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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 4 mars 2008

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 37, pour étudier, en vue d'en faire rapport, le trafic du fret conteneurisé actuel et éventuel manutentionné par les ports à conteneurs de la porte d'entrée du Pacifique, de la côte Est et du Centre du Canada, les principaux marchés importateurs et exportateurs desservis par ces ports et les politiques actuelles et futures à cet égard.

Le sénateur Donald H. Oliver (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Le comité étudie en ce moment, en vue d'en faire rapport, le trafic du fret conteneurisé actuel et éventuel manutentionné par les ports à conteneurs de la porte d'entrée du Pacifique, de la côte Est et du Centre du Canada et les principaux marchés importateurs et exportateurs desservis par ces ports. Il se penche également sur les politiques actuelles et futures à cet égard.

Les honorables sénateurs se rappelleront que le gouvernement fédéral a fait en 2006 l'annonce de la mise en œuvre de l'Initiative de la porte et du corridor de l'Asie-Pacifique, en s'engageant à investir 591 millions de dollars dans des projets d'infrastructure, plus particulièrement en Colombie-Britannique et en Alberta. Cette initiative est un ensemble intégré d'investissements et de mesures stratégiques axés sur le commerce dans la région de l'Asie-Pacifique. Sa mission consiste à faire de la porte d'entrée du Pacifique le meilleur réseau de transport qui soit pour appuyer les chaînes d'approvisionnement mondial entre l'Amérique du Nord et l'Asie.

En 2007, le gouvernement a porté son investissement dans l'initiative à 1 milliard de dollars, et il a engagé 2,1 milliards de dollars au titre d'un fonds national pour l'infrastructure des portes d'entrée et des passages frontaliers

Les honorables sénateurs se rappelleront également que le gouvernement a annoncé en décembre 2006 la nomination de trois conseillers stratégiques : M. Jeff Burghardt, M. Arthur DeFehr, qui comparaîtra aujourd'hui par vidéoconférence, et M. T. Richard Turner, chargé de fournir des conseils sur l'orientation à long terme de l'initiative.

Les conseillers ont commencé leur travail à la mi-janvier 2007, et ils ont tenu leur dernière réunion d'information en mai de la même année. Ils ont visité les principaux ports et terminaux, aéroports et centres de fret aérien, ainsi que les cours de triage de plusieurs pays. Ils ont consulté des transporteurs aériens, des sociétés ferroviaires, des administrations du transport maritime et aéroportuaire, des exploitants de port et d'aérogare, des entreprises de transport océanique, des organismes gouvernementaux, des syndicats, des conseils de logistique, des universitaires, des employeurs et des groupes patronaux, des associations de gens d'affaires et des usagers du système.

Honorables sénateurs, nous avons le plaisir de recevoir comme premier témoin M. Art DeFehr, président et directeur général de Palliser Furniture Ltd.. Il est l'un des trois consultants embauchés par le gouvernement. Bienvenue à la réunion, monsieur. Nous vous invitons à présenter votre exposé, après quoi les honorables sénateurs auront des questions à vous poser.

Art DeFehr, président et directeur général, Palliser Furniture Ltd. : Bonjour. Merci de m'avoir invité. Je vais faire un bref exposé et me laisser guider surtout par les questions que vous allez me poser.

Je pense que le rapport est éloquent. Il a été rédigé par trois personnes : une personne de Vancouver, une de Prince Rupert et moi. Je viens de Winnipeg, et je représente les Prairies. Je suis la seule de ces trois personnes à utiliser des conteneurs. Je reçois des conteneurs et j'expédie du fret par transport intermodal au Canada. J'ai fait plusieurs séjours prolongés en Asie, et je suis à l'aise là-bas. La contribution que j'ai apportée à la rédaction du rapport concerne les conteneurs.

La chose la plus importante que je veux dire, c'est qu'il y a dans le rapport des éléments qui ont été perçus comme des critiques. Les représentants des sociétés ferroviaires ou des administrations portuaires, par exemple, peuvent lire une partie du rapport et trouver qu'il contient des critiques. Selon nous, ce n'est pas la bonne façon d'interpréter ce rapport.

Le rapport avait pour but de définir une vision des possibilités qu'offre la porte d'entrée, possibilités qu'il est possible d'exploiter dans une mesure beaucoup plus importante qu'à l'heure actuelle. La concurrence vient surtout de la côte Ouest des États-Unis, et l'objectif, c'est d'augmenter le trafic entre l'Asie et le cœur du continent. Nous avons défini la porte d'entrée en fonction du Canada et du cœur du continent. Dans cette perspective, nous avons critiqué les différents éléments du système et tenté de formuler des recommandations.

Nos critiques ne visent pas un élément isolé du système. Elles ne visent pas que le fonctionnement du port ou la façon dont il est géré. Elles ne visent pas non plus les pratiques de travail ou les sociétés ferroviaires seulement. Elles portent sur beaucoup de choses différentes. C'est à cet égard, entre autres, qu'un défi se pose pour le Canada.

Nous avons voyagé partout dans le monde, et nous avons visité différents ports. Je vais vous donner deux ou trois exemples. La région dont la situation se rapproche le plus de celle du Canada, sur le plan des possibilités offertes, c'est le Nord de l'Europe. Nous avons visité le port de Rotterdam, qui est le port principal de la région. Ce port a des concurrents — les ports d'Anvers, de Hambourg, et autres. — capables d'effectuer des activités semblables. Ainsi, le port de Rotterdam doit être concurrentiel.

Des endroits comme Melbourne, Sydney et Perth, en Australie, ne sont véritablement en concurrence que les uns avec les autres. Leur service est bon ou il est mauvais, mais lorsqu'on envoie un conteneur à Melbourne, il n'est pas possible de le faire passer par Perth avant Melbourne. L'enjeu, c'est la qualité du service qu'offre le port au marché local ou au pays. Mais le port n'est pas en concurrence avec un autre port.

L'autre aspect, c'est le fait qu'il y ait ou non un « arrière-pays ». Les ports de Singapour et de Hong Kong sont des ports de transbordement qui desservent un arrière-pays localisé, ainsi qu'une région et un port d'expédition précis. Ces ports sont en quelque sorte en concurrence avec d'autres ports qui offrent un service semblable ou sont les ports les plus importants de la région.

Le défi qui se pose au Canada tient à la longueur de la chaîne d'approvisionnement. Il y a l'élément océan, l'aspect qui a trait aux ports et le fait que la voie ferrée traverse certaines zones géographiques assez problématiques. En outre, notre marché est situé au cœur des États-Unis. Pour ce qui est des possibilités qu'offre la porte d'entrée, c'est de ce dernier élément que nous nous occupons.

Les conteneurs à destination de Toronto passent par Vancouver, que le service soit bon, mauvais ou exécrable. Il n'y a pas vraiment d'autre choix. Pour les conteneurs à destination de Chicago, il y en a d'autres. C'est à un système que nous avons affaire; si un élément du système ne fonctionne pas, dans un sens, la porte d'entrée ne fonctionne pas bien.

Nous signalons par exemple dans notre rapport qu'on nous posait toujours la même question en Asie — les expéditeurs et les armateurs — concernant la fiabilité du Canada, du port. Dans bien des cas, ce qui poussait les gens à poser cette question, c'était l'idée non pas que le port n'est pas bon, mais bien que le processus était long ou mal défini. L'expérience vécue par les gens avec qui nous avons discuté en Asie, c'était que quelque chose avait mal tourné lorsqu'ils avaient expédié des marchandises au Canada : les conteneurs s'étaient empilés dans le port, ce qui avait engendré des retards trop importants, les camionneurs étaient en grève à Vancouver, les employés des sociétés ferroviaires étaient en grève, les ports étaient bloqués ou encore il y avait de la neige dans les montagnes. Au bout du compte, ils se souciaient peu de la nature des problèmes. Ce qui comptait, c'est que leur conteneur était censé arriver à destination en 25 jours, et qu'il en avait fallu 40.

L'idée que je veux transmettre aux honorables sénateurs, c'est qu'il est très important de comprendre que nous sommes confrontés à un problème qui a trait au système. Notre porte d'entrée ne peut être plus efficace que le maillon le plus faible du système. Nous allons probablement parler aujourd'hui de certains éléments isolés du système, mais c'est le fonctionnement du système dans l'ensemble qui pose le véritable problème, et nous devons trouver un équilibre entre les différents éléments de celui-ci.

Dans ce système, je dirais aussi qu'il y a certains éléments qui mènent et d'autres qui suivent. C'est une chose importante pour le Canada. Je vais prendre l'exemple des ports. Les sociétés ferroviaires sont probablement en mesure d'augmenter ou de modifier leur capacité plus rapidement que les ports. La capacité de ces sociétés ne dépend en partie que de la quantité de matériel roulant qu'elles utilisent, ou encore des horaires. Pour les ports, il y a des choses comme le nombre de quais qui comptent. Comme vous le savez, ajouter des quais dans le port de Vancouver peut prendre cinq ou dix ans, en raison des enjeux environnementaux et autres. Pour certains éléments du système, il faut planifier bien à l'avance, et il faut donc prendre les devants. Les autres éléments peuvent s'adapter plus rapidement.

Encore une fois, dans ce contexte d'un enjeu propre à l'ensemble du système, le fait qu'une partie de ce système ait à prendre les devants peut ne pas se refléter dans son financement ou sa gestion. En fait, les organisations qui doivent prendre les devants peuvent ne pas être en mesure de le faire, à cause de leur structure. Il demeure cependant qu'elles doivent l'être.

C'est un exemple que je donne. Nous pourrons revenir là-dessus dans le détail. Je dis seulement que, lorsque j'ai participé à ce projet, il y a de cela plusieurs mois, j'ai été amené à voir le problème du point de vue des expéditeurs. Le siège de mon entreprise est à Winnipeg. Nous étions informés lorsque nos marchandises quittaient leur lieu d'origine quelque part en Asie. Nous étions au courant lorsqu'elles approchaient de la côte, à Vancouver, mais après cela, elles entraient dans un trou noir. Nous n'avions aucune idée du moment où elles arriveraient à Winnipeg. L'excuse donnée était chaque fois différente, mais ça pouvait prendre deux semaines pour que la marchandise traverse l'océan, puis trois semaines pour qu'elle effectue le trajet de Vancouver à Winnipeg.

Je veux simplement faire remarquer qu'il y a un problème systémique — quoique la raison peut être différente chaque fois. C'est la fiabilité de la porte d'entrée qui va nous permettre d'être concurrentiels. Les ports situés au sud, par rapport aux nôtres — ceux de Seattle, de Long Beach et de Los Angeles —, sont débordés, un peu comme celui de Vancouver. Les lignes de chemin de fer qui vont vers le sud fonctionnent souvent à pleine capacité. L'occasion qui s'offre à nous est claire : si nous faisons du bon travail, le trafic va circuler dans notre direction.

Nous avons visité le port de Vancouver, parce que celui de Prince Rupert n'expédiait pas de marchandises à l'époque, et parce que nous étions préoccupés par l'idée qui était dans l'air et qui se résumait ainsi : « Notre port n'est pas aussi mauvais que celui de Los Angeles, alors c'est nous qui recevons la marchandise. » Cependant, compter sur le fait que le port de Los Angeles est jugé inadéquat, ce n'est pas fixer des normes élevées pour s'assurer d'être concurrentiel. À court terme, cela peut nous procurer quelques occasions d'affaires. Nous avions déjà entendu les transporteurs dire que, pour cette année-là, ils avaient délibérément envoyé leurs navires ailleurs qu'à Vancouver, à cause des coûts découlant du manque de fiabilité : leurs navires étaient en attente dans le port, leurs clients se plaignaient. Les armateurs ont le choix.

Les armateurs qui sont des clients du système et qui se trouvent de l'autre côté de l'océan, à Shanghai ou à Hong Kong, ont le choix de l'endroit où ils envoient leurs navires. Ils peuvent choisir de leur faire faire le tour du monde par des chemins totalement différents. Lorsqu'on envoie un navire en Amérique du Nord, on peut l'orienter vers un point précis. On peut choisir Los Angeles, San Francisco ou Vancouver. On n'est pas forcé de choisir l'un ou l'autre port. Nous aimerions que les armateurs, qui font probablement les choix les plus importants au sein de ce système, lorsqu'ils décident de l'endroit où ils envoient leurs navires, voient les ports de Prince Rupert et de Vancouver comme leur premier choix, plutôt que leur dernier. Si notre système leur semble avantageux, le trafic va affluer vers celui-ci.

Permettez-moi d'ajouter une dernière chose. Nous utilisons le terme « porte d'entrée », mais il faut que ce soit la porte d'entrée de quelque chose. Lorsque j'ai participé au projet et que j'ai lu la documentation sur la porte d'entrée, j'ai constaté que la majeure partie de l'analyse portait sur les ports, sur les problèmes de congestion autour des ports et sur les retombées économiques à Vancouver. Comme je viens d'ailleurs, je vois la porte d'entrée comme un point d'accès pour les usagers. La plupart d'entre eux ne se trouvent pas à Vancouver ni à Prince Rupert. Ils sont installés quelque part le long de la voie ferrée, que ce soit à Edmonton ou à Regina, à Winnipeg ou à Chicago, ou encore à Memphis ou à Toronto.

Le système devrait être conçu en fonction de l'usager. Si celui-ci reçoit un bon service, le trafic et l'activité économique vont prendre de l'ampleur. Les retombées économiques se font sentir surtout à l'endroit où les conteneurs aboutissent et d'où ils repartent.

Compte tenu de cela, la possibilité qui s'offre au Canada, c'est de prêter autant d'attention aux conteneurs qui arrivent qu'à ceux qui partent. Nous nous concentrons toujours sur les conteneurs qui arrivent. C'est quelque chose de très, très important. Mais nous devrions prêter attention aussi aux conteneurs qui repartent du pays. Les conteneurs qui repartent de Los Angeles sont vides les trois quarts du temps. La raison est simple : il n'y a pas suffisamment de marchandises expédiées de l'Amérique du Nord vers l'Asie pour les remplir. À Vancouver, ou en Colombie- Britannique en général, les conteneurs sont remplis de copeaux de bois ou d'autres produits dans 75 p. 100 des cas. Cependant, si la porte d'entrée réalise son potentiel et double ou triple sa capacité, ça va être en raison du fret qui arrive au Canada. Le fret en partance du pays ne va pas être touché, puisque le nombre de conteneurs va être plus élevé à l'arrivée, ce qui veut dire que le nombre de conteneurs qui devront repartir va augmenter de beaucoup.

C'est une possibilité très importante qui est gaspillée, et nous devrions nous concentrer là-dessus à mon avis — sur le moyen de remplir ces conteneurs vides. Il en coûte le tiers ou le quart du tarif d'expédition de l'Asie vers le Canada pour renvoyer le conteneur là-bas, ce qui signifie qu'il y a là une excellente occasion d'expédier davantage de marchandises, et surtout des produits de consommation, vers l'Asie.

La structure actuelle des sociétés ferroviaires et des politiques — nous pouvons aborder la question du cabotage au Canada — ne favorise pas le chargement des conteneurs au Canada. Les sociétés ferroviaires obtiennent à peu près la même somme, qu'un conteneur reparte plein ou vide. Même sur le plan matériel, les systèmes ne sont pas conçus pour favoriser le chargement des conteneurs qui repartent. Les sociétés ferroviaires vous diront qu'elles aimeraient beaucoup remplir les conteneurs, mais, vu la façon dont le système est conçu, elles ne le souhaitent pas vraiment, alors elles le font avec réticence.

Prenons mon entreprise, par exemple. Je paie pour qu'un conteneur soit transporté de l'Asie jusqu'à Winnipeg, où se trouve mon entreprise. Ensuite, j'expédie de la marchandise vers mes propres magasins, à Vancouver. Je n'ai pas le droit d'utiliser mon propre conteneur, pour lequel j'ai payé le transport dans les deux directions; je ne peux le remplir pour l'envoyer à Vancouver. Je pourrais le remplir pour le voyage de retour en Asie, mais je n'ai rien à envoyer en Asie. Je dois renvoyer ma marchandise à Vancouver par camion, ce qui coûte beaucoup plus cher et qui est beaucoup plus polluant, tandis que mon conteneur retourne là-bas vide.

Je vous fais seulement remarquer que les sociétés ferroviaires agissent dans leur propre intérêt, ce qui est normal. Si nous voulons changer le système, comme vous allez le lire dans notre rapport, nous pensons que le secteur privé offre de bonnes solutions. Cependant, nous avons fait le tour du monde, et nous avons découvert des variations de ce problème à différents endroits.

Dans un certain nombre d'endroits, on a mis sur pied des mesures incitatives pour encourager les armateurs, les administrations portuaires, les sociétés ferroviaires ou les transporteurs routiers à modifier leur façon de faire pour que leurs activités soient plus écologiques — entre autres, pour réduire les problèmes de congestion. Il y a un certain nombre de choses que nous pourrions faire, du point de vue du système, pour encourager les sociétés ferroviaires ou les ports à modifier leur façon de faire de façon à permettre aux autres éléments du système de participer davantage sans que cela ne porte préjudice aux acteurs concernés. À mon avis, un bon point de départ, ce serait des mesures d'incitation et de dissuasion, plutôt que des règlements.

Je pourrais continuer, mais peut-être pourriez-vous me guider en me posant des questions.

Le vice-président : Merci beaucoup de cet excellent survol. J'aimerais commencer par vous poser deux ou trois questions moi-même.

Vous dites que le principal obstacle qui empêche les entreprises asiatiques de faire passer leurs marchandises par Prince Rupert ou Vancouver, c'est le problème lié au système auxquels vous avez vous-même été confronté. Quelles recommandations précises formuleriez-vous à l'intention du comité pour ce qui est de supprimer certains de ces obstacles? Je sais pour vous l'avoir entendu dire que les conditions météorologiques jouent parfois un rôle, la neige, par exemple, et bien d'autres choses, mais en ce qui concerne ce problème relatif au système que vous avez si clairement décrit, quelles sont les recommandations dont vous voulez faire part au comité et que nous pourrions envisager d'inclure dans notre rapport lorsque nous aborderons ce problème?

M. DeFehr : Permettez-moi de parler de deux choses, du point de vue de l'expéditeur qui se trouve à l'étranger. La première chose, c'est la capacité du port. Nous savons tous qu'il faut énormément de temps pour accroître la capacité d'un port. Au port de Vancouver, on vient de prendre quatre ou cinq ans pour mener à terme les processus environnementaux et autres, et le résultat net, c'est qu'on va construire un seul nouveau quai. En deux ou trois ans seulement, à Shanghai, on a construit le port de Yangshan dont la capacité va pratiquement excéder celle de tous les ports de la côte Ouest de l'Amérique du Nord mis ensemble.

Nous avons pris connaissance des différences sur le plan de la gouvernance. Le gouvernement chinois, par exemple, ou l'administration de Dubai peuvent simplement énoncer ce qu'ils veulent faire et le faire. Comme le processus que nous devons suivre est long et complexe, la question de la capacité du port est très importante.

La capacité d'un port tient à deux ou trois choses différentes. L'une d'entre elles, c'est l'infrastructure qui permet aux bateaux d'accoster. Si nous attendons d'avoir besoin d'augmenter la capacité avant de bâtir cette infrastructure, il va y avoir un délai de cinq ans. On va toujours penser de nous que nous ne disposons pas d'une capacité suffisante, du moins pendant une certaine partie de l'année.

La façon dont le port est géré compte aussi. C'est une combinaison de facteurs, mais la gestion dépend probablement en grande partie des enjeux liés à la main-d'œuvre. Ce que nous avons pensé, c'est qu'il serait possible d'accroître énormément la marge de manœuvre et la capacité du port en s'attaquant à la question de la main-d'œuvre.

Vous allez voir que nous parlons de l'Australie dans le rapport. Le fait que nous nous comparions à nos concurrents de la côte Ouest où, en gros, les pratiques de travail sont partout tout à fait médiocres et inadéquates, ne signifie pas que nous pensons être pires que les autres, mais il semble que les pratiques soient meilleures ailleurs dans le monde.

Nous savons que les débardeurs ont eu des problèmes dans le passé. Cependant, l'Europe est très en avance sur nous. Par ailleurs, c'est un endroit où les syndicats ont un grand pouvoir de négociation; néanmoins, nous n'avons pas l'impression que les syndicats constituent un problème aussi important là-bas qu'ici.

En Australie, nous avons constaté que les pratiques de travail étaient bien pires que ce qu'elles étaient au Canada il y a dix ou 15 ans. On nous a répété partout dans le monde qu'il n'y a pas de problèmes de main-d'oeuvre à Dubai, ni en Chine, ce qui ne nous a pas beaucoup aidés. On nous a suggéré par contre d'aller en Australie, où le régime de gouvernance est le même qu'ici. Les ports de l'Australie n'offraient pas un bon service au pays il y a dix ou 15 ans. Cependant, les Australiens se sont organisés d'une façon ou d'une autre pour faire en sorte que leurs ports soient au service du pays. Je vous signale que, d'après ce que nous avons appris, l'initiative a été en grande partie celle du gouvernement fédéral. Le gouvernement australien était le seul organe suffisamment puissant pour arriver à la conclusion que, si on laissait simplement le processus se dérouler de lui-même à l'échelle locale, personne n'allait gagner la bataille. Le gouvernement a donc modifié certaines lois relatives au travail. Il y a eu des temps durs, mais on en a vu le bout; aujourd'hui, les syndicats et les administrations portuaires sont tous prêts à dire que le système fonctionne bien. Il n'y a pas eu d'arrêt de travail depuis huit ans.

Toutes les innovations sont permises. Les ports sont en activité 24 heures sur 24, sept jours sur sept. On a adopté un système selon lequel les employés qui ont le plus d'ancienneté ont un horaire de travail normal — ils savent pendant quelle fin de semaine ils sont en congé — et de jeunes travailleurs sont intégrés au système. Les administrations portuaires de l'Australie ont réussi à régler leurs problèmes.

Plutôt que de recommander telles ou telles pratiques, qui pourraient être critiquées, nous nous sommes dit : pourquoi ne pas proposer aux autorités canadiennes — les syndicats, les administrations des terminaux et les autres organisations concernées — de se rendre en Australie pour apprendre quelque chose du système de ce pays. La main- d'oeuvre, c'est l'autre système important, et la main-d'œuvre transcende le cadre des ports — ça peut être quelque chose.

Le vice-président : Merci de votre réponse. La liste des noms des sénateurs qui veulent poser des questions est longue, alors je vais vous demander de donner des réponses un peu plus courtes. Je veux d'abord moi-même vous poser une petite question.

L'une des recommandations que vous formulez dans votre rapport, c'est que le gouvernement provincial se charge de la supervision des ports de la Colombie-Britannique à la place du gouvernement fédéral. En quoi ce changement permettrait-il d'améliorer le fonctionnement des ports de la Colombie-Britannique?

M. DeFehr : Cette recommandation reflète davantage l'opinion des deux autres membres de mon équipe, qui viennent de la Colombie-Britannique et qui sont probablement d'avis que le gouvernement fédéral est incapable d'assurer cette supervision ou que le fait que ce soit celui-ci qui l'assure pose problème. J'ai mes idées là-dessus, mais je vais laisser les autres répondre à cette question.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé des conteneurs qui repartent du Canada vides du fait que les sociétés ferroviaires font autant d'argent avec les conteneurs vides qu'avec les conteneurs pleins, ainsi que du fait que vous n'êtes pas en mesure d'expédier des marchandises de Winnipeg à Vancouver, mais que vous pourriez en envoyer en Asie. Il y a deux problèmes là-dedans, je pense. Le premier, c'est celui des conteneurs vides qui repartent et des mesures d'incitation qu'il faut mettre en place pour qu'on remplisse ces conteneurs, et le deuxième, c'est la question de l'utilisation des conteneurs sur notre territoire, avant qu'ils ne repartent pour l'Asie, pour transporter des produits, comme vous dites, de Winnipeg à Vancouver, mais probablement aussi de Toronto à Vancouver ou de Toronto à Halifax.

Pouvez-vous nous dire à quel genre de mesures d'incitation vous pensez et quel genre de mesures d'incitation pourrait faire en sorte que cela se passe?

M. DeFehr : Il y a deux choses. Premièrement, en ce qui concerne les systèmes de ports intérieurs, les sociétés ferroviaires nous disent que, pour ce qui est de la possibilité de transporter des conteneurs pleins, elles ne veulent pas faire passer les conteneurs par de petites lignes secondaires pour ramasser deux trois petites choses par-ci par-là. Elles préféreraient stationner un train bloc dans les Prairies, par exemple, et le faire charger en 24 heures avant de transporter la marchandise. Ce n'est pas une exigence totalement insensée. Elles doivent avoir accès aux conteneurs vides rapidement et les ramener.

Deuxièmement, il y a la question du cabotage, et celle-ci a trait au fait, entre autres facteurs, que la TPS sur les conteneurs n'a pas été payée. Personne ne fabrique de conteneurs au Canada. Apparemment, il y a de vieilles lois qui en limitent l'utilisation. Les représentants du CN nous ont dit qu'ils aimeraient voir disparaître toutes les restrictions concernant le cabotage. Ils sont d'avis que, s'ils ramènent les conteneurs au port dans les 30 jours, ils devraient pouvoir les utiliser à leur gré.

Les politiques du gouvernement du Canada engendrent des contraintes artificielles qui n'ont rien à voir avec le système de transport des marchandises.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que c'est pour cette raison que vous n'étiez pas en mesure d'expédier vos produits de Winnipeg à vos magasins de Vancouver?

M. DeFehr : Nous avons essayé tant que nous avons pu, mais nous n'arrivons pas à obtenir des sociétés ferroviaires qu'elles les transportent. C'est en partie attribuable au fait que nous ne sommes pas autorisés à utiliser les conteneurs.

Le sénateur Mercer : Je veux vous faire remarquer qu'il est ironique que vous recommandiez la participation du gouvernement fédéral, sur le modèle australien, alors que le comité a recommandé le transfert du pouvoir de gestion au gouvernement provincial.

Ce qui me préoccupe, c'est l'insatisfaction des travailleurs, les problèmes de congestion et la réputation du port de Vancouver, parce que ce sont ces facteurs qui déterminent l'image que projette le reste du pays aussi. Dans le cadre de vos études et de vos voyages, avez-vous discuté du port de Halifax avec des gens à l'étranger? Il y a dans le port de Halifax deux terminaux à conteneurs qui sont ouverts et prêts à fonctionner. Les plus grands navires du monde pourraient accoster là-bas aujourd'hui, si l'on décidait de les diriger vers ce port. Il n'y a pas eu d'arrêt de travail dans le port de Halifax depuis les années 1970. J'ai l'impression que notre réputation est ternie de temps à autre par celle du port de Vancouver, qui n'est pas si bonne que ça.

M. DeFehr : Pour être juste, je dois dire qu'on ne nous a pas demandé d'approfondir cette question — et je suis sûr qu'il y aurait de bonnes choses à dire sur le port de Halifax. Il serait injuste de ma part de dire quoi que ce soit sur ce port, parce que nous n'avons pas étudié cette question.

Le sénateur Mercer : Le gouvernement ne se donne pas une perspective générale sur la question en se concentrant sur l'une des deux portes d'entrée et en laissant l'autre de côté.

Vous avez dit que les conteneurs qui repartent du port de Vancouver sont pleins les trois quarts du temps, tandis que 75 p. 100 des conteneurs qui repartent du port de Los Angeles sont vides, et vous avez ajouté que ce chiffre va diminuer au fur et à mesure que les activités de notre port vont augmenter. Comment éviter cela? Que peuvent faire le gouvernement et les entreprises du secteur pour s'assurer que la proportion de conteneurs qui repartent pleins soit le plus élevée possible? L'une des possibilités les plus intéressantes qu'offrent les conteneurs, c'est qu'ils nous permettent d'exporter des marchandises, et nous sommes un pays exportateur. Nous passons notre temps à parler des exportations sur l'axe est-ouest, plutôt que de toujours exporter vers le sud. Avez-vous des suggestions?

M. DeFehr : Les terminaux intérieurs des Prairies, notamment, pourraient permettre d'accroître l'accès. De même, le recours à des mesures d'incitation est une idée intéressante. L'administration portuaire de Los Angeles, par exemple, voulait modifier les habitudes des camionneurs, pour que ceux qui ne faisaient pas les choses de la façon souhaitée aient à payer une certaine somme, disons 100 $, qui était remise aux camionneurs qui faisaient les choses de la façon souhaitée. L'idée, c'était de faire en sorte que les camions roulent la nuit plutôt que le jour, pour régler les problèmes de congestion. En procédant de cette façon, l'administration n'a pas sorti d'argent du système.

Nous pourrions proposer un supplément de 100 $ pour chacun des conteneurs qui entre au Canada, somme qu'on remettrait aux sociétés ferroviaires lorsqu'elles rempliraient un conteneur qui repart du pays. En d'autres termes, nous commencerions à utiliser des incitatifs financiers pour modifier leur façon de faire les choses, dans le but de faire en sorte qu'elles renvoient des conteneurs pleins, ce qui serait intéressant. Ainsi, les sociétés ferroviaires investiraient de l'argent pour structurer leur système pour qu'il leur permette de remplir facilement les conteneurs qui repartent. À l'heure actuelle, elles se soucient peu des conteneurs vides.

Le sénateur Zimmer : J'ai deux ou trois questions concernant votre entreprise. L'évolution et la croissance de la conteneurisation, favorisées par l'assouplissement des lois commerciales à l'échelle mondiale, ont fait diminuer les coûts du transport du fret conteneurisé. Quelle est la proportion du fret que vous expédiez qui est conteneurisée? Qu'est-ce que vous expédiez dans les conteneurs?

M. DeFehr : Nous avons deux entreprises. Nous sommes toujours un fabricant nord-américain, l'un des rares qui restent. Au Canada, nous utilisons beaucoup le transport intermodal. Nous aimerions pouvoir utiliser les conteneurs pour le transport de fret au pays, ce que nous n'avons pas été en mesure de faire jusqu'à maintenant. La partie de nos activités qui dépend du transport par conteneurs est liée à l'Asie. Quelques-unes de nos entreprises sont situées en Asie, mais il est difficile de préciser la proportion de nos activités que cela représente, parce que les deux parties sont différentes. Toutes nos activités en Asie dépendent du transport par conteneurs.

Le sénateur Zimmer : Quelles ont été les répercussions de la croissance de la conteneurisation sur le volet logistique de vos activités et sur votre modèle? Vous avez abordé brièvement cette question tout à l'heure.

M. DeFehr : Le siège de notre entreprise se trouve à Winnipeg, et les États-Unis comptent pour une bonne partie de notre marché. Nous avons également des usines au Mexique. Le problème vient en partie de ce que les trains qui transportent des conteneurs de Prince Rupert à Vancouver et qui passent par Winnipeg ne s'y arrêtent pas, ce qui fait que je ne peux charger de marchandises dans ces trains. Le but des sociétés ferroviaires, c'est que ces trains soient déjà chargés à pleine capacité lorsqu'ils passent par Winnipeg; ainsi, je ne peux profiter des mêmes tarifs que les gens qui expédient des marchandises à Chicago ou à Memphis. Nous expédions les marchandises à destination du marché américain à partir du Mexique, parce que je ne dispose pas d'un bon accès aux conteneurs qui vont vers le sud. C'est mauvais pour mon entreprise au Canada, et j'aimerais donc mieux faire la production au Mexique qu'ici, parce que je n'ai pas accès au système.

Le sénateur Zimmer : Il semble que la plupart des expéditeurs choisissent le transport ferroviaire. Quelle quantité de marchandises expédiez-vous par train et par conteneurs sur de longue distance, et quelle quantité expédiez-vous par camion? Avez-vous une idée des proportions?

M. DeFehr : En Amérique du Nord, nous expédions surtout nos marchandises par camion, et c'est un système totalement différent. Le réseau ferroviaire de l'Amérique du Nord est conçu pour les transports sur l'axe est-ouest. La nouvelle porte d'entrée qui part des Prairies et va vers le sud, vers Chicago et Memphis crée le premier accès sur l'axe nord-sud. Cependant, la ligne n'est pas conçue en fonction du transport de nos marchandises vers le sud. Ce que la société ferroviaire en question veut, c'est ramasser le porc qui est expédié vers Chicago, et je n'arrive pas à avoir un bon tarif pour utiliser ces trains. Je suis obligé d'expédier la marchandise par camion, pour le même trajet, à bien meilleur prix.

Peut-être pourriez-vous m'aider à trouver le moyen d'expédier mes produits par ces lignes, parce que, à l'heure actuelle, elles ne sont pas conçues pour le transport de marchandises en provenance du Canada; elles sont conçues pour les marchandises en provenance de l'Asie.

Le sénateur Zimmer : J'ai une dernière question qui a trait à notre province et au port de Churchill. Nous avons parlé de transport selon l'axe est-ouest et de transport vers le sud. En 1990, nous nous sommes rencontrés à Moscou, et je sais que vous faisiez alors des affaires en Russie en rapport avec la voie terrestre et le recours vers des brise-glace. À cet égard, il y a les questions liées au réchauffement de la planète et aux brise-glace. Premièrement, dans quelle mesure pouvons-nous continuer d'essayer de faire des échanges commerciaux avec la Russie en passant par le pôle Nord? Deuxièmement, que pensez-vous d'un port intérieur à Winnipeg?

M. DeFehr : Le port de Churchill a toujours été un port spécialisé dans le transport de certains produits. Il est clair qu'avec des stratégies comme celles des brise-glace, il pourrait prendre de l'expansion. Il faut cependant faire attention d'élaborer une stratégie qui fonctionne pour les produits et les destinations en question, parce que le port n'est pas en activité toute l'année. C'est sûr que ce port a du potentiel.

Pour ce qui est d'un port intérieur, les Prairies pourraient accueillir plusieurs ports intérieurs, parce qu'on ramasse les conteneurs vides à plusieurs endroits dans cette région. Il y a trois ports à Vancouver, et on essaie de combiner les trains à cela. Au fur et à mesure qu'ils vont quitter Vancouver et se diriger vers les Prairies, l'augmentation va profiter non pas aux Prairies, mais bien à l'Est et au Sud. Les trains vont vers certaines destinations précises.

Notre point de vue, c'était que les ports sont des endroits où il y a trop de problèmes de circulation pour qu'on y assemble les wagons des trains. L'idée, c'est de faire sortir les trains des ports le plus rapidement possible et de les amener là où il y a de la place et où les lignes convergent, ce qui, dans le cas du CN, se trouve n'importe où entre Edmonton et Winnipeg, et de créer des ports intérieurs à des endroits où il est possible d'assembler les wagons des trains à différentes destinations. C'est ainsi que l'Europe s'est orientée. Il y a probablement de la place pour un port aux extrémités ouest et est des Prairies.

Winnipeg présente cet avantage particulier que si on y fait parvenir des conteneurs, il est possible de les faire entrer dans un réseau routier et de les distribuer ensuite dans le Nord des États-Unis. Je dirais que Winnipeg est un excellent choix d'endroit pour instaurer un terminal intérieur, comme deux ou trois autres villes des Prairies, pour des raisons légèrement différentes. La structure des terminaux intérieurs serait très avantageuse sur le plan de la possibilité pour les usagers des industries qui se trouvent le long du réseau de profiter de celui-ci, et les trains cesseraient de n'être pour nous que des trains qui passent et qui nous font attendre aux passages à niveau.

Le sénateur Mercer : Je veux poser une question qui fait suite à l'avant-dernière. Nous parlions de la possibilité pour vous d'expédier des marchandises aux États-Unis par conteneurs, et vous avez dit que c'est votre usine du Mexique qui fournit le marché américain, plutôt que votre usine canadienne de Winnipeg. Ma question est la suivante : toutes choses étant égales par ailleurs, expédieriez-vous vos marchandises à partir de Winnipeg, plutôt qu'à partir du Mexique? J'imagine qu'il y a une différence entre les deux usines quant aux coûts liés à la main-d'œuvre.

M. DeFehr : Nous faisons les deux. Nous essayons en fait de fournir les États du Nord à partir de Winnipeg, par camion, et de fournir les États du Sud à partir du Mexique. Jusqu'aux deux tiers du pays en partant du sud, nous expédions les marchandises à partir du Mexique. Le problème, c'est que le réseau n'est vraiment pas très bon du nord vers le sud, en tout cas pour ce qui est des Prairies. Les sociétés ferroviaires favorisent un système au sein duquel les trains-blocs dont j'ai parlé tout à l'heure passent par chez nous, et le tarif par conteneur est peu élevé. Je ne suis pas en mesure d'obtenir le même tarif que mes concurrents américains pour ces conteneurs. Les trains passent par Winnipeg, mais la ligne n'est pas conçue pour me permettre d'envoyer facilement des marchandises à Chicago ou à Détroit, ou encore à d'autres endroits qui sont des marchés importants pour moi.

Le sénateur Mercer : Si ce problème était réglé, est-ce que ça nous permettrait de créer des emplois à Winnipeg, ce qui est évidemment un objectif pour nous?

M. DeFehr : Je dirais que oui, parce que la logistique du transport aux États-Unis est en train de tourner au cauchemar pour nous.

Le sénateur Johnson : J'aimerais que nous abordions les questions relatives aux Premières nations. D'après votre rapport, il est urgent que nous prenions des mesures. Vous pourriez peut-être nous parler du principal obstacle qui nous empêche de régler ces problèmes. Que faudrait-il pour faciliter le processus? Est-ce que l'idée d'un partenariat avec les Premières nations est une option pour ce qui est de régler ces problèmes?

M. DeFehr : Il faut examiner cette question dans le contexte où nous l'avons abordée. Au Canada, un certain nombre de problèmes peuvent faire en sorte qu'il est difficile de faire fonctionner le système. Certains de ces problèmes ont trait directement au système, par exemple la main-d'œuvre dans les ports ou la capacité des ports. Lorsqu'on essaie de donner de l'ampleur au système, par exemple, en agrandissant le port de Vancouver, on est confronté à des problèmes liés aux Premières nations. Ce que nous disons, c'est que les choses sont déjà suffisamment compliquées pour ce qui est de faire fonctionner le réseau de transport des marchandises. En ce qui concerne les Premières nations, lorsqu'on s'est enfin mis d'accord sur ce qui est à faire mais qu'il reste à régler un autre problème, vieux de 100 ans, ces problèmes liés au contexte empêchent toute croissance.

Nous disons au gouvernement fédéral que, pour que ces problèmes soient réglés, il faut s'occuper du bruit de fond avant toute chose. Je ne vois pas vraiment la question des Premières nations comme une question liée directement aux conteneurs et à la porte d'entrée, mais c'est un facteur qui peut nous empêcher d'être efficaces. Nous souhaitons encourager le gouvernement à régler ces questions, pour que nous puissions régler les problèmes dont nous nous occupons nous-mêmes. Nous n'avons pas de recommandations précises à formuler, parce que les recommandations à faire varient en fonction des endroits.

Le sénateur Johnson : Avez-vous vu ce genre de problème ailleurs, par exemple en Australie?

M. DeFehr : On n'a pas soulevé ce genre de problème là-bas. Nous n'avons pas vu cela ailleurs. Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Aux Pays-Bas, il y a du monde partout, c'est incroyable. Les gens là-bas ont été confrontés aux mêmes genres de problèmes, c'est-à-dire aux problèmes des transports dans un pays populeux. Malgré cette situation et tous les problèmes dont nous avons conscience, ils ont construit, au cours des dernières années, une nouvelle voie ferrée réservée aux trains de marchandises, qui partent du port de Rotterdam et qui se rendent en une heure en Allemagne, sans croiser aucun passage à niveau, pour livrer des marchandises qui sont ensuite distribuées dans 22 ports intérieurs de l'Europe.

En Hollande, même s'il y a du monde partout et malgré les problèmes, on a réussi à mettre sur pied un nouveau corridor ferroviaire qui fonctionne à merveille et le long duquel les trains circulent à 100 milles à l'heure, et nous, nous n'arrivons pas à régler de tout petits problèmes.

Ailleurs dans le monde, les choses bougent et on lance de nouvelles tendances. À Los Angeles, on a créé le corridor Alameda, ce qui a permis de supprimer 180 passages à niveau et de mettre en place une ligne directe. Ailleurs aussi, les choses bougent. Si nous ne faisons rien, nous allons constater un jour que le reste du monde nous a dépassé.

Le sénateur Eyton : Le comité a entendu de nombreux témoins. L'impression que j'ai, c'est que l'approche générale est une approche locale, que les préoccupations sont locales, et que tout cela s'inscrit dans un contexte qui met en lumière les problèmes. Le rapport de votre comité à trois membres a été utile parce qu'il a offert un point de vue plus général. Ce que je pense, c'est que cet enjeu devrait être vu comme un enjeu national, et comme une occasion plutôt que comme un problème. Je n'ai pas beaucoup entendu parler de la mise sur pied d'un système national par les témoins, ni, en fait, dans une bonne partie de mes lectures. Je parle du genre de vision que nous avions lorsque nous avons bâti un pays en créant la ligne du CPR ou en aménageant la Voie maritime du Saint-Laurent, ou encore en construisant un pipeline qui relie l'est et l'ouest du pays. Toutes ces choses ont été vues comme de grandes entreprises nationales. Je suis inquiet que même le titre de l'étude contienne les mots « port à conteneurs de la porte d'entrée du Pacifique », en caractères gras parce qu'il s'agit d'une chose distincte, et qu'ils renvoient accessoirement aux ports à conteneurs de la côte Est et de la région centrale, comme s'il s'agissait d'un ensemble de choses distinctes.

La portée de ma question est peut-être trop grande pour qu'il soit possible d'y répondre comme il faut, mais comment allons-nous faire pour amener les Canadiens à réfléchir à autre chose qu'aux problèmes locaux, et, par exemple, à cesser de parler de Vancouver comme d'un élément distinct du reste, et ainsi de suite? Comment faire pour nous donner une orientation générale, dans le cadre de laquelle nous allons pouvoir faire quelque chose pour créer un système national pour suivre les conteneurs à partir du moment où ils arrivent au pays et jusqu'à ce qu'ils aboutissent chez le client?

M. DeFehr : Je pense qu'il faut examiner la situation de la côte Est et celle de la côte Ouest à part. Si on nous avait demandé d'examiner la situation de la côte Est, nous aurions peut-être rédigé un rapport sur celle-ci. À de nombreux égards, les problèmes qui feront surface là-bas seront différents. Il serait probablement utile de faire faire un bon rapport sur la côte Est, comme on l'a fait pour la côte Ouest. Le trafic est différent aux deux endroits. La situation n'est pas la même. Il y a une stratégie pour la côte Est, et une pour la côte Ouest, et il y en a d'autres. Je ne pense pas que le fait qu'il s'agissait d'une stratégie pour la côte Ouest pose problème. Je dirais simplement que vous devriez recommander que quelqu'un élabore une stratégie pour la côte Est aussi.

Cela dit, je suis tout à fait d'accord avec vous. La nature du problème, dans un sens, est nationale, et il comporte certaines dimensions géographiques. On s'occupe de certains aspects du problème à l'échelle nationale. La question du cabotage est une question d'intérêt national. La question des politiques de travail touche tous les ports. Certaines des solutions possibles auraient probablement les mêmes répercussions partout au pays. Cependant, l'idée de la porte d'entrée de l'Asie et des lignes de chemin de fer est un système très particulier dont il faut s'occuper, mais dans une perspective plus générale que celle d'un seul port.

J'ai dit en blague aux gens de mon groupe que, lorsque j'ai lu la documentation qu'on nous a fournie au début du processus, on aurait dit que la porte d'entrée s'arrêtait à Abbotsford. Aucun des documents ne parlait d'un endroit au- delà de celui-là. Comme je viens des Prairies, j'ai pensé que mon rôle était de rappeler continuellement à tous que la porte d'entrée mène à quelque chose. Au gouvernement, comme la plupart des hauts fonctionnaires à qui nous avons affaire, on voit cette question comme une question liée au port, et non comme un problème lié au système et qui va au- delà du contexte du port. Lorsque nous nous sommes mis au travail, nous avons rapidement compris tous les trois que c'était un problème lié au système.

Ce n'est pas la perspective que j'ai vue lorsque j'ai commencé à m'attacher à ce problème. Le Sénat ferait une énorme contribution s'il trouvait le moyen de faire en sorte qu'on voie ce problème comme un problème lié au système.

Le sénateur Eyton : J'aimerais parler de Prince Rupert. Nous l'avons visité, et ça a été fascinant, et j'ai pensé que le port lui-même constituait une occasion unique et spéciale au Canada. On nous a dit que la première étape du projet en cours avait coûté environ 110 millions de dollars. La deuxième étape, qui fera doubler la capacité, coûtera environ 700 millions de dollars, et la construction d'un deuxième quai plus loin coûtera plus d'un milliard de dollars. En même temps, l'endroit semble idéal pour un port; l'état des eaux du port et les conditions météorologiques qui lui permettent d'être en activité toute l'année ont semblé remarquables. Comme homme d'affaires, j'ai pensé que c'était quelque chose à exploiter. Le problème, c'est que la somme dont j'ai parlé est très grosse et dépasse le budget du gouvernement et l'aide qu'il peut offrir.

Votre rapport parle de privatisation. Pouvez-vous nous dire comment et dans quelle mesure, selon vous, on devrait avoir recours à la privatisation pour financer l'infrastructure nécessaire en vue de saisir l'occasion unique qu'offre le port de Prince Rupert?

M. DeFehr : Lorsque nous parlons de privatisation dans notre rapport, c'est davantage en ce qui a trait à l'exploitation des terminaux du système. Nous voyons les terres et le port lui-même comme appartenant au gouvernement, en fiducie. Notre point de vue là-dessus est assez constant.

Je ne connais pas tous les règlements, mais je crois savoir que la Loi maritime du Canada régit les ports de telle façon que leur capacité d'emprunt est limitée. Si vous voyagez ailleurs dans le monde, vous allez constater qu'à des endroits comme Dubai, Singapour ou Shanghai, les gouvernements investissent à l'avance. Bon nombre d'entre vous êtes déjà allés en Chine, et vous savez que les Chinois vont construire un pont. Vous avez parlé de l'erreur d'arrondissement relativement au port de Shanghai. Dans un sens, le Canada n'est pas prêt à investir à l'avance.

Si nous croyons que la porte d'entrée peut créer une occasion à saisir pour le Canada sur le plan économique, il faut commencer par faire quelque chose. L'opinion que nous nous sommes faite, c'est qu'il vaut la peine d'investir à Prince Rupert, même si c'est un milliard de dollars. La capacité de transport ferroviaire et les autres capacités sont en place. Si le système fonctionne, les navires et les marchandises vont venir.

Pour mettre cette somme de un milliard de dollars en perspective, je crois que le budget de construction de quelques viaducs à Vancouver pour permettre aux camions de se déplacer entre les ports est également d'environ un milliard de dollars. À mon sens, ce n'est pas nécessaire pour les ports, parce que les conteneurs pourraient sortir de Vancouver le plus rapidement possible au lieu de faire le tour de la ville. Nous sommes prêts à consacrer un milliard de dollars à la construction de viaducs. Pourtant, nous devrions nous servir de cet argent pour faire en sorte que les conteneurs soient transportés dans l'arrière-pays, où on peut mieux s'en occuper.

S'il y a une chose dans laquelle nous devrions investir comme pays, c'est dans l'augmentation de la capacité à l'avance, ce qui peut représenter un certain risque. Le risque que cet investissement ne soit pas rentable est faible. Cependant, notre structure actuelle ne permet pas cela.

Je ne sais pas si la privatisation est la solution pour ce qui est du port lui-même. Si les ports sont bien construits et que le système fonctionne, les coûts sont en grande partie payés par l'exploitation des terminaux, et il n'y a pas beaucoup de risque à cet égard. C'est là-dedans que nous devrions investir notre argent.

Le sénateur Eyton : Vous laissez entendre que ce devrait être l'argent du gouvernement, n'est-ce pas?

M. DeFehr : Oui, l'argent du gouvernement qui vient de l'exploitation du port.

Le sénateur Eyton : J'ai une autre question. Je connais une société minière qui expédie des métaux concentrés de l'Australie vers la Chine et vers d'autres destinations en Asie. En raison de divers facteurs, notamment des préoccupations environnementales concernant l'exposition de la population à certains de ces métaux concentrés, l'entreprise est en train de passer du transport en vrac, ce qu'elle faisait jusqu'à maintenant, au transport par conteneur de fournitures en vrac.

À Prince Rupert et dans d'autres ports, il est clair qu'on traite le transport en vrac différemment du transport par conteneur. Je pense que la tendance à long terme est que ces marchandises en vrac vont être transportées dans des conteneurs. Avez-vous relevé cette tendance?

M. DeFehr : L'un des buts des terminaux intérieurs, c'est de rendre les conteneurs plus accessibles. Je ne vais pas entrer dans le détail, mais l'idée, c'est de faciliter l'accès aux lignes de chemin de fer pour les gens et la manutention pour les sociétés ferroviaires. Une série de cinq ou six terminaux intérieurs dans les Prairies permettrait de le faire.

Je viens du Manitoba. Comme vous le savez, notre régime de cultures est diversifié. Les grandes entreprises céréalières ne vont pas être très intéressées par la conteneurisation. Elles ont un terminal à Prince Rupert et d'autres à Vancouver qu'elles veulent maintenir en activité. Cependant, cette situation leur permet d'avoir l'emprise sur le transport, parce que c'est le seul moyen d'expédier les produits.

Si on commence à faire du transport par conteneur, beaucoup de petits usagers vont pouvoir utiliser le système. La personne qui est en mesure de remplir dix ou 50 conteneurs de blé biologique ou de produits agricoles spéciaux devient tout à coup en mesure d'accéder au système et d'expédier des produits de plus grande valeur. Si on joue un peu avec les mesures d'incitation pour faire en sorte que les conteneurs soient une bonne idée pour l'industrie céréalière, les gens vont pouvoir expédier davantage les produits de plus grande valeur. Plutôt que d'envoyer leur blé mélangé avec celui des autres, beaucoup d'agriculteurs qui cultivent des produits spéciaux pourraient expédier deux, dix ou 100 conteneurs et obtenir un meilleur prix.

En ce qui concerne la question au sujet des Premières nations que le sénateur Johnson a posée, si nous jetons un coup d'œil du côté de la ligne du CN qui traverse le nord des Prairies, elle transporte beaucoup de produits comme du foin. Environ 100 000 conteneurs de foin partent à destination de Dubai et de la région du Golfe. Il ne s'agit pas d'un produit qu'il faut expédier dans un délai précis. C'est la même chose pour ce qui est des copeaux de bois. On ne peut stocker ces produits et les expédier pendant la saison morte du trafic conteneurisé — les envoyer pendant la semaine de Noël. Il y a des produits pour lesquels les terres des Premières nations seraient très bien adaptées. On peut là-bas accéder aux conteneurs pendant les saisons où la demande est la plus faible, puisque les produits ne sont pas périssables.

Si on commence à examiner quels conteneurs il est possible d'expédier, on se rend compte que d'autres choses sont possibles. Les conteneurs qu'on utilise contiennent 20 tonnes de marchandises, parce que c'est la capacité de la route. Voilà une autre chose intéressante au sujet de l'Australie. Les Australiens ont découvert que certains conteneurs sont fabriqués avec plus d'acier et peuvent contenir jusqu'à 36 tonnes de marchandises. Ils chargent les conteneurs dans une cour de triage et placent 36 tonnes de marchandises dans chacun des conteneurs. Ils les transportent par train exclusivement, en évitant les routes. En passant 20 à 36 tonnes par conteneur, on fait en sorte que le système favorise l'expédition en vrac.

Je pourrais vous donner d'autres exemples. Ce que je vous dirais, cependant, c'est que les gens trouvent des solutions ailleurs dans le monde. Plus le transport par conteneur va prendre de l'importance, plus nous allons pouvoir accroître la valeur des produits que nous expédions grâce à un accès plus facile. On nous a dit que les armateurs envoient leurs navires dans les ports où il y a davantage de conteneurs pleins qui doivent partir, parce que cela leur permet d'accroître leur revenu. La possibilité de charger les conteneurs qui repartent devrait être une considération importante. Nous pensons toujours aux conteneurs qui arrivent, parce que c'est important. Je dirais que les conteneurs qui repartent offrent encore plus de possibilités sur le plan économique.

Le vice-président : Monsieur DeFehr, le temps a passé vite parce que votre exposé a été très intéressant et éclairant. J'ai trouvé particulièrement pertinent, par rapport aux travaux du comité, vos observations sur les problèmes liés au système, notamment les raisons qui font que les gens ne veulent pas se rendre dans les ports canadiens et les questions liées à la fiabilité des ports du Canada. Merci d'avoir mis ces éléments en lumière comme vous l'avez fait.

Pour la prochaine séance, nous avons l'honneur de recevoir des représentants des Compagnies Loblaw limitée, qui vont nous présenter un exposé. Nous recevons M. Robert Wiebe, vice-président principal, Transports, et M. Dan Parkes, vice-président, Transport international et logistique.

Je vous prie de faire votre exposé, après quoi nous allons vous poser des questions. Bienvenue à vous deux. Vous avez la parole.

Robert Wiebe, vice-président principal, Transports, Compagnies Loblaw limitée : Merci de nous offrir l'occasion de vous présenter un exposé aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre les commentaires que vous aurez à faire après notre exposé.

La plupart des gens connaissent Compagnies Loblaw limitée. Cependant, si ce n'est pas votre cas, j'espère que l'exposé va vous aider à comprendre qui nous sommes et la mesure dans laquelle nous avons recours aux ports et au réseau ferroviaire du Canada.

Nous sommes le plus gros employeur privé du pays. Notre équipe compte 137 000 membres dans l'ensemble du Canada. Nous continuons de dominer le marché dans chacune des régions, c'est-à-dire dans la région de l'Atlantique, celle du Québec, celle de l'Ontario et celle de l'Ouest. Nous sommes le supermarché le plus important.

Nous avons toujours été une entreprise axée sur les régions. Cela va ressortir clairement tout à l'heure lorsque nous allons parler des transports et de l'infrastructure. Nous sommes Provigo au Québec, Atlantic Wholesalers dans l'Atlantique et Loblaws en Ontario. Dans l'Ouest, nous sommes Westfair Foods Ltd. et Kelly, Douglas & Company, Limited. Les organisations qui font partie de notre entreprise ont pris de l'expansion en raison du caractère régional de celle-ci ainsi que des acquisitions qui nous ont menés là où nous sommes rendus aujourd'hui.

Évidemment, l'une des pressions importantes que nous subissons aujourd'hui vient d'un gros détaillant américain qui a fait son entrée sur le marché. Cette entreprise utilise bien la logistique et les transports, et ses dirigeants comprennent bien l'importance de ces éléments par rapport à leur modèle d'affaires.

Le vice-président : Nous essayons de les convaincre de comparaître devant le comité pour parler de cela.

M. Wiebe : Bonne chance. Je n'aime pas beaucoup cette entreprise.

Je suis sûr que certains d'entre vous avez investi dans Loblaw ou encore lu le Globe and Mail au cours des deux dernières années. Il est clair que nous avons eu notre lot de problèmes. L'un des plus importants auxquels nous avons été confrontés, c'est celui de la chaîne d'approvisionnement. Je vais vous en parler un peu plus en détail tout à l'heure. D'une manière ou d'une autre, ça tombe bien que vous vous penchiez là-dessus en ce moment. Les problèmes qu'a connus Loblaws au chapitre de la présence de nos produits sur les tablettes et de la chaîne d'approvisionnement découlent en fait directement d'un manque de financement et d'orientation qui a duré pendant un certain nombre d'années au sein de notre infrastructure d'approvisionnement et de transport.

Je vais vous donner une idée de nos activités de transport. Nous possédons le deuxième parc en importance au Canada. Nous avons 700 remorques et 1 100 chauffeurs. Les chiffres sont probablement quatre fois plus gros si nous comptons nos liens avec des tiers comme Armour Transportation Systems dans la région de l'Atlantique, Calac Trucking Ltd. en Saskatchewan, des gens en Colombie-Britannique et surtout Canada Cartage en Ontario.

Nous avons pris la décision stratégique de ne pas utiliser nos propres chauffeurs et nos propres remorques dans certains cas. Nous avons donné à contrat une bonne partie de ce travail. En ce moment, nous transportons environ 60 p. 100 des marchandises que nous importons. Il s'agit de la marchandise qui vient de l'Inde, de la Chine, de la Californie, de la Floride, du Mexique et de n'importe où au Canada. Nous transportons de la marchandise sur environ 800 millions de kilomètres par année.

Nous avons également un projet en cours d'établissement des prix à la porte de l'usine. Ce projet fait partie de notre stratégie sur la chaîne d'approvisionnement pour 2010, dans le cadre de laquelle nous allons prendre possession de la marchandise sur les quais de nos fournisseurs, la transporter dans nos centres de distribution et tirer parti de notre savoir-faire en matière de transport et de l'argent que nous avons investi dans ce domaine pour faire diminuer nos frais. Évidemment, nous espérons ainsi faire augmenter ceux de nos concurrents.

Nos frais de transport annuels totalisent environ 824 millions de dollars. Après la mise sur pied de l'initiative d'établissement des prix à la porte des usines, ils vont passer à 1,1 milliard de dollars en 2009.

Nous sommes l'un des plus gros clients du CP, pour ce qui est du transport intermodal au pays. Nous faisons transporter environ 40 000 chargements sur l'axe ouest-est par cette société. Nous sommes un usager important de l'infrastructure ferroviaire, et, comme vous allez le voir, nous venons aussi au quatrième rang des importateurs directs dans le port de Vancouver. Nous sommes donc un usager important de l'infrastructure portuaire aussi.

M. Parkes va vous parler en détail des EVP.

Dan Parkes, vice-président, Transport international et logistique, Compagnie Loblaw limitée : Au cours des dernières années, nous avons suivi les EVP ou équivalents 20 pieds que nous faisons venir au pays. Ceux-ci viennent surtout de l'Asie. Entre 2002 et 2006, nous avons assisté à une augmentation régulière du volume de nos EVP qui passent par le port de Vancouver. En 2007, comme vous pouvez le voir, notre portefeuille de l'alimentation a continué de croître. Nous avons connu une petite baisse du côté des articles d'usage courant. Il y a eu une initiative stratégique au sein de notre organisation dont le but était de nous débarrasser de beaucoup d'articles saisonniers. À cause de problèmes liés à l'infrastructure et à la chaîne d'approvisionnement qui faisaient que nous avions de la difficulté à mettre les produits en question sur le marché en temps opportun, nous avions des produits qui restaient longtemps dans nos entrepôts. Encore une fois, c'est un programme d'été, mais compte tenu du temps qu'il fallait pour faire passer les marchandises par le port, par le réseau ferroviaire, avec les avalanches et autres choses du genre, nous n'arrivions pas à vendre nos produits pendant l'été. Nous avons donc changé de stratégie.

Nos initiatives concernant les articles d'usage courant qui seront en vigueur jusqu'à 2010 tourneront autour de notre nouveau programme sur les vêtements. Nous allons tripler notre volume de ventes dans ce domaine, ce qui fait que nous allons commencer à voir notre volume de ventes d'articles d'usage courant augmenter de façon régulière. Vu les problèmes que nous connaissons aux terminaux et dans le réseau ferroviaire, cela nous préoccupe beaucoup en ce moment, puisque nous savons que nous plaçons un fardeau financier important sur notre organisation en essayant de tripler la taille de notre nouveau programme relatif aux vêtements.

Nous allons assister à une augmentation importante de notre volume de ventes d'articles d'usage courant au cours des trois prochaines années. L'une de nos préoccupations importantes, pour l'avenir, c'est de nous assurer que les marchandises passent facilement par le port, par le réseau ferroviaire et par nos réseaux.

M. Wiebe : La prochaine diapo porte sur notre initiative concernant la chaîne d'approvisionnement pour 2010, et cette initiative a fait l'objet d'une annonce au marché lorsque nous avons appelé nos investisseurs et aussi à l'occasion de notre assemblée générale annuelle.

Je vais vous expliquer chacune des lignes, mais je vais généraliser des choses comme suit. Nous savons que nous devons assurer une présence beaucoup plus constante de nos produits sur les tablettes pour nos clients. Pour le faire, nous devons transformer la chaîne d'approvisionnement au sein de Loblaw en milieu dynamique, plutôt que de continuer à transporter les marchandises pour les stocker dans un grand entrepôt.

À l'heure actuelle, nous sommes probablement le plus gros exploitant d'entrepôt privé au Canada. Nous exploitons des entrepôts dont la surface totalise plus de sept millions de pieds carrés au pays, et cela ne va pas suffire dans l'avenir. L'une des raisons pour lesquelles nous avions hâte de discuter avec les membres du comité, c'est que, au fur et à mesure que nous allons transformer notre chaîne d'approvisionnement en milieu dynamique, le fait que les produits arrivent à temps aux quais sera d'une importance capitale pour nous.

Je vais vous décrire notre structure de planification des transports dans un instant. La chose la plus importante, c'est que tout ce que nous avons subi — les avalanches, les déraillements, les problèmes de congestion dans les ports et autres choses du genre — nous a éloignés de l'objectif de notre programme de la chaîne d'approvisionnement pour 2010, qui est d'établir un milieu dynamique. Pour que l'approvisionnement soit dynamique, il faut pouvoir compter sur une infrastructure de transport. Les transports sont le fondement de tout notre programme relatif à la chaîne d'approvisionnement, ce qui nous amène au grand intérêt que nous portons aux travaux du comité.

Je ne vous ai pas expliqué notre situation actuelle, parce que nous sommes en train de progresser vers notre situation future, qui sera celle d'une planification géographique des transports. À l'heure actuelle, nous avons 29 centres de planification des transports, c'est-à-dire pratiquement un dans chacun des centres de distribution du Canada. Évidemment, ces centres sont très efficaces lorsqu'il s'agit de la gestion de leur transport, mais ils ne sont pas très bons pour prendre du recul et envisager le réseau de Loblaw dans l'ensemble.

Nous allons adopter une planification géographique. La planification va se faire dans un compartiment pour la région de l'Atlantique, un pour le Québec, un pour l'Ouest et un pour l'Ontario. Évidemment, comme nous avons recours au transport intermodal et qu'une certaine partie de notre marchandise est transportée à l'échelle nationale, ces transports seront également planifiés ensemble.

La diapo suivante, qui montre le trajet des centres de distribution dans les magasins, puis vers les fournisseurs et de retour aux centres de distribution, est là pour vous montrer à quel point cela devra bien se dérouler dans le temps. Que nous expédiions les marchandises de Vancouver vers nos magasins de Saskatoon ou de Saskatoon vers l'Alberta, puis de l'Alberta vers la Colombie-Britannique, le milieu dynamique dans lequel nous allons effectuer nos activités, ainsi que la nature régionale du plan, feront que nous devrons nous fier dans une large mesure au réseau des transports. Cela va mettre beaucoup de pression sur nos ports et pas mal de pression aussi sur le réseau ferroviaire.

Pour ce qui est du transport ferroviaire, deux problèmes importants auxquels nous faisons face, ce sont les déraillements et les avalanches. Nous avons été victimes de 12 déraillements et avalanches, qui ont donné lieu à un retard de 2,3 jours en moyenne, sur une période d'environ 18 semaines. Cela signifie que trois semaines sur quatre, il y a un retard de 24 à 72 heures aux centres de distribution.

Je pourrais vous présenter les chiffres concernant les stocks, mais ce que cela veut vraiment dire, c'est que nous devons nous adapter au monde au cas où, c'est-à-dire faire venir davantage de produits que dont nous avons besoin au cas où il y aurait une avalanche ou un déraillement et que les trains ne pourraient faire le tour. Conserver des stocks supplémentaires nous coûte 50 millions de dollars par jour. C'est la perte que nous allons subir en augmentant nos stocks.

Je suis sûr que les membres du comité ont suivi les négociations de la BCMEA et du ILWU, qui ont connu un dénouement positif, Dieu merci. Cependant, ces négociations ont forcé Loblaw à se tourner vers les ports et les sociétés ferroviaires américaines, parce que nous dépendons trop du port de Vancouver pour ce qui est de nos importations. Nous faisons passer pas mal de marchandises par le port de Halifax, sénateur Mercer, mais pas autant que nous le souhaiterions. Je suis sûr que nous allons aborder ce sujet au cours de la période de questions.

Le vice-président : Que voulez-vous dire par « en raison de l'espace alloué »? Qu'est-ce que ça veut dire?

M. Wiebe : Nous aimerions beaucoup utiliser davantage le port de Halifax — et j'ai signalé à M. DeFehr que cela nous intéresse beaucoup. Nous voulons utiliser davantage l'espace qui nous est alloué à Halifax, mais, à l'heure actuelle, nous n'arrivons pas à faire en sorte que les navires fassent escale à Halifax. Les navires font escale au New Jersey et à New York, mais ils ne se rendent pas jusqu'à Halifax, surtout pour des motifs économiques. Nous avons discuté avec les transporteurs maritimes et leur avons garanti que nous utiliserions tant d'espace par semaine sur leur bateau. Malgré cela, nous n'arrivons pas à les convaincre de faire escale au port de Halifax avec un autre navire.

Au bout du compte, Canadian Tire, Loblaw et peut-être Wal-Mart — quoique cette entreprise a tendance à utiliser beaucoup plus les ports américains — pourraient devoir créer une sorte de consortium des détaillants canadiens pour remplir un navire chaque semaine. Nous ne l'avons pas encore fait. Nous ne pensions pas avoir à le faire si nous étions prêts à nous engager à utiliser un certain nombre de conteneurs. Je sais que Canadian Tire est passé par là, tout comme La Baie. Nous pensons que si nous nous engagions à utiliser un certain nombre de conteneurs, ce serait suffisant pour inciter les transporteurs maritimes à envoyer un autre navire dans le port de Halifax, mais nous n'avons pas réussi à les convaincre jusqu'à maintenant.

Le vice-président : Les représentants de Canadian Tire nous ont dit qu'ils font transporter 5 000 conteneurs par année à Halifax, et qu'ils aimeraient faire passer ce chiffre à 10 000 dans l'immédiat. Le désir de faire cela est exprimé.

M. Wiebe : Oui, tous les détaillants canadiens aimeraient utiliser le port de Halifax. Je l'ai déjà dit, mais nous comptons trop sur le port de Vancouver. S'il y a un problème là-bas, cela nous touche directement. Nous avons vécu la grève des camionneurs. M. Parkes était sur place et travaillait à l'acheminement de nos conteneurs lorsque les camionneurs étaient en grève.

Il y a eu les négociations de l'ILWU, qui se sont bien terminées, mais il y a beaucoup d'autres problèmes qui surviennent. Les arrêts de travail qui ont eu lieu, par exemple, lorsque les employés de l'entretien de la voie ferrée ont fait la grève, ont affecté l'acheminement des conteneurs internationaux dans le port de Vancouver. Il semble qu'on dépend tellement de ce port. Il suffit d'un petit problème pour qu'il y ait des répercussions tout le long de notre chaîne d'approvisionnement.

Le vice-président : Continuez, je vous prie.

M. Wiebe : Sincèrement, nous ne sommes pas convaincus que l'infrastructure des ports et du transport ferroviaire du Canada va être suffisamment solide pour soutenir la croissance prévue de notre entreprise. Nous envisageons une augmentation de 12 p. 100 de la quantité de marchandises qui va passer par le port chaque année et une augmentation d'environ 14 p. 100 du côté des lignes de chemin de fer. Cette augmentation est attribuable en partie à notre initiative d'établissement des prix à la porte de l'usine, mais aussi en grande partie au fait que nous faisons fabriquer davantage de produits à l'étranger. Comme M. Parkes l'a mentionné tout à l'heure, la vente de vêtements est en train de devenir une part de plus en plus importante de nos activités.

Nous avons couché quelques suggestions sur papier. Je n'ai pas la prétention de penser que ce sont des suggestions brillantes. Je suis sûr que vous avez entendu beaucoup de gens dire ce que je vais dire.

Nous sommes d'avis qu'il faut mettre en place des mesures d'incitation économique pour que les sociétés ferroviaires doublent leurs voies ferrées ou construisent davantage de voies doubles au sein de l'infrastructure. Cela permet de réduire les retards lorsqu'il y a des déraillements. Du point de vue des transports, nous nous trouvons dans l'un des environnements les plus difficiles du monde, alors nous comprenons que ce genre de chose peut se produire. La question, c'est de savoir quoi faire lorsque ces choses se produisent. Il faut s'assurer de mettre en place une infrastructure appropriée, de façon que le train puisse contourner le lieu du déraillement, ce qui permet de réduire au minimum les retards. Pour en revenir à mes chiffres relatifs aux stocks, si nous devons prévoir un retard de trois jours chaque hiver, alors nous allons stocker davantage de produits dans nos entrepôts. Pour nous, cela représente 150 millions de dollars, et c'est une perte de liquidités importante.

J'ai parlé d'un éventuel partenariat public-privé qui aurait pour but de favoriser les investissements dans l'infrastructure ferroviaire. Il y a des endroits où les déraillements se produisent plus souvent qu'ailleurs, par exemple dans le nord de l'Ontario et dans les Rocheuses. Il y a également beaucoup d'avalanches dans les Rocheuses. Nous sommes un important client du CP, et, même si l'hiver a été assez clément, le CN a subi un coup dur pour ce qui est des déraillements. Les répercussions de cela se font sentir dans nos centres de distribution, et il y a de la marchandise qui ne parvient pas jusqu'à nous parce que beaucoup de nos fournisseurs passent par le CN. C'est un problème de plus en plus important par rapport à la présence de nos produits sur les tablettes de nos magasins.

Wal-Mart a un plan pour le scénario du au cas où. L'entreprise possède des installations de 1 million de pieds carrés sur un terrain de 80 acres, ce qui signifie qu'elle a un stationnement pour les remorques, que nous appelons le cimetière, plein de marchandises en attente d'être livrées au centre de distribution et ensuite aux magasins. Ce n'est pas que nous ne voulons pas effectuer nos activités dans ce genre d'environnement; c'est plutôt que nous ne pouvons pas le faire parce que cela place un fardeau trop important sur les stocks pour Compagnies Loblaw limitée.

Il pourrait y avoir une mesure d'incitation fiscale qui favoriserait l'expédition des marchandises par train plutôt que par camion. Assurément, comme nous utilisons beaucoup l'infrastructure ferroviaire, nous pensons que nous contribuons davantage que beaucoup de détaillants à la réduction de l'usure des routes.

Le vice-président : Vous possédez le deuxième parc de camions en importance au Canada, alors vous devez bien expédier des marchandises par les routes.

M. Wiebe : Oui. Ces parcs de camions se trouvent surtout dans des régions où nous ne pouvons pas utiliser le transport ferroviaire. Notre infrastructure ou notre réseau de transport est de très grande taille, et nous l'utilisons pour acheminer nos produits vers nos centres de distribution, surtout par train et par bateau. Les produits partent des centres de distribution pour être livrés directement aux magasins par camion. Nous assurons, par exemple, la livraison des marchandises au Superstore situé sur Winston Churchill, à Toronto, à partir de notre centre de distribution de Cambridge, en Ontario. Impossible d'envoyer des marchandises là par train. Vous avez raison de dire que nous utilisons des poids lourds — et nous payons notre part en ce qui concerne les taxes relatives à l'essence et aux routes.

En ce qui concerne les mesures qui pourraient être adoptées pour inciter les transporteurs maritimes à faire escale dans le port de Halifax, je ne peux insister assez sur le fait que nous dépendons du port de Vancouver. Je n'ai rien contre ce port, mais il y a une infrastructure à Halifax que nous, comme détaillants, aimerions bien utiliser davantage. Il semble que nous ne soyons pas en mesure de susciter suffisamment d'intérêt pour qu'un autre transporteur fasse escale à Halifax. Ce serait intéressant si nous pouvions faire augmenter le nombre de navires qui passent directement par le canal de Suez, plutôt que par le canal de Panama, puisque, sur le plan économique, il est plus avantageux de faire venir les plus gros navires, ceux qui accostent dans des ports en eaux profondes, que les autres.

J'ai une petite critique à faire en ce qui concerne l'utilisation du biodiesel. Je m'éloigne un peu de la question de l'infrastructure des transports, mais lorsque j'ai su que j'allais comparaître devant votre auguste groupe, j'ai pensé aborder le sujet. Au total, 51 p. 100 de notre parc utilisent du biodiesel. D'autres détaillants se targuent d'avoir des pratiques écologiques. Nous utilisons du biodiesel, et nous payons sept cents de plus le litre de carburant dans certaines régions, par exemple à Québec. En Ontario, c'est environ quatre cents de plus le litre. Nous n'avons pas beaucoup de moyens de récupérer cet argent, mais nous allons continuer à faire ce qui est bien pour l'environnement. Ce serait intéressant, cependant, s'il y avait un quelconque incitatif économique afin de pousser les autres transporteurs et détaillants à faire la même chose.

Vous avez probablement entendu d'autres détaillants, par exemple Canadian Tire, dire que ce sont nos clients et nos actionnaires qui nous poussent à envisager de nouvelles solutions tactiques et stratégiques par rapport à l'infrastructure du Canada. Cela signifie que nous devons jeter un coup d'œil sur ce que les sociétés ferroviaires et les ports américains nous offrent, si nous décidons d'acheminer nos produits vers les ports de Long Beach, New York et Savannah, avant de les expédier vers le nord par camion ou par train. L'autre choix qui s'offre à nous, et qui peut avoir l'air d'un petit pas en arrière, ce serait d'utiliser davantage le transport routier, plutôt que le transport ferroviaire. Vu le manque de fiabilité du transport ferroviaire et le milieu qui est de plus en plus dynamique, nous allons être forcés d'expédier les marchandises par camion si nous n'arrivons pas à régler les problèmes du transport ferroviaire.

Il faudrait que les objectifs environnementaux puissent s'inscrire dans le contexte d'une saine gestion économique. Nous payons le biodiesel plus cher que le carburant ordinaire, et, par moments, ces 11 ou 12 p. 100 sont durs à encaisser. Évidemment, nous sommes responsables face à notre bilan et devons rendre compte à nos actionnaires, ce que nous faisons, et nous sommes fiers de la position que nous avons adoptée pour ce qui est du biodiesel, mais je pense qu'il devrait y avoir un moyen de compenser cette dépense.

Le secteur public doit porter une partie du fardeau de l'infrastructure portuaire et ferroviaire, parce que le capital privé ne semble pas suffisant. Peut-être n'y a-t-il pas suffisamment d'incitatifs économiques pour pousser les sociétés ferroviaires à doubler toutes les voies qu'elles devraient doubler. Nous sommes en situation de duopole, ce qui fait que si nous n'avons pas recours aux services du Canadien Pacifique, nous devons avoir recours à ceux du Canadien National. Vu l'importance de notre compte, nous ne pourrions pas tout d'un coup faire transporter toutes nos marchandises par l'autre société ferroviaire, parce qu'elle ne serait pas en mesure de le faire.

Le sénateur Mercer : Ils pourraient peut-être le faire si vous faisiez une offre à ses représentants.

M. Wiebe : C'est ce qu'ils nous disent toujours, mais il faut mettre quelque chose sur pied, parce que le capital privé ne semble pas donner des résultats assez rapidement pour nous.

Le vice-président : J'aimerais savoir quelle proportion des produits que vous vendez dans l'ensemble de vos magasins du Canada en ce moment viennent de l'Inde, de la Chine, d'ailleurs. et arrivent par conteneurs. Est-ce que c'est 5 p. 100? 9 p. 100? Ou 20 p. 100?

M. Wiebe : Il faudrait que je calcule le pourcentage des chargements que cela représente. C'est quelque part entre 5 et 10 p. 100, et le chiffre augmente rapidement. Vous parlez des conteneurs qui viennent de l'étranger, et pas nécessairement des conteneurs utilisés au pays pour le transport intermodal?

Le vice-président : Oui.

M. Parkes : Pour ce qui est de la marchandise que nous importons, je dirais que c'est environ 10 p. 100.

Le vice-président : J'aime bien lire les journaux économiques, et j'ai remarqué que le cours de l'action de Loblaw a chuté. Bon nombre d'observateurs disent que c'est parce que vous n'arrivez pas à faire parvenir vos produits sur les tablettes de vos magasins pour que vos clients puissent les acheter.

M. Wiebe : Oui.

Le vice-président : Je suis allé dans quelques-uns de vos magasins, et j'y ai cherché des choses que je n'ai pas trouvées sur les tablettes; j'ai vu des étalages vides. Dans quelle mesure ce problème est-il causé par les problèmes liés au transport et au trafic du fret conteneurisé?

M. Wiebe : Entre 10 et 20 p. 100 des problèmes de ce genre découlent directement de problèmes liés aux ports ou aux sociétés ferroviaires du pays, puisque nous dépendons des sociétés ferroviaires et des transporteurs maritimes.

Le vice-président : C'est ce que vous appelez la « présence sur les tablettes » de vos produits.

M. Wiebe : Oui... c'est le fait de s'assurer que les produits se trouvent en magasin lorsque les clients veulent les acheter.

Le vice-président : Parmi les recommandations que vous avez formulées à l'intention du comité à la dernière page de votre exposé, quelle est la plus importante, celle que vous aimeriez que le comité reprenne, afin de contribuer à régler le problème de la présence sur les tablettes des produits?

M. Wiebe : Je ne peux m'en tenir à une seule recommandation. La plus importante, ce serait le fait de doubler les voies ferroviaires un peu partout au Canada, et surtout aux points sensibles dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est-à-dire les Rocheuses, le Nord-Ouest de l'Ontario et le port de Halifax. Ce sont ces deux recommandations qui pourraient avoir l'effet le plus important sur la présence de nos produits sur les tablettes.

Le sénateur Tkachuk : J'ai une autre question concernant le port de Halifax, dont vous avez parlé plusieurs fois dans votre exposé et lorsque vous avez répondu aux questions du sénateur Oliver. Pourquoi les transporteurs maritimes ne veulent-ils pas faire escale dans le port de Halifax?

M. Wiebe : Je pense que c'est à cause de la proximité de New York-New Jersey. Très peu de navires font escale à Halifax seulement. Dans bien des cas, ils s'arrêtent d'abord à New York/New Jersey. Là-bas, ils peuvent charger des conteneurs toute la journée. Ils n'ont pas besoin de faire le détour par Halifax. Les transporteurs n'ont pas envie de le faire. Peut-être que, comme détaillant, nous pouvons exercer suffisamment de pressions sur le transporteur maritime. Je pense que M. Parkes et moi discutons avec les transporteurs maritimes une fois par trimestre, ou à tout le moins une fois par année, et nous exerçons passablement de pressions sur eux.

Le sénateur Tkachuk : Lorsque nous sommes allés à Halifax, nous avons appris qu'on prévoyait construire deux nouveaux ports.

M. Wiebe : Je sais. Je dirais que nous devons mieux utiliser le port qui est déjà là.

Le président : Il fonctionne à 40 p. 100 de sa capacité en ce moment.

M. Wiebe : Oui. Ce n'est pas mon rôle de dire aux gens d'investir dans les ports ou non, mais je dirais que, avant que nous ne dépensions des millions, ou peut-être des milliards, pour construire un port à côté d'un autre qui est sous- utilisé, il faudrait que quelqu'un se penche là-dessus. Intuitivement, je trouve que cela n'a pas de sens.

Le sénateur Tkachuk : Il s'agit d'une initiative privée, alors nous ne pouvons pas faire grand-chose. Si les gens en question veulent construire un port, tant mieux pour eux.

M. Wiebe : C'est sûr qu'on pourrait aussi mieux utiliser le port de Saint John. Il y a d'autres options.

Le sénateur Tkachuk : Cette question était revenue trois fois, alors je voulais y donner suite.

Le sénateur Mercer : Merci d'avoir parlé de Halifax aussi souvent que vous l'avez fait, mais ça a toujours été de façon négative. J'imagine qu'il faut que je raye Loblaw de la liste des investisseurs potentiels.

J'ai deux ou trois petites questions à poser, dont une sur le port de Halifax. Est-ce que l'administration portuaire vous a offert une aide directe dans le cadre des efforts que vous avez déployés? Est-ce que le ministère du Commerce international vous a offert une aide directe? Avez-vous discuté avec les représentants de ce ministère? Est-ce que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse vous a offert une aide directe? Ces trois groupes sont intéressés directement par le succès du port de Halifax.

M. Wiebe : Oui. Je dirais que l'administration du port de Halifax nous a en quelque sorte aidés.

Le sénateur Mercer : En quelque sorte?

M. Wiebe : Oui. Je ne sais pas très bien comment se comparent les frais d'accostage à Halifax, par rapport à Vancouver, et ainsi de suite, mais je ne pense pas que c'est ce qui fait que les transporteurs ne font pas escale à Halifax.

Mes homologues et les homologues de M. Parkes, et tous les autres détaillants importants du Canada ont exprimé le désir d'utiliser davantage le port de Halifax. Nous avons passablement d'influence en Amérique du Nord. Loblaw vient au quatrième rang des importateurs directs dans le port de Vancouver. Canadian Tire est un très gros importateur, comme Wal-Mart. Sears appuie activement cette proposition, tout comme La Baie. Je me creuse la tête pour trouver ce que nous pourrions faire pour que les navires viennent ici. Je ne pense pas que ce soit une question de frais d'accostage ou de frais portuaires. Je pense que nous allons devoir exercer davantage de pressions sur les transporteurs et faire plus de choses pour que ce dossier avance. Peut-être un jour allons-nous affréter un navire, si nous ne trouvons pas de modèle commercial viable à utiliser.

Pour ce qui est des deux autres organisations que vous avez mentionnées, nous n'avons pas vraiment eu affaire au gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Mercer : Et le ministère du Commerce international?

M. Wiebe : Non. Nous avons surtout discuté avec les transporteurs maritimes qui viendraient directement dans le port de Halifax.

Le sénateur Mercer : Je pense que ces gens seraient intéressés à nous donner un coup de main.

M. Wiebe : C'est ce que l'on penserait, oui.

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé des déraillements de train. Il est évidemment difficile de maîtriser les avalanches. Pour ce qui est des déraillements, y a-t-il un problème d'entretien d'infrastructure? Est-ce que le problème, c'est que la voie ferrée n'est pas aussi bien entretenue qu'elle devrait l'être? Nous parlons de faire circuler des trains de 110 ou de 130 wagons sur des rails qui n'ont pas été conçus pour ça. Le comité devrait-il envisager de formuler des recommandations selon lesquelles le gouvernement ou d'autres intervenants devraient consacrer davantage d'argent à l'entretien adéquat de l'infrastructure ferroviaire du pays, peu importe la région?

M. Wiebe : Certainement. Le problème est double. Tout d'abord, il y a le problème de l'entretien. C'est dur à croire que nous ne pensons pas encore que les politiques d'entretien pourraient être améliorées, après tous les déraillements qu'il y a eu cet hiver. On m'a dit que lorsque les hivers sont froids et qu'il y a un soulèvement causé par le gel, les conditions sont propices aux déraillements.

L'autre chose, c'est l'infrastructure, c'est-à-dire le nombre de voies qui sont doublées et le nombre de voies d'évitement qu'on construit un peu partout au Canada pour s'assurer que, lorsqu'il y a des déraillements, et cela est inévitable, le délai ne soit que de 24 heures, plutôt que de 72.

Le sénateur Dawson : Pour ce qui est des déraillements, l'une des deux sociétés ferroviaires est-elle plus exposée que l'autre?

M. Wiebe : Ça dépend de la saison et de l'année. L'an dernier, ça a été terrible pour CP Rail. Je sais que l'entreprise a investi énormément d'argent dans ses procédures d'entretien. L'hiver qui se termine s'est très bien passé pour CP Rail, de notre point de vue. Le CN semble avoir été victime de beaucoup plus de déraillements. L'hiver prochain pourrait être totalement différent. J'aurais de la difficulté à dire laquelle des deux sociétés est la pire. Ça varie d'une année à l'autre.

Le sénateur Dawson : Vous avez dit que vous aurez probablement à utiliser davantage les ports américains. Est-ce que le fait d'avoir à passer une frontière de plus va engendrer des retards et des frais? Vos relations avec l'Agence des services frontaliers du Canada ou ASFC sont-elles bonnes?

M. Wiebe : Nos relations avec l'ASFC sont très bonnes. M. Parkes a affaire à celle-ci beaucoup plus que moi. Les douanes américaines ne sont pas particulièrement souples, ce qui fait que les activités sont plus complexes et qu'il y a plus de documents à remplir.

Le sénateur Dawson : Si, plutôt que de passer par Halifax, vous passez par le New Jersey, n'avez-vous pas à passer deux frontières, et est-ce que cela ne vous incite pas à passer par Halifax?

M. Wiebe : Oui. Nous préférerions de loin que l'activité croisse dans le port de Halifax plutôt que de faire des affaires au sud de la frontière. Nous sommes une entreprise canadienne, alors nous voulons faire affaire au Canada. Mais au-delà de cela, nous devons quand même faire ce qui est avantageux pour nos consommateurs. Si nous n'avons pas de choix viables au Canada, nous devons malheureusement nous en tenir à l'autre option.

Le sénateur Dawson : Même si les sénateurs ne sont pas élus, toute politique est locale. Je ne veux pas que Halifax et Vancouver soient les seuls endroits nommés. Quelle est l'importance de vos activités dans le port de Montréal?

M. Wiebe : Je dois demander à M. Parkes de répondre à cette question. Je pense que nous utilisons relativement peu le port de Montréal, surtout pour des raisons liées à la navigation et parce que nous importons des marchandises de l'Asie plus que de l'Europe.

M. Parkes : Oui. La majeure partie des marchandises que nous faisons passer par le port de Montréal vient de l'Europe, et, en ce moment, les produits que nous importons d'Europe sont fabriqués par quelque chose comme 50 fournisseurs, qui, la plupart du temps, ne nous envoient pas des conteneurs pleins. Nous sommes en train de discuter de l'expansion du marché européen. Les navires qui arrivent d'Europe sont plus petits, ce qui fait qu'ils peuvent se rendre à Montréal. Nous pensons que ce marché va continuer de prendre de l'expansion pendant notre transition. Au fur et à mesure que nous allons importer des marchandises de l'Inde, ou si nous envisageons le port de Halifax pour la réception de marchandises en provenance d'endroits comme Shanghai, le temps de transport deviendra une chose importante, et nous serons poussés à faire davantage d'achats en Europe.

Le sénateur Johnson : Vous dites que l'un des problèmes auxquels vous êtes confronté, c'est que le fait de devoir avoir des stocks supplémentaires vous coûte 50 millions de dollars par jour lorsqu'il y a des retards dans le transport. Vous dites également que vous n'êtes pas convaincu que l'infrastructure portuaire et ferroviaire du Canada peut soutenir votre croissance. Quelles sont les solutions possibles? Est-ce qu'elles se limitent aux voies doubles et au port de Halifax? Y a-t-il autre chose?

M. Wiebe : Il reste l'option de faire affaires aux États-Unis, malheureusement.

Le sénateur Johnson : Qu'est-ce qui vous pousserait à choisir cette option?

M. Wiebe : Ça va bientôt être la saison de pointe dans le port de Vancouver. M. Parkes et moi allons surveiller de près la façon dont le port de Vancouver va s'en tirer.

Le sénateur Johnson : Allez-vous évaluer cela cette année?

M. Wiebe : Oui. Nous allons faire une évaluation après la période de pointe qui vient. Au début du mois d'août, nous allons établir notre plan stratégique pour l'année prochaine.

Le sénateur Johnson : Quelle voie emprunteriez-vous?

M. Wiebe : Nous avons une excellente relation avec un transporteur maritime en particulier. Celui-ci exploite son propre port qui fait partie du port de Tacoma. Il a à sa disposition de bonnes lignes de chemins de fer qui appartiennent à Burlington Northern Santa Fe Railway et Union Pacific Railway. Nous ferions passer notre marchandise par le port de Tacoma, puis par le port de Chicago et vers l'Est du Canada, au besoin.

Le sénateur Johnson : Pensez-vous que vous régleriez ainsi les problèmes auxquels vous êtes confrontés à l'heure actuelle?

M. Wiebe : D'autres problèmes pourraient survenir. Nous devons nous faire une idée des problèmes que les douanes et les documents à remplir poseront. Ça ne sera peut-être pas pratique d'avoir à remplir plus de documents, mais c'est un problème qui sera plus facile à régler que les problèmes liés l'infrastructure physique auxquels nous pourrions être confrontés dans le port de Vancouver.

Le sénateur Johnson : C'est une crise, dans une certaine mesure, parce que vous dites aussi que nous devrions mettre en place des incitatifs économiques pour pousser les sociétés ferroviaires à doubler leurs voies. Ça ne va pas se faire du jour au lendemain malheureusement.

M. Wiebe : Non. Je ne pense que j'appellerais cela une crise. Nous allons voir où nous en sommes après la période de pointe. Comme détaillant, nous devons déterminer ce que nous allons transporter par train et ce que nous allons transporter par camion l'hiver prochain. Sur le plan économique, c'est toujours plus avantageux d'avoir recours au transport ferroviaire. Ça coûte moins cher de charger un train au complet qu'un seul camion. Néanmoins, lorsqu'il s'agit de yogourt ou de viande froide, ce sont des choses périssables qui ne peuvent pas rester très longtemps sur les tablettes.

Le sénateur Johnson : L'utilisation du biodiesel est une question sérieuse. Vous dites que 51 p. 100 de votre parc fonctionnent au biodiesel. Est-ce que c'est une chose courante?

M. Wiebe : Non.

Le sénateur Johnson : Quel serait le pourcentage, dans le cas des autres parcs?

M. Wiebe : Dans bien des cas, c'est zéro pour cent. Je sais que d'autres organisations s'y sont intéressées un peu. L'approvisionnement peut poser problème. Nous avons eu de la difficulté à trouver un fournisseur fiable lorsque nous avons commencé à utiliser le biodiesel au Québec. Nous avons dû changer de fournisseur.

Il y a deux façons de mélanger le biodiesel. L'une de ces façons, c'est par injection directe — je ne me rappelle plus le terme technique —, et l'autre consiste à verser le biodiesel ou des bioparticules dans le diesel ordinaire. Cette dernière méthode peut avoir pour effet que la proportion de biodiesel dans le diesel n'est pas constante. L'injection directe est la meilleure méthode.

Le sénateur Johnson : Le fait que vous ayez adopté ce carburant m'impressionne, vu la pollution qui est causée par les poids lourds. Nous avons discuté avec les gens du secteur du camionnage, et la quantité de pollution est énorme.

M. Wiebe : C'est sûr.

Le sénateur Johnson : Recommanderiez-vous au comité de faire en sorte qu'une modification soit apportée à la réglementation relative au biodiesel afin d'accroître l'efficacité du réseau de transport du Canada?

M. Wiebe : Oui.

Le sénateur Johnson : Par quoi commenceriez-vous?

M. Wiebe : En Europe, et en Allemagne en particulier, il y a des mesures d'incitation fiscales concernant le biodiesel. Là-bas, on utilise un mélange B-25. À l'heure actuelle, nous utilisons un mélange B-5 dans nos camions. Cela signifie que 5 p. 100 de la masse de carburant est composée de bioparticules. En Allemagne, on est arrivé à faire passer cette proportion à 25 p. 100 surtout grâce aux mesures d'incitations fiscales mises en place.

Il y a d'autres coûts. Il faut soit transporter le carburant vers un endroit où on le mélange avec les bioparticules, soit le faire sur place, ce qui nécessite une autre citerne. Il y a des coûts supplémentaires. L'Allemagne est parvenue à compenser ces coûts grâce à des incitatifs fiscaux.

Le sénateur Johnson : N'y a-t-il au Canada aucun règlement concernant l'utilisation du biodiesel par les parcs de camions ou par les entreprises?

M. Wiebe : Il n'y a rien qui oblige les entreprises de transport à utiliser le biodiesel. Il n'y a pas d'allégement fiscal. À l'heure actuelle, il n'y a que peu d'incitatifs économiques à l'utilisation du biodiesel. Il y a beaucoup de projets; cependant, rien de concret n'a été mis en place jusqu'à maintenant.

Le sénateur Johnson : Y a-t-il d'autres modifications des politiques ou de la réglementation que vous recommanderiez, dans le domaine de l'environnement ou dans un autre domaine?

M. Wiebe : Rien que je n'ai pas mentionné dans notre rapport.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais avoir une précision au sujet de ce chiffre de 51 p. 100 que vous avez cité. Est-ce que c'est 51 p. 100 du kilométrage de vos camions ou 51 p. 100 des camions qui fonctionnent avec 5 p. 100 du biodiesel?

M. Wiebe : C'est 51 p. 100 de nos camions. Si nous avions 100 camions, il y en aurait 51 qui utiliseraient le biodiesel.

Le sénateur Tkachuk : Ce n'est pas donc pas 51 p. 100 du kilométrage?

M. Wiebe : Non, ce n'est pas le cas. Le chiffre serait un peu plus petit.

Le sénateur Tkachuk : Parce qu'il s'agit surtout de camions qui font des livraisons locales, et pas nécessairement de ceux qui roulent sur les routes, vu l'accès difficile au carburant?

M. Wiebe : Exactement. Nous avons recours à un système d'accès par carte, et ce système ne nous permet pas d'obtenir du biodiesel sur les longs trajets.

Le sénateur Eyton : Vous parlez surtout de Vancouver et de Halifax. Je pensais que ça allait dépasser cela. Vous avez répondu à une question au sujet de Montréal. J'aurais pensé que vous auriez envisagé d'autres solutions pour rendre un système national plus concurrentiel et pour répondre à des besoins nationaux.

Plus précisément, je veux savoir si vous avez envisagé de passer par le port de Prince Rupert ou si vous avez déjà utilisé ce port? C'est en gros un port à conteneurs tout neuf qui est desservi par le chemin de fer et qui est sous-utilisé. Il me semble que la possibilité d'utiliser ce port est là.

Pouvez-vous me dire pourquoi vous n'avez parlé pratiquement que de Vancouver, sur la côte Ouest, et seulement de Halifax, sur la côte Est?

M. Wiebe : Est-ce que ce que vous voulez savoir, c'est pourquoi nous n'avons pas utilisé le port de Prince Rupert?

Le sénateur Eyton : Oui, et d'autres ports.

M. Wiebe : Nous entretenons une relation particulière avec un transporteur maritime. Evergreen Shipping Agency s'occupe de 60 à 65 p. 100 de notre marchandise. L'entreprise n'a pas été en mesure de conclure un marché avec le CN pour établir la correspondance de Prince Rupert à Toronto et de Prince Rupert à Montréal. Nous avons continué de faire affaire avec ce transporteur, et il a choisi d'utiliser le port de Vancouver pour l'instant.

Le sénateur Eyton : Est-ce que Evergreen est une entreprise entièrement indépendante de Loblaws?

M. Wiebe : Oui. Rien ne nous empêche de faire affaires avec un transporteur à Prince Rupert.

Le sénateur Eyton : Et rien n'empêche Evergreen de passer par Prince Rupert?

M. Wiebe : Non. D'abord, pour mettre les choses en contexte, il y a un arrivage par semaine à Prince Rupert, en ce moment. D'après ce que j'ai compris, les espaces sont réservés par des détaillants américains. Nous n'avons pas insisté pour obtenir des espaces à Prince Rupert. Nous pourrions en faire plus.

Une chose qui, pour moi, pose problème, c'est que, lorsque le port de Prince Rupert est devenu une option viable, l'unité de négociation collective aurait pu être divisée, de façon que l'ILWU négocie de façon indépendante du port de Vancouver. On a choisi de ne pas faire cela. Lorsqu'un conflit de travail surviendra à l'ILWU, nous allons être confronté au même problème à Prince Rupert et à Vancouver. Je ne sais pas pourquoi on a fait les choses ainsi. Le risque relatif à la main-d'œuvre ne s'en trouve pas atténué. Si un problème quelconque survient par rapport à la main- d'œuvre, cela va poser problème.

L'autre préoccupation que j'ai au sujet du port de Prince Rupert, c'est qu'il n'est desservi que par une seule ligne de chemin de fer. Toutes les choses dont j'ai parlé déjà en ce qui concerne les points sensibles et les vaches sacrées sont doublement préoccupantes à Prince Rupert. Si cette ligne est fermée, je n'ai aucune idée du moyen de la contourner. Ce serait difficile d'utiliser la route. Il n'y a qu'une seule route et qu'une seule ligne de chemin de fer. Jusqu'à Prince George et Edmonton, il y a un risque élevé qu'il y ait un problème touchant cette ligne. En ce moment, il n'y a pas de problème, parce qu'il n'y a qu'un train par semaine.

Le sénateur Eyton : C'est pour cette raison que j'aurais pensé que vous aimeriez passer à la fois par Vancouver et par Prince Rupert, pour profiter de ce choix.

M. Wiebe : Nous allons examiner cette possibilité dans l'avenir.

Le sénateur Eyton : Pour ce qui est de Evergreen, pour répondre à certains de vos besoins en matière de transport, passez-vous des marchés avec Evergreen, qui prend dans ce cas-là les commandes et les décisions relatives au transport, ou vous en occupez-vous vous-même directement?

M. Wiebe : C'est nous qui prenons les décisions relatives au transport.

Le sénateur Eyton : Est-ce que c'est un service que l'entreprise offre?

M. Wiebe : Oui.

Le sénateur Eyton : Nous parlons du besoin de changement. J'ai une autre question à poser ensuite. Il faut planifier des changements. Je connais suffisamment bien le commerce au détail pour savoir que les cycles de planification ou les cycles économiques sont assez longs. Habituellement, pour ce qui est du volet marketing, ils durent plus d'un an. À ce moment-là, on met tous les éléments ensemble, et on connaît la clientèle et les volumes, le genre de produits et les échéances. On a toutes ces données.

Cela dit, de quoi a l'air le cycle dans votre partie de l'entreprise? À un moment donné, les gens du marketing vous disent ce qu'ils veulent et où ils le veulent. Quel genre d'avance avez-vous? Je suppose que vous êtes quelques mois en retard sur eux. Quel est votre cycle de planification?

M. Wiebe : Dans notre cycle de planification, nous sommes huit semaines en retard sur le plan de marketing.

Le sénateur Eyton : Vous prévoyez les besoins huit ou neuf mois à l'avance, n'est-ce pas?

M. Wiebe : Je pense que c'est grosso modo six mois. Si nous décidons, disons, de passer par le port de Halifax ou le port de New York, il y a une différence au chapitre du temps de transport. Nous avons une « date d'échéance », qui est une date que nous devons respecter ou à laquelle la marchandise doit être au pays. Pour respecter cette date, il se peut que nous ayons à quitter le port plus tôt. C'est la raison pour laquelle nous devons faire savoir au fabricant que nous avons besoin de la marchandise non pas le 14 juin, mais bien le 1er juin, parce que le temps de transport vers un port en particulier peut prendre 14 jours de plus.

Le sénateur Eyton : Dans quel environnement concurrentiel évoluez-vous? Vous devez faire en sorte que des produits passent d'un point A à un point B. D'après ce que je comprends, vous avez l'habitude d'avoir recours à Evergreen et à des transporteurs avec qui vous avez établi des relations particulières.

Êtes-vous satisfait du milieu concurrentiel dans lequel vous évoluez, ou pour ce qui est des choix qui s'offrent à vous? Vous devez choisir le port de destination et, par la suite, choisir de transporter vos marchandises par train ou par camion. Compte tenu de ces facteurs, est-ce que le milieu est concurrentiel?

M. Wiebe : Les transporteurs maritimes le sont, oui.

Le sénateur Eyton : Quels sont les choix qui s'offrent à vous au moment où vous déterminez que des produits doivent être expédiés du point A au point B? Vous devez choisir le port de destination, puis choisir de faire transporter la marchandise par train ou par camion, ou probablement de la faire transporter des deux façons. Quelle est la nature du milieu concurrentiel, et quelles sont les tendances?

M. Wiebe : Pour ce qui est du camionnage, il y a eu une consolidation du secteur qui s'est faite progressivement. Il y a toujours de moins en moins de chauffeurs. Il y a des entreprises comme TransForce qui font l'acquisition d'entreprises de transport routier et qui les fusionnent. D'autres, comme Armour Transportation Systems, font du bon travail dans leur région et rachètent des entreprises de camionnage plus petites dans l'Atlantique. Il y a eu une certaine consolidation.

Du point de vue du choix, je dirais que ça dépend un peu de la région. Dans l'Atlantique, il y a moins de choix qui s'offrent à nous. Midland, Day & Ross et Armour Transportation sont les principaux transporteurs. Day & Ross, c'est McCain, Midland, c'est Irving, ce qui ne laisse que Armour Transportation comme transporteur indépendant. Dans l'Ouest et en Ontario, il y a beaucoup de choix. À l'exception de une ou deux régions, surtout la région de l'Atlantique, je suis heureux des choix que nous avons, même si nous avons assisté à une consolidation du secteur au cours des cinq ou six dernières années.

Il y a également eu consolidation du côté des transporteurs maritimes. Il n'y a pas de problème à choisir un autre transporteur, que ce soit Hyundai America Shipping, Evergreen ou Yang Ming. Nous avons énormément de choix. Ainsi, ce volet des affaires est très concurrentiel.

J'ai gardé le transport ferroviaire pour la fin. Dans ce domaine, il n'y a aucun choix. Il n'y a que deux sociétés ferroviaires avec qui faire affaire au pays : nous devons faire affaire avec le Canadien National ou avec le Canadien Pacifique. Est-ce que je suis heureux qu'il en soit ainsi? Non. J'aimerais mieux avoir trois ou quatre choix.

Le sénateur Eyton : Est-ce que les deux sociétés ferroviaires sont en concurrence, aujourd'hui?

M. Wiebe : Oui. Le fait qu'elles aient des contraintes, sur le plan de la capacité, ou qu'elles commencent à en avoir, a pour effet de commencer à limiter nos choix, puisque nous expédions beaucoup de marchandises par train. Je ne dirais pas que nous avons été notre pire ennemi, mais nous avons fait des choses qui ont limité notre capacité d'exercer une influence sur les sociétés ferroviaires. Nous partageons les installations avec le CP à certains endroits. Si nous décidions de faire affaire avec le CN, il y aura un certain malaise qui viendrait du fait de sortir un conteneur du CN d'une cour de triage du CP. Nous aurions probablement pu mieux gérer cette situation dans le passé.

Je ne suis pas particulièrement heureux du manque de compétition dans le secteur ferroviaire.

Le sénateur Eyton : Est-ce que les prix ont monté, en général?

M. Wiebe : Oui.

Le sénateur Eyton : Pour les trois modes de transport?

M. Wiebe : Les tensions sur les prix touchent surtout le carburant, en ce qui a trait au transport routier. Je suis sûr que tout le monde a été témoin de cela. Nous avons vu les prix monter à cet égard.

Il y a aussi eu une certaine baisse de prix. Les moteurs, les remorques et les pneus coûtent moins cher, parce qu'ils viennent surtout des États-Unis. Il y a donc eu une diminution du côté des immobilisations.

Pour ce qui est des chauffeurs, il y a une pression. Lorsqu'il n'y a pas suffisamment de main-d'œuvre dans un domaine, les salaires finissent par augmenter. Les coûts ont augmenté dans le transport routier, et ils ont augmenté aussi dans le transport ferroviaire. Les coûts liés au transport au pays de la marchandise provenant de l'étranger ont augmenté.

Le sénateur Eyton : J'ai une autre question.

Le président : Il nous reste deux minutes. Le sénateur Mercer voulait poser une question complémentaire.

Le sénateur Eyton : Grosso modo, vous divisez le pays en trois régions équivalentes — l'Ouest, le Centre et l'Est — dans votre sixième ou septième tableau concernant l'avenir des transports. Il y a ensuite la ligne blanche qui représente le système national. D'après ce que je comprends, cela n'a rien à voir avec le marché ou la destination. Les régions où vos ventes sont les plus importantes sont de loin l'Ontario et le Québec.

M. Wiebe : Tout à fait, oui.

Le sénateur Eyton : Cela donne une fausse image, dans un sens.

M. Wiebe : Je suis désolé. Je commence habituellement par dire que cette diapo n'est qu'une façon de représenter visuellement la situation. La vaste majorité de l'activité dans le secteur du transport a lieu à l'intérieur du cercle bleu.

Le sénateur Eyton : Ce qui nous préoccupe, c'est la meilleure façon d'accommoder la circulation des marchandises là où les volumes sont les plus importants, c'est-à-dire presque toujours en Ontario et au Québec. La marchandise arrive de Vancouver. Le transport est donc en fait transcontinental.

M. Wiebe : J'insiste habituellement de façon toute particulière sur la ligne blanche. La chose tient en partie à la nature de notre entreprise. En général, on planifie en même temps les transports en Colombie-Britannique et en Alberta, parce que nous avons deux grands centres de distribution dans ces provinces. Tout ce qui est transporté vers d'autres régions du Canada est planifié de façon distincte.

La situation découle en partie aussi des outils technologiques auxquels nous avons accès. Nous devons effectuer plusieurs séances de planification différentes, parce que le système doit analyser de grandes quantités de données pour établir les trajets.

Le sénateur Mercer : J'aimerais revenir sur la question du port de Halifax. Essayez-vous de faire passer davantage de vos marchandises par le port de Halifax? Avez-vous insisté sur la stabilité de la main-d'œuvre de ce port auprès des transporteurs maritimes et des autres intervenants? En d'autres termes, avez-vous insisté sur le fait qu'il n'y a pas eu d'arrêt de travail dans le port de Halifax depuis les années 1970? Il semble qu'il y en a chaque année sur la côte Ouest. Est-ce que cela vous a aidé à convaincre d'autres intervenants d'embarquer?

M. Wiebe : Oui. Je pense que cette réputation, ainsi que l'expérience, sont les vrais facteurs qui font que les détaillants canadiens tentent de faire passer davantage de marchandises par le port de Halifax.

Le président : Au nom du comité sénatorial, je vous remercie tous les deux d'être venus témoigner et de nous avoir parlé des problèmes liés aux transports et aux conteneurs qui touchent Loblaw. Merci de vos recommandations.

C'est la fin de la réunion. Mercredi prochain, nous allons examiner l'ébauche d'un rapport.

La séance est levée.


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