Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 2 - Témoignages du 11 février 2008
OTTAWA, le lundi 11 février 2008
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 h 3 pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Bonjour à tous et à toutes et, plus particulièrement, j'aimerais souhaiter la bienvenue à notre invitée spéciale, l'honorable Josée Verner. Je m'appelle Maria Chaput, présidente du Comité sénatorial des langues officielles. Mme Verner est ministre de Patrimoine canadien, de la Condition féminine et des Langues officielles. Elle vient discuter du dernier rapport annuel de Patrimoine canadien, de la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles et de la culture francophone.
La ministre Verner est accompagnée de M. Hubert Lussier, directeur général des Programmes d'appui aux langues officielles, et de M. Jérôme Moisan, directeur principal du Secrétariat des langues officielles. Bienvenue à notre comité.
J'aimerais rappeler que le Comité sénatorial permanent des langues officielles étudie, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.
Le comité a aussi entrepris l'étude de la culture francophone. Cela fait partie des sujets d'intérêt de ce comité. J'aimerais noter que nous recevrons à notre prochaine réunion le ministre de la Justice, et qu'en mars nous comptons inviter à comparaître des représentants d'Air Canada et le ministre de la Défense nationale.
Madame la ministre, en tant que présidente du comité et au nom de nos membres, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant nous aujourd'hui. Je vous invite maintenant à prendre la parole et comme vous le savez, ce sera suivi d'une période de questions de la part des sénateurs.
L'honorable Josée Verner, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien, de la Condition féminine et des Langues officielles : Madame la présidente, je me présente devant vous au terme d'une année fort chargée dans le vaste chantier des langues officielles. En effet, au cours de l'année 2007, notre gouvernement a posé des gestes concrets et positifs en matière de langues officielles.
[Traduction]
Nous avons d'abord présenté un budget haussant de 30 millions de dollars, réparti sur deux ans, le financement accordé à la dualité linguistique et aux communautés de langues officielles en situation minoritaire.
Puis, dans le cadre du discours du Trône, nous avons réitéré notre appui à la dualité linguistique en annonçant l'élaboration d'une stratégie concrétisant la phase suivante du plan d'action pour les langues officielles.
Enfin, nous avons conclu en 2007 de belle façon par la tenue de consultations, menées à la fois en ligne et sur le terrain par Bernard Lord. Ces consultations aideront à définir une nouvelle stratégie, qui sera rendue publique au cours de 2008.
Notre réflexion pour l'élaboration de cette stratégie est aussi guidée par notre dialogue avec les provinces et les territoires. Elle tient également compte des résultats des consultations communautaires, des rapports du Commissariat aux langues officielles, ainsi que des résultats du recensement de 2006 et d'une importante étude post-censitaire sur la vitalité des communautés, menée par Statistique Canada.
Bien sûr je peux vous assurer que le travail accompli par le Comité permanent sur les langues officielles sera considéré avec diligence et attention.
[Français]
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de quelques actions entreprises pour renforcer la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles depuis l'arrivée au pouvoir de notre gouvernement. Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler mes responsabilités quant à la mise en œuvre de la partie VII de la loi.
À titre de ministre du Patrimoine canadien, de la Condition féminine et des Langues officielles, je suis responsable des programmes d'appui aux langues officielles. Ces programmes fournissent, en collaboration avec les provinces et territoires, un soutien à l'éducation dans la langue de la minorité, à l'apprentissage de la seconde langue officielle, et à l'offre de services provinciaux et territoriaux dans la langue de la minorité. Ces programmes fournissent également un appui aux organisations sans but lucratif, actives dans les domaines du développement communautaire et de l'apprentissage linguistique. Ces activités émanent de l'article 43 de la loi qui est propre à Patrimoine canadien.
L'article 41 traite de l'engagement du gouvernement envers le développement des minorités anglophones et francophones du Canada ainsi que la pleine reconnaissance et l'usage dans notre société de l'anglais et du français. Cet article concerne l'ensemble des institutions fédérales. Ainsi, quand Santé Canada, Citoyenneté et Immigration où les programmes culturels de Patrimoine canadien ajustent leurs mécanismes pour répondre aux besoins des communautés francophones et acadienne, on dit qu'ils font du 41.
C'est en vertu de l'article 42 que j'ai la tâche de susciter la coordination de la mise en oeuvre de l'engagement énoncé à l'article 41. Susciter la coordination ne signifie pas agir à leur place. Cela veut plutôt dire travailler de concert, mettre en commun, donner des outils, partager les bonnes pratiques, encourager, expliquer, illustrer. Les rapports que doivent préparer et transmettre les 32 institutions désignées sont une illustration de cette coordination. À mon tour, je dépose les sommaires de leur bilan au Parlement.
Je ne peux parler de ce rôle de coordination sans aborder les modifications apportées à la Loi sur les langues officielles en 2005. En effet, une bonne partie de l'accompagnement et de la coordination des deux dernières années a été consacrée à la bonne compréhension de ces nouvelles dispositions.
Comme vous le savez, depuis 2005, la partie VII de la loi parle de mesures positives. Elle en fait explicitement un devoir pour toutes les institutions fédérales. Et les manquements sont dorénavant justiciables tout comme le sont les manquements à l'ensemble de la partie VII et à plusieurs autres parties de la loi.
Au risque de me répéter, j'aimerais vous rappeler que la mise en œuvre de l'article 41 incombe à toutes les institutions fédérales. J'aimerais aussi vous rappeler que la Loi sur les langues officielles ne donne pas de définition de mesures positives. Dans la mesure où la Cour fédérale, dans le cadre des procédures intentées par la FCFA relativement au Programme de contestation judiciaire, sera bientôt appelée à se prononcer sur ce sujet, vous comprendrez qu'il serait inapproprié que je commente davantage.
[Traduction]
Nous avons recueilli des exemples de collaboration au sein de l'appareil fédéral qui ont donné des résultats tangibles dans diverses régions du pays. Ces exemples, ainsi que bien d'autres données exhaustives se retrouveront dans le rapport annuel 2006-2007 du Commissariat aux langues officielles. Vous recevrez ce document prochainement. Vous avez déjà entre les mains le rapport annuel de 2005-2006, qui vous a été remis l'été dernier.
Le premier volume du prochain rapport présentera les réalisations du ministère du Patrimoine canadien par l'intermédiaire des programmes d'appui aux langues officielles.
Le second volume sera consacré aux réalisations des 32 institutions fédérales désignées. Ces institutions sont celles dont les activités ont eu un impact particulièrement important sur les communautés et la dualité linguistique du pays. Elles doivent entre autres soumettre au gouvernement un bilan annuel de leurs réalisations tel que le dispose l'article 41.
Le second volume traite des activités mises en œuvre entre le 1er avril 2006 et le 31 mars 2007. Au cours de cette période, les institutions fédérales ont particulièrement saisi l'occasion de remettre les langues officielles au premier plan. En fait, depuis 2005, elles sont plus conscientes de leurs responsabilités en matière de langues officielles. Elles sont plus proactives aussi. Cette nouvelle façon de voir et de faire les choses a suscité un dialogue plus intense entre les acteurs principaux du gouvernement et la création de nouveaux outils de travail.
À l'interne, plusieurs projets sont nés. Je pense entre autres à une campagne de sensibilisation menée par Patrimoine canadien auprès des fonctionnaires fédéraux quant à leurs obligations découlant de l'article 41 de la loi.
Je pense aussi à la publication du Guide à l'intention des institutions fédérales, élaboré par Patrimoine canadien, Justice Canada et l'Agence de la fonction publique. Les institutions fédérales sont toutes appelées à prendre des décisions en matière de politiques et de stratégies. Ce guide les aide à bien jouer leur rôle d'appui au développement des communautés en situation minoritaire et à la présence des deux langues officielles dans la société canadienne.
[Français]
Pour les Canadiens, cette intensification des liens entre les institutions s'est traduite de plusieurs façons. Par exemple, le CRTC a récemment joint les rangs des institutions qui ont mis sur pied des comités consultatifs avec les communautés minoritaires. Je pense à Ressources humaines et Développement social Canada, Justice Canada, Santé Canada et Citoyenneté et Immigration Canada.
Dans le domaine de la culture, Patrimoine canadien entretient un dialogue soutenu avec les communautés par l'entremise de mécanismes interministériels. Je pense ici à l'Entente sur le développement des arts et de la culture de la francophonie canadienne ainsi qu'aux groupes de travail sur les diverses disciplines artistiques.
Grâce à ces divers moyens, les communautés peuvent faire entendre leur voix au sein de l'appareil gouvernemental. Elles disposent d'une tribune efficace pour faire valoir leurs points de vue. Ces initiatives témoignent d'une volonté concrète du gouvernement d'agir en fonction des priorités exprimées par les communautés.
Parmi d'autres exemples concrets, j'aimerais mentionner la diffusion par la Société Radio-Canada d'émissions en français à partir du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest. Cette initiative de la SRC a été mise en lumière lors d'une rencontre entre les communautés francophones du nord du pays et le réseau interministériel coordonné par Patrimoine canadien. Cette rencontre a aussi incité l'Office national du film à amorcer des négociations en vue de mener des activités avec des jeunes de ces communautés.
De la Commission de la Capitale nationale qui fait appel à des artistes issus des communautés lors de célébrations nationales, comme Bal de neige par exemple, aux bureaux régionaux de diverses institutions qui prêtent leurs locaux aux communautés pour de la formation, les exemples ne manquent pas. Pour prendre connaissance d'autres projets semblables, je vous invite à consulter le Rapport annuel sur les langues officielles de 2006-2007 qui sera publié sous peu.
Bien sûr, il reste du travail à faire en ce qui concerne la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, mais Rome ne s'est pas construite en un jour. Nous sommes heureux des progrès accomplis, mais conscients de ceux qu'il reste à faire.
L'année 2008 sera tout aussi chargée que 2007 du côté des langues officielles.
En ce qui concerne la coordination interministérielle, nous examinerons divers moyens de mieux appuyer celles des institutions fédérales qui ne sont pas désignées dans l'exercice de leurs fonctions relatives à la partie VII de la loi. Il pourrait s'agir d'autres mécanismes de planification et de reddition de comptes plus légers que ceux exigés aux institutions désignées.
Ces mécanismes devront être souples et tenir compte de la grande variété d'institutions. Nous comptons d'ailleurs travailler en étroite collaboration avec l'Agence de la fonction publique du Canada qui effectue déjà un suivi auprès de ces institutions.
[Traduction]
L'année 2008 sera aussi une année festive, avec la célébration du 400e anniversaire de Québec. Il s'agit d'une belle occasion de rappeler l'importance qu'occupe le français dans l'histoire du Canada. La tenue, en octobre prochain du Sommet de la francophonie sera un moment fort de cette fête.
Nous sommes aussi à moins de deux ans des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver qui se tiendront à Vancouver-Whistler en 2010. Dès le début de la planification des jeux, nous avons fait du respect de nos deux langues officielles une priorité. Je peux donc vous assurer que l'anglais et le français occuperont une place de choix dans le cadre de cette manifestation sportive d'envergure. Le gouvernement du Canada profitera aussi de cette vitrine exceptionnelle pour faire valoir la contribution des deux groupes linguistiques à l'essor de notre pays.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
[Français]
La présidente : Merci beaucoup, madame la ministre.
Avant de passer la parole aux honorables sénateurs, j'aimerais vous présenter les membres du comité.
À mon extrême gauche, je vous présente la vice-présidente du comité sénatorial, sénateur Champagne de la belle province de Québec, ensuite le sénateur Comeau de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Goldstein aussi de la province de Québec, et à mon extrême droite, le sénateur Losier-Cool du Nouveau-Brunswick, le sénateur Tardif de l'Alberta et le sénateur Murray de l'Ontario.
Le sénateur Tardif : Merci, madame la ministre, d'être avec nous aujourd'hui. Vous avez indiqué, dans votre présentation, que vous avez la tâche de susciter la coordination de la mise en œuvre de l'engagement énoncé à l'article 41 et vous avez tout à fait raison de dire que « susciter la coordination » ne signifie pas « agir à leur place ».
Toutefois, vous disposez d'une vision globale de la situation de la mise en œuvre de cet article de la loi. Selon vous, quels sont les secteurs où il devrait y avoir une amélioration pour assurer la pleine mise en œuvre de la partie VII?
Mme Verner : C'est une bonne question. Vous savez, nous sommes assez fiers des initiatives entreprises. Nous avons plusieurs exemples de mesures positives prises par différents ministères ou agences, et ce sera certainement mentionné dans le volume II du prochain Rapport annuel, mais on a aussi un sommaire des mesures prises en matière de coordination.
En 2006, une campagne d'information a été menée par Patrimoine canadien et Justice Canada auprès des institutions fédérales; au printemps 2007, un symposium sur la nouvelle partie VII a eu lieu à Charlottetown, et les officiels qui m'accompagnent pourraient vous en donner de plus amples détails. Également, des sessions d'information ont été organisées par l'École de la fonction publique; en 2006-2007, le Réseau des champions des langues officielles a mis l'accent sur les responsabilités en matière de la partie VII; une lettre du greffier a été adressée aux sous-ministres et aux chefs d'agence.
Un guide a été publié en 2007; je le cherchais tout à l'heure, car je me demandais si vous l'aviez reçu.
Bref, il y a beaucoup de mesures.
Je pourrais mentionner également un projet complémentaire mené par Patrimoine canadien et qui, je pense, est nouveau aussi. Monsieur Lussier ou Monsieur Moisan pourront vous en parler, mais il vise les institutions fédérales non désignées. Comme vous savez, on a 32 institutions fédérales désignées, mais cela viserait les institutions fédérales non désignées.
Hubert Lussier, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles, Patrimoine canadien : Madame la présidente, comme l'a dit madame la ministre, l'idée c'est qu'à l'heure actuelle, on soumet les 32 institutions désignées à une planification et à une reddition de compte structurée, formelle qui donne lieu à un dépôt de rapport en Chambre. Pour les à-peu-près 170 autres, on s'est fié jusqu'ici à leur bonne volonté, leur participation à certains comités, mais ils ne sont soumis à aucun exercice obligé.
Or la question se pose, à savoir si on pourrait faire quelque chose qui ne soit pas nécessairement aussi lourd ou exigeant que les demandes faites aux 32 institutions désignées. Néanmoins, cela incite ces institutions à mettre en œuvre certaines pratiques qui les pousseraient à prendre des mesures positives de façon plus systématique et qui permettraient aussi aux parlementaires d'avoir un certain rapport, car à l'heure actuelle rien n'est exigé de leur part en fait de reddition de comptes, sinon ce qu'elles veulent bien dire dans leurs exercices de reddition de comptes génériques, rapports sur le rendement.
Le sénateur Tardif : Après que les 32 institutions ont soumis leurs rapports annuels et que vous en avez fait ensuite rapport au Parlement, faites-vous une analyse ou ne s'agit-il simplement que d'une compilation des rapports? Si vous faites une analyse, vous dites-vous : voilà, ici cela va bien, ou là il y a des tendances, voyez-vous des manques? Faites- vous simplement compiler tous les rapports sans les analyser ou les évaluer?
Mme Verner : Mon rôle est de les déposer à la chambre. Bien sûr, une analyse est faite avant. Monsieur Lussier peut compléter ma réponse.
M. Lussier : La ministre ne voit que ce qui dépasse de l'iceberg. On reçoit des commentaires de sa part sur ces rapports. Les institutions nous soumettent des rapports assez volumineux sur lesquels l'équipe des langues officielles de Patrimoine canadien fait des commentaires. Il y a des échanges suivis. Il y a même de la part de la sous-ministre de Patrimoine canadien une lettre officielle qui suit le travail régulier dont je viens de vous faire part, qui rappelle à ces institutions les améliorations qu'elles pourraient encore apporter dans leurs activités et qui souligne aussi les bons coups lorsqu'il y en a, et il y en a souvent.
Le sénateur Tardif : Il n'y a pas un bulletin scolaire comme tel, mais il y a quand même des commentaires et des impressions envoyées aux institutions indiquant leur performance. Y a-t-il des secteurs qui vous préoccupent particulièrement, Madame la ministre?
Mme Verner : Pour l'essentiel, avec la partie VII, la mise à jour de la Loi sur les langues officielles en 2005, il fallait débuter par une campagne d'information. Les organisations sont conscientes qu'elles ont des obligations en vertu de cette loi et qu'elles doivent s'y soumettre. À partir du moment où les sessions d'information ont été données par différents moyens, on est très positifs pour l'avenir et on surveille cela de près.
Le sénateur Tardif : Vous avez indiqué que vous ne pouviez pas faire de commentaires par rapport aux mesures positives, mais j'ai l'impression que lorsque vous devez rencontrer ces institutions vous faites une campagne de sensibilisation. Que dites-vous à ces institutions, ces groupes qui se rencontrent? Que répondez-vous aux personnes qui demandent qu'est-ce qu'une mesure positive?
Mme Verner : Ce n'est pas tellement sur les mesures positives que je ne peux pas commenter que sur la cause qui est devant les tribunaux. Ce n'est pas la même chose. Il y a des mesures positives et vous aurez la chance de les voir dans le prochain rapport annuel qui sera publié dans quelques mois. L'Agence de santé publique du Canada, par exemple, achète du temps d'antenne et de l'espace publicitaire dans des médias minoritaires pour ses campagnes. C'est un exemple de mesure positive. Les gens comprennent bien ce que c'est que d'aller de l'avant pour aider une communauté qui est en situation de langue minoritaire. Ce que je ne voulais pas commenter, c'est le débat sur quel serait le sens judiciaire d'une mesure positive. Mais il y en a des exemples de mesures positives qui ont été prises et on va en faire état dans le rapport annuel.
Le sénateur Tardif : J'ai hâte de voir le rapport annuel, car je crois sincèrement qu'il y a bien des communautés qui se tournent vers Patrimoine canadien pour son rôle de leader quant à définir le sens de mesures positives et aussi pour être actif dans la promotion de la notion de mesures positives. Les communautés veulent aussi faire partie de cette définition, alors j'espère que cela sera inclus aussi dans votre prochain rapport annuel.
Mme Verner : Je vous dirai qu'on a quand même annoncé 30 millions de dollars supplémentaires dans notre dernier budget. Cela nous permet très certainement de voir se réaliser de beaux projets qui émergent des communautés. Dans ce sens aussi, même s'il y a des gestes qui nous engagent comme gouvernement ainsi que les 32 institutions fédérales désignées, il ne faut pas négliger le fait que cela permet à de beaux projets d'avoir été mis sur pied. Il y a eu des annonces faites récemment dans votre province, madame le sénateur.
Le sénateur Tardif : C'est très apprécié.
Mme Verner : Je sais que vous avez apprécié grandement.
Le sénateur Goldstein : Merci de comparaître à notre comité, madame la ministre. Nous savons dans quelle mesure vous êtes très occupée et nous apprécions beaucoup que vous donniez de votre temps. J'ai une question précise à vous poser. Tous les ministères, à toutes fins pratiques, donnent des contrats de sous-traitance à des compagnies publiques ou privées partout au Canada pour accomplir en partie les tâches et les devoirs que les ministères doivent accomplir.
Quelles mesures sont prises pour assurer que ces sous-traitants respecteront les obligations qui sont indiquées dans la Loi sur les langues officielles?
Mme Verner : Je vous remercie pour votre question, sénateur. Votre question est très technique. Je vais demander aux gens qui m'accompagnent de vous répondre.
Le sénateur Goldstein : Je vous explique pourquoi je pose cette question. J'ai reçu ce matin même un courriel de la part d'une jeune étudiante du Nouveau-Brunswick qui a des problèmes à rembourser son prêt étudiant. Elle se trouve entre les mains d'une agence de perception qui travaille pour le ministère des Finances. Elle a demandé des services en français et elle n'a pas pu les avoir.
Jérôme Moisan, directeur principal, Secrétariat des langues officielles, Patrimoine canadien : Madame la présidente, il me fera plaisir de faire un suivi directement à propos de ce dossier pour vous. Cela réfère vraiment à une autre partie de la loi lorsqu'il y a des contrats de sous-traitance, quand une tierce partie fait du travail au nom du gouvernement fédéral. Il y a généralement des dispositions claires dans les contrats qui indiquent les exigences linguistiques. Les collègues qui font de tels contrats généralement ont de telles exigences à respecter dans les contrats. L'obligation du gouvernement fédéral est très claire à cet égard lorsque quelqu'un fait du travail en son nom. Ce sera un plaisir de donner un complément d'information séparément.
Le sénateur Goldstein : Je vous en parlerai après.
Le sénateur Losier-Cool : Madame la ministre, c'est à mon tour de vous remercier. C'est toujours agréable de vous revoir et c'est toujours un honneur pour un comité du Sénat de recevoir la visite d'un ministre. Cela étant dit, mes questions sont très techniques, très simples. Vous pouvez répondre par oui ou par non. D'abord, au début de votre présentation, vous avez parlé du conseiller spécial, M. Bernard Lord. Si ma mémoire est bonne, M. Lord devait remettre son rapport à la mi-janvier. Maintenant, dans votre présentation, vous dites que cela sera rendu public en 2008.
Mme Verner : Merci pour votre question. Non, un événement a eu lieu le 24 janvier, événement synthèse qui s'est tenu ici à Ottawa, auquel j'ai participé aussi, mais le dépôt du rapport de Monsieur Lord ne se faisait pas à la mi- janvier puisque l'événement synthèse n'avait pas encore eu lieu. On s'attend à ce qu'il soit déposé dans les prochains jours ou semaines, maximum. Nous ne sommes pas en retard, en 2008, nous sommes dans la bonne séquence d'événements.
Le sénateur Losier-Cool : Je suis contente de vous entendre préciser « les prochains jours » ou « les prochaines semaines », parce que connaissant le climat politique actuel sur la Colline, qu'arriverait-il de toutes ces consultations et de ce rapport si des élections étaient déclenchées? Souhaitons que ce soit assez tôt. Avisez Monsieur Lord!
Mme Verner : Je ne vais pas vous répondre, parce que cela prendrait une dimension politique que vous ne souhaitez pas au niveau de ce comité.
Le sénateur Losier-Cool : À la dernière page de votre présentation, il est question surtout du financement des programmes « Canada en fête ». Au Nouveau-Brunswick ou en Acadie, la Fête nationale des Acadiens en date du 15 août ne reçoit aucun financement et ne semble pas faire partie de la liste des fêtes admissibles à un financement, contrairement à la Saint-Jean-Baptiste, par exemple, le 24 juin. Cela pourrait-il être éclairci?
Mme Verner : On va vous revenir là-dessus. Comme vous le savez, on a annoncé 30 millions de dollars supplémentaires pour des festivals dans les différentes communautés et je voudrais vérifier s'ils ont fait une demande dans le cadre de ce nouveau programme.
Le sénateur Losier-Cool : Comment savoir? Pour ce 30 millions, y aura-t-il un rapport?
Mme Verner : Je ne veux pas qu'on mélange les choses, si vous me permettez l'expression. On va revenir sur le fait que vous posez une question par rapport au 15 août et à des fonds qui pourraient être octroyés à l'organisation de cet événement. Mais je vous dis que mon premier réflexe, c'est de penser au nouveau fonds qu'on a annoncé dans le dernier budget pour les festivals. C'est un autre 30 millions, ce n'est pas le 30 millions pour les langues officielles.
Le sénateur Losier-Cool : Mais ce n'est pas nécessairement un festival, le 15 août, c'est une fête comme la Saint-Jean- Baptiste. Le « 15 août » ne reçoit pas de financement.
Mme Verner : Écoutez, on va le vérifier.
Le sénateur Losier-Cool : D'autant plus que l'an prochain, ce sera le Congrès mondial acadien, nous aurons besoin de financement pour cet événement.
Mme Verner : Pour le Congrès mondial acadien, cela va très bien pour le financer.
Le sénateur Champagne : Bienvenue, madame la ministre. Je voudrais revenir à ces institutions fédérales désignées. On se plaignait l'année dernière que justement elles ne semblaient pas avoir d'ordres clairs en ce qui concerne la mise en œuvre de la partie VII de la loi. Les mesures positives, on ne comprenait pas vraiment ce que cela voulait dire.
Puisque des rapports vous sont remis maintenant — ce sera dans le rapport que vous nous présenterez prochainement —, quand vous analysez ces rapports, messieurs Moisan et Lussier, croyez-vous qu'on commence à comprendre maintenant? Les mesures proactives innovatrices sont-elles mieux comprises? Commence-t-on à comprendre?
Mme Verner : En effet, autant M. Moisan que M. Lussier peuvent répondre à vos questions. Le prochain rapport annuel inclura une liste d'exemples de mesures positives, effectivement. Évidemment, selon l'institution, les mesures positives peuvent être très variées. Mais je vais laisser mes collègues s'exprimer sur le cheminement que font les 32 institutions fédérales.
M. Lussier : Juste pour rajouter rapidement à ce qu'a dit madame la ministre, ce dont on s'est rendu compte, c'est que, selon le mandat des institutions, la mesure positive peut prendre des formes extrêmement différentes. Toutes les institutions ne font pas nécessairement du financement, par exemple. C'est simple de concevoir qu'une institution dont le mandat est d'appuyer un soutien financier, que ce soit dans le domaine économique, social ou culturel, va être portée à prendre des mesures positives de nature financière — réserver une enveloppe, faire une liste de critères de programmes particulièrement adaptés aux besoins des communautés, par exemple —, mais pour une institution qui n'a pas ce mandat, la question qu'on entendait souvent, c'était : Mais oui, mais que puis-je faire en tant qu'institution? C'est là qu'il faut faire preuve d'imagination. Puis certains des exemples que Mme Verner a mentionnés tout à l'heure, l'offre de lieux de réunion, l'achat de publicité dans les médias minoritaires, ce sont des formes non strictement financières ou non traduites en subvention et en contribution qui néanmoins appuient le développement communautaire. Et c'est sur cette illustration que l'on travaille.
Le sénateur Champagne : Les mesures positives deviennent signe de dollars, mais je pense qu'il y a autre chose qu'on peut faire, et là, que vous m'arriviez avec le fait que pour ceux qui n'ont pas d'argent à consacrer à un projet quelconque, c'est peut-être le plus difficile. J'étais un peu inquiète en lisant qu'il y avait un ennui majeur au ministère de la Justice, dont le rôle est de fournir des conseils juridiques, qu'ils avaient adopté une approche très défensive en interprétant la nouvelle partie VII de façon restrictive et où on les incitait à la prudence au lieu de les encourager à avoir des idées proactives ou innovatrices.
Madame la ministre, avez-vous réussi à convaincre les gens chez Justice Canada? La prudence, c'est beau, mais il faut aussi avancer à un moment donné.
Mme Verner : Au sujet de Justice Canada, je vais être prudente, si vous me permettez, je sais qu'ils font des représentations présentement devant la cour. Mais entre autres choses, je vous dirai qu'ils feront certainement partie d'exemples de mesures positives qu'ils ont prises en vertu de la loi dans le prochain rapport aussi.
Le sénateur Champagne : Je reviendrai en deuxième partie avec le côté culturel de tout cela.
[Traduction]
Le sénateur Murray : Dans les notes de séance qu'on nous a fournies sur la partie VII de la loi et la signification de « mesures positives », je peux lire ceci : on dit que « mesures positives » signifie que les institutions fédérales doivent de façon courante et habituelle veiller à ce que chaque programme, chaque politique, chaque accord ou décision tienne compte des obligations imposées par la partie VII. Cela signifie que les collectivités de langues officielles sont traitées différemment compte tenu de leurs besoins et de leurs circonstances particulières. C'est très vague. Je dirais que c'est trop général, ce qui m'amène à ma question.
J'ai essayé de me remémorer les programmes, politiques et accords qui nous ont été soumis récemment. Actuellement, le Sénat est saisi d'un projet de loi, et du reste le ministre de la Justice nous a signifié qu'il s'agissait d'une question de censure. Toute une gamme de modifications au Code criminel figure dans ce projet de loi. Justice Canada est un des ministères et agences désignés.
Je ne connais pas le fin fond de ce projet de loi. Dans les médias, il est question de deux dispositions, à savoir l'âge de consentement pour une activité sexuelle qui passe de 14 à 16 ans et d'autre part l'imposition de peines obligatoires minimales pour les crimes commis avec des armes de poing ou des armes à feu. Je pense que la réponse à la question : « Quel est le lien entre ces dispositions et les collectivités de langues officielles? » est évidente : il n'y en a pas, ce sont des mesures neutres. Après avoir écouté ce que vous avez décrit du processus, je me demande si dans ce gigantesque appareil gouvernemental, quelqu'un, ou un groupe de personnes, s'affère à examiner rigoureusement chaque expression, chaque article, en pure perte de temps pour voir s'il y a quelque éventuel lien.
Allez-y, allez-y, consultez les fonctionnaires. Madame le ministre, il me fera plaisir d'écouter votre réponse mais si les fonctionnaires veulent ajouter quelque chose, qu'ils le fassent dans la mesure où cette question traite de l'administration publique, aspect qu'ils connaissent plus intimement.
Le deuxième projet de loi qui a reçu la sanction royale, l'autre jour, traitait d'une somme d'un milliard de dollars que le gouvernement fédéral verse aux provinces et territoires afin de venir en aide aux villes mono-industrielles, dans les secteurs forestier et minier, par exemple, qui ont été touchées par des mises à pied ou des fermetures d'entreprise. Je serais facilement tenté de prétendre, et je le prétends, qu'il y a un lien ici. Je sais, grâce aux renseignements que je possède, que certaines des collectivités touchées, par exemple, sont des collectivités où des minorités francophones importantes sont frappées par cette crise — il s'agit de travailleurs et de citoyens, Toutefois, vous avez rédigé et adopté un projet de loi de telle sorte que vous n'avez plus votre mot à dire quant à cet aspect, « vous » étant le gouvernement fédéral et « nous » étant le Parlement fédéral. Par exemple, que la province du Nouveau-Brunswick ou une autre province accorde une attention particulière à sa minorité linguistique est un aspect sur lequel vous n'avez aucun droit de regard. Je pense que le Nouveau-Brunswick va certainement y veiller. Nous avons voté une loi qui est si générale et comporte si peu de bornes que les bénéficiaires peuvent agir à leur guise.
[Français]
Deux ou trois questions sautent aux yeux. Nous devons d'abord nous demander si nos attentes, en vertu de la partie VII, sont trop élevées ou si elles sont réalistes. Deuxièmement, quel est l'impact de ce processus, tel qu'on le comprend, sur l'administration publique? Dieu sait que celle-ci est déjà suffisamment alourdie.
[Traduction]
Au tout début, comme on dit.
[Français]
Troisièmement, doit-on raffiner la politique et le processus pour les rendre plus précis et plus efficaces?
Mme Verner : Vous avez parlé du Projet de loi sur le crime, que vous étudiez au Sénat, et de ses différents aspects. Vous avez également parlé de la fiducie d'un milliard de dollars, que l'on vient de mettre sur pied pour venir en aide, entre autres, au secteur de la foresterie.
Les mémoires découlant de ces discussions et programmes sont présentés au Cabinet. Bien entendu, la question de l'impact sur les communautés minoritaires est soulevée. À titre d'exemple, nous savons que la fiducie d'un milliard de dollars viendra en aide aux communautés mono-industrielles dont font partie les communautés minoritaires linguistiques. Cette aide est attendue autant pour les travailleurs que pour les petites communautés, qui sont atteintes très sévèrement par la crise forestière et manufacturière.
Je vous invite à consulter mon collègue Monte Solberg, ministre des Ressources humaines et du Développement social, pour discuter des mesures adoptées afin de venir en aide aux travailleurs touchés par la crise. Il est très sensible à la question des communautés minoritaires de langue officielle. Des programmes sont adaptés pour les travailleurs dans cette situation.
Un peu partout au gouvernement, on retrouve des projets qui viennent en aide, d'une façon ou d'une autre, à des groupes minoritaires. Qu'il s'agisse de Patrimoine canadien où de la condition féminine, il existe des programmes d'aide partout. Citoyenneté et Immigration Canada soutien des projets visant à favoriser l'immigration dans les communautés francophones. Bref, il existe toute une série de projets et de programmes pour les communautés minoritaires.
Concernant partie VII, vous avez posé trois questions : tout d'abord, à savoir si nos attentes sont réalistes; deuxièmement, à savoir si la machine gouvernementale s'en était trouvée alourdie; troisièmement, doit-on la raffiner.
Le débat a eu lieu en 2005. Nous nous étions alors entendus pour dire qu'on allait de l'avant avec la partie VII. Je ne pense pas qu'on puisse refaire le débat aujourd'hui.
Est-ce que la machine s'en est trouvée alourdie? Comme dans tous les cas, il y a une période d'information, d'ajustement et de transition. Les campagnes d'information et les consignes sont venues de très haut. Le greffier a adressé une lettre à l'ensemble des sous-ministres pour leur indiquer ce vers quoi on se dirige.
Il faut laisser le temps s'écouler et examiner les résultats qui seront atteints. Je ne crois pas qu'il faille baisser les bras tout de suite, et ce n'est pas mon intention.
Faudra-t-il raffiner? Le temps saura nous le dire. Toutefois, il faut se permettre d'aller plus loin et plonger dans l'exercice. Nous devons prendre le temps d'examiner les résultats et les initiatives qui seront prises par l'ensemble de l'appareil gouvernemental avant de dire si on doit raffiner ou non. J'ai confiance en l'exercice dans lequel on est présentement.
Le sénateur Losier-Cool : J'aurais une question supplémentaire, particulièrement au sujet de votre réaction à la condition féminine.
Nous dites-vous que Patrimoine canadien a étudié de près l'impact de ces changements sur Condition féminine Canada? En 2005, le budget a été réduit et des bureaux satellites ont été fermés. Vous êtes-vous penché sur les impacts de ces changements sur les femmes en situation minoritaire?
Mme Verner : Votre prémisse est erronée. Il n'y a pas eu de compressions budgétaires dans les programmes de Condition féminine. Au contraire, on a augmenté de 76 p. 100 le budget dévolu à la programmation de Condition féminine Canada. Je suis contente que vous me donniez l'occasion de faire cette mise au point. C'est une mauvaise information qui a été véhiculée, et dans la programmation de Condition féminine Canada, les budgets se trouvaient en 2006 à 10,2 millions de dollars. Cette année, on dépasse les 19 millions de dollars avec les montants qu'on a annoncés dans le dernier budget. Ce qui veut dire qu'il y a des groupes de femmes un peu partout au pays, dont des groupes de femmes dans des communautés de langue minoritaire, qui ont accès maintenant à des fonds, parce qu'on a plus d'argent. Dans la seconde ronde de projets qu'on a appelés, on a reçu un nombre record de projets, et très bientôt on va être en mesure de les annoncer. Bien entendu, dans l'ensemble des programmes à Patrimoine et surtout pour Condition féminine, cela nous ferait plaisir d'aider les groupes minoritaires qui présenteraient un projet, avec évidemment des objectifs précis, des résultats visés également.
Le mythe que je veux corriger aussi, c'est celui de la fermeture de certains bureaux de Condition féminine Canada. On a déterminé qu'il était peu efficace pour les groupes communautaires, surtout ceux en région, d'avoir ces bureaux. On a réalloué les fonds — et non coupé les fonds — dans la programmation. Depuis un an, ce sont — et j'ai la liste — de centaines de groupes qui ont reçu des sessions d'information, ou ont été contactés par conférences téléphoniques. Des fonctionnaires se sont même déplacés pour rencontrer les groupes dans les communautés, pour leur indiquer de quelle façon ils pouvaient soumettre des projets pour Condition féminine Canada et recevoir des fonds. On profite des 500 points de services de Services Canada.
Le sénateur Losier-Cool : Avoir fermé les bureaux satellites, c'était surtout pour renflouer le budget pour donner à plus de femmes, c'est cela?
Mme Verner : Pour parler plus crûment, c'était cesser de payer pour de la bureaucratie, puis obtenir davantage de résultats pour les femmes et avoir plus de projets à financer.
Le sénateur Comeau : Bienvenue, madame la ministre. On apprécie beaucoup le temps que vous avez bien voulu passer avec nous.
Vous reconnaissez de façon générale que dans les communautés minoritaires, surtout dans des régions rurales ou côtières, il y a très peu de présences fédérales. On peut nommer Postes Canada, la GRC, parfois Pêches et Océans Canada. La présence fédérale y est très restreinte. Il y des bureaux régionaux qui sont situés parfois à des centaines kilomètres de ces localités. De façon générale, ces agences deviennent, telles que Postes Canada, le visage du fédéral. Reconnaissez-vous cette réalité et avez-vous identifié ces agences, cette présence fédérale? Est-ce que vous avez mis sur pied des stratégies pour expliquer les responsabilités tout à fait particulières que ces représentants du gouvernement fédéral doivent assumer dans les communautés rurales?
Mme Verner : Effectivement, ce sera un peu titanesque, mais cela mérite d'être fait quand même, de déterminer où sont les petites communautés partout à travers le pays. Les obligations sont là. Comme je le disais un peu plus tôt dans mon discours, mon rôle n'est pas d'agir à leur place, mais certainement de les encourager à agir. Je ne peux pas prendre leurs responsabilités non plus. Mais il y a un souci très certain de répondre aux besoins parce que parfois, il faut hausser le ton un peu. Oui, je pense qu'il peut arriver parfois que l'on doive hausser le ton, mais de façon très générale, je peux vous dire que notre gouvernement a quand même appuyé le projet de loi S-3. On ne fera donc pas l'inverse. Dans ce contexte, je ne sais pas si au niveau des fonctionnaires comme tels il existe des mesures. Je sais qu'il y a des réunions des sous-ministres adjoints. Il y en a eu une dizaine depuis un peu plus d'un an maintenant où bien entendu la question des langues officielles est à l'agenda. Maintenant, est-ce qu'il y a des mesures pointues pour identifier une région?
Le sénateur Comeau : Cela ne se serait pas trop difficile, je vais vous donner l'exemple de l'Atlantique. À Terre- Neuve, il y a environ deux communautés, à l'Île-du-Prince-Édouard, peut-être deux, en Nouvelle-Écosse, peut-être cinq ou six. Au Nouveau-Brunswick, c'est un peu différent. C'est une province spéciale à cause de la dualité linguistique. Puis dans l'Ouest, on retrouve sensiblement la même chose, un nombre très restreint de communautés.
Mme Verner : En Colombie-Britannique, on me dit que les communautés sont très éparpillées, mais il faut faire le travail, il faut prendre nos responsabilités. Je laisse M. Lussier compléter ma réponse.
M. Lussier : Deux petits points d'information si vous permettez. Le premier point concerne le fait qu'il y ait des obligations de langue de service qui sont prescrites à ces institutions, en vertu d'un règlement qui dépend d'un niveau de concentration démographique des communautés. Ce n'est pas un domaine de la loi où je suis expert. Je ne m'occupe pas de cela. Cependant, ce qu'on dit aux institutions, lorsque je leur parle le de la partie VII, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'opérer dans une région où il y a suffisamment de francophones, au Québec disons, pour qu'ils méritent le service en français. Il n'est pas obligé d'y avoir le seuil requis pour que l'institution se pose la question à savoir comment puis-je l'appuyer en vertu de ma responsabilité à l'article 41. L'un ne déclenche pas l'autre. Beaucoup de ces institutions se font la réflexion, peut-être plus que je ne le pense, sur cette question : comment puis-je aller au-delà de ce que mes obligations de service m'imposent pour appuyer ces communautés?
Le deuxième point, c'est qu'il existe une cartographie très fine de la présence des communautés, qu'il me fera plaisir de partager aussi.
Le sénateur Comeau : J'ai une dernière question, car je sais que le temps passe.
Pour faire la promotion des communautés, tout est une question de synchronisme. Au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, le moment est à point. Les gouvernements provinciaux sont très réceptifs. On en connaît moins sur la situation de Terre-Neuve, mais dans les autres provinces les conditions sont excellentes. Étant donné les circonstances, y a-t-il des démarches fédérales qui ont été entreprises pour faire avancer les dossiers plus rapidement qu'en temps normal?
Mme Verner : J'aimerais m'assurer de bien comprendre votre question. Quand vous parlez de faire avancer les dossiers, vous parlez en matière de langues officielles?
Le sénateur Comeau : Je parle, par exemple, des écoles, de la pré-maternelle et des programmes qui peuvent faire avancer les communautés.
Mme Verner : Les ententes déjà signées vont jusqu'en 2009. Pour ce qui est des autres projets avec les communautés, dès que nous sommes prêts à faire une annonce, on le fait rapidement.
Au sujet des ententes avec les provinces et les territoires, que ce soit en matière d'éducation, de services, ou qu'il s'agisse des communautés, je sais que des discussions sont entamées. M. Lussier saura vous en dire plus long à ce sujet et où en sont ces négociations.
La conférence ministérielle sur la Francophonie nous permet d'échanger et d'aller beaucoup plus vite que si on s'en tient au processus habituel avec l'appareil administratif. D'ailleurs, nous en avons eu une à Halifax en septembre.
La présidente : Madame la ministre, le temps avance, il est déjà 17 heures. Par conséquent, je me demandais si vos autres engagements vous permettraient de rester avec nous pour encore 15 minutes.
Mme Verner : Malheureusement, je suis plutôt certaine que l'on m'attend. Peut-être pourrions-nous aller jusqu'à cinq minutes supplémentaires.
La présidente : Je demanderais aux sénateurs d'être brefs dans leur question. Nous en sommes au deuxième tour.
Le sénateur Poulin : Je sais que votre mission et votre mandat comme ministre sont assez récents. Toutefois, j'aimerais que vous nous parliez de votre objectif personnel en ce qui a trait aux langues officielles. Que désiriez-vous accomplir? Qu'est-ce que vous aimeriez qu'on se souvienne de votre passage comme ministre?
Mme Verner : C'est une belle question. Effectivement, j'ai le portefeuille des langues officielles depuis déjà deux ans. Lorsque notre parti était dans l'opposition, j'étais aussi critique des langues officielles.
Les langues officielles constituent, pour moi, un dossier émotif et qui me tient à coeur. J'ai beaucoup appris des communautés. Je suis d'une région où 98 p. 100 de la population parle français et où les enfants ne se posent jamais la question à savoir s'ils auront de la difficulté à se faire servir en français. La cause m'a donc touchée rapidement.
J'ai des obligations et la loi est là. Le Canada est un grand pays. Nous sommes plus de 33 millions. Nos attentes doivent être réalistes. À mon avis, nous disposons d'outils extraordinaires en notre faveur. Même si partout on vit la démographie, on a quand même une jeunesse extrêmement dynamique, qui voyage d'une province à l'autre et avec son bagage de français et d'anglais. La jeunesse représente l'un de nos meilleurs ambassadeurs. Le bilinguisme est populaire au Canada. Les jeunes veulent parler les deux langues. Cela constitue un outil absolument extraordinaire avec lequel on devrait continuer de bâtir.
Le sénateur Poulin : Je suis bien contente de vous l'entendre dire. Vous célébrerez cette semaine votre sixième mois comme ministre aux langues officielles
Mme Verner : Non.
Le sénateur Poulin : Je m'excuse, il s'agit bien sûr de Patrimoine canadien. Votre responsabilité financière est très importante.
Un article a été publié récemment dans un journal que l'on ne nommera pas. L'auteur de cet article semble avoir une perception étroite de notre pays. Il indique qu'avec la mondialisation, c'est la langue anglaise qui prime et que l'on devrait investir uniquement dans la langue anglaise. Je me demandais alors comment la ministre responsable des langues officielles réagit devant un tel article?
Mme Verner : C'est regrettable.
Le sénateur Poulin : Je poserai donc ma question différemment. Comme ministre, j'aurais aimé que vous rédigiez une lettre qui donne justement la position du gouvernement actuel sur l'importance de cette qualité assez unique, dans le monde de la mondialisation, et en indiquant que deux langues nous donnent plus de chances de faire des affaires avec d'autres pays.
Mme Verner : Je suis d'accord avec vous. Je dois admettre, bien humblement, que je n'ai pas lu cet article. S'il est récent, je vais certainement réagir.
Le sénateur Poulin : L'article a paru samedi dernier dans le journal Le Devoir.
Mme Verner : Ce sera un plaisir pour moi de réagir. Je dois dire que c'était une grande fin de semaine de fête à Québec. On fêtait le carnaval de Québec. On avait des activités partout et de la grande visite.
Quand le premier ministre du Canada parle français, y compris dans des sommets internationaux à l'extérieur du Canada, je crois que cela en dit long sur la position de notre gouvernement. Je me ferai un plaisir de le rappeler à ceux qui ne partagent pas cette opinion.
La présidente : Est-ce que vos deux représentants, messieurs Lussier et Moisan, pourraient rester pour répondre aux questions de notre comité pour quelques minutes encore?
Mme Verner : Oui.
Le sénateur Champagne : On pourra toujours parler culture, toutefois demeurons avec les langues officielles. L'automne dernier, j'ai eu l'occasion d'aller à l'Institut universitaire de gériatrie de l'Université de Montréal. Il y a un programme intitulé les Francommunautés virtuelles, qui existe à Industrie Canada, mais qui vient aussi de chez vous. Ce programme a permis à l'université de mettre sur pied un site Internet en français extraordinaire pour aider et informer les aidants naturels. Ce site extraordinaire est à l'adresse : www.aidant.ca. J'apprends que ce programme se termine en mars et qu'il ne sera pas renouvelé.
J'ai vu ce qu'on a fait avec ce programme. Je l'ai vécu avec les gens qui sont là. Je l'ai vécu avec Frédéric Bach, qui était alors le porte-parole de l'université et qui s'occupe de sa femme qui, malheureusement, a subi un accident cardiovasculaire assez grave.
C'est un programme qui ne demandait pas beaucoup d'argent, mais avec lequel des gens bien intentionnés pouvaient faire beaucoup. On a Internet même dans les minorités francophones un peu partout; on trouve cela au Québec, à Montréal, à Québec, mais on trouve cela aussi en Saskatchewan, en Alberta, quand on a besoin d'aide pour les gens, voilà où il y a des services francophones; et ce programme, paraît-il, sera terminé à la fin mars.
Si vous pouviez encore regarder, madame la ministre, je pense que cela aiderait beaucoup de gens. J'ai été à l'autre bout des aidants naturels. J'ai été la personne aidée pendant de longs mois et je sais à quel point cette ressource peut aider les aidants. Regardez, ce n'est pas une grosse somme d'argent et vous n'avez même pas à l'administrer, c'est Industrie Canada qui le ferait. Ce serait peut-être une bonne idée.
Mme Verner : M. Moisan complétera ma réponse; on me dit que c'est un programme, comme vous le soulignez, qui normalement se termine au 31 mars, mais il y a des discussions entre les deux ministères. On va regarder cela de près.
La présidente : Nous allons permettre à madame la ministre de nous quitter puis nous allons continuer. Merci Madame Verner.
La présidente : Sénateurs, nous allons prendre encore un maximum de dix minutes et ensuite nous passerons au prochain groupe de témoins.
Le sénateur Tardif : Nous avons lu dans les dernières semaines qu'il y avait un manque à gagner de 132 millions de dollars entre ce qui a été effectivement investi et ce qui devait être investi au niveau des ententes en éducation signées avec les provinces et les territoires. Pouvez-vous nous expliquer ce manque?
M. Lussier : En fait, il n'y a pas de manque à gagner, sénateur. La base sur laquelle ce calcul a été fait était inexacte. J'ai vu le tableau sur lequel, de très bonne foi, le personnel de la Bibliothèque du Parlement a préparé ces chiffres et j'en ai même discuté ce matin avec le personnel de la bibliothèque. Il y avait en 2002-2003, l'année immédiatement précédent le début du plan d'action, à l'intérieur des sommes que consacrait Patrimoine canadien à l'éducation dans la langue de la minorité, deux enveloppes pour des financements qui allaient se terminer, pour l'une en 2002-2003, pour l'autre 2003-2004. C'étaient des enveloppes que Mme Copps avait annoncées à la fin des années 1990, l'un de 15 millions et l'autre de 18 millions. Ces enveloppes devaient arriver à échéance, l'une en 2002-2003, l'autre en 2003-2004. Ce n'était donc pas des ressources qui devaient durer au-delà de ces deux années de fin de leur existence.
Il aurait fallu donc les enlever des ressources dites régulières consacrées à l'enseignement dans la langue de la minorité pour trouver la base réelle des ressources de langue officielle consacrée à l'enseignement de la minorité. Si vous multipliez ces chiffres, 15 et 18, par le nombre d'années pendant lesquelles elles n'ont pas été là, vous arrivez à 147. Donc théoriquement, c'est un trou de 147 qu'il aurait fallu trouver. Mais il n'y a pas de trou, car ces ressources arrivaient à échéance de toute façon.
C'est un peu confus, peut-être, car les explications de chiffres, sans avoir de tableau, deviennent difficiles à suivre. C'est simplement le fait que des ressources, qui devaient arriver à terme, sont arrivées à terme comme prévu.
Le sénateur Tardif : Merci; je peux toujours continuer à faire ma recherche.
Le sénateur Goldstein : Juste à titre de renseignement, l'article en question a été publié dans le National Post, samedi; il y a eu une réponse assez pointue dans La Presse de dimanche et une réponse encore meilleure, je crois, dans Le Droit d'aujourd'hui. Cela dit, je me demande, avec respect, si le ministère ou la ministre pourrait répondre par un article dans le National Post, car c'est ce journal qui a fait paraître l'article qui a été lu par les anglophones, et il contenait un tas de malentendus, des difficultés d'interprétation — je n'irai pas jusqu'à parler de mensonge, mais presque — et cela exige une réponse, d'après moi.
M. Moisan : On va étudier la question. On a vu également beaucoup d'articles récents, celui-là certes, mais d'autres aussi, qui ont généré des réponses, ici dans la région, dans le Ottawa Citizen, il y a quelques semaines, et l'on voit que, parfois, cela prend un certain temps avant d'avoir des réponses; cela vaut la peine de remettre les pendules à l'heure.
Je crois que l'article du National Post posait une question un peu plus large que l'anglais et le français, c'était plutôt en général sur la valeur des langues. On sait que beaucoup d'autres personnes, sur l'apprentissage des langues en général, ont des perspectives qui dépassent largement l'anglais et le français et qui parlent de toutes les langues et à quel point c'est un enrichissement.
Le sénateur Tardif : Quand pouvons-nous nous attendre à recevoir le rapport annuel 2006-2007?
M. Lussier : Ce sera en 2008. L'année passée, cela avait été déposé en juin. On essaye toujours de viser une date aussi tôt que possible au printemps pour le dépôt. On parle du rapport 2006-2007 qui est en préparation à l'heure actuelle.
La présidente : Avant de vous remercier de façon formelle de la part du comité, messieurs, j'aimerais juste faire une petite observation. Nous sommes tous ici pour le plus grand bien du développement des communautés de langues officielles en milieu minoritaire. Il y a quelques années, si vous vous souvenez, messieurs, nous discutions de définir ce qu'était une consultation et un processus de consultation. À un moment donné, cela a été défini pour que les ministères comprennent que c'était à deux sens et non pas à sens unique. Maintenant, nous sommes en train de définir ce qu'est une mesure positive. Pendant ce temps, les années passent et les communautés en situation minoritaires sont de plus en plus vulnérables.
Pour ma part, tout ce que j'aimerais dire aujourd'hui — mais ce n'est pas une annonce — c'est que dans la Loi sur les langues officielles, la partie VII parle du cadre d'imputabilité et de toutes les instances fédérales qui y sont assujetties. Dans ce cadre, quand on le relit, il est dit :
Déterminer si les politiques et programmes ont une incidence sur le développement des communautés de langues officielles en situation minoritaire, et ceci, dès les premières étapes.
Je pense que c'est très clair et j'aimerais vous demander de continuer à inciter tous les ministères à respecter cette partie VII de la Loi sur les langues officielles ainsi qu'à définir au plus vite les mesures positives, car le temps passe et je sais que vous en êtes aussi conscients que moi et les membres du comité.
Cela dit, Messieurs Lussier et Moisan, merci beaucoup.
Sénateurs, nous faisons une pause de quelques instants; nos prochains témoins vont venir s'installer.
La séance est suspendue.
La séance reprend.
La présidente : Comme je l'ai mentionné au début, notre comité a aussi entrepris l'étude de la culture francophone. C'est un des sujets qui sont de grand intérêt pour notre comité.
Nous allons maintenant entendre des représentants de deux organismes nationaux voués à la promotion de l'expression artistique et culturelle des communautés francophones et acadienne. Nous avons avec nous la Fédération culturelle canadienne-française, la FCCF, en la personne de M. Pierre Bourbeau et de Mme Raymonde Boulay- LeBlanc ainsi que la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, FCFA, en la personne de Mmes Lise Routhier-Boudreau et Diane Côté.
Nous écouterons la présentation des deux groupes et ensuite nous procéderons avec les questions. Si vous voulez bien commencer.
Lise Routhier-Boudreau, présidente, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada : Merci de nous avoir invités à prendre la parole. Le dossier que vous étudiez présentement, la culture des francophones au Canada, touche des questions d'une importance cruciale quant à la vitalité, au développement et à l'épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire.
Comme vous le savez, le Sommet des communautés francophones et acadienne, qui a eu lieu en juin dernier, a permis de mettre de l'avant une vision et une feuille de route pour la prochaine décennie du développement de la francophonie partout au pays. La déclaration finale du sommet énonce clairement les conditions favorables à la vitalité culturelle, sociale et économique des collectivités de langue française. Elle a aussi intégré explicitement la culture dans les orientations communes à mettre en œuvre au cours des dix prochaines années. De plus, c'est là une grande partie de nos propos aujourd'hui. Le sommet a consacré l'existence d'une francophonie plurielle définie non plus uniquement par les francophones de langue maternelle, mais par tous ceux et toutes celles qui choisissent de communiquer et d'appuyer le français.
Ce concept d'une francophonie plurielle revêt une grande importance pour la vitalité des communautés francophones et acadienne ainsi que pour le développement de notre identité culturelle et de notre sentiment d'appartenance.
Dans notre société, les systèmes homogènes d'identité et de culture sont révolus. Nous croyons fermement que les champs de référence culturels se sont diversifiés en fonction tant des régionalisations que des origines des francophones et des multiples sources d'influence culturelle canadienne, américaine et mondiale.
Les communautés francophones et acadienne vivent aujourd'hui dans un contexte de grande diversité culturelle et de montée notoire d'identité bilingue. Ces communautés se sont retrouvées aux prises, au cours de la dernière décennie, avec des questionnements fondamentaux sur la manière de définir l'identité francophone au cœur de la diversité et surtout sur la façon de s'assurer que chacun y trouve les conditions nécessaires à l'épanouissement. Le concept d'une francophonie définie par tous ceux et toutes celles qui choisissent de communiquer en français est respectueux des différences culturelles, religieuses et ethniques et laisse la place aux francophones d'origines diverses et à ceux et celles qui ont appris la langue française et qui choisissent de participer de près ou de loin à la vie de la communauté francophone. Dans un tel contexte de francophonie plurielle, sujette aux influences identitaires multiples, comment les lieux de création et de renforcement de l'appartenance à la communauté francophone réussiront-ils à jouer leur rôle face notamment au pouvoir d'attraction de la culture de langue anglaise? Et voilà à notre avis la grande question que nous posons aujourd'hui. La langue et la culture sont constitutives de ce qui nous relie. Dans la langue il y a déjà une culture incorporée. La culture comporte une langue commune, et c'est avec cette langue et avec cette culture que nous créons une communauté. Dans cette nouvelle francophonie, la construction et le renforcement du sentiment d'appartenance passe par la contribution d'un très large éventail de partenaires communautaires ainsi que par la présence d'institutions, de lieux et de contenus qui créent et rendent accessibles des milieux de vie en français attrayants, dynamiques pour une variété d'individus, une variété d'expériences et une variété de besoins.
On parle ici de lieux de vie communautaire accessibles tels : les écoles, les médias, les centres d'accueil des migrants et des immigrants et les centres communautaires et culturels. On parle de contenu linguistique et culturel compétitif en matière de qualité de technologie d'accessibilité, des activités, des événements, des produits et des services en français. On parle de processus variés qui peuvent intéresser les individus, les groupes, les publics cibles par des occasions de partage, de dialogue, de célébration, de participation, d'engagement ainsi que par des médias de communication interactifs. Enfin, on parle d'intervenants, d'animateurs culturels et d'artistes qui contribuent, à animer, à communiquer, à créer, à innover, à produire, à valoriser et à transmettre les arts, les cultures et les patrimoines visant à relier les individus et les groupes dans l'espace francophone et dans les lieux de vie communautaire. C'est ensemble que ces acteurs culturels et identitaires veillent à l'attrait, à l'acquisition, au maintien, à la participation des personnes et aux bénéfices potentiels qu'elles perçoivent et qu'elles retirent à vivre dans l'espace ouvert de la langue et de la culture. Toutefois, la compétition est vive entre les influences culturelles et identitaires de langue française et celle de langue anglaise. Le grand défi pour les communautés francophones et acadienne et pour leurs acteurs culturels et identitaires est donc de redoubler leur capacité d'attraction et de satisfaction des attentes et des demandes tant des francophones que des francophiles. Dans un monde où les influences culturelles et identitaires sont nombreuses, surtout dans un contexte où la culture américaine et canadienne de langue anglaise est omniprésente, il devient impératif que les lieux de vie, les contenus, les processus et les intervenants culturels de langue française offrent une qualité, une variété et une vitalité comparable à ceux de langue anglaise.
Par ailleurs, il faut reconnaître que nous vivons à une époque où les choix culturels et identitaires sont pour une bonne part guidés par la séduction, c'est-à-dire par la capacité des acteurs et des intervenants culturels d'offrir des choix attrayants pour les individus et les groupes. Pour toutes ces raisons, il importe donc de renforcer la capacité des acteurs culturels et identitaires de la francophonie de jouer leur rôle. À cet égard, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de premier plan en investissant dans la construction et le renforcement des milieux de vie en français.
Au cours de la prochaine année, plusieurs occasions majeures permettront au gouvernement de poser des gestes concrets en lien avec son engagement envers la dualité linguistique au Canada et l'appui au développement de communauté de langues officielles. Outre les grands événements que sont le Sommet de la Francophonie, les célébrations du 400e anniversaire de la ville de Québec, qui permettront au Canada d'illustrer et de promouvoir la francophonie par la production, la promotion et la diffusion des arts, de la culture et du patrimoine, il y a la question du renouvellement des accords de collaboration avec les communautés, des ententes Canada-provinces et bien sûr, de la stratégie du gouvernement fédéral en matière de langue officielle.
Lors des consultations menées par Bernard Lord en vue de la prochaine stratégie en matière de langues officielles, nous avons mis de l'avant l'importance d'investir dans la construction des milieux de vie en français, notamment par le biais d'investissement dans le capital humain des communautés. Or, qui parle d'investissement dans la construction des milieux de vie en français parle également d'investissement dans les lieux, les contenus, les processus et les intervenants qui permettent aux francophones de s'identifier à la francophonie et de développer un sentiment d'appartenance. Il s'agit d'investir dans les infrastructures, des lieux physiques où les francophones ont accès aux activités, aux biens, aux services en français; des lieux d'apprentissage, de rencontre, de dialogue et communautaires. Il s'agit d'investir dans les infrastructures des médias de communications publiques et communautaires de langue française capables de capter et de mobiliser l'intérêt des jeunes, des familles, des migrants et des immigrants ainsi que de promouvoir et diffuser les multiples dimensions de la culture et l'identité francophone.
Il s'agit d'investir dans la formation des ressources humaines en vue d'améliorer les capacités et les compétences ainsi que l'efficacité des francophones dans la création et l'innovation, dans la production, la promotion et la diffusion des activités, des biens et des services culturels en français.
Nous souhaitons donc que le Sénat appuie cette mise en priorité des investissements dans la construction des milieux de vie en français et comme la culture traverse tous ces milieux de vie en français, nous croyons également important que le Sénat reconnaisse la contribution essentielle de la Fédération culturelle canadienne française et de ses membres au renforcement de ses milieux de vie en français. L'engagement du gouvernement envers la dualité linguistique et envers la diversité culturelle, valeur fondamentale de notre pays, équivaut à un engagement vers l'avenir du Canada.
Je vous remercie de l'intérêt renouvelé que vous portez à cette culture francophone du Canada et bien sûr nous serons heureuses de répondre à vos questions.
La présidente : Merci. Nous allons maintenant entendre la présentation de Mme Raymonde Boulay LeBlanc.
Raymonde Boulay LeBlanc, présidente du Conseil d'administration, Fédération culturelle canadienne-française : Madame la présidente, l'avenir de la francophonie canadienne est intimement lié à celui de notre culture. Le Canada n'est pas seulement une puissance économique, mais bien une entité culturelle dynamique et un cadre d'épanouissement de ses cultures nationales. Aujourd'hui, la culture francophone est une force motrice de changements et de développements qui va favoriser l'essor d'une francophonie canadienne forte, ouverte et plurielle.
Alors que la culture francophone devrait occuper au Canada une place centrale, aujourd'hui encore, celle-ci ne lui est toujours pas octroyée. Sur le plan international, nos artistes, nos organismes, nos créations apportent une pluralité de voix à la Francophonie internationale lui donnant ainsi une image plus riche. Nous avons de grands artistes et de grands créateurs. Ils ont la vocation à s'exprimer, à rayonner dans le monde, mais la Francophonie canadienne dispose encore de peu de moyens pour se positionner au niveau des instances internationales.
Les principaux défis de nos secteurs : il reste des défis permanents directement liés à notre environnement périphérique et minoritaire; consolider le continuum culturel en région; dans nos communautés, le développement culturel repose sur l'action d'environ 145 organismes locaux et 13 organismes provinciaux et territoriaux. Leur capacité d'action est trop souvent restreinte par un manque de moyens notamment en ressources humaines et en infrastructures adéquates.
La rétention d'artistes : il devient urgent d'encourager de nouvelles initiatives visant le développement d'emplois artistiques et de privilégier des stratégies d'action en région pour contribuer à la rétention des artistes qui, par leur apport, façonne un milieu de vie épanouissant et stimulant au sein des communautés francophones et acadienne; une meilleure considération des besoins du milieu artistique par le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les agences culturelles :
Depuis quelques années, la FCCF et ses membres déplorent un engagement financier qui plafonne envers la communauté artistique francophone au Canada. À l'exception de certains exemples de réussite depuis le début des années 2000, une méconnaissance des réalités propres aux organismes artistiques demeure. Il en résulte un financement inadéquat de l'infrastructure artistique nationale et en région, tel que démontré par l'étude sur le positionnement de la Fédération culturelle canadienne française qui indique un recul du financement du Conseil des arts du Canada de 2000 à 2005 et aussi en 2006, et ce, malgré un investissement PICLO de 2,2 millions de dollars et une augmentation du financement global du Conseil des arts du Canada pendant la même période. On note également un recul par rapport au Fonds canadien de la télévision, notamment dans la gestion de l'utilisation des fonds. Enfin, les efforts pour l'obtention d'une représentation francophone au sein des conseils d'administration du Conseil des arts du Canada ou du Fonds canadien de la télévision sont restés lettre morte.
Enfin, l'absence des arts et de la culture de la Francophonie canadienne dans le plan d'action pour les langues officielles a été particulièrement préjudiciable pour un développement équilibré et pondéré de nos milieux artistique et culturel. Aujourd'hui, il devient urgent d'obtenir un financement de base pluriannuel et stable pour la consolidation de nos organismes et pour le développement des stratégies et des projets mobilisateurs et structurants en tenant compte des ressources existantes et du potentiel de chacune des régions.
Nos organismes artistiques nationaux représentent les secteurs des arts visuels, de la création littéraire, du théâtre, de la chanson-musique et des arts médiatiques. Ils sont constamment à la recherche de ressources financières supplémentaires pour assurer les frais de fonctionnement et pour rémunérer décemment les artistes et les créateurs. Les structures industrielles présentes dans les communautés francophones et acadienne ne seront possiblement jamais en mesure de concurrencer avec les conglomérats, mais il est clair que sans elles, nos communautés seraient incapables de soutenir une activité de création et de production de niveau professionnel.
Ceci étant, et malgré des progrès réels, la production audiovisuelle francophone à l'extérieur du Québec demeure une industrie fragile notamment avec les changements récents annoncés au Fonds canadien de télévision et la répartition de son budget. Dans les six dernières années, les sommes allouées aux producteurs francophones en milieu minoritaire n'ont pas atteint 15 p. 100 de l'enveloppe francophone du Fonds canadien de télévision.
L'accès aux arts : Beaucoup de projets de diffusion — comme les Réseaux régionaux de diffusion de spectacles, l'initiative Livres, Disques, le projet L'échangeur en arts visuels, le bureau de promotion Zof de Montréal — ont bénéficié de ce soutien financier, mais ces projets demeuraient des investissements additionnels pour pouvoir véritablement décoller afin d'accroître la visibilité et le rayonnement des artistes.
Les rôles de la famille, l'école, la jeunesse, la communauté, les médias, les gouvernements en matière de promotion et d'appui à la culture francophone :
Si le capital culturel et identitaire est le dénominateur commun des francophones et Acadiens, il n'en reste pas moins que l'acquisition d'une langue et d'une culture qui y sont associées résulte d'un effort d'éducation et d'apprentissage partagé entre familles, écoles et communautés. Ainsi, la culture à l'école et l'accessibilité de la culture restent des axes de travail permanents pour la FCCF. À ce propos, elle a lancé l'initiative lien langue-culture-éducation qui révèle le rôle essentiel de l'éducation artistique et de l'animation culturelle au sein des écoles et qui contribue à l'épanouissement d'une réflexion identitaire chez les jeunes.
Du côté des communautés francophones et acadienne, la FCCF préconise que la culture francophone n'est pas un secteur, mais bien un pilier transversal essentiel à leur développement durable. La culture francophone et ses manifestations sont des éléments transversaux qui se retrouvent dans l'ensemble des secteurs de la francophonie canadienne et qui permettent de contrer l'exode des jeunes, l'assimilation linguistique et culturelle et les transferts linguistiques.
En ce XXIe Siècle, il nous faut revoir la question de l'identité francophone pas seulement du côté de la protection de notre culture, mais aussi du côté des interrelations culturelles dans notre espace francophone avec la notion d'altérité et d'interculturalité qui s'installe progressivement au sein des communautés francophones et acadienne.
Les arts et la culture sont des outils d'intégration pluraliste au sein des communautés francophones et acadienne. Les lieux de médiation culturelle, les structures locales d'action culturelle sont autant d'agoras, d'espaces d'interaction qui encouragent une plus grande compréhension et une amitié entre les cultures au sein des communautés francophones et acadienne. Ceci est indispensable pour créer chez les immigrants un sentiment d'appartenance à leur communauté francophone et pour endiguer tout processus de « ghettoïsation » des nouveaux arrivants francophones/ francophiles au sein des communautés francophones et acadienne.
L'apport de la culture en terme économique : Malgré des impacts économiques mesurables et quantifiables, la culture francophone n'est pas encore reconnue comme une composante essentielle de l'économie canadienne. Seule nuance à ce constat : les milieux culturels et artistiques québécois et plus récemment acadiens qui ont réussi à mettre en place des stratégies audacieuses de valorisation de l'apport essentiel et déterminant de leurs artistes et institutions culturelles dans la société en projetant une image de marque faite de modernité, de créativité et d'innovation.
La culture francophone et la société canadienne et les communautés francophones en milieu minoritaire : Il faut placer la culture au cœur d'un projet de société propre à la francophonie canadienne, celui d'une société culturelle francophone, riche et inédite, forte dans son identité qui, en occupant les espaces institutionnels, publics, médiatiques et politiques, ira puiser sa légitimité, viendra conforter la francophonie comme un projet essentiel au Canada. Pour poursuivre cette ambitieuse mission, le gouvernement fédéral se doit de mieux appuyer la culture francophone qui vient enrichir la diversité culturelle et anime la dualité linguistique de notre pays, deux valeurs fondamentales qui caractérisent le Canada et qui en font sa fierté à l'étranger.
Depuis 2002, la FCCF publie une étude sur le positionnement de la francophonie canadienne au sein des grandes institutions culturelles fédérales. Elle met en lumière les fluctuations des budgets accordés aux organismes artistiques et culturels de la francophonie canadienne, un état de fait que la FCCF veut voir changer notamment avec le prochain mécanisme qui remplacera le plan d'action pour les langues officielles. À cet effet, la FCCF estime qu'il est nécessaire d'obtenir une injection supplémentaire de 200 millions de dollars étalée sur cinq ans pour une consolidation à long terme de ses organismes artistiques et culturels à travers le pays.
Une politique culturelle nationale pour défendre et stimuler la culture francophone : Actuellement, il n'existe pas de définition officielle de la culture et pas de politique culturelle dominante au Canada. La Constitution renferme les grands principes d'une politique culturelle canadienne. D'autres éléments de politique culturelle se retrouvent dans des lois comme la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur le droit d'auteur, la Loi sur la radiodiffusion et d'autres lois plus particulières comme la Loi sur le statut de l'artiste. Ceci étant, le manque de cohérence entre les objectifs du cadre législatif du Canada et les considérations financières plutôt que culturelles, semble évident dans l'application de l'actuelle politique culturelle. La culture représente une responsabilité partagée et chaque ordre de gouvernement la développe selon ses propres priorités et programmes à l'intérieur de son cadre stratégique et de ses contraintes budgétaires. Ce qui reste évident, c'est qu'en ce XXIe Siècle et dans l'environnement mondialisé de commerce international et de concentration d'entreprises, le Canada doit signaler sans équivoque au secteur des arts et de la culture, et notamment à ceux de la francophonie canadienne, qu'il comprend l'importance d'un financement adéquat et stable dans ce domaine vital de l'identité et de l'économie nationale.
La partie VII de la Loi sur les langues officielles, un atout pour l'appui à la culture dans les communautés francophones en situation minoritaire : Avec les modifications apportées à la partie VII de la Loi sur les langues officielles en 2005, le gouvernement fédéral doit maintenant mettre en place des mesures positives visant à encourager l'épanouissement des communautés linguistiques. À ce chapitre, la FCCF tient à souligner la problématique qui concerne la gestion de certains programmes de Patrimoine canadien par de tierces parties qui ne sont pas assujetties à la Loi sur les langues officielles. En d'autres mots, alors que le cadre législatif avec la Loi S-3 se trouve renforcé au bénéfice des communautés linguistiques minoritaires, les résultats concrets et mesurables restent, eux, toujours en attente.
La convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité culturelle : Dans ce contexte particulier, la FCCF poursuit son implication auprès de la coalition pour la diversité culturelle. Le gouvernement fédéral doit poser des gestes clairs : adopter un cadre législatif complet qui affirme l'importance de la propriété et du contrôle canadien des entreprises culturelles, dont celle de la francophonie canadienne; mettre en place un cadre politique qui assure que toutes les technologies de distribution et de production de contenu canadien partagent les mêmes obligations et objectifs culturels; développer une politique étrangère canadienne qui assure la promotion de notre culture francophone dans tous les médias et sur toutes les plateformes sur les marchés internationaux et célèbre les réalisations culturelles francophones canadiennes à l'échelle mondiale.
Il va falloir aller chercher les moyens de nos ambitions. Au niveau fédéral, les dépenses culturelles représentent une partie infime du budget global. La FCCF estime qu'il est temps que le gouvernement canadien, à l'instar d'autres pays, pense sérieusement à s'avancer vers un ratio d'au moins 1,5 p. 100 du budget national consacré à la culture et qu'une part équitable y soit accordée à la francophonie canadienne par le biais des programmes de Patrimoine canadien et de ses agences culturelles et selon le poids démographique qu'elle représente.
En conclusion, faire de la culture une véritable ambition pour la francophonie canadienne, le constat est que, dans les faits, la francophonie canadienne est avant tout culturelle. Nos artistes, nos créateurs, nos acteurs culturels ont tissé un réseau de l'esprit, de l'imagination et du cœur qu'il nous appartient de faire vivre. Et parce que la culture est au cœur de l'identité francophone, elle doit être au cœur du développement durable des communautés francophones et acadienne.
Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous. Et j'aurais peut-être une dernière recommandation : il serait opportun pour le comité de pouvoir inviter aussi les organismes nationaux artistiques à comparaître devant vous.
La présidente : Merci, madame. J'aimerais vous mentionner que le comité a l'intention de tenir une table ronde et ces organismes seront invités.
Le sénateur Poulin : J'aimerais vous remercier Mme Routhier-Boudreau et Mme Boulay LeBlanc et vos directeurs généraux respectifs d'avoir pris le temps de venir nous parler avec conviction et clarté de l'importance de la langue et de la culture dans notre pays d'aujourd'hui. Vous prêchez à des convertis, on ne vous le cachera pas.
Vous avez dit des choses importantes. J'ai beaucoup aimé l'utilisation de votre langage, Mme Routhier-Boudreau, sur le fait qu'il fallait user de séduction aujourd'hui pour s'assurer que la langue et la culture devenaient plus à point. J'ai beaucoup aimé votre référence, Mme Boulay LeBlanc, à la Loi sur la radiodiffusion.
J'ai été un peu surprise de ne pas vous entendre parler de l'importance de la radiodiffusion pour, un, faire connaître la culture et la langue, et deux, faire connaître nos artistes, contribuer à leur développement. Si je retourne à il y a 20 ans — et je pense que madame le sénateur Champagne va s'en souvenir personnellement —, la Société Radio-Canada a joué un rôle extrêmement important régionalement et nationalement dans le développement de nos grands artistes. Malheureusement, on retrouve moins d'émissions régionales et des émissions sur nos grands artistes de langue française.
Avez-vous décidé de ne plus demander que notre radiodiffuseur national joue ce rôle et n'est-ce pour cela que ni l'une ni l'autre, vous avez mentionné de quelque façon que ce soit l'importance de la Société Radio-Canada dans notre pays d'aujourd'hui? Surtout avec un budget de près d'un milliard de dollars et avec les infrastructures régionales qui existent partout au pays, j'ai été un peu surprise de voir qu'il n'y avait aucune mention du radiodiffuseur national.
Mme Routhier-Boudreau : L'intention n'est certainement pas de ne pas continuer à revendiquer la nécessité d'avoir une diffusion radiophonique et télévisuelle. Quand j'ai parlé de média, c'était vraiment en général, cela comprend nécessairement le rôle important que les médias ont joué dans le passé et qu'ils continuent à jouer aujourd'hui. Et d'ailleurs, avec Radio-Canada, nous sommes continuellement en dialogue et en communication pour bien faire valoir les besoins des communautés en tant que diffuseur. Je tiens à vous rassurer, que ce n'est certainement pas quelque chose qu'on a évacué.
Mme Boulay LeBlanc : J'ajouterais peut-être que, aujourd'hui, j'étais en rencontre avec le directeur général et le président de l'APFC, l'Association des producteurs francophones du Canada, et qui soulevait justement, je dirais, des choses alarmantes de ce côté. Et je vais laisser Pierre, peut-être, vous en faire part.
Pierre Bourbeau, directeur général, Fédération culturelle canadienne-française : Effectivement, peut-être parce qu'on a comparu devant un autre comité il n'y a pas longtemps par rapport à Radio-Canada et son rôle important, peut-être qu'on s'est permis d'être un peu plus général dans ce document, mais je peux vous dire que pour nous, la visibilité des communautés francophone et acadienne et des artistes au sein de Radio-Canada est très importante et je vous dirais que ce sur quoi on pousse beaucoup avec Radio-Canada, c'est surtout la visibilité de ces artistes dans les émissions nationales à haute écoute.
On a remarqué dernièrement, avec la restructuration de Radio-Canada, qu'au niveau du Web et de la radio, il y a des choses assez intéressantes qui se font avec Radio-Canada parce que, effectivement, Internet et la radio sont des médias souples et peu coûteux. La télévision, c'est autre chose. Maintenant, Radio-Canada est une télévision publique que je dirais en souffrance de financement et qui doit jouer le même jeu des cotes d'écoute que les télévisions privées pour être capable d'aller chercher les revenus publicitaires nécessaires.
Nous, la francophonie canadienne, effectivement, cela nous met dans une position un peu perdante, parce qu'à ce moment-là, ce qui est recherché par Radio-Canada, c'est une forte cote d'écoute au niveau du peuple québécois et très souvent, ce qui est utilisé, c'est qu'étant donné que nos artistes sont peu connus, il y a des enjeux de cote d'écoute. Nous, on fait valoir cela dans d'autres documents, qu'il faut que Radio-Canada joue pleinement son rôle de média public et qu'il assure une visibilité appropriée de nos artistes parce que, effectivement, il en revient aussi de leur propre carrière et de se faire connaître et d'être capables de vivre de leur métier.
Ce à quoi Mme Boulay LeBlanc faisait référence, c'est que du Fonds canadien de la télévision, un tiers va à la production francophone et, de cela, présentement, la francophonie canadienne va en chercher 10 p. 100. Nous, ce qu'on demande, c'est que ce ratio soit porté à 15 p. 100, représentant effectivement le poids démographique de la francophonie canadienne. Ce n'est pas peu dire parce que c'est une augmentation de 5 millions. Je peux vous dire que pour les producteurs franco-canadiens, s'il y avait un 5 millions additionnel accessible, cela ferait une grande différente.
Il y a aussi une autre préoccupation par rapport à ce 10 p. 100 accordé à la production francophone, est que Radio- Canada maintenant a un 33 p. 100 qui lui est directement alloué. Contrairement à tout le reste du fonds, il y a des genres qui doivent être produits en pourcentage pour s'assurer qu'on offre une certaine richesse dans la production télévisuelle. Malheureusement, ce qui est accordé à Radio-Canada présentement est exempt de tous genres, c'est-à-dire que Radio-Canada fait un peu ce qu'il veut avec ce 33 p. 100 qui lui est alloué. Et les producteurs francophones s'en ressentent.
Encore une fois, je dirais, je vais mettre cela dans une perspective générale, c'est que c'est une télévision qui doit jouer malheureusement le jeu des cotes d'écoute et des revenus publicitaires.
Le sénateur Losier-Cool : Je dois vous dire que j'étais une des personnes qui poussaient vraiment, qui voulaient que ce comité regarde la culture francophone au Canada.
Quand j'ai lu dans La Presse de samedi dernier un supplément qui s'intitulait « Quand je me regarde je me console », cela ne m'a pas consolée : même en France, les statistiques démontrent que les Français sont plus attirés par le cinéma américain, par les Academy Awards que par les galas en français.
Cela étant dit, on a souvent menacé Radio-Canada dans nos régions en disant : vous êtes un facteur d'anglicisation parce que les francophones du nord du Nouveau-Brunswick sont tannés d'entendre parler de ce qui se passe à Montréal puis le trafic sur le pont Jacques-Cartier, alors qu'est-ce qu'ils font? Ils vont du côté anglophone.
Cela étant dit, je voudrais continuer sur la rencontre avec la ministre, lorsqu'on a parlé des mesures positives, et je voudrais savoir si vos deux organismes collaborent avec Patrimoine canadien sur ce qui pourrait être de mesures positives pour la partie VII de la loi sur les langues officielles.
Mme Routhier-Boudreau : Je vais laisser ma collègue répondre, elle pourra vous donner mieux que moi l'évolution du dossier, mais je pourrais vous dire que la question des mesures positives est en effet un dossier qui nous interpelle de façon importante à la fédération, un dossier qu'on suit de près et certainement un dossier dans lequel on a réitéré fois après fois notre volonté, comme organisme, de collaborer avec les instances gouvernementales pour pouvoir travailler ce dossier.
Je pense que, souvent, aussi, on sent bien sûr l'inaction comme tout le monde dans ce dossier et j'accorde aussi une partie du problème que parfois, on a comme l'impression qu'on ne sait pas trop comment s'y prendre pour faire avancer le dossier. On travaille beaucoup sous cet angle pour accompagner les gens à faire le travail qui doit se faire, mais Diane pourrait compléter de façon plus importante.
Diane Côté, directrice, Liaisons communautaires et gouvernementales, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada : Certainement, on travaille avec l'équipe interministérielle à Patrimoine canadien. D'ailleurs, depuis l'automne, on a des rencontres régulières avec cette équipe pour essayer de voir comment on peut faire avancer les choses à différents niveaux sur toute la question de la mise en œuvre des mesures positives.)
On est aussi à développer un mécanisme par lequel on pourra faire une collecte de données dans nos communautés, à savoir quelles sont les mesures positives mises en place et celles que les communautés demandent aussi aux ministères. Ce sera évidemment une démarche à long terme. Les gens pourront mieux nous informer de ce qui se passe dans les communautés.
Il est important de comprendre que des mesures positives existaient avant 2005. C'est sûr qu'on voudrait que les choses aillent très vite et qu'il y ait énormément d'initiatives mises en place, mais il faut aussi comprendre qu'il y a un dialogue à établir avec les différentes institutions gouvernementales. Elles ont besoin de bien comprendre ce dont on a besoin pour pouvoir faire les ajustements nécessaires. C'est un processus qui doit se mettre en marche.
Le sénateur Losier-Cool : La Fédération culturelle canadienne-française aussi?
M. Bourbeau : Je ne pense pas que ce soit les consultations qui manquent. Nous, par exemple, à la Fédération culturelle canadienne-française, on gère une entente multipartite qui comporte différents signataires, comme entre autres, la Société Radio-Canada, le Conseil des arts du Canada, le Centre national des arts, l'ONF, Patrimoine canadien. Cette entente vise à savoir de quelle façon d'autres agences que Patrimoine canadien pourraient supporter le développement du secteur des arts et de la culture dans la francophonie canadienne.
Nous avons établi des mécanismes de concertation à travers cette entente qui sont annuels. Par exemple, nous avons des groupes de travail thématiques : en arts visuels, en édition, en chanson-musique et en théâtre. Nous avons aussi des rencontres bilatérales, c'est-à-dire que la Fédération culturelle canadienne-française rencontre un signataire de la société Radio-Canada ou du Centre national des arts, et cetera. Les processus de consultation sont là.
Ce sont les résultats atteints qui sont mitigés. Encore là, la tendance lourde c'est que les objectifs souhaités ne sont pas atteints. Je dis bien « tendance lourde « parce que je ne veux pas jeter ombrage à nos champions; il y a effectivement des gens qui ont atteint des résultats très intéressants, nommément Espace culturel, et PAC qui a été un programme très sensible à la réalité de la francophonie canadienne.
Il reste encore des brèches à colmater parce que la situation de la francophonie canadienne demeure toujours en marge, c'est un peu plus petit, c'est souvent en région. Et comment bien financer, tout cela pose un lot de défis. Mais constamment, nous avons l'impression que lorsque vient le temps d'établir des critères de programmes, les gens nous écoutent et le constat que nous faisons, en général, c'est que les critères de programmes sont établis en fonction de la réalité de la majorité anglophone ou en fonction de la réalité québécoise.
Souvent, ce qui peut être donné à la francophonie canadienne dépend du bon vouloir. Il y a souvent des clauses qui vont mentionner que pour la francophonie canadienne on pourrait peut-être être généreux et l'interpréter de telle ou telle façon, mais ce n'est rien de solide. On reste un peu fragiles dans le sens qu'on dépend du bon vouloir de l'interprétation.
C'est pour cette raison que je dis qu'en ce qui concerne le secteur des arts et de la culture, ce n'est pas encore clair ce qu'on veut vraiment faire pour la francophonie canadienne. C'est le gros débat, lorsqu'on parle de mesures positives.
Je me permets une petite parenthèse : j'ai fait partie d'un comité de travail avec le Commissariat aux langues officielles qui visait justement à déterminer ce qu'étaient des mesures positives. Le Commissariat aux langues officielles est arrivé avec quelque chose de très intéressant, à savoir que cela prend une concertation réelle, qu'il faut s'entendre sur les résultats qu'on veut atteindre et qu'il faut prendre les moyens pour les atteindre. Et ensuite, il faut faire une évaluation. C'est ce qui n'est pas clair : qu'est-ce qu'on veut vraiment atteindre pour la francophonie canadienne? Parce que cela prend un effort très particulier pour ajuster les programmes qui existent présentement.
Le sénateur Tardif : Je voulais ajouter une question à celle de ma collègue, le sénateur Losier-Cool, concernant encore une fois les mesures positives. Vous avez indiqué une problématique dans votre présentation, à savoir que la gestion de certains programmes de Patrimoine canadien était donnée à de tierces parties qui n'étaient pas assujetties à la Loi sur les langues officielles. Pouvez-vous élaborer à ce sujet, s'il vous plaît? Pourquoi fait-on cela? Dans quel domaine? Quelle est la difficulté?
M. Bourbeau : Le Fonds canadien de la télévision est un exemple. Il n'est pas assujetti, à ce que je sache, à la Loi sur les langues officielles et c'est à force de travail politique que nous avons réussi à aller chercher cet investissement de 10 p. 100 pour la francophonie canadienne. Mais cela reste encore une fois quelque chose de fragile, c'est-à-dire que chaque année on doit surveiller la situation de près pour s'assurer que la situation demeure.
Le Fonds canadien de la musique, c'est la même chose. C'est un autre fonds qui n'est pas assujetti à la Loi sur les langues officielles. Encore là, on a fait des progrès intéressants à force de représentations et de dialogue, mais cela reste des acquis fragiles, car les gens changent et on peut faire face à un autre genre de mentalité et être fragilisés.
Ce qui se passe présentement au Fonds canadien de la télévision, avec la question de la création d'un fonds public ou privé, et toute la question de répondre aux tendances du marché, ce sont des indicateurs que les gains qui sont faits sont fragiles et qu'il faut être constamment en état de veille pour s'assurer que ces choses restent protégées. Dès que l'on créé des fonds qui ne sont pas nécessairement des fonds gouvernementaux, cela nous met dans un état réactif afin de s'assurer que nos droits seront protégés. Et il s'agit là de plusieurs millions de dollars.
La présidente : J'ai une question additionnelle à celle du sénateur Tardif. En ce qui concerne le Fonds canadien de la télévision, n'y a-t-il pas une partie des contributions monétaires qui proviennent de Patrimoine canadien?
M. Bourbeau : Je pense que le fonds a diminué un peu, mais à une époque, le fonds était effectivement de 300 millions de dollars : 200 millions pour la production anglophone et 100 millions pour la production francophone. Le ministère du Patrimoine canadien contribuait pour 120 millions de dollars et c'était parce que le Patrimoine canadien contribuait ces sommes qu'il exigeait que 10 p. 100 soit investi pour la production franco-canadienne.
La présidente : Même si certains fonds monétaires proviennent de Patrimoine canadien, ce fonds n'est pas assujetti à la Loi sur les langues officielles?
M. Bourbeau : Non, parce qu'il y a 5 p. 100 qui est chargé aux câblodiffuseurs et que pour plusieurs cela devient comme un fonds privé que les câblodiffuseurs aimeraient mieux utiliser selon leur volonté.
Le sénateur Goldstein : La question qui m'était venue à l'esprit a été posée et beaucoup mieux que moi je n'aurais pu le faire. J'ai cependant une réaction. Je ne sais pas si c'est une question. Vous parliez de la culture. Évidemment, vous parlez de la culture francophone et vous prêchez à des convertis. Nous comprenons que les ressources qui sont données pour l'essor de la francophonie au Canada ne sont pas suffisantes. Cependant, en vous écoutant, si j'avais fermé mes yeux et si j'avais remplacé le mot « francophonie » ou le mot « français » par les mots «opéra », « théâtre », « ballet », ou « musée », le reste de ce que vous auriez dit aurait peut-être été répété par l'Association nationale des musées, l'Association canadienne des écrivains, en anglais et en français, et toutes les autres instances qui veulent conserver la culture. Et force est de constater que la culture comme telle ne se trouve pas à être une priorité ni de ce gouvernement — et je ne veux pas être partisan — ni du gouvernement qui l'a précédé.
Donc les gouvernements, quelle que soit leur couleur, n'appuient pas, au fédéral et au provincial, la culture. Finalement, la culture est l'essence même de la civilisation et de ce que nous appelons le Canada.
Pourriez-vous faire cause commune avec toutes les autres instances qui ont un intérêt dans la conservation et dans l'essor de la culture de façon très générale, évidemment tout en soulignant l'importance primordiale de la culture francophone? Après tout, vous avez un département du gouvernement qui est censé être doué et affecté à la conservation, la préservation et l'avancement de la culture française.
Ne pourriez-vous pas travailler avec les autres pour mettre l'accent sur la culture en général?
M. Bourbeau : Je crois qu'on le fait déjà. La Fédération culturelle canadienne-française fait du travail particulier dans le domaine des langues officielles. La Fédération culturelle canadienne-française est aussi membre de la Conférence canadienne des arts. Elle est membre de la Coalition canadienne pour les arts. Cette coalition s'est beaucoup battue pour faire augmenter le budget, entre autres, du Conseil des arts du Canada.
Nous sommes aussi membre de la Coalition canadienne pour la diversité culturelle. Cet organisme a fait beaucoup de travail au niveau international, entre autres, auprès de la convention pour l'UNESCO, qui favorise la diversité culturelle. Nous sommes tout à fait en faveur de la question de protéger les droits en diversité culturelle. Quelques fois, on s'amuse à dire que le Canada s'est présenté comme un leader international et protecteur de la diversité culturelle. Il va falloir aussi que le Canada se demande pose la question sérieusement à savoir comment cela s'applique à l'intérieur de ses frontières. Et c'est précisément ce que nous faisons en travaillant avec plusieurs organismes québécois et anglophones.
Le sénateur Losier-Cool : J'aurais un défi à lancer à vos deux organismes pour nous aider et poursuivre le débat. Mon commentaire fait suite à la question du sénateur Murray à madame la ministre, lorsqu'il parle des fonds que le Parlement a votés pour les régions défavorisées. On peut faire un lien avec la culture. Il est vrai que la culture a un apport économique. Toutefois, sans argent, on ne va ni au théâtre, ni au ballet, ni à l'opéra.
J'aimerais que vous soyez vigilant dans votre démarche pour faire en sorte que, dans les provinces, et surtout dans nos régions francophones, on soit capable de mettre sur pied des mesures économiques afin que la culture ne souffre pas trop.
Mme Boulay LeBlanc : J'aimerais répondre à ce commentaire. Les arts et la culture sont aussi un des moyens déterminants dont on se sert pour attirer les grosses entreprises à venir s'installer dans une région et créer une économie. On peut presque renverser le rôle et dire que pour attirer une économie chez soit, on doit avoir un milieu de vie dynamique. On examine alors les activités qui existent à l'extérieur du travail, et c'est souvent du côté des arts et de la culture qu'on se tourne.
Mme Routhier-Boudreau : J'ai un commentaire général. Il est vrai que l'apport de la culture est important, peu importe la langue et la région. Pour les communautés francophones, les incidences sont encore plus importantes. L'identité francophone et le paysage francophone ont beaucoup changé depuis 30 ans. C'est l'apport de toutes ces cultures qui fait en sorte qu'on peut se reconnaître et être migrant ou immigrant. Comme le disait Mme Boulay LeBlanc, si nous voulons garder nos francophones, il faut non seulement des emplois en français mais une qualité de vie. Ces aspects sont importants et sont liés directement à l'apport de la culture.
Je peux vous parler comme enseignante, une profession que j'ai pratiquée pendant 33 ans. C'est à l'aide d'éléments culturels que je réussissais à rejoindre mes élèves, dans ma classe, les immigrants, les migrants, les élèves en difficulté, les élèves doués, les élèves qui avaient des problèmes à la maison. C'est par la culture que nous nous rejoignons.
Pour les communautés francophones et acadiennes l'apport de la culture est essentiel.
M. Bourbeau : Mon commentaire sera imprégné d'une impression personnelle et professionnelle. Le dernier recensement et l'enquête post-censitaire, ont été pour moi un éveil. Cela veut dire qu'il faut se relever les manches. Pour nous, deux défis en particuliers se posent. Il faut être capable de bâtir une identité francophone pour nos jeunes. Il faut que nos jeunes soient fiers d'être francophones. La construction identitaire est souvent un cheminement interne et intraverti. Pour ce faire, il est absolument essentiel que nous disposions de toutes les infrastructures nécessaires. L'éducation est importante. Nous sommes persuadé que les arts et la culture peuvent jouer un rôle très déterminant dans cette construction identitaire.
Le cheminement interne que ces jeunes font doit résonner dans leur environnement. Pour ce faire, il faut qu'ils voient des communautés dynamiques et modernes auxquelles ils seront fiers de s'associer. Pour offrir ce genre de milieu à l'extérieur de la famille et des écoles, nous prétendons que les arts et la culture sont un secteur qui peut permettre de dynamiser nos communautés.
Ces des défis sont très particulier aux communautés francophones et acadienne, mais ils ont certainement une résonance pour la société canadienne.
La présidente : Mesdames et messieurs, j'aimerais vous remercier d'être venus témoigner devant le comité. J'aimerais vous remercier particulièrement pour les documents que vous laissez avec le comité ainsi que pour la qualité de vos présentations. Ces documents sont très bien développés. Vous y avez mis beaucoup de temps et d'énergie. J'aimerais vous dire à quel point elles nous aideront à préparer notre rapport, une fois que nous aurons terminé notre étude.
La séance est levée.