Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 21 - Témoignages du 11 juin 2008
OTTAWA, le mercredi 11 juin 2008
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel ont été renvoyés le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur les juges, et le projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants), se réunit aujourd'hui, à 16 h 10, pour examiner ces projets de loi.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui pour étudier deux points à l'ordre du jour. Le premier est l'étude article par article du projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur les juges, et le second est l'étude article par article du projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants).
Notre comité de direction a approuvé cet ordre du jour. Je vais donc vous demander, chers collègues, si vous acceptez de passer à l'étude article par article du projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur les juges.
Êtes-vous d'accord?
Des voix : D'accord.
La présidente : L'adoption du titre est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
La présidente : Contre? Adopté.
L'article 1 est-il adopté?
Le sénateur Joyal : Avec dissidence.
La présidente : Adopté, avec dissidence.
Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : Il est entendu que ce projet de loi est adopté.
Des voix : D'accord.
Une voix : Avec dissidence.
La présidente : Adopté, avec dissidence.
Le comité veut-il joindre des observations au rapport?
Des voix : Non.
La présidente : Non.
Il est entendu que je vais faire rapport du projet de loi au Sénat.
Des voix : D'accord.
Le sénateur Joyal : Avec dissidence.
La présidente : C'est donc convenu, avec dissidence. Je le ferai donc, chers collègues, lors de la prochaine séance du Sénat.
Nous passons maintenant au second point de notre ordre du jour, l'étude article par article du projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants).
Pouvons-nous, honorables sénateurs, passer à l'étude article par article du projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants)?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Andreychuk : Non.
Honorables sénateurs, lorsque nous avons étudié ce projet de loi, nous avons entendu de nombreux témoins forts intéressants. Il m'est alors apparu, et j'espère que ce fut aussi le cas de certains de mes collègues, que deux questions se dégageaient de ces auditions. La première est que ce projet de loi va modifier de façon tout à fait fondamentale la façon dont la loi s'applique aux familles, alors que nous n'avons pas eu la possibilité d'étudier en détail et comme il convient les recours disponibles.
Les membres du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, dont je fais partie, ont demandé au ministère de la Justice Canada de procéder à cette étude. Ce comité a estimé très clairement que ce projet de loi touche à la question du châtiment corporel, à la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies et non pas au Code criminel lui-même. Par respect pour ce comité, cette étude me parait tout à fait justifiée.
Le second point est que, tout au long de cette journée historique, nous avons parfaitement réalisé que nous ne devions pas nous immiscer dans la relation entre les parents et les enfants et que nous devions être très attentifs à toutes les conséquences sur les enfants si, de quelque façon que ce soit, nous entendions modifier les dispositions de l'article 43. Deux groupes concernés au premier chef n'ont aucunement été consultés : la collectivité autochtone et les groupes de jeunes.
L'étude que nous avons réalisée de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies a bien montré que nous ne pouvons plus nous permettre d'adopter des dispositions législatives touchant aux enfants sans les consulter auparavant. Nous avons également reconnu, comme la loi le veut, que l'adoption de telles dispositions ne saurait se faire sans avoir consulté la collectivité autochtone. Les membres de cette dernière sont déjà surreprésentés dans les tribunaux et ils devraient être consultés.
Je propose donc que :
Le vote article par article soit reporté de six mois et que le comité demande au ministère de la Justice de procéder à une analyse des recours dont disposeraient les parents et les enseignants si l'article 43 du Code criminel devait être supprimé; et
Que le comité demande à des témoins des collectivités autochtones et des groupes de jeunes leur avis sur les répercussions de l'effacement de l'article 43 du Code criminel.
J'ai le texte de la version française de cette motion.
La présidente : Je vous remercie. Nous allons faire circuler le texte de cette motion.
Nous avons ici une motion de renvoi plus élaborée qu'à l'habitude. Voulez-vous en discuter?
Le sénateur Carstairs : Ce projet de loi est à l'étude au Sénat depuis très longtemps. Je l'ai présenté pour la première fois alors que je venais d'être nommée sénateur au début des années 1990. Il a déjà été adopté par ce comité par le passé et transmis au Sénat.
Il me semble que l'étude que le sénateur Andreychuk demande avec sa motion a déjà été réalisée, dans une large mesure, par le comité qu'elle-même préside sur le droit des enfants. Lors de cette étude, pendant laquelle j'ai assumé la plupart du temps le rôle de vice-présidente, l'élimination de l'article 43 du Code criminel du Canada a reçu un appui écrasant.
Certains ont suggéré que nous pourrions nous inspirer du modèle néo-zélandais parce qu'il fait état de certains des recours que les parents pourraient utiliser. Je dois toutefois dire sans aucune ambiguïté que, tout comme les peuples autochtones méritent les excuses qui leur sont faites aujourd'hui, il en va de même pour les enfants de ce pays.
La présidente : Je vous remercie. Nous avons donc une motion demandant le report du vote article par article de six mois. Il ne me parait pas nécessaire de vous lire le détail des études proposées. Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : D'accord.
La présidente : Ceux qui sont contre?
Des voix : Non.
La présidente : La motion est rejetée.
Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour passer à l'étude article par article du projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants)? Étant donné le résultat du vote auquel nous venons de procéder, je suppose que c'est le cas.
L'adoption du titre est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
La présidente : Contre?
Adopté.
L'article 1 est-il adopté?
Le sénateur Milne : Je souhaite proposer un amendement à l'article 1 qui, je l'espère, sera remis aux membres pendant que je le lis.
Que le projet de loi S-209 soit modifié...
Je le lis alors qu'on vous le remet parce que je vais ensuite demander au sénateur Joyal de le lire en français.
Je propose :
Que le projet de loi S-209 soit modifié à l'article 1, à la page 1, par substitution, à la ligne 5, de ce qui suit :
« abrogé et remplacé par ce qui suit :
43. (1) Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un enfant confié à ses soins, pourvu que le recours à la force vise uniquement à :
a) empêcher qu'un préjudice soit causé à l'enfant ou à une autre personne, ou en réduire l'ampleur;
b) prévenir un comportement de nature criminelle chez l'enfant ou l'empêcher de poursuivre dans cette voie;
c) prévenir une conduite excessivement dérangeante ou offensante chez l'enfant ou l'empêcher de poursuivre dans cette voie.
(2) Pour l'application du paragraphe (1), « force raisonnable » s'entend de l'usage d'une force qui est transitoire et minime dans les circonstances. »
Le sénateur Andreychuk : Il me semble que tous les membres de ce comité ont fait face à la même question, et je ne crois pas qu'il y ait de désaccord sur cette question. Il me semble que nous avions un consensus assez large sur cette question.
La présidente : Permettez-moi, avec votre permission, de vous poser une question, sénateur Andreychuk. Souhaitez- vous proposer d'autres amendements? Ce projet de loi n'ayant qu'un article, si tous étaient déposés, nous saurions alors précisément de quoi nous allons parler.
Le sénateur Joyal : J'allais proposer la même chose.
La présidente : Toutefois, si vous lancez la discussion sur cet amendement...
Le sénateur Andreychuk : Non, je prétendais en introduction que nous ne traitons pas ici de châtiment corporel. Je crois que nous avons entendu des éléments de preuve passablement convaincants de l'Association du Barreau canadien, du Conseil canadien des avocats de la défense, de l'association représentant les avocats ontariens de la défense, ainsi que d'autres organismes, que nous ne discutons pas ici des violences faites aux enfants, quelque soit la forme de coups donnés. Nous convenons que les châtiments corporels sont d'une autre époque. La Cour suprême du Canada a imposé de telles restrictions à ces châtiments que le débat a porté sur les autres cas dans lesquels l'exercice de l'autorité parentale et le respect de directives sont nécessaires, sur la nécessité de punir à l'occasion les enfants, sur celle d'un contexte familial et d'un environnement leur permettant de grandir dans de bonnes conditions, et sur la nécessité, dans certains cas, de quelques interventions des parents.
L'objet du débat est que, si vous interdisez le châtiment corporel et effacez l'article 43, vous laissez un vide. Les parents ou les enseignants pourraient être accusés de voies de fait sans disposer de recours dans les cas de mesures raisonnables, si je peux les appeler ainsi, destinées à venir en aide aux enfants et peut-être à en aider d'autres dans des situations comparables.
Avec mes collègues de ce côté-ci de la table, nous avons chercher comment préciser que les châtiments corporels doivent être interdits dans certains cas, alors qu'ils peuvent être justifiés dans d'autres, et donc que ce type de recours devrait être conservé.
J'ai étudié trois amendements possibles sur ce point.
La présidente : Mon Dieu, allez-vous tous les présenter?
Le sénateur Andreychuk : Je vais en présenter un et peut-être que, avec votre permission, nous pourrons discuter d'autres formulations possibles.
La présidente : Sénateur Olivier, faites-vous appel au Règlement?
Le sénateur Oliver : Oui, j'en appelle au Règlement. Avec votre permission, j'aimerais vous demander, madame la présidente, s'il serait utile de demander au sénateur Milne de parler de son amendement et de passer ensuite à un autre. Cela m'aiderait à comprendre ce qui se passe, au lieu d'avoir une pile de documents sur cette table.
La présidente : J'étais prête à recevoir tous les amendements et à passer ensuite à une discussion générale. Vous vous souviendrez que c'est ce que j'ai dit il y a quelques instants.
Voilà maintenant que le sénateur Andreychuk se lance dans la discussion, avant que sa motion n'ait été déposée. Je m'en remets à vous, chers collègues. Préférez-vous commencer par entendre une explication de la motion présentée par l'opposition, et passer ensuite à une explication de la motion du sénateur Andreychuk?
Le sénateur Milne : Je préférerais prendre connaissance de toutes afin de pouvoir conserver le meilleur de chacune. J'imagine que nous voulons tous la même chose.
La présidente : Le sénateur Andreychuk avait la parole et je vais lui demander de faire preuve d'indulgence. Je vais demander au sénateur Joyal s'il peut nous décrire brièvement quel est le but visé par l'amendement présenté par le sénateur Milne. Je crois savoir qu'il y aurait eu un accord antérieur à cet effet.
Le sénateur Joyal : Je ne veux pas interrompre le sénateur Andreychuk, qui faisait déjà son exposé.
Le sénateur Andreychuk : Non, je crois qu'il faut s'efforcer de trouver la bonne formulation pour deux raisons. La première est pour signaler que le châtiment corporel n'est pas acceptable et, la seconde, que d'autres mesures destinées à imposer des limites et des changements de comportement devraient continuer à être prévues par l'article 43, afin de pouvoir les invoquer comme moyen de défense face à toute accusation de voie de fait.
Je m'efforce de trouver la meilleure formulation pour ne pas rendre toute la jurisprudence en la matière obsolète. Nous sommes le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et nous nous devons de conserver la jurisprudence fort utile qui s'est accumulée avec le temps. Dans l'affaire de la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law, la Cour suprême du Canada a indiqué de façon très détaillée comment s'applique la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies et dans quelle condition le recours à l'article 43 du Code criminel ne constitue pas une violation de la Charte. Il s'agissait de conserver l'intégrité de la jurisprudence accumulée jusqu'ici tout en nous permettant de faire ce que nous voulons faire.
La présidente : Que proposez-vous?
Le sénateur Andreychuk : Je propose que nous disions simplement :
Que soit modifié le projet de loi C-209, article 1, page 1, en substituant à la ligne 5 ce qui suit...
Le sénateur Milne : En avez-vous des copies à nous remettre?
Le sénateur Andreychuk : Oui. J'essayais simplement de trouver ma version française parce que j'ai diverses formulations.
La présidente : Nous pourrions peut-être faire circuler la copie anglaise, et ensuite les copies françaises.
Le sénateur Joyal : Faites très attention. Cela fait l'objet d'une question de privilège dans un autre comité.
La présidente : C'est exact. Nous allons distribuer les deux copies ensemble.
Le sénateur Joyal : Pour éviter tout type de discussion, il vaudrait mieux que nous ayons les deux en même temps, mais je ne veux pas être tatillon.
La présidente : Il est parfois bon d'être tatillon.
Le sénateur Joyal : Je crois que vous saisissez ce que je veux dire.
La présidente : Oui, je saisis. C'est bien d'être tatillon pendant l'étude article par article.
Le sénateur Andreychuk : Je peux le lire. Je propose :
Que soit modifié le projet de loi S-209, article 1, page 1, en substituant à la ligne 5 ce qui suit :
« est remplacé par ce qui suit :
43. Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force, mais non un châtiment corporel, pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances. »
La présidente : Puis-je vous demander ce que cela change.
Le sénateur Andreychuk : Cela ajoute l'expression « mais non un châtiment corporel. »
La présidente : ... au texte de l'article 43 actuellement en vigueur?
Le sénateur Andreychuk : Oui, au texte actuel de l'article 43. Nous pourrions également discuter de la possibilité d'utiliser une autre formulation comme « pour imposer des limites et un contrôle ». Je dis ceci pour tenter de clarifier les choses et non pas pour ajouter à la confusion. Ce serait une solution.
On pourrait aussi dire « pour donner des directives et imposer des punitions » si le mot « correction » pose une difficulté. Il s'agit de trouver une solution simple sans se lancer dans tout un débat. L'amendement de base pourrait donc consister tout simplement en l'ajout de l'expression « mais non un châtiment corporel », si je peux utiliser cette formule plus courte.
La présidente : J'en reviens au sénateur Joyal pour lui demander de nous parler de l'amendement précédent qui a été présenté.
Le sénateur Joyal : Je crois que les honorables sénateurs vont constater que l'amendement présenté par le sénateur Milne a pour effet, dans une certaine mesure, je ne dirais pas de contredire le projet de loi, mais de restaurer l'article 43. Comme vous l'avez constaté, l'article 1 dit « L'article 43 du Code criminel est abrogé. » Nous savons que, dans sa version originale, le projet de loi devait l'effacer du texte du Code criminel.
La présentation par le sénateur Milne de cet amendement ramène l'article 43. En réalité, si vous lisez les trois premières lignes du premier alinéa, ainsi que de l'article 43, c'est pratiquement mot pour mot le même texte. Il ne fait aucun doute que, à mon avis, cette proposition reprend dans une certaine mesure la position présentée par le Barreau du Québec dans sa lettre du 30 mai 2008.
Je vais vous citer le dernier paragraphe de cette lettre avec votre permission. Je ne sais pas si je dois le traduire. Le texte est en français. L'avez-vous en anglais? Je vais m'en tenir en français et je crois que vous en avez une copie. Je vais le lire lentement :
[Français]
Nous sommes d'avis que la réduction archaïque de l'article 43 laisse à désirer, car elle pourrait autoriser la brutalité gratuite à l'égard des enfants, ce qui est manifestement faux.
[Traduction]
En d'autres termes, le barreau interrogeait sur le titre donné à l'article 43 dans sa forme actuelle. On lit ensuite dans cette lettre :
[Français]
En conséquence, nous sommes favorables à l'idée de réécrire l'article 43 afin que sa rédaction reflète la portée véritable de l'exception.
[Traduction]
En d'autres termes, il propose de réécrire l'article 43 afin de tenir compte des divers éléments retenus dans la décision antérieure de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Canadian Foundation que nous connaissons tous. Il poursuit :
[Français]
Il serait donc infiniment préférable de proposer une définition modernisée du moyen de défense ...
[Traduction]
... il s'agit du point mentionné précisément par le sénateur Andreychuk.
[Français]
— qui aurait l'avantage de protéger les droits des enfants tout en reconnaissant aux parents et aux éducateurs, dans les limites acceptables, le pouvoir et l'autorité dont ils ont besoin pour s'acquitter de leurs responsabilités.
[Traduction]
En d'autres termes, le Barreau du Québec affirme que nous avons besoin de l'article 43 du Code criminel. Cet article doit toutefois offrir certains moyens très précis de défense et nous devons convenir que les parents, les enseignants ou les personnes ayant la garde des enfants peuvent, dans certains cas, être autorisés à faire usage de la force.
L'idée de châtiment corporel a été exclue, en elle-même. C'est ce que dit le barreau à la première ligne. C'est ainsi que la proposition du sénateur Milne répond à la proposition du Barreau du Québec, en proposant une définition de ce qui constitue une « force raisonnable, » qui n'est pas définie actuellement par l'article 43. Cet article 43 se lit comme suit :
Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force...
Le texte de l'article ne fixe aucune limite à la force. L'amendement du sénateur Milne propose de définir « force raisonnable », en s'inspirant de la décision de la Cour suprême dans le cas Canadian Foundation. Il s'agit donc d'exercer une force de nature « transitoire », soit pendant une durée très courte, et « minime dans les circonstances ». Cette dernière expression signifie que la force en question doit être évaluée dans le contexte dans lequel elle a été utilisée.
En d'autres termes, on respecte pour l'essentiel les paramètres de la décision de la cour dans le cas Canadian Foundation. Il ne fait aucun doute que les divers sous-alinéas, qui définissent le contexte dans lequel une force raisonnable peut être utilisée, correspondent à ce que le comité a entendu de personnes de Nouvelle-Zélande au sujet des amendements antérieurs à leur propre code, au sujet de ce qu'ils appellent des mesures disciplinaires domestiques.
Pour répondre aux préoccupations du sénateur Andreychuk, la force ne peut être utilisée pour appliquer une correction. C'est exclu très clairement. En second lieu, les paramètres définis dans la décision de la Cour suprême du Canada, dans le cas concernant la Canadian Foundation, sont pris en compte, tout comme les leçons que nous avons tirées des expériences de la Nouvelle-Zélande.
L'article 43 est donc maintenu dans le Code criminel, ce qui constitue une modification importante au projet de loi présenté par le sénateur Hervieux-Payette. C'est essentiellement l'objectif ici.
La présidente : Nous allons maintenant passer à la discussion de nature générale sur les deux points dont il est question ici.
Le sénateur Carstairs : Je dois dire que certains aspects des deux amendements me plaisent. L'ajout que fait le sénateur Andreychuk de l'expression « mais non un châtiment corporel » me plaît beaucoup. Je crois que nous pourrions insérer cette expression dans l'amendement du sénateur Milne, et cela nous donnerait un tout se tenant bien. Nous pourrions dire qu'un parent « est fondé à employer la force pour corriger un enfant, mais non un châtiment corporel ». Nous pourrions ensuite définir les limites comme nous l'avons fait.
La présidente : J'ai une question peut-être naïve. Vaut-il mieux insérer cette expression au paragraphe (2), celui de la définition : « [...] s'entend de l'usage d'une force qui est transitoire et minime dans les circonstances, et qui ne constitue pas un châtiment corporel »?
Le sénateur Carstairs : Je crois que le point auquel s'attaque le sénateur Andreychuk est la perception que cela se pratique depuis des générations dans ce pays, bien que l'article 43 parle de « force » il n'a pas été interprété comme « châtiment corporel ». Si nous pouvons, avec notre amendement, effacer l'expression « châtiment corporel » tout en accordant encore aux parents certains moyens de défense, il me semble que c'est une approche raisonnable à retenir.
Peu m'importe que cela figure dans le premier ou dans le dernier paragraphe. L'intention serait de nous débarrasser de l'image que cela donne, à savoir qu'il est acceptable de donner des claques, des coups, et de pousser un enfant.
La présidente : Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter?
Le sénateur Andreychuk : Le point sur lequel je tiens à insister est que rien de tout cela n'aura de sens si les familles se retrouvent devant les tribunaux. Les gouvernements successifs ont dit aux parents d'utiliser d'autres méthodes pour corriger les comportements des enfants, de ne pas les frapper, leur donner de coup et de ne pas recourir à la violence.
Il me semble qu'il vaudrait mieux utiliser l'expression « force raisonnable » et vous pourriez insérer « mais non un châtiment corporel » au début.
Le sénateur Joyal : Il se peut que je sois hors sujet. Sénateur Carstairs, je comprends la logique de votre position, mais j'insérerais immédiatement après « à employer une force raisonnable, mais non un châtiment corporel. » Je l'ai vu ailleurs. Non, elle a dit n'importe où où vous voulez le mettre. Toutefois, en toute équité, je proposerais de l'inscrire ici.
La présidente : Sénateur Carstairs, puis-je fais l'hypothèse que vous présentez un sous-amendement?
Le sénateur Carstairs : Vous pouvez effectivement faire l'hypothèse que je présente un sous-amendement avec « mais non un châtiment corporel » et vous pouvez décider, madame la présidente, où vous voulez inscrire cette expression.
La présidente : Ce sous-amendement est proposé par le sénateur Carstairs,
Que l'amendement proposé par le sénateur Milne soit ensuite modifié en insérant l'expression « mais non un châtiment corporel » à la suite de « à employer une force raisonnable » dans le texte proposé pour le paragraphe 43(1).
Je crois que c'est ce que nous avons proposé.
Il semble que personne ne veuille intervenir sur ceci. Pouvons-nous passer au vote sur le sous-amendement?
Le sénateur Joyal : Puis-je le traduire en français?
La présidente : Oui. C'est une bonne idée.
Le sénateur Joyal : Je vais emprunter une traduction en français au sénateur Andreychuk, si elle me le permet. En anglais, nous aurions « other than corporal punishment. »
[Français]
En français, ce serait : mais non un châtiment corporel.
[Traduction]
C'est la traduction française utilisée par le sénateur Andreychuk dans la version française de son amendement.
La présidente : Que tous ceux qui sont en faveur du sous-amendement disent oui. Il s'agit simplement d'indiquer très clairement de quoi nous discutons ici. Que tous ceux qui sont en faveur du sous-amendement le disent.
Contre?
Adopté.
Le sous-amendement est donc adopté.
Nous avons maintenant devant nous l'amendement modifié du sénateur Milne, et l'amendement du sénateur Andreychuk. Quelqu'un d'autre veut-il prendre la parole?
Le sénateur Andreychuk : J'ai déjà pris la parole, mais je vais le faire une seconde fois.
Je continue à lire la décision de la Cour suprême du Canada dans le cas Canadian Foundation, et la décision majoritaire pour être plus précis. J'ai aussi lu les décisions dissidentes et, si elles présentent un certain intérêt, je crois que la Cour suprême a fait un travail tout à fait louable en parvenant à comprendre le droit international découlant de la Convention relative aux droits de l'enfant, et à intégrer les besoins des enfants, des parents et des enseignants d'aujourd'hui. Elle parvient à un équilibre qui m'est apparu très utile, pour nous amener à utiliser d'autres méthodes pour corriger les enfants.
Cela signifie que notre société a évolué, et la Cour suprême l'a parfaitement saisi, que les châtiments corporels, tels que nous les entendions — nous avions l'habitude de dire mon père m'a fait ceci ou mon grand-père a fait ceci à mon père... Nous avons beaucoup évolué pour arriver à ce que d'autres types de châtiment sont plus adaptés que les châtiments corporels. Je crois que la Cour suprême était presque rendue à cette affirmation. Elle a donné l'exemple des enfants de deux à 12 ans, mais ce fut une décision tout à fait louable.
La difficulté que me pose l'amendement, dans la forme proposée par le sénateur Milne, est qu'il précise le type d'intervention que peut se permettre un parent ou un enseignant en énumérant précisément les méthodes A, B et C. La vie n'est pas si simple pour les familles de nos jours. Comme l'a rappelé le sénateur Cochrane, qu'en est-il des enfants autistes?
Lorsque je siégeais au tribunal, il y a 20 ans, les enfants dont j'avais à m'occuper ne consommaient pas les mêmes types de drogues qu'aujourd'hui. Nous n'avions pas la technologie dont nous disposons aujourd'hui. Il n'était pas question d'abus sur Internet ni de prédateurs sexuels comme ce l'est aujourd'hui. La tâche que cela représente aujourd'hui pour les enseignants, les parents, et je dois dire également pour les enfants, est d'une complexité incroyable.
J'aimerais que le texte de la motion tienne compte du fait que nous allons continuer à évoluer. La jurisprudence nous amène jusqu'à aujourd'hui. Les politiques sont valides jusqu'à aujourd'hui. Nous ne savons pas ce dont les parents auront besoin dans deux ou trois ans, et la loi n'évolue pas aussi rapidement, je dois bien le reconnaître. Donc, si nous adoptons la motion que j'ai présentée, elle accorde une plus grande marge de manœuvre que celle du sénateur Milne pour aller de l'avant en s'appuyant sur la jurisprudence actuelle.
La motion présentée par le sénateur Milne est louable en elle-même également parce qu'elle fait état des besoins actuels et réels. La mienne élargit simplement cette possibilité pour les tribunaux.
Si vous vous souvenez de ce qu'a dit la Cour suprême, le fardeau de la preuve avant de recourir à toute force incombe aux adultes ou aux parents, qui doivent déterminer que cette force est absolument nécessaire. Il ne s'agit pas d'agir sous le coup de la colère. Cette force doit être appliquée de façon minime et transitoire. Dans cette mesure, le sénateur Milne a bien saisi les répercussions de la décision de la Cour suprême. Cela me paraît une bonne chose.
Les chiffres étant ce qu'ils sont dans ce comité, comme nous le disons toujours, et nous pouvons compter, je préférerais mon amendement au sien. Je vous demanderais de l'étudier, même si je pense qu'actuellement reconnaître les besoins des parents et des enseignants, comme le fait le sénateur Milne, est une bonne chose.
Le sénateur Milne : Je m'apprêtais à faire remarquer que nous en sommes au même point. Nous essayons de faire exactement la même chose. Mon amendement est plus précis, mais j'en suis satisfaite parce qu'il définit « force raisonnable ». Cela me paraît très important.
Le sénateur Joyal : Puis-je dire quelque chose au sénateur Andreychuk?
La présidente : Vous pouvez, parce que vous n'avez pas encore pris la parole sur ce sujet jusqu'à maintenant.
Le sénateur Joyal : Je peux attendre.
Le sénateur Carstairs : Je crois qu'il y a deux choses que nous ne devrions pas ignorer. La première est que le cas qui a été soumis à la Cour suprême du Canada visait essentiellement à déterminer si la Charte confère des droits aux enfants. La Cour suprême a fait bien plus que de préciser si la Charte confère des droits aux enfants, mais c'était le cas.
Ce qu'elle a dit, sur le fond, était que, dans la plupart des cas, la Charte ne confère pas de droits aux enfants. Vous devez être adulte pour disposer des droits définis par la Charte. Je crois cependant que les juges de la Cour suprême sont allés aussi loin qu'ils le pouvaient dans leur jugement afin de limiter le niveau de force physique utilisée contre un enfant, mais j'aime beaucoup l'amendement qui a été présenté dans le texte commençant au a) et se terminant au c) qui, en réalité, limite encore davantage ce qu'autorise la loi.
Je tiens également à rappeler au sénateur que ce projet de loi comporte un article 2. Ce serait irresponsable de la part du gouvernement de ne pas profiter de l'année qui va s'écouler entre l'adoption de ce projet de loi et son entrée en vigueur, soit une durée d'un an, sans indiquer aux parents, d'un océan à l'autre, ce que signifie la disposition du projet de loi.
Je ne pense pas que ce gouvernement soit irresponsable et je ne crois pas que les gouvernements à venir le seront en ce qui concerne la nécessité d'utiliser cette année pour informer comme il convient.
Le sénateur Joyal : J'ai écouté attentivement ce qu'a dit le sénateur Andreychuk et je veux rappeler aux honorables sénateurs que la décision de la Cour suprême dans l'affaire Canadian Foundation n'a pas été unanime. Il y a là un piège. Cela signifie que si vous regardez qui sont les juges dissidents et qui sont les juges majoritaires, vous allez constater que nombre d'entre eux ne sont plus là. Je peux citer leurs noms sans nuire à leur réputation. Le juge Gonthier est parti, le juge Major est parti, le juge Bastarache est parti, le juge Iacobucci est parti, tout comme le juge Binnie. La composition de la cour va changer et une décision partagée comme celle-ci, si elle était soumise à nouveau à la cour, pourrait aboutir à une interprétation différente.
Il semble important de restreindre la portée de l'article 43, si nous le gardons, et je crois qu'il s'agit là d'une mesure de protection très importante dans le contexte de la décision et pour protéger les droits des enfants tels que définis par les tribunaux.
Il me semble qu'une décision aussi partagée est une lame à double tranchant et, comme l'a dit le sénateur Carstairs, que nous sommes dans un domaine où le comportement de la société évolue. Ce qui était accepté alors que nous étions enfants ne l'est plus. Nous savons tous cela fort bien. C'est pourquoi nous ne voulons pas de châtiment corporel. Nous tous, dans nos rôles respectifs, et je crois pouvoir parler au nom de chacun d'entre vous, pouvons avoir subi des châtiments corporels légers lorsque nous étions enfant. Peut-être pas beaucoup, mais un peu.
Dans le contexte d'aujourd'hui, ce n'est pas acceptable. Ce que sera la situation dans x nombre d'années nous échappe. Il faudra voir l'évolution. Le fait que la décision ait été si partagée, et lorsque vous lisez les arguments de chacun des juges, le choix est difficile, il me paraît intelligent de redéfinir le contenu de l'article 43 comme nous le faisons maintenant. Il atteint l'objectif consistant à protéger, comme l'a dit à juste titre le sénateur Andreychuk, une partie de la jurisprudence qui nous a été donnée par les tribunaux dans ce domaine jusqu'à maintenant.
La présidente : Sénateur Andreychuk, je sais que vous voulez faire des commentaires sur ceci. Toutefois, votre collègue, le sénateur Stratton, n'a pas encore eu la chance de s'exprimer.
Le sénateur Stratton : Non, mon approche est différente.
Le sénateur Andreychuk : Je me suis battue pour les droits des enfants, mais je suis tout à fait d'accord avec la cour quand elle dit qu'il ne s'agissait pas là d'une violation de la Charte, parce qu'un traitement égal n'est pas la même chose qu'un traitement identique. Je crois qu'un traitement égal est l'équité pour les enfants — je continue à revenir à la lecture de la convention qui traite du droit à une famille, du droit à grandir dans un contexte favorable, dans lequel vous êtes soumis à une discipline, corrigé, on s'occupe de vous, vous êtes respecté et aimé. C'est l'idéal que nous voulons pour tous les enfants. Il ne s'agit pas de dire que toute mesure prise par un parent ne peut pas être considérée comme inappropriée quand il utilise un certain niveau de force. C'est dans le meilleur intérêt de l'enfant.
La vulnérabilité des enfants tient à ce que la Convention relative aux droits de l'enfant dit que les enfants obtiennent l'intégralité de leurs droits quand ils parviennent à la maturité. Il y a des droits transitoires, et vous ne grandissez donc pas en un seul jour avec tous les droits qu'un adulte a, vous grandissez en même temps que les droits. Ce sont des droits transitoires. En conséquence, les meilleurs outils pour un enfant dans tous les cas sont les parents, qu'il s'agisse de parents adoptifs, de grands-parents ou de qui que ce soit, mais de quelqu'un qui s'intéresse à vous et qui s'occupe de vous, et qui vous permet de grandir dans un contexte favorable.
J'ignore de quoi aura l'air ce contexte pour les enfants de demain. Il ne me semble pas que les opinions majoritaires et minoritaires de la Cour suprême étaient si différentes l'une de l'autre. Elles ont divergé sur la question du châtiment corporel. Il me semble que les juges étaient d'accord pour convenir qu'il fallait une certaine forme de comportement correctif. C'est pourquoi je cherche la meilleure marge de manœuvre possible, parce que nous savons que notre législation sur la protection des enfants ne dit pas ce qu'est un parent idéal. Les lois sur la protection de l'enfant sont en place, et l'État va intervenir si vous ne respectez pas les normes minimales imposées. Nous espérons que les parents en font davantage que ce que l'État exige comme minimum avant d'intervenir.
Malheureusement, il y a des parents et des enfants qui se situent en dessous de cette norme minimale. Nous voulons laisser une marge de manœuvre aux parents. Nous avons une société très diversifiée avec des intérêts, des cultures et des histoires différentes, et tout cela aide un enfant à développer l'image qu'il a de lui-même. Je demande davantage de souplesse, mais au moins de reconnaître la nécessité des interventions des enseignants et des parents. Je pourrais continuer éternellement.
Le sénateur Stratton : Je vais passer du niveau de la Cour suprême à celui de l'enseignant. Je me suis demandé ce que penserait un enseignant? Je suis allé rencontrer une enseignante d'un conseil scolaire de Winnipeg et je lui ai demandé quelle expérience elle a de la violence dans une salle de classe. Je lui ai demandé si c'est quelque chose qu'elle a à affronter. Dispose-t-elle d'une aide pour en venir à bout? Quelqu'un de l'extérieur lui apporte-t-il de l'aide? Elle m'a regardé et m'a expliqué que depuis quelques années, ils installent des boutons d'urgence dans toutes les salles de classe. Si elle appuie sur le bouton, quelqu'un vient. Pas la police, mais un responsable vient s'occuper de la situation.
Ce qui me préoccupe est de m'assurer que toutes les mesures que nous prenons dans ce domaine ne vont pas aboutir à la présence de la police dans les écoles. Je trouverais cela épouvantable. La police ne veut pas de ce travail. Cela donne une image erronée aux étudiants. C'est pourquoi j'étais en faveur de retenir ce projet de loi et de nous donner le temps de parler aux gens qui seront directement touchés dans leur mode de vie : les enseignants, les Autochtones, les gens à qui nous n'avons pas parlé.
Nous en avons discuté ici mais nous n'en avons pas parlé aux gens qui seront directement touchés. À mon avis, c'est une erreur, une erreur fondamentale.
Le sénateur Oliver : Je suis d'accord avec le sénateur Milne quand elle dit que les deux amendements proposés essaient de parvenir au même résultat et de résoudre la même difficulté posée par l'article 43. Toutefois, en examinant la formulation des deux, je constate une différence philosophique fondamentale dans la façon dont ils abordent la question.
Dans l'amendement du sénateur Andreychuk, il y a l'emploi du mot « correction ». Dans l'autre, on évoque ce qu'un enseignant peut faire avec un enfant qui lui est confié et les conditions dans lesquelles certaines choses peuvent se faire. Ces conditions sont A, B et C.
En tenant compte de cette différence philosophique entre les deux approches à ce nouvel article 43, quelle est la formulation qui accorde la plus grande marge de manœuvre aux enseignants et aux parents? Je crois que le sénateur Andreychuk a raison. En utilisant le terme « correction », qui est confié aux soins d'une personne si la force ne dépasse pas un niveau raisonnable dans les circonstances. Je voulais simplement signaler cela.
La seconde chose est que je me demande si toutes les personnes qui doivent se soumettre à cet article, tel que modifié, s'il a force de loi, vont réellement comprendre ce qu'on entend par châtiment corporel. Aucun de ces amendements n'essaie de définir ce dont il s'agit. Quel type de punition est un châtiment corporel et comment devrait l'interpréter un enseignant, un conseil scolaire ou une personne.
Le sénateur Merchant : J'ai moi aussi tenté d'aller voir des enseignants, sans succès, mais j'ai déjà enseigné. Je crois, et je le dis parce que cela me préoccupe un peu, que nous soyons constamment inquiets au sujet de la police, des parents ou des familles. J'ai dit ceci la semaine dernière également, que nous devrions étudier la question du point de vue des droits de l'enfant.
C'est pour cet aspect des choses que je suis d'accord avec le sénateur Andreychuk, en ce sens que nous n'avions pas entendu le point de vue des enfants. Si nous devons tant nous préoccuper de ceux qui ont grandi, je crois que nous faillons à notre tâche si nous ne pensons pas d'abord aux enfants.
La présidente : D'autres interventions?
Le sénateur Joyal : Puis-je poser une question au sénateur Carstairs? Bien évidemment, je n'ai pas été enseignant alors que je crois que vous l'avez été. Comment réagissez-vous à ces propositions et à l'utilisation de l'expression « force raisonnable » dans les écoles ou dans les salles de classe, en fonction de votre expérience?
Le sénateur Carstairs : J'ai enseigné pendant 20 ans. J'ai enseigné au second cycle du secondaire, et également au premier cycle, ce qui veut dire de la septième à la 12e année. Je sais que le sénateur Cochrane a également enseigné.
Comme étudiante, je me souviens que la ceinture de cuir était la forme la plus manifeste de châtiment corporel. Je me souviens que toute la classe avait été fouettée à cause du mauvais comportement d'un enfant.
Il ne fait aucun doute qu'il y a de la violence dans les écoles aujourd'hui. Il arrive fréquemment qu'une enseignante doive séparer deux enfants. Franchement, elle peut devoir pousser les deux au loin. C'est pourquoi vous devez avoir une définition de « force raisonnable ». Il peut s'avérer nécessaire de séparer ces deux enfants.
Je crois que la notion de « châtiment corporel » est assez facile à définir. Je crois qu'elle signifie « utiliser une force excessive contre un enfant ». Les tribunaux l'ont définie très clairement. Ils ont précisé que vous ne pouvez pas utiliser un objet ni frapper un enfant sur la tête. Je suis d'avis que toutes ces définitions figurant dans les divers jugements étaient positives, si ce n'est qu'elles affirmaient que vous pouvez commencer à utiliser un certain niveau de force entre les âges de deux et 12 ans.
Dans le système scolaire, les enfants les plus tapageurs sont ceux de 13 et 14 ans, pas ceux de cinq ans. Les tribunaux vous disent que vous ne pouvez pas frapper un enfant d'un an, 11 mois et 27 jours. Toutefois, attendez une semaine parce que vous pourrez alors le faire. On vous dit ensuite que lorsque l'enfant a atteint son 12e anniversaire, vous ne pouvez plus le faire parce que cet enfant a atteint un certain niveau de maturité. Je dois vous dire que certains enfants de 12 ans ont atteint un niveau de maturité bien au-delà de ce que vous pourriez attendre de façon réaliste et que d'autres enfants de 12 ans sont totalement hors de contrôle.
Je crois que vous connaissez tous ma préférence. Je prends le projet de loi tel qu'il est. Je comprends les arguments qui nous ont été présentés mais, à moins que nous en prenions l'initiative, les parents n'auront aucun recours. Si un enfant est en danger et qu'ils prennent les mesures pour mettre cet enfant hors de danger, nous le savons, en théorie, que le droit de nécessité s'applique, mais ils vont se sentir gênés dans une certaine mesure si nous abrogeons la totalité de l'article 43. Même si je ne suis pas convaincue qu'ils en ont besoin, je suis prête à le leur donner.
Toutefois, en ce qui concerne la « force raisonnable », je crois que c'est l'objet du programme de relations publiques que nous avons lancé. Je suis d'avis que les parents vont rapidement comprendre ce qui est raisonnable et ce qui ne l'est pas. Frapper un enfant avec une rallonge électrique n'est pas raisonnable. Pousser un enfant du haut d'un escalier n'est pas raisonnable. Et encore, avant les décisions des tribunaux, il y a des cas dans les annales juridiques du Canada dans lesquels les juges ont dit « une force raisonnable a été utilisée conformément à l'article 43 ».
La présidente : Merci, sénateur Carstairs.
Le sénateur Cowan : Je n'ai pas eu l'occasion d'entendre nombre des témoins qui ont traité de cette question devant le comité. Je m'en excuse.
J'ai écouté les discussions aujourd'hui et je comprends le problème auquel les gens ont à faire face. Je ne suis pas convaincu que nous n'ajouterions pas la possibilité d'une certaine confusion dans l'esprit des gens si nous devions insérer ces mots au sujet du châtiment corporel.
Dans l'ébauche de l'amendement, on utilise l'expression « force raisonnable » et « force transitoire et minime dans les circonstances ». Je suis d'avis que les gens comprendraient ces concepts. Je crois que les parents et les enseignants pourraient comprendre de quoi il s'agit.
La présidente : Vous vous souvenez peut-être que nous avons voté en faveur d'un sous-amendement pour insérer ces termes. Si vous voulez rouvrir cette question, nous pouvons le faire.
Le sénateur Cowan : Non, la question était y a-t-il une définition de « châtiment corporel »? Je ne connais pas la réponse à cette question. S'il n'y en a pas, ajoutons-nous un concept ou une phrase sans en donner de définition? Si c'est le cas, et ce ne sont pas tous les mots du Code criminel qui doivent être définis, s'agit-il d'un terme qui, s'il est inséré dans ce texte, doit être défini? Si c'est le cas, comment peut-on le définir?
La présidente : Si je me souviens bien, dans le cas Canadian Foundation, la Cour suprême du Canada a utilisé l'expression « châtiment corporel » sans la définir, ce qui m'amène à faire l'hypothèse que la Cour a estimé que cette expression était parfaitement compréhensible. « Corporel » veut dire physique et « punition » veut dire punition, à la différence de prévention ou de contrainte.
Le sénateur Baker : Oui, mais dans ces circonstances, vous l'utilisez comme une exception. J'aurais tendance à être d'accord avec le sénateur Cowan que, dans ce cas-ci, nous devrions en donner une définition. Si vous utilisez le terme au sens générique et qu'ensuite vous définissez ce qui est permis et ce qui ne l'est pas, c'est une question. Quand vous utilisez les termes pour désigner une exception à la règle, comme avec l'insertion que vous faites dans ce cas-ci, entre deux virgules, je m'attendrais à ce que vous en donniez une définition.
La présidente : Je crois que le sous-amendement dans la forme où il a été adopté ne comportait pas de virgule.
Le sénateur Baker : Je croyais qu'il en avait.
La présidente : Je prends note de votre point.
Tel que je l'ai dicté, le sous-amendement à l'amendement du sénateur Milne n'avait pas de virgule. L'amendement proposé par le sénateur Andreychuk a des virgules.
Le sénateur Baker : C'est bien. Je vois.
Le sénateur Andreychuk : Cela modifie-t-il votre opinion?
Le sénateur Baker : Non.
Le sénateur Milne : Nous avons déjà voté sur cette question.
La présidente : Chers collègues, puisque cette question a été soulevée, voulez-vous rouvrir le sous-amendement.
Des voix : Non.
La présidente : Dans ce cas, nous allons passer à l'étude des amendements qui nous ont été présentés.
Le sénateur Joyal : En faisant appel au Règlement, je tiens à signaler que le terme « punition » figure à l'article 43 du Code criminel. Le concept de punition se trouve dans le Code criminel, sénateur Cowan. Tout le monde va comprendre que le mot « corporel » veut dire toucher au corps humain. Je ne crois pas que cela soulève beaucoup de questions.
Le sénateur Andreychuk : Il y a peine capitale et peine corporelle.
Le sénateur Joyal : Oui. Ces termes se trouvent dans de nombreux articles du Code criminel.
La présidente : Je vous remercie de cette précision.
Le sénateur Cowan : Puis-je préciser le rappel au Règlement?
Je suis reconnaissant au sénateur Joyal d'avoir attiré l'attention sur la définition de « châtiment corporel ». Dois-je comprendre que « corporel » serait alors compris par tout le monde comme voulant dire toucher, poser la main ou n'importe quoi tenu à la main sur un corps humain?
Le sénateur Baker : Cela n'est pas raisonnable, n'est-ce pas, sénateur Carstairs?
Le sénateur Carstairs : C'est l'une des exceptions.
La présidente : Je crois que c'est le sens que j'ai entendu autour de cette table.
Il me semble, à titre personnel, que « châtiment corporel » est une expression comprise de tous. C'est une expression plus largement et plus facilement comprise que d'autres qui se trouvent dans la législation. Ce n'est là qu'une opinion personnelle.
Le sénateur Andreychuk : Elle est comprise plus facilement que « activité terroriste ».
Le sénateur Oliver : Sénateur Baker, pouvez-vous alors me dire ce qu'est une « voie de fait »?
La présidente : C'est une question qui prête beaucoup plus à débat.
Chers collègues, je crois que nous avons eu une bonne discussion sur ces deux propositions.
Elles sont devant nous et je propose maintenant que nous passions au vote. Tout d'abord, je propose que nous passions maintenant au vote et, comme nous avons deux motions distinctes, nous aurons deux votes sur les motions dans l'ordre dans lesquelles elles nous ont été présentées. Je crois que nous pouvons tous convenir que si nous acceptons l'un des amendements, pour l'essentiel, nous rejetons l'autre.
Cela dit, je vais maintenant vous demander chers collègues, de porter votre attention sur l'amendement proposé par le sénateur Milne, tel que modifié.
Devons-nous adopter l'amendement tel que modifié?
Des voix : D'accord.
La présidente : Contre?
La présidente : Adopté. Je m'excuse, abstentions?
Des voix : Oui.
La présidente : Adopté, avec abstentions.
Nous avons encore devant nous la motion présentée par le sénateur Andreychuk.
Le sénateur Oliver : Vous venez juste de dire que si l'une est adoptée, il n'est pas nécessaire de traiter de l'autre.
La présidente : Eh bien, je vais maintenant vous demander chers collègues, si nous devrions maintenant considérer que cet amendement a été retiré?
Le sénateur Carstairs : D'accord.
Le sénateur Joyal : D'accord.
La présidente : Nous pouvons tenir un vote si le sénateur qui l'a proposé le souhaite, mais nous avons déjà voté en faveur d'un amendement qui, pour l'essentiel, l'emporte sur celui-ci.
Le sénateur Andreychuk : Je dois dire que vous m'avez prise par surprise parce que ce n'avait pas l'intention de le retirer. Je comprends qu'il a été annulé.
La présidente : Dans ce cas, je propose simplement de décider qu'il a été annulé, avec dissidence, j'imagine?
Le sénateur Stratton : Non.
La présidente : Non. Il a alors été simplement annulé.
Le sénateur Andreychuk : Juste une autre question, puisque nous avons un esprit collégial ici.
Ce qui me préoccupe est que nous sommes en juin et que nous savons comment les choses se déroulent...
La présidente : Nous pourrions peut-être finir l'étude article par article?
Le sénateur Andreychuk : Non, je me demandais s'il reste de la place pour une autre motion. Je suis vraiment préoccupée par ce qui touche à l'éducation. Je reconnais et j'apprécie que la personne proposant l'adoption de ce projet de loi y ait apporté des modifications pour qu'il ne s'applique pas immédiatement.
La présidente : Parlez-vous de l'article 2 du projet de loi?
Le sénateur Andreychuk : Probablement.
Le sénateur Joyal : Oui, cela figure à l'article 2.
La présidente : Je ne crois pas que nous ayons encore tout à fait fini avec l'article 1.
Le sénateur Andreychuk : D'accord.
La présidente : L'article 1 modifié est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : Contre? Abstentions?
Des voix : Abstention.
La présidente : Adopté, avec abstentions.
L'article 2 est-il adopté?
Le sénateur Andreychuk : Pour l'essentiel, l'auteur du projet de loi a pris en compte que l'éducation est extrêmement importante et a prévu une période de mise en œuvre d'un an. Il semble qu'une durée d'un an n'est pas réaliste. Je veux savoir si les gens seraient d'accord pour la porter à deux ans. Je ne veux pas déposer d'amendement maintenant, mais j'aimerais que mes collègues me disent s'ils seraient d'accord pour prévoir une période de deux ans pour l'éducation en tenant compte de façon réaliste de la façon dont le gouvernement fonctionne et dont les politiques sont mises en œuvre, en particulier quand il y a une dimension provinciale très importante, comme avec les enseignants et avec toutes les autres personnes.
La présidente : Nous avons ici une discussion préalable à une motion. Avez-vous des commentaires?
Le sénateur Carstairs : Je ne crois pas que cela soit nécessaire. Soyons réalistes. Cela ne franchira pas l'étape de la Chambre des communes cette année. En cas de prorogation de la session, Dieu seul sait combien de temps cela prendra.
Il est à espérer que mes collègues de l'autre côté de la table, et en particulier les collègues du Cabinet et du ministère de la Justice, estimeront que si ce texte franchit l'étape du Sénat, il pourrait aussi être réaliste qu'il franchisse ensuite l'étape de la Chambre des communes. Ils pourraient alors mettre les programmes en place.
Cet amendement a été proposé dans le projet de loi du sénateur Hervieux-Payette et dans mes projets de loi comme nécessaires. Je crois que si vous portez ce délai à deux ans, les gouvernements vont retarder toute mesure de un à deux ans.
Le sénateur Stratton : Accepteriez-vous un délai d'un an?
La présidente : Il y a déjà un délai d'un an.
Le sénateur Carstairs : J'accepte un délai d'un an.
Le sénateur Stratton : Vous acceptez donc un an.
Le sénateur Joyal : Je comprends ce que veulent dire le sénateur Carstairs et le sénateur Andreychuk. Nous devrions envisager d'adopter l'article 2 tel qu'il est. Nous pouvons toujours y apporter des modifications en troisième lecture si cela nous paraît utile, après consultation avec le ministère de la Justice ou de qui que ce soit d'autre, si nous estimons qu'il vaudrait mieux inscrire deux ans. Nous pouvons apporter des modifications lors de la troisième lecture.
Je comprends le point du sénateur Andreychuk, mais je ne suis pas en mesure de lui répondre par oui ou par non. Il ne semble pas déraisonnable de prévoir deux ans. Par contre, si les gens qui détiennent l'information peuvent nous dire dans l'intervalle qu'un an est acceptable, je m'en remettrai à leur expérience. Je ne sais pas. Je ne peux répondre ni oui ni non. Je comprends également le point du sénateur Carstairs, soit qu'il faut bien que les choses se mettent en route à un moment donné. C'est pourquoi je suggère que nous adoptions le texte tel quel. Nous entendrons ensuite ce que les gens impliqués dans le transfert d'information au procureur général ont à dire, et cetera, si cela se révèle plus logique.
Le sénateur Andreychuk : Je propose une motion pour reporter ce délai à cause de la nécessité de consulter les collectivités autochtones. Un grand nombre des nouvelles collectivités autochtones dont je m'occupe ont des systèmes scolaires sur leurs réserves. Elles ont également des systèmes de bien-être pour les enfants. Nous n'avons pas mené ce genre de consultation préalable comme l'a fait la Nouvelle-Zélande. Ce pays a organisé des consultations, comme nous l'ont dit ses représentants, avant et après, avec la communauté maorie. Nous ne l'avons pas fait.
Étant un peu pessimiste, comme le sénateur Carstairs, si nous ne faisons rien pour dire que cela est nécessaire, cela ne se fera pas. J'aimerais ajouter quelque chose qui laisserait suffisamment de temps pour permettre aux communautés de s'impliquer d'une certaine façon dans ce processus législatif.
La présidente : Je dois préciser ici, pour que cela figure au procès-verbal, que nous avons invité le ministère de la Justice à déléguer de fonctionnaires devant ce comité et il semble qu'il ait été d'avis que les témoignages précédents dans les versions antérieures de ce projet de loi aient suffi.
Le sénateur Andreychuk : Oui, et nous avons utilisé les témoignages des témoins du comité précédent lors des travaux de celui-ci.
La présidente : Oui, nous l'avons fait, de ce comité et du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.
Le sénateur Carstairs : Je ne me souviens pas que l'on m'ait jamais indiqué qu'un an ne suffisait pas.
La présidente : Moi non plus, mais je ne saurais prétendre me souvenir de tout pour l'instant.
Le sénateur Andreychuk : Non, ils l'ont fait, non pas parce qu'ils ont été appelés à témoigner au Comité des droits de la personne et qu'ils se sont demandé pourquoi les recours étaient nécessaires à l'article 43 du Code criminel. Je ne crois pas que nous les ayons interrogés sur la période de mise en œuvre à ce moment-là.
La présidente : Pour être honnête, il y a eu, à l'occasion, quelques discussions pendant les travaux de ce comité, mais ça n'a pas été un sujet dominant de notre demande d'information. D'autres discussions sur ce sujet?
L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : Contre?
Le sénateur Stratton : Avec dissidence.
La présidente : Adopté, avec dissidence.
Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
La présidente : Contre? Abstentions? Adopté.
Il est entendu que ce projet de loi est adopté tel que modifié.
Des voix : D'accord.
La présidente : Contre?
Des voix : Avec dissidence.
La présidente : Adopté, avec dissidence.
Le comité souhaite-t-il étudier la possibilité de joindre des observations au rapport?
Le sénateur Milne : Non, il se suffit à lui-même.
Le sénateur Joyal : Non, nous ferons des discours à la troisième lecture.
Le sénateur Stratton : Au Sénat, c'est là que cela compte.
La présidente : Pas d'observations.
Il est entendu que je vais faire rapport sur ce projet de loi tel que modifié au Sénat.
Des voix : D'accord.
La présidente : Je vous remercie, chers collègues.
Je ferai rapport sur le projet de loi demain.
Ce fut un après-midi très occupé. Merci beaucoup à tous. Notre prochaine réunion se tiendra dans cette salle demain matin, à 10 h 45, et nous y poursuivrons notre étude du projet de loi S-225.
La séance est levée.