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Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 2 - Le cinquième rapport du comité


Le mercredi 9 avril 2008

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Conformément au sous-alinéa 86(1)f)(i) du Règlement, le comité est heureux de présenter ses conclusions ainsi qu'une recommandation concernant l'usage au Sénat de l'inuktitut, et peut-être aussi un jour d'autres langues autochtones. Le 14 novembre 2007, votre comité, en accord avec le sous-alinéa susmentionné, a décidé de se pencher sur plusieurs questions qui étaient demeurées en suspens à la fin de la première session de la 39e législature, dont celle de l'interprétation des langues autochtones dans la salle du Sénat.

Le 20 novembre 2007, le comité a convenu d'effectuer un voyage d'étude à Iqaluit. Il s'agissait de la dernière activité d'enquête planifiée par le comité au cours des étapes précédentes de son travail. Une fois cette activité terminée, le 21 février 2008, on a pu mettre la dernière main au présent rapport.

CONTEXTE

Au cours de la première session de la 38e législature, le sénateur Eymard G. Corbin a proposé une modification à l'article 32 du Règlement du Sénat, selon laquelle un sénateur qui désire s'adresser à la Chambre en inuktitut doit en aviser le Greffier du Sénat au moins quatre heures avant le début de la séance, et les paroles prononcées en inuktitut sont publiées dans les Débats du Sénat ainsi que dans les Journaux du Sénat, en français et en anglais, avec mention qu'elles ont été prononcées en inuktitut. Le 17 mai 2005, la motion a été renvoyée au comité pour étude. Le comité s'est réuni à plusieurs reprises pour discuter de cette question et a constitué un groupe informel composé de trois membres chargés d'examiner les possibilités d'appliquer la motion. Malheureusement, le comité n'a pu achever ses travaux avant la dissolution du Parlement.

Au cours de la première session de la 39e législature, le 6 avril 2006 plus précisément, le sénateur Eymard G. Corbin a donné avis de la motion suivante :

Que le Sénat reconnaisse le droit inaliénable des premiers habitants du territoire aujourd'hui appelé Canada d'utiliser et de communiquer à toutes fins utiles dans leur langue ancestrale;

Que, pour faciliter l'expression de ce droit, le Sénat prenne les mesures administratives et mette en place les moyens techniques qui s'imposent pour permettre, dans l'immédiat, l'utilisation de leur langue ancestrale au Sénat par les sénateurs qui le désirent.

Cette motion a été débattue au Sénat à différentes occasions. Le 19 octobre 2006, le sénateur Gerald J. Comeau a proposé, avec l'appui du sénateur Corbin, que la question soit renvoyée au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, et la motion a été adoptée. Pendant le reste de la première session du 39e Parlement, le comité a poursuivi ses délibérations sur la question.

Le 14 février 2007, le comité a entendu le témoignage de Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire du Sénat, au sujet de la portée constitutionnelle de la motion. Les langues officielles du Canada sont l'anglais et le français. Conformément à la Constitution canadienne, il est clair que toutes deux ont un statut égal et peuvent être utilisées au Parlement du Canada. Toutefois, rien n'empêche l'utilisation d'une langue autre que l'anglais et le français dans les délibérations parlementaires. Les membres du comité sont conscients que pour diverses raisons, il arrive que des sénateurs formulent de brèves observations dans d'autres langues. À titre de courtoisie, cet usage est autorisé et des pratiques semblables existent au sein d'autres assemblées législatives.

Le 12 juin 2007, le comité a reçu un mémoire de M. Alain Wood, directeur de la Traduction et de l'interprétation parlementaires, du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Il y était mentionné, entre autres défis, l'observation de normes de qualité, le recrutement de candidats qualifiés (surtout des interprètes des langues autochtones au français), et les inquiétudes à propos de la pertinence des programmes de formation et de la fourniture d'installations adéquates. Au nombre des solutions proposées, dont certaines répondent à plusieurs préoccupations à la fois, il y a la lecture simultanée de documents préalablement traduits, à 48 heures d'avis. Il faudrait entre six et douze mois pour mettre cette solution en application. Une autre solution consisterait à recourir à des interprètes à distance, reliés au Sénat par des moyens électroniques. Que ce soit pour l'interprétation simultanée sur place ou à distance, les deux grandes possibilités envisagées sont l'interprétation vers ou depuis une langue autochtone par un interprète de langue anglaise ou française parlant également une langue autochtone, et l'interprétation à relais, qui consiste, par exemple, à interpréter en français l'interprétation en anglais d'une allocution prononcée en langue autochtone. On pourrait aussi prendre des mesures pour élargir le bassin d'interprètes qualifiés, en créant par exemple un partenariat entre le Sénat, le Bureau de traduction et le Collège de l'Arctique du Nunavut.

VOYAGE D'ÉTUDE EN FÉVRIER 2008

Entre le 19 et le 21 février 2008, trois membres du comité, les sénateurs Bert Brown, Fernand Robichaud et David Smith, sont allés observer à Iqaluit l'usage que l'on fait des langues inuites à l'Assemblée législative du Nunavut. Le sénateur Willie Adams, représentant cette région au Sénat, s'est joint à la délégation.

L'Assemblée législative du Nunavut offre des services d'interprétation simultanée sur le parquet aux intervenants de langue inuktitut, inuinnaqtun (un dialecte régional beaucoup parlé) et anglaise à chacune de ses séances. Ces services sont aussi offerts à toutes les séances du Nunavut Leadership Forum (le conseil exécutif), à toutes celles des comités permanents ou spéciaux, à toutes les assemblées plénières ainsi qu'aux réunions des caucus de députés ne faisant pas partie du cabinet. Le hansard est publié en anglais et en inuktitut (écriture syllabique). Ce modèle d'utilisation des langues autochtones découle des améliorations apportées continuellement depuis 1999, année de la constitution du Nunavut en tant que territoire séparé, et il est le fruit de l'expérience considérable acquise à l'égard des questions d'intérêt prioritaires établies par votre comité.

Le voyage a été planifié de manière à permettre aux sénateurs de s'entretenir en personne avec des députés de l'Assemblée législative du Nunavut et des membres de leur personnel, ainsi qu'avec les personnes au sein du gouvernement qui sont responsables des services linguistiques, et aussi d'assister à la prestation de services d'interprétation simultanée pendant les travaux de l'Assemblée et de ses comités.

AVANTAGES

Les membres du comité ont été étonnés de constater à quel point l'inuktitut était employé pendant les débats, les déclarations des députés et la période des questions. Même si le taux de bilinguisme est très élevé parmi les 86 p. 100 de la population du Nunavut dont l'inuktitut est la langue maternelle, les discussions auxquelles les membres du comité ont assisté se sont déroulées en grande partie dans cette langue. Mentionnons également que le Nunavut a mis en branle un certain nombre de projets pour assurer la pérennité de l'inuktitut, si bien que la probabilité que l'on ait encore besoin des services linguistiques déjà offerts est encore plus grande.

La place importante occupée par l'inuktitut dans les délibérations de l'Assemblée prouve à quel point il est pratique de pouvoir compter sur des services d'interprétation simultanée. Ceux-ci permettent aux députés de participer à l'exercice de la démocratie dans la langue où ils peuvent s'exprimer le plus parfaitement, le plus librement et le plus précisément possible. Et, ce qui est tout aussi important, compte tenu de la situation démographique du Nunavut, ils rendent les délibérations plus accessibles en permettant aux débats de se dérouler en grande partie dans la langue maternelle de la majorité des électeurs. Au-delà de toute considération pratique, des députés ont dit qu'il était important pour eux qu'on respecte leur première langue, en prenant des dispositions pour qu'ils puissent l'utiliser au cours des délibérations de l'Assemblée législative.

PROBLÈMES ET SOLUTIONS

En plus de nous confirmer la valeur qu'on accorde à l'inclusion des langues autochtones dans la législature, les discussions avec des députés et des fonctionnaires de l'Assemblée législative du Nunavut nous ont fourni un précieux aperçu des problèmes que pose la prestation de services d'interprétation simultanée, et des solutions possibles à ces problèmes. Outre les difficultés que présentera sans doute la création d'un hansard quadrilingue, comme il est proposé dans un projet de loi, on a fait mention du manque permanent d'interprètes et de traducteurs qualifiés en inuinnaqtun, de la concurrence avec d'autres organismes pour s'assurer les services d'interprètes et de traducteurs qualifiés en inuktitut, le besoin de trouver des équivalents en inuktitut de certains termes techniques et l'uniformisation des systèmes d'écriture et des dialectes utilisés dans les publications officielles.

Advenant l'introduction des langues autochtones au Sénat, on n'aurait pas à faire face à tous ces problèmes, et on pourrait profiter du travail déjà accompli au Nunavut pour solutionner bon nombre d'entre eux. On pourrait notamment exploiter le travail de terminologie effectué par le ministère de la Culture, de la Langue, des Aînés et de la Jeunesse, qui sert déjà au Bureau de traduction du gouvernement fédéral. Nous avons appris également que la troisième plus grosse concentration urbaine d'Inuits au Canada se trouve à Ottawa. Plusieurs députés de l'Assemblée législative du Nunavut ont d'ailleurs fait remarquer que le Sénat pourrait apaiser les inquiétudes à propos de la rareté des ressources et de la concurrence qu'on se livre pour se les approprier, en commençant par recruter au sein des locuteurs en langue inuktitut déjà établis à Ottawa.

Il a aussi été question de partager des ressources en matière d'interprétation et de traduction, en se servant de systèmes de communication par satellite. Différentes autorités pourraient ainsi s'aider mutuellement en s'échangeant des services linguistiques, surtout si certaines initiatives du Sénat devaient nécessiter la création d'une réserve d'interprètes qualifiés à Ottawa. Le greffier de l'Assemblée du Nunavut s'est dit intéressé à partager les ressources existantes en matière de traduction et d'interprétation, en fonction des besoins de l'Assemblée.

INTERPRÉTATION INUKTITUT/FRANÇAIS

Le manque d'interprètes qualifiés de l'inuktitut au français et vice versa pourrait poser un problème. L'Assemblée législative du Nunavut n'offre pas ce service à l'heure actuelle et ne dispose pas de personnel compétent pour faire de l'interprétation dans ces deux langues. Le français y est pourtant reconnu comme une langue officielle, au même titre que l'anglais, et l'Assemblée dispose des installations nécessaires pour assurer l'interprétation simultanée en français, advenant la présence de locuteurs francophones dans ses rangs. La délégation a pu vérifier la valeur de l'interprétation en français d'interventions faites en inuktitut, à partir de l'interprétation en anglais de ces interventions, en demandant aux interprètes anglais-français qui l'accompagnaient de prendre place dans les cabines d'interprétation et de lui fournir une version française des débats.

Les craintes qu'une interprétation simultanée en français à partir d'une interprétation en anglais d'un discours prononcé en inuktitut entraîne des délais excessifs se sont avérées injustifiées en réalité. Les membres du comité ont trouvé que le décalage entre l'interprétation en français et les propos originaux en inuktitut n'était pas très grand. On nous a cependant indiqué qu'environ 80 p. 100 en moyenne du discours original est saisi dans l'interprétation simultanée, si bien que la version française d'une interprétation en anglais de propos originaux en inuktitut ne devrait pas retenir plus d'environ 65 p. 100 du discours original. L'interprétation en français d'une interprétation en anglais ne devrait donc constituer qu'une solution de rechange en attendant de pouvoir compter sur des personnes qualifiées pour faire de l'interprétation de l'inuktitut au français.

REMERCIEMENTS

Le voyage à Iqaluit a été une expérience enrichissante pour les membres du comité. Nos discussions avec le président et les députés de l'Assemblée ont nettement confirmé les principes mis de l'avant dans la motion originale du sénateur Corbin et que partage depuis longtemps le comité. Les députés de l'Assemblée législative du Nunavut ont d'ailleurs loué les efforts du comité pour promouvoir le respect des premières langues d'usage dans les institutions canadiennes. Nous avons aussi acquis des connaissances pratiques inestimables, notamment sur les sujets abordés précédemment, et nous sommes revenus avec une foule de contacts et de sources d'aide et de conseils pour l'avenir. Les sénateurs qui ont fait le voyage aimeraient remercier tous ceux et celles qu'ils ont rencontrés pour l'accueil merveilleux qu'ils leur ont réservé et pour avoir été aussi prodigues de leur temps et de leurs connaissances.

RÉFLEXIONS

Votre comité a profité pour son étude du travail de ses prédécesseurs et il est heureux de faire remarquer que, tout au long des délibérations des différents comités qui se sont succédé et des débats à la Chambre, il y a toujours eu consensus au sujet des grands principes à l'origine d'une intégration possible des langues autochtones au Sénat.

Ce n'est que depuis 50 ans que des Canadiens autochtones sont nommés au Sénat. Leur contribution est précieuse et amène un éclairage important. Jusqu'ici, 13 sénateurs des Premières nations ou d'origine inuite ou métisse ont été nommés au Sénat. Sept des 91 sénateurs actuels (environ 7,7 p. 100) ont des racines autochtones.

Au cours des discussions que le Sénat et le comité ont tenues pendant la présente législature et la précédente, le principe de base selon lequel les sénateurs autochtones devraient pouvoir s'exprimer dans leur langue autochtone à la chambre haute n'a soulevé ni désaccord ni dissidence. L'utilisation des langues autochtones au Sénat respecterait les droits des Canadiens autochtones établis dans la Constitution canadienne, y compris l'article 22 de la Charte canadienne des droits et libertés, et rendrait compte de la situation unique des Premières nations du Canada. Elle répondrait aussi à la norme établie par un autre parlement de tradition britannique, celui de la Nouvelle-Zélande. Les parlementaires ont le droit de parler le maori à la Chambre des représentants depuis 1985.

L'utilisation de langues autochtones durant les délibérations du Sénat reconnaîtrait leur statut unique au Canada. Les peuples autochtones étaient présents au Canada bien avant l'arrivée des Européens et n'ont jamais été conquis. La langue fait partie intégrante de la culture et du patrimoine. Faciliter l'usage des langues autochtones démontrerait de façon concrète l'engagement du Sénat à l'égard des droits des minorités et son rôle de représentation des Canadiens.

L'un des rôles importants du Sénat consiste à représenter les régions du Canada et à refléter les différences culturelles et les groupes minoritaires qui composent le pays. Les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut autorisent et encouragent même l'utilisation des langues autochtones. C'est là un moyen positif d'affirmer la légitimité de ces langues. On craint également pour la survie des langues autochtones. Leur utilisation dans la salle du Sénat témoignerait de l'importance qui leur est accordée.

En outre, en permettant aux sénateurs autochtones de s'exprimer dans leur langue maternelle, on faciliterait leur précieuse contribution aux débats du Sénat. Il est extrêmement rare que quelqu'un atteigne un tel niveau de bilinguisme qu'il puisse s'exprimer aussi librement, parfaitement et précisément dans sa seconde langue que dans sa langue maternelle. Comme l'ont souligné divers sénateurs durant nos délibérations, il est important de pouvoir communiquer dans sa langue maternelle. Il est souvent difficile d'exprimer des subtilités et des nuances dans une deuxième ou une troisième langue. Compte tenu du statut particulier des langues autochtones, le Sénat doit essayer d'en faciliter l'utilisation.

On ne saurait dissocier le droit de parler une langue autochtone de la capacité de comprendre ce qui se dit. Si un sénateur peut s'exprimer dans une langue autochtone au Sénat, le comité croit qu'il faut prévoir des services de traduction en anglais et en français pour que les autres sénateurs puissent le comprendre. Pour exercer son rôle, le Sénat doit pouvoir discuter et débattre des questions, et la communication doit donc se faire dans les deux sens.

Après avoir abordé le principe de base, le comité relève deux questions distinctes mais connexes qui ont trait à l'application du principe. La première est la situation particulière de deux sénateurs inuits dont il faut tenir compte, et la seconde, la question plus globale des mesures à prendre pour permettre l'utilisation des autres langues autochtones. Le comité a cherché à apporter à ces deux questions des solutions pratiques et économiques qui répondent aux besoins des sénateurs, du Sénat en tant qu'institution délibérante et des Canadiens.

Durant les délibérations du Sénat et l'étude par le comité des motions mentionnées précédemment, le sénateur Corbin a clairement expliqué que, même s'il puisait sa motivation dans l'équité historique, ce sont les besoins immédiats de ses collègues dont il se soucie depuis toujours. La langue maternelle des sénateurs Willie Adams et Charlie Watt est l'inuktitut, et c'est la langue qu'ils maîtrisent le mieux. S'ils pouvaient s'exprimer dans cette langue au Sénat, ils pourraient plus facilement prendre part aux délibérations. Le comité convient que des mesures d'adaptation raisonnables doivent être prises à cet égard.

En outre, le comité fait observer que, en raison de la concentration de personnes de langue inuktitut au Nunavut, constituant une masse critique à l'appui de cette langue, et des répercussions qu'auront probablement les efforts en vue de favoriser l'usage de cette dernière, il se peut fort bien qu'il y ait toujours au Sénat des sénateurs inuits capables de fournir un plus grand apport si on les autorisait à intervenir dans leur première langue d'usage.

Le comité recommande donc qu'un projet pilote portant sur l'utilisation de l'inuktitut dans la salle du Sénat soit amorcé le plus tôt possible. Dans un premier temps, un préavis raisonnable indiquant l'intention de communiquer en inuktitut devrait être donné au greffier principal de la Chambre et de la procédure, qui est le représentant du Sénat responsable de la gestion des services d'interprétation simultanée. Le comité déterminerait le préavis minimal après consultation entre le greffier principal et les représentants du Bureau de la traduction. Dans la mesure du possible, une copie des observations — en anglais et en français - qu'il s'agisse de discours, de déclarations, d'hommages ou d'autres formes d'intervention, devrait être remise pour faciliter l'interprétation ou pour fins de distribution. À cette étape finale de la mise en œuvre, on fera tous les efforts possibles pour faciliter les échanges improvisés à la suite des observations tirées d'un texte. Toutefois, il faut admettre qu'il risque d'être difficile de soutenir de tels échanges pendant bien longtemps dans les circonstances.

L'objectif à moyen terme sera de fournir des services d'interprétation simultanée en anglais, en français et en inuktitut dans la salle du Sénat. Il est entendu que, une fois la proposition approuvée, il faudra faire le nécessaire pour obtenir les services d'interprètes compétents, pour adapter les installations d'interprétation en fonction des besoins d'autres interprètes et pour garantir l'interprétation simultanée des délibérations en anglais, en français et en inuktitut. Les arrangements occasionneront des coûts initiaux, qu'il faudra surveiller de près. Le comité croit cependant que l'approche progressive qu'il propose offre le moyen le plus économique de répondre aux besoins probables des sénateurs inuits.

Le comité recommande que le projet pilote touche également le Comité permanent des peuples autochtones et le Comité permanent des pêches et des océans. Le niveau de service offert à ces deux comités, au sein desquels le taux de participation des sénateurs autochtones a toujours été élevé, devrait grimper au même rythme que celui offert à la salle du Sénat, pourvu que l'on dispose des ressources supplémentaires voulues. Il faudra obtenir des whips des partis la priorité d'accès aux salles de réunion des comités offrant des services d'interprétation multilingue.

Les membres du comité n'ont cependant pas l'intention d'autoriser uniquement l'usage de l'inuktitut au Sénat. Il serait pratique de commencer par l'inuktitut, mais d'autres langues autochtones peuvent prétendre au même statut. Le comité a consulté ses collègues de descendance autochtone et, bien que le besoin ou l'exigence ne se fasse pas sentir à ce point-ci, certains d'entre eux aimeraient pouvoir s'exprimer de temps à autre dans leur langue autochtone au Sénat et se déclarent prêts à donner un préavis d'au moins deux semaines de leur intention de le faire. On pourrait ainsi obtenir par contrat les services d'interprétation simultanée de manière éventuellement à éviter les coûts fixes de dispositions plus permanentes.

Le comité recommande donc qu'après que l'inuktitut aura été utilisé pendant une période raisonnable dans la salle du Sénat, la durée d'une législature par exemple, un examen soit mené pour trouver des moyens efficaces de faire place à d'autres langues autochtones dans la salle du Sénat. Il faudra peut-être pour cela des préavis différents selon la langue autochtone utilisée et des installations supplémentaires.

Il y aura évidemment des détails à régler, mais le principe de base est clair : l'utilisation de langues autochtones, assujettie à des lignes directrices raisonnables, sera autorisée, suivant une demande en ce sens, dans la salle du Sénat. Certaines restrictions d'ordre pratique, comme la capacité de trouver des interprètes qualifiés, modifieront inévitablement le cours du projet, et le comité a appris avec regret que des obstacles de taille, côté pratique, pourraient empêcher l'utilisation de langues ou de dialectes autochtones parlés uniquement par une infime proportion de la population.

Le comité recommande une approche progressive. Il continuera de suivre l'application de la proposition et, s'il y a lieu, recommandera d'y apporter des changements s'ils sont souhaitables du point de vue du service ou nécessaires pour éviter l'escalade des coûts. En outre, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration devra intervenir aux stades successifs de la mise en application en raison des coûts qu'entraîne la proposition.

Il convient de rappeler que la question évolue et que le développement des technologies devrait permettre d'améliorer les capacités. Avec le temps, l'expérience et l'expertise pourraient montrer, comme on s'y attend, que certaines conditions initiales doivent être assouplies, voire éliminées.

Le comité croit fermement que faciliter l'usage des langues autochtones au Sénat est la bonne chose à faire. Cependant, il est dans l'intérêt de tous les sénateurs que cet objectif soit atteint correctement. Le comité s'assurera qu'il en est fait ainsi.

Respectueusement soumis,

Le président,

WILBERT J. KEON


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