Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 2 - Témoignages du 28 novembre 2007
OTTAWA, le mercredi 28 novembre 2007
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 15 pour examiner, en vue d'en faire rapport, le trafic du fret conteneurisé actuel et éventuel manutentionné par les ports à conteneurs de la porte d'entrée du Pacifique, les ports à conteneurs de la côte Est et les ports à conteneurs du Centre du Canada, sur les principaux marchés importateurs et exportateurs desservis par ces ports et sur les politiques actuelles et futures à cet égard.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Nous recevons ce soir des témoins de l'Alliance canadienne du camionnage : M. Graham Cooper, premier vice-président, M. Ron Lennox, vice-président, Commerce et Sécurité et Mme Elly Meister, vice-présidente, Affaires publiques.
Graham Cooper, premier vice-président, Alliance canadienne du camionnage : Merci, madame le présidente. Mesdames et messieurs les sénateurs, bonsoir.
J'aimerais vous parler un peu de l'Alliance canadienne du camionnage. Pour les gens qui ne nous connaissent pas, on nous appelle l'ACC. Nous sommes une fédération de sept associations canadiennes provinciales et régionales de camionnage, qui représente collectivement plus de 4 500 transporteurs routiers, d'un océan à l'autre. Son siège social se situe à Ottawa, et ses bureaux d'association provinciale, à Vancouver, Calgary, Regina, Winnipeg, Toronto, Montréal et Moncton. L'ACC est la voix de l'industrie canadienne du camionnage sur les questions politiques, législatives et réglementaires au pays et à l'étranger.
Ce soir, nous allons aborder deux questions, l'une plutôt brièvement, et l'autre, un peu plus en profondeur. Permettez-moi d'abord de parler de la réglementation des activités des administrations portuaires. Je pense que le comité a reçu des représentants de la British Columbia Trucking Association à Vancouver en mars 2007.
En juillet 2007, l'ACC et la British Columbia Trucking Association ont présenté conjointement leurs commentaires à Transports Canada sur une modification proposée du règlement sur l'exploitation des administrations portuaires. Dans ce mémoire, nous avons formulé des observations au sujet d'un certain nombre de questions pratiques relativement aux activités de camionnage dans le Port de Vancouver.
Nous avons expliqué que, à notre avis, l'intervention réglementaire du gouvernement fédéral était inutile, surtout parce que les activités de factage au port s'étaient stabilisées durant la période de deux ans du protocole d'entente que le règlement proposé allait manifestement remplacer.
Cependant, une autre préoccupation essentielle exprimée dans notre mémoire — c'est-à-dire le mémoire que nous avons déposé en juillet —, était que, en mettant en place un règlement régissant la relation économique entre les transporteurs routiers et les propriétaires-exploitants de camions, le gouvernement établirait un précédent non souhaitable pour les autres secteurs de l'industrie du transport et pour d'autres régions géographiques. De plus, nous avons prévenu Transports Canada que ce type de réglementation économique allait à l'encontre de l'énoncé de la politique du transport établi dans la Loi sur les transports au Canada, plus précisément, de l'alinéa 5a) :
[...] La concurrence et les forces du marché, au sein des divers modes de transport et entre eux, sont les principaux facteurs en jeu dans la prestation de services de transport viables et efficaces.
Malgré notre intervention, le règlement a été adopté. Puisqu'il inclut une disposition de quasi-temporarisation, nous espérons que cela entraînera une analyse plus réfléchie des activités de camionnage au port et la reconnaissance du fait qu'une autre intervention du gouvernement fédéral est à déconseiller et inutile.
Madame la présidente, j'ai joint une copie de la lettre à notre mémoire, pour le cas où vous ne l'auriez pas déjà lue. Nous vous la fournissons pour vos dossiers, et, évidemment, elle explique plus en profondeur ce que je viens de dire.
Le deuxième thème principal que nous souhaitions aborder avec vous ce soir, c'est la sécurité des ports et du transport intermodal. Évidemment, la sécurité sous toutes ses formes est une préoccupation de premier plan pour l'industrie du camionnage. L'effet des mesures de sécurité dans les ports canadiens sur les entreprises de camionnage n'a pas été importun jusqu'à présent. De l'avis de l'ACC, le Canada a adopté une approche fondée davantage sur le risque en matière de sécurité portuaire que nos voisins du Sud, du moins en ce qui concerne les chauffeurs de camion.
L'approche canadienne — déterminer où le risque est le plus grand et mettre l'accent sur ces secteurs — semble préférable à une approche générale qui englobe tout le monde peu importe la menace perçue pour la sécurité des transports.
L'ACC est d'avis que la principale question en matière de sécurité des transports est la façon de se concentrer sur la gestion du risque dans le contexte d'une série interminable de nouvelles exigences et de nouveaux programmes en matière de sécurité qui touchent tous les modes de transport, particulièrement en ce qui a trait au transport de factage entre le Canada et les États-Unis.
Le dédoublement et le chevauchement des programmes nous inquiètent. À l'instar des exportateurs dont nous transportons les marchandises, nous sommes inquiets de voir le coût des marchandises augmenter à cause des mesures de sécurité qui sont déployées et évaluées indépendamment les unes des autres. Dans l'ensemble, il semble que l'équilibre approprié entre la sécurité et l'efficience du commerce ait été perdu.
Nous ne sommes cependant pas naïfs. L'industrie du camionnage, peut-être plus que toute autre industrie, comprend très bien que la situation du commerce en Amérique du Nord a changé depuis les événements du 11 septembre et que nous avons un rôle essentiel à jouer pour réduire les menaces à la sécurité nationale. Je pense sincèrement que nous nous sommes acquittés de notre tâche en participant à un large éventail de programmes de sécurité mis en œuvre par le Canada et par les États-Unis visant à la fois les transporteurs et les chauffeurs. Nous allons revenir là-dessus pendant la période de questions.
Avec le recul, il devient évident que, six ans après les événements du 11 septembre, le Canada et les États-Unis ont créé un ensemble de programmes qui ne s'harmonisent pas les uns avec les autres, et la situation semble avoir empiré. Nous devons composer aujourd'hui avec une gamme d'exigences propres à chacun des modes de transport, à chacune des installations, et même à chacun des types de marchandises, exigences qui nous sont imposées par des ministères et des organismes des deux côtés de la frontière.
À nos yeux, la situation est intenable. Nous ne pouvons pas continuer éternellement à accumuler les nouveaux programmes et à faire grimper ainsi le coût de transport au détriment de la compétitivité du Canada. Évidemment, nous admettons le fait qu'il n'y a pas de panacée, mais les organismes gouvernementaux des deux côtés de la frontière doivent garder à l'esprit que l'équilibre entre l'efficacité des échanges et une sécurité accrue ne peut être atteint que si les risques sont bien évalués.
À notre avis, il est absolument essentiel de mettre l'accent sur la gestion des risques, et c'est ce que la vérificatrice générale a récemment dit dans son rapport sur l'Agence des services frontaliers du Canada. Une évaluation du risque juste crée une situation intéressante à la fois pour l'industrie du camionnage et pour le gouvernement : pour nous, en garantissant que les inspections et les programmes ciblent les besoins réels, et pour le gouvernement, en garantissant que les ressources limitées sont affectées là où elles sont les plus utiles.
La présidente : Merci beaucoup de votre exposé. Selon vous, quelles sont les politiques ou les règles fédérales — au chapitre des douanes, de la fiscalité ou de l'exploitation — qui ont un effet négatif sur l'efficience? J'ai lu ce que vous venez de dire au sujet de la capacité et de la compétitivité du réseau de transport canadien.
M. Cooper : Sénateur, ce qui nous préoccupe, c'est l'effet de ces divers programmes sur les coûts pour les transporteurs, les conséquences de cela pour les chauffeurs et les exploitants de l'industrie, et, en fait, la question de savoir si ces coûts permettent la viabilité à long terme. Nous avons été témoins d'une certaine attrition. Nous avons vu certaines entreprises abandonner le secteur au cours des dernières années. Nous entendons parler, dans certains cas isolés, des effets de ces programmes sur les exploitants du secteur des transports.
Vous savez peut-être — j'imagine que vous le savez — que certaines études quantitatives sur le coût de ces mesures de sécurité pour l'industrie ont été réalisées. Permettez-moi d'insister encore une fois, comme je l'ai fait dans ma déclaration, pour dire que nous comprenons qu'il y a un besoin. Nous en sommes rendus au point où, si je peux me permettre d'y aller d'une suggestion, nous nous demandons quand les gouvernements vont se demander s'ils en ont fait assez et s'ils font ce qu'ils devraient faire.
Vous vous souvenez sans aucun doute du plan d'action Ridge-Manley, l'accord sur la frontière intelligente, qui, en décembre 2001, a établi de façon très nette selon moi la distinction entre l'efficience des échanges et le besoin d'accroissement de la sécurité. D'après le texte de l'accord, il s'agit de deux choses essentielles, mais qui peuvent très bien coexister.
C'est le point de vue que nous avons adopté, et que, je pense, beaucoup d'organismes de réglementation et de participants de l'industrie des transports ont adopté au cours des six dernières années environ. À l'heure actuelle, ce qui est préoccupant, sénateur, c'est qu'il semble que les choses sont un peu en train de nous échapper. Nous sommes en train de perdre de vue l'approche axée sur la gestion des risques qui faisait partie intégrante de ce qui était admis, je pense, en décembre 2001, c'est-à-dire qu'il fallait mettre l'accent sur le risque.
Je dois dire que M. Lennox travaille là-dessus pratiquement à temps plein depuis plusieurs années, non pas sur le fret conteneurisé en particulier, mais bien sur la sécurité des transports.
Ron Lennox, vice-président, Commerce et sécurité, Alliance canadienne du camionnage : Sénateur, j'aimerais vous donner deux ou trois exemples précis qui figurent dans le mémoire que nous avons déposé devant le comité aujourd'hui. Vous avez posé une question au sujet de l'efficience. Ce que je vois me pousse à me demander si nous ne nous mettons pas parfois nous-mêmes les bâtons dans les roues. Le premier exemple qui figure dans notre mémoire concerne les antécédents de sécurité des chauffeurs de camion qui doivent livrer de la marchandise dans un port.
Au Canada, le chauffeur de camion qui doit entrer dans une zone d'accès limité R2 d'un port, ce qui, pour nous, est un terminal de bateaux de croisière, il doit obtenir une autorisation de sécurité de Transports Canada. Il doit le faire même s'il possède une carte EXPRES, Expéditions rapides et sécuritaires, qui est délivrée par le même gouvernement. Dans ce cas, le chauffeur est contrôlé deux fois. Je dois dire, pour être honnête, que peu de gars vont se retrouver dans cette situation. Le nombre de chauffeurs de camions qui ont une livraison à faire à un terminal de bateaux de croisière est assez limité par rapport à l'ensemble, mais c'est un exemple du genre de choses dont nous sommes témoins.
Un autre exemple que je peux vous donner, c'est une chose à laquelle nous travaillons directement avec Transports Canada et qui a trait à la sécurité du fret aérien. Évidemment, les exigences de sécurité se répercutent sur toute la chaîne d'approvisionnement, ce qui fait que les transporteurs qui transportent des marchandises qui doivent être chargées à bord d'un avion finissent par devoir se plier aux exigences relatives à la sécurité du fret aérien. Ce que les transporteurs disent, c'est qu'ils ont essayé de faire quelque chose dans le cadre du programme Partenaires en protection de l'ASFC. Ils ont aussi essayé de faire quelque chose dans le cadre du Customs Trade Partnership Against Terrorism, le programme C-TPAT, et ils se demandent ce qu'ils peuvent faire de plus. Ils doivent devoir protéger l'ensemble du fret transporté dans leur réseau, et non pas seulement les marchandises qui sont destinées à être chargées dans un avion. Ce qu'on nous dit, en ce moment, c'est que le fret aérien est une chose un peu différente. Encore une fois, comme M. Cooper l'a dit, nous nous demandons quand on prendrait conscience du fait qu'assez c'est assez.
La présidente : Est-ce que cela affecte la compétitivité de l'industrie?
M. Lennox : Voulez-vous dire par rapport aux autres modes de transport?
La présidente : La situation que vous venez de décrire affecte-t-elle la compétitivité?
M. Lennox : Je ne suis pas sûr qu'elle affecte la compétitivité, sénateur. Une chose est sûre, elle fait grimper les coûts.
Un autre exemple tiré de notre mémoire concerne les cartes d'identité. Un chauffeur qui accède à un port canadien peut avoir une carte EXPRES. Il est certain que si le chauffeur traverse la frontière américaine, et transporte des matières dangereuses ou encore des marchandises pour un importateur américain inscrit au programme EXPRES, il a besoin d'une carte EXPRES. Cependant, si ce chauffeur fait une livraison dans un port situé aux États-Unis, il doit aussi payer pour obtenir une carte dans le cadre d'un programme américain intitulé Transportation Worker Identification Credentials. Je ne suis pas sûr que cela affecte notre compétitivité par rapport aux autres modes de transport, parce que tout le monde fait face à de nouvelles exigences en matière de sécurité, mais il est clair que cela fait grimper les coûts pour nous.
M. Cooper : Si je puis ajouter une réflexion à cela, je dirais que la question de la compétitivité est de nature internationale, ou à tout le moins binationale. Il pourrait y avoir un risque à un moment donné, par rapport au coût d'exploitation de l'autre côté de la frontière. Évidemment, dans le contexte de l'économie d'exportation au sein de laquelle nous faisons des affaires, il y a des camions qui transportent environ les deux tiers, en fonction de leur valeur, des marchandises que nous échangeons avec les États-Unis, et une forte proportion de ces échanges se fait au sein même des entreprises, c'est-à-dire que l'organisation canadienne est une filiale qui effectue la fabrication pour le compte d'une grande entreprise américaine. On a ouvert ces filiales au Canada pour de bonnes raisons. À une certaine époque, le coût de la main-d'œuvre n'était pas le même ici. Le régime fiscal était différent, et, évidemment, le taux de change n'était pas le même qu'aujourd'hui.
Ce qui nous préoccupe depuis plusieurs années, c'est la question de la viabilité à long terme de l'assise manufacturière du Canada, qui effectue des échanges transfrontaliers sur le mode du juste-à-temps. M. Lennox a parlé du programme EXPRES. Je suis sûr que vous connaissez ce programme, le programme C-TPAT et ce genre de choses, et le principal objectif de ces programmes, c'est bien entendu de permettre des échanges rapides entre le Canada et les États-Unis de marchandises sûres, sécuritaires et dont la nature est connue. Nous voyons cependant trop souvent des engorgements, et une infrastructure limitée dans certains cas, ce qui nous pousse à nous demander — et nous ne sommes manifestement pas les seuls à nous poser cette question — à quel point la partie de notre secteur manufacturier qui est une composante de l'assise manufacturière des États-Unis est viable, surtout en ce qui concerne le secteur de l'automobile par exemple.
La présidente : Un témoin a affirmé devant nous que le transport routier est trop important en Amérique du Nord, où le transport ferroviaire serait mieux adapté, compte tenu des distances. Que répondriez-vous à cela?
M. Cooper : Ce n'est pas la première fois que nous entendons cela, sénateur, comme, j'en suis sûr, vous pouvez l'imaginer. Tous les moyens de transport, et assurément les deux principaux moyens de transport terrestres de fret, le transport routier et le transport ferroviaire, ont leur rôle à jouer. Le fait est que seulement 10 p. 100 du fret est fongible. En d'autres termes, il pourrait aussi bien être transporté par train que par camion. Le secteur du transport routier peut assurer une partie du service que le secteur du transport ferroviaire tente en vain d'offrir depuis un certain temps. Comme vous le savez, il y a des accords relatifs au transport intermodal, quoique, récemment, le secteur du transport ferroviaire semble y accorder moins d'attention que par le passé.
Ce sont des arguments qui ne sont pas nouveaux pour nous. Franchement, le débat qui entoure la question de savoir s'il y a trop de camions et pas suffisamment de trains n'est pas très constructif.
Au bout du compte, c'est l'expéditeur, c'est-à-dire le client du réseau de transport, qui choisit. Nous avons un rôle à jouer; le transport ferroviaire a un rôle à jouer, et ces rôles sont en fait passablement différents dans la plupart des cas.
La présidente : On nous a informés de ce que le secteur du camionnage connaît une pénurie de chauffeurs au Canada. Le Conseil canadien des ressources humaines en camionnage a proposé un projet visant à fournir des renseignements au gouvernement pour l'aider à élaborer les politiques et les programmes qui viendront en aide à l'industrie. Quel genre de politiques faudrait-il envisager en priorité pour venir en aide à l'industrie?
M. Cooper : Permettez-moi d'abord de préciser l'expression « pénurie de chauffeurs ». Il ne s'agit pas nécessairement d'une pénurie de gens qui sont capables de conduire un camion. Beaucoup de gens ont des permis commerciaux. La question, c'est de savoir s'ils sont qualifiés.
Le transport routier est aujourd'hui beaucoup plus complexe qu'il y a, disons, 20 ou 30 ans. Les chauffeurs doivent savoir se servir d'un ordinateur et connaître pas mal de choses au sujet de la réglementation concernant les échanges transfrontaliers, puisque, pour une industrie prétendument non réglementée, nous sommes probablement la plus réglementée sur le plan de la sécurité.
Je pense que là où, ensemble, les gouvernements peuvent donner un coup de main, c'est en répondant à la question de savoir pourquoi il est si difficile, pour l'industrie, d'attirer et de retenir des chauffeurs de camions. La réglementation est complexe. La panoplie de règles auxquelles ils doivent se plier est parfois une source de frustration pour les chauffeurs qui transportent des marchandises d'un bout à l'autre du pays — et aussi, parfois, de l'autre côté de la frontière. Cela fait de nombreuses années que nous faisons des déclarations au sujet de la nécessité d'uniformiser et d'harmoniser le régime réglementaire du Canada au chapitre du camionnage, de façon à rendre plus simple la vie des camionneurs.
Assurément, le travail qu'a fait le CCRHC — et auquel j'ai participé — est très précieux. Nous avons toujours parlé d'une pénurie de chauffeurs. Ce n'est qu'assez récemment que nous avons été en mesure de quantifier le problème.
Je pense qu'il s'agit de 37 000 chauffeurs par année, pour les 10 à 15 prochaines années. Nous devons prêter attention au fait que notre main-d'œuvre vieillit. Cependant, l'industrie ne demande pas au gouvernement de régler le problème, pas tout le problème. C'est le genre de choses qui laisse place à des partenariats, comme je l'ai déjà mentionné. Nous savons que l'un des problèmes du secteur, c'est le taux de roulement important. Certaines entreprises, certaines entreprises bien connues font de l'excellent travail pour limiter le roulement, alors que d'autres ne font pas un aussi bon travail.
Je n'essaie pas de trouver des excuses pour le secteur, parce qu'il s'agit d'une industrie de taille importante, variée et extrêmement concurrentielle. Les marges sont extrêmement réduites, et il faut pas mal de temps pour qu'une entreprise soit suffisamment bien établie pour payer ses chauffeurs et pour déployer les efforts nécessaires et leur offrir une formation adéquate. Comme vous le savez, le secteur du camionnage est composé en grande partie d'entreprises familiales.
La concurrence est féroce; certaines diraient même qu'elle est parfois violente. Dans certains cas, cela a pour effet que les transporteurs routiers se concentrent sur d'autres aspects que l'embauche et le maintien en poste de chauffeurs qualifiés. Tout le monde veut le faire, cela ne fait aucun doute, mais ce n'est pas tout le monde qui dispose des ressources nécessaires pour bien le faire.
Le sénateur Oliver : Merci de votre exposé, qui a été intéressant, et bienvenue à cette réunion du comité. Vous avez parlé de certains des problèmes réglementaires auxquels vous êtes confronté, à la fois au Canada et aux États-Unis, ainsi que du fait qu'il y a souvent des recoupements et d'autres problèmes.
Bien entendu, notre étude porte principalement sur le trafic du fret conteneurisé. Nous nous intéressons aux conteneurs et au transport par camion de ces conteneurs. À la page 3 de votre mémoire, vous dites :
Le point de départ évident nous semble être un programme de sécurité unique auquel les transporteurs pourraient s'inscrire, et une carte de sécurité unique pour les chauffeurs. La participation serait nécessaire lorsque le risque le justifie, mais pas universelle.
Vous dites cela au sujet des chauffeurs et des camions, mais nous devons aborder la question des conteneurs. J'aimerais savoir quelles sont les procédures qui permettraient de garantir la sécurité du fret conteneurisé qui est transporté par camion au Canada et au-delà de la frontière, aux États-Unis.
Le dernier témoin qui a comparu devant le comité a parlé d'une boîte noire. Il s'agit d'un contenant hermétique permettant de suivre le conteneur par satellite et de détecter la lumière, la chaleur ou quoi que ce soit d'autre, de façon que, lorsque le conteneur traverse la frontière, les fonctionnaires puissent savoir exactement ce qui se trouvait au départ dans le conteneur et si quoi que ce soit a été déplacé ou remplacé.
Avez-vous envisagé l'adoption d'un système de boîtes noires pour le transport de conteneurs par camion?
M. Lennox : Ce n'est pas quelque chose que nous avons envisagé en tant que tel. Il existe toutes sortes d'outils technologiques. Parfois, je me demande s'il ne s'agit pas de l'art du possible. On peut suivre n'importe quoi n'importe où n'importe quand. Cela nous ramène au risque. À quel point est-il nécessaire de pouvoir suivre les déplacements de tous les conteneurs à tout moment de la journée, partout au Canada?
Une chose que l'industrie du camionnage a adoptée, dans le cadre des programmes de sécurité, ce sont les sceaux de haute sécurité, pour le transport des conteneurs au-delà de la frontière, en tout cas. Quiconque transporte du fret dans le cadre du C-TPAT ou fait entrer des marchandises au Canada dans le cadre du programme EXPRES a recours à des sceaux de haute sécurité respectant la norme ISO.
Cependant, la réponse à votre question concernant le fait que nous ayons ou non envisagé l'adoption de ces autres outils technologiques, c'est non. Nous savons que des gens envisagent ce genre de choses, mais nous n'avons pas participé directement aux discussions.
Le sénateur Oliver : Je suis un fervent des technologies de l'information comme moyen d'accroître la valeur et la productivité. Il existe des outils technologiques peu coûteux qui peuvent permettre de réduire certains coûts.
M. Lennox : Si vous voulez parler des conteneurs transbordés d'un port canadien vers les États-Unis, cela suppose un recours assez important à la technologie de l'information. Si vous commencez, par exemple, par le lieu d'origine du conteneur, l'Agence des services frontaliers du Canada exige qu'on lui fournisse des renseignements 24 heures avant le chargement, avant même que le conteneur quitte le port du pays d'origine. L'Agence effectue une évaluation du risque. Le conteneur arrive dans le port canadien. Il peut y avoir des vérifications supplémentaires lorsqu'il arrive au Canada. Avant que le conteneur puisse être envoyé aux États-Unis, il faut préparer un manifeste électronique, qui est envoyé à l'avance à la Customs and Border Protection des États-Unis, de façon que l'organisation sache exactement ce qui se trouve dans ce conteneur, qui le transporte, le nom du chauffeur, le nom du transporteur, de façon que l'organisme puisse effectuer sa propre évaluation du risque. Cela suppose l'utilisation de pas mal d'outils technologiques, même si ce n'est peut-être pas de ça que vous parliez tout à l'heure.
Le sénateur Oliver : Êtes-vous en mesure de nous recommander d'envisager quoi que ce soit d'autre, en ce qui concerne la technologie, pour contribuer à accélérer le traitement et à réduire les coûts, et ainsi rendre le système plus efficient et plus efficace?
M. Lennox : Notre industrie s'est parfois montrée un peu réticente aux changements et aux nouvelles technologies, mais j'ai toujours été fervent de l'utilisation des manifestes électroniques et des systèmes automatisés de ciblage. L'Agence des services frontaliers du Canada travaille actuellement à ce qu'on appelle l'information préalable sur les expéditions commerciales. Vous connaissez probablement cette initiative dont le sigle est IPEC. On peut dire que c'est l'équivalent de ce que font les Américains avec les manifestes électroniques pour les marchandises en provenance du Canada. Si vous voulez faire quelque chose, je vous recommanderais d'appuyer le projet des responsables de l'Agence des services frontaliers du Canada. Nous les avons encouragés à mettre au point un système compatible avec celui des États-Unis et qui soit le plus semblable possible à celui-ci. Voilà qui, à nos yeux, est d'une importance capitale.
M. Cooper : Vous soulevez une question intéressante en parlant des boîtes noires. Je présume que par « boîtes noires », vous voulez parler d'une espèce d'appareil permettant d'effectuer le suivi des conteneurs.
Sans vouloir avoir l'air trop cynique, depuis six ans, l'industrie de la sécurité est en pleine croissance. D'innombrables organisations, bureaux de consultants, d'ingénieurs — tout ce que vous voulez — se sont adressés à nous, et c'était à qui pouvait nous vendre le meilleur bidule.
Ce qui nous préoccupe dans ce genre de démarches, c'est que lorsqu'on oublie de procéder à l'évaluation des risques dont nous avons parlé tout à l'heure — la nécessité de gérer les risques — et qu'on se dote d'une façon ou d'une autre d'un système de suivi de tous les camions possibles, il est facile de concevoir que cela peut poser problème. Rappelons- nous Oklahoma. Ce n'était pas un camion citerne, c'était, d'après mes souvenirs, un camion U-Haul, ou une mini- fourgonnette pleine de bombes artisanales.
Où faut-il trancher? Supposons qu'on peut le faire. M. Lennox a parlé de l'art du possible. Si on était en mesure d'installer un appareil de suivi sur tous les camions qui circulent sur toutes les routes de l'Amérique du Nord, ou à tout le moins sur toutes les autoroutes des États-Unis et sur les principales autoroutes du Canada, ce serait quelque chose d'énorme, quelque chose qui ressemblerait probablement à un centre de contrôle de la circulation aérienne. Que faire de cela? Que faire, si on présume qu'il est possible que tous les chauffeurs indiquent leur trajet prévu avant de partir, si un chauffeur qui doit se rendre en Alabama décide de s'arrêter au Michigan pour rendre visite à sa mère? On ne peut qu'imaginer ce qui se produirait si un chauffeur déviait de son trajet.
Cela dit, j'ai bien compris ce que vous avez dit, c'est-à-dire que les outils technologiques ont un rôle à jouer au sein des entreprises de transport d'aujourd'hui, que ce soit le transport routier ou non. Je suis tout à fait prêt à inviter les honorables sénateurs à visiter une entreprise de transport routier à la fine pointe de la technologie, qui a recours au suivi par satellite, ou GPS, qui est en mesure de suivre la vitesse des camions et l'efficacité de leur consommation de carburant. C'est quelque chose qui vaut la peine d'être vu. Si l'un ou l'autre des membres du comité souhaitait accepter cette invitation, nous pourrions assurément organiser une visite chez un transporteur routier situé pas trop loin d'ici.
Le sénateur Dawson : Vous utilisez le terme « fongible ». Vous parlez de la fongibilité des camions et des trains. J'aimerais que vous m'expliquiez cela, en ce qui concerne le transport terrestre et maritime à court terme.
M. Cooper : Voulez-vous dire le transport maritime à courte distance?
Le sénateur Dawson : Oui.
M. Cooper : Je dois avouer, sénateur, que je ne suis pas du tout expert en la matière. C'est quelque chose dont on a parlé. Dans certaines régions, on a jugé qu'il s'agissait d'une solution envisageable. La question est de savoir si les volumes peuvent un jour atteindre un niveau significatif. Pourrions-nous disposer de suffisamment de navires de ces types et transportant suffisamment de fret pour que cela ait un effet réel, d'une façon ou d'une autre?
Si vous aimeriez en savoir davantage sur ce sujet, je pourrais vous fournir plus de renseignements.
M. Lennox : Si je songe au couloir Montréal-Toronto, encore une fois, comme M. Cooper l'a dit, le volume pourrait-il être significatif? Dans la plupart des cas, le fret est transporté par camion parce qu'il faut que la marchandise soit livrée avant le lendemain. Le transport maritime à courte distance pourrait-il être concurrentiel dans ce marché? Peut-être pas. Peut-être les gens du domaine envisagent-ils d'autres marchés. Comme M. Cooper, je ne suis pas expert en la matière.
Le sénateur Dawson : L'une des raisons pour lesquelles je pose cette question, c'est que tout le transport routier au Canada relève des provinces. Pour ce qui est des ports et des aéroports, le gouvernement fédéral s'occupe de certains aspects du transport, mais ce sont les autorités provinciales qui le régissent. Je songe à la Côte-Nord, au Québec, où, entre Sept-Îles et Montréal, il y a maintenant un certain déplacement ou transfert de marchandises fongibles du secteur du transport routier vers des remorqueurs qui transportent des copeaux de bois et du minerai, vers Trois-Rivières et Montréal, et cetera.
Le problème, c'est que l'un de ces moyens de transport est de compétence provinciale, tandis que d'autres relèvent du gouvernement fédéral, et certaines des entreprises qui effectuent le transport essaient d'obtenir les meilleurs conseils possibles de la part des deux gouvernements. Ils ne semblent pas obtenir le genre de collaboration dont les gens de votre domaine auraient besoin.
Les premiers ministres McGuinty et Charest ont tenu cette semaine une réunion au cours de laquelle ils ont abordé la question du camionnage. Nous n'allons pas parler ici des nombreuses questions qu'ils ont abordées. Cependant, ils ont discuté de la compatibilité de leurs renseignements sur le camionnage, parce que certains camionneurs ont le droit de faire certaines choses dans une province et pas dans l'autre, ce qui fait qu'ils doivent obtenir deux permis de types différents.
Encore une fois, cela nous ramène au fait qu'il serait intéressant de pouvoir faire des échanges nord-sud. Au Canada, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux semblent d'accord au sujet des échanges est-ouest. Que nous suggérez-vous de recommander à ce sujet, c'est-à-dire les questions de compétence et la question de la fongibilité relatives au transport maritime et au transport routier.
M. Cooper : Comme vous le savez, le gouvernement fédéral dispose de l'autorité constitutionnelle en ce qui concerne le transport en dehors des provinces, c'est-à-dire le transport interprovincial et international.
La délégation de l'administration a eu lieu il y a de nombreuses années. Sincèrement, je pense que c'est une difficulté à laquelle Transports Canada est confronté, à laquelle nous, comme fédération nationale, sommes confrontés : essayer d'harmoniser et de rendre compatibles ces différents règlements fédéraux. Je l'ai mentionné tout à l'heure lorsque nous avons parlé des chauffeurs.
Dans ce cas précis, je pense que vous parlez du transport par barge de Sept-Îles à Québec, qui, du point de vue des exploitants du secteur du transport routier, relève de la province, mais, lorsque le transport se fait par la Voie maritime du Saint-Laurent, il relève du gouvernement fédéral. Est-ce que c'est ce que vous vouliez dire?
Le sénateur Dawson : Oui.
M. Cooper : C'est intéressant, sénateur, et j'aimerais me renseigner là-dessus et vous en reparler. L'une de nos associations a son siège à Montréal, comme je l'ai mentionné au début de la réunion. Elle travaille beaucoup avec Transports Québec et avec d'autres organisations de la province, et, assurément, le transport de copeaux de bois est un élément important du transport dans cette province.
« Fongibilité » est probablement plus un vieux terme de l'industrie du pétrole que quoi que ce soit d'autre.
Le sénateur Oliver : Il aime bien le mot.
Le sénateur Dawson : J'ai appris quelque chose aujourd'hui.
M. Cooper : J'aime le mot. Il est rare que je puisse l'employer maintenant.
Je ne sais pas si le transport par barge répond à la définition du transport maritime à courte distance au sens strict. Cependant, les barges en question serviraient à transporter le genre de marchandises que transporteraient les trains; or, les chemins de fer ont toujours excellé dans le transport de ce type, ce qui n'est pas notre cas.
L'industrie du camionnage se spécialise, et excelle, dans le transport de matières légères d'une valeur relativement élevée — des téléviseurs, des lames de rasoir et ainsi de suite. Quand il est question de transporter des céréales et du minerai de fer et toutes les matières de cette nature, on constate que cela se fait par train dans la majorité des cas.
Quand il est question de transporter en vrac des copeaux de bois entre deux lieux à l'intérieur d'une même province, si le transport par barge est logique, c'est une option qu'il y a lieu d'envisager. Je vais certainement explorer la question plus à fond, sénateur, et je vous reviendrai là-dessus.
Le sénateur Dawson : Hier, un témoin a affirmé que nous devrions peut-être utiliser plus souvent des conteneurs à grain, car ce serait une façon d'acheminer directement à l'acheteur des grains spécialisés en grande quantité. Il y aurait ainsi moins de manipulation. Encore une fois, il arrive qu'un conteneur passe du camion au train, puis au bateau.
Le transport intermodal est une option que nous devons recommander. À un moment donné, il faut dire à propos de certaines questions de compétence provinciale et de certaines responsabilités quant aux ports et aux trains que la coopération existante est insuffisante. Nous devons dire que le transport intermodal pourrait être amélioré; ça ne se fait pas. Nous avons parlé de coopération entre les provinces, et il me semble que c'est certainement là une des priorités.
Sur un autre sujet : vous avez parlé des sociétés exportatrices. À titre de comparaison, quelle est votre expérience des conteneurs et des gens qui reçoivent les conteneurs pour l'exportation par rapport à l'importation, lorsque vous exportez des pièces d'automobile ou des céréales? Comment cela diffère-t-il de l'importation de conteneurs du point de vue de la sécurité et de la gestion des risques?
M. Cooper : Parlez-vous d'abord et avant tout de conteneurs maritimes?
Le sénateur Dawson : Je parle de conteneurs d'exportation par rapport aux conteneurs d'importation.
M. Lennox : Je ne suis pas sûr de vous donner une très bonne réponse à cela, sénateur. Nous prenions les conteneurs à une installation de vrac ou chez un transporteur particulier pour les transporter vers un terminal portuaire. Là, nous devions nous plier aux exigences applicables en matière de sécurité. Le plus souvent, c'était le conducteur : on voulait s'assurer qu'il avait le droit d'être là. Autant que je sache, la même règle s'appliquait aux cargaisons quittant le port. D'habitude, nos conducteurs doivent être munis d'une carte d'identité pour entrer sur les installations du port. Je m'excuse, mais je n'arrive pas à penser à une différence particulière en ce qui concerne notre façon de prendre en charge le transport en question.
Le sénateur Dawson : Il n'y aurait pas de différence de traitement entre le conteneur qui s'en va et celui qui arrive.
M. Lennox : Non, je ne suis pas au fait d'une différence qu'il pourrait y avoir.
M. Cooper : Ce qui est intéressant, c'est la différence entre un porte-conteneurs hypothétique qui part de Hong Kong à destination de Seattle et un autre qui, lui, part de Hong Kong à destination de Vancouver. Nous avons discuté de la différence qui existe en ce qui concerne le transbordement par route de Vancouver à Los Angeles. C'est pourquoi nous nous sommes mis à nous demander : est-ce que nous faisons un bon travail du point de vue de la gestion des risques et de l'évaluation des risques en ce qui concerne le transport maritime et le transport de conteneurs maritime en particulier? Les porte-conteneurs —vous connaissez peut-être mieux que moi les statistiques — transportent des milliers de conteneurs.
Comme nous le mentionnons dans notre mémoire, les conteneurs en question sont assujettis aux exigences préalables au chargement dans certains cas au Canada aussi bien qu'aux États-Unis. Dans certains cas, aucune commande de chargement ne peut être émise au pays d'origine : le conteneur qui n'est pas jugé conforme pour une raison ou une autre n'aurait pas le droit d'aboutir au Canada ou aux États-Unis. Une fois le navire au port, il est assujetti à d'autres inspections dans certains cas, si le système d'analyse préalable à l'arrivée a détecté quelque chose. Je crois que c'est le système VACIS qui est employé.
M. Lennox : On a employé les machines du VACIS dans les ports canadiens. Ce sont des systèmes qui examinent l'intérieur du conteneur. Il y a encore une inspection physique, de même : on a recours à des chiens, et on examine vraiment les conteneurs qui présentent un intérêt particulier; tout de même, oui, on emploie le VACIS.
M. Cooper : Risque-t-on de se tromper en affirmant que, dans la mesure où un porte-conteneurs qui porte des milliers de conteneurs qui ont été assujettis à un avis avant l'arrivée, avant l'embarquement, ce ne sera probablement pas un très grand nombre des milliers de conteneurs en question qui sera assujetti à l'inspection physique.
Ce qui est intéressant, c'est qu'une fois débarqués du navire et chargés à bord d'une remorque porte-conteneurs pour poursuivre leur route aux États-Unis, ils sont sujets à un autre processus d'avis préalable. Ils ne font peut-être pas l'objet d'une inspection physique à la frontière, mais, si je comprends bien, une fois qu'ils se trouvent dans le réseau de transport terrestre, ils sont assimilés à un bien et sont assujettis au processus d'avis préalable à l'arrivée, avant d'entrer aux États-Unis. Ai-je bien saisi la situation?
M. Lennox : Oui, c'est cela. Les conteneurs qui partent du Canada à destination des États-Unis et inversement font l'objet d'un ciblage conjoint. L'idée — et cela me paraît parfaitement logique —, c'est que nous ne voulons pas que les deux gouvernements examinent le même conteneur. Ça n'aurait pas beaucoup de sens.
Même si j'ai dit tout à l'heure qu'une fois le conteneur arrivé au Canada, il faut préparer un autre manifeste pour l'acheminer aux États-Unis, conformément aux ententes de ciblage conjoint dont il est question, et il est à espérer — je n'ai pas d'information précise là-dessus — que les conteneurs en question ne sont pas examinés deux fois. Il ne serait pas très logique que le Canada et les États-Unis examinent tous les deux le même conteneur.
M. Cooper : Ce qui est intéressant, c'est de savoir s'il y a une inspection physique du conteneur hypothétique qui est parti de Hong Kong. Nous savons que, une fois qu'un porte-conteneurs du même genre arrive au port de Seattle et fait l'objet des examens nécessaires, voilà que les marchandises partent pour le Michigan ou New York ou l'Arizona. Nous ne touchons pas tant au transport de conteneurs qu'à d'autres types de transport transfrontalier, mais dans la mesure où nous pouvons nous assurer que les responsables de ce travail tiennent compte du risque, à mon avis, nous ne pouvons probablement faire mieux pour l'instant. Bien entendu, le taux d'exposition global est énorme, si on tient compte du nombre de ports à conteneurs et du nombre de conteneurs qu'il y a en Amérique du Nord.
Le sénateur Zimmer : Tout juste hier, nous avons accueilli un témoin qui a affirmé que la sécurité aurait toujours préséance sur le commerce à la frontière américaine. Étant donné ce fait, il nous appartient, à nous, au gouvernement, et à vous, au sein de l'industrie, de trouver des façons de mieux composer avec les mesures de sécurité toujours plus nombreuses qui sont mises en place.
Je sais que vous préconisez le recours à une carte d'identité unique pour la sécurité — M. Lennox en a touché un mot — plutôt que de plusieurs documents différents, ce qui me paraît parfaitement logique. Vous dites également que la participation serait exigée dans la mesure où le risque le justifie, que ce ne serait pas une mesure universelle.
En quoi l'émission d'une seule et unique carte de sécurité pose-t-elle des difficultés? Il me semble que ce serait logique et que ça éliminerait les complications. Que pensez-vous de cette option?
M. Lennox : Pour ce qui est de produire une seule carte, la difficulté fondamentale réside dans le fait que, tout juste après le 11 septembre, un accord canado-américain sur la frontière commune a été conclu. Cet accord, qui comporte bon nombre d'avantages, a servi à instaurer le programme EXPRES, qui fait que les conducteurs souhaitant obtenir la carte ont dû se soumettre à une vérification de leurs antécédents du point de vue criminel et de l'immigration. De plus, une vérification des cas passés de transgression des règles de douane a également été effectuée. Le conducteur peut se voir refuser une carte ou encore faire révoquer la carte qu'il a déjà dans la mesure où il a déjà transporté des cigarettes de trop ou je ne sais quoi encore. Les gens regardent ce qui s'est passé à la douane. Maintenant, vous vous dites : « Ce type va entrer sur le terrain du port; pourquoi est-ce que la carte du programme EXPRES ne suffit pas? » Ou encore : « Ce type ne peut obtenir une carte du programme EXPRES parce qu'il a commis quelque infraction aux règles douanières », par exemple il a passé en contrebande des cigarettes dans la cabine de son camion. En quoi cela influe-t-il sur le fait de savoir s'il va commettre ou non une transgression des règles de sécurité au port de Vancouver?
Toutes ces cartes ont été conçues à des fins précises. Une fois que vous les avez produites — et, en ce moment, on approche probablement de la centaine de milliers de cartes du programme EXPRES en comptant les États-Unis et le Canada —, il devient difficile de faire marche arrière. Les responsables des douanes y voient quelque chose de fondamental. Ils ne veulent pas que les gens traversent la frontière au moyen de leur programme EXPRES qui est censé être un programme à faible risque pour une élite. C'est le genre de question que nous devons prendre en considération en envisageant le recours à une carte unique. Je ne sais pas très bien comment nous allons faire pour en arriver à ce stade.
Maintenant, je pourrais peut-être parler brièvement de l'approche américaine. Je sais que j'ai formulé des critiques à propos du transportation Worker Identity Credential, mais, d'un point de vue théorique, c'est très logique. L'idée, c'est que la personne qui doit avoir accès à une installation de transport, qu'il s'agisse d'un port, d'un aéroport ou d'un carrefour ferroviaire, sera soumise à une vérification de sécurité. Par la suite, elle peut obtenir une carte émise par le Department of Homeland Security des États-Unis. C'est une carte d'accès pour l'ensemble du réseau de transport.
Une formule de ce type permettant à la personne de se rendre aux États-Unis serait très logique. Comme nous en sommes déjà très loin avec le programme EXPRES, qui existe depuis cinq ans, il serait peut-être difficile de faire marche arrière. J'aimerais bien qu'on puisse le faire, par contre.
Le sénateur Zimmer : Si tous les conducteurs de camion sont contraints d'obtenir la carte d'identité pour la sécurité, quel en serait l'effet sur l'actuelle pénurie de travailleurs dans l'industrie du camionnage?
M. Lennox : Cela dépend des critères qu'on établit pour ce qui est d'obtenir la carte en question. Si le gouvernement pose en principe que quiconque a déjà commis un acte criminel, si loin que cela puisse être dans le passé, est une menace pour la sécurité nationale, il y aura des difficultés réelles. La pénurie de conducteurs s'aggraverait. Si, par contre, on adopte une approche plus globale comme pour les autorisations de sécurité dans le transport et que l'on dit : « il a peut-être déjà commis un acte criminel, mais est-ce qu'il est vraiment une menace pour la sécurité nationale? », ce serait là une approche nettement plus judicieuse. Nous nous accommoderions probablement mieux de cette approche que de la première.
Le sénateur Zimmer : Il faudrait savoir si c'est un crime impardonnable : ce serait là le facteur déterminant. Voilà la question, à mon avis.
M. Cooper : En parlant de transport transfrontalier, dans ma déclaration préliminaire, j'ai mentionné à quel point il est difficile, dans bon nombre de cas, de garder les conducteurs au sein de l'industrie. Certes, les complications que l'on rencontre en traversant la frontière n'ont pas aidé les choses. Cela dit, tout de même, le conducteur qui a un casier judiciaire ne peut entrer aux États-Unis dans la plupart des cas maintenant, de toute manière. Cet aspect de la question, nous l'avons réglé.
Comme M. Lennox l'a dit plus tôt, au moment des discussions sur le concept de carte TWIC... ce jour-là, nous discutions à Washington avec les responsables administratifs de la sécurité des transports. Ils étudiaient ce projet de carte TWIC. D'après l'idée qu'ils s'en faisaient, à un moment donné, chaque travailleur des transports aux États-Unis serait muni d'une carte. Ils se demandaient comment faire pour s'assurer que les conducteurs n'avaient pas de casier judiciaire.
Dans certaines régions des États-Unis, par exemple, certaines entreprises de camionnage recrutent directement des prisonniers — à la sortie de la prison, évidemment. Ce sont les mêmes gens qui, dans bien des cas, finissent par avoir un bilan positif sur une longue durée, c'est-à-dire, 25, 30 ou 40 ans de conduite sans accident, et toutes les belles histoires dont on entend parler.
En parlant de sécurité nationale, comme M. Lennox l'a mentionné, comment fait-on pour concilier ces impératifs-là avec la simple nécessité de s'assurer que chaque travailleur des transports est muni d'une carte? Par exemple, aux États- Unis, comment s'assurer que le travailleur adhère au programme TWIK, à commencer par ceux des ports? Nous attendons de savoir si ça s'appliquera la prochaine fois. Je présume que, dans une certaine mesure, cela va dépendre du degré de succès obtenu au port. Vous voyez peut-être en quoi il est intéressant d'avoir une carte TWIK pour l'accès à une raffinerie, à une centrale nucléaire ou à un barrage hydroélectrique, les infrastructures capitales de cette nature, mais est-ce nécessaire pour entrer sur le terrain de l'usine Kellogg à Battle Creek? C'est peut-être une tout autre histoire.
Ce sont les questions difficiles que doivent se poser le gouvernement et l'industrie de part et d'autre de la frontière, et, de fait, les acteurs sur la scène internationale. Pour revenir à la question du facteur déterminant, notre idée est-elle de revenir à la bonne forme de gestion des risques ou encore essayons-nous de couvrir tout le monde?
Le sénateur Merchant : J'habite Regina. Vous avez dit que vous aviez un bureau à Regina. Sommes-nous simplement chanceux ou est-ce qu'il y a une raison à cela? Je n'en sais rien. J'aimerais savoir ce qu'il en est.
M. Cooper : C'est parce que les bureaux provinciaux de l'association se trouvent le plus souvent dans la capitale de la province, madame.
Le sénateur Merchant : Vous en avez un dans chaque province?
Le sénateur Oliver : Non, Halifax n'a pas de ce genre de bureau.
M. Cooper : Vous avez raison. Dans ma déclaration préliminaire, je crois avoir traité des associations provinciales et régionales. Chaque province a un bureau, sauf pour les provinces de l'Atlantique, où un seul bureau, à Moncton, s'occupe des quatre provinces. La raison pour laquelle Moncton a été choisie, c'est qu'il s'agit en quelque sorte d'un carrefour.
Le sénateur Merchant : Quelles sont les modifications de la politique fédérale envisagées dans le document Plan d'action pour une Loi canadienne sur la qualité de l'air et en quoi les modifications en question vont-elles aider l'industrie du camionnage à en arriver à une plus grande efficience et à accroître sa capacité sur le plan du transport conteneurisé des marchandises?
M. Cooper : Il serait peut-être un peu difficile de se pencher sur cette question dans le seul contexte du transport conteneurisé. Tout de même, permettez-moi de formuler quelques observations générales. Il se trouve que mes collègues ont témoigné hier soir devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes et ont traité de la loi qui doit remplacer le projet canadien de loi sur la qualité de l'air présenté il y a quelques années.
Il existe un nouveau concept baptisé Enviro Truck. C'est un concept canadien qui s'inspire largement du SmartWay Transport Partnership américain, lequel relève de l'Environmental Protection Agency. Essentiellement, le concept d'Enviro Truck sert à mieux implanter sur le marché les moteurs de camion de 2007, et des années suivantes, qui sont des moteurs ultra propres. Nous avons organisé une activité de l'autre côté de la rivière il y a un mois environ. Nous voulions faire cela sur la colline du Parlement, mais les camions ne peuvent plus y circuler. Nous avons organisé l'événement à la marina de Hull. Brian Jean, secrétaire parlementaire du ministre des Transports, y a soumis un des camions au test du gant blanc. Il a enfilé des gants et a mis ses mains au-dessus du tuyau d'échappement pendant 30 ou 40 secondes. Après, les gants étaient tout à fait propres. Les moteurs « propres » en question sont tout à fait remarquables pour ce qui est des émissions. Bien entendu, c'est un nouveau combustible diesel à teneur ultra faible en soufre qui est employé. Cela fait partie d'Enviro Truck, tout comme du SmartWay Transport Partnership aux États- Unis.
L'autre partie du programme en question porte sur le rendement du carburant. Comment pouvons-nous profiter de l'aérodynamique, mais pas seulement de l'aérodynamique, pour fabriquer l'unité motrice, le tracteur et la remorque du point de vue du carénage, soit des déflecteurs aérodynamiques, des jupes de remorques qui se trouvent au bas du véhicule, comme le nom l'évoque, tout cela pour réduire la résistance du vent? Une bonne part du travail effectué à ce sujet au fil des ans s'est fait de concert avec des établissements d'enseignement au Canada, aux États-Unis et ailleurs, et l'amélioration du rendement du carburant pour ce genre de matériel, en vérité, est tout à fait remarquable.
Nous en avons discuté avec le gouvernement. Certes, ça présente un intérêt du point de vue de la politique gouvernementale et du point de vue du fonctionnement de l'industrie. Il y a des gains en efficience qui peuvent en être tirés, mais le matériel en question n'est pas donné. Si on regarde les précédents d'il y a trois ans peut-être, on voit que le gouvernement appliquait un programme incitatif portant sur ce qui s'appelle les unités motrices auxiliaires, qui servent à chauffer ou à rafraîchir la cabine sans que le moteur ait à tourner. Il y avait une très bonne subvention pour cela, et bon nombre des intéressés ont adopté la chose. Encore une fois, je m'excuse de ne pas connaître les chiffres par cœur, mais, si vous le voulez, nous pouvons vous les transmettre.
Essentiellement, nous disons au gouvernement que le concept d'Enviro Truck est la voie à prendre pour l'avenir. Nous ne voulons pas que les vieux camions crachent leur fumée noire le long des routes. Le concept Enviro Truck comporte notamment un type de pneu différent — un pneu unique ou un pneu à bande large à faible résistance au roulement. Les pneus présentent d'importants avantages sur le plan environnemental. Nous avons dit que dans la mesure où le gouvernement peut agir en partenariat avec l'industrie du camionnage, d'une façon ou d'une autre, par l'entremise de crédits d'impôt, de mesures incitatives ou d'autres mécanismes financiers à sa disposition, le taux de pénétration du marché de ce type de matériel peut s'améliorer à notre avis. La mauvaise empreinte écologique de l'industrie du camionnage et de l'industrie des transports routiers en général fait l'objet de critiques. Selon nous, et selon les experts que nous avons engagés pour étudier cette question au gouvernement américain, dans le secteur privé et dans le monde universitaire, il s'agit de la façon la plus efficace pour l'industrie de réduire son empreinte écologique, du point de vue des émissions de substances polluantes aussi bien que les émissions de gaz à effet de serre.
Le sénateur Johnson : Parlez-moi d'Enviro Truck. Combien de ces camions utilisez-vous en ce moment?
M. Cooper : Je ne saurais vous donner le nombre exact, mais il est faible, pour plusieurs raisons. Une des raisons, c'est que les véhicules en question sont plus coûteux que les véhicules précédents, nettement plus coûteux. Ils sont coûteux pour quelques raisons, dont la technologie du moteur et aussi le nouveau modelage aérodynamique des véhicules, qui, évidemment, suppose d'utiliser un certain type d'usinage et ainsi de suite. Il y a la question des coûts qui entre en jeu.
Le sénateur Johnson : Quel est le prix demandé? Rien n'est plus important que l'environnement.
M. Lennox : C'est entre 8 000 et 10 000 $. Je m'excuse de ne pas connaître le chiffre par cœur, mais nous obtenons quand même des statistiques mensuelles sur les ventes de camion de la classe 8. Ça dépasse probablement un peu les cinq chiffres en ce moment. Je serai heureux de noter la question et de vous envoyer plus tard les données les plus récentes.
Le sénateur Johnson : Où est-ce qu'on les fabrique?
M. Cooper : C'est maintenant une exigence, du fait de la réglementation de l'EPA; c'est une norme. Plusieurs fabricants s'en chargent, notamment Freightliner, Mack et International.
L'autre fait qu'il vaut la peine de noter, madame le sénateur Johnson, c'est qu'il a été question d'un programme incitatif dont nous discutons actuellement avec le gouvernement. Un des trucs que nous voulons essayer, grâce à un programme incitatif de cette nature, c'est l'idée de subventions au fonctionnement qui ne sont pas si grandes pour l'industrie, mais plutôt qui signalent l'existence d'un partenariat auquel participe le gouvernement pour aider l'industrie du camionnage à passer au travers d'une période de difficultés économiques. Vous êtes sûrement au fait de l'importance des exportations pour notre industrie. Certes, dans l'ensemble du Canada, les problèmes de l'assise manufacturière et les difficultés connues par les entreprises qui en font partie depuis quelques années commencent à produire des effets. Les camions en question ne durent pas éternellement; ils accumulent des milles et des kilomètres.
Le sénateur Johnson : Quelle est la situation aux États-Unis ou en Europe, où on utilise ces véhicules? Est-ce qu'on s'y convertit?
M. Cooper : À mon avis, la situation n'est pas la même en Europe. Je ne saurais en dire plus. Nous pouvons vous donner des renseignements sur cette situation-là. Ce dont il est question ici, du point de vue de la réglementation de l'EPA touchant à la fois les moteurs et la qualité du carburant, c'est d'une norme nord-américaine. Par exemple, vous ne verrez pas de camion neuf qui ne serait vendu qu'aux États-Unis — et puis un camion neuf à la mode ancienne, c'est-à-dire un camion neuf dont le moteur n'est pas du nouveau genre, ne serait pas vendu au Canada s'il n'était vendu aux États-Unis.
Nous croyons proposer une solution qui marche. C'est une solution éprouvée. Certes, du point de vue de la qualité de l'air, les essais d'émission auxquels j'ai fait allusion plus tôt le démontrent. Le rendement aérodynamique et le rendement du carburant sont des choses éprouvées.
Le sénateur Johnson : Vous dites que selon vous, si votre parc de camions au Canada, soit 294 000 véhicules, devait adopter une série de procédés axés sur l'efficacité énergétique, cela représenterait des économies de 4,1 milliards de litres de carburant et une réduction d'émissions de 11,5 millions de tonnes de gaz à effet de serre tous les ans. Ce sont des nombres très élevés. Vous pourriez aussi éliminer 64 000 camions de classe 8 ou 2,6 millions de voitures. Combien de temps cela prendrait-il?
M. Cooper : Voilà la question que tout le monde se pose. Un des buts de nos discussions avec les divers organes de l'administration, dont Transports Canada, Finances Canada, Ressources naturelles Canada et ainsi de suite, c'est d'essayer de trouver une façon d'éviter une autre période d'achat préalable. Cela s'est produit en 2006 tout comme en 2007. Les véhicules devenus plus coûteux sont arrivés sur le marché. Il y a eu une période d'achat préalable, de sorte que nous avons maintenant tout un lot de véhicules relativement récents, mais dont la technologie est moins récente. Nous voulons nous assurer que l'industrie est suffisamment motivée, malgré les difficultés qu'elle traverse en ce moment, à acheter certains de ces appareils. Nous souhaitons que l'industrie envisage l'achat d'un camion neuf ou d'un matériel neuf à ajouter pour des raisons d'aérodynamisme et de remise à neuf et ainsi de suite, de manière à ne pas reporter les décisions qu'il faut prendre et passer à côté des avantages que vous évoquez en citant ces chiffres.
Le sénateur Johnson : Comme nous pourrions discuter de cette question pendant des heures, je vais m'arrêter là.
M. Cooper : C'est un sujet intéressant.
Le sénateur Johnson : Avez-vous des camions électriques?
M. Cooper : Il y a quelques camions hybrides.
M. Lennox : Certaines des entreprises de messagerie mettent à l'essai les camions hybrides.
Le sénateur Johnson : La voiture électrique se trouvera sur les routes au cours des cinq prochaines années.
Les questions de main-d'œuvre me fascinent, non seulement pour ce qui est du nombre de conducteurs qu'il vous faut, mais aussi de la façon de les recruter. Quelles sont les compétences qu'ils doivent posséder et sont-ils soucieux de l'environnement?
M. Cooper : Le problème là, madame Johnson, c'est ce dont j'ai parlé plus tôt en évoquant une pénurie de compétences plutôt qu'une pénurie de conducteurs. Obtenir un permis de conduire professionnel est assez simple. De fait, je crois qu'un reportage présenté au réseau Global l'autre soir portait justement sur cette question. Je n'ai pas vu le reportage moi-même, mais j'en ai entendu parler.
Le problème, c'est que le conducteur en herbe doit assumer d'importants frais pour obtenir la formation qui le rendra ainsi attrayant aux yeux de l'employeur. Je ne voudrais imaginer le cas, par exemple, d'une personne qui vient de subir un examen et qui, tout de suite, se verrait confier un gros porteur et serait appelée à le conduire dans les conditions complexes dont il est question sur la route. Une des questions qui entre en jeu, c'est la suivante : si une entreprise de camionnage veut engager des gens, comment fait-elle pour trouver des gens qui ont les compétences nécessaires pour prendre en charge un article valant un million de dollars et les marchandises qu'il contient pendant trois ou quatre jours?
C'est une question qu'il faut regarder de très près. On a recours à divers mécanismes, et notamment l'immigration. Certaines provinces ont un programme de mise en candidature. Il y a les divers types d'organisations dont on a parlé plus tôt, par exemple le Conseil canadien des ressources humaines en camionnage, dont le travail consiste à aider l'industrie à mieux composer avec le recrutement de conducteurs et le taux de roulement de conducteurs. La situation est très difficile.
Le sénateur Johnson : Les salaires sont-ils concurrentiels?
M. Cooper : Les salaires versés aux conducteurs sont, disons, relativement bas, en règle générale, si on tient compte du type de travail qu'il faut faire. C'est une vie dure; ce n'est certainement pas pour tout le monde.
Le sénateur Johnson : Un responsable de l'industrie au Québec nous a dit qu'il était presque impossible de gagner sa vie en respectant les règles. Est-ce que le degré de concurrence dans l'industrie du camionnage détruit les membres, ce qui a une incidence sur votre main-d'œuvre et sur les conducteurs que vous engagez?
M. Cooper : Est-ce que c'est un conducteur qui a dit cela?
Le sénateur Johnson : C'est un représentant de l'industrie du camionnage au Québec qui est venu témoigner devant le comité.
M. Cooper : Quelqu'un qui dirigeait une entreprise de camionnage. Le taux de roulement représente un des grands problèmes auxquels nous faisons face au sein de notre industrie : les conducteurs passent d'une entreprise à l'autre. La situation les avantage : il est relativement facile pour eux de procéder ainsi. Les volumes sont moins élevés qu'ils l'étaient il y a 18 à 24 mois, de sorte que ce n'est pas aussi serré. Il est plus difficile pour les conducteurs de trouver une place ailleurs peut-être, maintenant, mais, certes, un bon conducteur, quelqu'un qui a une bonne réputation, une bonne expérience et un bilan plus ou moins sans accident, le plus souvent, n'aura aucune difficulté à trouver preneur.
Un des projets que nous menons actuellement de concert avec le Conseil des ressources humaines en camionnage consiste à quantifier le coût du roulement. La plus grande part des entreprises de camionnage, surtout au Canada, sont des petites entreprises. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des entreprises de camionnage au Canada comptent moins de cinq camions. Parfois, il est très difficile pour les dirigeants de ces petites entreprises — souvent une entreprise familiale où on peut s'inquiéter de la façon de remplacer un pneu éclaté — d'assumer le coût du roulement. C'est un défi pour l'industrie, madame Johnson, et, certainement, c'est une question avec laquelle bien des gens doivent se débattre.
Le sénateur Phalen : Dans votre mémoire, vous affirmez que la sécurité, depuis le 11 septembre, a amené la création d'une panoplie de programmes au Canada et aux États-Unis, et que les programmes en question ne sont pas toujours harmonisés. Est-ce que ces programmes coûtent vraiment beaucoup d'argent et de temps aux camionneurs?
M. Lennox : Ces programmes peuvent être coûteux. Encore une fois, là où il est question des programmes de sécurité primaires auxquels participent les transporteurs transfrontaliers, et je parle du C-TPAT aux États-Unis et de Partenaires en protection au Canada, les dirigeants d'entreprises de transport me disent qu'ils dépensent des centaines de milliers de dollars pour être certifiés C-TPAT. Ils parlent de clôtures, de zones terminales, de caméras et d'un porte- insigne pour leurs employés, des sceaux « haute sécurité » dont j'ai parlé; ils ne sont pas libres d'agir. Oui, ça peut être très coûteux.
Bon, quant à savoir si les programmes sont harmonisés, en ce moment, ils ne le sont pas. Encore une fois, si nous prenons l'exemple de deux programmes primaires de sécurité, le C-TPAT aux États-Unis et Partenaires en protection ici même au Canada, les entreprises de transport doivent présenter une demande dans les deux cas, sans que l'approbation ne soit automatique. L'Agence des services frontaliers du Canada, à son crédit, vient d'entamer une consultation auprès de l'industrie pour savoir comment les deux programmes en question peuvent converger, et, selon nous, il faudrait pouvoir adhérer à l'un ou à l'autre, mais pas obligatoirement aux deux. Si vous avez la certification de Partenaires en protection au Canada, cela devrait être reconnu aux États-Unis, et inversement. Nous espérons en arriver là un jour.
Le sénateur Phalen : Je crois que vous venez de répondre à ma deuxième question. Dans votre mémoire, vous citez plusieurs programmes comme Partenaires en protection au Canada et le Customs Trade Partnership Against Terrorism. Pouvez-vous expliquer quelles sont les exigences de ces programmes du point de vue du camionneur?
M. Lennox : Les deux programmes sont plus ou moins identiques. Le programme C-TPAT est un programme américain. Ses exigences, on ne se trompe pas en le disant, sont plus rigoureuses que celles du Canada dans le cadre de Partenaires en protection. Il faut que le transporteur routier transmette des renseignements détaillés sur ses opérations, ses partenaires dans la chaîne commerciale et les gens qu'il emploie. L'information est remise au Department of Homeland Security, et le demandeur peut obtenir un permis conditionnel dans le cadre du programme C-TPAT. Cela lui donne accès aux voies du programme EXPRES pour entrer aux États-Unis, dans la mesure où le conducteur et les marchandises qu'il transporte répondent aux critères établis.
Cela fait, le transporteur peut recevoir la visite d'un agent du Department of Homeland Security ici même au Canada. Tous les jours, les agents de ce département américain au Canada visitent les locaux des entreprises de camionnage soumises au processus de validation. C'est une démarche assez transparente où les règles ne sont pas strictes ni inflexibles, mais le transporteur peut être assujetti à certains impératifs, par exemple, comme je l'ai déjà dit, les clôtures, les caméras de sécurité et ainsi de suite. Ça peut finir par être assez coûteux pour le transporteur.
Il y a une carotte aussi. Si, par exemple, vous voulez transporter les marchandises de General Motors, il faut adhérer à ce programme; si c'est votre client principal, c'est une dépense que vous engagez. Vous faites l'investissement voulu pour adhérer au C-TPAT.
Encore une fois, la marche à suivre pour adhérer à Partenaires en protection ici au Canada, condition préalable du processus accéléré au Canada, n'est pas tout aussi rigoureuse, mais il vous faudra tout de même soumettre des renseignements à l'Agence des services frontaliers du Canada. Votre dossier est examiné. Il y a des agents de cas qui se penchent sur votre situation. Je ne sais pas très bien s'ils vont visiter les gens, les locaux des transporteurs. On travaille actuellement à resserrer les critères pour qu'ils soient équivalents à la norme du C-TPAT
La présidente : Merci beaucoup d'avoir présenté cet exposé et répondu à nos questions. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus témoigner aujourd'hui. N'hésitez pas à nous envoyer d'autres renseignements. Comme vous l'avez mentionné, le greffier diffusera les informations en question à l'intention des membres du comité.
M. Cooper : Nous allons vous fournir les renseignements, madame la présidente. Nous sommes heureux d'avoir pu assister à l'audience.
La séance est levée.