Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 1 - Témoignages du 3 mars 2009
OTTAWA, le mardi 3 mars 2009
Le Comité permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 10 h 1 pour examiner les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada et en faire rapport.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je souhaite à tous les membres, nouveaux et anciens, la bienvenue à notre première réunion de cette session où nous accueillerons des témoins.
Nous comptons parmi nous ce matin, à ma gauche, vice-président très compétent, le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, puis le sénateur Brazeau du Québec, le sénateur Lang du Yukon, le sénateur Hubley de l'Île-du-Prince-Édouard, le sénateur Brown de l'Alberta, le sénateur Nancy Greene Raine de la Colombie-Britannique, le sénateur Peterson de la Saskatchewan et, enfin, le sénateur Dyck, également de la Saskatchewan.
Chers collègues, la séance d'information d'aujourd'hui portera sur le portrait démographique, économique et social des peuples autochtones au Canada. Nous avons parmi nous quatre témoins qui nous éclaireront sur le sujet et je les remercie de leur présence. Deux des témoins viennent de Statistique Canada : Mme Jane Badets, directrice de la Statistique sociale et autochtone, et Mme Cathy Connors, directrice adjointe de la Statistique sociale et autochtone.
[Français]
Nous souhaitons la bienvenue aux autres témoins du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien : M. Éric Guimond, gestionnaire principal de la recherche et M. Andrew Beynon, directeur général, Direction de la recherche.
Après le breffage, les sénateurs auront l'occasion de poser des questions aux témoins.
[Traduction]
Honorables sénateurs, vous aurez la possibilité de poser des questions aux témoins que nous accueillons aujourd'hui. Je demande maintenant aux témoins de présenter leurs exposés.
Jane Badets, directrice, Statistique sociale et autochtone, Statistique Canada : Je remercie le président et les membres du comité d'avoir invité Statistique Canada à présenter un exposé aujourd'hui. Nous serons heureuses de répondre à vos questions à la fin de l'exposé.
Au cours de la dernière année, nous avons publié de nouvelles données sur la situation des peuples autochtones au Canada. Certaines de ces données proviennent du recensement de 2006. En outre, nous avons mené deux enquêtes auprès des autochtones, à savoir l'Enquête sur les enfants autochtones et l'Enquête auprès des peuples autochtones, dont nous avons récemment publié les résultats. Je vais donc vous présenter certains chiffres tirés des enquêtes. Même avec tout le temps qui nous est alloué, nous ne pourrons pas vous communiquer les très nombreux renseignements obtenus. Alors je vais essayer d'être brève et de vous éclairer tout au long de la présentation des diapositives.
Je commence par la diapositive 3 et je vais vous expliquer notre définition de la population autochtone. Statistique Canada a établi quatre concepts d'identification des peuples autochtones. Ces concepts sont fondés sur les questions précises posées par le questionnaire du recensement et dans nos enquêtes concernant les autochtones. Parmi ces concepts, notons l'ascendance autochtone et l'identité autochtone. En fait, dans le questionnaire, nous demandons si une personne est un Indien inscrit ou visé par un traité, selon les termes de la Loi sur les Indiens du Canada, si une personne est membre d'une bande indienne ou d'une Première nation.
L'exposé d'aujourd'hui portera principalement sur l'identité autochtone. Ce concept vise les personnes qui se déclarent Autochtones et sont des Indiens inscrits ou membres d'une bande autochtone ou d'une Première nation. Nous fournissons donc des éléments de base et les utilisateurs des données peuvent utiliser ces différents concepts ou une combinaison des concepts, selon leurs besoins en matière d'information ou les besoins des programmes.
En m'appuyant sur les tendances en matière de données, je vais vous livrer un aperçu de ce que les recensements nous révèlent au fil du temps et je m'attarderai un peu aux enquêtes menées.
Vous constaterez, à la diapositive 4, qu'en 2006, 1,2 million de personnes ont signalé leur identité autochtone comparativement à 1,7 million de personnes qui ont déclaré leur ascendance autochtone.
De plus, au fil des ans, on note une augmentation constante du nombre de personnes qui déclarent leur ascendance autochtone ou leur identité autochtone dans le cadre du recensement. Les augmentations des dernières années peuvent être attribuables à des facteurs démographiques comme un taux de natalité plus élevé, ou à d'autres facteurs. Par exemple, il est possible qu'un plus grand nombre de personnes décident de s'auto-identifier comme Autochtones dans le questionnaire du recensement.
Nous reconnaissons que la population autochtone est diversifiée et que les conditions qui la caractérisent varient selon les régions et les groupes. Dans cet exposé, nous fournirons, dans la mesure du possible, des renseignements sur les groupes qui composent cette population et, plus particulièrement, sur les Premières nations, les Métis et les Inuits.
La diapositive 5 montre la croissance des différents groupes autochtones entre le recensement de 2001 et celui de 2006. Parmi les trois groupes autochtones, on note qu'entre 2001 et 2006, l'augmentation de population la plus marquée est celle des Métis, dont le taux de croissance est de 33 p. 100. On peut attribuer aux facteurs démographiques l'augmentation du nombre de Métis, mais cette augmentation est plus vraisemblablement due au nombre accru de personnes qui se sont déclarées Métis dans le recensement.
Le deuxième taux de croissance le plus élevé est celui des Premières nations, ou Indiens de l'Amérique du Nord, un groupe dont les membres ne sont pas déclarés Indiens inscrits. Ce groupe a augmenté de 28 p. 100. Comparativement, la population non autochtone a augmenté à un taux bien plus faible pendant cette période de cinq ans.
Du point de vue de la taille réelle de la population ou du nombre d'habitants, les peuples des Premières nations ou les Indiens de l'Amérique du Nord constituent le groupe le plus important, suivi des Métis et des Inuits.
Dans les trois prochaines diapositives, je préciserai où se situaient les différents groupes, à savoir où ils vivaient au moment du recensement. La diapositive 6 montre que la plupart des membres des Premières nations vivaient en Ontario et dans l'Ouest du pays. Toutefois, ils représentaient tout au plus 3 p. 100 de la population en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique.
Quant à la diapositive 7, elle montre que, tout comme les peuples des Premières nations, la plupart des personnes qui s'identifient comme Métis vivaient dans l'Ouest et en Ontario. Comme le montre le graphique, le plus grand nombre de Métis se trouvaient, dans l'ordre, en Alberta, en Ontario et au Manitoba.
Enfin, la diapositive 8 montre que plus des trois quarts, soit 78 p. 100, de la population inuite vivaient dans l'une des quatre régions du territoire appelé Inuit Nunaat. Cette expression inuktitut signifie « patrie des Inuits », et désigne un territoire qui s'étend du Labrador jusqu'aux Territoires du Nord-Ouest.
Si on regarde la structure démographique présentée à la diapositive 9, nous constatons que la population autochtone est beaucoup plus jeune que la population non autochtone. En effet, près de la moitié de tous les autochtones ont moins de 25 ans, comparativement à environ un tiers de la population non autochtone. Les traits bleus représentent la structure d'âge de la population autochtone et vous pouvez constater que les plus hauts pourcentages se situent au niveau des enfants et des jeunes. Les lignes noires représentent la population non autochtone, dont les pourcentages se concentrent davantage chez les adultes.
La diapositive 10 fait état des données du recensement concernant les études. En effet, à partir du recensement, nous avons pu réunir de l'information sur les niveaux de scolarité. Le graphique fournit un aperçu de certains niveaux de scolarité dans l'ensemble de la population autochtone âgée de 25 à 64 ans. On constate un écart considérable entre la proportion d'Autochtones et de non-Autochtones qui possèdent un grade universitaire, soit 8 p. 100 par rapport à 23 p. 100. Environ le tiers des autochtones âgés de 25 à 64 ans ne possèdent pas de diplôme d'études secondaires comparativement à 15 p. 100 pour les non-Autochtones. Par ailleurs, une proportion légèrement supérieure d'Autochtones possèdent un certificat ou un diplôme d'apprentissage ou de métier, comparativement à la population non autochtone. On peut également examiner ces chiffres pour chacun des groupes particuliers.
La diapositive 11 dresse un portrait de la situation d'emploi au moment du recensement de 2006. On y constate une faible augmentation du taux d'emploi pour tous les groupes autochtones. Cependant, on constate un écart entre ce taux d'emploi et celui des non-Autochtones. En outre, les Premières nations dans les réserves et les Inuits affichent les taux d'emploi les plus bas tant en 2001 qu'en 2006, comparativement aux autres groupes autochtones et à la population non autochtone.
Voilà le portrait que nous brosse le recensement. Je vais maintenant aborder les enquêtes sur les autochtones, plus particulièrement, l'Enquête sur les enfants autochtones et l'Enquête auprès des peuples autochtones.
La diapositive 13 présente des renseignements concernant l'Enquête sur les enfants autochtones qui a été menée à la suite du recensement de 2006. Jusqu'ici, nous disposions de peu de données au sujet de la santé et du développement des enfants autochtones de moins de six ans et l'enquête devait servir à combler cette lacune. L'enquête visait principalement les enfants vivant hors réserve et dans le Nord, mais on y a inclus les enfants vivant dans certaines communautés des Premières nations au Québec et dans les Territoires.
La diapositive 14 donne une vue d'ensemble de l'Enquête auprès des peuples autochtones, menée en même temps que l'Enquête sur les enfants autochtones, immédiatement après le recensement de 2006. L'Enquête auprès des peuples autochtones fournit des données approfondies sur les enfants inuits, métis et des Premières nations vivant hors des réserves et âgés de 6 à 14 ans, de même que sur les personnes des mêmes groupes âgées de 15 ans et plus, et vivant dans les régions urbaines, rurales et nordiques, à l'échelle du Canada.
Ce que vous voyez donne un aperçu de ces deux enquêtes. Je vais maintenant vous présenter certains résultats concernant les enfants autochtones, à commencer par la diapositive 15. Que nous apprennent ces deux enquêtes au sujet des enfants autochtones?
La diapositive 16 montre que, à la lumière du recensement, nous avons appris que les jeunes enfants — de six ans et moins — métis, inuits ou issus des Premières nations vivant hors des réserves grandissent dans des familles qui sont différentes, à bien des égards, des familles non autochtones. Les jeunes enfants autochtones sont plus susceptibles que ne le sont des enfants non autochtones d'avoir des parents jeunes, de faire partie d'une grande famille, d'appartenir à une famille monoparentale et de vivre avec des grands-parents. Vous pouvez voir, sur la diapositive, quelques-unes des données qui confirment chacun de ces énoncés.
À la diapositive 17, nous pouvons voir que dans l'Enquête sur les enfants autochtones, on a demandé aux parents comment l'enfant passe son temps avec diverses personnes présentes dans sa vie. Nous voyons que les jeunes enfants issus de Premières nations vivant hors des réserves passent régulièrement du temps non seulement avec leur famille immédiate, par exemple avec leurs parents, mais aussi avec des membres de la famille élargie et de la communauté, entre autres les aînés. Il convient de noter que 68 p. 100 de ces jeunes enfants vivant hors des réserves passent du temps avec leurs grands-parents toutes les semaines, tendance qui a également été observée parmi les jeunes enfants métis.
La diapositive 18 montre les mêmes résultats pour les jeunes enfants inuits. Ici encore, il est clair que les enfants inuits passent du temps avec un réseau de personnes constitué de membres de la famille, de la famille élargie et de la communauté. Environ 7 enfants inuits sur 10 recevaient également une attention particulière de la part de grands- parents, tantes, oncles et cousins, au moins une fois par semaine. Nous avons tracé des lignes qui illustrent cet aspect. Ces caractéristiques se manifestaient dans des proportions plus élevées que ce n'était le cas pour les jeunes enfants métis et les jeunes enfants des Premières nations vivants hors des réserves.
Passons maintenant à un autre aspect de l'enquête, à la diapositive 19, concernant les parents de jeunes enfants des Premières nations vivant hors des réserves; on a demandé à ces parents leurs impressions concernant leur communauté, en tant que lieu où élever des enfants, à un certain nombre d'égards, comme le montre la diapositive. Le tableau montre que, de manière générale, les jeunes enfants issus de Premières nations vivant hors des réserves ont des parents qui se disent satisfaits à bien des égards de leur communauté en tant que lieu où élever des enfants, mais qu'ils le sont moins pour ce qui est de l'accès à des activités de promotion de la culture et des valeurs traditionnelles autochtones. Nous avons observé des tendances similaires, lorsque nous avons interrogé les parents métis.
La diapositive 20 montre les résultats concernant les Inuits. Nous avons examiné ces données sous deux angles, celui des personnes qui vivaient dans la patrie des Inuits, l'Inuit Nunaat, et celui des personnes vivant à l'extérieur de ce territoire. Nous voyons que les notes accordées au titre des installations communautaires sont plus élevées de la part des personnes qui vivaient à l'extérieur de L'Inuit Nunaat. La seule caractéristique n'ayant pas reçu des notes plus élevées était celle des activités culturelles autochtones, qui a été notée de façon plus élevée par les personnes vivant dans l'Inuit Nunaat. Ceci nous donne un aperçu de quelques-uns des aspects qui ressortent de l'Enquête sur les enfants autochtones.
La diapositive 21 concerne l'Enquête sur les peuples autochtones, et traite de l'expérience scolaire des enfants âgés de 6 à 14 ans issus des Premières nations vivant hors des réserves. Nous avons récemment rendu ces données publiques, à la suite de l'enquête.
À la diapositive 22, vous pouvez voir que dans l'Enquête auprès des peuples autochtones, on a demandé aux parents d'enfants âgés de 6 à 14 ans issus des Premières nations et vivant hors des réserves de dire comment va leur enfant à l'école, d'après ce qu'ils savent de son travail scolaire, ou d'après son bulletin, par exemple. En 2006, 7 enfants sur 10 âgés entre 6 et 14 ans provenant des Premières nations vivant hors des réserves étaient considérés par leurs parents comme réussissant très bien ou bien à l'école, d'après ce qu'ils savaient du travail scolaire de leur enfant. Ce résultat était similaire à celui qui a été observé dans d'autres enquêtes auprès d'enfants âgés de 6 à 14 ans, dans l'ensemble de la population canadienne.
À la diapositive 23, on trouve les facteurs associés à la réussite scolaire chez les enfants des Premières nations vivant hors réserve. Ces facteurs ont été déterminés en tenant compte du sexe et de l'âge. L'étude a permis de cerner des facteurs associés au fait de bien réussir à l'école, comme, par exemple : bien s'entendre avec les enseignants ou les camarades de classe, avoir des parents qui étaient tout à fait satisfaits des pratiques de l'école, lire des livres chaque jour, et ainsi de suite.
Nous nous sommes aussi penchés sur les facteurs associés au fait de moins bien réussir à l'école, qui sont indiqués dans le bas de la diapositive. Il s'agit du fait d'avoir manqué l'école pendant deux semaines de suite ou plus au cours de l'année scolaire, d'avoir reçu un diagnostic de trouble d'apprentissage ou de trouble déficitaire de l'attention ou d'avoir des parents qui ont fréquenté un pensionnat indien.
Pour finir, nous avons l'Enquête auprès des peuples autochtones, au cours de laquelle nous nous sommes penchés sur la santé, particulièrement celle des Métis et des Inuits. Je vais vous donner quelques résultats significatifs à ce sujet avant de conclure.
À la diapositive 25, on a demandé aux personnes interrogées d'évaluer leur santé sur une échelle de cinq niveaux, d'excellente à mauvaise. C'est une question typique que nous utilisons dans bien des enquêtes sur la santé à Statistique Canada. En 2006, parmi les Métis âgés de 15 ans et plus, près de 6 sur 10, ou 58 p. 100, ont indiqué que leur santé était excellente ou très bonne, la même proportion qu'en 2001. Par comparaison, 62 p. 100 de la population du Canada considèrent être en excellente ou en très bonne santé.
À la diapositive 26, on voit qu'en 2006, à peine plus de la moitié de la population métisse âgée de 15 ans et plus, soit 54 p. 100, a déclaré souffrir d'un problème de santé chronique, environ la même proportion qu'en 2001. Les problèmes de santé chroniques les plus fréquents chez les Métis d'âge adulte sont l'arthrite ou les rhumatismes, l'hypertension et l'asthme. Dans les trois cas, les taux chez les Métis étaient plus élevés que les taux obtenus pour l'ensemble de la population, une fois l'étalonnage fait ou les différences d'âge pris en compte.
Pour terminer sur ce point, on trouve à la diapositive 27 l'utilisation des soins de santé par les Métis. Les Métis âgés de 15 ans et plus étaient légèrement moins susceptibles que la population totale du Canada d'avoir consulté un médecin de famille au cours des 12 derniers mois.
Je veux maintenant parler de la santé et des problèmes de santé chroniques des Inuits, ce qui correspond aux diapositives 28 et 29. On peut voir le pourcentage d'Inuits et de la population totale âgés de 15 ans et plus qui ont déclaré être en excellente ou en très bonne santé. Les résultats sont similaires à ceux obtenus pour les Métis. Dans tous les groupes d'âge, la proportion d'Inuits qui ont indiqué être en excellente ou en très bonne santé est plus faible comparativement aux résultats obtenus pour l'ensemble de la population. En 2006, environ 50 p. 100 des Inuits d'âge adulte ont indiqué que leur santé était excellente ou très bonne.
Du côté des problèmes de santé chroniques diagnostiqués chez les Inuits, à la diapositive 30, les problèmes les plus fréquents sont l'arthrite et l'hypertension. Après avoir tenu compte des différences dans les structures par âge, on a déterminé que ces taux étaient à peu près les mêmes que ceux obtenus pour la population totale du Canada.
La diapositive 31 porte sur le contact avec la profession médicale, les médecins. Les Inuits étaient moins susceptibles que d'autres d'avoir été en contact avec un médecin, ce qui est vrai pour tous les Inuits de tous les groupes d'âge. Peu de communautés inuites ont un médecin résidant. Le premier point de contact avec le système de santé est souvent un infirmier. Les Inuits qui doivent consulter un médecin sont habituellement amenés par avion dans un grand centre pour y être traités.
Vous avez donc une vue d'ensemble des différents aspects et des résultats obtenus pour la population autochtone à partir de ces sources de données. La dernière diapositive vous donne des liens vers d'autres sources qui contiennent des analyses et des données supplémentaires. Ainsi s'achève mon exposé.
Le président : Merci, madame Badets. Passons maintenant au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le MAINC. Je crois, chers collègues, que vous avez devant vous un document contenant des renseignements que M. Guimond va nous présenter. J'espère que nous aurons le temps de poser des questions. Nous devons avoir quitté cette salle à une heure bien précise. Pour ceux qui ne le savaient pas, notre réunion est télévisée.
[Français]
Éric Guimond, gestionnaire principal de la recherche, Affaires indiennes et du Nord Canada : Monsieur le président, je vous remercie pour cette invitation à venir vous rencontrer pour parler de démographie.
[Traduction]
Mon collègue et moi avons préparé pour vous deux présentations. La première, dont je vais vous parler, s'appelle « points saillants », la deuxième est une version longue contenant beaucoup plus d'information.
La première diapositive est un aperçu général. J'aimerais souligner les points dont je vais parler ce matin. Je parlerai d'abord des définitions, qui mettent en relief les points déjà soulevés par Mme Badets. Je me concentrerai surtout sur la croissance de la population et certains indices de bien-être que nous avons mis au point au service de recherche et d'analyse stratégique d'AINC.
Passons à la diapositive suivante, à la page 3. À AINC, nous avons utilisé sensiblement le même compte total de population autochtone pour 2006, soit près de 1,2 million de personnes. Toutefois, la ventilation est quelque peu différente des chiffres publiés par Statistique Canada en janvier de l'année dernière.
Nous mettons davantage l'accent sur les trois éléments clés formant le concept d'identité, ce qui nous donne quatre groupes de peuples autochtones : les Indiens inscrits, qui étaient environ 624 000 en 2006; les Métis, au nombre de 355 000; les Indiens sans statut; les Inuits; et les autres Autochtones, ce groupe étant constitué de personnes ayant déclaré plus d'une identité autochtone ou une appartenance à une bande (Première nation).
Pour ceux qui préfèrent les chiffres, vous remarquerez que certains chiffres, notamment chez les Inuits et chez les Métis, par exemple, sont légèrement inférieurs à ce qui avait été publié il y a un an. Cette différence est en partie attribuable aux personnes qui déclarent leur appartenance à un groupe autochtone autre que les Premières nations et qui sont inscrites comme Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens. En utilisant cette définition bien précise, on évite de compter deux fois la même personne.
Les problèmes de définition ne devraient pas être pris à la légère, puisqu'ils influencent la façon dont nous analysons les données. Si je prends l'ensemble des autochtones et que je regarde dans quelle région ils vivent, comme le montre la diapositive suivante, j'arriverai à un résultat qui ne sera pas le même si j'analyse chaque groupe séparément. C'est malheureusement une erreur que font souvent les personnes qui analysent à la hâte les résultats dès leur parution; Statistique Canada tente de décourager cette pratique, tout comme nous.
À la diapositive qui suit, vous remarquerez les grandes différences dans la répartition géographique des autochtones selon leur groupe pour l'année 2006. Environ la moitié de la population indienne inscrite habite dans les réserves. Toutefois, la majorité des Indiens sans statut et des Métis résident dans les villes — que l'on appelle ici « urbain hors RMR », ou hors région métropolitaine de recensement — ou urbain RMR. Les Inuits sont surtout localisés dans les communautés rurales du Nord. De plus, il n'est pas étonnant de constater que la population non autochtone vit majoritairement dans les villes. En regardant ce graphique, vous remarquez immédiatement que la population non autochtone ainsi que les Indiens sans statut et les Métis vivent sensiblement dans le même type d'endroit. Cependant, ce n'est pas le cas pour les Indiens inscrits et pour la population inuite. Je tiens à répéter que la définition est un facteur important à considérer dans l'analyse des données, tout comme la spécificité du groupe. Si vous mettez tout le monde dans le même panier, vous perdez cette spécificité.
La prochaine diapositive montre deux éléments de l'accroissement annuel de la population pendant une période de recensement donnée. La colonne bleue située à gauche du graphique indique environ 2,8 p. 100 d'Indiens inscrits entre 1996 et 2001. Il s'agit là de l'accroissement de la population durant cette période. Un coup d'œil rapide à l'ensemble du graphique nous permet de constater que cette croissance varie de façon significative d'un groupe à l'autre et d'une période à l'autre. Peu de gens, à part les démographes — et j'en suis un — sont à même d'apprécier la vitesse à laquelle le taux de croissance a augmenté. C'est pourquoi nous avons ajouté la ligne bleue horizontale qui se trouve au centre du graphique, à 5,5 p. 100. Elle représente le maximum d'accroissement naturel. En théorie, ces populations ne devraient augmenter que par le nombre de naissances, car l'immigration n'est pas possible. Le maximum d'accroissement naturel au Canada pour ces populations devrait être aux alentours de 5,5 p. 100. Or, les Métis dépassent ce 5,5 p. 100. Ce pourcentage de 5,5 équivaut à environ 10 naissances, ce qui est loin de refléter la réalité des groupes autochtones. Cette population double tous les 13 ans et est 200 fois plus grande qu'il y a 100 ans. Cela vous donne une idée de l'explosion démographique que ces groupes ont connue, en particulier les Métis. Dans les villes, la croissance se fait encore plus vite. On observe la même tendance dans l'ensemble du groupe, mais elle y est beaucoup plus prononcée que ce que l'on observe chez les Premières nations et les communautés inuites.
Il ne s'agit pas d'une hausse naturelle — cette hausse ne s'explique pas par les naissances. Ce n'est pas non plus parce que le taux de fécondité est plus élevé chez ces groupes que chez les autres, en particulier dans les villes. Quand on parle de l'accroissement observé dans les villes canadiennes, les gens l'expliquent le plus souvent par la migration issue des communautés de Premières nations, par l'exode. Les données que vous avez devant vous ne couvrent que la période de 2001 à 2006, mais si je pouvais vous présenter les données des recensements depuis 1966, vous constateriez que les communautés de Premières nations ou les réserves se sont élargies en raison des migrations. Leur solde migratoire est positif : il y a plus de personnes qui arrivent dans les réserves qu'il n'y en a qui partent. C'est ainsi depuis 1966. L'hypothèse d'un exode massif des réserves pour expliquer l'explosion démographique des populations autochtones dans les villes canadiennes n'est rien d'autre qu'un mythe. C'est un mythe qui ressurgit chaque fois que des données sont publiées; cette croyance se reflète dans tous les médias. Je ne dis pas que la population autochtone ne connaît aucun mouvement, parce que c'est une population nomade. Toutefois, l'explosion démographique ne s'explique pas par la migration ni par la mobilité.
En fait, la croissance considérable observée parmi la population métisse, en particulier, mais aussi dans une moindre mesure chez la population de Premières nations ne vivant pas dans des réserves, s'explique par un phénomène que l'on appelle, en démographie, la mobilité ethnique, c'est-à-dire des changements d'appartenance ethnique à travers le temps. Une personne peut répondre « Je suis Français » à un recensement, puis répondre « Je suis Métis » ou « Je fais partie d'une Première nation » au recensement suivant. J'ai personnellement analysé des données couvrant la période de 1986 à 2001; il en ressort clairement qu'environ 100 000 Métis en 2001 ne se seraient pas déclarés Métis en 1986. Ils se sont joints à cette population durant cette période. Les chiffres sont un peu moins élevés chez les Indiens, mais ils sont quand même importants — environ 40 000 personnes. Les 100 000 Métis de 2001 représentent 40 p. 100 de la population qui ne s'est pas déclarée métisse au cours des recensements précédents.
Quand je donne des conférences, on me demande souvent pourquoi il en est ainsi. Nous n'avons pas de renseignement précis ni de preuve solide pour répondre avec précision, mais il est possible de conclure qu'il existerait trois facteurs pouvant éventuellement contribuer à ces changements de déclaration.
Le premier est le facteur démographique. Dans les villes, on retrouve beaucoup de couples mixtes. L'enfant d'un membre d'une Première nation et d'une personne qui n'est pas membre d'une Première nation peut être considéré comme un membre d'une Première nation, ne pas l'être, ou être les deux à la fois. Le groupe auquel il déclare appartenir peut changer au fil du temps selon les circonstances. Le mariage entre les groupes est certainement un élément qui contribue à estomper les frontières entre les différents groupes présents dans les villes canadiennes.
Le deuxième est le facteur social. Le nombre d'articles publiés dans les médias à partir du milieu des années 1980 jusqu'au milieu des années 1990 et dans lesquelles on pouvait lire les mots « Autochtones » ou « Première nation » ou « Métis » ou autres, a connu des records au début des années 1990. Cette montée en flèche, déjà intéressante en soi, correspond à la hausse de croissance que l'on peut observer parmi ces populations. À cette époque, nous avions la Commission royale sur les peuples autochtones, et donc les activités sociales ont fait naître, chez les personnes touchées, un désir de faire connaître leur appartenance, une fierté parmi des gens qui, tout à coup, ont eu envie de dire « Hé! Je suis membre d'une Première nation ou Métis ou Inuit ».
Le troisième est le facteur juridique. En 1985, nous avons apporté des modifications à la Loi sur les Indiens, qui ont eu pour conséquence qu'un très grand nombre de personnes, plus de 100 000, la plupart des femmes et des enfants, ont été rétablies dans leurs droits. Cela a aussi entraîné des changements dans la façon de s'identifier dans les recensements et dans les autres enquêtes.
Cela conclut la portion sur l'accroissement de la population. Je vais maintenant passer à la prochaine diapositive, qui porte sur le bien-être.
L'unité où je travaille a emprunté ses méthodes à l'ONU. Depuis longtemps déjà, l'ONU mesure l'indice de développement humain. Elle essaie ainsi d'évaluer le bien-être des pays au cours d'une certaine année ou au fil du temps. Nous avons appliqué cette méthode aux Indiens inscrits. Sur cette diapositive, vous voyez l'indice de développement humain, l'IDH, pour 1996 à 2006. Cet indice est constitué de trois éléments très simples : l'espérance de vie, le revenu par habitant et le niveau d'instruction. Chacun de ces éléments a le même poids sur la note globale, qui varie entre zéro et un.
À voir la diapositive, c'est évident. Tout le monde savait que les indices de bien-être des Indiens inscrits étaient considérablement inférieurs à ceux des autres Canadiens, mais il est toujours judicieux d'étayer ces propos au moyen de chiffres. Ce que certaines personnes ne savaient pas avant que ces mesures soient prises, c'est que la situation s'améliore peu à peu. La diapositive illustre la période de 1996 à 2006 mais des travaux sont en cours depuis 1981, et on constate une amélioration tout au long de cette période de 25 ans. Nous notons qu'entre 1996 et 2006, l'écart entre les deux populations demeure le même. Peu de progrès ont été réalisés à ce niveau.
Je ne vous montrerai pas les détails par région, mais je tiens à souligner que les IDH les plus faibles ont été observés dans les collectivités des Premières nations du Manitoba et de la Saskatchewan.
Pour ce qui est de l'écart entre les sexes, les Indiennes inscrites affichent de meilleurs résultats que les Indiens inscrits, et cet écart s'accentue, ce qui est quelque peu inhabituel compte tenu de la tendance actuelle à l'échelle mondiale.
L'IDH est un indicateur général du bien-être d'une population. La méthodologie que nous avons empruntée aux Nations Unies ne permet pas de mesurer la situation au niveau des collectivités, principalement parce qu'il s'agit de très petits groupes. À partir de cette méthodologie, nous avons élaboré l'indice de bien-être des collectivités, que vous verrez à la prochaine diapositive. Cette diapositive est ce qu'on appelle un histogramme, c'est-à-dire une distribution des collectivités selon leur indice de bien-être. Tout comme l'IDH, l'indice de bien-être communautaire examine le revenu par habitant et le niveau d'instruction, mais non l'espérance de vie car celle-ci est impossible à calculer lorsqu'il s'agit d'une population réduite. Nous l'avons donc remplacée par la situation du logement et l'activité sur le marché du travail, en accordant une fois de plus un poids égal à chaque élément au regard du résultat global, qui se situe entre zéro et un.
Cette diapositive vous indique la distribution des collectivités des Premières nations et d'autres collectivités canadiennes selon leur résultat. La barre bleue la plus haute signifie que 37 p. 100 des autres collectivités canadiennes ont obtenu un résultat compris entre 0,75 et 0,80 sur l'échelle qui représente l'indice de bien-être des collectivités. Ce tableau met de nouveau en évidence le fait que le bien-être des collectivités des Premières nations est de beaucoup inférieur à celui des autres collectivités canadiennes. Il montre également une variation importante parmi les collectivités des Premières nations, beaucoup plus marquée que parmi les autres collectivités canadiennes. Autrement dit, les autres collectivités canadiennes affichent des niveaux de bien-être comparables, tandis qu'on observe des écarts importants d'une collectivité des Premières nations à l'autre. Parmi les 100 collectivités canadiennes ayant le classement le plus faible, 96 sont des collectivités des Premières nations; une seule d'entre elles se trouve parmi les 100 ayant le meilleur classement.
À la prochaine diapositive, vous verrez qu'il est possible de suivre l'indice de bien-être des collectivités dans le temps, tout comme l'indice de développement humain. Le tableau vous donne une indication quant au nombre de collectivités dont la situation est stable ou en voie de s'améliorer, ou au contraire, en déclin. Nous voyons ici que plus du tiers des collectivités des Premières nations ont vu leur l'indice de bien-être régresser entre 2001 et 2006, comparativement à la période de recensement précédente.
Toutes ces estimations sont préliminaires. Je dois dire que vous avez droit ici à une primeur parce que nous n'avons encore présenté ces données à aucune conférence. D'après ces résultats, le maintien des acquis en matière de bien-être s'avérerait un défi plus grand pour les collectivités des Premières nations. Des analyses semblables seront réalisées pour la collectivité inuite dans les mois à venir.
La dernière diapositive compte depuis longtemps parmi mes préférées. La méthodologie employée permet de comparer les écarts pour différentes dimensions du bien-être. Cela signifie que si j'utilise les données de recensement publiées — parce que toutes ces données proviennent du recensement —, j'aurai une proportion de diplômés universitaires pour ma variable « éducation ». Si je regarde la situation du logement, j'obtiendrai des mesures indicatives d'un surpeuplement.
Comment puis-je déterminer à quel niveau se situe l'écart le plus important par rapport au reste de la population canadienne? Je ne peux pas parce que je travaille avec des échelles différentes. Il s'agit de la situation classique de comparer des pommes avec des oranges.
La méthodologie employée, parce qu'elle transpose toute l'information sur une échelle de zéro à un selon l'approche des Nations Unies, permet cette comparaison des écarts pour différentes dimensions du bien-être. L'écart le plus important se situe au niveau du logement et du revenu. Je ne dis pas ici que l'écart au niveau de l'éducation n'est pas important. Relativement parlant, je dis que l'écart au niveau du logement et du revenu l'est davantage.
De 1996 à 2006, l'écart semble se creuser au niveau du logement et du revenu, mais légèrement, et il nous faut analyser la situation davantage pour atténuer quelque peu l'incidence que peut avoir le degré de participation au recensement.
Vous verrez que l'écart au niveau de l'éducation semble indiquer une fluctuation importante. Je vous mets en garde de ne pas sauter trop vite à cette conclusion, parce qu'en 2006, Statistique Canada a apporté des modifications importantes au volet de son questionnaire de recensement qui concerne l'éducation, afin de mieux mesurer les niveaux d'instruction des Canadiens; en raison de cela, il est maintenant plus difficile de comparer certaines données dans le temps, comme on peut le voir avec cette diapositive en particulier. Une partie de l'augmentation enregistrée au niveau de l'éducation n'est, en gros, qu'un artéfact statistique.
Globalement, en ce qui a trait aux diapositives sur le bien-être qui vous ont été présentées, on observe un écart important par rapport aux autres Canadiens mais une amélioration de la situation, et il est à noter que l'écart entre les sexes fait pencher la balance en faveur des femmes des Premières nations, ce qui sera un facteur intéressant à considérer au regard de l'élaboration des politiques futures. Le logement et le revenu sont les secteurs où l'on observe l'écart le plus important.
Le président : Vous dites que la situation varie grandement d'une collectivité des Premières nations à l'autre. Votre sondage a-t-il comparé les régions éloignées aux régions non éloignées? Selon mon expérience, il se pourrait que la variation la plus importante de l'indice de bien-être se situe à ce niveau. Aviez-vous de l'information en ce qui concerne les régions éloignées par rapport aux autres régions?
M. Guimond : Toutes ces statistiques sont fondées sur les données de recensement, donc il s'agit de renseignements qui ont été recueillis dans le cadre du recensement mené auprès de tous les Canadiens. Par conséquent, les données ont été recueillies selon la même méthode, peu importe l'emplacement géographique.
Dans le passé, nous avons analysé l'incidence de l'éloignement, mais nous ne l'avons pas fait cette fois-ci. Malheureusement, je n'ai pu vous fournir de carte aujourd'hui. L'emplacement géographique est un des éléments qui explique les niveaux de bien-être enregistrés dans les collectivités inuites et des Premières nations, sans pour autant être le seul, étant donné que nous voyons des collectivités du Yukon et du nord de la Saskatchewan et du Manitoba dont l'indice de bien-être est élevé, tandis que d'autres situées plus près de centres urbains affichent de faibles niveaux de bien-être. C'est un facteur à considérer, mais pas le seul.
Le sénateur Sibbeston : Je viens des Territoires du Nord-Ouest où vit un grand nombre d'Autochtones en petites collectivités, et je suis conscient de notre tendance à regarder de haut les gens qui vivent dans les petites collectivités éloignées et à nous désoler de leur situation, en ce sens qu'ils n'ont pas de grosses maisons, qu'ils s'alimentent différemment et ainsi de suite. Toutefois, je sais que les gens sont heureux et satisfaits de vivre ainsi. Même s'ils n'ont pas de grosses maisons ni de légumes, ils ont du poisson et de la viande. Ce mode de vie les rend heureux, et ils n'ont pas envie de vivre dans un centre plus étendu dans la région.
Les statistiques ont-elles à ce point évolué qu'elles permettent de mesurer le bien-être, le bonheur et la satisfaction des gens? Je crois que comme Canadiens, nous aurions généralement tendance à regarder de haut les moins bien nantis mais, en réalité, ce sont eux qui s'en sortent le mieux. Ils n'ont pas à se soucier des hypothèques ni à composer avec les tensions et pressions exercées sur les personnes vivant en milieu urbain. De nos jours, en raison de la mauvaise conjoncture économique, des milliers de gens perdent leurs emplois, tandis que dans les petites collectivités où les gens n'ont pas d'emploi, ils n'ont pas à subir ces pressions qui nuisent au bonheur.
Ce que je veux dire, c'est que les gens tendent à voir les autochtones, tout particulièrement ceux qui vivent dans de petites collectivités, comme malheureux, dans le sens où nous ne voudrions pas être à leur place. Mais en réalité, ces personnes sont beaucoup plus heureuses et ont bien plus de chances d'accéder au paradis que celles qui vivent en ville. Qu'en pensez-vous?
Cathy Connors, directrice adjointe, Statistique sociale et autochtone, Statistique Canada : Une des choses que nous pouvons faire avec les sondages auprès des autochtones, c'est tenter d'en arriver exactement à ce dont vous parlez, en l'occurrence à mesurer le niveau de satisfaction à l'égard de divers éléments.
Tout à l'heure, Mme Badets a parlé d'une des questions qui avaient été posées dans le cadre de l'Enquête sur les enfants autochtones. Par cette question, on tentait de déterminer si les gens croyaient que leurs communautés leur offraient un bon milieu pour élever des enfants. Ce sont ces types de questions qui concernent exactement le sujet que vous abordez.
M. Guimond : Merci de vos commentaires, monsieur le sénateur. Cela touche la dimension normative de bon nombre de ces mesures, et je suis d'accord avec vous. Nous tendons à exagérer l'importance de ces mesures et à aller trop loin pour ce qui est d'imposer certaines des valeurs qu'elles supposent.
Mais le but ici n'est pas tellement l'aspect normatif que la nécessité de comparer. Et nous sommes limités lorsqu'il s'agit de comparer le bien-être des Premières nations, des Métis et des Inuits avec celui de la population canadienne en général.
Cela étant dit, le programme de recherche sur le bien-être que nous avons au sein de notre unité ne se limite pas à utiliser les données existantes. Une dimension qualitative s'y rattache également. Par exemple, nous nous rendons dans les collectivités des Premières nations pour discuter du bien-être. Nous réfléchissons à ce qu'il signifie et nous tentons de comprendre d'autres aspects qui ne ressortent pas des données actuellement disponibles. Ce programme est déjà bien amorcé, et certains résultats seront présentés sous peu.
Le sénateur Sibbeston : Je me suis rendu à Yellowknife récemment. Lors d'une réunion de la Nation dénée, des représentants de Statistique Canada présentaient de l'information et des statistiques comme celles-ci. Beaucoup ont dit qu'elles ne reflétaient pas le point de vue autochtone. Je me suis dit qu'il y avait du vrai là-dedans. Lorsqu'on veut sonder le niveau de bien-être des gens, certains facteurs sont constants et d'autres peuvent être mesurés, comme le niveau d'éducation, l'emploi et la santé, jusqu'à un certain point. Cependant, il y a tellement d'autres facteurs qui sont significatifs pour les autochtones des régions rurales éloignées de notre pays.
Je ne sais pas ce que vous pensez, mais l'opinion générale des autochtones qui assistaient à la réunion était qu'il ne fallait pas faire confiance à ces statistiques parce qu'elles n'avaient pas été recueillies de l'optique des autochtones. On a également remis en question des aspects concernant la méthode, la langue, la compréhension des questions, et cetera. Qu'avez-vous à répondre devant cette critique?
Mme Connors : À Statistique Canada, nous tentons d'obtenir une plus grande participation des autochtones tout au long du processus d'enquête, comme nous l'avons fait dernièrement pour le recensement. Nous avons obtenu beaucoup de renseignements et de conseils de la part d'organisations nationales autochtones pour la conception et la mise en place de l'Enquête auprès des peuples autochtones. Il y avait un groupe d'experts en développement des jeunes enfants autochtones qui travaillait à la conception et à la conduite de l'Enquête sur les enfants autochtones.
Récemment, nous avons eu des discussions avec un grand nombre de personnes à la grandeur du Canada afin de revoir les questions qui servent à l'identification des autochtones, tant à l'occasion du recensement que des enquêtes. Nous tentons d'élargir le plus possible le cadre des discussions et des consultations avec les autochtones, et d'y inclure le plus grand nombre de participants possible, et nous essayons également d'obtenir le point de vue des Premières nations, des Métis et des Inuits lorsque nous concevons et conduisons les enquêtes.
Le sénateur Peterson : Quel est le seuil d'inclusion, ou quels sont les critères qui servent à l'identification des Métis? Ces statistiques ont-elles une incidence quelconque, par exemple au chapitre des programmes, ou sont-elles recueillies à titre de référence seulement?
Mme Badets : Je répondrai à la première question sur l'identification des Métis. Nous avons posé ces questions de la même façon dans les derniers recensements, surtout celles qui concernent l'identité autochtone. Les répondants peuvent cocher Premières nations ou Indien de l'Amérique du Nord, Métis ou Inuit. Nous ne fournissons pas de définition pour ces groupes. Pour ce qui est de l'identification des Métis, c'est un peu plus difficile. Il n'existe pas de consensus sur la définition de ce groupe. Pour cette catégorie, on a recours à la déclaration volontaire ou l'autodénombrement. Nous nous efforçons de représenter les trois groupes qui apparaissent dans la Constitution canadienne, alors, c'est ce type d'information que nous sommes en train de recueillir.
Nous menons des consultations partout au Canada auprès des organisations autochtones nationales et d'autres organisations, ainsi qu'auprès des répondants eux-mêmes, afin de nous assurer que les questions sont pertinentes. Nous procédons de cette façon pour chaque recensement. Il n'y a aucun seuil d'inclusion; il s'agit vraiment d'une déclaration volontaire.
Le sénateur Peterson : Ces statistiques ont-elles une incidence particulière, par exemple sur les programmes ou le financement, ou sont-elles simplement recueillies à titre de référence?
M. Guimond : Il est difficile de ne donner qu'une seule réponse à cette question compte tenu du nombre de situations possibles. Les données recueillies constituent certainement de l'information contextuelle importante. Les chiffres de population dont nous disposons pour les quatre groupes autochtones sont extrêmement précieux, parce qu'ils nous permettent de faire des projections démographiques, qui sont des outils de planification utiles.
Si les données ne sont pas utilisées à des fins de mesure, elles le sont pour la création d'information contextuelle. Cet exercice vise toutes les données de recensement. Pour ce qui est des données de programme, les ministères les recueillent et s'en servent dans leurs activités. De façon générale, les programmes reposent sur une combinaison de données de programme et de données de recensement.
Le sénateur Brazeau : Vos présentations contenaient beaucoup d'information à assimiler. J'ai quelques commentaires et questions pour vous.
Je constate que vous avez fondé votre enquête sur l'identité plutôt que sur l'ascendance. De nombreuses personnes partout au pays se sont opposées à l'utilisation de l'identité en raison des conditions restrictives qu'impose la Loi sur les Indiens en ce qui a trait à la possibilité de s'inscrire au Canada. Compte tenu des clauses discriminatoires de la Loi sur les Indiens pour ce qui est de l'inscription, je n'ai pas l'impression que les données recueillies représentent la population autochtone réelle, surtout en ce qui concerne les enfants qui ne sont pas visés par la clause limitant la deuxième génération et qui sont certainement Indiens ou membres d'une Première nation, mais qui ne sont pas Indiens aux termes de la Loi sur les Indiens. Je trouve donc que vos données ne témoignent pas réellement de la situation.
Je reviens à la diapositive 6 des points saillants de la démographie des peuples autochtones. En ce qui a trait aux chiffres que vous nous avez présentés, j'aimerais savoir exactement quelles sont les organisations politiques autochtones qui ont participé à ces délibérations et à ces discussions. Compte tenu de mon expérience de travail avec différentes organisations de prestation de service partout au pays, des organisations qui représentent des personnes vivant hors réserve par exemple, ainsi que l'Association nationale des centres d'amitié, je ne suis pas d'accord pour dire qu'il n'y a pas d'exode massif, ou du moins de migration, depuis les réserves. N'oublions pas que ces chiffres ne tiennent pas compte de la population d'Indiens sans statut.
Cette diapositive précise que l'interprétation erronée de l'exode massif depuis les réserves peut affecter de façon négative le développement de politiques. Cet énoncé me dérange parce qu'il semble entretenir la peur, en disant aux membres des Premières nations que, s'ils quittent les réserves, cela pourrait avoir une incidence sur les programmes et les services et peut-être même sur leurs droits.
Qu'est-ce que le ministère cherche à dire? Est-ce qu'il admet simplement que les programmes et les services ou les droits sont différents selon que vous viviez dans une réserve ou hors réserve?
M. Guimond : Je vais commencer par le dernier point, la migration.
Si les personnes chargées d'élaborer les politiques estiment qu'il y a un exode massif, ils consacreront beaucoup d'efforts à l'élaboration de politiques et de programmes destinés à accueillir ces gens dans les villes.
Les chiffres que vous avez devant vous — plus de 10 000 dans les réserves — correspondent au mouvement net de la population autochtone vers les réserves et hors réserve. Comme je l'ai mentionné, la population est très mobile, mais cette mobilité n'a pas d'incidence marquée sur la croissance de la population parce qu'il y a une migration vers les réserves et une migration hors réserve. Si j'avais eu trois heures pour vous parler de la démographie des peuples autochtones, j'en aurais profité pour vous montrer que la plupart des mouvements de la population autochtone se font entre des endroits situés à l'extérieur des réserves et entre des villes, et que certains de ces mouvements sont motivés par des facteurs liés à la famille, aux études et au logement. C'est une étude fondée sur la première Enquête auprès des peuples autochtones de 1991 qui a permis de constater ce fait.
C'est dans ce contexte que l'énoncé est formulé. Si vous partez du principe que beaucoup de personnes viennent des réserves, vous serez dans un certain état d'esprit, et vous allez élaborer des politiques en conséquence alors que vous devriez en fait vous concentrer sur les gens qui migrent soit à l'intérieur d'une ville ou d'une ville à une autre pour les motifs que je viens d'énumérer.
Les gens semblent oublier un élément. Ce n'est pas par hasard que j'ai parlé de mariage mixte plus tôt. Dans les collectivités des Premières nations, les enfants ont deux parents membres des Premières nations. Dans une ville canadienne, il est possible qu'un enfant membre des Premières nations ait un seul parent faisant partie de ce groupe et l'autre, non. Alors vous pouvez constater que le potentiel de croissance de ce groupe est deux fois plus important dans les villes canadiennes que dans les collectivités. Le niveau de croissance dépend de l'identité que les parents attribuent à leurs enfants. Lorsqu'on observe les données concernant les déclarations d'identité, on constate que les parents métis et les parents membres des Premières nations déclarent l'identité autochtone de leurs enfants même si leur conjoint ou conjointe n'est pas autochtone. Nous tendons à négliger cet aspect dans les villes; pourtant, il constitue un puissant moteur de croissance qu'on ne retrouvera jamais dans les collectivités des Premières nations parce qu'elles sont homogènes. Les deux parents sont donc membres des Premières nations, ou inuits quand il s'agit de communautés inuites.
Le sénateur Brazeau : Je vous remercie de votre réponse, mais ce que j'essayais de dire — corrigez-moi si je me trompe —, c'est que 90 p. 100 des investissements actuels du gouvernement fédéral sont destinés aux collectivités qui vivent dans les réserves.
Ma question se rapporte à cet énoncé qui entretient la peur en disant que si les membres des Premières nations quittent les réserves, cela pourrait avoir une incidence sur les politiques gouvernementales. Est-ce que le lieu où les gens décident d'habiter a une importance? N'ont-ils pas le droit de toute façon d'avoir accès à des programmes et à des services qui leur sont destinés?
Andrew Beynon, directeur général, Direction de la recherche, ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada : L'essentiel de cette allégation n'est pas de nier les pressions considérables que nous subissons en ce qui a trait à la population des centres urbains et à la croissance de la population métisse, et cetera. Comme on peut le voir ailleurs dans la présentation, il y a aussi des problèmes considérables à l'extérieur des réserves. Ce qu'il est important de savoir, c'est que ces statistiques sont cruciales quand vient le temps de faire des pressions concernant les politiques et le financement, à l'extérieur des réserves comme dans les centres urbains; les responsables ne devraient pas, après avoir vu ces chiffres élevés, établir des politiques en partant du principe qu'il y a soudainement un exode de la population des réserves. Le bassin de population des réserves est toujours appréciable. Il ne faut pas pénaliser les gens à cause du lieu où ils choisissent de vivre ou d'aller.
Je m'appuie sur mon expérience personnelle. J'ai parfois vu des gens qui ont déduit à tort, en consultant des statistiques sur la croissance des populations urbaine et métisse, qu'il y avait eu un exode depuis les réserves. M. Guimond a fait valoir qu'une grande proportion de ces statistiques démographiques ne s'explique pas par le départ de la population des réserves, ce qui pourrait amener certains responsables des politiques à croire qu'il vaudrait mieux ne plus se soucier du logement et de l'éducation des habitants des réserves, entre autres.
Je ne voulais pas laisser entendre que les enjeux stratégiques majeurs étaient moins importants dans un milieu que dans un autre.
Le sénateur Dyck : Je vous remercie, mesdames et messieurs, pour cette information détaillée. Les renseignements de ce genre sont très importants, car ce sont eux qui motivent les changements apportés aux politiques.
J'aimerais poursuivre sur ce que disait le sénateur Brazeau. Dans votre dossier, vous utilisez l'expression « Autochtones en milieu urbain ». Quand vous parlez d'une population autochtone en milieu urbain, vous incluez sans doute les Indiens inscrits, les Indiens sans statut et les Métis. Cependant, quand vous parlez des réserves, vous ne mentionnez que les Indiens visés par un traité. À la page 6, quand vous parlez des « Autochtones en milieu urbain », faites-vous allusion à la fois aux Indiens inscrits, aux Indiens sans statut et aux Métis? Avez-vous les chiffres qui concernent uniquement les Indiens inscrits habitant en milieu urbain?
M. Guimond : Oui, nous avons ces chiffres à part.
Le sénateur Dyck : Si nous avions tous les renseignements, nous pourrions constater où il y a une croissance. Si on observe l'ensemble des données plutôt que seulement celles qui concernent un groupe habitant dans une réserve, il est possible qu'on dégage des tendances erronées.
M. Guimond : Tout cela se trouve en détail dans le dossier de présentation.
Le sénateur Dyck : Je vous remercie. Je voudrais commenter brièvement les propos du sénateur Sibbeston au sujet du bien-être des collectivités. Il a raison lorsqu'il dit qu'il faut utiliser deux critères distincts et différentes stratégies dans les recherches qui visent à comparer les populations autochtones et non autochtones. Vous avez d'ailleurs abordé une partie de cette question. Dans l'indice qu'elle a créé, l'ONU a cerné trois facteurs, espérance de vie, revenu et niveau d'instruction, et elle les a sans doute choisis pour une raison : ce sont les éléments de notre société pour lesquels nous pouvons véritablement créer des politiques et apporter des changements. Est-ce que cette hypothèse est juste? En d'autres termes, en menant ce type d'enquête, nous décidons de nous fonder sur ces facteurs pour élaborer les programmes.
M. Guimond : La méthodologie de l'ONU découle d'un grand nombre de réflexions. Par le passé, ces mesures n'étaient fondées que sur le PIB, mais l'ONU a décidé que le bien-être ne pouvait pas se mesurer uniquement en fonction de l'économie, et qu'il manquait un élément lié à la connaissance. C'est pourquoi elle a ajouté un facteur « niveau d'instruction » et un autre lié à la santé, le facteur « espérance de vie ». Dans un contexte international, il est difficile de mesurer le bien-être des pays et de les comparer entre eux parce que certains n'ont pas nécessairement les mêmes moyens pour recueillir des statistiques que mes collègues, qui disposent des moyens parmi les meilleurs au monde, tout particulièrement pour ce qui est de la population autochtone. Bref, il faut élaborer des méthodes simples pour mesurer le bien-être et comparer les résultats au fil des années. Cela me ramène au commentaire que j'ai fait un peu plus tôt : nous dressons le portrait démographique et socio-économique des autochtones en fonction d'un ensemble défini et très limité de renseignements statistiques. Nous nous appuyons également sur des données.
Le sénateur Dyck : Vous venez encore de parler de connaissances. Le terme est employé dans son sens occidental, c'est-à-dire qu'il renvoie au niveau de scolarité atteint par le biais du système scolaire public, et non pas aux connaissances culturelles, aux connaissances des anciens, et cetera. Il s'agit plutôt d'un indice culturel de déclaration volontaire. Il pourrait s'avérer important de tenir compte de ces facteurs dans le futur.
Finalement, à la page 11, vous présentez différents écarts. Dans quelle mesure considérez-vous une augmentation ou une diminution comme une variation considérable?
M. Guimond : Comme je l'ai dit plus tôt, nous devons évaluer la qualité de l'information que nous analysons; dans ce cas-ci, les résultats préliminaires. De façon générale, si la deuxième décimale varie d'un centième, je ne considère pas qu'il y a eu un changement. On peut alors dire que c'est plus ou moins stable. Par contre, une variation de 0,05 attire mon attention. C'est la règle d'or que j'applique lorsque j'observe ces chiffres.
Le sénateur Dyck : Est-ce que la version complète du document que vous nous avez remis contient plus de détails quant aux différences entre les sexes?
M. Guimond : Oui.
Le sénateur Dyck : Assurément, selon le modèle occidental, les niveaux d'éducation diffèrent grandement. Il y a beaucoup plus de femmes autochtones qui obtiennent leur diplôme d'études secondaires et qui réussissent leurs études. En Saskatchewan, le coefficient de réussite des femmes est trois fois plus élevé. C'est toute une différence.
Avez-vous des données distinctes sur les membres des Premières nations qui habitent dans les réserves et sur ceux qui vivent à l'extérieur?
M. Guimond : Pas en ce qui a trait au bien-être des collectivités. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les collectivités des Premières nations, donc les réserves. Quand nous consultons l'indice du développement humain, nous prêtons bel et bien attention aux différences entre la population des réserves et celle de l'extérieur, puisqu'il s'agit de données démographiques. Nous nous intéressons davantage aux populations qui y habitent qu'aux collectivités. La différence est subtile, mais considérable.
Le sénateur Lang : Je tiens à vous remercier pour ces renseignements. Comme je suis nouveau au comité, je les trouve très utiles et je vous suis reconnaissant pour le travail que vous avez accompli.
J'aimerais attirer votre attention sur la page 4, qui renferme les statistiques initiales présentées par Mme Badets. Deux des données de votre tableau me sautent aux yeux : le nombre de personnes d'ascendance autochtone, qui s'élève à près de 1,67 million, et le chiffre 1,72 million. Il y a là une différence d'environ 500 000 personnes. Je me reporte à la question du sénateur Peterson au sujet du mode de déclaration d'identité, qui se demandait si, dans l'éventualité où ces 500 000 personnes décidaient de se déclarer Indien non inscrit ou Métis, on se retrouverait soudainement avec 1,7 million de personnes d'identité autochtone. Est-ce que cette affirmation est juste, s'ils décidaient de déclarer leur identité de cette façon?
Mme Badets : Oui, c'est à peu près cela. Il s'agit de deux questions distinctes sur le questionnaire. La question sur l'ascendance fait partie depuis longtemps du questionnaire de recensement. Elle permet également de recueillir toute l'information concernant les ascendances, les groupes ethniques et les appartenances. Cette question a été quelque peu modifiée avec le temps. Depuis environ 1981-1986, les répondants peuvent déclarer plus d'une ascendance ethnique. On observe en partie cette augmentation parce que les répondants la déclarent. À titre d'exemple, ils peuvent déclarer une ascendance autochtone en combinaison avec plusieurs autres, comme italienne, allemande, canadienne, « et cetera ». Nous mesurons un concept différent par rapport à l'identité, quand nous posons la question « Êtes-vous Autochtone? ». Deux concepts différents sont mesurés.
Le sénateur Lang : Je voudrais m'attarder sur les données et la croissance de la population. M. Guimond a souligné un peu plus tôt que nous observerons dans 100 ans une croissance de 200 p. 100 de la population métisse. Est-ce exact?
M. Guimond : J'ai dit que si la population connaissait une croissance de 5,5 p. 100 par année, on pourrait émettre l'hypothèse qu'elle serait 200 fois plus importante dans 100 ans.
Le sénateur Lang : En examinant ces données, il me semble que le comité doit évaluer cette question à la lumière de la politique gouvernementale. En effet, il est clair que l'on assiste à une augmentation substantielle sur une très brève période. La façon dont nous fournirons des programmes à la population doit être intégrée à la politique en tenant compte de la croissance démographique.
M. Guimond : Cela explique mon commentaire sur la valeur des données du recensement. Elles nous donnent à tout le moins de l'information sur la population et la croissance de la population qui est utilisée pour l'élaboration de politiques.
Le sénateur Lang : Ma dernière question porte sur l'éducation. J'ai été surpris par le nombre de parents autochtones qui semblent globalement satisfaits du système d'éducation. J'ai été particulièrement étonné de constater cette réaction dans la région d'où je viens. Nous avons des problèmes importants. En observant la situation dans l'ensemble du Canada, on constate qu'un des principaux problèmes qui subsiste est la question relative à notre norme d'éducation et au fait de savoir si nous outillons suffisamment ces jeunes gens à vivre dans ce monde en perpétuel changement. Pourriez-vous élaborer davantage sur l'information positive qui a été présentée, bien que je sache qu'elle ne soit pas nécessairement vraie, particulièrement dans mon coin de pays?
Mme Connors : En ce qui concerne le volet éducation de la présentation, nous nous sommes penchés sur les cas d'enfants des Premières nations qui ont entre 6 et 14 ans et qui vivent hors des réserves. Nous avons demandé aux parents ce qu'ils pensaient du rendement de leurs enfants à l'école en tenant compte des connaissances que les parents peuvent avoir des bulletins, de la rétroaction de l'école, « et cetera ». Cette question est axée sur la perception qu'ont les parents du rendement de leurs enfants. Elle n'est pas fondée sur des mesures objectives comme des bulletins, des examens ou d'autres types d'outils d'évaluation. Il s'agit de la perception qu'ont les parents du rendement de leurs enfants.
M. Guimond : L'élément clé est qu'il ne s'agit que d'une partie de la population, qui habite hors réserve. La perception de l'éducation qu'ont les parents qui habitent dans des réserves n'est pas recueillie dans le cadre de cette activité. Nous ne mettons l'accent que sur une partie de la population. Votre perception peut être fondée sur votre propre compréhension du contexte de votre région où se trouvent des réserves. Je tiens à souligner que cette réalité n'est pas la même pour tout le monde.
Le sénateur Lang : Je crois que je parle de faits, non de perceptions. Je n'ai qu'à regarder à la page 10, intitulée « Les Autochtones sont moins susceptibles d'avoir des grades universitaires ». On constate que l'écart est beaucoup moins grand en ce qui a trait à l'école secondaire. En examinant ce document, nous pouvons constater la difficulté à laquelle bon nombre de ces jeunes gens sont confrontés. Nous devons réaliser que le problème est sans doute plus important que ce que ces statistiques laissent croire. Pourquoi les statistiques sur les réserves ne sont-elles pas incluses dans les documents présentés?
M. Beynon : Ce sont deux enquêtes différentes. Pour l'Enquête auprès des peuples autochtones, nous avons un bloc hors réserve, et nous avons des enquêtes distinctes pour les autochtones qui vivent dans les réserves. Nous travaillons actuellement sur de nouvelles méthodes pour les enquêtes dans les réserves. Il s'agit d'obtenir les données disponibles pour avoir un aperçu maintenant. Présentement, nous n'avons pas l'information des réserves.
Le sénateur Lang : Quand croyez-vous que ce sera fait?
M. Beynon : En fait, nous discutons avec les ministères fédéraux à propos du moment et de la façon de procéder.
Mme Badets : À ce sujet, nous n'avons pas de calendrier précis. Nous réfléchissons avec Affaires indiennes et du Nord Canada sur le contenu de ces enquêtes ainsi que sur la manière de les mener. Nous souhaitons mettre ces enquêtes à l'essai au cours des deux prochaines années.
Le sénateur Raine : Tout cela est nouveau et plutôt intrigant pour moi. Je ne comprends pas tout à fait la différence entre les Indiens non inscrits et les Métis, mais visiblement, ce sont deux groupes qui connaissent des poussées démographiques. Je trouve cela très encourageant de voir qu'il y a de plus en plus de gens qui sont fiers de se déclarer d'ascendance autochtone ou métisse, ce qui signifie que nous quittons l'époque où les gens avaient honte de leurs racines. Je trouve cela très positif, mais on peut se poser des questions : Comment comptons-nous les différents peuples? Pourquoi les comptons-nous et quels sont les programmes? Lorsqu'on a quatre groupes dans une telle situation, il y a inévitablement des tiraillements pour savoir lequel recevra plus que les autres et ainsi de suite. Un gros défi nous attend. J'encouragerais les démographes et les statisticiens à travailler de manière à ce que ce soit fructueux pour les programmes.
M. Beynon : Vous avez raison. C'est captivant. Avec le temps, en travaillant de concert avec Statistique Canada, on précise de plus en plus les renseignements et on raffine les outils pour mieux connaître les perceptions des autochtones et ainsi de suite, et cette information devient utile pour l'élaboration des programmes et des politiques. C'est réellement intéressant.
Le sénateur Brazeau : Croyez-vous qu'il est possible qu'un enfant né de deux parents qui sont des Indiens visés au paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens, et qui serait donc un Indien non inscrit, figure dans les données sur l'ascendance, alors qu'on pourrait avoir, par exemple, quelqu'un qui s'identifie comme Métis depuis huit générations, et qui serait représenté dans les données sur l'identité?
Mme Badets : Il est clair que nous faisons beaucoup de tests. Ces questions ne nous apparaissent pas par enchantement. Nous avons travaillé très longtemps pour trouver des questions qui, à notre avis, répondent aux besoins de la plupart des utilisateurs de nos données. Je crois que ces questions révèlent vraiment la complexité et la diversité de la population. On peut voir en prenant différents concepts — que ce soit l'ascendance, l'identité ou le statut juridique, comme dans le cas des Indiens inscrits — que des différences apparaissent dans les caractéristiques et peut-être aussi dans les résultats, et comment les gens répondent au recensement. Il est difficile de savoir exactement ce que chaque personne répondrait dans la situation que vous avez mentionnée.
Nous avons récemment tenu des discussions régionales relatives aux questions dans tout le pays. Pour le recensement de 2011, nous tentons de clarifier comment les Indiens non inscrits et les Indiens inscrits devraient répondre à ces questions. Nous envisageons l'ajout d'instructions pour qu'ils indiquent s'ils sont Autochtones ou Indiens d'Amérique du Nord, par exemple. Cependant, il est en réalité plus difficile de savoir comment les gens interpréteront les questions et y répondront, même si nous faisons plusieurs tests à cet égard. Je ne suis pas certaine que cela répond à votre question, mais la manière dont les gens pourraient vouloir s'identifier est complexe.
M. Guimond : Je crois que vous vouliez parler d'un enfant né d'un parent Indien visé au paragraphe 6(2) et d'un non- Indien parce que deux Indiens visés au 6(2) vont ensemble donner naissance à un Indien visé au 6(1), qui est automatiquement inscrit; les parents et l'enfant seraient donc tous inscrits.
En ce qui concerne le paragraphe 6(1) ou 6(2), on ne tient pas compte de cette nuance dans le recensement; ce sont des renseignements détaillés qu'on retrouve uniquement dans le Registre des Indiens.
Il ne faut pas perdre de vue que l'ascendance se rapporte aux ancêtres, et l'identité à la personne d'aujourd'hui. Je donne souvent en exemple à mes étudiants ma situation personnelle : je suis d'origine française, micmaque et irlandaise, mais j'ai été élevé selon les coutumes françaises. Je suis Français, mais je vais déclarer les trois origines. Les gens signalent souvent cette distinction.
En raison de la structure de la question portant sur l'identité, on peut s'interroger sur la façon dont les Métis sont représentés, mais ça ne se rapporte pas nécessairement aux Indiens inscrits en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens, parce que ces renseignements ne figurent pas dans les données du recensement.
Le sénateur Brazeau : Merci pour les correctifs apportés. Vous avez absolument raison; j'ai fait erreur.
J'ai posé la question parce que j'ai déjà fait partie des Indiens non inscrits, avant de retrouver mon statut. Pourtant, en grandissant, j'ai aussi été qualifié de Métis, alors, évidemment, il y a plusieurs problèmes.
L'un de ces problèmes est qu'en 2009, c'est toujours le ministre des Affaires indiennes qui décide qui est un Indien inscrit, et non les principaux intéressés.
Le président : Merci, chers collègues. Les statistiques sont un sujet très intéressant.
Vous avez un défi particulier à relever parce que je suis certain que tout un chacun peut contester la validité de vos statistiques. Ceci étant dit, les renseignements que vous fournissez devraient nous aider à déterminer l'orientation que nous donnerons à nos prochaines études afin d'améliorer le sort des peuples autochtones du Canada, le groupe visé par notre mandat. Je vous remercie tous les quatre d'être venus ici ce matin et d'avoir fait preuve de franchise et de sincérité, ainsi que d'avoir su informer nos collègues ici présents.
Il me reste une courte tâche à accomplir ici avec le sénateur Sibbeston. Comme beaucoup d'entre vous le savent, le sénateur Sibbeston a étudié dans un pensionnat. Il y a passé une grande partie de sa jeunesse. Je dois remettre, au nom du gouvernement, une copie signée des excuses présentées aux anciens élèves des pensionnats indiens. Elle est signée par le premier ministre, le très honorable Stephen Harper, et par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, l'honorable Chuck Strahl. Cette copie nous a été remise afin qu'on lui accorde une place importante dans cette salle, qui est celle du Comité des peuples autochtones, parce qu'il s'agit d'un pan important de l'histoire de notre pays.
Je vous demande donc, monsieur le sénateur Sibbeston, de remettre ce document à la greffière afin qu'elle le place bien en vue. Cela vous revient de droit.
Le sénateur Sibbeston : Merci.
Des voix : Bravo!
Le président : Y a-t-il d'autres questions ou commentaires avant l'ajournement?
Le sénateur Dyck : J'ai une question à poser à M. Guimond. Quelle est la communauté des Premières nations qui s'est classée dans les 100 premières places?
M. Guimond : Faites-vous référence à l'année 2006?
Le sénateur Dyck : Oui.
M. Guimond : C'était la première nation de Tsawwassen, en Colombie-Britannique.
Le président : Puisqu'il n'y a pas d'autres commentaires, je lève la séance. Nous reprendrons demain soir à 18 h 30 dans cette même salle.
(La séance est levée.)