question qui concerne la Loi électorale du Canada. Il se trouve que le premier ministre a déclaré qu'il préférait nommer les sénateurs après avoir consulté les résidents des provinces où il y a des vacances.

La Chambre a été saisie d'un projet de loi, le projet de loi C-20, je crois, qui est actuellement examiné en comité, et que nous examinerons éventuellement à notre tour. Je dois admettre que je n'ai pas pris connaissance de ce projet de loi.

La présidente : Il nous sera transmis s'il est adopté.

Le sénateur Di Nino : S'il est adopté, bien entendu.

La question que je veux vous poser a trait à ce qu'a dit le sénateur Joyal au sujet de la situation où le premier ministre n'agit pas — ce qui ne serait pas le cas évidemment avec le projet de loi C-20. Quelles sont les répercussions de tout cela sur la Loi électorale du Canada en ce qui vous concerne et, en particulier, quelles sont les répercussions sur votre ministère? Y aurait-t-il des problèmes sur lesquels nous devrions nous pencher?

M. Mayrand : J'ai comparu devant le comité de la Chambre qui examine le projet de loi C-20 il y a environ deux semaines, et j'ai alors mentionné certains problèmes opérationnels liés aux dispositions du projet de loi telles qu'elles étaient énoncées à ce moment-là. Je ne sais pas s'il est nécessaire que j'entre dans les détails, mais le fait de mener une consultation relative à la nomination de sénateurs en même temps que des élections générales provinciales pose certains problèmes, et il y a dans le projet de loi d'autres problèmes liés aux règles qui régiraient le processus de consultation. Il y avait également un certain nombre de problèmes relatifs à la confusion possible entre d'une part, les campagnes des candidats proposés dans le cadre de la consultation et d'autre part, les partis ou candidats aux élections, qui seraient indépendants les uns des autres. J'ai fait part d'un certain nombre de ces problèmes opérationnels au comité.

Le sénateur Di Nino : Ces problèmes n'invalideraient pas la loi et n'obligeraient à rien d'autre qu'à y apporter des modifications techniques.

Le sénateur Joyal : Ce projet de loi n'est pas devant nous.

La présidente : En effet, ce projet de loi n'est pas devant nous; nous avons cependant parlé ce matin d'un certain nombre de projets de loi qui ne nous ont pas encore été présentés.

Le sénateur Stratton : Tel est le processus de discussion, cher collègue.

Le sénateur Di Nino : Il ne s'agit pas du projet de loi en soi. Je parle du processus que le premier ministre a mis en place relativement à la question dont a principalement traité le sénateur Moore et qui est, d'après ce que je comprends, la question des vacances au Sénat. C'est de cela que nous parlons. Étant donné que M. Mayrand est parmi nous, j'aimerais savoir si le processus mis en place par le premier ministre pose des problèmes.

La présidente : Sénateur Di Nino, si je me souviens bien, M. Mayrand a présenté un témoignage long et détaillé devant le comité de la Chambre des communes. Nous ne lui avons pas demandé de se préparer à répéter aujourd'hui ce témoignage extrêmement détaillé devant notre comité, et c'est pourquoi j'ai des réticences à ce que nous posions ce genre de questions. Si les membres de notre comité le souhaitent, nous pourrions remettre à chacun une copie de la transcription de la séance de ce comité de la Chambre ou vous envoyer l'hyperlien afin que vous puissiez imprimer ce document à votre bureau. Cette séance était intéressante, mais ce n'est pas de cela que nous avons demandé à M. Mayrand de parler aujourd'hui.

Le sénateur Di Nino : Quant à M. Mayrand, j'ai posé une question à laquelle il peut répondre, s'il la trouve pertinente. Madame la présidente, vous dirigez la séance, alors c'est à vous de décider.

La présidente : Je viens de vous faire part de ma décision.

Le sénateur Stratton : Peut-on nous fournir le document en question?

La présidente : Si les membres du comité le souhaitent, cela ne pose aucun problème et le greffier s'en chargera.

Monsieur Mayrand, comment les choses se passent-elles dans les autres systèmes inspirés de celui de Westminster? Le sénateur Moore a fait allusion au processus de Westminster, qui serait une véritable révolution, ici. Permettre à un whip de l'opposition de déclencher une élection partielle serait du jamais vu dans le système canadien.

À votre connaissance, y a-t-il une règle, dans les autres systèmes calqués sur celui de Westminster, qui s'apparente à celle dont il est ici question, c'est-à-dire que l'ordre des élections partielles devrait correspondre à celui où les sièges deviennent vacants?

M. Mayrand : Je ne me suis pas penché sur cette question avant de me présenter devant vous aujourd'hui. Nous pourrions certainement examiner quelques autres démocraties inspirées du modèle de Westminster pour voir comment on y détermine le moment des élections partielles, ou pour savoir quelles sont les exigences en la matière.

La présidente : Il pourrait être intéressant de savoir si les différents parlements en sont venus à adopter des procédures différentes à ce chapitre. C'est en fait cela que je voulais savoir.

Nous vous remercions encore une fois pour les éclaircissements que vous nous avez fournis. J'ignorais tout des technicalités qui entrent en jeu entre le moment où une vacance survient et celui où un nouveau député entre en fonction. C'est fascinant.

La séance est maintenant levée, chers collègues. Notre prochaine réunion aura lieu le mercredi 30 avril, dans cette salle, et nous continuerons alors notre examen du projet de loi.

La séance est levée.


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