Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 16 - Témoignages du 30 avril 2008
OTTAWA, le mercredi 30 avril 2008
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-224, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (sièges vacants), se réunit aujourd'hui à 16 h 15 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous commençons à étudier le projet de loi S-224, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (sièges vacants), proposé au Sénat par le sénateur Moore. Je suis ravie de le compter parmi nous aujourd'hui.
Nos premiers témoins sont des gens que les membres du comité connaissent bien : C.E.S. (Ned) Franks, professeur émérite au Département d'études politiques de l'Université Queen's, et Jennifer Smith, professeure au Département de science politique de l'Université Dalhousie.
Jennifer Smith, professeure, Département de science politique, Université Dalhousie, à titre personnel : Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui.
Le gouvernement du Canada est tenu de respecter la Constitution. Il me semble étrange d'avoir à le dire. Pour ce qui est du projet de loi S-224, l'article 32 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que le Gouverneur général doit combler les sièges vacants dès qu'ils se libèrent « en adressant un mandat à quelque personne capable et ayant les qualifications voulues ».
Le gouvernement du Canada n'est pas censé saboter la Constitution en minant l'intégrité des institutions gouvernementales nationales actuellement en place comme le Sénat. Le Sénat est une institution fondamentale et, s'il appartient à qui que ce soit, ce doit être à la population canadienne. Ce n'est pas le jouet des élites politiques et, tant que la population ne sera pas consultée au sujet des changements proposés, elle est en droit de s'attendre à ce qu'il les serve de la manière dont il a été conçu.
Le gouvernement actuel ne s'acquitte pas des responsabilités prévues à l'article 32. Il soutient qu'il recommandera au Gouverneur général de nommer au Sénat uniquement les personnes qui seront sélectionnées au terme d'un processus particulier. En conséquence, il y a très peu de nominations et un nombre grandissant de sièges vacants.
Quelles sont les conséquences de ces vacances? D'abord, elles empêchent le Sénat de s'acquitter de ses responsabilités à l'égard du second examen objectif. C'est un problème grave pour un régime parlementaire bicaméral.
De plus, ces vacances ont pour effet de nuire à la fonction du Sénat consistant à représenter les provinces et les territoires, et cet impact se manifeste de façon inégale. La plupart des provinces n'ont pas donné suite à la suggestion du premier ministre de tenir des élections sénatoriales, ce qui par ailleurs n'a pas suscité un grand intérêt de la part du public, bien au contraire.
Pendant ce temps, le gouvernement fédéral est incapable de déclencher ces élections parce qu'il n'a pas l'appui des membres de l'opposition à la Chambre des communes. Par conséquent, seules les rares provinces qui se préparent à élire des sénateurs peuvent compter sur la représentation régionale au Sénat.
Le projet de loi S-224 est le résultat du problème que le gouvernement actuel a causé en laissant des sièges vacants. Il représente une mesure raisonnable pour remédier au problème. Cependant, il y a lieu de remettre en question la nécessité de retarder les nominations lorsque le gouvernement perd la confiance de la Chambre des communes.
La troisième conséquence du nombre croissant des vacances au Sénat est un problème qui se règle peut-être moins bien avec une solution comme le projet de loi S-224. Si le gouvernement ne freine pas l'augmentation du nombre de vacances, cela aura pour effet de saper la légitimité du Sénat actuel. Le gouvernement lui-même aura contribué à ce résultat par des moyens illégitimes, en ne s'acquittant pas des responsabilités prévues par la Constitution à l'égard des nominations.
Le gouvernement est loin d'avoir établi un consensus au pays sur son modèle de réforme du Sénat. Les procédures qu'il applique pour apporter les changements souhaités ne reposent pas sur des assises constitutionnelles solides. Il essaie simplement d'amorcer certains changements de manière unilatérale. Il est fort probable que cette tentative se solde par un échec, que ce soit pour des raisons d'ordre constitutionnel ou parce que les changements visés n'ont pas fait l'objet de consensus, ou les deux. Cependant, s'il réussit à apporter des changements partiels au processus de sélection, ne serait-ce que par rapport au mandat, le pays sera aux prises avec un désordre institutionnel. Je pense que cela minera la crédibilité des institutions gouvernementales aux yeux des Canadiens.
En conclusion, tout le monde doit se conformer à la Constitution. Elle prévoit que tous les sièges vacants au Sénat doivent être comblés. Dans l'esprit de la Constitution, ils doivent l'être dans les meilleurs délais. En attendant, quiconque cherche à changer le Sénat doit mener de vastes consultations auprès de la population canadienne pour déterminer les options possibles, puis appliquer les règles de la Constitution ayant trait aux changements constitutionnels.
C.E.S. (Ned) Franks, professeur émérite, Département d'études politiques, Université Queen's, à titre personnel : Merci. J'ai préparé un document pour accompagner mon témoignage. Le greffier en a une copie. Je vais en résumer le contenu pour les fins de mon exposé.
Le projet de loi S-224 obligerait le premier ministre à combler les postes vacants au Sénat dans les 180 jours suivant la date où ils deviennent vacants. On a fait valoir que le projet de loi ne vise pas à réformer le Sénat, mais le sujet sur lequel il porte — la nomination des sénateurs dans les meilleurs délais — est en lien avec la réforme du Sénat amorcée par le premier ministre.
J'appuie l'objectif du projet de loi S-224. Le Parlement du Canada est constitué de deux chambres, qui ont chacune un rôle à jouer. Les forces du Sénat reposent sur la grande qualité et l'expérience de ses membres, et sur sa capacité d'effectuer des études et des analyses législatives plus approfondies et plus objectives que ne le fait la Chambre des communes, où l'atmosphère est souvent trop partisane et dont les membres ne sont que de passage — soit pour une période moyenne de moins de cinq ans.
Dernièrement, j'ai pu de nouveau constater la grande qualité des travaux des comités sénatoriaux en examinant les séances des comités de la Chambre et du Sénat portant sur la nomination d'un directeur parlementaire du budget, qui avait été reportée parce que la Bibliothèque du Parlement et le Bureau du Conseil privé n'arrivaient pas à s'entendre sur la classification du poste et l'échelle de traitement. L'examen du comité de la Chambre n'était pas très édifiant, c'est le moins qu'on puisse dire, alors que celui du comité du Sénat présentait une analyse éclairée et intelligente des problèmes.
Le Sénat ne peut assumer ses fonctions de « second examen objectif » s'il n'a pas de membres.
Je ne sais pas précisément quelles fonctions le Sénat est censé remplir dans le contexte de l'approche progressive du gouvernement actuel. Les Canadiens élisent déjà des députés à la Chambre des communes, et je doute fort de la nécessité d'une autre Chambre élue. Les provinces et les gouvernements provinciaux sont déjà amplement représentés dans les institutions et les processus complexes associés aux relations fédérales-provinciales. Je crois que les pouvoirs du Sénat — qui sont égaux à ceux de la Chambre des communes sauf pour le dépôt des projets de loi de finances — devraient être réduits si le Sénat devenait élu en toute légitimité. Son pouvoir d'examiner les lois et d'en retarder l'adoption devrait être restreint. À cette fin, il serait peut-être possible d'apporter des changements à la procédure applicable au Sénat et à la Chambre. Autrement, il sera nécessaire de mettre en œuvre des changements constitutionnels pour s'assurer que la Chambre des communes conserve son rôle dominant et que le Sénat demeure une chambre secondaire, comme il se doit.
Les fonctions du Sénat prévues par les Pères de la Confédération étaient beaucoup plus claires que celles qui sont visées par les réformes actuelles. Les pères fondateurs voulaient que le Sénat représente le patrimoine et les provinces. L'exigence constitutionnelle relative à la possession d'une propriété d'une valeur de 4 000 $ en 1867 équivaudrait aujourd'hui à environ 1,5 million de dollars. C'était là une exigence très rigoureuse.
Le sénateur Moore : Dois-je me retirer maintenant?
M. Franks : J'explique simplement ce qu'il en était. Le salaire moyen d'un travailleur au Canada, en 1867, était d'environ 100 $. Le montant de 4 000 $ équivaut à 40 fois ce salaire. De nos jours, le salaire moyen s'élève à plus de 30 000 $. Si on multiplie ce montant par 40, on obtient 1,2 million de dollars. Le coût élevé de l'habitation est un autre facteur. Une maison coûtait à peine 100 $ en 1867.
Il faut également tenir compte du fait qu'en 1867, la plupart des salaires se situaient autour de 100 $ et très peu atteignaient les niveaux supérieurs. Il y en a davantage au milieu de l'échelle aujourd'hui. L'échelle des salaires est différente aujourd'hui.
Je vais maintenant parler du moment des élections partielles. Actuellement, les dispositions législatives prévoient que le bref d'une élection partielle doit être délivré de 11 à 180 jours après qu'un siège est devenu vacant. Ensuite, un délai d'au moins 36 jours doit s'écouler avant que l'élection partielle soit tenue, mais aucun délai maximal n'est prévu par la loi.
Ces dispositions permettent aux premiers ministres de choisir à quel moment une élection partielle sera tenue et de regrouper, de précipiter ou de retarder des élections partielles afin que les circonstances soient aussi avantageuses que possible pour leur parti. Il s'ensuit qu'en ce qui concerne les élections partielles, le Canada a adopté une approche particulière et que je crois unique — je ne suis pas sûr qu'on puisse parler d'un système —, qui a par exemple permis au premier ministre Trudeau de tenir 15 élections partielles le même jour, le 15 octobre 1978. S'il s'agissait d'une stratégie visant à obtenir un maximum de sièges, elle a échoué, son gouvernement n'ayant remporté que 2 de ces 15 sièges. Le premier ministre Harper a, quant à lui, fait tenir trois élections partielles au Québec le 17 septembre 2007, mais il a repoussé au 17 mars 2008 les élections partielles relatives à deux autres sièges qui étaient vacants au même moment. D'autres premiers ministres ont eu recours à des stratagèmes similaires pour déterminer le moment où des élections partielles seraient tenues. Certaines circonscriptions et certains électeurs ne sont pas représentés au Parlement du Canada depuis près de neuf mois, et peut-être depuis plus longtemps.
Les usages du Canada diffèrent de ceux des autres démocraties parlementaires inspirées de Westminster. En Grande-Bretagne, la coutume veut que le bref relatif à une élection partielle soit délivré dans les trois mois suivant le jour où le siège est devenu vacant. L'élection est tenue de 15 à 19 jours après que le bref a été délivré, le délai étant habituellement de 15 jours. Une élection partielle est habituellement tenue environ 100 jours après qu'un siège est devenu vacant, bien que le délai puisse être passablement plus long. La principale différence entre les usages britannique et canadien, c'est qu'en Grande-Bretagne, la date de l'élection partielle est choisie par le parti qui détenait le siège, et non par le premier ministre.
En Australie, la loi ne prévoit pas de délai à respecter pour la délivrance d'un bref d'élection partielle, mais cette situation n'est jamais devenue un enjeu politique. La période qui s'écoule entre le jour où un siège devient vacant et celui où l'élection partielle est tenue varie considérablement, le délai maximal ayant été de 82 jours pour Moreton en 1983, et le plus court, de 17 jours pour East Sydney en 1903. Ces dernières années, la moyenne a été d'environ 51 jours. Cependant, lorsqu'une élection générale est imminente, les sièges peuvent demeurer vacants plus longtemps. En Australie, les élections partielles sont régies par un principe qui veut que les électeurs ne doivent pas demeurer sans représentant plus longtemps que nécessaire.
Malheureusement, les élections partielles ne sont pas régies par ce principe au Canada. Le gouvernement en place a établi des dates d'élections fixes pour que les premiers ministres ne puissent pas se livrer à des combines afin que le moment des élections générales soit avantageux pour leurs partis, mais le choix de la date des élections partielles est demeuré vulnérable aux machinations des premiers ministres.
J'ai deux propositions. Que l'on aime ou non le Sénat dans son état actuel, son existence, ses rôles et ses responsabilités sont prévus par la Constitution. Le fait de ne pas combler les vacances au Sénat réduit sa capacité d'assumer ses fonctions constitutionnelles et législatives. Le projet de loi S-224 prévoit une période maximale trop longue pour combler les vacances au Sénat, soit 180 jours. Il faut que cette période soit plus courte, qu'elle s'établisse à 90 jours environ.
En outre, le moment des élections partielles devrait être établi en fonction du principe démocratique fondamental selon lequel tous les Canadiens ont le droit d'être représentés à la Chambre des communes. L'usage actuel concernant les élections partielles assujettit ce principe à la manipulation partisane. Ma seconde proposition, c'est que la loi soit modifiée de manière que les élections partielles soient normalement tenues dans les 90 jours suivant la date où un siège devient vacant.
Le sénateur Andreychuk : Madame Smith, vous avez dit que, dans la situation actuelle, le premier ministre peut jouer à sa guise sur le choix des membres du Sénat, particulièrement en ce qui concerne le moment des nominations. Croyez-vous que les premiers ministres antérieurs ont considéré le Sénat comme leur jouet lorsqu'ils ont dépassé les délais prescrits par cette loi?
Mme Smith : Pendant des décennies, les premiers ministres ont été accusés de nominations partisanes. Aucun premier ministre n'avait cependant pris de mesures qui auraient eu pour effet de dégrader et de discréditer une institution. Or, si la tendance se maintient — et je pense aux chiffres que vous avez mentionnés au cours de discussions antérieures —, l'institution dont nous parlons aura de la difficulté à assumer ses fonctions.
Lorsque je discute de ces questions avec mes voisins, je constate qu'ils tiennent pour acquis que le Parlement du Canada, le Sénat et la Chambre des communes fonctionnent plus ou moins selon la procédure institutionnelle qu'ils sont censés suivre. Ils n'ont aucune idée de ce qui se passe, parce que les médias ne se sont pas attardés sur cette question. Il est certain que, dans l'est du pays, les gens ne sont pas conscients de la situation qui se crée. Ils n'ont certainement pas été consultés à ce sujet. Cependant, quand j'y pense, je me dis : « Un petit instant. À qui appartient vraiment cette institution? » Il faut qu'il y ait une certaine reddition de comptes. Ce ne sont pas les citoyens ordinaires qui ont adopté cette ligne de conduite, mais les élites politiques, soit, en l'occurrence, le gouvernement du Canada. C'est là le message que j'essaie de faire passer.
Le sénateur Andreychuk : Les dispositions de ce projet de loi réduiraient le pouvoir discrétionnaire du premier ministre. Croyez-vous que les Canadiens souhaitent que ce pouvoir soit réduit?
Mme Smith : Les Canadiens ne doivent s'attendre à rien d'autre qu'à ce que les acteurs politiques respectent la Constitution, ce qui signifie que si nous sommes censés avoir un Sénat efficace, il devrait il y avoir un Sénat efficace. Il est regrettable que le besoin d'un tel projet de loi se fasse sentir. Il est très singulier qu'un projet de loi de ce genre soit nécessaire pour remédier à un problème que le gouvernement est en train de créer.
En ce qui concerne ce que les Canadiens savent ou ne savent pas, je n'en ai aucune idée. Mon hypothèse est que, tant qu'ils n'auront pas été avisés d'un changement apporté à l'une des institutions principales régies par la Constitution du Canada, ou consultés à ce sujet, ils présumeront que cette institution continue de fonctionner comme avant. Mais je ne vois pas comment cela pourrait se produire si le nombre de ses membres décline.
Le sénateur Andreychuk : Vous semblez en être arrivée à la conclusion que l'institution ne fonctionne pas bien. Je crois que vous avez dit que le Sénat ne s'acquitte pas de ses fonctions. Vous affirmez donc que je ne m'acquitte pas de mes fonctions en tant que sénateur. Sur quoi vous fondez-vous pour affirmer cela alors qu'on tarde à combler des sièges, si je peux dire, ou que les premiers ministres ont exercé leur pouvoir discrétionnaire en choisissant de ne pas procéder à des nominations sur-le-champ lorsque des sièges sont devenus vacants? Qu'est-ce qui vous permet de me dire que je ne m'acquitte pas de mes fonctions?
Mme Smith : J'ai lu les délibérations que vous avez tenues au sujet des divers cas où des années se sont écoulées sans que des vacances au Sénat soient comblées. Je ne suis pas certaine que c'est de cela que nous parlons aujourd'hui. Nous semblons plutôt nous attarder sur la question du volume. Selon vos propres débats, à mesure que les années passeront, de plus en plus de sièges deviendront vacants.
Prenons par exemple la question de la représentation. Si seuls la moitié des sénateurs d'une province ont été nommés, cela a-t-il la même valeur que si elle disposait de tous ses sénateurs? C'est une idée qui me trotte depuis longtemps derrière la tête. Je ne fais évidemment référence à aucun sénateur en particulier. Du reste, la charge de travail des sénateurs en place doit augmenter à mesure que les nombres diminuent. Voilà un premier point.
Par ailleurs, en ce qui concerne le second examen objectif que doit effectuer le Sénat, dans quelle mesure cette tâche peut-elle être exécutée aisément dans un contexte où le nombre de sénateurs décline? Cette tâche ne peut pas devenir plus aisée, et je ne peux que présumer qu'elle devient plus difficile. J'espère que l'on me comprend très clairement.
Le sénateur Andreychuk : Vous dites que, d'un point de vue constitutionnel, une province ou une région est mal représentée si trois de ses sièges sur six sont vacants. Comme l'a souligné M. Franks, la Constitution prévoyait à l'origine la représentation de la richesse et des provinces. Certaines provinces de l'Ouest auraient lieu de faire valoir que, compte tenu de la croissance de leur population, elles sont devenues sous-représentées, en raison du régime constitutionnel actuel. Je ne parle pas encore de ma province, bien que nous ayons bon espoir de nous retrouver bientôt dans la même catégorie que l'Alberta et la Colombie-Britannique.
Le sénateur Murray : J'ai une résolution visant à modifier la Constitution.
Mme Smith : Cela renvoit à la question du changement et des changements que l'on propose d'apporter au Sénat. Il y a toutes sortes de possibilités de ce côté-là. C'est bien.
Le sénateur Joyal : Merci, madame Smith et monsieur Franks, pour votre participation à notre réflexion et au débat relatif au projet de loi S-224.
Madame Smith, nous nous trouvons dans une situation très différente de celle que nous avons connue avec les anciens premiers ministres, qu'ils aient été libéraux ou conservateurs. Aucun d'entre eux n'a dit publiquement qu'il ne nommerait pas de nouveaux sénateurs. Nous nous trouvons dans une situation où le premier ministre a fait cette affirmation et a ajouté qu'il ne nommerait pas de sénateurs à moins que les administrations provinciales adoptent une loi à cet égard, comme l'a fait l'Alberta.
Nous vivons une situation particulière en tant que législateurs. En effet, selon l'article 32 de la Loi constitutionnelle, les provinces n'ont pas voix au chapitre du choix des sénateurs. En vertu de la Constitution, c'est le Gouverneur général qui nomme les sénateurs sur la recommandation du premier ministre. C'est la loi du pays aujourd'hui.
Le premier ministre veut obliger les provinces à adopter une loi selon laquelle elles choisiraient les sénateurs ou les candidats aux postes de sénateurs. De plus, le premier ministre a dit qu'il ne respecterait pas la Constitution si les provinces ne le faisaient pas.
C'est une réalité très déformée, et nous constatons les conséquences d'avoir un Sénat où siègent moins de sénateurs, particulièrement s'il y a moins de sénateurs du côté du parti au pouvoir. Les sénateurs qui restent font un travail remarquable parce qu'ils doivent œuvrer au sein des comités et s'acquitter de toutes sortes de fonctions parlementaires. Le premier ministre a indiqué au Sénat que c'était la façon dont ça allait fonctionner. Les choses vont empirer dans les années à venir parce que, selon la liste des prévisions de départs à la retraite d'ici la fin 2009, le Sénat comptera 29 sièges vacants.
Contrairement au Sénat, il n'est pas possible de prévoir le nombre de sièges vacants à la Chambre des communes. Les élections partielles à la Chambre des communes deviennent nécessaires soit par suite d'une démission, soit par suite d'un décès. Au Sénat, un siège devient vacant lorsqu'un sénateur atteint l'âge de la retraite, soit 75 ans. Il est plutôt rare qu'un sénateur meure dans l'exercice de ses fonctions. Il faudrait que je consulte les statistiques sur le nombre de sénateurs qui sont décédés dans l'exercice de leurs fonctions. En outre, un sénateur peut démissionner pour des raisons personnelles ou de santé; ça arrive, mais c'est aussi une exception. Au Sénat, la règle qui s'applique est celle de la prévisibilité.
À l'article 32 de la Loi constitutionnelle, il est clairement dit : « Quand un siège deviendra vacant. » Comme je l'ai mentionné, un siège devient vacant quand un sénateur atteint l'âge de la retraite, qu'il démissionne ou qu'il meure.
Manifestement, nous sommes devant une situation difficile où nous sommes obligés d'accepter l'engagement du premier ministre, qui, pour respecter la loi du pays, veut forcer les administrations provinciales et les autres ordres de gouvernement à adopter une loi leur permettant de choisir les sénateurs. J'ai remarqué que, selon la Constitution, les provinces et les autres ordres de gouvernement n'ont rien à dire sur les nominations au Sénat. Cela me paraît un peu tordu sur le plan juridique.
Mme Smith : Selon moi, c'est une situation exceptionnelle pour deux raisons. Premièrement, si ça continue, ça deviendra une situation exceptionnelle chronique. J'ai remarqué que, dans une de vos discussions, vous avez abordé la question en disant que si ça devait continuer — en attendant, il n'y a aucun processus de réforme ou de changement en tant que tel, qui soit en cours, et la situation décrite perdure —, qu'est-ce que ça changerait? Pendant combien de temps est-ce que ça durera avant qu'une crise institutionnelle éclate et que ça devienne en fait un problème à la grandeur du pays? Qu'est-ce qui se passera alors?
Vous avez parlé du rôle du Gouverneur général. Je suppose que vous essayez d'imaginer ce qui va se passer pour déterminer pendant combien de temps ça va durer et dans quelle situation on risque de se retrouver en définitive.
Le sénateur Joyal : Ne serait-il pas absurde que plus de 50 p. 100 des sièges soient vacants?
Mme Smith : Si cette situation devait survenir, je suppose que les gens commenceraient à chercher des solutions et que quelqu'un pourrait les examiner. Vous avez parlé de la question concernant le Gouverneur général, et j'y ai réfléchi. Je crois qu'une solution devra peut-être être mise de côté, et je peux expliquer pourquoi je pense ainsi. Une autre solution, évidemment, consiste à recourir aux tribunaux. Une troisième option serait de provoquer une espèce de crise institutionnelle qui pousserait les parties à trouver une solution. Certains diront probablement que tel ou tel projet de loi constitue déjà une solution pour le gouvernement. Le problème, c'est qu'il n'y a aucun consensus sur ces idées et pourtant, on parle du Sénat. Ce point de vue est intéressant.
Il y a plusieurs décennies, la Nouvelle-Écosse était comme beaucoup d'autres provinces : elle était gouvernée selon un système bicaméral. Pendant longtemps, on a essayé d'abolir la Chambre haute, et on y est finalement parvenu. Il a fallu, entre autres choses, s'adresser aux tribunaux pour y arriver. Lorsque la cour a donné son autorisation, pour ainsi dire, le gouvernement conservateur a finalement été en mesure d'appliquer le changement.
Par contre, il y a une énorme différence entre la situation dans une province et la situation au Canada. Lorsqu'il est question du Sénat, on parle d'une institution pancanadienne et, par conséquent, il n'est pas possible d'y apporter un changement de façon unilatérale. C'est là une énorme différence. Lorsque j'ai parlé de la troisième solution, soit le fait de discréditer une institution au point de provoquer une crise, on se retrouve alors dans une situation politique d'où l'on tente de sortir.
Voilà à peu près où s'est arrêtée ma réflexion, parce que je n'aime pas envisager l'avenir de cette façon.
M. Franks : D'une certaine façon, je crois que le Sénat paie déjà le prix. Je crois savoir que certains sénateurs voulaient créer un comité sur les arts et la culture, mais qu'il n'y avait pas assez de membres d'un côté. Le temps que les sénateurs auraient dû consacrer au comité dépassait leur capacité.
Nous avons le même problème à la Chambre des communes. Je n'ai pas examiné la situation en ce qui concerne les comités du Sénat, mais je ne crois pas que les membres de la Chambre des communes se préparent suffisamment pour le travail qu'ils doivent effectuer en comité. Le temps qu'ils doivent y consacrer dépasse de loin leur capacité à répondre aux demandes du comité. Chaque fois que l'on perd un sénateur, le glas sonne pour le reste du Sénat. Il sonne pour toi. Je crois que nous sommes déjà face au problème.
Le sénateur Joyal : Où fixez-vous la limite? À quel moment est-ce que la situation devient intenable?
M. Franks : Les membres du Sénat doivent le faire eux-mêmes. Je ne peux pas me prononcer. C'est l'une des situations où la véritable force du Sénat devrait se manifester dans la capacité des deux côtés de la Chambre à travailler de pair pour en arriver à une entente.
Le fardeau s'alourdit, et un jour, je crois que ce comité ou un autre dira : « Ça ne fonctionne pas. Le Sénat ne fait pas ce qu'il devrait faire, et nous ne pouvons pas le faire. » Il se peut qu'il y ait un vaste consensus parmi les membres, et lorsque ça arrivera, j'espère que vous serez tous réalistes, que vous y réfléchirez et que vous formulerez des suggestions au gouvernement.
En d'autres termes, je ne crois pas qu'il y ait une limite absolue où la situation devienne insupportable. C'est quelque chose que vous, les sénateurs, devrez établir d'instinct dans un esprit de collégialité. Vous devrez vous demander : quand ne serons-nous plus capables de faire notre travail, quand est-ce que cette approche plutôt ridicule empêchera le Parlement du Canada de remplir ses fonctions?
Le sénateur Stratton : Ma question tourne autour du délai raisonnable de nomination auquel a fait référence Mme Smith. Par le passé, il y a eu des postes vacants pendant assez longtemps, comme le sénateur Murray l'a souligné dans un bref exposé lorsque le sénateur Moore a présenté ce projet de loi. Le sénateur Murray s'est alors attardé à l'aspect historique.
Le sénateur Murray : Ça concernait une autre motion.
Le sénateur Stratton : L'un des postes au Manitoba est resté vacant pendant plus de cinq ans. En 1979, et le sénateur Murray peut me corriger à ce sujet, il n'y avait qu'environ une douzaine de sénateurs conservateurs. Le nombre était aussi bas mais ça fonctionnait, même si c'était difficile, ça fonctionnait. Historiquement, le raisonnement c'est que, depuis la Confédération, le Sénat a exercé ses activités en toute légitimité pendant des périodes de plusieurs années avec un effectif très réduit d'un côté ou de l'autre. Par conséquent, je me demande vraiment si cette question des « meilleurs délais » existe.
Actuellement, nous avons 22 conservateurs, 60 libéraux, 6 ou 7 indépendants et 14 postes vacants. Le Sénat semble fonctionner, même si nous admettons que c'est difficile, mais il exerce ses activités et la structure des comités fonctionne, même s'il y a quelques difficultés. Toutefois, en tant que whip du gouvernement, je constate que le whip de l'opposition fait office de remplaçant à des comités aussi souvent que moi, car malgré les 60 sénateurs libéraux, il est quand même difficile d'amener les gens à assister aux séances des comités.
Le sénateur Milne : Nous ne sommes plus tenus d'y aller.
Le sénateur Andreychuk : C'est vrai.
Le sénateur Stratton : C'est vrai, mais pourquoi le fardeau repose-t-il sur le pauvre whip? C'est lui qui court partout comme je le fais.
Quand je pense à la situation qui existait vers 1979 et que je regarde la façon dont le Sénat exerce ses activités aujourd'hui, je ne vois pas l'urgence de décider soudainement que nous devons faire des nominations. À mon avis, ce n'est pas fondé. Le Sénat exerce ses activités dans ces conditions depuis longtemps.
La grande majorité des Canadiens veut un Sénat élu. De plus, un nombre croissant de Canadiens veut que l'institution soit abolie. L'Alberta a eu deux sénateurs élus. Qu'arrive-t-il si davantage de provinces décident d'élire des sénateurs? Où en est-on à ce moment-là?
M. Smith : J'aimerais répondre à votre commentaire sur les meilleurs délais. Dans le passé, quand on ne procédait pas à des nominations, il y avait sans aucun doute des raisons pour cela. Je suis sûr que c'était parfois par partisanerie, à cause de la difficulté de prendre des décisions lorsque la demande était plus grande que l'offre.
Deuxièmement, je crois que le point du sénateur Joyal est fondamental. Le premier ministre a jeté le gant en faisant connaître son intention. Il prend une position très radicale sur cette question en refusant de procéder à des nominations, sauf si les individus ont gagné une élection consultative du Sénat. C'est ce qu'il faut retenir et c'est la différence entre la situation actuelle et les situations antérieures.
Vous avez parlé du grand nombre de Canadiens qui veulent un Sénat élu; je ne sais pas quoi penser de ces données. Si vous demandez à la population si elle veut une baisse d'impôt, il se peut que vous obteniez une réponse des plus favorables. Si vous lui demandez si elle veut une réforme du Sénat, pourquoi pas? Le terme « réforme » sous-entend une bonne chose. Nous ne savons pas du tout ce qu'on entend par réforme. Une très grande partie de la population pourrait tout simplement vouloir l'abolir. Si une question ne fait pas l'objet d'une discussion ouverte, publique et à grande échelle et que des options ne sont pas offertes à la population afin qu'elle puisse voir les possibilités, on ne peut pas vraiment connaître la signification de ces sondages.
M. Franks : Je crois que le Sénat peut exercer ses activités avec beaucoup moins de gens. Toutefois, les travaux de votre comité en souffriraient et je crois que c'est la chose la plus importante que le Sénat accomplit. J'ai le plus grand respect pour les travaux des comités sénatoriaux. Ayant pris part à de nombreux travaux des comités de la Chambre des communes également, je le dis en toute sincérité.
Je ne m'emporte pas à ce sujet parce que ça va s'arranger. Personnellement, je ne suis pas en faveur d'un Sénat élu, mais je peux voir que ça fonctionnerait. Ce qui importe surtout, je crois, c'est que les personnes qui sont élues soient aussi compétentes que les personnes qui ont été sélectionnées.
Les données montrent que, si on prend le sénateur moyen, de façon générale, il possède une plus grande expérience politique et a connu plus de succès dans sa carrière précédente. Les sénateurs ont certainement plus d'expérience au sein de l'assemblée législative que les membres de la Chambre des communes. C'est quelque chose dont on doit se servir.
Je veux aller un peu plus loin dans mon raisonnement. À mon avis, la question de l'élection partielle est plus importante en ce moment que celle du Sénat. La réforme du Sénat est en cours ici et là. Toutefois, la question de l'élection partielle constitue l'une des parties non réformées du Parlement qu'on ignore depuis beaucoup trop longtemps. C'est pourquoi j'ai inclus ces commentaires détaillés dans mon document. Je crois qu'il faut l'examiner de près.
Le sénateur Stratton : Ce sera intéressant si nous avons 29 postes vacants à la fin de 2009. Ça va poser un problème d'élection, pour le moins qu'on puisse dire.
M. Franks : On verra saliver de nombreux politiciens ambitieux.
Le sénateur Milne : Le sénateur Joyal a en grande partie abordé mon point. En dépit du fait que le sénateur Stratton ne pense pas que les travaux des comités sont négligés en ce moment, je crois qu'ils le sont. Notre comité devrait compter cinq membres conservateurs.
Le sénateur Stratton : Il devrait y en avoir quatre.
Le sénateur Milne : Il devrait y avoir quatre conservateurs et huit libéraux. Je dirais qu'en moyenne il y a 1,5 conservateur à chaque réunion.
Une voix : J'invoque le Règlement. Regardez dans la salle et voyez combien de sénateurs sont du côté libéral. Combien y en a-t-il?
Le sénateur Milne : Je suis tout à fait au courant de la situation aujourd'hui.
Le sénateur Stratton : C'est habituel.
Le sénateur Milne : Non, ça ne l'est pas.
La présence aux séances du comité est sérieusement réduite en raison du fait que tous les conservateurs ne sont pas présents. Je crois que c'est important et qu'il est important pour les projets de loi du gouvernement que tous les conservateurs qui siègent aux comités puissent assister aux séances.
Je crois que la question devrait être soumise à la Cour suprême, mais le Sénat n'a pas le pouvoir de renvoyer une question à la Cour suprême. Cela ne peut venir, je crois, que du premier ministre par le biais du gouvernement. Par conséquent, nous ne pouvons exercer ce recours.
Tout cela se résume aux conséquences résultant de ces postes vacants. Il y aura 29 postes vacants d'ici la fin de la prochaine année. Je serai la dernière à partir à la fin de l'an prochain. En janvier, le sénateur Grafstein partira. Cela donnera les 13 sénateurs qui partiront l'an prochain. Je crois que les départs auront de graves conséquences sur la façon dont le Sénat exerce ses activités, sur la façon dont il pourra les exercer et sur l'adoption des projets de loi du gouvernement.
La présidente : Avez-vous une question?
Le sénateur Milne : Je fais une déclaration politique, tout comme le sénateur Stratton vient de faire.
Ma question se rapporte au sixième point de Mme Smith. À votre avis, selon un point de vue externe, quelles sont les conséquences de ces postes vacants? Qu'arrivera-t-il lorsque le Sénat deviendra dysfonctionnel? Est-ce là peut-être un objectif auquel le premier ministre songe secrètement?
Mme Smith : Cela dépend en grande partie de la situation politique, de la personne qui dirige le gouvernement, notamment. Mon troisième point est particulièrement intéressant : j'ai parlé de la légitimité d'une institution. On touche quelque chose de très sérieux. Si, par exemple, le gouvernement était remplacé et que le nouveau gouvernement n'avait pas comme priorité les modifications à apporter au Sénat, croyons-nous réellement que le gouvernement pourrait changer de cap et procéder à une foule de nominations facilement? À une certaine époque, cela n'aurait peut-être pas attiré beaucoup d'attention. Toutefois, je ne suis pas certaine que ce serait le cas aujourd'hui.
En d'autres termes, je crois que la décision du premier ministre et les mesures qu'il a prises brouillent les cartes dans le dossier du Sénat et des modifications à apporter au Sénat. Je ne suis pas certaine que nous avons l'option de retourner en arrière. Je ne suis pas certaine de savoir où nous allons, mais je crois qu'il y aura des conséquences à la suite de la décision et des mesures qu'il a prises. Les pièces se déplacent sur l'échiquier, le contexte a changé et nous ne pouvons pas vraiment être certains de ce que nous verrons. Toutefois, je ne crois pas que ça s'inscrit dans l'ordre normal des choses.
M. Franks : Si je connaissais l'objectif visé par les élections au Sénat, je serais beaucoup plus heureux. Toutefois, outre le fait de dire que des représentants élus valent mieux que des représentants nommés, je ne sais pas à quoi on s'attend d'un Sénat élu; par conséquent, mes opinions sur la réforme du Sénat ne sont pas vraiment utiles dans le présent contexte.
Le fait que le Sénat puisse s'atrophier au fil des ans me préoccupe. Il faut soit l'abolir, soit en faire une entité fonctionnelle du Parlement. La mort à petit feu n'est pas la voie à suivre.
Le sénateur Watt : J'ai beaucoup aimé vos deux exposés. J'ai été témoin de certaines infractions à la Constitution, tout particulièrement en ce qui concerne mon peuple, et ce probablement plus que tout autre sénateur.
Votre exposé m'a encouragé. Je cherchais une réponse quant à la façon de nous sortir de ce bourbier. J'ai écouté attentivement les réponses que chacun de vous avez données aux différentes questions posées par nos sénateurs. Toutefois, il subsiste une zone grise dans mon esprit : nous n'avons pas la possibilité de nous adresser aux tribunaux. Seuls le premier ministre ou un gouvernement peuvent s'adresser aux tribunaux.
Il s'avère que les provinces, si elles ne sont pas d'accord avec les mesures prises par le gouvernement central, peuvent également présenter des contestations judiciaires. Toutefois, je n'ai jamais entendu parler d'une affaire aussi importante que celle-ci. Je ne sais pas si une personne ou si un groupe de personnes peuvent prendre cette question au sérieux. À mon avis, notre gouvernement est un gouvernement du peuple, comme vous l'avez indiqué; il est donc de mise de consulter la population. Non seulement de la consulter, mais d'obtenir sa participation aux discussions qui concernent l'avenir du Sénat.
Les gens n'ont pas eu l'occasion de s'exprimer, comme vous l'avez très justement fait remarquer. Je partage tout à fait votre opinion. Je crois toujours que la Constitution existe pour le bien de la population et qu'elle a sa raison d'être; il faut y adhérer jusqu'à ce qu'un engagement public se prenne ou que la grogne populaire incite le gouvernement à apporter un changement.
Voilà mon problème.
Comme nous en sommes rendus là, que pensez-vous de cette situation difficile qui nous oblige à trouver une solution tout en empêchant un politicien ou un gouvernement d'agir de façon unilatérale, d'aller de l'avant, de faire fi de la Constitution ou de faire entorse au principe de la primauté du droit?
Voilà le cœur du problème. J'estime qu'il faut répondre à cette question. Je n'ai pas entendu cette réponse. Si nous devons pour poursuivre nos discussions sans aller au fond des choses, nous perdons notre temps et nous gaspillons de l'argent.
M. Franks : Je pense qu'en ce moment, on contourne la loi plutôt qu'on ne l'enfreint. Comme il a été dit précédemment, les postes au Sénat demeurent vacants longtemps. Je n'ai jamais vu d'étude poussée sur la durée de ces vacances, mais nous savons tous que certains sièges sont inoccupés depuis de longs mois voire des années.
Le Sénat doit se demander à quel moment les sièges vacants s'accumuleront au point où cette institution ne sera plus en mesure de s'acquitter de ses fonctions. Je ne parle pas ici des fonctions que vous souhaiteriez la voir exercer, mais bien des fonctions qu'elle doit exercer.
Je ne connais pas la réponse à cette question. Toutefois, quelque chose va finir par céder. Je ne sais ni quand ni comment. Peut être que la Chambre des communes va adopter le projet de loi C-20, que ce projet de loi va se retrouver devant le Sénat et que vous allez dire : « D'accord, nous y consentons, pourvu qu'on nous donne l'assurance que l'autre volet de cette réforme — la durée du mandat — soit mené de façon satisfaisante pour nous. » Cependant, je pense qu'une telle situation donnerait lieu à un renvoi à la Cour suprême.
C'est une situation compliquée, qui prend une mauvaise tournure. Je n'aime pas particulièrement cette situation et si j'avais à choisir une approche pour ce qui est de la réforme du Sénat, ce n'est pas celle que j'adopterais. Toutefois, aucune autre des approches adoptées par le passé n'a fonctionné, et ce, depuis plus d'un siècle d'histoire dans notre pays.
D'autre part, je me rappelle souvent ce que Samuel Johnson a répondu lorsque Boswell lui a dit : « Ainsi, monsieur, vous vous moquez des plans du gouvernement tendant à améliorer la situation des citoyens? » Johnson a répondu : « Mais mon ami, la plupart des plans politiques n'excitent que la moquerie. »
C'est dans le même esprit que j'analyse de nombreuses propositions de réforme du Sénat. Je ne peux répondre à votre question. Il s'agit d'un de ces romans dans lequel tout peut arriver, qui ne cesse d'évoluer, qui n'en est qu'à ses premiers chapitres et dont nous ne connaissons pas la fin.
Mme Smith : Il s'agit d'une situation politique. Si tout le monde accepte de se ranger du côté du premier ministre, on aurait une façon de régler le problème, mais si les gens décident autrement et que son idée ne porte pas fruit, que se passe-t-il? Que fera son gouvernement? Persistera-t-il à ne pas nommer de sénateurs, sauf dans certaines circonstances? Que ferait un autre gouvernement? Si le but de l'exercice est en quelque sorte d'amener le pays à envisager une réforme du Sénat, la voie déjà empruntée pourrait s'avérer la bonne.
Le sénateur Moore : Madame Smith, je croyais que la Chambre des communes s'était occupée de revoir le nombre accru de sièges au Sénat par rapport à la population de chaque province. Je me reporte à la Confédération, au compromis auquel on en est arrivé et au fait que la Nouvelle-Écosse s'est vu attribuer dix sièges.
À l'occasion d'un témoignage antérieur, vous avez parlé de couper l'herbe sous les pieds des gens. Ne couperait-on pas l'herbe sous les pieds des Néo-Écossais si on tentait d'accroître le nombre de sièges autrement qu'en fonction de la représentation des régions qui constituent ce pays?
Mme Smith : Parlez-vous des sièges vacants?
Le sénateur Moore : Je parle de l'idée selon laquelle on devrait attribuer davantage de sièges à une province dont la population est aujourd'hui plus importante qu'elle ne l'était à l'époque de la Confédération.
Mme Smith : Vous parlez de la distribution des sièges du Sénat et vous vous interrogez à savoir s'il conviendrait de la changer et, le cas échéant, comment le faire et ainsi de suite.
Selon moi, la réponse à cette question dépend de votre opinion sur un ensemble de questions préalables. Les gens doivent décider s'ils veulent un Parlement bicaméral, s'il s'agit avant tout d'une Chambre haute parlementaire, ce qui veut dire une entité chargée d'assurer un second examen objectif, de passer les lois au crible, de s'occuper des questions posant des difficultés législatives de tous genres, et peut-être d'examiner des problèmes particuliers et ainsi de suite. Est-ce là le rôle fondamental d'une Chambre haute parlementaire? En revanche, les gens veulent-ils mettre davantage l'accent sur la composante de la représentation provinciale-territoriale? D'une part, on éviterait ainsi de créer une réplique de la Chambre des communes, mais on ne pourrait pas tout à fait l'éliminer non plus. Ensuite, il faut déterminer si on souhaite envisager un modèle comme celui des États-Unis ou d'autres modèles comme en on voit dans les pays européens, dotés d'assemblées législatives bicamérales, de procédures différentes et ainsi de suite.
Je pense qu'il faut d'abord répondre à ces questions. J'ai plutôt tendance à examiner la chose comme faisant partie d'un tout. Il s'agit d'un problème à facettes multiples, mais il faut d'abord asseoir les principes et établir le fonctionnement d'un tel organisme.
Le sénateur Moore : Pour ce qui est des dispositions du projet de loi qui régissent la façon de pourvoir les sièges vacants au regard de la situation actuelle, en tant que Néo-Écossais, je constate que nous avons trois postes vacants, ce qui veut dire que 30 p. 100 des sièges auxquels nous avons droit en vertu de la Constitution ne sont pas occupés, et ce, selon les directives du premier ministre.
Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Les Néo-Écossais se sont-ils fait couper l'herbe sous le pied? Le Yukon a droit à un siège au Sénat, siège qui est actuellement vacant, et la Colombie-Britannique, qui a droit à six représentants au Sénat, n'en a que trois, soit la moitié.
Mme Smith : Je ne crois pas du tout que cela est une bonne chose. La Constitution est relativement claire là-dessus, et on se trouve en présence d'une situation exceptionnelle quand un organisme ne fonctionne pas comme il devrait.
Le sénateur Moore : Le sénateur Stratton a parlé de sélection et d'élection, et ainsi de suite. À vrai dire, la méthode de sélection dont il parlait n'est pas pertinente dans le contexte actuel. Ce dont il est question ici, c'est qu'on ne peut tolérer indéfiniment que des sièges restent vacants, et c'est ce à quoi j'essaie de remédier avec le présent projet de loi. Je crois que vous nous avez déjà fait part de vos commentaires à ce sujet, de même que le professeur Franks.
Le sénateur Murray : Madame la présidente, j'espère que les commentaires que je m'apprête à formuler, et je dis bien commentaires, seront aussi à propos quand le second groupe d'experts se présentera à cette table, qu'ils l'auront été devant le premier groupe. Néanmoins, je remercie Mme Smith et M. Franks de leur présence ici aujourd'hui.
À propos des commentaires du sénateur Moore, je tiens à préciser que, même si nous sommes clairement du même côté en ce qui concerne le présent projet de loi, nous avons des points de vue diamétralement opposés sur la question de la représentation des provinces de l'Ouest.
La présidente : Et la motion que vous avez présentée.
Le sénateur Murray : La composition de la Chambre des communes ne repose pas sur le modèle de la représentation selon la population. Si l'on se fonde sur ce mode de représentation, on constate que sept provinces sont nettement surreprésentées à la Chambre des communes; par conséquent, je trouve difficile d'accepter les arguments selon lesquels...
La présidente : Qui vont au-delà de la portée du présent projet de loi. Nous avons promis à Mme Smith qu'elle pourrait partir, il y a dix minutes. Nous vous remercions infiniment et nous nous excusons de vous avoir gardée plus longtemps que prévu.
Le sénateur Moore : Monsieur Franks, vos commentaires sur la situation en Grande-Bretagne et en Australie ont suscité mon intérêt. Y a-t-il d'autres démocraties où le pouvoir exécutif peut, de façon sélective ou comme bon lui semble, combler ou refuser de combler des sièges vacants?
M. Franks : L'autre pays est la Nouvelle-Zélande, mais depuis quelques années, la plupart des vacances touchent la liste des candidats plutôt que les sièges eux-mêmes, de sorte qu'on prend simplement la personne suivante sur la liste pour remplacer celle qui n'y figure plus. Il s'agit, voyez-vous, d'un système mixte proportionnel.
Le sénateur Murray : C'est monocaméral.
M. Franks : Oui, de sorte que l'enjeu n'est pas le même que lors des élections partielles ici, au Canada. Voilà pourquoi j'ai choisi l'Australie et la Grande-Bretagne pour fins de comparaison.
Le sénateur Andreychuk : Monsieur Franks, vous avez dit que la valeur du Sénat se trouvait dans les travaux de nos comités. J'ai toujours vu en cela notre valeur ajoutée. Nos comités font de l'excellent travail; cependant, notre raison d'être est d'étudier les lois et d'en faire un second examen objectif. C'est l'essence même de nos travaux et de nos discussions au Sénat.
M. Franks : Je suis parfaitement d'accord, mais à mon avis, le travail des comités qui étudient les lois est souvent meilleur au Sénat qu'à la Chambre, de sorte qu'il y a là aussi une valeur ajoutée.
Le sénateur Milne : Monsieur Franks, pourquoi estimez-vous que le délai maximal de 180 jours, en ce qui concerne les sièges vacants au Sénat, est trop long et qu'il devrait être d'au plus 90 jours? En outre, vous semblez proposer d'amender le projet de loi du sénateur Moore afin que les élections partielles se tiennent dans les 90 jours suivant la date où un siège devient vacant.
M. Franks : Mon raisonnement à ce sujet va en quelque sorte à l'encontre de l'exposé. Dans son projet de loi, le sénateur Moore explique le délai de 180 jours en invoquant le fait qu'il est mentionné dans la Loi sur le Parlement du Canada. En fait, il s'agit du délai à l'intérieur duquel doit être émis le bref d'élection. On ne parle pas du délai avant la tenue de l'élection, mais bien du délai avant l'émission d'un bref d'élection.
Je trouve ce délai trop long et je ne crois pas qu'on puisse le justifier. Je ne vois pas l'utilité ou la logique d'attendre aussi longtemps. En fait, je serais heureux qu'on le ramène à 60 jours dans le cas des élections partielles. Je serais à l'aise avec cela et, dans l'optique du sénateur Moore quant aux sièges vacants au Sénat, je ne vois également aucune raison d'attendre plus longtemps que 90 jours. Je ne peux imaginer qu'un premier ministre ait besoin de plus de 90 jours pour nommer un sénateur. C'est par souci d'uniformité que j'ai parlé d'un délai de 90 jours dans les deux recommandations.
Le sénateur Joyal : M, Franks, n'est-il pas illogique que le gouvernement ait présenté le projet de loi C-16 visant à établir une date fixe pour la tenue d'élections générales et à retirer cette soi-disant prérogative du premier ministre, alors que celui-ci peut décider de tenir des élections partielles quand bon lui semble?
M. Franks : Je crois qu'on a fermé les yeux là-dessus. C'est l'une des anomalies de notre système. Une anomalie que le premier ministre actuel, à l'instar de ses prédécesseurs, a utilisé à son avantage, lui semblait-il, dans ses jeux politiques et ses manœuvres pour gagner des sièges à la Chambre des communes. Je n'aime pas cela, peu importe le parti. C'est pourquoi j'ai parlé de cela. Je crois que cet aspect a été simplement négligé. Par contre, il faut bien se rendre compte du fait que le projet de loi est maintenant devenu une loi. La Loi électorale a été modifiée en vue de la tenue d'élections fixes, ce qui signifie qu'aucune élection ne peut avoir lieu au-delà de cette période; elle doit se tenir au plus tard à une date donnée. Toutefois, il n'y a rien qui empêche la tenue d'une élection avant cette date. En fait, le projet de loi prévoit, dans les premiers paragraphes, que rien dans la présente loi n'empêche le Gouverneur général de dissoudre le Parlement en vue d'une élection. Cela signifie que tient toujours le principe fermement établi selon lequel le Gouverneur général acquiesce à la demande du premier ministre à moins qu'une autre solution évidente ne rallie la majorité à la Chambre des communes. Je serais prêt à parier que, pour les 50 prochaines années, cela fera en sorte que nous n'aurons aucune législature qui durera plus de quatre ans. Cependant, certaines dureront moins longtemps. De même, la durée moyenne d'une législature sera réduite. C'est assurément l'opinion d'Eugene Forsey, membre éminent de cette institution, et je partage son point de vue.
Le sénateur Peterson : Le premier ministre a refusé de porter cette question devant la Cour suprême, et il encourage les provinces à tenir des élections. Outre l'Alberta, d'autres provinces pourraient le faire. Si une province n'approuve pas cette façon de procéder, peut-elle demander que cette question fasse l'objet d'un renvoi devant la Cour suprême?
M. Franks : Tout à fait. On peut toujours demander qu'une question soit soumise à la Cour suprême. Celle-ci peut décider de ne pas l'entendre. Je crois que viendra un temps non seulement où le Sénat aura l'impression de ne pas pouvoir faire son travail, mais où il sera aussi dans l'impossibilité de le faire, en supposant que rien ne change et qu'il n'y ait pas de nominations. À ce moment-là, si le projet de loi C-20 sur l'élection du Sénat est adopté, il est parfaitement possible que la Nouvelle-Écosse ou la Colombie-Britannique — se sentant lésées — demandent à ce que la question soit soumise aux tribunaux.
Le sénateur Moore : Monsieur Franks, quand j'ai élaboré le projet de loi, j'ai fixé le délai à 180 jours parce qu'il était déjà prévu dans la Loi sur le Parlement du Canada et que j'ai pensé qu'il serait facile pour les gens de faire le lien et, peut-être, d'apporter leur appui.
En dernier lieu, j'aimerais avoir vos commentaires sur le déclenchement des élections partielles qui suit.
M. Franks : C'est inclus dans mon délai de 90 jours. Les élections partielles devraient se tenir dans les 90 jours.
Le sénateur Moore : Les unes à la suite des autres?
M. Franks : L'ordre est moins important que le délai. Je comprends que votre but était d'éliminer le déclenchement arbitraire et sélectif d'élections partielles. Cependant, si ces élections doivent se tenir dans les 90 jours, il est peu probable qu'on puisse les remettre à plus tard et essayer de laisser un siège vacant pendant trop longtemps.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Franks. Je voudrais m'excuser auprès de vous et de tous les sénateurs pour mon insistance à faire avancer le débat. Cependant, le fait est que nous avons d'autres témoins à entendre et que des sénateurs siègent à d'autres comités. Voilà qui illustre bien votre point de vue quand vous vous demandiez si nous étions surchargés de travail. Des sénateurs se voient effectivement obligés de participer à deux séances de comité en même temps, ce qui ne facilite guère les choses.
J'inviterais maintenant nos prochains témoins à prendre place à la table. Je rappelle à tous que nous avons devant nous deux éminents professeurs, soit MM. Don Desserud et David Smith.
David Smith, professeur émérite, Département d'études politiques, Université de la Saskatchewan, à titre personnel : Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Le projet de loi S-224, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (sièges vacants), comprend deux parties, mais les deux se rapportent à une question : restreindre le pouvoir discrétionnaire du premier ministre, d'abord lorsqu'il s'agit d'établir l'ordre du déclenchement d'élections partielles pour combler les vacances à la Chambre des communes, et ensuite, pour obliger le premier ministre à faire une recommandation au Gouverneur général pour combler toute vacance au Sénat dans les 180 jours suivant la date où un siège devient vacant.
Trois arguments sont avancés à l'appui de ces propositions. Premièrement, le Parlement doit fonctionner efficacement, sans influence de l'exécutif, et l'octroi d'un pouvoir discrétionnaire au premier ministre va à l'encontre de ce principe. Deuxièmement, l'utilisation du pouvoir discrétionnaire du premier ministre, de façon sélective dans le cas de vacances à la Chambre des communes et de façon indéfinie dans le cas de vacances au Sénat, porte atteinte à un droit conféré aux Canadiens par la Constitution, soit le droit à la représentation au Parlement. Troisièmement, on se trouve devant un syllogisme, qui repose sur deux énoncés. Le premier énoncé, c'est qu'au Canada, la protection des droits des minorités est un principe constitutionnel, d'après le Renvoi sur la sécession (1998). Le deuxième énoncé, c'est que l'un des buts primordiaux du Sénat est de protéger les divers intérêts régionaux au Canada, d'après le Renvoi sur le Sénat (1980). Il en découle que le Sénat ne peut pas remplir son obligation constitutionnelle en matière de représentation régionale si on altère sa composition et ses fonctions telles qu'elles ont été établies dans la Constitution.
Ce qui se produit actuellement au Sénat avec le nombre de sièges vacants donne du poids à ce raisonnement. En Colombie-Britannique, où la population est de 3,25 millions de personnes, trois des six sièges de sénateurs sont vacants, alors que dans les quatre provinces de l'Atlantique, qui comptent une population de 2,3 millions de personnes, six des 30 sièges sont vacants.
Ces écarts amplifient les récriminations de longue date à propos de l'iniquité de la représentation des provinces à la Chambre haute, et dans le cas de la Colombie-Britannique, la situation limite réellement les possibilités d'expression des préoccupations régionales au Sénat. Si le premier ministre ne change pas sa politique, le nombre de vacances devrait passer de 14 à 30 d'ici la fin de 2009. Voilà le nœud de l'affaire : les vacances résultent de la décision stratégique du premier ministre de ne pas nommer de sénateurs.
Le premier ministre voudrait réformer le Sénat de façon à ce que la Chambre haute soit constituée de sénateurs nommés pour des mandats d'une durée déterminée et non jusqu'à l'âge de 75 ans, et il préférerait que des élections consultatives précèdent les recommandations visant des nominations par le Gouverneur général. Le premier ministre a déclaré que, avant d'avoir atteint cet objectif, il n'exercerait pas sa prérogative pour faire des recommandations au Gouverneur général en vue de combler les sièges vacants au Sénat.
Ce n'est pas tant à l'exercice de la prérogative du premier ministre et à son incidence sur l'autonomie du Parlement qu'il faut s'arrêter, mais au fait que le premier ministre renonce à cette prérogative qui lui est accordée afin qu'il conseille la Couronne sur les nominations.
Cette prérogative revêt une importance clé pour le fonctionnement de la monarchie constitutionnelle dans un système parlementaire de type Westminster. En effet, elle doit être exercée pour que les différents pouvoirs et les différentes personnes et structures puissent fonctionner d'une manière cohérente qui permette d'assurer un gouvernement responsable, un principe fondamental de la Constitution moderne.
Dans ce contexte, est-il acceptable pour le premier ministre de ne pas exercer les prérogatives qui sont rattachées à ses fonctions — des prérogatives que les premiers ministres ont exercées pendant plus d'un siècle et demi — et qui font du principe de gouvernement responsable une réalité politique? En tant que premier ministre dans une monarchie constitutionnelle, le premier ministre n'est-il pas tenu de conseiller la Couronne?
Que dirions-nous si la question à l'étude était plutôt l'article 96, qui concerne la nomination des juges, et non l'article 24, sur la nomination des sénateurs? Si les personnes qui doivent guider la Couronne relativement à la nomination des juges aux cours supérieures s'abstenaient délibérément de donner des conseils, ne dirions-nous pas que cette inaction porte atteinte à la primauté du droit — un autre principe constitutionnel figurant dans le Renvoi relatif à la sécession, et qu'on associe à un mode de fonctionnement ordonné — au détriment des tribunaux et de leur bon fonctionnement, comme il est dit dans le Renvoi relatif au rapatriement? En quoi le défaut de recommander la nomination de sénateurs diffère-t-il de cette situation hypothétique?
Je comprends qu'il y a de profondes divergences d'opinions au Sénat et à l'extérieur de celui-ci en ce qui concerne la forme et la fonction que devrait prendre la Chambre haute du Parlement. En dépit de la force et du caractère raisonnable que semblent revêtir ces propositions aux yeux de leurs défenseurs, je ne crois pas qu'elles donnent le droit au premier ministre du Canada, dans une monarchie constitutionnelle, de se soustraire à la responsabilité constitutionnelle de conseiller le Gouverneur général.
Si on se fie aux discussions précédentes du comité, les conséquences néfastes qu'entraînerait le défaut du premier ministre de remplir son devoir constitutionnel, qui consiste ici à recommander la nomination des personnes qui combleront les vacances du Sénat, pourraient être très graves.
Par exemple, je crois qu'on a proposé que le Gouverneur général puisse procéder à des nominations sans avoir reçu de recommandations du premier ministre. Cette solution serait bien pire que le problème qu'on tente de régler. Cette solution irait à l'encontre du principe de gouvernement responsable tout en diminuant la crédibilité de deux éléments constituants du Parlement — la charge de Gouverneur général et le Sénat.
Dans le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867, on stipule que les premières provinces du Canada ont exprimé le désir de « contracter une Union Fédérale pour ne former qu'une seule et même Puissance (Dominion) sous la couronne du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, avec une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni ».
Comme les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 traitent presque exclusivement de la structure et des pouvoirs des unités de la nouvelle fédération, il faut présumer que l'extrait du préambule que je viens de citer renvoie à la constitution non écrite dont l'objectif, depuis le milieu du XIXe siècle, est de réussir à avoir un gouvernement responsable dans une monarchie constitutionnelle.
La constitution non écrite comprend les coutumes, les usages, les arrangements et les conventions parlementaires. Ces éléments partagent entre autres la caractéristique d'être méconnus de la population, ne serait-ce que parce qu'ils ne sont pas consignés par écrit dans la loi. Il faudrait bien étudier la question avant d'en savoir assez pour se prononcer. Rares sont les gens qui peuvent interpréter la Constitution. Par conséquent, on pourrait penser que la codification des conventions, donc la suppression du pouvoir discrétionnaire du premier ministre, par exemple, est un but à atteindre.
J'ai des réserves sur ce point et je ne pense pas qu'il soit facile d'atteindre cet objectif. Codifier la constitution non écrite serait une entreprise complexe, difficile et pleine d'ambiguïté. Par contre, je suis certain que la codification de sections de la Constitution l'une après l'autre est une mauvaise idée, et ce pour deux raisons.
Premièrement, « codifier » signifie établir des limites ou rendre rigide. Si on n'applique cette mesure qu'à une partie de la Constitution, on risque de créer des tensions et de l'incohérence avec d'autres parties de la Constitution. Les dispositions législatives prévoyant des dates fixes pour les élections fédérales en sont un exemple typique. Les élections à date fixe ne fonctionneront pas de la même façon selon qu'une législature compte deux ou plus de deux partis. Dans le premier cas, c'est le gouvernement majoritaire qui va l'emporter. Dans le deuxième cas, il ne l'emportera peut-être pas. Le fait que la législature soit monocamérale ou bicamérale a aussi un certain impact. Au cours des derniers mois, la confusion qui a coloré les débats parlementaires à propos de la question de confiance semble indiquer que l'établissement d'une date fixe pour les élections présente, pour le gouvernement et le Parlement, des ramifications qui n'ont pas été étudiées en profondeur.
Deuxièmement, je crois que la codification de la constitution non écrite, telle que proposée dans le projet de loi S-224, est peu souhaitable parce que ça ferait perdre de la valeur à ce qui revêt une importance politique centrale, soit la Constitution. La Constitution n'est pas un code fiscal qu'on peut modifier petit à petit ou sur une base régulière. Une constitution doit être claire, sans équivoque et cohérente. De choisir l'inaction plutôt que l'action, alors que la constitution non écrite exige que le premier ministre agisse en ce qui concerne l'application de l'article 24 de la loi, n'appuie aucune de ces valeurs. Les sièges vacants au Sénat et la vitesse à laquelle ils sont comblés sont bien plus essentiels au maintien d'un bon gouvernement constitutionnel au Canada que le serait une modification ordinaire à la Loi sur le Parlement du Canada.
Le projet de loi S-224 vise également à exiger expressément que le premier ministre déclenche des élections partielles en vue de combler les vacances à la Chambre des communes en suivant l'ordre dans lequel les sièges sont devenus vacants. Bien que les deux parties du projet de loi portent sur les vacances dans les deux Chambres du Parlement, le but de chacune est différent. Avec la disposition concernant le Sénat, on cherche à protéger l'intégrité de cet organe en tant qu'élément fonctionnel du Parlement en ce qui concerne ses rôles d'enquête, de représentation et d'examen. Avec la disposition concernant la Chambre des communes, selon les expressions populaires de déficit démocratique qu'on utilise de nos jours, on cherche à avoir des règles de jeu équitables de façon à ce que les pouvoirs discrétionnaires du premier ministre ne puissent pas servir à favoriser un parti en particulier. On avance également l'argument du droit à la représentation pour les électeurs qui doivent parfois composer avec l'iniquité lorsqu'ils ne sont pas représentés à la Chambre des communes.
Quel argument pourrait-on invoquer pour s'opposer à la disposition du projet de loi S-224 concernant la Chambre des communes à part celui de la cohérence? À l'heure actuelle, la représentation des Canadiens à la Chambre des communes ne reflète vraiment pas la réalité à cause de la procédure utilisée, et nous n'atteindrons pas la représentation selon la population même si le projet de loi sur la représentation démocratique est adopté, tant et si bien que la prémisse du projet de loi S-224 est vulnérable — peut-être pas au point d'être rédhibitoire, mais elle reste tout de même fragile.
Pour conclure, laissez-moi revenir sur la disposition du projet de loi S-224 concernant le Sénat. Il y a une véritable ironie contenue dans ce qu'on cherche à accomplir avec ce projet de loi. Les Pères de la Confédération étaient déterminés à ce que la Chambre haute du nouveau Parlement fédéral ne devienne pas le jouet du pouvoir exécutif; ils tenaient à ce qu'elle reste indépendante. À Charlottetown et à Québec, on s'entendait pour dire qu'il devrait y avoir un nombre maximal fixe de sénateurs. En d'autres mots, ce ne devrait pas être possible que le Sénat soit surchargé comme l'a été le conseil législatif du Parlement du Canada-Uni au moment où on a adopté le Bill des pertes de la rébellion. Ils le savaient tous. Ça ne faisait que 20 ans que ça s'était produit. De même, s'il y a un nombre maximal, on ne risquerait pas de surcharger le Sénat comme ça a été le cas en Grande-Bretagne au moment de l'adoption de la Loi sur le Parlement en 1911, lorsque les lords ont vu leur veto suspendu.
Peu importe le lieu ou l'époque, on n'a jamais songé que le pouvoir exécutif chercherait à atteindre ses objectifs stratégiques non pas en surchargeant la Chambre haute, mais en faisant exactement le contraire, qui serait de la vider, si on peut dire. L'inaction n'a pas été envisagée parce que ce n'est pas considéré comme un choix possible dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire.
L'article 11 de la Loi constitutionnelle prévoit la constitution d'un conseil privé pour aider et aviser le Gouverneur général. On ne parle pas d'envisager de ne pas fournir d'aide ni de conseil. La limite juridique ou, dans le cas de recommandations du Sénat, la limite conventionnelle qui concerne les mesures discrétionnaires a été fixée parce qu'il fallait protéger la Couronne des conséquences de ses actes en assumant la responsabilité de ces actes. En bref, donner des conseils était un devoir constitutionnel.
Don Desserud, professeur, Département de science politique, Université du Nouveau-Brunswick : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui. Le projet de loi à l'étude est le S-224, qui vise à modifier la Loi sur le Parlement du Canada. Par ce projet de loi, on cherche entre autres à imposer les mêmes conditions pour les vacances du Sénat que celles qui existent déjà pour les vacances à la Chambre des communes, ou du moins des conditions très semblables. On essaie de s'assurer que les sièges vacants au Sénat sont comblés sans trop tarder.
C'est un projet de loi très intéressant qui soulève plusieurs questions pertinentes d'ordre constitutionnel. J'aborderai le sujet en parlant des questions d'ordre constitutionnel et des manières dont elles peuvent ou non être résolues, selon le cas.
La première question consiste à savoir si le Parlement possède la compétence nécessaire pour adopter ce projet de loi. La réponse est sans doute oui, en grande partie, mais les raisons justifiant cette réponse sont, selon moi, moins évidentes que ce qu'on pourrait imaginer.
Aux termes de l'article 44 de la Loi sur le Parlement du Canada, il est clair que le Parlement possède l'autorité unilatérale de modifier sa propre constitution, et la Loi sur le Parlement du Canada fait partie de cette constitution conformément à l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867. Toutefois, comme les sénateurs le savent, il existe quelques restrictions. Une de ces restrictions porte sur le mode de sélection des sénateurs. D'après l'article 42 de la Loi constitutionnelle de 1982, toute modification portant sur le mode de sélection des sénateurs doit se faire conformément à la procédure normale. Nous en avons discuté lors de ma dernière comparution devant le comité, alors vous êtes familiers avec ce sujet.
La question est donc la suivante : est-ce que le fait d'imposer une limite de 180 jours au processus de sélection d'un sénateur serait vu comme une modification au mode de sélection des sénateurs? Peut-être, si on suppose que le Gouverneur général a le droit de recevoir des conseils sur les nominations au Sénat qui sont réfléchis et qui ne sont soumis à aucune restriction de temps. Je dirais toutefois que cet argument serait un peu difficile à défendre, car le Gouverneur général a sûrement le droit lui aussi de recevoir des conseils rapidement.
L'article 32 de la Loi constitutionnelle de 1867 dit simplement qu'en cas de vacance au Sénat, le Gouverneur général doit pourvoir le poste en nommant une personne qui possède les qualifications nécessaires. Le fait que cette démarche soit entreprise sur la recommandation du premier ministre est, bien sûr, une convention constitutionnelle. Il s'agit d'une convention importante, car elle fait partie intégrante de notre système de gouvernement responsable. Cependant, l'article ne fait mention d'aucun échéancier, d'aucun délai. Le Gouverneur général a le droit de retarder cette nomination aussi longtemps qu'il le souhaite, ce qui me semble improbable, car un retard excessif porterait atteinte à l'intégrité du Parlement. -Le premier ministre a aussi le droit de réfléchir à la recommandation qu'il formulera aussi longtemps qu'il le faut, mais, encore une fois, le droit du Gouverneur général de bénéficier de la recommandation en temps opportun prévaudrait certainement.
Le problème consiste à déterminer si la relation à laquelle je fais référence, entre le Gouverneur général et le premier ministre, en ce qui concerne la recommandation demandée, relève du pouvoir de légiférer du Parlement. Cela, je l'ignore. Le projet de loi qui nous est présenté apporte peut-être tout simplement des éclaircissements sur les modalités de cette relation au lieu de les modifier. S'il apporte seulement des éclaircissements sur l'objet de cette recommandation et sur ce qu'elle sous-entend, le Parlement a, à mon avis, le pouvoir de l'adopter. Néanmoins, si ce n'est pas le cas, je crois que vous aurez besoin de plus d'information pour savoir s'il est possible de procéder à un amendement unilatéral.
J'aimerais soulever une autre question, celle de la formulation, car le projet de loi fait expressément appel au premier ministre pour formuler cette recommandation. Cette formulation va à l'encontre de ce qu'on voit habituellement dans les lois, qui font plutôt référence au gouverneur en conseil. La Loi sur le Parlement du Canada ne comporte aucune mention du premier ministre en tant que tel, sauf à deux endroits. On le nomme dans un article sur les traitements et dans un nouvel article en vertu duquel le commissaire aux conflits d'intérêt et à l'éthique relève du premier ministre. Je me demande pourquoi on n'a pas employé le terme « gouverneur en conseil » au lieu de « premier ministre ». Je me doute de la réponse, et vous pourrez peut-être me dire si j'ai raison. Je crois que si le terme « gouverneur en conseil » avait été utilisé, le projet de loi aurait directement touché les pouvoirs et les responsabilités du Gouverneur général, ce qu'on a voulu éviter. Je me demande toutefois si on a bel et bien su éviter ce problème.
Je vous renvoie à une décision rendue par le Président Michener en 1960. Il soutenait que le Parlement ne pouvait pas demander au gouvernement de suivre une voie ou une autre, ce qui fait l'objet d'un débat constitutionnel depuis un certain temps.
J'utilise une formulation ambiguë, car j'ai pris connaissance de ces faits dans un article d'Eugene Forsey, qui soutient que M. Michener avait tort. En effet, il estime qu'il est évident que le Parlement peut demander au gouvernement de suivre une voie en particulier, car il peut formuler des recommandations. Toutefois, l'auteur et le Président concluent tous deux que le premier ministre ou le gouverneur en conseil ne sont pas nécessairement tenus de suivre les recommandations du Parlement.
Je ne comprends pas très bien, car je déduis que le Parlement a probablement le pouvoir d'adopter cette mesure législative et que celle-ci n'aura probablement aucune conséquence sur les autres articles de la Constitution en ce qui concerne la procédure de modification, mais je ne sais pas ce qui se produirait si le premier ministre refusait tout simplement de suivre la loi. Je ne sais pas comment il serait possible de faire respecter une pareille disposition ni si cette loi offre un mécanisme pour veiller à son application.
J'ai devant moi une énigme. Je comprends l'idée et l'objectif de cette mesure, mais je ne suis pas entièrement convaincu qu'elle puisse être mise en œuvre dans sa forme actuelle. Sur ce, je vous invite à poser vos questions.
La présidente : Merci beaucoup. Effectivement, nous avons des questions.
Le sénateur Andreychuk : Merci à vous deux pour vos exposés qui incitent à la réflexion. Vous avez jeté un éclairage intéressant sur ce projet de loi qui, à première vue, semblait sans ambiguïté. Vous en avez fait ressortir les nuances et soulevé les aspects juridiques.
Monsieur Smith, dites-vous que certains des problèmes relatifs à l'absence de nominations existent parce qu'aucun projet de loi n'a été déposé en raison de l'inaction d'autres premiers ministres? Est-ce le nombre de postes vacants qui justifie ce projet de loi, ou existe-il un autre élément déclencheur? Vous avez dit que c'était la déclaration du premier ministre selon laquelle il n'exercerait pas sa prérogative. Vous fondez-vous — sur la déclaration du premier ministre selon laquelle il n'exercerait pas sa prérogative ou sur le nombre croissant de postes vacants au Sénat?
M. Smith : Je pense que c'est le premier argument et non le deuxième. Il semble que cette déclaration ait été prononcée en tant que politique officielle. J'ai ensuite fait une analogie avec les tribunaux. Si le même cas se présentait pour ceux-ci, à savoir que le premier ministre déclarait qu'il ne nommerait pas de juges et laisserait les cours aux prises avec un manque de personnel, cela jetterait le discrédit sur la primauté du droit et sur l'administration de la justice. Pourquoi, alors, en serait-il autrement du Sénat? Manifestement, il y a de nombreuses différences entre les deux instances, toutefois, comment, en principe, la situation serait-elle différente de celle du Sénat? Je mettrai de côté mon point de vue ou le point de vue de quiconque sur la réforme du Sénat. C'est une tout autre question. Les conséquences des actions ou, en l'occurrence, de l'inaction sont en fait presque tangibles d'après ce qui a été dit il y a quelques minutes par les autres témoins.
Je ne vois pas de différence de principe. Le conseiller en chef de la Couronne peut-il ne pas conseiller quand, en réalité, c'est sur conseil uniquement que notre système de gouvernement a été démocratisé? Comment alors peut-on ne pas conseiller? Je ne pense pas que le pouvoir discrétionnaire aille jusqu'au droit de ne rien faire. Il permet de faire toutes sortes de choses, mais je ne crois pas qu'il confère le droit de ne rien faire.
Le sénateur Murray : Quel est le remède?
M. Smith : Je dois sans doute prendre plus de temps pour l'exposer. Je respecte le sénateur Moore et l'amendement proposé. Je crois qu'il est toujours facile, à propos des éléments non écrits de la Constitution comme les conventions, de dire qu'il s'agit de petites choses que personne ne comprend et qui n'ont pas vraiment d'importance. Mais ces éléments sont importants. Ils sont d'une importance fondamentale. C'est toutefois une position d'infériorité puisqu'il s'agit de défendre une cause dont il est difficile de saisir l'importance. En fin de compte, tout vient du fait que nous sommes dans une monarchie constitutionnelle. C'est le représentant du souverain qui agit selon les conseils. Notre programme d'enseignement portait sur le gouvernement responsable et sur ses résultats.
C'est sur ce type de conseil que le Gouverneur général agit. Si vous ne conseillez pas, qu'arrive-t-il? Il me semble que la machine s'arrête. C'est la paralysie. Ce n'est pas seulement qu'il n'y a pas plus de sénateurs. La paralysie touche d'autres secteurs.
Voici un autre aspect de la question. Le Parlement est composé de trois éléments et au moins deux sont touchés par cette inaction. Cela nuit à la Couronne; cela nuit au Sénat et cela touche, dans une certaine mesure, la Chambre des communes par l'intermédiaire du premier ministre.
La question est suffisamment importante pour faire l'objet d'une résolution. Je ne pense pas qu'on devrait apporter des modifications à la Constitution de cette manière, à moins qu'on le fasse savoir clairement. Cette façon de faire masque la réalité, délibérément ou par inadvertance. La question est beaucoup plus importante que cela. Le pouvoir discrétionnaire du premier ministre est, et a toujours été, un aspect important de notre Constitution. L'ignorer en faisant adopter un simple amendement, c'est sous-estimer ce qui se passe ici.
Le sénateur Andreychuk : Le premier ministre a dit qu'il n'exercerait pas sa prérogative et vous avez pris pour exemple les juges. Supposez que le premier ministre dise : « Je ne vais pas nommer d'autres juges parce que je veux mettre en place un autre système de nomination des juges, plus fondé sur le mérite. » Le premier ministre peut mettre sur pied un groupe quasi-judiciaire composé de policiers, d'anciens policiers, d'avocats et de membres du grand public. Ce processus pourrait prendre du temps à se mettre en place. Le premier ministre ne dit pas qu'il ne nommera pas de juges parce qu'il veut priver le système de personnel.
N'est-ce pas la même chose lorsqu'un premier ministre dit qu'il ne nommera pas d'autres sénateurs parce qu'il souhaite la mise en place d'un processus électoral?
M. Smith : Ces questions sont bien trop importantes pour qu'un premier ministre les tranche dans une démocratie. Depuis toujours, nous traitons ce genre de question en ayant recours aux livres blancs ou aux commissions d'enquête parlementaires. Ces questions sont fondamentales pour la façon dont nous nous gouvernons et ne doivent pas être tranchées par un seul individu, même s'il faut reconnaître que les premiers ministres ont beaucoup de pouvoir et que ce pouvoir est nécessaire à bien des égards. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de limites aux pouvoirs du premier ministre.
Je ne pourrais certainement pas imaginer qu'une situation semblable concernant les tribunaux puisse être ignorée. Les tribunaux doivent fonctionner; ils sont le reflet du fonctionnement du gouvernement et ils ne peuvent pas fonctionner si l'appareil judiciaire n'y affecte pas le personnel nécessaire. On peut penser que le même principe s'applique au Sénat. Cela n'a rien à voir avec le fait qu'on veuille ou non réformer le Sénat, ce que beaucoup souhaitent. Certains voudraient même abolir le Sénat, mais là n'est pas notre propos.
Le sénateur Andreychuk : Il me semble que la prochaine élection pourrait permettre d'apporter une solution. Je suis certain que les gens comprennent les problèmes. Si la machine est paralysée, la question ne mériterait-elle pas d'être débattue? Les différents partis pourraient considérer qu'il s'agit d'une question d'une extrême importance sur le plan démocratique, qui doit être soumise aux électeurs lors de la prochaine élection.
M. Smith : Oui, je pense que le rôle du Parlement est de prendre connaissance des dossiers, de les réviser en profondeur et d'informer. Cela n'exclut pas nécessairement qu'il fasse autre chose avant une élection.
Le sénateur Andreychuk : J'insiste sur cet aspect parce que vous avez dit qu'une résolution serait peut-être le moyen de régler la question, ce qui semble suivre le même raisonnement.
Le sénateur Joyal : Monsieur Smith, si vous concluez qu'il y a un droit constitutionnel de conseiller, quelle infraction y a-t-il à ce que notre institution énonce les principes constitutionnels qui sont les nôtres?
Permettez-moi de suggérer une approche. La Cour suprême a statué que les conventions sont une partie très importante de notre Constitution. Le Renvoi relatif au rapatriement de la Constitution a statué que le gouvernement n'avait aucune obligation particulière, en vertu de la Constitution, d'obtenir l'approbation des provinces. La cour estimait néanmoins qu'il existait une convention en ce sens. Elle a statué, pas à l'unanimité, mais à plus de 50 p. 100. La cour en est arrivée à une conclusion après avoir examiné les précédents historiques, à savoir la façon dont ont agi les anciens gouvernements provinciaux et fédéral.
La cour a conclu qu'elle ne pouvait pas empêcher le gouvernement fédéral d'aller de l'avant avec la résolution, mais que cette résolution n'aurait aucune légitimité. Le premier ministre de l'époque a convoqué une autre réunion, et une entente a été conclue.
Une province ne pourrait-elle pas saisir d'un renvoi sa cour d'appel déclarant que le premier ministre a le devoir constitutionnel de conseiller et demander à sa cour d'appel de se prononcer sur ce devoir? Le verdict de la cour n'entraînerait probablement pas une injonction de consulter contre le premier ministre parce que ce n'est pas la procédure adéquate en vertu de notre principe constitutionnel. En revanche, la cour peut conclure, comme vous l'avez fait, à l'existence d'un devoir constitutionnel de conseiller. Au nom de l'intégrité institutionnelle, tant que la Constitution demeure la même, le premier ministre doit respecter les principes. Il doit respecter les principes ou obtenir les approbations nécessaires des autres parties prenantes à la Constitution. M. Desserud a mentionné l'article 42 ou l'article 44, selon l'ampleur des modifications recherchées. N'est-ce pas là un moyen de faire sanctionner par les tribunaux tout manquement à ce devoir constitutionnel?
M. Smith : Bien que je ne sois pas juriste, je crois comprendre que les gouvernements provinciaux ont recours à leurs cours d'appel, comme l'a fait le précédent gouvernement de la Saskatchewan sur la question de la péréquation. Quant au rapatriement de la Constitution, trois cours d'appel provinciales ont examiné le dossier; voilà la base.
Il me semble que le demandeur, bien qu'il s'agisse d'un terme inadéquat dans un renvoi, ou l'instigateur, serait un gouvernement provincial. Il y a des divisions sénatoriales, mais les sénateurs sont affectés à des provinces. La Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique n'ont que trois sénateurs. Je dirais comme argument que nous n'avons que 50 p. 100 du nombre de sénateurs.
Il y a eu des retards dans le passé, mais revenir au point d'en faire une politique d'intérêt public, si cela peut effectivement être vérifié, ce qui me semble possible, il s'agirait alors de l'argument qui justifierait la présentation de cette question à la Cour d'appel, qui déterminerait alors s'il existe effectivement le devoir constitutionnel d'offrir des conseils et si le conseiller en chef de la Couronne fait preuve de négligence en ne fournissant pas ces conseils. Je ne suis pas certain de ce qui se passe par la suite.
Le sénateur Joyal : La question se retrouve à la cour de l'opinion publique.
M. Smith : Il y a une cour de l'opinion publique. Dans les régimes parlementaires, la dynamique politique l'emporte, à savoir l'opinion publique, les médias et ainsi de suite — pas le droit, mais plutôt l'opinion publique.
Le sénateur Joyal : Comme je l'ai dit plus tôt, selon nos principes, une cour ne peut pas adresser une injonction contre un conseiller de la Couronne.
La présidente : Il n'y a, pour autant que je sache, aucun règlement qui interdit les BlackBerry dans les salles de comité, même s'il en existe un qui les interdit dans la salle du Sénat. Une décision de la présidence a été prise à ce sujet. En règle générale, sauf avis contraire, les procédures et les comportements dans les comités sont ceux de la Chambre.
Je n'ai jamais pensé jusqu'à très récemment que les BlackBerry nuisaient au déroulement des activités du comité, et j'aimerais que tous les sénateurs agissent en conséquence.
Poursuivons. Aviez-vous terminé?
M. Smith : Oui, j'ai terminé mon intervention pour ce point.
M. Desserud : Il y a en fait une solution très simple, mais vous allez la trouver scandaleuse lorsque je vous aurai dit de quoi il s'agit. Si le premier ministre n'assumait pas ses fonctions, la prérogative de la Gouverneure générale entrerait alors en vigueur. Elle n'a pas besoin d'attendre des conseils.
Si cela se produisait, et si elle exerçait ce droit, cela entraînerait rapidement une crise constitutionnelle parce que nous ne saurions pas quoi faire. Cela demeure la loi du pays. La Gouverneure générale n'a pas à attendre, et une décision judiciaire, comme vous l'avez décrit, éclaircirait la situation. Il ne s'agit pas réellement de dire à quelqu'un comment fournir des conseils, mais plutôt d'éclaircir la position juridique de la Gouverneure générale en ce qui a trait à la Constitution lorsqu'il faut faire les nominations. Le dossier demeure ouvert.
Je ne veux pas dire qu'il s'agit là d'un geste sensé. Un des avantages du modèle traditionnel britannique que nous avons adopté, c'est que nous favorisons les solutions politiques au lieu des solutions juridiques pour ce genre de problèmes. Cette situation va donc probablement se régler d'elle-même par l'entremise du régime politique, ce qui comprend, comme l'a dit le sénateur Andreychuk, la tenue de la prochaine élection.
Il y a d'autres solutions, et je suis certain que vous y avez pensé, y compris quelque chose de semblable, c'est-à-dire une adresse du Sénat et de la Chambre des communes à la Couronne pour demander une intervention. Il s'agit d'une possibilité juridique pour le Parlement. Il reste à savoir si cela est possible sur le plan politique.
De plus, les sénateurs partisans peuvent rallier les partis de l'opposition à la Chambre des communes pour qu'ils exigent un vote de censure. Votre suggestion, sénateur Joyal, de demander à une province d'intervenir ou de la consulter pour déterminer si elle peut établir son propre renvoi est parfaitement légitime. Ne pensez pas que je recommande la prise de telles mesures, mais si on vous impose une crise, vous pouvez réagir de la même manière pour la repousser.
Cela dit, je suis un peu alarmé par le degré de gravité accordé aux propos du premier ministre lorsqu'il dit qu'il a l'intention de ne pas faire telle ou telle chose. S'agit-il de déclarations stratégiques ou politiques? Si elles étaient faites durant une campagne électorale, nous les interpréterions d'une certaine façon. Si elles étaient faites dans ce contexte, quel serait leur degré de gravité?
Avant de passer à la gestion des crises, domaine que je semble bien maîtriser, comme je l'ai dit, j'aimerais que la situation se calme un peu et ensuite voir ce qui va se produire. Cette loi est intéressante et elle va entraîner d'autres questions. Si la Chambre des communes en est saisie et si un comité l'examine, de nombreuses questions intéressantes seront soulevées. À mon avis, ce serait la façon de faire la plus sûre, c'est-à-dire laisser le projet de loi poursuivre son cours et voir ce qui va se passer. Je ne suis pas aussi inquiet que d'autres personnes semblent l'être à ce sujet.
Le sénateur Milne : Monsieur Smith, vous êtes contre ce projet de loi, mais vous ne nous avez pas offert de solution. Puisque nous subissons les effets de l'inaction actuelle du premier ministre, que devons-nous faire quand il refuse de faire son devoir? Il ne s'agit pas simplement d'une prérogative du premier ministre. C'est, comme vous l'avez mentionné dans votre exposé, un devoir constitutionnel du premier ministre. Vous dites que nous ne pouvons rien faire et qu'il faut laisser faire les choses.
M. Desserud a proposé d'autres approches pour faire face à cette situation, notamment de laisser passer ce projet de loi pour voir ce qu'il va en découler.
Il est peu probable que les deux Chambres du Parlement présentent un exposé à la Gouverneure générale. C'est en fait très peu probable. Ce projet de loi, dans les faits, couvrirait-il de honte le premier ministre, le forçant ainsi à agir?
M. Smith : Je ne sais pas. Je n'ai jamais rencontré le premier ministre.
Grosso modo, je voulais dire que cet enjeu est très important et fondamental. Comme l'a dit mon collègue, il faut s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une fausse alerte.
S'il s'agit d'une situation réelle, je pense qu'elle est extrêmement importante, et à mon avis, si importante qu'il ne suffirait pas de modifier une loi existante pour pouvoir la régler. Bien que je ne voie pas ce que le Sénat puisse faire, je préférerais qu'une province demande une opinion à sa Cour d'appel. Ce sont les intérêts de la province qui sont directement touchés. Je ne sais pas ce que dirait une cour, mais je pense qu'il s'agirait de la solution attendue, et ce, à plusieurs niveaux. D'abord, ce serait un enjeu très public, ce qui est important pour informer le public et lui présenter clairement cet enjeu. Le sénateur Andreychuk a déclaré que cette situation se règlerait, peut-être, dans le cadre d'une élection. Cela pourrait être une autre solution extrême.
Comme je l'ai dit plus tôt, les questions de convention sont subtiles et souvent difficiles à exprimer clairement. Une Cour d'appel serait un forum qui conviendrait davantage à l'examen de l'ampleur des enjeux.
Le sénateur Moore : Monsieur Smith, j'ai écouté les réponses que vous avez données au sénateur Milne. Je ne sais toujours pas quelle est votre réponse concernant les solutions de rechange. Proposez-vous de simplement suivre la politique du premier ministre en ce qui a trait à l'aspect de ce projet de loi qui touche le Sénat?
M. Smith : J'appuie l'intention, le principe ou le motif sous-jacent à la loi imminente. Je pense que l'enjeu est plus fondamental que le recours proposé. Peut-être faut-il prendre des mesures moins évidentes, mais je ne pense pas que cela soit souhaitable. Je préfèrerais nettement qu'on examine l'enjeu de la convention relative aux conseils et qu'on se prononce à ce sujet au lieu de vouloir suivre davantage cette voie.
Le sénateur Moore : La Loi sur le Parlement du Canada exerce déjà des contraintes sur le premier ministre. Il a 180 jours pour déclencher une élection partielle. Si c'est le cas pour la Chambre des communes, pourquoi cette situation ne devrait-elle pas s'appliquer dans le cas du Sénat?
M. Smith : Elle peut s'appliquer, mais la situation est nettement différente. Ce qui se passe concernant le Sénat et l'inaction du premier ministre, c'est que l'on modifie les fondements du Sénat en ne nommant pas les sénateurs. Cela me semble très différent du choix de la date d'une élection partielle pour combler un siège vide à la Chambre des communes.
Le sénateur Moore : C'est tout de même une contrainte quant au pouvoir discrétionnaire du premier ministre sur les deux questions. Une contrainte est une contrainte, peu importe la Chambre qu'elle vise.
M. Smith : Je le répète, je ne suis pas nécessairement en faveur des contraintes relatives au pouvoir discrétionnaire. Je ne suis pas d'accord pour que le premier ministre n'ait pas de pouvoir discrétionnaire. Je crois que c'est une nécessité. Il faut déterminer le degré de pouvoir discrétionnaire et préciser le contexte. Doit-il y avoir des limites? Par contre, je n'ai rien contre le pouvoir discrétionnaire. Je ne crois pas qu'un système parlementaire puisse fonctionner sans le pouvoir discrétionnaire du premier ministre.
Le sénateur Moore : Voulez-vous dire un pouvoir discrétionnaire sans entrave ou sans limite? Je ne parle pas seulement du premier ministre actuel, mais aussi des premiers ministres précédents, peu importe leur parti politique. Je crois que ce n'est pas correct. C'est pourquoi j'ai pris cette initiative.
M. Smith : Vous vous opposez au pouvoir discrétionnaire?
Le sénateur Moore : Je m'oppose au temps qu'ils prenaient. Je crois que les premiers ministres prenaient trop de temps pour combler les vacances et que, ce faisant, ils ne respectaient pas les droits constitutionnels des Canadiens d'avoir des représentants dans les deux Chambres.
M. Smith : La limite actuelle imposée au premier ministre concernant la Chambre des communes est issue de l'opposition publique. Il y a de cela environ 20 ans, le gouvernement a fait l'objet de vives critiques voulant qu'il soit négligeant à cet égard.
Le sénateur Moore : Cette limite ne tenait cependant pas compte du déclenchement séquentiel d'élections partielles, dont tous les premiers ministres ont abusé depuis le redressement dont vous parlez, qui date de 20 ans environ.
M. Smith : Si l'on exige la tenue d'élections partielles, combler les vacances de façon séquentielle semble être une façon raisonnable de fonctionner, à condition d'imposer une obligation légale de combler les vacances. Je ne vois aucune raison justifiée pour m'y opposer. Mon argument principal porte sur le pouvoir discrétionnaire; je ne m'oppose pas au pouvoir discrétionnaire du premier ministre.
Le sénateur Moore : Je me demande ce que vous penseriez si nous faisions l'inverse; c'est-à-dire chercher à prolonger le délai accordé. Nous ne ferions pas cela, n'est-ce pas? Je ne le crois pas.
M. Smith : Non, nous ne le ferions pas.
M. Desserud : Il y a toujours un problème lorsqu'on traite de ces questions constitutionnelles, en particulier les questions qui traitent de conventions. Premièrement, nous déterminons si une chose devrait ou non se produire, si c'est la chose honorable à faire, si les gens devraient la faire et s'ils agissent correctement s'ils la font ou non. Deuxièmement, nous établissons si nous avons le mécanisme ou le pouvoir constitutionnel de forcer une personne à faire ce qui selon nous est la chose honorable à faire.
Les deux questions sont distinctes et il est difficile de maintenir cette distinction. Sur le plan moral, le sénateur a raison : si le premier ministre, en ne nommant pas de sénateur, agit délibérément afin de miner l'intégrité du Sénat, c'est immoral. Avons-nous un recours dans la Constitution pour prévenir cela? Non, nous n'en avons pas de très bons. C'est justement le fait que nous n'en avons pas qui révèle le problème de notre Constitution, y compris, si j'ose dire, le problème lié à notre façon de choisir nos gouverneurs généraux. Nous n'avons pas abordé ces questions. J'avais une liste de solutions possibles lorsque vous parliez plus tôt.
Ma solution est celle du politicologue. Nous, les politicologues, adorons les conférences constitutionnelles. Je sais que je suis bien le seul, mais cette époque me manque. C'est peut-être ce qu'il nous faut. Il ne s'agit pas seulement de la question abordée aujourd'hui, il y en a tant d'autres, notamment la tenue d'élections à une date fixe, dont j'ai déjà parlé, l'élection des sénateurs, la possibilité d'élire des sénateurs, et d'autres encore. Il y a beaucoup d'enjeux de la sorte en cause. C'est peut-être le temps d'une autre série de conférences constitutionnelles.
Le sénateur Murray : M. Smith affirme ne rien avoir contre le pouvoir discrétionnaire. J'en conclus qu'il ne s'oppose pas à l'imposition de limites au pouvoir discrétionnaire du premier ministre, mais qu'il faut déterminer les limites et le contexte; par conséquent, il faut savoir si les limites proposées par le sénateur Moore sont raisonnables dans une société libre et démocratique.
Nous ne nous sommes pas suffisamment penchés sur le fait que le sénateur Moore, un libéral, et ses collègues libéraux, proposent d'appuyer un projet de loi qui, s'il est adopté en temps utile, mènera à la nomination de 20 à 30 conservateurs au Sénat. En fait de noblesse d'âme, il serait difficile de trouver mieux dans toute notre histoire.
En ce qui concerne les intentions du gouvernement à long terme à l'égard de la réforme du Sénat, je crois qu'il faut noter que c'est plutôt une question d'apparence que de réalité.
Le gouvernement a présenté un projet de loi à la Chambre des communes sur la durée des mandats des sénateurs le 13 novembre, je crois. Ce projet a été abordé en Chambre en février pour un débat d'une journée et plus rien n'a été mentionné par la suite. De plus, toujours en novembre, un projet de loi sur de soi-disant élections sénatoriales consultatives a été présenté. En février, on s'est souvenu de son existence et on l'a abordé pour en débattre un peu, puis le projet de loi a été confié à un comité législatif, qui l'étudie sporadiquement depuis. Je crois que l'on peut en déduire que les projets de réforme du Sénat ne font pas partie des priorités du gouvernement.
Le sénateur Moore : Ce n'est pas aussi bon que le projet de loi à l'étude ici.
Le sénateur Murray : Ce n'est pas aussi bon que ma résolution constitutionnelle pour une meilleure représentation de l'Ouest au sein du Sénat.
Madame le sénateur Andreychuk, une élection, peu importe son résultat, ne forcera pas les provinces à tenir des élections sénatoriales. Une élection fédérale ne peut pas les forcer à le faire, et j'ignore combien de gens pensent ainsi.
Ce que je sais par contre, pour l'avoir annoncé au Sénat il y a 18 ou 20 ans, alors que j'étais en mesure de le faire, c'est que, selon le gouvernement, qui avait été conseillé à ce sujet, la loi de l'Alberta concernant les élections des membres du Sénat était ultra vires intégralement, et non seulement par rapport à un ou deux aspects. Mon interprétation, en tant que non-initié, des documents juridiques à ce sujet était, et est toujours, qu'il sera très difficile pour un gouvernement provincial de mettre au point une loi sur l'élection de sénateurs qui restera dans les limites du pouvoir de cette province. Nous n'aboutissons nulle part.
Pour ce qui est de cette abomination que l'on appelle élections sénatoriales consultatives, que le gouvernement a proposée, trois provinces — je crois que c'est bien ça — ont déjà indiqué que non seulement elles ne tiendront pas ces élections, mais que, si le projet de loi est adopté et qu'il obtient la sanction royale, elles le contesteront devant les tribunaux. Je crois qu'il s'agit du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. La solution la plus rapide, évidemment, si le gouvernement était vraiment sérieux au sujet de la réforme du Sénat, ce serait de saisir immédiatement la Cour suprême du Canada du projet de loi afin que cette dernière détermine s'il est constitutionnel que le Parlement agisse unilatéralement.
Une des raisons pour laquelle j'appuie le projet de loi du sénateur Moore, c'est que le premier ministre a fait valoir, et je le prends au sérieux, qu'il ne comblerait aucun poste de sénateur à moins que les candidats ne soient élus. C'est le premier premier ministre à avoir indiqué qu'il n'exercerait pas son pouvoir discrétionnaire. Ma deuxième raison pour appuyer le projet de loi, ou l'un des facteurs à tout le moins, c'est que les prétendus projets de réforme du Sénat proposés par le gouvernement se dirigent lentement vers une impasse, et je crois que le gouvernement le sait pertinemment. J'ignore ce qu'il adviendra de ce projet de loi, mais j'ai l'intention de l'appuyer.
Monsieur Desserud, vous m'avez un peu inquiété tantôt quand vous avez dit que, si le projet de loi était remis en question sous prétexte qu'il nuit à la méthode de nomination et à la prérogative du premier ministre de recommander des candidatures au Sénat comme bon lui semble, il serait possible de voir ce projet de loi simplement comme une façon de préciser les conseils fournis à la Gouverneure générale. Ce qui m'a inquiété, c'est la possibilité que le même argument soit utilisé pour justifier ces horribles élections sénatoriales consultatives fédérales.
M. Desserud : Vous parlez du projet de loi C-20. Je viens de terminer un document sur le projet de loi C-19, et le projet de loi C-20 est devenu sans importance. Dans le document, j'affirme que l'intention du projet de loi C-20 contrevient clairement à la méthode prévue pour la sélection des sénateurs à l'article 42 de la Constitution. Puisque le rôle se limite à formuler des recommandations, comme certains l'ont prédit, il n'est pas nécessaire de suivre ces recommandations. Par conséquent, il est possible d'éviter le problème. Il s'agit d'un moyen détourné de faire les choses.
Comme je l'ai indiqué devant vous l'an dernier au sujet d'un autre projet de loi, nous avons une excellente série de formules de modification dans notre Constitution qui cherchent à parer à toutes les éventualités. En l'espèce, nous ne savons pas vraiment quelles seront les répercussions de la modification proposée. Nous avons à notre disposition une formule générale, et nous devrions nous en tenir à celle-ci. Il s'agit d'un principe constitutionnel de base. En cas de doute, il faut se référer à l'article 38.
Le sénateur Murray : Prétendez-vous que le projet de loi respecte la compétence du Parlement?
M. Desserud : Non, je crois qu'il contourne habilement le problème. Il pourrait toutefois y contrevenir. Tel est le but selon moi, mais puisqu'il a été libellé avec soin, il risque de ne pas donner prise à ce genre de reproches.
La présidente : Le sénateur Murray vous a demandé, me semble-t-il, si le projet de loi C-20 respectait selon vous la compétence du Parlement.
M. Desserud : Peut-être que oui, parce qu'il a été formulé avec soin. Le texte, oui, mais l'intention, non. Je ne dis pas que je souscris à ce projet de loi, mais je pense qu'on pourrait réussir.
Le sénateur Milne : Il semble que les deux projets de loi en question sont inscrits au Feuilleton et feront l'objet d'un débat cette semaine. On les a enfin déterrés. Par l'intermédiaire de ce projet de loi, le premier ministre limite plus étroitement sa prérogative. Il le fait volontairement. Il prévoit la tenue d'élections à des fins de consultation et limite son rôle à la nomination des sénateurs soi-disant élus. L'argument fondé sur la discrétion me paraît renversé.
M. Smith : Ainsi, l'argument voulant que l'on protège l'intégrité du pouvoir discrétionnaire peut être rejeté parce que le premier ministre appuie un projet de loi qui limiterait ce pouvoir?
Il faut, selon moi, savoir à quel point un premier ministre peut aliéner son pouvoir discrétionnaire et si une telle mesure est contraignante pour ses successeurs. Il ne va pas de soi, selon moi, qu'un premier ministre puisse prendre à lui seul une telle décision. Le pouvoir discrétionnaire est assimilable à la souveraineté. Que peut-on faire avec ce genre de pouvoir? Peut-on l'aliéner? Je ne sais pas si c'est possible, surtout de façon permanente. Si nous nous concentrons sur la loi, je ne suis pas convaincu, compte tenu du fait que la loi se veut cohérente et prévisible, que cette interprétation soit défendable.
La présidente : Les débats de notre comité sont toujours très intéressants.
Le sénateur Joyal : J'aimerais reparler du Renvoi relatif au rapatriement de la Constitution. En 1980, le Manitoba, le Québec et Terre-Neuve ont voulu s'opposer au gouvernement fédéral. La convention constitutionnelle ne prévoyait aucune formule de modification. Or, ces provinces n'appuyaient pas l'initiative du gouvernement et voulaient empêcher ce dernier d'aller de l'avant. Lorsqu'il s'est rendu compte que trois renvois distincts seraient présentés à des cours d'appel différentes, le gouvernement a décidé de renvoyer lui-même la question à la Cour suprême du Canada. Le gouvernement fédéral a défié les provinces en invoquant, pour motifs d'ordre juridique, l'interprétation de la nature de la convention.
La Cour suprême du Canada a rendu sa décision. Même s'il s'agissait uniquement d'une interprétation de la convention, cette décision a légitimé l'action du gouvernement fédéral. Le gouvernement s'est efforcé d'obtenir l'accord d'au moins sept provinces. Ensuite, les parties ont convenu d'établir juridiquement et constitutionnellement la formule de modification 7/50, que l'on trouve maintenant à l'article 38 de la Constitution.
Faisons maintenant le parallèle avec la situation actuelle. Le gouvernement fédéral veut forcer les provinces à mettre en œuvre des élections consultatives, municipales ou quelque chose du genre. Un grand nombre de provinces s'y opposent. Je parlerai pour ma province, qui a indiqué publiquement sa position à maintes reprises.
Selon moi, le Québec fait bien de ne pas jouer le jeu. Je suis du même avis que le sénateur Murray, c'est-à-dire que c'est invalide. En ce qui concerne les responsabilités des provinces, l'article 92 ne contient pas de disposition résiduelle, sauf la dernière, qui précise « toutes les matières d'une nature purement locale ou privée ». Or, la question qui se pose n'a rien de local, elle touche une Chambre du Parlement. Je suis fortement de cet avis.
Le gouvernement fédéral veut forcer les provinces à faire les choses d'une certaine façon, mais les provinces opposent une résistance. Comme vous l'avez si bien indiqué, le gouvernement fédéral rétorque en disant que si elles ne suivent pas la voie proposée, les provinces n'auront aucun sénateur pour défendre leurs intérêts locaux et minoritaires, ce qui est très grave. La défense des intérêts minoritaires est l'un des principes fondamentaux de notre pays. Il n'y aurait pas eu de fédération s'il n'y avait pas eu de protection des intérêts minoritaires. Je n'ai pas besoin de vous rappeler l'histoire.
Deux options politiques se présentent aux provinces, soit agir de manière préventive en renvoyant la question à la cour d'appel, ce qui forcerait le gouvernement du Canada à recourir à la Cour suprême, comme ce fut le cas pour le rapatriement. Elles peuvent aussi attendre que le projet de loi soit adopté, puisqu'on a déjà dit publiquement qu'on en contesterait la constitutionnalité.
Monsieur Desserud, bien que le projet de loi C-20 semble respecter, par son libellé, la compétence du Parlement, la Cour suprême en étudierait le but et la portée. Or, ce projet de loi vise essentiellement à établir un processus électoral. Comme le veut le dicton, il faut « appeler un chat un chat ». De même, une élection est une élection.
Tout premier ministre se sentirait sensiblement contraint de nommer un sénateur « élu » plutôt qu'une personne de son choix. Il n'y aurait plus de pouvoir discrétionnaire, sauf en ce qui concerne le choix des personnes à élire, ce qui a pour effet de réduire le bassin des personnes pouvant être élues.
Il me semble que la Constitution, dans son ensemble, nous offre des moyens de trouver une solution. Il y a la voie politique, à laquelle a fait illusion le sénateur Andreychuk, soit une campagne électorale. La Constitution n'ouvre pas la porte au plébiscite et aux référendums. Ce n'est qu'une opinion, mais je pense que certaines provinces, désireuses d'appuyer cette réforme, devront peut-être tenir des référendums, qui s'ajouteraient alors aux élections fédérales. Le Manitoba, la Colombie-Britannique et trois autres provinces ont en place des lois référendaires provinciales pour obtenir l'assentiment de leur population. Autrement dit, les instruments proposés visent à exercer des pressions dans le but d'obtenir un résultat légitime, et ce pour en arriver à une réforme judicieuse et concrète.
Le projet de loi à l'étude, proposé par le sénateur Moore, semble inoffensif, comme vous l'avez dit, en raison de sa simplicité apparente. Il soulève toutefois un grand nombre de questions, puisqu'il a exactement le même poids qu'une résolution constitutionnelle ou l'initiative du gouvernement. Pour sa part, le gouvernement nous propose un moyen de changer les choses et nous invite à voir si c'est possible.
Or, le projet de loi à l'étude propose exactement la même chose. Si ce projet de loi est adopté, quelqu'un en contestera la constitutionnalité ou encore une province renverra la question devant un tribunal. C'est le rôle du Parlement de tenter de trouver une solution à un problème fondamental. Pouvons-nous accepter qu'une institution, une des deux Chambres du Parlement, soit réduite au point de ne plus pouvoir donner des conseils ou son consentement au Gouverneur général dans la forme prescrite et légitime qui constitue sa raison d'être? Il s'agit là d'un élément probant très important de la Constitution.
La présidente : S'agit-il d'une question?
Le sénateur Joyal : N'est-ce pas une façon responsable d'aborder le tout?
M. Smith : Vous présentez d'excellents arguments en faveur cette option, selon laquelle l'échéance devient un motif de contestation de l'inaction du premier ministre en matière de nomination. Est-ce exact?
Le sénateur Joyal : Oui.
M. Smith : C'est une possibilité à laquelle je n'avais pas pensée. Comme la plupart, je crois, j'examinais le problème sous un tout autre angle. Je ne m'étais pas penché sur la question de l'objectif final qui est, comme vous le mentionnez, la contestation de l'utilisation ou l'inutilisation du pouvoir discrétionnaire.
Le sénateur Joyal : Oui, son inutilisation.
M. Desserud : Je suis du même avis que vous, à quelques exceptions près. C'est avec réticence que je le dis, car les discussions ne visent pas le projet de loi C-20, alors nous ne devrions pas nous attarder sur le sujet. Peut-être avez-vous raison, je l'espère, en ce qui a trait à la façon dont la cour réagirait. Je ne suis pas entièrement convaincu. Cela dit, je dois avouer qu'il s'agit probablement de la stratégie la plus raisonnable. Des stratégies présentées, certaines sont dangereuses et d'autres moins raisonnables. En revanche, adopter le projet de loi pour voir ce qui arrivera est une solution comme une autre.
Le sénateur Andreychuk : Vous suggérez d'adopter le projet de loi pour voir ce qui arrivera. N'est-ce pas un peu risqué? Rien ne nous empêcherait d'adopter cette position à l'égard de n'importe quel projet de loi.
M. Desserud : Non, j'affirme que c'est correct, que cela est de votre ressort. Selon moi, c'est une solution compliquée. Vous aurez probablement besoin de conseils éclairés sur certains points qui ne relèvent pas de mes compétences. Dans l'ensemble, c'est une solution acceptable. Jamais je ne vous proposerais une solution anticonstitutionnelle.
Le sénateur Moore : Monsieur Smith, le pouvoir discrétionnaire du premier ministre semble constituer votre principale préoccupation. Ce projet de loi établit des échéances particulières pour certaines choses; il est conforme aux exigences actuelles de la Chambre des communes concernant la dotation des sièges vacants — 180 jours et déclenchement d'une élection partielle.
Nous avons entendu le témoignage de M. Franks un peu plus tôt cet après-midi. Selon lui, les nominations devraient avoir lieu dans les 90 jours suivant les vacances de façon à respecter le droit de représentation des citoyens dans les deux Chambres, lequel est prévu par la Constitution.
Qu'en pensez-vous?
M. Smith : C'est ce que j'ai entendu. Je ne souhaite pas lancer un nouveau débat, mais pourquoi ne pas avoir choisi un délai de 45 jours? Il semble que le choix des échéances ne repose sur rien. Si vous souhaitez obtenir des résultats rapides, fixez une échéance plus rapprochée. Je ne vois pas en quoi l'échéance de 90 jours est préférable à celle de 180 jours. Pourquoi ne pas la devancer encore plus?
C'est l'un des problèmes engendrés par les échéances. Dans la plupart des cas, elles ne vont pas de soi; leur fondement ne va pas de soi. Une échéance est une échéance, elle peut être établie de façon arbitraire. Je n'approuve pas l'échéance de 90 jours. Elle est préférable selon certains, mais pour quelle raison?
Le sénateur Moore : En ce qui à trait aux 180 jours prévus actuellement...
M. Smith : Il y un précédent à cet égard; il y a une cohérence qui semble offrir une certaine continuité arithmétique.
Le sénateur Moore : Cela correspond à ce qui a été fait dans le passé.
M. Smith : Oui; cependant, si on en fait abstraction, ce n'est pas clair.
Le sénateur Moore : Vous ne prolongeriez pas l'échéance jusqu'à 360 jours?
M. Smith : Non. Lors de l'une des réunions précédentes, le sénateur Murray, si je ne m'abuse, avait soulevé cette question. Je suis conscient que les dates des élections sont établies de façon très canadienne — dates d'élection fixes peut-être. Quel est notre sport national, la crosse ou le hockey? C'est un cas d'ambivalence institutionnelle. Nous essayons de répondre à toutes les normes.
Si je me souviens bien, le sénateur Murray se posait la question suivante : Comment procède-t-on dans les cas où le premier ministre dispose de 180 jours pour procéder à une nomination et que des élections pourraient avoir lieu dans 140 jours ou même 220 jours. L'élection serait-elle déclenchée quand même?
Le sénateur Moore : C'est déjà prévu.
M. Smith : Comment?
Le sénateur Moore : Par la Chambre des communes.
Le sénateur Milne : Par la Loi électorale.
Le sénateur Moore : Une section de la loi traite de ce sujet.
M. Smith : Comment est-ce prévu?
Le sénateur Moore : À l'heure actuelle, la loi contient des dispositions à ce sujet.
La présidente : Les témoins sont restés 45 minutes de plus que prévu. Nous les en remercions. Ce fut une séance des plus intéressantes. J'avais vu juste en annonçant à quel point les discussions de notre comité sont fascinantes. Ce fut l'une des séances les plus intéressantes. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Le sénateur Stratton : Ce n'est pas un rappel au Règlement, mais je souhaiterais soulever un point. Selon la règle concernant les dispositifs électroniques dans la salle du Sénat, si un dispositif émet des bruits ou cause des interférences sonores, il est interdit.
Vous pouvez utilisez votre BlackBerry dans la salle ou encore votre ordinateur portable. Les microphones de la salle ont été changés afin d'éviter les interférences sonores.
La présidente : On a essayé d'éliminer les interférences, sans beaucoup de succès.
Le sénateur Stratton : On a réussi à éliminer 99 p. 100 du bruit. Je peux désormais déposer mon BlackBerry sur la table sans causer d'interférence dans la salle. Sauf le respect que je vous dois, c'est la règle.
La présidente : Vous avez tout à fait raison, sénateur Stratton. Ce point a été présenté à la dernière minute, et je voulais éviter de longues discussions étant donné que nous devions traiter d'importantes questions.
Si j'ai bien compris, le Président de la Chambre souhaitait éviter toute interférence dans la salle du Sénat et éviter de perturber les délibérations, de façon générale ou locale.
Le sénateur Stratton : Par le bruit.
La présidente : Par quoi que ce soit.
Le sénateur Stratton : À titre de comparaison, il est possible d'apporter un BlackBerry à la Chambre des communes, madame la présidente.
La présidente : Au moment où cette question a été soulevée, j'ai précisé qu'il n'y avait pas de règle contre leur utilisation ici. J'ai toutefois fait allusion à la nécessité de ne pas interrompre les travaux. Vous vous souviendrez peut-être qu'il semblait y avoir une conversation fascinante liée à quelque chose affiché à l'écran d'un BlackBerry. Cette discussion était, probablement, sur le point de déranger les autres sénateurs qui souhaitaient écouter les propos du témoin.
Le sénateur Stratton : Je suis d'accord avec vous sur ce point.
La présidente : C'est là où je voulais en venir. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une décision, j'estime que c'est une recommandation sérieuse. Je propose de mettre un terme aux délibérations.
Le sénateur Andreychuk : Je propose que l'on soumette la question au comité de direction.
La présidente : Vous pouvez certainement le faire.
La séance est levée.