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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 1 - Témoignages du 10 décembre 2007


OTTAWA, le lundi 10 décembre 2007

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la Loi.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonjour à tous, j'aimerais présenter notre témoin qui comparaît aujourd'hui. Il s'agit de M. Réjean Lachapelle, directeur à la Division des études démolinguistiques de Statistique Canada.

En vertu de la Loi sur les statistiques, il incombe au gouvernement du Canada, par l'entreprise de Statistique Canada, de fournir des statistiques concernant la population canadienne et les différents secteurs d'activités de la société canadienne. Statistique Canada effectue un recensement aux cinq ans, le dernier ayant été effectué en 2006. Les données de ce recensement portant sur la langue ont été publiées le 4 décembre 2007. Il est à noter que les données sur les langues autochtones seront publiées dans un document analytique du recensement de 2006, qui sera diffusé le 15 janvier 2008. Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial des langues officielles, monsieur Lachapelle.

Je m'appelle Maria Chaput, présidente du comité. À ma droite, on retrouve les sénateurs Comeau, Murray et Goldstein, et à ma gauche, le sénateur Poulin. Je vous cède maintenant la parole, monsieur Lachapelle.

Réjean Lachapelle, directeur, Division des études démolinguistiques, Statistique Canada : Madame la présidente, j'aimerais, avant de commencer, vous présenter Mme Sylvie Portelance, qui m'accompagne afin de nous aider à visionner les diapositives. Je vous remercie de m'avoir invité à présenter les résultats du recensement 2006 relatifs aux principales variables démolinguistiques.

[Traduction]

Mon exposé est fondé sur des données de Statistique Canada publiées le 4 décembre ou avant et portant sur le recensement de 2006 et les recensements précédents. Demain, le 11 décembre, nous publierons une analyse préliminaire fondée sur une étude de la vitalité des minorités de langue officielle. Si vous le souhaitez, nous serons heureux d'en présenter les résultats à votre comité à une prochaine réunion.

[Français]

Le recensement de 2006, comme celui de 2001, comportait sept questions linguistiques. C'est le recensement qui, dans le monde, comporte le plus de questions linguistiques posées aux recensés. Il y a une question sur la connaissance du français et de l'anglais, une deuxième sur la connaissance des langues non officielles, une autre également sur la langue maternelle, c'est-à-dire la langue apprise en premier lieu à la maison, dans l'enfance, et encore comprise. Il y a également une question posée sur la langue parlée le plus souvent à la maison, laquelle est suivie d'une question complémentaire sur les autres langues parlées régulièrement à la maison. Cela fait cinq questions. Deux autres questions sont posées sur la langue de travail. Les résultats seront dévoilés en même temps que les données sur le marché du travail et sur le lieu de travail le 4 mars 2008.

Je tracerai, aujourd'hui, un portrait de l'évolution de la répartition de la population selon la langue maternelle ou la langue la plus parlée à la maison. À la fin, j'aborderai rapidement quelques données sur l'évolution du bilinguisme. Nous avons tracé l'évolution des langues maternelles autres que le français ou l'anglais chez les groupes allophones depuis 1951 au Canada.

Nous constatons que, dans l'ensemble — la courbe en rouge pour le Canada, en vert ou en noir pour le Québec, la courbe la plus basse, la courbe en bleu pour le reste du pays, la courbe la plus haute —, à la fois le nombre et le poids de la population qui a pour langue maternelle ni le français ni l'anglais augmentent rapidement depuis une vingtaine d'années. Cela tient à la montée de l'immigration internationale, laquelle est composée d'une proportion importante d'immigrants allophones.

La diapositive suivante concerne l'utilisation d'une langue officielle chez la population allophone. Vous voyez ici un graphique qui témoigne que l'utilisation d'une langue officielle à la maison par les immigrants allophones augmente au fur et à mesure que le séjour au Canada se prolonge. Prenons l'exemple des immigrants allophones qui sont arrivés au cours de la période 1961-1970, 22 p. 100 parlaient français ou anglais à la maison en 1971, 46 p. 100 en 1991 et 53 p. 100 en 2006. Donc, au fil du temps, l'usage du français à la maison ou de l'anglais se répand. C'est ce qui explique que, au Canada, l'usage des langues autres que le français ou l'anglais, et le plus souvent à la maison, est moins répandu que la proportion qu'elle représente comme langue maternelle.

La courbe du bas représente la proportion de la population canadienne qui parle une tierce langue ou qui ne parle ni l'anglais ni le français à la maison. La courbe est plus basse, mais on constate qu'il y a une montée de ces tierces langues, que ce soit comme langue maternelle ou comme langue parlée le plus souvent à la maison.

Il va de soi que, si un groupe minoritaire augmente en proportion du fait de l'immigration dans la population, comme le total de la répartition est égal à 100, il faut qu'il y ait d'autres groupes qui diminuent en importance. En général, il s'agit des groupes majoritaires.

Dans ce graphique, je présente l'évolution de la proportion de la population qui parle anglais comme langue maternelle ou comme langue le plus souvent parlée à la maison.

On voit, tant dans l'ensemble du Canada qu'à l'extérieur du Québec, l'importance de l'anglais, soit comme langue maternelle, soit comme langue parlée le plus souvent à la maison, qui diminue depuis une vingtaine d'années. L'anglais profite des transferts linguistiques des allophones et des francophones, et c'est pourquoi la courbe sur la langue parlée le plus souvent à la maison est toujours plus élevée.

Pour ce qui est du français dans l'ensemble du pays, on constate que l'importance du français comme langue parlée à la maison est peu différente de celle de langue maternelle française. Mais il est important de noter l'évolution à la baisse.

Depuis 1951, la proportion que représentent les personnes de langue maternelle française a constamment diminué. C'est d'une part attribuable aux transferts linguistiques, et d'autre part, à la baisse de la fécondité depuis le milieu des 1960, ainsi qu'à l'effet de la forte immigration internationale.

Il faut toutefois noter que, en nombre, le français langue maternelle est néanmoins en progression, même si en proportion on observe une diminution.

Au Québec, lorsque l'immigration est forte et qu'on observe une augmentation de la proportion des allophones, en particulier en relation avec l'immigration, on s'attend à ce qu'il y ait une baisse du groupe majoritaire. C'est ce qu'on observe au Québec, en particulier de 2001 à 2006. Pour la langue maternelle, elle passe de 81,4 p. 100 à 79,6 p. 100. C'est une proportion qui avait déjà été observée, en 1931, mais la proportion avait ensuite augmenté assez rapidement durant la crise et la guerre : l'immigration étant faible et la fécondité des francophones élevée.

On observe également une baisse de la langue d'usage française; la langue parlée plus souvent à la maison passe 83 p. 100 à 82 p. 100 environ.

Ce qui est important de noter c'est que en1971, le pourcentage des personnes parlant le français à la maison était du même ordre de grandeur et représentait la même proportion que celles qui avaient le français comme langue maternelle. Un écart s'est créé au fil du temps et le français a donc bénéficié des transferts linguistiques en proportion croissante.

Je prendrai quelque temps pour examiner la situation des francophones à l'extérieur du Québec. On présente ici une évolution en proportion; une baisse régulière depuis 1951 de la proportion de la langue maternelle française de 7,3 p. 100 en 1951 à 4,1 p. 100 en 2006. Pour la langue d'usage à la maison, on ne dispose de données que depuis 1971. En 1971, la proportion était de 4,3 p. 100 et elle est maintenant de 2,5 p. 100.

Dans le cas de la langue d'usage à la maison, on observe une réduction dans les effectifs puisqu'elle est aujourd'hui de l'ordre de 605 000, alors qu'elle était de 676 000 en 1971. Pour la langue maternelle, l'effectif est de 975 000, en légère baisse par rapport au recensement précédent où l'on avait un effectif de 980 000. La principale raison de cette baisse de l'effectif de la langue maternelle française à l'extérieur du Québec, qui avait été précédé d'une hausse d'environ 10 000, tient aux échanges migratoires entre le Québec et l'ensemble des autres provinces et territoires.

Le solde net du Québec dans la population francophone était fortement négatif; de l'ordre de moins 9 000 personnes, le nombre de départs du Québec vers le reste du pays était donc supérieur au nombre d'arrivées au Québec de 9 000 entre 1996 et 2001. Tandis que de 2001 à 2006, il y a un gain de 5 000 du Québec, et on voit que c'est relié en partie aux échanges avec l'Ontario qui avait des gains de plus de 5 000 entre 1996 et 2001. Ensuite, on a observé des pertes migratoires au cours de la dernière période quinquennale.

Pour ce qui est de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, il y a d'ordinaire des gains. Ils sont très légers en Colombie-Britannique, tandis que dans les provinces de l'Atlantique en général, il y a des pertes migratoires dans la population francophone.

Un phénomène est beaucoup suivi, d'un recensement à l'autre; c'est ce qu'on appelle les taux de transfert linguistique ou de mobilité linguistique soit la proportion de la population de langue maternelle française qui utilise l'anglais comme langue le plus souvent parlée à la maison. Elle a augmenté de 2001 à 2006. On le voit dans presque toutes les provinces, exception faite d'une légère baisse à l'Ile-du-Prince-Édouard et aussi en Colombie-Britannique. Mais le niveau dans certaines provinces, comme en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, excède 70 p. 100.

La conséquence de ces phénomènes se traduit dans la répartition par âge. Comme c'est le cas dans l'ensemble du pays, on voit que la population francophone vieillit en raison d'une faible fécondité.

Ce qui est en rouge, c'est la population observée par groupes d'âge en 2006; en jaune c'est pour 1971. C'est une période qui s'échelonne sur 35 ans. On peut noter que les baby-boomers était âgé de 5 à 24 ans en 1971.

On retrouve ce groupe fort important dans la catégorie d'âge 40-59 ans en 2006. Chez les francophones plus jeunes, ceux qu'on observe en 2006, leur effectif diminue rapidement. Cela tient d'une part à la baisse de la fécondité et aux transferts linguistiques qui font que les mères ne transmettent pas toujours le français comme langue maternelle à leurs enfants.

À l'extérieur du Québec, ce qu'on voit dans ce graphique, c'est que les enfants de moins de 5 ans sont équivalents en nombre aux personnes de 75 à 79 ans et qu'ils ont un effectif trois fois plus faible que celui des personnes de 45 à 49 ans qui correspondent au sommet du baby-boom.

Passons maintenant à l'évolution de la situation linguistique au Québec. En fait, je passerai directement à l'évolution de la proportion que représentent les allophones ou la population dont la langue maternelle est autre que le français ou l'anglais ou encore que la langue parlée le plus souvent à la maison est ni l'anglais ni le français. C'est la courbe du bas.

On observe le même phénomène que dans l'ensemble du pays, les allophones sont moins nombreux comme langue parlée le plus souvent à la maison que comme langue maternelle, mais il y a une poussée à la hausse depuis les 20 dernières années en raison là aussi à une montée de l'immigration.

Il faut néanmoins noter que pour les allophones qui parlent le français ou l'anglais à la maison, au Québec, une proportion croissante d'entre eux adoptent le français. En 2006, une proportion de 51 p. 100 a choisi le français et 49 p. 100 l'anglais, alors qu'en 2001, 46 p. 100 choisissaient le français et, en 1996, 39 p. 100. Le phénomène se retrouve également et de façon encore plus accentuée dans la population immigrante, moins dans la population non immigrante, mais tous les indicateurs sont à la hausse quant à l'orientation vers le français des transferts linguistiques.

Si on s'attache au recensement de 2006, dont on a dévoilé les résultats la semaine dernière, chez les immigrants allophones qui ont fait le choix soit du français soit de l'anglais comme langue parlée à la maison, on observe que chez ceux qui sont arrivés — évidemment, cela ne représente pas la totalité des immigrants, mais souvent seulement 20 ou 25 p. 100 des immigrants qui, peu de temps avant ou après leur arrivée, ont adopté soit le français soit l'anglais — dans les années qui ont précédé le recensement 2006, les trois quarts s'orientent vers le français.

La présidente : Puis-je vous demander de clore, Monsieur Lachapelle?

M. Lachapelle : D'accord. Dans ce cas, avant de terminer, j'aimerais vous indiquer que, pour la première fois, entre 2001 et 2006, on a observé une stabilisation de la proportion de la population anglophone au Québec, dont la proportion était à la baisse depuis fort longtemps, en fait depuis plus d'un siècle. Quant aux effectifs, pour la première fois depuis 1976, ils ont augmenté. C'est une première.

J'aimerais aussi vous faire part d'informations portant sur l'évolution du bilinguisme dans la population de langue maternelle anglaise à l'extérieur du Québec. Au Québec, le bilinguisme est en très forte croissance dans la population de langue maternelle anglaise. Ici, à l'extérieur du Québec, ce qu'on observe, c'est que le bilinguisme est en baisse à l'âge où normalement il atteint un sommet, soit de 15 à 19 ans. Vous voyez qu'il était à 16 p. 100 en 1996, il est maintenant à peu près à 13 p. 100 en 2006.

Avant de terminer, j'aimerais vous indiquer que le site de Statistique Canada contient un texte analytique très étoffé et un diaporama encore plus complet que celui-ci, incluant des dizaines de cartes thématiques sur les langues à travers tout le pays ainsi que des centaines de tableaux. Tout cela est à la disposition de tous les Canadiens et Canadiennes, mais comme c'est sur internet, j'ajouterai que c'est à la disposition de tout le monde sur la planète, bien entendu.

La présidente : Merci beaucoup. Merci de votre compréhension, je suis certaine que vous auriez pu continuer. Je vais vous lancer la première question.

Je suis une francophone du Manitoba et voici ma préoccupation : Le questionnaire du recensement demande aux répondants d'identifier la langue « la plus souvent » parlée à la maison et, plus loin, la langue parlée « régulièrement » à la maison. Lorsque les résultats du recensement sont annoncés, j'ai l'impression qu'on ne parle que de la langue « la plus souvent » parlée à la maison et ne pas tenir compte des résultats de la deuxième partie de la question.

Je vous donne un exemple : À Radio Canada, on a affirmé qu'au Manitoba, seulement 20 000 personnes utilisaient « le plus souvent » le français à la maison, ce qui laisse entendre que le nombre de francophones se chiffre à 20 000 au lieu de 45 000.

Le quotidien de Statistique Canada ne fait allusion qu'aux résultats de la langue « la plus souvent » parlée à la maison et non pas aux résultats de la langue parlée « régulièrement » à la maison.

Vous savez, au Manitoba comme ailleurs, les francophones en milieu minoritaire, dans ces communautés de langue officielle, vivent souvent en milieu exogame où l'un des conjoints est unilingue anglophone; il est donc normal que le conjoint francophone, et même les enfants francophones, parle le plus souvent en anglais à cause de l'unilinguisme d'un des membres du foyer. Je ne dis pas que je suis d'accord avec cela, mais c'est ce qui se passe chez nous. Selon moi, on ne peut pas pour autant conclure que les francophones qui parlent plus souvent ou régulièrement l'anglais au foyer ne sont plus des francophones. C'est malheureusement le message véhiculé par les médias à la lumière des premières publications de Statistique Canada.

Alors, ma question est la suivante : Pourquoi ne pas simplifier et simplement demander aux répondants d'indiquer les langues parlées à la maison — le français, l'anglais ou autre —, au lieu de tenter de faire des distinctions telles que « le plus souvent » et « régulièrement ». Parce que c'est très difficile de faire ces distinctions.

M. Lachapelle : Je peux vous dire que c'est probablement exact que les médias ont fait mention de la langue parlée le plus souvent à la maison — et moi-même je l'ai fait —, mais je dois dire que, dans notre document analytique, je peux vous référer au tableau 9 qui indique les données sur la langue parlée le plus souvent à la maison, donc les personnes qui parlent anglais le plus souvent à la maison, mais le tableau suivant, le tableau 10, indique, pour ceux qui utilisent l'anglais le plus souvent à la maison, la proportion de ceux qui utilisent régulièrement le français. Et dans le cas du Manitoba, on indique que c'est passé de 37 p. 100 en 2001 à 39 p. 100 en 2006. Donc, je crois qu'on a essayé de faire connaître l'ensemble du portrait.

Maintenant, votre question précise à savoir pourquoi nous posons ces deux questions, cela tient au fait que de 1971 à 1991, à tous les recensements ou presque, nous posions la question sur la langue « le plus souvent » parlée à la maison, et même en 1996., Par la suite il y a eu des pressions de la part des communautés francophones et également par le Commissariat aux langues officielles. Nous avons étudié la situation et la raison pour laquelle nous avons ajouté une question sur les autre langues parlées régulièrement à la msaison après la question sur la langue parlée le plus souvent, c'est parce que les utilisateurs antérieurs voulaient pouvoir comparer avec les recensements précédents. Si nous avions changé complètement la question, nous aurions perdu toute comparabilité. Donc, on a essayé de faire en sorte de compléter le portrait non de le modifier complètement.

Nous savions très bien, et on le disait à chaque fois, que ce n'est pas parce qu'une personne parle une langue le plus souvent à la maison qu'elle a abandonné sa langue maternelle et nous en avons tenu compte en ajoutant une question, mais il y a une tentation, chez les médias, de simplifier la situation.

La présidente : C'est la perception qui ressort lorsque les médias n'utilisent qu'une partie des réponses, c'est-à-dire la perception que la francophonie canadienne est en voie de disparition à certains endroits, et je ne peux pas être d'accord avec cela.

Le sénateur Tardif : Je dois dire que j'ai été surprise et, également, déçue par certaines des statistiques présentées. Je vais vous donner quelques exemples. Je viens de l'Alberta et lorsque j'ai regardé les statistiques, le constat que j'en ai fait était que les statistiques ne représentent pas la réalité que l'on connaît.

Par exemple, au dernier recensement, le nombre d'étudiants dans les écoles francophones de la province était d'environ 1 200 élèves en 2001. Présentement, nous avons près de 5 000 élèves dans les écoles francophones de la province. Le nombre d'élèves qui, selon la Charte, sont admissibles aux écoles francophones de la province a presque triplé.

De plus, depuis le dernier recensement en 2001, il y a eu à peu près 30 000 personnes provenant du Québec et du Nouveau-Brunswick qui ont échangé leur carte d'assurance-maladie de leur province pour celle de l'Alberta. Il se peut donc fort bien que, pour la majorité de ces personnes, la langue d'usage soit l'anglais. Cependant, on peut s'attendre à ce qu'il y ait environ un tiers de ces personnes qui aient le français comme langue d'usage. Cela ne semble pas apparaître dans les statistiques.

Aussi, dans les dernières années, les centres d'emploi francophones à Calgary et à Edmonton ont reçu chaque année, des demandes de milliers de francophones qui arrivent dans la province. Je sais que l'Alberta a connu une légère augmentation du nombre total de francophones, cependant cela ne semble pas correspondre à la réalité telle qu'on la connaît dans notre province. Je ne sais pas quelle explication vous pouvez nous donner, mais il y a là quelque chose qui ne va pas.

M. Lachapelle : Cela m'est difficile d'examiner la situation cas par cas. Pour les écoles, on pourrait examiner cela de près; j'ai déjà observé la situation dans les écoles par rapport au nombre de francophones, mais cela date de 2001. Je dois dire qu'on ne l'a pas fait ici parce qu'on ne peut pas tout étudier. Mais en 2001 tout au moins, les données paraissaient tout à fait plausibles.

Demain, nous allons d'ailleurs divulguer des données sur les élèves et sur la situation des minorités francophones et aussi celle de la minorité anglophone, par province, et ce sera basé sur beaucoup plus d'informations que dans le recensement.

J'ai été directeur de la division de la démographie auparavant. On estime les mouvements migratoires entre les provinces, mais sans connaître la langue parce qu'on ne trouve pas cela dans les données administratives auxquelles on fait appel — les données de l'impôt — et qu'on vérifie généralement avec les données d'assurance-maladie des différentes provinces. On a fait beaucoup d'études à ce sujet. En général, on s'accorde relativement bien. Il y a les entrées, mais il y a aussi les gens qui quittent ensuite. Ce qu'on observe dans le recensement, ce sont des mouvements entre 2001 et 2006 globalement, à partir de la question : « Où étiez-vous voilà cinq ans? ».

J'ai présenté ce qu'on observe dans le recensement; il faudrait une étude très fine de la situation à partir des données que vous mentionnez. On l'a déjà fait pour ce qui est de l'ensemble de la population. La plupart des données disponibles sont dans le recensement. On n'a cependant pas d'information dans le recensement sur la langue d'enseignement, et ce, pour des raisons complexes que je pourrais expliquer.

On fait un recensement, on vérifie que le recensement donne des données plausibles. En Alberta, il peut y avoir des situations un peu particulières dans certains cas parce que, dans le recensement, une personne qui ira travailler en Alberta, et dont la famille réside dans une autre province, sera recensée avec sa famille dans une autre province. En ce sens, il peut y avoir des travailleurs temporaires en Alberta qui, en fait, ont été recensés dans d'autres provinces. C'est une règle du recensement de ne pas séparer les familles.

Le sénateur Tardif : Merci. Je dirai simplement que j'espère qu'on aura davantage d'informations qu'une seule étude afin de poursuivre en ce sens. Je pense que les statistiques sont un outil à double tranchant. Comme Mme la présidente l'a très bien indiqué, la perception qu'on peut laisser voir au grand public est souvent autre chose que la réalité. Il faut faire bien attention.

Le sénateur Champagne : Si vous le permettez, je vais revenir à la question de Mme la présidente concernant les langues qui sont parlées à la maison. Si je retourne plusieurs décennies derrière, j'aurais eu bien du mal à répondre à cette question. Je parlais français à mes enfants et anglais à leur père qui était unilingue anglophone. Les enfants ont donc entendu les deux langues à peu près constamment, et on voulait surtout qu'ils les séparent, qu'ils ne les mêlent pas.

Je ne sais pas comment j'aurais pu répondre à votre question à ce moment-là et ne pas vous donner une mauvaise réponse ou une réponse qui aurait pu biaiser les statistiques que vous nous donnez aujourd'hui.

Je suis certaine que je ne suis pas la seule personne au monde où il y a un couple composé d'une personne francophone et d'une personne anglophone. On parle dans la langue commune entre nous, mais on parle aux enfants. Mes enfants ont toujours eu des gardiennes francophones et je ne leur ai jamais parlé en anglais. Remarquez que cela fait deux adultes parfaitement bilingues aujourd'hui. J'aurais répondu quoi?

M. Lachapelle : Nous savons parfaitement que la réalité que vivent certains couples ou certaines personnes est fort complexe. On ne peut pas, à l'aide d'un recensement qui s'adresse à l'ensemble de la population, essayer de cerner par un grand nombre de questions la situation.

Dans le recensement canadien, il y a déjà sept questions linguistiques; dans la plupart des pays il n'y en a aucune, et quand il y en a, il s'agit d'une, deux ou trois questions. C'est très rare qu'on en ait autant qu'au Canada pour cerner la situation de la manière la plus précise possible.

D'où vient cette question sur la langue? La langue maternelle, telle qu'elle est définie actuellement, est une vieille question qui remonte au recensement de 1901. Elle a évolué un peu, mais a peu changé depuis le recensement de 1941. La question sur la langue parlée le plus souvent à la maison découle d'une recommandation de la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme, et a été introduite au recensement de 1971. On essaie de poser la même question ensuite; on en a toujours été conscient. C'est la raison pour laquelle on tient compte des avis, pour savoir comment on peut améliorer les choses tout en les préservant le plus possible, ou comment on peut améliorer les questions, mais tout en les changeant le moins possible? Parce que sinon, on perd la comparabilité, et c'est ce que la plupart de nos utilisateurs souhaitent que l'on maintienne.

Le sénateur Champagne : On parlait beaucoup tout à l'heure de bilinguisme en espérant que cela se retrouve un peu partout. Je m'étonne en ce moment, quand vous nous montrez sur un tableau qu'en fait les jeunes anglophones apprennent moins le français qu'ils ne le faisaient il y a quelques années. Pourtant, dès qu'on leur parle, ils parlent un français de bien meilleure qualité que ce qu'on entendait autrefois.

Je pense que le meilleur exemple est sans doute nos jeunes athlètes, qu'on verra aux Jeux Olympiques. Qu'ils viennent de n'importe quelle province, ils peuvent s'exprimer, en général, dans les deux langues; et souvent, la qualité de la langue des anglophones est supérieure au français et à l'anglais des Québécois. C'est quelque chose qui m'ennuie beaucoup.

M. Lachapelle : Là encore, nous posons exactement la même question, concernant la capacité de soutenir une conversation en français ou en anglais, depuis très longtemps, disons depuis le recensement de 1971, parce qu'à partir de ce moment c'est devenu un autodénombrement. Auparavant, il y avait des personnes qui posaient cette question, mais comme cela se faisait en allant de porte-à-porte, il a pu y avoir de légers changements. Depuis 1971, les gens reçoivent le questionnaire à la maison et doivent répondre au même libellé. Nous ne l'avons pas changé, pour essayer d'avoir une certaine comparabilité, et c'est ce qu'on observe.

Le sénateur Champagne : Il faudra peut-être trouver une autre façon de poser les questions pour en savoir un peu plus, car cela m'intéresse beaucoup : qui est bilingue, à quel niveau, avec quelle qualité de langue. Merci.

Le sénateur Goldstein : Finalement, si je comprends bien, on pourrait tirer comme conclusion celle que Le Devoir a tiré la semaine passée, à savoir que le français se porte plus ou moins bien au Québec, mais ne se porte pas bien du tout ailleurs au Canada. Je constate à titre d'exemple que, lorsque vous produisez le tableau de l'utilisation prédominante du français à la maison, qui est légèrement plus importante que la proportion du français comme langue maternelle au Québec, il y a une augmentation.

Finalement, grosso modo, si je fais l'extrapolation, 7 p. 100 de ceux qui parlent français à la maison ne sont pas francophones d'origine, sur le plan de la langue maternelle. Donc, l'excédent de ceux qui parlent français à la maison doit nécessairement venir soit des allophones, soit des anglophones. La conclusion est-elle valable?

M. Lachapelle : Bien sûr, il y a plus de personnes qui parlent le français le plus souvent à la maison au Québec qu'il n'y en a qui sont de langue maternelle française. J'ai essayé de montrer que, maintenant, des allophones qui font un choix entre le français et l'anglais, 51 p. 100 choisissent le français, 49 p. 100 l'anglais. Cela explique très largement le phénomène que vous relevez.

Le sénateur Goldstein : Et le contraire est vrai pour le reste du Canada. Les chiffres ne sont pas les mêmes, mais la tendance dans le reste du Canada est la même dans le sens où l'utilisation du français comme langue parlée à la maison va en diminuant.

M. Lachapelle : En général, oui. C'est ce qu'on a observé, c'est ce qu'on a présenté. On a mentionné en même temps qu'il y avait eu en général aussi une certaine progression de la fraction des francophones parlant anglais le plus souvent à la maison, qui néanmoins parlent régulièrement le français à la maison. C'est signalé dans notre document analytique.

Le sénateur Poulin : Monsieur Lachapelle, merci d'avoir accepté notre invitation à venir nous faire un rapport sur ces derniers sondages. J'ai été un peu surprise par la présentation que vous nous avez faite ce soir; c'est une approche statistique qui me surprend en peu. Ma question rejoint un peu celle du sénateur Tardif. Vous avez situé le Québec et vous nous permettez justement de regarder l'évolution de l'anglais et du français au Québec. Mais j'ai été un peu surprise de voir que vous mettez les résultats statistiques des neuf autres provinces et des trois territoires dans le même sac.

Comme franco-ontarienne du nord de l'Ontario, je suis très consciente du fait, par exemple, que le sénateur Ringuette à côté de moi, qui vient du Nouveau-Brunswick, ne vive pas du tout la même situation que les francophones en Ontario, ceux d'Alberta comme le sénateur Tardif ou ceux du Manitoba comme notre présidente. Je suis en peu confuse, parce que je pense que la présentation de l'évolution nous rendrait beaucoup plus service si c'était fait province par province et territoire par territoire.

M. Lachapelle : Vous avez tout à fait raison, dans notre document analytique, c'est fait province par province et territoire par territoire. Mais compte tenu que j'avais peu de temps, j'ai dû faire une présentation très simplifiée; si j'avais fait une présentation complète, j'aurais eu besoin de beaucoup plus de temps pour la faire. Vous avez raison, dans certaines provinces, il serait préférable, comme en Ontario, de distinguer le nord, le sud-est, les différentes régions. Au Nouveau-Brunswick également, la situation est très différente selon les régions et c'est la même chose pour certains milieux en Nouvelle-Écosse. Donc, nous sommes conscients de ce genre de choses. Mais nous devons faire une présentation, on l'a fait à l'échelle des provinces dans notre document analytique.

Le sénateur Poulin : Même sur le plan statistique, est-ce que vous pensez que les conclusions faites sur le Québec et les autres provinces sont quand même tout aussi valables que les conclusions rendues par provinces et par territoires?

M. Lachapelle : Je peux vous dire que, dans le document, il y a des tableaux très explicites par provinces, pour la langue maternelle, pour la langue parlée le plus souvent à la maison, et aussi pour toutes les régions métropolitaines de recensement, dont Ottawa où nous nous trouvons, la partie ontarienne d'Ottawa-Gatineau, la partie québécoise, Sudbury, Toronto, Moncton. Nous avons essayé de présenter la situation d'ensemble, mais je ne pouvais pas, ici, faire en sorte d'examiner les choses province par province.

J'ai montré que, en raison des mouvements migratoires, la population francophone s'accroît en Alberta, en Ontario; c'est exact. Dans les provinces de l'Atlantique, elle diminue. Mon intention n'était pas de nuancer le portrait, mais si vous le souhaitez, c'est fait dans nos documents analytiques, et il y a des centaines de tableaux mis à la disposition de tout le monde.

Le sénateur Poulin : Mon inquiétude était face aux conclusions générales.

M. Lachapelle : La conclusion générale est celle que je vous mentionne : pour la plupart des provinces, dans l'ensemble il y a une baisse, globalement. En proportion c'est à peu près partout; en nombre ce n'est pas partout.

Le sénateur Poulin : Dans la revue MacLeans, il y a quelques jours, un article extrêmement intéressant montrait, justement, par provinces l'impact de la langue française au niveau de la langue maternelle, la langue française apprise comme langue seconde et l'impact de l'immigration. Je regardais province par province et les chiffres de l'Ontario, par exemple, montraient que la langue maternelle française représentait à peu près 600 000 personnes. Avec les deux autres groupes, on était rendu à près de 1,3 p. 100 parlant français en Ontario, ce qui est quand même un chiffre extrêmement important au pays. Mais je n'ai trouvé nulle part une analyse semblable dans votre recherche du dernier sondage.

M. Lachapelle : Ce dont vous parlez c'est de l'examen de la situation en détail. Dans le document on ne devait pas utiliser plus de 40 pages au total pour certaines raisons, et il y avait un autre document sur l'immigration de 40 pages au total. On a des contraintes. On ne peut pas, en aussi peu de temps, écrire et examiner les choses sous tous les angles, bien entendu. On a publié après le Recensement de 2001, on compte aussi le faire après celui de 2006, un portrait de la situation du français, de l'anglais et des autres langues, qui représente plusieurs centaines de pages. Cela nous permet de décrire de manière plus fine la situation et on compte améliorer encore ce portrait pour le Recensement de 2006.

Au moment où l'on divulgue les données, on les a nous-mêmes à l'interne depuis fort peu de temps. On ne peut pas imaginer qu'on puisse faire ce genre de choses en un tour de main et mettre à la disposition des médias une analyse de plusieurs centaines de pages, cous le comprenez facilement.

Le sénateur Ringuette : Vos documents parlent surtout de pourcentage et cela peut être trompeur, alors que notre constat sur le chantier est plutôt en nombre. Ce qui est essentiellement différent. Si je regarde les tableaux que vous avez brossés sur le pourcentage de francophones par exemple dans la province du Nouveau-Brunswick, vous indiquez une baisse. Ce n'est certainement pas mon constat, parce que vous indiquez une baisse en pourcentage, mais si on pouvait comparer avec les nombres réels, le portrait serait différent. Ce qui m'amène à vous poser la question suivante : Vous avez indiqué que vous rendrez d'autres informations publiques.

M. Lachapelle : Des informations qui ne sont pas dans le recensement. C'est une enquête sur les minorités de langues officielles, sur les enfants et les adultes, menée auprès d'un échantillon d'environ 40 000 personnes titré à même les questionnaires du recensement. Nous avons posé beaucoup plus de questions linguistiques, justement sur les langues parlées dans la famille, à l'extérieur de la maison, dans les associations, avec les organismes gouvernementaux, et cetera.

Le sénateur Ringuette : Vous me confirmez donc que nous n'avons pas le portrait global jusqu'à présent. On a que des parties de portrait pour pouvoir constater la réalité. Votre rapport et votre présentation nous informent en termes de pourcentages, ce qui est trompeur, si on compare des pourcentages à des nombres réels sur le plan de la population. Il y a un nombre considérable d'allophones compte tenu de l'immigration. Dans les cinq dernières années, nous avons 1,2 million de nouveaux Canadiens. Sur le plan du pourcentage, cela fait un portrait complètement différent. C'est sur ce point qu'il nous est difficile d'être d'accord avec vos conclusions.

M. Lachapelle : Dans le document analytique, là aussi j'ai simplifié les choses et pour présenter des tendances sur 50 ans, c'est plus difficile de le faire, mais j'aurais pu le faire avec des effectifs et cela devient plutôt compliqué; c'est plus facile en proportion, mais pour les effectifs, je peux vous dire que les chiffres s'y trouvent et l'accroissement entre les recensements de 1996 à 2001 et de 2001 à 2006. À propos du Nouveau-Brunswick, la population francophone a diminué en effectif de 239 000 et 235 000 entre 2001 et 2006. La proportion a diminué également, mais l'effectif aussi. Cela a été le cas dans plusieurs provinces. Tout cela se retrouve dans notre document. On a essayé de présenter des conclusions générales, et ce qu'on retrouve dans les médias, ce n'est pas nécessairement les conclusions qui se retrouvent dans le document. On essaie de présenter les choses, et les gens tirent leurs propres conclusions.

Le sénateur Comeau : Les statistiques sont très importantes pour les décideurs. Vous nous démontrez les statistiques formées grâce aux réponses à vos questions. Vous ne tirez pas de conclusion. Vous ne faites pas de recommandations; vous laissez cela à d'autres. Les provinces vous demandent-elles de leur faire une présentation comme celle que vous avez faite ici? Je présume que le gouvernement fédéral le fait.

M. Lachapelle : Pas pour l'instant. En général, on le ferait très volontiers, mais ce que j'ai présenté, en beaucoup plus étoffé, se retrouve sur le site Internet de Statistique Canada. Essentiellement, oui, on le fait généralement lors de rencontres de comités qui s'occupent de la mise en oeuvre de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. On fait des présentations aux fonctionnaires et aux ministères intéressés. Nous n'avons pas reçu de demande pour l'instant, toutefois, les dernières données statistiques ont été dévoilées la semaine dernière seulement.

Le sénateur Comeau : Je présume que les gouvernements provinciaux ont encore un peu de temps devant eux avant de prendre des décisions basées sur vos données statistiques. Je pensais que les provinces auraient été intéressées à vous questionner afin d'éclaircir quelques nuances, un peu comme nous le faisons aujourd'hui. À votre connaissance, les provinces ont-elles manifesté le désir d'avoir une présentation?

M. Lachapelle : En général, ce sont les groupes communautaires qui nous invitent à faire des présentations. Cependant, nous avons fait des présentations de nos travaux à un comité fédéral-provincial sur les minorités de langues officielles.

Le sénateur Comeau : L'identification des Acadiens dans vos recensements m'intéresse particulièrement. Dans le passé, on demandait aux gens s'ils étaient d'origine chilienne, japonaise ou encore autochtone, mais jamais s'ils étaient d'origine acadienne. Examinerez-vous cela dans le futur ou ce n'est pas dans votre diagramme espace-échelle?

M. Lachapelle : Les gens qui se déclarent Acadiens sont mentionnés et on diffuse les données. Je n'ai pas en tête le nombre de personnes.

Le sénateur Comeau : Là où j'ai un problème, c'est que les autres groupes ethniques ont tout simplement besoin de mettre un crochet dans une petite boîte indiquant qu'ils sont soit Japonais, Chilien, et cetera, mais il n'y a pas de petite boîte avec Acadien inscrit à côté. Les gens doivent l'inscrire eux-mêmes. Il aurait été intéressant que les Acadiens fassent partie des autres groupes.

M. Lachapelle : En fait, dans la question sur l'origine ethnique, il y a des exemples et un certain nombre d'espaces, les gens doivent tous écrire leur réponse de façon cursive.

Le sénateur Comeau : Les Acadiens forment un des groupes les plus anciens au Canada. Il serait intéressant que vous leur donniez l'option d'avoir tout simplement besoin de cocher la boîte plutôt que de l'écrire. On est parfois paresseux quand on fait les choses, moi inclus. Si vous vouliez faire le message pour moi.

M. Lachapelle : Je prends bonne note de votre suggestion.

Le sénateur Tardif : Sur le questionnaire de recensement, demandez-vous qu'elle est la langue la plus fréquemment utilisée à la maison, anglais, français et autre, et de même pour la langue maternelle, anglais, français, autres?

Les allophones qui n'ont ni l'anglais ni le français comme langue parlée à la maison choisiraient normalement « autres ». Cependant, le français pourrait bien être la première langue parlée par les allophones au Canada. Cette donnée ne se retrouve pas dans les résultats parce que les gens sélectionnent « autres » dans cette catégorie.

Y a-t-il un moyen de dégager une tendance en ce qui concerne les allophones qui ont choisi le français comme deuxième langue?

M. Lachapelle : En principe, on pose différentes questions dans le questionnaire et en général, le questionnaire français commence par « français » et le questionnaire anglais commence par « anglais ».

Pour les tierces langues, on demande de préciser. C'est pourquoi on publie des estimations pour environ 180 langues différentes. Les gens fournissent une réponse détaillée concernant la langue maternelle ou les langues parlées à la maison. C'est ce qui se dégage du recensement.

Le sénateur Tardif : Vous comprendrez toutefois qu'on perd un bassin de population parce que tous ceux qui pourraient parler uniquement le français à part leur langue maternelle ne sont pas inclus dans l'échantillon de personnes qui ont le français comme première langue parlée, ici au Canada. On oublie tout un bassin de la population dans les statistiques, ce qui risque de faire augmenter le nombre total de gens parlant français.

M. Lachapelle : C'est ce qu'on appelle « la première langue officielle parlée ». Dans le règlement sur les services en anglais et en français, le gouvernement fédéral demande d'estimer la première langue officielle parlée et cela se fait à partir des données du recensement, c'est-à-dire qu'une personne qui indique parler le français est classée dans « français ». La même chose s'applique pour l'anglais.

Pour ceux qui sont bilingues, on examine la langue maternelle. Et ceux qu'on ne parvient pas à classer à l'aide des deux questions sur la connaissance des langues officielles et de la langue maternelle, on considère alors la langue parlée le plus souvent à la maison.

Cela découle d'un règlement adopté en vertu de la Loi sur les langues officielles. Cette variable se retrouve sur notre site internet ainsi que dans d'innombrables tableaux, mais elle n'est pas publiée dans ce petit document tout simplement parce que c'était plus complexe à expliquer. Il ne s'agit pas d'une seule question, mais d'une variable qui découle de trois questions.

Le sénateur Tardif : C'est tout de même une variable importante?

M. Lachapelle : Oui, vous avez tout à fait raison.

[Traduction]

Le sénateur Murray : Le témoin voudra peut-être éclaircir ce point, mais j'aimerais ajouter quelque chose au bénéfice de collègues du comité.

J'ai hâte à la publication, demain, de votre document sur la vitalité des minorités francophones. Pendant le week- end, j'ai lu une partie de ces documents analytiques dont vous avez parlé, fondés sur les recensements de 2006 et de 2001. Je les ai malheureusement laissés chez moi et j'ai certains trous de mémoire.

Un des points que j'ai retenus, c'est que les francophones — comme d'autres je suppose — se déplacent de plus en plus vers les grands centres urbains du pays. Parmi les tableaux de votre analyse, les francophones, les anglophones et les allophones ne sont pas seulement répartis par province, mais aussi par district de recensement. Ce qui m'a frappé au sujet de la Nouvelle-Écosse, par exemple, — et aussi du Manitoba — est qu'au moins le tiers, sinon plus, des francophones de la Nouvelle-Écosse vivent maintenant dans la région de Halifax.

Quand il est question des francophones de Nouvelle-Écosse, on pense aux Acadiens qui viennent de Yarmouth et du district de Clare, d'où est issu notre ami le sénateur Comeau, et d'autres endroits comme Petit-de-Grat, Chéticamp et l'île du Cap-Breton, mais ils vivent de plus en plus à des endroits comme Halifax. J'espère que votre analyse ou un autre document présentera la répartition de ces gens et dans quelle mesure ils sont capables de mener une vie fructueuse dans leur langue et de la conserver dans une grande région métropolitaine comme Halifax ou Winnipeg, par exemple. Je crois que la moitié des Franco-Manitobains se trouvent à Winnipeg.

Dans quelle proportion ces enfants fréquentent-ils les écoles francophones qui y sont à leur disposition? Existe-t-il des garderies dans ces régions? Que regardent-ils? Radio-Canada, au moins, diffuse dans tous les coins du pays.

Il y a eu deux réactions immédiates lorsque vos statistiques ont été rendues publiques. Un dénommé Castonguay, professeur à l'Université d'Ottawa je crois, a dit que cela prouve que peu importe les sommes dépensées à l'intention des minorités francophones à des endroits comme la Nouvelle-Écosse ou la Saskatchewan, il s'agit d'argent gaspillé et que cela doit cesser. Inversement, le porte-parole d'un organisme francophone a dit que nous devons dépenser non pas des millions, comme c'est le cas actuellement, mais des milliards.

Je crois qu'ils ont probablement tort tous les deux, mais nous devons songer, en tant que gouvernement et Parlement, à de nouvelles approches qui permettront de rejoindre les francophones là où ils se trouvent. Avec tout le respect que je dois à nos amis de Yarmouth, du district de Clare et d'autres endroits du genre, il faudrait peut-être mettre davantage l'accent sur les francophones en région urbaine.

Je ne sais pas si le document que vous publierez demain sera utile à cet égard. Je crois qu'il le sera. Si vous ne voulez pas nous en donner un avant-goût, vous pourriez au moins nous résumer en quelques mots les sujets abordés.

M. Lachapelle : J'aimerais confirmer qu'effectivement le tiers des francophones de la Nouvelle-Écosse vivent à Halifax et que la moitié des Franco-Manitobains vivent à Winnipeg. Ces données proviennent de notre publication.

[Français]

Nous allons diffuser les premiers résultats de l'enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle. Comme il y a beaucoup de sujets en cause, quatre éléments seront abordés, dont celui des langues utilisées dans la vie quotidienne. Cela se fera à partir de très nombreuses questions destinées à la fois aux francophones dans les différentes provinces et territoires et aux anglophones du Québec.

Cet échantillon ne concerne ni les anglophones à l'extérieur du Québec ni les francophones du Québec. Seules les minorités de langue officielle sont concernées.

Une autre partie des résultats portera sur le sentiment d'appartenance aux différentes communautés et sur ce que les chercheurs appellent la « vitalité subjective » ou la perception que les gens ont de la situation et de leur situation en particulier.

On examinera également la question de l'accès aux services de santé et une section portera sur la situation scolaire au sein des différents milieux. Bien sûr, d'innombrables sujets pourront être abordés avec cette enquête. Et déjà, beaucoup de chercheurs d'un peu partout au pays se disent intéressés à analyser les résultats de cette enquête.

Le sénateur Murray : On verra les résultats de l'enquête.

Le sénateur Goldstein : Je vous remercie pour votre présentation fort intéressante. Dans les documents qui nous ont été fournis, il y a des détails qui ne sont pas contenus dans votre présentation. Nous constatons entre autres que le pourcentage de francophones dans chaque province et dans chaque territoire, sauf le Yukon, a diminué de 2001 à 2006. Parfois, la diminution est si significative que nous devons nous questionner. Évidemment, vous n'avez pas de solution pour empêcher cette tendance de se poursuivre.

D'autre part, dans certaines provinces, il y a des populations qui sont minuscules. Je me demande comment nous pourrions protéger ces petites populations, par exemple en Saskatchewan où il n'y a que 1,8 p. 100 de la population qui est francophone, ou encore à Terre-Neuve-et-Labrador où seulement 0,4 p. 100 de la population est francophone d'origine. Évidemment, on parle de la langue maternelle et non pas de la langue parlée à la maison. Au Québec, par exemple, nous savons que le nombre de personnes qui parle la langue française à la maison est supérieur au nombre de francophones d'origine.

Comment pouvons-nous protéger les francophones dans ces juridictions où leur proportion est plutôt minuscule?

M. Lachapelle : Ce n'est pas dans le mandat de Statistique Canada. Notre mandat est d'essayer de poser les questions qui satisfont les chercheurs et les décideurs, de faire l'analyse des réponses et d'essayer d'expliquer les différents facteurs de l'évolution de la situation démolinguistique, de la migration interne, de la migration internationale, des transferts linguistiques et de la fécondité. Ce n'est évidemment pas notre responsabilité de suggérer des mesures propres à modifier la situation.

Le sénateur Goldstein : Je comprends.

La présidente : Monsieur Lachapelle, j'aimerais vous remercier très sincèrement d'être venu témoigner ce soir. L'ordre de renvoi de notre comité touche les besoins et les services des communautés de langue officielle en milieu minoritaire au Canada. Dans cette optique, les données du recensement nous préoccupent puisqu'il y a un lien avec les services gouvernementaux. Il y a des répercussions sur les services qui pourraient être offerts. C'est la raison pour laquelle les membres du comité vous ont posé tant de questions. Nous aurions voulu continuer, mais le temps ne nous le permet pas. Il est très important que les données du recensement reflètent aussi fidèlement que possible la réalité de 2007. Ce n'est pas une critique, mais simplement une observation. Vous avez gracieusement répondu à nos questions et je vous en remercie beaucoup.

M. Lachapelle : C'est moi qui vous remercie.

La séance est levée.


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