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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 6 - Témoignages du 12 mai 2008


OTTAWA, le lundi 12 mai 2008

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 h 4 pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la Loi.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je souhaite à tous la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis le sénateur Maria Chaput, du Manitoba, et je préside le comité. Pour commencer, j'aimerais vous présenter les membres du comité qui sont présents aujourd'hui. À ma gauche, le sénateur Lowell Murray, de l'Ontario, le sénateur Andrée Champagne, du Québec — qui est aussi la vice-présidente de ce comité —, le sénateur Gerald Comeau, de la Nouvelle- Écosse et à ma droite, le sénateur Rose-Marie Losier-Cool, du Nouveau-Brunswick.

J'aimerais maintenant présenter nos quatre témoins invités à prendre part à la table ronde ce soir. À ma droite, du Réseau culturel francophone de Terre-Neuve et Labrador, M. Xavier Georges, directeur, de la Fédération culturelle de l'Île-du-Prince-Édouard, Mme Monic Gallant, directrice générale, de la Fédération culturelle acadienne de la Nouvelle-Écosse et du Conseil de partenariat des arts et de la culture de la Nouvelle-Écosse, M. Paul Gallant, président des deux organismes et de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, Mme Mariette Carrier-Fraser, présidente.

La table ronde d'aujourd'hui a pour objectif d'étudier l'état de la culture francophone au Canada, plus particulièrement dans les communautés francophones en situation minoritaire. L'ensemble des témoins aujourd'hui représente les associations communautaires de l'Est et de l'Ontario. Nous espérons pouvoir rencontrer les associations du Nouveau-Brunswick d'ici quelques semaines. Nous avons déjà rencontré les associations communautaires de l'Ouest et du Nord du Canada, les organismes gouvernementaux et le Centre de la francophonie des Amériques. Nous planifions aussi rencontrer les associations nationales du secteur des arts et de la culture.

Chers témoins, le comité vous remercie d'avoir accepté notre invitation et de vous être déplacés pour comparaître aujourd'hui. Je vous invite maintenant à prendre la parole, mais avant de commencer, j'aimerais vous rappeler que nous aimerions que votre présentation soit d'environ cinq minutes chacun, afin de permettre ensuite aux sénateurs de poser des questions.

J'invite maintenant M. Xavier Georges à prendre la parole.

Xavier Georges, directeur, Réseau culturel francophone de Terre-Neuve et Labrador : Madame la présidente, sénateurs et membres du comité, je tiens à vous remercier de votre invitation à venir témoigner. C'est un honneur pour nous de pouvoir être ici.

J'aimerais dire qu'au Réseau culturel francophone de Terre-Neuve et Labrador, nous avons fait beaucoup de travail ces dernières années pour consolider la culture et pour structurer le développement de la province au niveau de la francophonie. Il convient de dire que, dans les dernières années — surtout depuis les célébrations organisées par la Société 2004 —, le fait français à Terre-Neuve et Labrador connaît un essor et un engouement autant de la part des communautés francophones que de la part des communautés de la majorité linguistique. C'est dans ces circonstances favorables et au fil des consultations qu'est né, à la demande des communautés, le Réseau culturel francophone de Terre-Neuve et Labrador, afin de coordonner les efforts provinciaux.

Quant au réseau culturel, il est intéressant de noter qu'il y a un effet non prévu, mais qui prend très rapidement de l'ampleur. Quand on parle de travailler avec la majorité linguistique et surtout avec l'histoire de Terre-Neuve et Labrador —une histoire de cohabitation qui date de plusieurs centaines d'années —, on remarque que le réseau culturel, par ses démarches sur le plan du développement de la culture et sur le plan de la professionnalisation des artistes, crée un lien et est devenu un interlocuteur. Tous les organismes de développement artistique déjà en place — que ce soit le Conseil des arts de Terre-Neuve et Labrador, les festivals de folklore ou les différents gros développeurs du côté de la majorité linguistique — ont vu dans le réseau culturel l'interlocuteur parfait, ce qui fait qu'on s'est retrouvé avec un double mandat, soit de représenter nos communautés auprès des institutions déjà en place et en même temps, de permettre à ces institutions de nous découvrir.

Quand on parle des principaux défis qu'on peut relever au niveau de la culture et du développement culturel et artistique de la province, c'est dans l'optique de consolider le continuum culturel. On parle effectivement de solidifier le réseau culturel qui est très important. D'ailleurs, selon le vécu de plusieurs autres organismes, on s'est dit qu'on allait devoir travailler fort pour mettre en place ce réseau. Le travail de mise en place a été très rapide et la justification du réseau fait qu'on peut, par exemple, à travers des projets, découvrir que le fonctionnement du réseau a été multiplié par dix en un an, et ce, simplement en répondant à la demande de base. Il est donc très important pour nous de travailler de concert avec la Fédération culturelle canadienne-française à développer un plan pour consolider ce qu'on est en train de mettre en place.

Ensuite, on parle de rétention et de tout ce que ces démarches vont nous apporter, que ce soit en générant des emplois, en générant de la fierté ou en travaillant à faire le lien entre les jeunes et les artistes déjà établis. C'est un mandat très large que la communauté accepte avec grand plaisir.

Sur le plan du dialogue et de l'appui que nous avons des institutions gouvernementales, à Terre-Neuve et Labrador, nous sommes très satisfaits du travail qui a été fait en regard de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Les institutions comme Patrimoine canadien dialoguent avec nous et appuient la cause. Toujours dans cet engouement, on remarque que plusieurs personnes appuient la cause naturellement en élevant leurs propres enfants en français.

C'est donc quelque chose de très important pour nous. Cela nous a permis de nous situer, c'est vital et cela a besoin d'être développé. Dès qu'on sort des canaux normaux de dialogues ou de subventions, on retombe souvent du côté de la majorité linguistique; c'est-à-dire que le dialogue en français ne se fait pas aussi facilement — et là je ne parle qu'au niveau fédéral. Au provincial, les efforts sont louables et très importants, mais il reste un travail énorme pour les années à venir.

Monic Gallant, directrice générale, Fédération culturelle de l'Île-du-Prince-Édouard : Je vous remercie, madame la présidente. Chez nous à l'Île-du-Prince-Édouard, la culture francophone se porte assez bien même si nous avons beaucoup de défis à relever tous les jours pour maintenir la langue française en vie.

La rétention de nos artistes, de nos jeunes est assez inquiétante. Beaucoup d'efforts sont déployés dans nos communautés à travers nos centres scolaires et communautaires à l'intérieur de nos écoles. Nos acteurs culturels sont essoufflés, car ils consacrent beaucoup d'heures à essayer d'amener la culture francophone dans un milieu minoritaire qui est en train de s'angliciser de plus en plus. Cela nous cause bien des défis à l'intérieur de nos communautés.

On est l'organisme porte-parole des arts et de la culture au provincial et on regroupe tous les festivals et les centres communautaires. Nous avons seulement une directrice, moi-même, qui représente la fédération culturelle et je dois principalement faire de la gestion administrative au lieu du travail sur le terrain. Cela nous cause beaucoup de problèmes.

Bien que ce soit du travail sept jours par semaine et presque 24 heures sur 24, étant une grande passionnée, l'effort y est mis. Il y a beaucoup de lacunes et il reste encore beaucoup de travail à faire. Lorsqu'on regarde vers l'avenir, on n'est pas certains de ce que sera la langue francophone dans 50 ans. Les gens s'inquiètent à propos de cet aspect.

Nos activités culturelles développent le sentiment d'appartenance auprès de notre communauté, en mettant de l'avant sa richesse, son histoire et son héritage. Il faut absolument investir beaucoup de temps, d'énergie et de ressources, bien que les arts et la culture ne soient pas des activités autosuffisantes. L'importance d'offrir à notre communauté des activités en français est l'élément qui fait que notre langue va survivre dans le temps.

J'espère avoir réussi à vous transmettre mon message.

Paul Gallant, président, Fédération culturelle acadienne de la Nouvelle-Écosse et Conseil de partenariat des arts et de la culture de la Nouvelle-Écosse : Madame la présidente, je vous remercie de me donner l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui.

Dans votre introduction, vous avez mentionné que j'étais président de la Fédération culturelle de la Nouvelle- Écosse, je suis aussi président du Conseil de partenariat, des arts et de la culture qui a une fonction équivalente d'un Conseil des arts pour la Nouvelle-Écosse. Dans mon travail de tous les jours, je suis directeur du Conseil des arts de Chéticamp, un organisme très dynamique sur le plan des arts dans la communauté de Chéticamp au Cap-Breton. Je porte plusieurs chapeaux, mais en Acadie ce n'est pas grave. On a un dicton qui dit « que tu fais l'homme, la femme et encore le cheval ». Alors, ce n'est pas si grave!

Le sénateur Losier-Cool : Puis le Cap-Breton!

M. Gallant : Et le Cap-Breton!

J'aimerais brièvement vous parler de ces deux organismes ainsi que du plus gros défi en termes de relation : la contribution des gouvernements fédéral et provincial, ainsi que de la communauté.

La Fédération culturelle de la Nouvelle-Écosse a quatre ans d'existence. On a une vie culturelle et artistique très dynamique. Le sénateur Comeau sait de quoi je parle puisqu'il est originaire d'une de ces communautés. Lorsqu'on pense à la culture, on pense très fortement à la baie Sainte-Marie.

C'est un regroupement de 36 organismes. Nous misons particulièrement sur trois secteurs, dont le secteur scolaire. On reconnaît l'importance de la construction identitaire des jeunes avec les écoles, c'est la première priorité.

L'autre priorité ou un outil complémentaire, c'est le travail et le développement de nos artistes. Et finalement, tout le développement et la restructuration de nos communautés pour être en mesure de pleinement bénéficier des arts et de la culture.

Le Conseil de partenariat culturel de la province vient de terminer un rapport appelé Création Nouvelle-Écosse. La communauté et le gouvernement, en partenariat, ont pu préparer un plan pour la province. Cela a connu du succès et le budget des arts et de la culture en Nouvelle-Écosse doublera d'ici trois ans. C'est significatif. Bien que ce soit fait pour l'ensemble de la province, ma préoccupation est de savoir comment notre communauté peut-elle s'assurer de sa présence à la table de discussion? On se rend compte qu'il est important d'être structuré. Les ententes Canada- communautés font beaucoup de bien dans nos communautés. J'étais membre fondateur de la Fédération des jeunes Canadiens français à 15 ans; et j'ai suivi l'évolution qui s'est très bien passée. On se rend compte que sur le plan des arts et de la culture, on n'est pas les mieux outillés dans nos communautés. Nous avons de bons organismes dans les communautés qui s'occupent de la revendication du côté social et culturel. Cela devient hybride.

Je ne peux pas sous-estimer l'importance de la prochaine entente. Il est primordial qu'on ait d'autres types d'outils, entre autres, pour traiter des arts et de la culture. Avec ce mouvement, il y a des ouvertures dans les municipalités et l'on souhaite la même chose du fédéral. Il y a d'énormes opportunités et on doit être bien préparés afin que les francophones, les Acadiens ne manquent pas le bateau encore une fois.

Mon dernier point concerne le rôle du gouvernement fédéral. Je participe aussi au Founders Council du Conseil des arts du Canada et en raison de ma fonction et du regard jeté sur l'ensemble des arts et de la culture, je constate une certaine tendance. Le gouvernement fédéral est en train de se retirer de la culture; il y a moins d'appui continu, mais plus de projets ponctuels.

Prenons l'exemple des espaces culturels. Le sénateur Comeau est au courant de l'aide obtenu de l'APECA pour la construction. Il ne s'agit pas là d'un problème strictement francophone. En Nouvelle-Écosse, on a bâti des musées, des salles de théâtre, et cetera, mais lorsqu'il s'agit d'offrir un appui, cela relève, la plupart du temps, de la communauté et du gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

Si le gouvernement fédéral ne désire pas s'impliquer pour appuyer ces organismes, il serait primordial de s'asseoir avec chacune des provinces pour mieux planifier le soutien financier. Il est possible de s'entendre au sujet du rôle de chacun et il faut décentraliser pour ce faire.

Il me semble anormal que le directeur de Patrimoine canadien prenne toutes les décisions à Ottawa. Si on veut créer des liens plus serrés avec la communauté et travailler de concert avec la province — ce qui serait une belle opportunité —, il faut décentraliser sur le plan régional et provincial. Nos organismes et nos bénévoles s'épuisent et je pense que cela aiderait beaucoup.

Je suis certain que nous aurons un bel échange par la suite.

Mariette Carrier-Fraser, présidente, Assemblée de la francophonie de l'Ontario : Madame la présidente, j'aimerais vous remercier ainsi que les membres du comité de l'invitation à comparaître devant vous. L'Assemblée de la francophonie de l'Ontario que je représente vous sait gré de cette importante étude sur la culture.

Le but de mon exposé est de situer la culture dans un plus grand contexte, soit le contexte de l'Ontario français si on veut. Je n'irai pas dans tous les détails parce que j'ai fait parvenir mon document à M. Jacques qui pourra ensuite le partager avec les autres, cependant je tiens à vous informer que l'une des données les plus importantes du recensement de 2006 de Statistique Canada nous apprend que l'Ontario compte presque 533 000 francophones, soit le plus grand nombre de francophones à l'extérieur du Québec.

Cela dit, le portrait démographique de l'Ontario révèle une double problématique : celle des communautés rurales et celle des grands centres urbains. Cinquante-neuf de nos centres urbains comptent une population de plus de 25 000 personnes. Toronto en compte de 2 à 3 millions. La communauté rurale est beaucoup moins nombreuse, évidemment. Bref, la communauté urbaine compte 85 p. 100 des Ontariens — sans parler des Franco-Ontariens.

L'exode des jeunes et le vieillissement de la population nous causent également des inquiétudes.

Dans les grands centres urbains, la question se pose de façon différente : ces centres accueillent de nombreux immigrants francophones de l'Ontario qui vont toujours vers les plus grands centres — soit Ottawa, Hamilton et Toronto — ainsi que du reste du Canada et de l'étranger.

Le phénomène du vieillissement de la population affecte certaines régions de la francophonie beaucoup plus que d'autres, comme le nord-est, par exemple — North Bay, Sudbury, Hearst, mon chez-nous —, et le sud-ouest de l'Ontario — Windsor, Sarnia, et cetera.

La proportion la plus élevée des jeunes âgés de 15 à 29 ans se retrouve dans l'est et dans le centre de l'Ontario, surtout à Toronto ou à Niagara.

Dans le nord-ouest, par exemple, la région de Thunder Bay, la proportion des 30 à 65 ans est la plus élevée de toute la région ontarienne et cela a un drôle d'impact sur nos communautés francophones, parce qu'il n'y a pas de relève pour la population vieillissante.

Le phénomène de l'immigration représente également un défi important. Depuis 2001, le pourcentage des immigrants francophones oscille entre 10 et 13 p. 100 de la population totale. C'est un défi intéressant parce que cela change la culture de notre Francophonie ontarienne, cela apporte une énergie et une source intéressante de diversité.

J'aimerais aussi porter à votre attention qu'il serait important de faire une campagne de promotion auprès des immigrants pour les aviser justement qu'il existe des communautés francophones en Ontario. Trop souvent, ils l'apprennent une fois bien engagés dans une communauté anglophone et on les perd. Des démarches ont été entreprises avec le gouvernement de l'Ontario pour sensibiliser les immigrants à ce sujet.

L'identité et la langue sont au cœur du projet francophone de tous les territoires et les provinces. La Francophonie ontarienne est une collectivité très diversifiée sur le plan ethnique, démographique et géographique. Lorsqu'on rencontre les membres de notre conseil d'administration à l'AFO, certains voyagent 1 700 kilomètres pour assister à une consultation à Ottawa. Nos rencontres nous coûtent drôlement cher, mais à nos yeux, c'est important parce qu'on veut refléter la diversité de la province.

La collectivité franco-ontarienne a déployé au fil du temps plusieurs stratégies de renforcement de l'identité. Dans nos écoles, par exemple, on enseigne l'histoire franco-ontarienne par la production de livres et de séries télévisées. TFO est un outil extraordinaire pour l'éducation de la population dans son ensemble. L'adoption du drapeau franco- ontarien a été un symbole fort utile pour la communauté lors de la crise de l'Hôpital Montfort, par exemple; les débats se sont déroulés à l'ombre du drapeau franco-ontarien.

La survie de la langue est aussi en danger, car de plus en plus, nos jeunes viennent de familles exogames. Si c'est le père qui parle français, très souvent, la langue parlée à la maison sera l'anglais. Je vais y revenir. Tout cela a un impact sur les arts et la culture.

Nous sommes conscients des forces inégales entre les acteurs francophones et anglophones et nous devons nous assurer que notre espace linguistique est conservé et protégé. Patrimoine canadien et le gouvernement fédéral doivent mettre en place des initiatives pour renforcer la construction identitaire et la pédagogie culturelle, pour le partenariat avec les arts et la culture et s'assurer que la langue ne se vive pas seulement à l'intérieur d'une école et dans une famille, mais aussi dans une communauté.

À bien des égards, la communauté franco-ontarienne est un modèle de créativité, de dynamisme et d'organisation particulièrement bien illustré à l'intérieur des arts, de la culture et du patrimoine. Même si nous n'avons pas tout ce qu'il nous faut, nous avons quand même fait des pas de géant au cours des années. Depuis le début des années 1970, l'expression artistique sous toutes ses formes a explosé en Ontario français.

On recense aujourd'hui, aux quatre coins de notre communauté, — « aux quatre vents de l'avenir possible », pour reprendre les mots du regretté Robert Dickson, notre poète ontarien décédé l'an dernier —, soit huit maisons d'édition, une dizaine de compagnies de théâtre professionnelles, plusieurs galeries d'art, des musées, des centres de folklore, des centres d'interprétation à caractère patrimonial, un magazine artistique ainsi qu'un réseau, le Réseau Ontario, qui organise des tournées et de multiples regroupements et associations faisant la promotion des intérêts des artistes. Je pourrais en nommer quelques-uns : Théâtre Action, l'Association des auteurs, l'Association des professionnels de la chanson, le Regroupement des organismes du patrimoine et j'en passe.

Organisée, structurée, forte des liens qu'elle a tissés avec le monde sur lequel elle s'est ouverte ou qui est venu à elle, la communauté franco-ontarienne est plus que jamais en phase active d'affirmation identitaire, non plus en mode survie; cependant, nous nous voulons en mode épanouissement. Nous ne voulons pas survivre, nous voulons bien vivre et nous épanouir en tant que francophones. Néanmoins, nos partenaires du secteur artistique, culturel et patrimonial nous rapportent que leur situation est délicate, que l'équilibre qu'ils ont réussi à bâtir à force d'imagination et de débrouillardise est fragile, que la frontière entre recul et croissance est bien mince et que le rôle indiscutable qu'ils jouent — je parle toujours de nos partenaires dans le secteur culturel et artistique — pour contrer l'érosion linguistique mérite d'être reconnu à sa juste valeur. Depuis 30 ans, la communauté artistique et culturelle franco-ontarienne a mené de grands combats pour obtenir la reconnaissance et l'appui des différents ordres de gouvernement. Ce qu'elle a réussi à récolter, elle l'a gagné de haute lutte.

Le gouvernement fédéral se doit d'exercer un leadership pour développer et mettre en œuvre une vision nouvelle, moderne et exemplaire qui appuie le plein épanouissement des arts et de la culture franco-ontarienne. Cela s'applique à tous les francophones à travers le pays. Nous attendons avec anticipation le prochain plan d'action sur les langues officielles qui, nous l'espérons, réintégrera le secteur des arts et de la culture comme le recommande le rapport de Bernard Lord.

Nous préconisons la mise en place d'un mécanisme conjoint de gestion horizontale qui regrouperait tous les partenaires qui peuvent collaborer à l'élaboration d'une vision, d'une stratégie nouvelle pour le développement des arts et de la culture.

Des institutions des gouvernements fédéral et provinciaux et de certaines municipalités clés ainsi que les intervenants de la communauté francophone pourraient ainsi se concerter. Parce qu'ils sont à la fois témoins, acteurs baromètres et catalyseurs de la société dans laquelle nous vivons, nos collègues du secteur des arts et de la culture nous rappellent que la communauté franco-ontarienne est aujourd'hui à la croisée des chemins. Elle peut être fière de ses réalisations passées. L'intégration des nouveaux arrivants, le rapport dans toutes les sphères de la société y compris la scène artistique et culturelle a certainement de quoi nous réjouir. Cependant, faute d'appuis adéquats, le secteur des arts et de la culture est au bord de l'essoufflement.

Il y a aujourd'hui une occasion à saisir. Et si les modifications qui viennent renforcer la partie VII de la Loi sur les langues officielles, et qui concrétisent les obligations du gouvernement à l'endroit des minorités de langues officielles, et si ces mesures sont mises en œuvre, l'avenir de notre communauté sera plus brillant. Une de mes priorités sera d'assurer l'efficacité de la loi. Les bonnes intentions ne suffisent plus. Il faut maintenant obtenir des résultats concrets avance le commissaire aux langues officielles Graham Fraser.

Nous l'appuierons dans la réalisation de cette priorité et nous savons que votre comité travaillera également en ce sens.

Nous avons des défis toujours nombreux à relever soit l'inclusion des nouveaux arrivants francophones et le développement des compétences culturelles. Le secteur des arts et de la culture et du patrimoine franco-ontarien est un important moteur de développement économique. On souligne à l'intérieur du document que j'ai remis à M. Jacques, les cinq axes de la planification stratégique de l'Alliance culturelle de l'Ontario.

Les défis sont nombreux, comme nous le disions plus tôt, mais la feuille de route du secteur des arts et de la culture franco-ontarienne est remarquable. L'expérience et l'expertise acquises par différents intervenants ont permis d'en faire des chefs de file nationaux qui ont tissé des liens avec leurs collègues du Canada français et du Québec. Ce n'est pas fait en vase clos. Pour que nous puissions continuer à créer, à nous inventer, à nous épanouir et à être fiers de ce que nous sommes, nous avons besoin d'un appui dynamique et soutenu du fédéral. C'est une question de responsabilité et d'engagement. C'est une question de parole et de respect, une question d'agir et d'avenir surtout..

La présidente : Merci beaucoup. Je me permettrai de poser la première question que je vais adresser à M. Georges. J'ai lu un communiqué daté du 11 mai 2008 qui parlait d'une radio communautaire à Terre-Neuve. Pouvez-vous nous en parler? Est-ce une nouvelle initiative?

M. Georges : C'est une initiative qui est inscrite au plan de développement global de la fédération des francophones reflétant l'intérêt des communautés. Le réseau culturel a pris en main ce dossier, car pour consolider les communautés et faire tomber les barrières de la distance, il faut pouvoir communiquer et faire passer l'information plus rapidement.

À Terre-Neuve et Labrador, la plus proche communauté francophone de Saint Jean de Terre-Neuve est la péninsule Port-au-Port. On parle de 900 kilomètres. La communauté suivante serait celle de Labrador city à plus de 1 000 kilomètres.

En prenant la direction de ce nouveau réseau culturel, mon premier défi est de savoir comment promouvoir nos artistes et notre identité culturelle. Ma première constatation fut que le réseau de radio communautaire n'était pas très fort. Il y a une radio à Labrador City, Radio Labrador CJRM, qui existe depuis de nombreuses années. Elle est bien campée, très solide, mais elle est aussi victime de l'essoufflement se manifestant par le désengagement des bénévoles. C'est un peu comme la communauté de Port-au-Port qui possédait un studio, mais qui ne pouvait l'opérer faute de licence. La communauté n'a pas de programme de formation. Elle essaie de mettre quelque chose en place depuis de nombreuses années, mais sans appui financier. Ces projets restent donc sans résultat. Saint Jean de Terre-neuve, pour sa part, n'a pas de studio. On voulait, grâce aux nouvelles technologies et avec l'appui du Conseil scolaire provincial francophone de Terre-Neuve et Labrador, consolider ce qui existait déjà, soit : remettre à jour la radio de Labrador et l'équiper au plan informatique, de façon à pouvoir diffuser sur le web; faire la même chose avec le studio de Grande Terre, sur la péninsule de Port-au-Port; profiter de ce momentum pour remettre en état le studio et le rééquiper, ce qui créerait un petit studio à peu de frais à Saint Jean de Terre-Neuve. Cela nous donnerait une radio provinciale diffusée sur Internet et aussi sur les ondes hertziennes locales et spécifiques aux communautés francophones. C'est dans un esprit de consolidation et d'unification.

La présidente : Avez-vous déjà développé une ébauche de programmation? Avez-vous déjà fait une présentation pour obtenir votre licence? Où en êtes-vous?

M. Georges : La présentation n'a pas été encore faite si ce n'est qu'il y a eu une rencontre avec le CRTC qui nous a permis de sentir que ce projet était viable. Déjà, c'était la première question. Ensuite, il y a eu une rencontre avec l'Alliance des radios communautaires. Le projet semblait bien aller. Le principal bailleur de fonds du projet, qui y a cru depuis le départ avant même de commencer les études techniques, est le ministère du Patrimoine canadien, que je salue bien bas, car il finance ce projet à plus de la moitié.

Au moment où l'on se parle, on a profité d'un dernier conseil provincial de la Fédération des francophones de Terre- Neuve et du Labrador pour présenter ce projet aux communautés. Le réseau culturel est peut-être l'initiateur, mais il ne porte pas le projet. Le projet est porté par les communautés. Nous avons consulté ces communautés pour connaître leur vision et leurs désirs par rapport à cela. Effectivement, une petite ébauche de programmation s'est mise en place de toute évidence après avoir discuté des ébauches de protocole qui pourraient exister entre les différents partenaires. On était tous très enthousiastes de parler de ce que cela pourrait être concrètement. Il y a donc actuellement une ébauche. Des émissions sont déjà bien établies à Radio Labrador. Elles sont importantes, que ce soit l'émission du matin ou du soir. Selon le type de licence que nous demanderons au CRTC, la diffusion sera toujours faite à partir de Radio Labrador. Cela veut dire que les émissions sont toujours émises, les capsules seront faites dans les régions, envoyées à Radio Labrador et rediffusées par la suite.

La présidente : Merci. Je cède à présent la parole au sénateur Tardif, qui sera suivie du sénateur Murray.

Le sénateur Tardif : Ma question s'adresse à M. Gallant. Je vous ai entendu dire qu'il semblait y avoir une tendance de la part du gouvernement fédéral à financer des projets ponctuels plutôt que continus. Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris le sens de votre intervention.

M. Gallant : On parle de l'Entente Canada-communauté et des organismes comme ceux qu'on retrouve à l'Ile-du- Prince-Édouard, telle la société St-Thomas d'Aquin et d'autres. Il est clair, que Patrimoine Canada, le gouvernement fédéral a historiquement toujours été prêt à donner du financement de fonctionnement.

On voit la même chose du côté anglophone. Les francophones ne sont pas moins bien traités sur cette question. Par exemple, si on construit un musée ou un théâtre, il ne semble pas y avoir d'argent pour l'espace culturel, mais pour les équipements ou la construction, les capitaux semblent beaucoup plus faciles à obtenir. Ce n'est pas un problème. Dans ma propre communauté, à Chéticamp, deux musées ont été construits sans problème. La question est toujours de savoir comment on doit faire pour les gérer. Un des deux vient de fermer et pour l'autre, on se pose de sérieuses questions. Je pourrais faire une longue liste d'institutions en Nouvelle-Écosse, par exemple l'Atlantic Theater Festival, et d'autres bonnes institutions qui ont été créées avec les meilleures intentions. Cependant, la Nouvelle-Écosse doit se demander combien de théâtres, de galeries et de musées elle peut soutenir. C'est une question raisonnable qui doit être posée. Il faut que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, pour le bien de l'ensemble de la communauté acadienne, aient des discussions sérieuses pour définir comment ils peuvent intervenir. Il ne s'agit pas seulement d'injecter de l'argent, mais de soutenir ces projets.

Le sénateur Tardif : J'essaie de comprendre quelles seraient les implications de ce type de financement. Le fait qu'il n'y ait pas de financement continu, mais que ce soit plutôt des projets ponctuels, quel effet cela a sur votre communauté?

M. Gallant : C'est problématique parce qu'il y a des institutions qui ferment et des bénévoles qui se brûlent. Dans notre communauté, il y a un projet de musée, mais il doit fermer. Cela se reflète sur la communauté.

Si on parle d'un axe art et culture, on ne dit pas qu'il faut que ce soit Patrimoine canadien qui le finance en entier. Il est important d'avoir des investissements stratégiques. C'est sûr qu'il y a des besoins importants. Certaines communautés n'ont pas les ressources et les outils pour accomplir leurs tâches. Par contre, il faut aussi discuter avec la province, la municipalité et les groupes sur le terrain — on partage tous cette responsabilité — afin de soutenir le développement, pas juste pour deux ans, mais pour 20 ou 50 ans.

Mme Carrier-Fraser : Plusieurs des organismes reçoivent ce qu'on appelle des « fonds de programmation ». Le financement continue normalement et est renouvelé chaque année. La plupart du temps, le montant diminue. Chez nous, en Ontario, le nombre d'organismes augmente et l'enveloppe reste la même, alors le montant diminue. Cependant, il y a également du financement de projet. Un projet, c'est ponctuel. On met sur pied une activité et normalement on s'attend à ce que ce soit intégré dans la programmation, mais cela ne fonctionne pas nécessairement parce que l'enveloppe est trop petite. C'est ce qui crée le problème. On met un projet en marche, toutes sortes d'attentes sont créées au niveau de la communauté et à ce moment-là, il n'y a pas un sou qui va suivre pour permettre au projet de continuer pendant dix ans. Cela crée toujours une certaine difficulté pour les organismes qui hésitent à soumettre un projet, car ils ne pourront pas l'absorber dans leur fonds de programmation l'année suivante.

Le sénateur Tardif : Vous avez parlé d'une décentralisation davantage vers les régions et les provinces. N'y a-t-il pas un risque? Dans bien des régions, il n'y pas d'infrastructures ou de politiques sympathiques, si on veut, aux besoins et aux réalités des communautés de langues officielles.

M. Gallant : Lorsqu'on parle de décentralisation, il s'agit plutôt de lourdeur administrative. Je ne suis pas en train de dire que Patrimoine canadien demande aux provinces de s'occuper des francophones. Par exemple, le programme des festivals est une excellente initiative, mais si on a déterminé qu'il y avait un fonds pour les festivals, est-ce qu'on ne pourrait pas dire : « Voilà l'enveloppe pour la Nouvelle-Écosse. » Si la ministre veut sa photo par après, on pourra l'organiser. On l'a appliqué en janvier et on est au mois de mai. Il y a une lourdeur administrative. Lorsqu'on parle aux agents à Halifax, ils nous disent : « On ne sait rien, cela a été envoyé. Le pouvoir décisionnel est à Ottawa. » C'est très difficile.

Le sénateur Tardif : Vous parlez plutôt d'augmenter l'implication des communautés en les consultant davantage?

M. Gallant : Oui. Nos bureaux régionaux ont un certain pouvoir décisionnel. Je ne dirais pas tout le pouvoir, mais on peut alléger la tâche. À Chéticamp, on a reçu des fonds pour Espace culturel, qui est un merveilleux programme. Nous en sommes très reconnaissants. Ce n'est pas facile, il faut passer à travers des briques. C'est ce qui alourdit la tâche.

Le sénateur Champagne : En ce qui concerne l'aide ponctuelle pour soutenir le fonctionnement, il est évident que le sac de fonds n'est pas sans fond. Selon vous, si on apporte une aide ponctuelle à un projet, est-ce qu'elle devrait automatiquement être de 50 p. 100 de la somme une année, de 25 p. 100 l'année suivante et qu'ensuite, vous vous débrouilliez?

J'ai l'impression que la ministre doit se dire que si le gouvernement soutient le fonctionnement, cela pourrait devenir un acquis pour la communauté qui elle, ne ferait pas les efforts nécessaires pour générer elle-même les fonds qui lui permettraient de poursuivre son projet. Il y a une difficulté. Je comprends la vôtre, mais je comprends aussi celle à laquelle font face la ministre et ses fonctionnaires qui essaient de gérer un montant d'argent qui n'est quand même pas sans limites.

Si, au départ, vous receviez une somme d'argent déterminée pour mettre votre projet sur pied — par exemple un musée —, que l'année suivante, on vous en donnerait moins et qu'à la fin, il faudra vraiment vous organiser, est-ce que ce serait une solution de rechange?

M. Gallant : Je comprends ce que vous dites. Dans certaines circonstances, cela fonctionne. Pour le Conseil des arts de Chéticamp, un petit organisme, on a un budget de 400 000 $. Une grande partie de ce montant vient de nos propres contrats et des recettes d'admission à la porte. On a un édifice de 14 000 pi2 qui vient d'ouvrir, soit la Place des arts Père Anselme-Chiasson. Parce qu'on est dans une école, l'école paie le chauffage. On a trouvé une façon créative de le faire, mais on n'a pas encore de financement stable. On développe des projets et certains d'entre eux vont fonctionner.

Le sénateur Champagne : Cependant, vous êtes quand même conscients chaque fois que des sommes sont accordées pour mettre un projet sur pied, que ces sommes ne seront pas récurrentes à la vie, à la mort. Il n'y aura plus d'argent à un moment donné.

M. Gallant : Oui, mais en matière d'investissement, c'est quelque chose dont les communautés acadiennes ont besoin pour les infrastructures culturelles et artistiques. Si on prend la décision d'investir, il ne faut pas le faire à l'aveuglette.

Si vous avez contribué financièrement à ces projets, il faudra par la suite vous questionner sur la façon dont on pourra poursuivre leur développement. Nous avons une responsabilité nous aussi au niveau de la municipalité. J'ai le sentiment que le gouvernement fédéral avait besoin d'entendre ce message.

La présidente : Voudriez-vous ajouter autre chose, Mme Carrier?

Mme Carrier-Fraser : Il est clair que si des activités sont mises sur pied, la communauté a sa part de responsabilité, mais le gouvernement fédéral aussi selon la Loi sur les langues officielles qui doit s'assurer de l'épanouissement et de la vitalité des communautés.

Prenons l'exemple de Toronto. On retrouve 60 000 francophones dans une masse de deux millions et plus d'habitants. Il n'est pas évident que les organismes puissent s'autofinancer et trouver les moyens de survivre. Sans aide, il n'est pas possible de le faire même malgré tous les efforts au monde. Il arrive en plus que nous perdions nos jeunes graduellement parce qu'on ne peut pas leur offrir ce qui devrait leur revenir. Ce n'est pas qu'on veuille leur donner du tout cuit, mais tout le monde doit faire sa part et prendre sa responsabilité afin de contribuer à l'épanouissement de la communauté.

Mme Gallant : Concernant le fonctionnement de nos organismes à vocation artistique et culturelle à l'échelle provinciale et territoriale, année après année, il faut présenter une demande, même si les gouvernements savent que notre organisme existe. Il faut toujours aller chercher un financement pour notre programmation. On présente une demande au mois de décembre et maintenant en mai, on ne sait toujours pas si le financement de programmation sera octroyé. C'est inquiétant même si on sait que la réponse viendra en août ou en septembre. Il serait intéressant qu'un fonds soit accordé à nos organismes au moins aux deux ou trois ans afin de mieux respirer.

Le sénateur Murray : Monsieur Gallant, j'ai été attentif à ce que vous venez de nous dire au sujet des pressions financières exercées sur le gouvernement de la Nouvelle-Écosse au plan culturel, le problème de financer l'infrastructure des théâtres, des musées et d'autres installations culturelles à travers la province. Cela dit, la dernière fois que ce comité a siégé en Nouvelle-Écosse, il y a deux ou trois ans, le ministre responsable — sauf erreur, M. D'Entremont est venu témoigner devant le comité — le gouvernement provincial venait de dévoiler un plan pour les Acadiens, les francophones de la Nouvelle-Écosse. Le plan comprenait plusieurs aspects, dont l'éducation et les services gouvernementaux. Je ne me souviens pas s'il comprenait aussi un aspect culturel. Comment estimez-vous le progrès de ce plan et des réalisations?

M. Gallant : Je participe de temps à autre aux rencontres de la FANE et du comité politique qui travaillent avec l'Office des affaires acadiennes en Nouvelle-Écosse. Le plan avance assez bien, malgré que je ne sois pas expert en la matière, pour certains départements. Pour d'autres, cela prend du temps pour changer l'état d'esprit d'une bureaucratie habituée à fonctionner d'une certaine façon.

Le sénateur Murray : Mais sur le plan culturel?

M. Gallant : Nous avons fait un certain progrès. Nous avons ouvert la porte aux fédérations culturelles provinciales. Nous avons obtenu une reconnaissance au même titre que d'autres fédérations, telle la Nova Scotia Dance Federation. Par contre, en raison des nouveaux investissements que fera la province en arts et culture, on se demande comment se positionner dans la communauté pour en tirer avantage. Il y a sept troupes de théâtre professionnel en Nouvelle- Écosse, toutes anglophones. On se demande comment on pourrait créer une troupe francophone. À Pubnico, on parle de la création d'un autre centre culturel rattaché à l'école et on vient d'en terminer un à Chéticamp. On se dit qu'il y a peut-être une nouvelle piste pour la communauté francophone pour créer un partenariat avec le Conseil scolaire, la province ou autres, pour que nos centres culturels soient rattachés aux écoles. À Chéticamp, nous avons trouvé l'expérience efficace. Nous avons d'ailleurs une entente assez unique de cogestion. C'est pour cela que je dis qu'il faut explorer d'autres avenues. Je ne pense pas que notre communauté en soit encore là, mais il y a énormément de potentiel. Les étoiles sont en train de s'aligner, il ne reste plus à la communauté que de se positionner.

Le sénateur Murray : Un des problèmes qui préoccupe les leaders de la francophonie canadienne est la proportion toujours non satisfaisante des ayants droit qui fréquentent les écoles françaises. On nous a dit, il y a quelques années, qu'entre 50 et 60 p. 100 seulement des ayants droit se prévalent de leurs droits. Quelle est la situation en Nouvelle- Écosse? J'ai lu ce matin même, comme vous d'ailleurs, l'éditorial du Halifax Chronicle Herald à ce sujet. Cette semaine est la semaine de l'éducation francophone.

M. Gallant : Exactement, il y a du progrès. La Commission scolaire francophone acadienne en Nouvelle-Écosse est une des rares qui gagne un peu d'étudiants. Je vais vous expliquer la situation différemment. J'ai commencé à l'âge de 15 ans à défendre les droits des communautés francophones. Je suis natif de l'Ile-du-Prince-Édouard. J'ai participé avec deux amis à deux causes de la Cour suprême pour la défense du droit à l'enseignement en français. J'ai eu l'occasion d'étudier la question. En 1974, quand j'ai commencé, nous n'avions absolument rien. Maintenant, nous avons des acquis, des institutions, des commissions scolaires, et cetera. Je parle de façon générale. Alors quelle sera la prochaine étape? La situation est plus confortable pour la communauté acadienne francophone, mais notre prochain défi doit se situer autour de la notion de la construction identitaire de nos jeunes qui fréquentent nos écoles.

En ce qui concerne de la Fédération culturelle canadienne-française, c'est prioritaire. La CEV est préoccupée de la question.

Comment, à l'intérieur de nos écoles, l'art et la culture feront en sorte que nos jeunes s'identifieront à leur culture francophone et acadienne? En créant un système innovateur, en imaginant un espace, une école et une communauté différente.

Le sénateur Murray : Madame Gallant, vous avez dressé un bilan de la situation à l'Île-du-Prince-Édouard qui ne semble pas optimiste outre mesure.

Il faut cependant constater que vous avez deux installations fédérales très importantes soit le ministère des Affaires des anciens combattants, qui est à Charlottetown depuis environ 25 ans. Il y a aussi le bureau de la taxe sur les produits et services à Summerside. Ces deux installations ont attiré beaucoup de nouveaux arrivants francophones qui demandent, avec raison, leurs écoles et leur droit de la part des gouvernements fédéral et provincial.

De toute façon, ces deux ministères sont sous l'obligation de la partie VII. Votre situation semble, à certains égards, très bonne, très prometteuse à l'Île-du-Prince-Édouard.

Mme Gallant : Très prometteuse, oui, mais on a beaucoup de travail à réaliser sur le terrain pour conserver nos francophones et nos jeunes dans nos communautés.

Le sénateur Murray : De quelles communautés parlez-vous?

Mme Gallant : De la région Évangéline par exemple, qui a la plus forte concentration de francophones sur l'Île-du- Prince-Édouard.

Le sénateur Murray : Qu'est-ce que cela comprend?

Mme Gallant : Les régions d'Abrams Village, de Wellington, de Mount Carmel et de l'ouest de Summerside.

Le sénateur Murray : Il y a sûrement une masse critique de francophones à Summerside et à Charlottetown?

Mme Gallant : Oui, mais la plus forte concentration serait la région Évangéline.

On voit une diminution importante dans le nombre d'étudiants à l'école francophone. L'école de Charlottetown a presque autant d'élèves que celle de la région d'Évangéline. C'est assez inquiétant. La raison de cette diminution est que les programmes dispensés dans les écoles ne répondent pas nécessairement aux besoins de nos jeunes. Les jeunes veulent avoir des choix de cours. Alors, il est plus facile de faire une sélection de cours dans une école anglophone.

Le sénateur Murray : Une sélection de quoi?

Mme Gallant : Des choix de cours. Il n'y a pas beaucoup de choix de cours dans nos écoles francophones. Au secondaire, nos jeunes qui veulent des choix de cours vont aller dans les écoles anglophones. On voit la même chose dans la région de Charlottetown. Cette année au secondaire, il y a peut-être 60 élèves, mais déjà 12 de ces étudiants s'en iront dans des institutions anglophones l'an prochain à cause du manque de choix de cours et de l'aspect de vie sociale francophone.

Les jeunes n'ont pas beaucoup accès à des activités francophones dans leur communauté. À part de vivre en français à l'école et même là, il y a des exceptions. Dans la salle de classe, c'est en français, mais dans les corridors et aux récréations, on parle plutôt anglais.

Les jeunes sont beaucoup plus enclins à aller du côté anglophone. Ils ont besoin d'une vie sociale, autre que dans l'école. On doit parler en français à l'extérieur de la salle de classe. La culture francophone est au cœur de la communauté. Cela doit venir des parents, des grands-parents, des frères, des sœurs et des voisins. Cet engouement à l'Île est très recherché.

La semaine dernière, la Commission scolaire de langue française a dévoilé une étude sur les élèves du secondaire, leur vie sociale, l'aspect culturel, ce qu'ils recherchent au sein de leur école, les choix de cours, leur satisfaction. C'est vraiment surprenant de voir ce qui ressort de cette étude. On a vraiment beaucoup de chemin à faire. Lorsqu'on regarde les petites communautés comme la région de Souris, qui a ouvert une petite école, une autre dans la région de Prince West, un centre scolaire communautaire, cela bouillonne, c'est tout nouveau. On voit vraiment que dans les communautés comme la région Évangéline et Charlottetown qui sont nos plus anciennes régions avec des écoles francophones, il y a vraiment une grosse diminution. C'est assez inquiétant.

Le sénateur Murray : À Terre-Neuve-et-Labrador, combien y a-t-il d'écoles françaises?

M. Georges : Il y a cinq écoles françaises dont deux d'entre elles sont d'importants centres scolaires et communautaires.

Le sénateur Murray : On y enseigne de la première année à la douzième année?

M. Georges : Le plus possible. C'est-à-dire que oui, le programme est un programme de la prématernelle jusqu'à la douzième année.

Le sénateur Murray : Dans les cinq écoles?

M. Georges : Absolument. C'est intéressant, parce que suite à ce qui a été dit tantôt, je voulais faire une parenthèse qui illustre bien le défi. Si on commence à la base, sur le plan de la garderie, au centre scolaire et communautaire des Grands-Vents à Saint-Jean de Terre-Neuve, l'édifice a deux ans. C'est notre grande fierté, il est très beau et très invitant. Mais il y a plus de 10 élèves en attente pour entrer à la garderie. Déjà, on a un problème à ce niveau. Si on regarde les chiffres, il y a trois ans lorsque j'ai occupé le poste de directeur coordonnateur des activités du centre scolaire et communautaire à Saint-Jean, il y avait 36 élèves; il y a deux ans, on était à un peu plus de 40 et maintenant on est 65.

Il y a eu une croissance parce qu'entre autres, depuis deux ans, l'Association communautaire de la région de Saint- Jean a été très active sur le plan de la programmation culturelle. On a présenté plusieurs spectacles qui étaient aussi offerts aux écoles d'immersion. Cela a donné d'intéressantes situations. Par exemple, lors d'une présentation d'un spectacle du Petit Prince au centre scolaire, les 65 élèves de l'école étaient présents, mais près de 2000 élèves au total ont vu la pièce.

On a travaillé de concert avec le conseil scolaire pour promouvoir leurs services. Avant ces deux années, le conseil scolaire a connu plusieurs défis, dont un déménagement parce qu'ils occupaient des locaux loués. Maintenant qu'il y a un centre, on peut travailler à promouvoir et à développer. Du côté du conseil scolaire, il y a un manque de ressources humaines flagrantes qui fait que ces gens sont débordés et que le dossier de la promotion est encore un peu laissé de côté. C'est dommage. J'en suis un peu l'exemple vivant, cela m'a pris un an et demi, deux ans, après mon arrivée à Terre-Neuve-et-Labrador pour découvrir la communauté francophone là-bas. Il y a un travail de promotion à faire, mais il est en chemin. Maintenant que le centre existe, le conseil scolaire vient de créer un DVD de promotion des différentes communautés francophones de la province de Terre-Neuve-et-Labrador. C'est un superbe DVD, de qualité professionnelle.

On avait donc ce problème du côté de la garderie. Si on va un peu plus loin, on a une nouvelle directrice à l'école qui est très dynamique. Plusieurs programmes ont été mis en place, dont un programme de musique très intéressant. Je pense que cette réalité se vit dans toute la province parce qu'on parle d'un nouveau centre scolaire qui n'est pas un centre communautaire, mais qui sera un nouveau centre scolaire à Goose Bay.

Le centre a maintenant deux ans et déjà il nous manque trois classes. L'édifice est flambant neuf. Il s'agit d'un gros défi pour nous, car en termes de disponibilité d'espace, nous préconisons le côté scolaire et souvent au détriment des activités communautaires.

Le sénateur Murray : Avec quel ministère du gouvernement provincial transigez-vous sur le plan culturel?

M. Georges : Sur le plan culturel, on transige avec Patrimoine canadien.

Le sénateur Murray : Ma question concernait le provincial.

M. Georges : Au provincial? Excusez-moi. Pour la diffusion des arts?

Le sénateur Murray : Oui.

M. Georges : Au provincial, le soutien vient du ministère du Tourisme, de la Culture et des loisirs. Leur appui est non négligeable et démontre bien qu'en tant que province, le fait français est important malgré des moyens limités.

Le sénateur Murray : La situation financière de Terre-Neuve-et-Labrador s'améliore de jour en jour!

M. Georges : Elle s'améliore de jour en jour, comme on dit. Il n'y a pas si longtemps, c'était beaucoup plus difficile et lorsqu'on a fait nos dernières demandes, c'était encore difficile.

Le sénateur Losier-Cool : J'ai deux très brèves questions. Premièrement, n'y a-t-il pas un bureau qui s'occupe des affaires francophones au gouvernement provincial?

M. Georges : Absolument.

Le sénateur Losier-Cool : Deuxièmement, il n'y a pas de parlementaire francophone, mais il y a un bureau?

M. Georges : Nous avons un député francophone, natif du berceau de la Francophonie à Terre-Neuve-et-Labrador. Ce que je dirais à propos du bureau des services en français, un bureau tout à fait dévoué à notre cause et qui nous aide grandement, c'est qu'en même temps, il porte tous les dossiers du gouvernement. Si on décide de les approcher pour un dossier en particulier, si on parle du dossier Francoforce par exemple — et ce projet est pancanadien —, ce sont des dossiers qui vont par ordre de priorité.

Le sénateur Champagne : Le point que je voulais aborder a été couvert, je vais attendre mon tour.

Le sénateur Comeau : J'aimerais revenir à M. Gallant. Il nous a dit qu'il portait plusieurs chapeaux, mais il s'est abstenu d'en mentionner un : celui de l'artiste qu'il est. Un jour, nous pourrions peut-être retenir ses services pour animer l'un de nos événements spéciaux. Son numéro des traductions m'a particulièrement impressionné. Le sénateur Murray a mentionné le ministre Chris D'Entremont de la Nouvelle-Écosse tout à l'heure, et si je me souviens bien, il avait été traduit par « Son of God d'entre deux montagnes ». Je propose que nous l'invitions bientôt.

Monsieur Gallant, je suis très intéressé par cette planification fédérale-provinciale-communautaire-municipale dont vous avez parlé tantôt — et je ne suis pas le seul, d'après ce que j'ai compris. Vous semblez croire fortement au potentiel d'une telle planification. Pouvez-vous nous dire si la province de la Nouvelle-Écosse est présentement prête à faire cette exploration?

M. Gallant : Comme je l'ai dis, je porte plusieurs chapeaux. Je sais que l'exploration de cette problématique dans son ensemble a fait l'objet de discussions entre le ministre et le conseil. J'ai participé à quelques-unes de ces réunions justement dans la dernière année. C'est une première, une province qui s'assoit avec Patrimoine canadien et les ministères pour explorer le potentiel, si vous voulez, d'intervenir et d'investir dans les arts, et même avec certaines municipalités. Je ne blâme personne, mais cela n'est pas venu naturellement d'explorer une certaine harmonisation entre certains programmes. C'est quelque chose qu'il faut pourtant faire, je crois. La possibilité d'un axe arts et culture dans la prochaine entente Canada-Communautés devrait vraiment être exploitée, il s'agit d'une opportunité importante.

Je ne peux pas parler pour les autres provinces, mais en Nouvelle-Écosse, si les gouvernements fédéral et provincial investissent un montant, explorer ce que la communauté pourrait investir de son coté me semble logique.

Le sénateur Comeau : Si nous allions vers une politique culturelle nationale lors du prochain plan quinquennal, chaque instance politique devrait être prise en considération, que ce soit l'Ontario, l'Île-du-Prince-Edouard ou une autre, en tenant compte de ses spécificités?

M. Gallant : Exactement. Je ne vois pas d'incongruité dans cela. On peut établir une certaine structure, un certain mécanisme fédéral, et lorsqu'on l'applique au niveau des provinces, on entame un processus de négociation pour tenir compte des spécificités de chacune des provinces.

Le sénateur Comeau : Deux événements se sont produits dernièrement qui m'ont impressionné.

Premièrement, la province de Québec a adopté un projet de loi à l'unanimité pour la création d'un Centre pour le développement de la Francophonie de l'Amérique. D'ailleurs, nous avons reçu son président du conseil d'administration la semaine dernière, M. Roy, qui nous a expliqué le but de ce centre. C'est la première fois, à mon souvenir, que le Québec s'intéresse publiquement et politiquement à la Francophonie d'Amérique.

Deuxièmement, la semaine dernière, la Gouverneure générale, lors d'une visite en France, a mentionné les francophones d'un bout à l'autre du Canada alors que, habituellement, on n'entend seulement parler des francophones du Québec. J'aime bien les Québécois, mais il y a d'autres francophones en dehors du Québec. C'est la première fois qu'un chef d'État du Canada mentionne la Francophonie canadienne lors d'une visite officielle en France, devons-nous y voir un signe d'encouragement?

Mme Carrier-Fraser : La nouvelle politique du Québec sur la Francophonie canadienne est quand même très claire : le gouvernement indique que les Québécois sont de retour au sein de la Francophonie et qu'ils sont prêts maintenant à travailler de pair avec toutes les communautés francophones du Canada. Les gestes posés par Messieurs Pelletier et Charest démontrent clairement que le Québec est de bonne foi. L'union fait la force; cette coopération fera sûrement mieux avancer les choses que si chacune des communautés fonctionnait en vase clos.

Le sénateur Comeau : Au-delà de M. Pelletier, ce projet de loi a été adopté à l'unanimité par les autres partis politiques — le Parti québécois et l'ADQ.

Est-ce que cela crée une nouvelle dynamique? D'après moi oui, étant donné que le Québec veut maintenant promouvoir la cause de la francophonie en Amérique. Est-ce que cela nous offre une opportunité d'ajouter un autre partenaire à la table, pas nécessairement pour des fonds, mais pour un éventuel marché pour nos artistes?

Dans le passé, il fallait quasiment qu'un artiste déménage au Québec pour pouvoir pratiquer son métier. Est-ce que cela offre une ouverture, une chance à un artiste de la Nouvelle-Écosse d'avoir accès au marché du Québec?

M. Gallant : La conjoncture est différente. J'ai entendu deux discours du ministre Pelletier et je dois dire que c'est surprenant. C'est ce qu'on a souhaité durant toutes ces années. Si on se reporte au temps du Parti québécois, les gens des communautés acadienne et francophones avaient nettement l'impression qu'ils étaient les pions d'une espèce de jeux de pouvoir. Maintenant on a vraiment l'impression qu'il y a des possibilités de partenariat. Xavier a parlé du projet Franco Force qui va célébrer le 400e anniversaire de la fondation de Québec. On ne voulait pas que ce soit une célébration exclusivement québécoise, et parce que l'événement est géré par la Fédération culturelle canadienne, il sera célébré dans toutes les provinces canadiennes au cours des prochains mois. Je trouve que c'est un merveilleux changement.

Le sénateur Comeau : Madame Gallant, vous avez un problème tout à fait particulier, vous avez d'énormes distances à parcourir. À l'Île-du-Prince-Édouard, je pense que la situation est aussi difficile qu'en Ontario. Il y a les régions de Summerside et d'Évangéline, où il y a de petites communautés francophones. Y a-t-il un moyen pour ces communautés de se rencontrer ou est-ce qu'elles sont trop éloignées l'une de l'autre?

Mme Gallant : Je dirais que les gens sont habitués aux petites communautés. Pour les gens de Prince Ouest, à l'extrême ouest de la province, le fait de conduire pendant une heure et demie pour se rendre Charlottetown, c'est l'enfer. La distance est une réalité de chez nous.

M. Gallant : Il faut être originaire de l'Île-du-Prince-Édouard pour comprendre.

Le sénateur Comeau : C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question. Je m'attendais à ce genre de réponse.

Mme Gallant : On a quand même l'occasion de se rencontrer. La Fédération culturelle a regroupé les centres scolaires communautaires de chacune des régions francophones et ils se rencontrent assez régulièrement. Il y a aussi le Forum communautaire de concertation, créé en collaboration avec Patrimoine canadien, qui se réunit tous les trois ou quatre mois. Toutes les communautés se réunissent pour prendre des décisions sur certains dossiers et voir ce qui se passe un peu partout.

Le sénateur Comeau : En passant, je voudrais dire que les Acadiens de l'Île-du-Prince-Édouard ont marqué l'histoire de façon spéciale. Si je connais bien mon histoire, je pense que c'est le seul groupe d'Acadiens qui s'est fait disperser à deux reprises.

Mme Gallant : Oui, tout à fait.

Le sénateur Comeau : Vous avez certainement droit à un traitement spécial. Je vous remercie.

Le sénateur Champagne : Madame Gallant, j'écoutais votre présentation au tout début et comme le sénateur Murray, j'ai été attristée de vous entendre parler de la situation du français chez vous. Je dois vous avouer aussi que d'une certaine façon, j'ai été étonnée parce qu'il y a deux semaines j'ai vu à la télévision le festival des artistes de l'Île- du-Prince-Édouard, où on rendait hommage à Angèle Arsenault. Je n'ai pas vu le spectacle au complet, mais tout le monde semblait optimiste et heureux de l'essor de la culture francophone chez vous.

Aujourd'hui vous nous parlez un peu de façon rabat-joie. Est-ce qu'on a monté un spectacle pour la télévision et pour les gens d'ailleurs? Est-ce que la vérité se trouvait quelque part entre-deux?

Mme Gallant : Vous parlez sûrement de l'événement Éloizes.

Le sénateur Champagne : Oui.

Mme Gallant : L'idée d'accueillir cet événement est venue de la Fédération culturelle et d'un de nos membres, le Carrefour de l'Île Saint-Jean de Charlottetown. L'idée derrière cela était de sensibiliser notre communauté aux faits artistiques et culturels. C'est la raison pour laquelle la communauté était très fière que l'Île-du-Prince-Édouard accueille un événement majeur francophone qui ne s'est pas vu dans son histoire depuis des années. Pour nous, c'était une belle réussite et c'est ce que vous avez vu à la télévision. Vous avez vu le rayonnement de notre communauté qui était tellement contente.

Le sénateur Champagne : C'est pour cela que quand vous avez commencé à parler avec pessimisme, je me suis dit que je n'avais quand même pas rêvé quand j'ai vu cette émission de télévision. Espérons que cette joie qui semblait envahir tous les artistes de l'Île-du-Prince-Édouard à ce moment-là se répercutera et fera des enfants, des enfants qui parleront français.

Mme Gallant : C'est justement ce qu'on veut. On essaie de maintenir le momentum actuel dans la communauté suite à cet événement. Par contre, on a toujours des obstacles sur notre chemin qui nous font reculer d'un pas. Cette fois on a eu une belle réussite, mais on continue. Je ne dis pas que notre culture francophone n'est pas forte chez nous, on a quand même une richesse culturelle incroyable à l'Île-du-Prince-Édouard. Cette richesse n'est pas suffisamment développée et devrait être poussée plus loin afin d'être connue par l'ensemble de notre communauté. Présentement, si on parle de l'événement Éloizes, très peu de gens de Tigniche y sont allés. Pour eux, c'est le bout du monde d'aller à Charlottetown pour un événement qu'ils ne connaissent pas. En ce qui concerne les communications, la seule radio disponible c'est Radio-Canada qui diffuse une émission de trois heures, le matin, en direct de Charlottetown, et c'est tout ce qui existe et qui parle de nous.

Il y a un projet de radio communautaire en développement depuis 1985, mais les bénévoles s'essoufflent à essayer de démarrer le projet. Mais finalement, on est sur le point de déposer notre demande au CRTC au mois d'août de cette année.

Le sénateur Champagne : Vous irez main dans la main avec M. Georges de Terre-Neuve.

Mme Gallant : On aura une voix pour communiquer avec notre communauté et faire connaître la langue française dans les provinces avoisinantes. Cela permet à chaque communauté de se faire entendre par le biais de la radio.

Le sénateur Champagne : Madame Carrier-Fraser, les coins où on est francophone en Ontario, on aime le français et on essaie de le vivre. Je suis allée parler en français avec des gens de la région du canal Welland.

Près d'ici, nous avons l'Écho d'un peuple qui est un spectacle magnifique. J'y ai amené ma petite-fille l'an dernier et elle a adoré.

Par contre, dans l'avion, hier, je parlais à une jeune Québécoise qui fait partie d'un programme travail-étude à Toronto depuis un an et demi. Il lui reste une année à compléter et son temps se partage entre le travail pratique et les études. Elle m'a dit que ce qui lui manque le plus à Toronto est de ne pouvoir se joindre à un groupe francophone.

Il doit pourtant y avoir de la publicité, peut-être dans des journaux anglophones, s'adressant à des francophones qui sont de passage, et qui risquent d'y rester, ou à des immigrants, pour indiquer qu'à un lieu donné on parle le français, on offre de l'aide par exemple pour des problèmes médicaux. Il doit sûrement se faire quelque chose. De plus en plus de francophones émigrent et adoreraient sans doute se réunir. Nous avons constaté la même situation à Vancouver.

Comment peut-on vous aider à mieux informer les francophones d'un peu partout en Ontario — et je pense à des centres comme Toronto, mais aussi Timmins — sur les endroits où l'on parle français et où il est possible, pour les francophones, de se réunir. Comment pouvons-nous vous aider à leur faire connaître l'existence des groupes francophones?

Mme Carrier-Fraser : Vous avez mentionné différentes dimensions. Quand les immigrants francophones arrivent au pays, et surtout à Toronto, ce sont des organismes anglophones qui les accueillent et on les dirige vers des groupes anglophones. On ne leur laisse même pas savoir qu'il existe des lieux où l'on parle le français. Nous tentons justement régler ce problème avec Citoyenneté et Immigration.

On parle d'une communauté francophone, à Toronto, d'environ 60 000 personnes. Toutefois, ils sont tellement dispersés, il n'y a pas de quartier francophone.

Au centre-ville de Toronto, par exemple, TFO s'est installé à College Park, sur la rue College. Juste en face, vous retrouvez le Centre francophone de Toronto. Ces organismes font de la publicité à cet effet. Ils essaient de percer à l'intérieur des groupes anglophones pour responsabiliser ces groupes et leur dire qu'il existe des services en français et indiquer les lieux où on peut se faire servir en français. TFO déploie beaucoup d'efforts pour faire connaître la communauté francophone partout au pays.

Lorsqu'on parle de Radio-Canada, la situation est la même. La province est vaste et comprend un grand nombre de francophones. Toutefois, la quantité de renseignements offerts par Radio-Canada ayant trait à la francophonie de l'Ontario est extrêmement limitée.

J'écoute la radio à 5 heures le matin pour m'assurer d'avoir les nouvelles de l'Ontario, car à partir de 9 heures on n'en diffuse plus.

Il est très dispendieux de placer des annonces dans les journaux. Il est plus facile de le faire dans les petits hebdomadaires à tirage régulier, comme l'Express de Toronto et le Métropolitain. Il n'est pas évident de rejoindre tous les francophones.

Le gouvernement de l'Ontario tente de faire la promotion des écoles de langue française, car la situation est la même. On remarque qu'il y a beaucoup plus de petites écoles françaises que de grosses. Par exemple, dans les communautés de Wawa, de Hearst et d'Ignace, on retrouve des petites écoles d'environ 60 élèves.

Il n'est pas évident de rejoindre la population. On le fait par Internet, mais selon l'âge de la population, ce n'est pas tout le monde qui y a accès.

Le sénateur Champagne : J'ai été très étonnée d'entendre de cette jeune femme, d'une vingtaine d'années, qu'elle ne savait pas qu'il y avait du théâtre français à Toronto.

Mme Carrier-Fraser : Certaines personnes ne font pas l'effort pour le trouver.

Le sénateur Champagne : J'aurai peut-être réussi, espérons, à aiguiser sa curiosité. Le gouvernement fédéral devrait trouver une façon, si vous leur donnez les renseignements, de les afficher afin que les immigrants francophones et autres en prennent connaissance. Peut-être pourrons-nous ainsi garder les francophones qui arrivent et en attirer d'autres.

Mme Carrier-Fraser : Le taux d'immigration augmente sans cesse. Le problème est donc réel. Le nombre d'élèves augmente dans les écoles justement à cause de l'immigration, mais le taux de natalité chez les francophones, qui sont ici depuis toujours, est presque non existant.

Le sénateur Champagne : Est-ce que le gouvernement de l'Ontario fait des efforts afin d'informer les immigrants dès leur arrivée? Je sais qu'au Québec, le gouvernement leur met la main dessus sans attendre.

Mme Carrier-Fraser : Votre question tombe bien. La semaine prochaine, je rencontrerai des représentants du ministère des Affaires civiques et de l'Immigration de l'Ontario. Je siège au sous-comité directeur avec Citoyenneté et Immigration Canada pour voir comment créer des liens et s'assurer que la publicité puisse se faire. Nous parlons d'une rencontre et d'un projet avec le Commissariat aux langues officielles dans le but de franciser les services à l'Aéroport Pearson et faire en sorte que les arrivants puissent obtenir les services en français.

Je déteste cet aéroport. Il n'est pas très amical. Il est froid et peu accueillant.

Le sénateur Champagne : Et y on marche longtemps.

Mme Carrier-Fraser : On y marche longtemps sans arriver nulle part.

Le sénateur Champagne : Espérons que, comme le fait le gouvernement du Québec, le gouvernement de l'Ontario fera preuve d'honnêteté en indiquant qu'il s'agit bien d'une province anglophone, mais que toutefois il existe des services en français. Il est important que les immigrants et les nouveaux arrivants, qui sont peut-être Canadiens, le sachent.

Mme Carrier-Fraser : D'où l'importance d'un partenariat entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les municipalités pour s'assurer qu'il s'agit d'un effort commun. Même si on verse un million de dollars dans un secteur et un autre, à moins que les efforts soient coordonnés, on ne verra aucun résultat, car les gens ne reçoivent que des bribes d'information. Il faudrait faire les choses de façon plus efficace.

Le sénateur Losier-Cool : Je ne peux m'empêcher de penser à ce que disait le sénateur Champagne. Lorsqu'on grandit en situation minoritaire, on laisse souvent croire aux autres régions du Canada que les francophones ne vivent qu'au Québec. Je suis convaincue que vous avez vécu l'expérience. On s'étonne devant une personne qui parle le français et qui ne vient pas du Québec.

Nul besoin d'aller en Europe pour constater ce fait, on le voit ici même. Je mentionne ce fait à Rencontre Canada et même aux jeunes guides de la colline du Parlement.

J'aimerais poser la question à nos trois témoins — et s'il y avait un représentant du Nouveau-Brunswick, elle s'adresserait à lui également. Serait-il possible d'obtenir plus de fonds du fédéral si les provinces atlantiques développaient, plutôt qu'une union économique de l'Atlantique, comme plusieurs le préconisaient et le préconisent encore, un organisme sur la culture? Existe-t-il un tel organisme? Si je ne m'abuse, il n'existe aucune politique des provinces ou d'union de l'Atlantique.

M. Gallant : Il est intéressant que vous souleviez la question. J'ai eu ce genre de conversation avec des collègues du Nouveau-Brunswick, des membres de l'Association des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick et des sociétés culturelles du Nouveau-Brunswick.

Le concept de collaboration sur le plan Atlantique nous fait moins peur. On se connaît bien. Si je retourne à mes racines acadiennes, pour moi ce n'est pas normal d'avoir des barrières. Je sens une certaine affinité avec les Acadiens de Cap-Pelé ou de la péninsule acadienne. Je suis originaire de l'Île-du-Prince-Édouard et j'ai déménagé à Chéticamp. Chéticamp fut fondé par des gens des Îles-de-la-Madeleine et de l'Ile-du-Prince-Édouard. Sans entrer dans un débat politique, la ligne provinciale, pour nous, lorsqu'on parle de l'Acadie, est beaucoup plus souple.

Nous venons justement de mettre sur pied, avec nos collègues du Nouveau-Brunswick et ceux assis à cette table, une alliance des arts et de la culture.

On travaille en partenariat avec le Sénat. C'est un des grands dossiers — je suis heureux que vous le souligniez — où il est question avec Patrimoine canadien d'une enveloppe de financement pan atlantique. Parce qu'il y aurait des projets. On en a déjà, comme Francofête, et les Éloizes, par exemple, à l'Ile-du-Prince-Édouard. Il faut avoir une plus grande collaboration entre les provinces. Parfois, ce n'est pas facile parce qu'on n'a pas toujours le temps de s'occuper des mécanismes, particulièrement sur les plans provincial et fédéral. Il faut quasiment faire quatre demandes dans quatre différentes provinces pour arriver à un projet. Le travail est multiplié par quatre.

Le sénateur Losier-Cool : À l'Ile-du-Prince-Édouard aussi, suite au succès que les artistes de l'Atlantique ont apporté, à Éloizes, peut-être que cela serait mieux pour avoir une discussion en ce sens en faveur des arts de l'Atlantique?

Mme Gallant : L'Alliance des arts existe. Elle a été créée suite aux états généraux du Nouveau-Brunswick où il y avait un volet pan atlantique auquel nous avons tous participé. L'idée est d'essayer de créer un fonds atlantique. Il s'agit de partage entre les quatre provinces. Nous avons une excellente d'expertise en Acadie qui pourrait être partagée. C'est la collaboration, la communication pour aller chercher de l'expertise et des artistes. On va beaucoup au Québec grâce à une entente de collaboration avec cette province. Il y a des experts aussi en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Losier-Cool : Allez-vous aussi à Saint-Pierre-et-Miquelon?

M. Georges : Absolument. La province de Terre-Neuve-et-Labrador vient de signer une entente de collaboration avec le Québec, il y a deux semaines, qui parlait du même genre d'engagement. Ce qui est intéressant dans ces événements, pour nous à Terre-Neuve-et-Labrador, c'est que des ententes de collaboration de ce genre sensibilisent beaucoup le gouvernement provincial au fait français chez nous. Cela nous donne une voix et une présence — qui ont toujours été là —, mais tout le dossier de Saint-Pierre-et-Miquelon nous amène outre-mer. Il ne fait pas partie des ententes de financement actuelles. Il faut respecter l'entente de collaboration que la Société nationale de l'Acadie a avec le consulat français ce qui nous permet d'avoir des initiatives. Mais cela reste des fonds extrêmement limités. Pourtant, la province de Terre-Neuve-et-Labrador, quand on parle de Saint-Pierre-et-Miquelon, on parle de 6 000 francophones qui sont à 20 kilomètres de notre territoire. Il est très important de développer des liens avec eux. Ce fut d'ailleurs ma première initiative envers la Société nationale de l'Acadie que de développer ce pont.

Le sénateur Murray : Il y a beaucoup de liens entre Terre-Neuve-et-Labrador et Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. Georges : On parle de liens historiques et autres.

Le sénateur Losier-Cool : Madame Carrier, croyez-vous que le fédéral aurait avantage à avoir une politique culturelle nationale? Et qu'est-ce que vous y verriez?

Mme Carrier-Fraser : Probablement, mais il faudrait toutefois s'assurer que le mécanisme ne devienne pas si lourd que personne ne puisse le faire fonctionner. Comment serait développée une politique d'ordre général? Peut-être qu'avec la Fédération culturelle cela fonctionnerait. Des politiques culturelles qu'on pourrait retrouver dans le plan d'action, définitivement, avec un plan d'action et un financement approprié qui permettent les liens qui devraient exister entre les provinces et les territoires. Mais il ne faudrait pas mettre en place des mécanismes impossibles à gérer. Les besoins ne sont pas nécessairement les mêmes. La mise en œuvre d'une telle politique devrait refléter la situation de la province ou du territoire où on l'appliquerait. Une politique d'ordre général et ensuite une mise en œuvre faite selon les besoins.

Je ne peux pas parler pour mes collègues des Maritimes quant au fonctionnement, il faudrait que ce soit fait conjointement pour savoir s'il y a possibilité de faire ce genre de chose. C'est un des points que nous avons soulevés dans le rapport Lord en disant qu'il faut une politique, mais qu'elle doive refléter les besoins différents d'un territoire ou d'une province à l'autre.

Le sénateur Losier-Cool : La semaine dernière, nous avons reçu M. Jean-Louis Roy, du Centre de la francophonie des Amériques, et quand je lui ai posé cette question, et il a dit : absolument, parce qu'il n'y a pas un pays du G8 qui n'ait pas une politique nationale sur la culture.

Dans quel secteur culturel les artistes sont-ils le mieux ou le moins bien? La musique, les arts visuels, la traduction? Qui peut vivre de son art?

M. Gallant : En Nouvelle-Écosse, nous avons des artistes du groupe Grand Dérangement qui réussissent très bien à l'échelle nationale et internationale. Les statistiques sont là pour le confirmer, la musique et film sont les secteurs où les artistes réussissent le mieux. Le débat se situe plus par rapport aux artistes en arts visuels ou en danse. Ce sont des disciplines qui ont besoin d'une infrastructure plus soutenue.

M. Georges : Pour cette industrie, à Terre-Neuve-et-Labrador, il n'existe aucune maison de disques francophones ou d'édition. Cela veut dire que dès qu'un créateur produit une œuvre, systématiquement, cela exige des coûts supplémentaires pour la mise en marché. C'est un des dossiers que l'Alliance des arts et de la culture pourrait aider à promouvoir. La situation est difficile pour nous.

Mme Carrier-Fraser : Une politique culturelle nationale serait peut-être une façon de régler ce problème de transfert de compétences d'un territoire ou d'une province à l'autre.

Le sénateur Losier-Cool : C'est un peu le but que ce comité s'est donné en entreprenant notre étude, c'est-à-dire de voir la culture francophone à travers les enjeux des minorités. Vous nous avez parlé de plusieurs de ces enjeux, l'essoufflement, la rétention, l'immigration. Devrions-nous recommander que le fédéral mette sur pied une politique culturelle nationale qui respecterait à la foi ces enjeux?

M. Gallant : J'aimerais tout de même faire une mise en garde au comité. J'ai parlé de notre développement sur une période de 30 à 35 ans. En Nouvelle-Écosse, on a fait des colloques dans les communautés pour parler d'arts et de culture. On a un petit peu réveillé des inquiétudes, ce qui a provoqué des débats sains. Par le passé, on a appliqué les programmes de Patrimoine canadien. On parlait de culture de façon tellement large qu'on ne se reconnaissait plus et que n'importe quoi était culturel. Lorsque l'on parle d'un axe arts et culture, il doit être spécifique au développement artistique et culturel. Cela s'impose à notre communauté, et c'est à nous de le déterminer, mais si on avait des organismes qui disaient que nous sommes social et culturel, ce serait une occasion pour ces organismes qui faisaient cela à temps partiel de se concentrer sur le rôle de revendication et d'autres priorités — et on sait qu'il y en a mille et plus — et en même temps, c'est de faire une place pour la communauté artistique et culturelle pour qu'elle prenne ses responsabilités et se dote de ses propres structures.

Le sénateur Champagne : Monsieur Gallant, vous disiez que parmi les artistes qui gagnent très bien leur vie, il y avait les musiciens. Me permettrez-vous de faire une sous-catégorie? Pour les musiciens de style classique, la situation n'est pas très heureuse. C'est très difficile, où qu'ils soient. Quand vous parlez des musiciens qui gagnent bien leur vie, vous parlez de musique pop, n'est-ce pas?

M. Gallant : Oui, bien sûr. Petite nuance.

Le sénateur Tardif : J'aimerais revenir sur la question du rôle du gouvernement fédéral. Madame Carrier-Fraser, vous avez indiqué — et je suis tout à fait d'accord — que le rôle du gouvernement fédéral était d'appuyer l'épanouissement des communautés de langues officielles. Maintenant, nous avons la partie VII de la Loi sur les langues officielles avec un amendement qui impose au gouvernement de veiller à ce que des mesures positives soient mises en place pour les communautés de langues officielles. Avez-vous remarqué que des mesures positives avaient été mises de l'avant au cours des deux dernières années dans le secteur des arts et de la culture de vos communautés respectives? Si oui, avez-vous des exemples de mesures positives? Est-ce que c'est un atout? Avez-vous vu des résultats concrets de ce changement?

Mme Carrier-Fraser : En Ontario, nous nous sommes réjouis lorsque le Projet de loi sur les mesures positives a été accepté en Chambre. Nos attentes étaient très élevées. Tous les ministères et toutes les agences ont la responsabilité de s'assurer de mettre en place des mesures qui vont permettre à la communauté de s'épanouir. Ce n'est plus à nous de proposer des mesures positives qui nous aideraient à nous développer comme communauté. Jusqu'à maintenant, il y a très peu d'évidences qui nous montrent que des choses ont été mises en place.

À la Fédération des communautés francophones et acadienne, où je siège comme membre porte-parole de ma province, on examine cela de près pour voir ce qui a été fait jusqu'à maintenant. C'est nouveau. Les ministères sont tellement gros que ce n'est pas évident de faire tourner la machine pour s'assurer qu'on reconnaisse les besoins des communautés. Jusqu'à maintenant, nous n'avons malheureusement pas vu beaucoup de gestes concrets permettant à la communauté de s'épanouir.

M. Gallant : Moi non plus. Je ne pourrais pas en parler en détail, mais j'ai le sentiment qu'en Nouvelle-Écosse, malgré le fait que j'aie parlé des problèmes et des défis, j'ai nettement l'impression que dans les cinq dernières années, on a commencé à prendre notre place. Je remarque qu'il y a plus d'aide de la part du gouvernement fédéral, quoique cette aide soit souvent accordée pour des projets ponctuels. Prenez par exemple le Festival acadien de Clare, le Festival de l'Escaouette, le Grand Cercle et le Conseil des arts de Clare. Je remarque que la province commence à nous mettre au même niveau que les anglophones. Ils parlent du Festival de Clare et du Grand Cercle au même titre que le Celtic Colours. On commence à trouver une certaine reconnaissance de nos pairs et c'est nouveau. C'est un travail que nous devons poursuivre et l'appui du gouvernement fédéral doit permettre à la communauté d'aller encore plus loin.

Le sénateur Tardif : Quant aux ententes et aux projets de coordination avec les provinces, le gouvernement fédéral et les régions, comment proposez-vous faire cela? Est-ce par des clauses linguistiques, par exemple? C'est souhaitable. Comment amener ce genre de coordination à moins que le gouvernement fédéral n'utilise les carottes nécessaires pour encourager les provinces et les régions à aller en ce sens?

Mme Carrier-Fraser : Très souvent, les ententes qui existent, par exemple Canada-Ontario, quand il y a des transferts qui sont faits entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, il y a toujours une clause linguistique. C'est important parce que si le gouvernement fédéral transfère une responsabilité à une province, la province doit quand même s'assurer qu'elle respecte la Loi sur les langues officielles. Ce qui arrive souvent, c'est que ces clauses n'ont peut-être pas assez de force. On n'exige pas nécessairement de résultats. Je suis sûre que les provinces seraient légèrement réticentes à accepter certaines clauses. On se retrouve entre l'arbre et l'écorce. Le gouvernement fédéral ne veut peut-être pas imposer quoi que ce soit et les provinces ne veulent pas avoir les mains liées. Elles ne veulent pas être empêchées de faire certaines choses. Cela créé une certaine difficulté et nous, les francophones, on se retrouve peut-être un peu nulle part.

Le sénateur Tardif : C'est la problématique que je voulais soulever, Madame la présidente.

La présidente : À titre de présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles, mesdames et messieurs les témoins, je vous remercie sincèrement de votre comparution devant ce comité. Cela a été fort intéressant, on l'a vu par la discussion animée qui a suivi vos présentations. Nous allons continuer notre travail et nous sommes là pour vous appuyer.

La séance est levée.


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