Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 1 - Témoignages du 4 mars 2009
OTTAWA, le mercredi 4 mars 2009
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit ce jour à 18 h 35 pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis, et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.
SUJET : Rôle, mandat et programme d'AINC.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à la deuxième séance d'information de cette semaine qui, je l'espère, aidera les nouveaux sénateurs, et peut-être aussi certains des anciens, à se familiariser avec la problématique générale de notre circonscription, les peuples autochtones du Canada. La session de ce soir est consacrée au rôle, au mandat et aux programmes du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, AINC.
Permettez-moi d'abord de présenter les sénateurs. Nous avons avec nous le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, vice-président du comité; le sénateur Brazeau, du Québec; le sénateur Lang, du Yukon; le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Dyck, de la Saskatchewan; le sénateur Raine, de la Colombie- Britannique; et le sénateur Peterson, de la Colombie-Britannique.
Nous accueillons ce soir cinq témoins qui vont nous aider à comprendre les activités du ministère. Je vais les présenter dans l'ordre d'ancienneté ou dans l'ordre hiérarchique, je crois. Si je me trompe, je leur présente mes excuses. Ce sont Daniel Watson, sous-ministre adjoint principal, Politiques et orientation stratégique; Christine Cram, sous- ministre adjointe, Programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social; Fred Caron, sous- ministre adjoint, Bureau de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits; Danielle Labonté, directrice générale, Direction générale des politiques stratégiques du nord; et Christopher Duschenes, directeur exécutif, Secrétariat des relations avec les Inuits.
Je vous souhaite la bienvenue à tous. Nous sommes heureux que le ministère soit représenté par des personnes de si haut niveau et aussi compétentes. Nous allons vous écouter avec beaucoup d'attention. Quand vous aurez terminé vos exposés, j'espère que vous serez prêts à répondre aux questions des sénateurs. Monsieur Watson, vous avez la parole.
[Français]
Daniel Watson, sous-ministre adjoint principal, Politiques et orientation stratégique, Affaires indiennes et du Nord Canada : Je vous remercie, monsieur le président, c'est un grand plaisir d'être présent ce soir. J'ai eu peur lorsque j'ai vu le président qui nommait tous ses collègues de mémoire qu'on allait me demander de faire la même chose. Je suis content qu'on ne l'ait pas fait.
[Traduction]
Comme l'a dit le président, nous aimerions vous présenter le mandat et les principales activités du ministère. Lors de la session d'information d'hier, nos collègues vous ont présenté des données démographiques et statistiques concernant les peuples autochtones. Aujourd'hui, nous allons nous concentrer sur la structure du ministère et sur ses différents programmes.
La première diapositive est intitulée « Mandat d'AINC ». Notre mandat consiste à « travailler ensemble à faire du Canada un meilleur endroit pour les autochtones, les résidents du Nord et leurs collectivités ».
Je vais vous donner quelques précisions sur ce que signifie ce mandat puis ma collègue, Mme Labonté, parlera du volet Nord de notre mandat, qui constitue un élément crucial de notre travail.
On nous pose souvent la question suivante : que fait AINC pour les Premières nations, les Métis et les Inuits? En vertu de l'article 91.24 de la Constitution, le gouvernement fédéral détient une compétence exclusive au sujet des terres réservées aux Indiens. Son principal outil pour s'acquitter de son mandat, mais ce n'est pas le seul, est AINC. Nous n'agissons pas seuls dans cette relation spéciale de l'État avec les peuples autochtones. Nous agissons avec les 34 ministères et organismes fédéraux qui assument collectivement la prestation de plus de 360 programmes et services pour les autochtones. Autrement dit, il s'agit d'un effort collectif impliquant beaucoup d'autres organismes et un large éventail de programmes.
Si le chiffre de 360 paraît élevé, comparez-le au nombre de programmes et services dispensés par le gouvernement du Canada aux non-Autochtones et vous verrez qu'il n'est pas aussi énorme qu'on peut le penser.
Nous travaillons de nombreuses manières différentes au sein des structures existantes du gouvernement pour instaurer une relation meilleure et plus solide avec les peuples autochtones. Par exemple, nous travaillons dans le domaine de la législation sur la gouvernance. Dans le passé, nous avons élaboré des lois telles que la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Nous appuyons la capacité de gouvernance des Premières nations, question qui est soulevée régulièrement par des acteurs de tout le pays. Nous réglons des griefs, certains d'origine relativement récente et d'autres, très anciens. Nous rehaussons également la relation fédérale-provinciale, question de plus en plus importante dans ce contexte car les Canadiens s'attendent aujourd'hui à ce que tous les paliers de gouvernement agissent ensemble pour résoudre leurs problèmes.
Pour ce faire, nous devons parler de la structure même du ministère. Sans aller dans les détails des organigrammes, j'aimerais vous présenter les grands éléments de l'organisation. Ma collègue de droite s'occupe des programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social. J'y reviendrai un peu plus tard. Il s'agit du pendant des services dispensés par de nombreuses provinces à leurs résidents.
Un groupe qui n'est pas représenté ce soir s'occupe des traités et des gouvernements autochtones. C'est lui qui est chargé des négociations en cours dans de nombreuses parties du pays.
Les terres et le développement économique sont un autre secteur de responsabilité confié à un service du ministère pour assurer une bonne gestion des terres relevant de la Loi sur les Indiens et, élément connexe, contribuer à la résolution des problèmes de développement économique qui sont importants dans beaucoup des conversations que nous avons dans tout le pays.
Nous avons un groupe de résolution et d'affaires individuelles qui s'occupe de bon nombre des questions de réconciliation qui sont importantes pour tous les Canadiens et, bien sûr, pour le ministère. Ce groupe s'occupe des questions individuelles de fiducie émanant des responsabilités énoncées dans la Loi sur les Indiens.
Nous avons un groupe des opérations régionales car nous sommes un ministère décentralisé — peut-être même plus que la plupart des autres —, avec une présence dans quasiment chaque recoin du pays. En outre, nous avons un groupe des opérations régionales qui est chargé d'être présent dans les différentes régions du pays et de jouer un rôle directement avec les collectivités locales.
Finalement, nous avons le groupe des politiques et de l'orientation stratégique, qui s'occupe des politiques globales du ministère et de nombreuses questions de contentieux.
Nous avons 10 bureaux régionaux. Nous avons le Bureau de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, dirigé par mon collègue M. Caron. Nous avons le Secrétariat des relations avec les Inuits, dirigé par mon collègue M. Duschenes, et aussi l'entité Pétrole et gaz des Indiens Canada, basée à Calgary.
Je passe à la diapositive suivante intitulée « Ce que fait AINC », ce qui me permettra de parler de nos quatre grandes catégories d'activités.
[Français]
La première de ces catégories, ce sont les responsabilités du ministère en vertu de la Loi sur les Indiens, la gestion des terres par exemple, les fiducies, les successions et la gestion de l'argent. Il y a également la responsabilité, qui touche la supervision des élections de bandes indiennes, d'autres questions de gouvernance sur les réserves indiennes et toute une série de questions réglementaires.
Une deuxième grande catégorie du travail que nous faisons touche la question des services qui sont semblables à ceux des provinces et des territoires. Cela correspond environ aux deux tiers de notre budget annuel, qui s'élève à environ à 6,9 milliards de dollars et qui sert au financement de programmes relatifs à l'éducation, les services sociaux et l'infrastructure communautaire.
[Traduction]
Étant donné le vaste éventail de services que nous dispensons, on a parfois employé l'expression « 11e province du Canada ». Dans un sens, c'est trompeur si l'on compare nos services à ce que font les provinces. Toutefois, l'échelle des choses dont nous nous occupons dans l'ensemble du pays est très vaste, étant donné la taille de nos programmes d'assistance sociale, d'éducation ou de services à l'enfance et à la famille, pour n'en nommer que quelques-uns.
Si nous examinons les deux catégories suivantes d'activité du ministère, la première, bâtir des relations, est une partie cruciale de notre rôle. Exemple : les négociations sur les revendications territoriales contemporaines, ce dont nous nous occupons dans de nombreuses parties du pays. Autre exemple : l'autonomie gouvernementale, question dont nous nous occupons parfois dans le contexte des traités contemporains et parfois de manière totalement séparée.
Certes, il faut comprendre qu'il y a une histoire derrière tout cela et que cette histoire n'a pas toujours été bonne ou positive, ce qui explique pourquoi certains problèmes anciens restent encore à résoudre aujourd'hui. Cela aussi est une partie clé de ce que fait le ministère. Notre souci n'est pas seulement de forger de nouvelles relations mais aussi, dans certains cas, de redresser certains aspects d'anciennes relations qui ont dérapé.
Dans certains de ces cas, par exemple, nous réglons des revendications particulières et, dans d'autres cas, nous essayons de régler des litiges judiciaires. Nous avons un groupe qui se consacre au règlement des litiges, parfois par le processus judiciaire mais souvent aussi en essayant de négocier des règlements à l'amiable.
Je passe maintenant au Bureau de l'interlocuteur fédéral, qui est le premier point de contact du gouvernement du Canada pour les Métis, les Indiens non inscrits et les autochtones en milieu urbain. Le Bureau a été créé en 1985 et ne relève pas d'un texte législatif particulier tel que la Loi sur les Indiens. Il n'y a pas de ministère unique qui soit responsable de tous les Métis et Indiens non inscrits et leur point focal est donc le Bureau de l'interlocuteur fédéral. C'est une partie clé de nos discussions continues sur de nombreuses questions dont nous nous occupons.
Le groupe suivant est le Secrétariat des relations avec les Inuits. Ce groupe, comme le Bureau de l'interlocuteur fédéral, focalise nos discussions sur les questions concernant un groupe particulier, les Inuits. Son mandat est d'être le premier point de contact sur les questions inuites et avec les organisations inuites. Dans ce secteur, il y a un certain nombre de revendications territoriales, dont quatre ont été traitées au cours des années, et il y a beaucoup de développements importants. Je précise en passant que nous célébrerons bientôt le 10e anniversaire de la création du Nunavut.
La page suivante est intitulée « Le plan d'action pour les autochtones ». Nous y présentons les cinq grandes catégories dans lesquelles le ministère a déployé ses efforts : le développement économique, domaine clé pour améliorer le bien-être, la prospérité et l'autonomie économique des peuples autochtones du Canada; l'éducation, pour améliorer les résultats scolaires des autochtones; l'habilitation des citoyens et la protection des personnes vulnérables; le règlement des revendications territoriales; et l'ensemble constitué par la réconciliation, la gouvernance et l'autonomie gouvernementale.
La dernière diapositive de ce premier exposé est consacrée aux principales initiatives du ministère car j'ai pensé qu'il pourrait être utile de vous donner une idée de ce qui tombe dans les catégories que je viens de mentionner. Pour le moment, nous procédons à l'élaboration d'un cadre de développement économique, ce qui est l'une des pièces clés que nous allons produire au chapitre du développement économique.
En ce qui concerne l'éducation, nous avons l'entente Canada-Colombie-Britannique sur l'éducation, parfois appelée FNESC ou First Nations Education Steering Committee, qui est en cours, et une entente récente avec le Nouveau- Brunswick sur l'éducation. Voilà des exemples d'initiatives dans ce domaine.
En ce qui concerne l'habilitation des citoyens et la protection des personnes vulnérables, les initiatives clés sont l'investissement dans le logement et l'infrastructure; l'abrogation récente de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui, pour ceux d'entre vous qui n'avez peut-être pas suivi le débat, était la disposition en vertu de laquelle des mesures de protection dont bénéficiaient tous les Canadiens au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne n'étaient pas octroyées aux personnes relevant de la Loi sur les Indiens; et le dépôt à nouveau du projet de loi sur les biens immobiliers matrimoniaux.
En ce qui concerne le règlement des revendications territoriales, deux exemples sont l'établissement du Tribunal des revendications particulières et l'Accord définitif de la Première nation Tsawwassen. Finalement, au chapitre de la réconciliation, de la gouvernance et de l'autonomie gouvernementale, nous avons les excuses du premier ministre aux anciens élèves des pensionnats et à leurs familles.
Tel était donc l'aperçu du volet Indiens, Métis et Inuits de notre travail. Je donne maintenant la parole à ma collègue, Mme Labonté, qui va présenter ce qui concerne le Nord canadien.
[Français]
Danielle Labonté, directrice générale, Direction générale des politiques stratégiques du nord, Affaires indiennes et du Nord : Honorables sénateurs, il me fait plaisir de comparaître ce soir devant votre comité.
À la page 2, de la deuxième présentation qui porte sur les affaires du Nord, vous trouverez un survol des responsabilités du ministre des Affaires indiennes et du Nord. Comme vous pouvez le constater, ces responsabilités sont de très grande portée.
Tout d'abord, j'aimerais indiquer que les responsabilités s'appliquent aux trois territoires.
[Traduction]
Comme vous le savez, les trois territoires du Canada représentent 40 p. 100 de notre masse terrestre mais avec une population très petite et extrêmement dispersée, ce qui est une source de difficultés particulières pour le ministère.
Nous avons un bureau à Ottawa ainsi que trois bureaux régionaux, un dans chaque territoire. Ces bureaux sont le point d'appui pour nos activités menées dans les territoires avec d'autres parties concernées.
L'une de nos principales responsabilités consiste à aider les gouvernements territoriaux et les groupes autochtones à mettre sur pied les institutions politiques et économiques qui leur permettront d'assumer des responsabilités croissantes dans le cadre de la dévolution. Comme vous le savez, nous avons dévolu des responsabilités au Yukon et nous préparons une dévolution aux deux autres territoires.
Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, où il n'y a pas encore eu de dévolution, notre ministère a la responsabilité de gérer les ressources naturelles, par exemple, de préserver, de maintenir, de protéger et de réhabiliter, tout en préparant le terrain à la dévolution.
Nos responsabilités sont la dépollution des sites contaminés, l'expansion d'une base de connaissances pour de saines décisions, et l'amélioration de l'efficacité du régime de réglementation dans le Nord. Nous mettons également sur pied des commissions spécialisées en vertu des ententes sur les revendications territoriales et sur l'autonomie gouvernementale.
Nous sommes chargés de la prestation et de la gestion des programmes de développement économique, ainsi que de la défense des intérêts du Nord dans le système fédéral. Je reviendrai plus tard sur cette question. Pour le moment, l'aspect le plus notable est que le gouvernement a récemment annoncé que nous avons créé une agence de développement économique régional du Nord, ce qui est une initiative très intéressante pour nous.
Nous jouons également un rôle dans le domaine scientifique dans la mesure où nous identifions les lacunes en sciences et en connaissances. Le savoir scientifique est crucial pour tout ce que nous devons faire dans le Nord pour prendre des décisions efficaces. Notre ministre joue le rôle de champion fédéral pour combler ces lacunes.
Finalement, notre ministre est le chef de file de la coordination de la Stratégie fédérale pour le Nord, exercice pangouvernemental constituant le cadre régissant tout ce que nous faisons au sein d'AINC ainsi que tout ce que font tous nos partenaires de la famille fédérale en ce qui concerne le Nord.
Cela m'amène à la page 3 concernant la Stratégie intégrée du Canada pour le Nord.
Vous vous souvenez peut-être que le premier ministre avait annoncé la Stratégie pour le Nord dans le discours du Trône de 2007. Elle comprend quatre piliers qui se renforcent mutuellement et qui ont la science et la technologie comme assise générale, la science étant le fondement de toutes les décisions prises dans ces quatre piliers. Il y a aussi un aspect national et un aspect international dans chacun des piliers. Avoir une population saine et prospère au Nord est fondamental pour les quatre piliers, et il y a des actions à cet effet aux quatre niveaux.
Il s'agit là d'une stratégie de l'ensemble du gouvernement, notre ministre étant le chef de file, ce qui signifie qu'il en est le champion au sein du Cabinet et qu'il a été de ce fait cosignataire de politiques émanant parfois d'autres ministres fédéraux.
Pour l'appuyer, nous avons une structure relativement sophistiquée, axée sur le besoin d'appuyer le ministre; le comité sur l'Arctique, du niveau de sous-ministre, en est un exemple. Ce comité bénéficie de l'appui de plusieurs comités différents du niveau de SMA. Il y a beaucoup de collaboration interministérielle permanente pour continuer à faire avancer la réflexion politique, à identifier les lacunes, à mesurer les progrès et à assurer la mise en œuvre des initiatives déjà annoncées. C'est une stratégie en renouvellement constant, ce qui signifie que d'autres initiatives seront lancées au cours des années dans les quatre piliers.
Je vais maintenant procéder pilier par pilier. Je mettrai l'accent sur les piliers qui ont été choisis, en expliquant pourquoi ces piliers ont été choisis, et je mentionnerai aussi quelques mesures prises par le gouvernement au sujet de chacun.
Comme vous le savez, le débat sur la souveraineté a occupé une place prépondérante dans les médias ces derniers temps, même si la souveraineté du Canada sur l'Arctique et si notre revendication à l'égard des terres et des eaux de l'archipel existe depuis très longtemps, repose sur un titre et une revendication historiques et, de plus, n'est pas contestée.
Les Inuits ont contribué à cimenter la base territoriale du Canada dans le Nord et continuent de jouer un rôle dans l'exercice de la souveraineté de par leur présence et leur travail avec les Rangers. Quoi qu'il en soit, comme je l'ai dit au début, cette région est très vaste et éloignée et nous avons des possibilités évidentes d'accroître notre présence et notre capacité et de dresser des plans pour répondre aux incidents.
En outre, les questions de souveraineté seront probablement à l'avenir des questions maritimes déterminées par la science et la négociation, avec l'exercice continu de la souveraineté par le renforcement de la sécurité et une protection continue de l'environnement.
Les investissements récemment effectués pour appuyer ces objectifs et défis comprennent des fonds supplémentaires pour s'assurer que le Canada a une revendication de grande qualité pour la délimitation de notre plateau continental en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, un investissement dans un nouveau brise-glace pour remplacer le NGCC Louis S. St-Laurent et aussi un investissement important dans des navires de patrouille qui assureront la surveillance de l'Arctique et des voies d'accès à l'Arctique.
Pour ce qui est du pilier du développement économique et social, nous avons assisté au cours de la dernière décennie, comme vous le savez, à la mise en valeur de mines de diamants de niveau mondial. Je crois qu'il y a eu déjà environ 2 milliards de dollars d'activité économique. On a aussi fait des travaux de prospection des réserves massives de pétrole et de gaz naturel du Nord et nous en sommes aux premières étapes du gazoduc du Mackenzie.
Les Autochtones du Nord jouent désormais un rôle croissant dans l'économie, et la capacité des gouvernements du Nord et autochtones s'accroît avec les ententes de dévolution, sur les revendications territoriales et sur l'autonomie gouvernementale. Toutefois, nous devons encore assurer que le développement est durable et écologique et veiller à ce qu'il offre des possibilités aux résidents du Nord, notamment autochtones.
Nous devons aussi veiller à ce que le régime de réglementation soit opportun et prévisible. Le ministre Strahl a demandé à Neil McCrank d'étudier le régime actuel et de produire des recommandations pour réduire les obstacles réglementaires. Nous avons maintenant obtenu ce rapport et en analysons les recommandations en vue de leur mise en application.
La page 5 concerne les piliers de la protection environnementale et de la gouvernance. Je commence avec le pilier environnemental et les conséquences du changement climatique. Comme vous le savez, elles sont très étendues, elles s'accélèrent et elles sont plus fortement ressenties dans le Nord qu'ailleurs. La réduction de la période de glaciation pourrait fort bien ouvrir de nouvelles voies de transport maritime à long terme mais elle sera aussi une source de danger pour les navires à court terme. Cela souligne la nécessité d'une législation rigoureuse sur le transport maritime, avec les ressources voulues pour l'appliquer. Certains des investissements dont j'ai parlé, comme les navires de patrouille de l'Arctique et le brise-glace, seront utiles à ce sujet. Le Conseil de l'Arctique va bientôt publier un rapport sur l'état du transport maritime dans l'Arctique, ce qui permettra d'éclairer la communauté de l'Arctique sur l'orientation des politiques futures.
L'Année polaire internationale est l'occasion pour nous d'en apprendre plus sur le changement climatique. Le changement climatique est l'une des deux questions fondamentales à étudier, la deuxième étant le bilan de santé des populations du Nord. Cela aussi éclairera nos efforts d'adaptation futurs.
Finalement, j'attire votre attention sur l'introduction récente par le gouvernement de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, qui est actuellement en deuxième lecture. Elle étendra l'application de notre capacité de surveillance de 100 à 200 milles nautiques et modifiera également NORDREG en obligeant quiconque pénètrera dans les eaux septentrionales à en informer Transports Canada. Dans le dernier budget, on a aussi annoncé 165 millions de dollars pour accélérer la dépollution des sites fédéraux contaminés, dont beaucoup se trouvent dans le Nord.
Le pilier de la gouvernance est destiné à renforcer la gouvernance au sein du Canada ainsi que la gouvernance internationale de l'Arctique. Sur le plan interne, notre objectif est d'assurer une solide gouvernance du Nord. Cela revêt deux aspects : premièrement, renforcer la gouvernance autochtone et développer la capacité et, deuxièmement, bâtir une capacité de gouvernance publique territoriale. L'objectif à longue échéance est d'instaurer une gouvernance du Nord vigoureuse, responsable et redevable, contribuant à une fédération canadienne dynamique et sûre. Bien que cette tâche continue, beaucoup de progrès ont déjà été réalisés. En avril 2003, par exemple, le Yukon a été le premier à atteindre la dévolution; en outre, le 1er avril de cette année, le Nunavut célébrera le 10e anniversaire de sa création.
Comme le Canada partage l'océan Arctique avec d'autres États, nous avons un intérêt tout naturel à faire en sorte que la région dans son ensemble demeure stable et reflète les intérêts et valeurs du Canada, ce qui est pourquoi nous avons contribué à la création du Conseil de l'Arctique et sommes actifs dans beaucoup de ses groupes de travail. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international prépare actuellement avec d'autres ministères la prochaine réunion ministérielle du Conseil de l'Arctique qui se tiendra fin avril en Norvège, et le Canada assumera la présidence du conseil en 2013.
En ce qui concerne la science et la technologie, élément fondamental pour une saine prise de décision dans les quatre piliers, le gouvernement a fait de la science et de la technologie dans l'Arctique une priorité, et plusieurs déclarations ont été faites en ce sens. Cela constituait une réponse aux résultats des études menées dans le cadre de l'Année polaire internationale et une reconnaissance du fait que notre infrastructure actuelle dans le Nord se dégrade. Une bonne partie de cette infrastructure est très vieille et ne répond pas aux besoins de la science, tant du point de vue de la demande pour la science que du type d'infrastructure.
Certes, nous avons au Canada une industrie scientifique assez robuste, avec beaucoup de scientifiques de niveau mondial, mais il n'en reste pas moins nécessaire de rehausser notre capacité pour appuyer la Stratégie pour le Nord. Le gouvernement a décidé d'investir dans une station de recherche du Haut-Arctique et de renforcer le réseau actuel de stations du Nord. Nous venons de lancer un appel de propositions en réponse à l'annonce dans le budget de 2009 d'une somme de 85 millions de dollars pour le réseau existant. Cela représentera une initiative très importante pour la communauté scientifique de l'Arctique.
La page 7 est une sorte de bulletin de notes. Ce n'est pas une liste exhaustive mais elle vous donne un aperçu rapide de certaines des grandes initiatives annoncées dans les quatre piliers. Certaines sont en cours alors que d'autres démarrent tout juste. Je n'ai pas besoin de lire la liste, elle est là pour votre information. Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire.
Le sénateur Lovelace Nicholas : I Je vous souhaite la bienvenue à tous et toutes. Tout cela semble fort impressionnant mais, si AINC fait tout ça pour les peuples autochtones, comment se fait-il que les Premières nations vivent toujours dans le tiers-monde? Quelqu'un peut répondre?
M. Watson : Je vais essayer. Il n'y a pas de réponse simple à cette question. Sans vouloir nier de quelque manière que ce soit qu'il y a là-bas de mauvaises conditions, je pense qu'il est également important de reconnaître qu'il y a beaucoup d'endroits où les choses vont très bien et où les communautés, les entreprises et les institutions indiennes, inuites et métisses ont très bien fait. Je répète que cela n'empêche pas qu'il y ait là-bas un certain nombre d'autres situations qui sont loin d'être aussi favorables.
Il existe beaucoup de défis là-bas. Je crois savoir qu'on vous a parlé hier de certains des problèmes de scolarisation que connaissent maintes collectivités et que vous avez obtenu des données statistiques à ce sujet. Nous avons entrepris un certain nombre d'efforts sur ce front et nous pourrons en parler dans quelques instants. Manifestement, ils ne sont pas encore arrivés au point où nous voulons les amener.
Certaines des questions que nous avons sont d'ordre réglementaire et certaines collectivités y ont trouvé des solutions concrètes, parfois dans le contexte de la Loi sur les Indiens, parfois par le truchement d'ententes sur l'autonomie gouvernementale et parfois par le truchement de lois telle que la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Je crois qu'on peut dire que beaucoup de collectivités sont encore à la recherche de solutions qui marcheront pour elles.
L'un des problèmes communs à toute l'industrie canadienne concerne les défis d'entreprises qui étaient autrefois dominantes dans un secteur et qui n'obtiennent plus aujourd'hui les mêmes résultats. Que vous fassiez partie d'une communauté autochtone ou non autochtone, quand l'une des entreprises cruciales de votre région disparaît, c'est évidemment un gros problème.
Il n'y a pas de réponse simple à cette question. Je ne crois pas que ce soit par manque d'effort, en tout cas certainement pas de la part de bon nombre de ces collectivités, car nous voyons beaucoup d'efforts dans bien des cas. Ce n'est pas non plus par manque d'effort de toutes sortes d'autres acteurs, notamment dans le secteur privé ou au gouvernement fédéral, et parfois dans les gouvernements provinciaux et territoriaux. Toutefois, nous savons parfaitement, comme vous avez pu le constater dans les témoignages d'hier, où se situent bon nombre de ces défis.
J'espère que vous constaterez que beaucoup des défis identifiés recoupent les domaines que nous avons identifiés aujourd'hui comme étant nos initiatives. Toutefois, je crois que la connexité de tous ces défis fait partie de ce à quoi nous sommes confrontés ici.
Je peux peut-être demander à ma collègue, Mme Cram, de parler de certaines des choses précises que nous faisons dans certains des domaines.
Christine Cram, sous-ministre adjointe, Programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social, Affaires indiennes et du Nord Canada : C'est un plaisir d'être ici, honorables sénateurs. Nous faisons des progrès. Si vous aviez demandé : « Faites-vous des progrès aussi rapidement que vous le souhaitez? », la réponse aurait été non. Nous aimerions faire plus de progrès mais nous progressons dans un certain nombre de domaines.
Je sais que le comité s'est penché récemment sur l'eau et a présenté un excellent rapport sur l'eau. En ce qui concerne les progrès sur l'eau, nous continuons de réduire le nombre de systèmes d'eau à risque élevé et à accroître le nombre d'exploitants formés. Nous avons aussi constaté une hausse des investissements dans l'eau. Je constate que, dans le budget de 2008, il y avait un investissement accru pour l'eau, et à nouveau dans le budget de 2009. Si vous examinez l'infrastructure et l'eau, nous voyons là des améliorations.
Il y a des améliorations en éducation. Si nous examinons en particulier la participation postsecondaire, la participation à l'apprentissage de métiers, ainsi qu'au niveau collégial et des apprentissages, a augmenté rapidement et est équivalente aux taux non autochtones. Le niveau universitaire est celui où subsiste un écart.
Il est vrai que nous avons toujours des écarts pour les diplômes du secondaire. C'est un domaine sur lequel nous voulons vraiment nous concentrer.
Nous avons lancé en décembre deux initiatives sur l'éducation destinées à essayer d'améliorer la situation, de la maternelle à la 12e année. Nous attendons beaucoup de ces initiatives. C'est un processus impulsé par les propositions. La première ronde de propositions est arrivée mi-février. Nous envisageons de lancer un programme de succès d'étudiants ainsi qu'un programme de partenariat.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Des études sont faites, des rapports sont publiés et la situation est toujours la même : pas assez d'argent de ce gouvernement, du gouvernement précédent et des autres gouvernements avant ceux-là pour les communautés autochtones. Les problèmes existent toujours et ils empirent. Il y a de la pauvreté et du suicide, et il n'y a pas assez d'eau potable. Et ce ne sont là que trois des problèmes dans ces collectivités.
Je le sais parce que je vis dans une collectivité autochtone. J'ai été élevée dans cette situation et je vois qu'elle est encore là. C'est comme si rien ne se faisait jamais. Pensez-vous qu'on finira un jour par faire quelque chose?
Mme Cram : J'ai mentionné l'eau mais je dois souligner qu'il y avait 218 systèmes à haut risque en 2003. Le 31 mars 2008, il y en avait 77, ce qui représente une amélioration. Nous continuons de travailler là-dessus en souhaitant évidemment arriver au point où il n'y aura plus de systèmes à haut risque.
Nous continuons de travailler sur l'enseignement, de la maternelle à la 12e année, notre espoir étant que nous verrons une augmentation du pourcentage d'élèves terminant le secondaire. Étant dans une communauté, vous savez que ça prend du temps. Êtes-vous de Tobique?
Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui.
Mme Cram : Du point de vue de la participation au postsecondaire, Tobique a un nombre élevé d'étudiants au niveau postsecondaire. Tobique a fait beaucoup d'efforts dans ce domaine et cela donne des résultats.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Certes, je le sais parfaitement mais certains de ces étudiants ne peuvent pas aller à ces endroits-là pour faire leurs études. Ils sont pauvres, ils n'ont pas de véhicule, on ne leur donne pas d'argent pour le transport, et cetera. Je sais qu'il leur appartient d'assurer leur transport. Toutefois, s'ils dépendent du bien-être social et doivent se nourrir, surtout en période de récession, ils n'en ont pas les moyens et ils finissent par décrocher.
Le président : J'aimerais poser une question rapide puisque nous parlons d'enseignement. Je crois comprendre que le ministère dépense 6 500 $ par étudiant alors que les communautés non autochtones dépensent quelque chose comme 11 000 $ dans certains cas, mais en tout cas une somme se situant entre 9 000 et 11 000 $. Est-ce que mes chiffres sont exacts? Mme Cram peut peut-être répondre.
Mme Cram : Les gens utilisent beaucoup de chiffres différents pour comparer les frais de scolarité et utilisent souvent les frais de scolarité par étudiant pour comparer une école des Premières nations à une école provinciale. Je ne connais pas les chiffres que vous venez d'utiliser, sénateur, mais je dois dire que c'est une question complexe et que nous travaillons là-dessus pour essayer de comprendre les différences.
Les écoles provinciales diffèrent parmi les conseils scolaires du point de vue du coût par étudiant, tout comme les provinces. Il y a des différences entre les provinces et à l'intérieur des provinces.
Il faut voir le comparateur de conseil scolaire à conseil scolaire à l'échelle du pays. Nous n'avons pas toutes les données. Il y a des chiffres différents en jeu. Par exemple, dans nos discussions avec le First Nations Education Steering Committee en Colombie-Britannique, ils disent qu'il manque une somme X. Nous convenons qu'il y a des différences dans les frais de scolarité et nous devons étudier ces différences.
Le président : Je pense que le chiffre que j'ai vient du ministère du vérificateur général. Je n'insiste pas sur ce point mais il serait bon que vous puissiez nous donner l'information par le truchement du greffier. Je crois, et je suis sûr que beaucoup de mes collègues le croient aussi, que la seule solution pour sortir de ce bourbier, c'est l'enseignement.
Le sénateur Brazeau : Merci d'être venus passer un peu de temps avec nous ce soir. C'est un plaisir de vous rencontrer tous et toutes, et certains d'entre vous en particulier. J'ai travaillé avec plusieurs d'entre vous dans mes fonctions antérieures.
Pour l'information du comité, pourriez-vous décrire comment les collectivités des réserves reçoivent leur financement, en ce qui concerne le financement de base, et si la formule de financement est une formule par habitant?
Je connais évidemment le mandat du ministère. On a dit dans l'exposé qu'il y a une supervision des élections des bandes et d'autres questions de gouvernance dans les réserves mais y a-t-il par exemple un mécanisme d'évaluation qu'utilise le ministère pour se pencher sur la question de la reddition de comptes?
Nous savons que de l'argent est dépensé dans les réserves pour différents programmes, pour la capacité, la gouvernance, et cetera, mais y a-t-il un mécanisme que vous utilisez pour voir si l'argent qui va dans les collectivités arrive réellement dans les mains des gens qui ont des besoins ou s'il est dépensé pour les programmes pour lesquels il est censé être dépensé?
On a posé beaucoup de questions sur la reddition de comptes. J'ai eu le privilège, dans mes fonctions antérieures, de consulter des autochtones de tout le pays. Le thème numéro un qui ressort continuellement est l'absence de reddition de comptes.
J'aimerais savoir, de vous et du ministère, s'il y a un mécanisme permettant de savoir ce qui marche bien et ce qui ne marche pas. S'il existe de tels rapports, pourrions-nous les obtenir? S'il n'en existe pas, pourquoi?
M. Watson : Je peux peut-être répondre à la deuxième série de questions et ma collègue pourra compléter mes réponses et répondre également à la première question concernant le financement des bandes.
En ce qui concerne le mécanisme de reddition de comptes, nous participons à deux séries de discussions. La première série de discussions porte sur le fait que le gouvernement fédéral ne devrait pas intervenir dans la reddition de comptes entre les dirigeants des Premières nations et ceux qui les élisent, et sur le fait que la possibilité pour une collectivité de prendre ses propres décisions suppose la possibilité de choisir ses dirigeants, la possibilité de décider s'ils ont fait un bon travail ou non et de porter un jugement sur les décisions prises au sujet de l'utilisation des ressources.
C'est très important car, à un certain niveau, si nous bâtissons la relation entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des Premières nations de manière tellement exclusive qu'on ne laisse à ceux qui élisent les dirigeants des Premières nations aucune possibilité de les obliger à rendre compte de leur action, nous ne rendons service à personne en allant dans cette voie. Cela dit, nous sommes parfaitement conscients du fait que nous parlons ici de deniers publics et qu'il est nécessaire d'assurer une reddition de comptes dans ce contexte. Le président parlait tout à l'heure de la vérificatrice générale qui nous a déjà adressé des commentaires à plusieurs reprises à ce sujet. Elle a notamment parlé du fait que nous exigeons parfois trop de rapports et de reddition de comptes des Premières nations.
Le secret est de trouver la bonne formule. La relation fondamentale de reddition de comptes entre les électeurs et les élus est une chose que nous devons encourager et que nous souhaitons certainement appuyer, mais nous ne sommes pas l'acteur prédominant. Ce sont en réalité les électeurs et les élus, mais il n'empêche que nous avons des exigences de vérification dans toutes nos ententes de financement, à ma connaissance. Nous évaluons tous les programmes que nous gérons. Les documents résultant de notre évaluation et des processus de vérification sont publics, généralement parlant, sauf dans les circonstances les plus rares. Pour bon nombre des programmes que nous gérons, ils sont disponibles sur notre site web.
Si vous consultez le lien relatif aux programmes d'enseignement, vous pourrez trouver ces rapports. C'est cependant un domaine dans lequel les gens sont très impliqués et, lorsqu'ils sont très impliqués, ils posent beaucoup de questions, ce qui est une bonne chose. Plus les gens poussent, plus ils posent de questions; plus ils obtiennent d'information, plus ils jouent un rôle efficace. L'une des choses dont je suis fermement convaincu est que 30 parents actifs dans une collectivité qui sont insatisfaits de la manière dont les choses avancent feront beaucoup plus pour changer cette collectivité que 500 personnes ajoutées aux listes d'AINC. Nous devons donc nous assurer que nous appuyons ce processus sans nous ingérer de manière inappropriée dans cette relation.
Mme Cram : En ce qui concerne la manière dont le financement se fait et la question de savoir si c'est par habitant, différents programmes sont financés de manière différente. Prenons l'enseignement comme exemple, de la maternelle à la 12e année. C'est financé sur la base de la liste nominative, c'est-à-dire du nombre d'enfants inscrits dans les écoles des réserves et du nombre d'enfants suivant des cours dans les écoles provinciales, et c'est basé sur le décompte réel de ces enfants, lequel se fait généralement en septembre de chaque année.
Pour ce qui est de l'assistance sociale, la Première nation fait une estimation du nombre de personnes qui figureront sur les listes d'assistance sociale, à son avis, et ses dépenses réelles sont ensuite remboursées en fonction des taux provinciaux, c'est-à-dire du nombre de personnes effectivement admissibles à l'assistance sociale, et l'argent est ensuite fourni sur la base de ce taux provincial, quel qu'il soit.
En ce qui concerne les dépenses d'exploitation reliées au capital, c'est basé sur les immobilisations qui ont besoin d'être entretenues, et les montants sont calculés sur cette base.
Cela varie donc d'un programme à l'autre et chaque programme a son propre régime de gestion du budget en ce qui concerne les ressources fournies. Les ressources vont de l'administration centrale aux régions puis des régions aux ententes individuelles avec les Premières nations.
En ce qui concerne les rapports, un guide national indique quels rapports sont exigés pour chaque domaine de programme, ainsi que ce qui est exigé en matière de vérification annuelle, ce qui doit se faire, je pense, le 30 juillet de chaque année.
Le sénateur Brazeau : Je tiens à dire que je suis d'accord avec ma collègue, le sénateur Lovelace Nicholas. Je suis parfaitement au courant du fait que la vérificatrice générale a dit au cours des années que les Premières nations produisent trop de rapports, mais je pense que vous conviendrez qu'envoyer un rapport au ministère ne signifie pas que l'argent est dépensé comme il était censé l'être.
Cela dit, j'insiste sur le fait que nous savons que beaucoup d'argent est consacré à différents programmes et services dans l'intérêt des gens vivant dans les réserves et dans d'autres régions mais qu'il ne semble pas y avoir de mécanismes permettant aux Canadiens de savoir ce qui marche, ce qui ne marche pas et ce qu'il faudrait faire pour ce qui ne marche pas. Je comprends bien votre argument que vous ne voulez pas donner l'impression de vous ingérer dans les affaires des bandes. Toutefois, je ne voudrais certainement pas non plus que toute supervision cesse dès qu'un chèque est envoyé dans une réserve et que le ministère se lave les mains de ce qui arrive ensuite. Voilà le genre de rapports que j'aimerais obtenir du ministère, afin de d'indiquer aux Canadiens ce qui marche, ce qui ne marche pas et ce qu'il conviendrait de faire au sujet de ce qui ne marche pas.
M. Watson : Je suis parfaitement d'accord avec vous, sénateur. Le simple fait que quelqu'un produise un rapport ne prouve pas nécessairement que la situation soit bonne, mauvaise ou indifférente. Produire des rapports est un élément important car ce sont des documents publics auxquels ont accès les membres des Premières nations, les parlementaires et l'ensemble de la population.
Nous effectuons également beaucoup d'évaluations et de vérifications. Des rapports sont publiés à ce sujet durant toute l'année. Chaque année, nous effectuons une révision d'un volet de nos programmes et services, ce qui nous permet de revoir la totalité au bout d'un certain temps, et ces évaluations et vérifications sont faites avec beaucoup de rigueur, souvent en faisant appel à des acteurs de l'extérieur. Elles permettent d'obtenir une image assez juste de ce qui marche ou ne marche pas. Je le répète, les résultats sont publics et je pourrais vous en donnez quelques exemples, si vous voulez.
Le sénateur Sibbeston : En ce qui concerne la question de reddition de comptes soulevée par le sénateur Brazeau, il y avait récemment dans le Globe and Mail un article au sujet de documents existant apparemment à AINC au sujet d'une certaine initiative relative à la gouvernance et à la responsabilité de gestion. Le ministre a été interrogé à ce sujet en Chambre et il a nié en avoir connaissance. C'est tout à fait concevable car il n'est peut-être pas au courant dans le détail de tout ce qui se fait au ministère. Vous travaillez à l'évidence à des niveaux auxquels vous devriez savoir si de tels documents existent et si de telles initiatives sont prises par le ministère. Que pouvez-vous nous dire au sujet de ces documents? Pouvez-vous vérifier s'ils existent et s'il y a des initiatives concernant la gouvernance et la responsabilité?
M. Watson : Les déclarations du ministre que j'ai lues à ce sujet portaient sur le fait qu'il n'y a rien de secret. Je crois que c'est ce qu'il a dit. Il a parlé de réunions qui se sont tenues dans le passé au Manitoba et d'une réunion qui se tiendra plus tard cette semaine dans la région de l'Atlantique. Je sais qu'on a parlé de certains documents attribués au ministère. Je ne sais pas exactement quels sont ces documents, bien sûr, et je n'ai pas vu ce à quoi il faisait référence.
Les déclarations du ministre à ce sujet sont claires. Je me souviens qu'il a dit qu'il n'y a rien de secret. On a parlé de gouvernance avec les Premières nations au Manitoba et dans la région de l'Atlantique. Ces discussions n'avaient absolument rien de secret, loin de là. C'est tout ce que je peux vous dire de mémoire au sujet des déclarations du ministre pour le moment et je ne peux vraiment rien dire de plus à ce sujet.
Le sénateur Sibbeston : Est-ce que vous nous dites la vérité?
M. Watson : Absolument, la vérité selon mon meilleur souvenir de ce que j'ai vu des déclarations du ministre.
Le président : Vous n'avez pas vu les documents, n'est-ce pas? Des documents ont été distribués. Je ne les ai pas lus mais j'ai vu certains documents qui concernaient cela. Je suis surpris que vous, M. Watson, ne sachiez pas s'ils existent. Cela ne veut pas dire qu'ils soient secrets mais simplement que quelqu'un, au ministère ou quelque part, s'est penché sur ce sujet particulier.
M. Watson : Soyons clairs : un journaliste dit posséder certains documents. Il ne m'a pas montré ces documents et je ne sais donc pas de quoi il s'agit. Toutefois, si je me souviens bien des déclarations du ministre à ce sujet, je sais qu'il y a eu des discussions au Manitoba et dans la région de l'Atlantique avec des Premières nations au sujet d'une série de questions de gouvernance concernant ces Premières nations. Voilà ce que je sais.
Le sénateur Lang : Je vous remercie de votre présence. Pour rester sur le même sujet que le sénateur Brazeau, je vais moi aussi parler de reddition de comptes.
On entend parfois dire que des sommes sont attribuées de bonne foi par la population du Canada aux réserves du Canada, par le truchement de votre ministère, et on entend de temps à autre parler de dépenses extravagantes ou de dépenses malvenues, puis c'est oublié.
Considérant votre réponse au sénateur Brazeau, je crois comprendre que vous faites peut-être une vérification ou une analyse financière de temps à autre sur telle ou telle situation dans une région donnée du pays mais que, pour le reste, il n'y a que ces rapports. Nous obtenons les rapports, nous acceptons que l'argent a été dépensé là où les auteurs disent qu'il l'a été mais, en même temps, la même année, nous pouvons découvrir une situation dans laquelle, par exemple, l'argent prévu pour le logement n'a pas été dépensé là où il était censé être dépensé.
Que ferez-vous différemment de ce que vous avez fait dans le passé pour obtenir plus de reddition de comptes afin de garantir que l'argent qui est approuvé par la Chambre des communes et que vous gérez est dépensé là où il est censé l'être? Allez-vous changer votre approche?
Je vais un peu plus loin. Je suis du Yukon et j'ai passé près de 20 ans à l'assemblée législative du territoire. J'ai vu la dévolution et nous avons beaucoup travaillé pour assurer la dévolution des responsabilités du ministère des Affaires indiennes et du Nord mais nous l'avons fait en veillant à assumer la responsabilité dans le cadre de la Loi sur la gestion des finances publiques, c'est-à-dire en respectant les exigences de vérification et de contrôle. S'il doit y avoir une dévolution de responsabilités, comme vous le dites, aux diverses bandes du pays, je suppose que vous allez en même temps demander une certaine reddition de comptes.
M. Watson : Absolument. Pour vous donner une image plus complète de la situation, je dois vous dire que, lorsque nous passons une entente de financement de services, il y a aussi de longues dispositions concernant les exigences de rapport. Par exemple, nous exigeons de la Première nation concernée des états financiers vérifiés chaque année au sujet de l'argent qu'elle reçoit. Il y a aussi un cycle d'évaluation de cinq ans de toutes les choses que nous faisons et un cycle de vérification de trois ans. Ces procédures courent en même temps et sont reliées l'une à l'autre.
S'il y a des plaintes ou des questions, nous avons aussi la possibilité de faire des vérifications spéciales et même, dans certains cas, des vérifications judiciaires, si les allégations sont suffisamment graves pour justifier ce type d'examen. Je ne voudrais pas vous donner l'impression que l'argent est donné n'importe comment et que les gens peuvent en faire ce qu'ils veulent. En fait, il y a dans chaque entente que nous signons des dispositions détaillées et des mécanismes de rapport dont beaucoup tournent autour des états financiers vérifiés des parties concernées.
Le sénateur Lang : Par exemple, si je consultais votre site web pour lire les états financiers d'une Première nation donnée, pourrais-je y voir combien le chef a été payé, combien l'administration a été payée, combien d'argent a été consacré à l'enseignement, et cetera.? Est-ce que ce serait la même chose que si j'examinais les livres d'un conseil municipal?
M. Watson : Je ne pense pas que vous puissiez aller sur notre site web ministériel pour trouver chaque Première nation sur ce front. Vous pourrez certainement trouver nos vérifications et nos évaluations des programmes.
Certaines Premières nations publient des informations très détaillées à l'intention de tous leurs membres au sujet des dépenses. Ma collègue peut peut-être m'aider mais je ne pense pas que des informations soient disponibles pour les 600 Premières nations, à peu près, jusqu'au dernier niveau de détail des vérifications et des états financiers.
Quand nous avons des ententes de contribution, elles comprennent des mécanismes de rapport en vertu desquels les gens nous fournissent ces rapports.
Le sénateur Peterson : Si vous le permettez, je voudrais revenir à une question dont nous avions traité en décembre 2006. Nous avons déposé un document intitulé Négociations ou affrontements : le Canada a un choix à faire.
L'une des principales recommandations concernait la mise sur pied d'un organisme indépendant pour résoudre les revendications particulières dans le cadre d'un effort de coopération des Premières nations du Canada.
Dans votre propre rapport, ici, vous parlez d'un tribunal des revendications particulières. Je viens juste de recevoir un beau document intitulé « Un nouveau départ ». Ce tribunal existe-t-il? Savons-nous qui en sont les membres et quelles sont leurs coordonnées?
M. Watson : Le collègue dont j'ai parlé tout à l'heure et qui ne nous accompagne pas ce soir est précisément celui qui serait le mieux placé pour répondre à cette question. Puis-je vous demander l'autorisation de vous envoyer une réponse par écrit? Je n'ai pas les détails nécessaires pour vous répondre.
Le sénateur Peterson : Oui. Vous pouvez envoyer ça au greffier.
En mai 2008, nous avons déposé un autre rapport intitulé Respecter l'esprit des traités modernes : éliminer les échappatoires, dont l'une des principales recommandations était que le greffier du Conseil privé prenne immédiatement des mesures pour mettre sur pied un groupe de travail de haut niveau composé de fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor, du Bureau du Conseil privé et du ministère des Finances, ainsi que de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et de tous les autres ministères et organismes exerçant des responsabilités dans le cadre des traités, afin d'établir un tribunal des revendications territoriales globales.
Où en est-on à ce sujet? Le tribunal existe-t-il?
M. Watson : Non, ce tribunal n'existe pas encore pour le moment. Ma collègue qui s'occupe des négociations des traités serait bien placée pour vous répondre en détail. Cela dit, il est clair que le tribunal dont vous parliez dans ce rapport n'a pas été constitué à l'heure où je vous parle.
Le sénateur Peterson : Une date limite précise avait été fixée pour la création de ce tribunal. Pourriez-vous faire également le suivi de cette question et envoyer l'information voulue au greffier?
Ma dernière question concerne la budgétisation. Faites-vous une budgétisation globale ou dressez-vous des budgets ventilés par fonction et par domaine d'activité?
Mme Cram : En termes de financement d'une Première nation, c'est par aspect individuel. Une somme serait incluse pour l'enseignement de la maternelle à la 12e année, pour l'enseignement postsecondaire et pour l'assistance sociale. Ce serait détaillé.
Les Premières nations fonctionnent avec des instruments de financement différents. Il s'agit dans certains cas de financement pluriannuel, ce qui leur donne plus de marge de manœuvre pour transférer des sommes d'une catégorie à une autre. Dans d'autres cas, il s'agit d'ententes de financement annuelles.
Le sénateur Peterson : En ce qui concerne votre initiative de l'Arctique et ce que vous faites là-bas, s'agit-il d'argent frais?
Mme Labonté : Une bonne partie a été annoncée dans des budgets précédents. Toutefois, la majeure partie concerne de l'argent frais qui a été annoncé depuis 2007, dans les deux ou trois derniers budgets.
Le sénateur Peterson : Ça ne vient pas de votre budget actuel. Je présume que toute cette question de souveraineté de l'Arctique appelle une collaboration. Ce n'est pas vous seulement. Vous devez collaborer avec de nombreux ministères.
Mme Labonté : Absolument. Cela se fait surtout avec la Défense nationale, par exemple pour les navires de patrouille, et avec la Garde côtière canadienne, pour les brise-glaces. De ce fait, beaucoup de gros dollars sont allés dans d'autres ministères, en effet.
Notre ministre pilote le dossier de manière générale mais nous ne sommes pas les destinataires de toutes les initiatives et nous n'avons pas la responsabilité de leur prestation à toutes. Nous assurons simplement la supervision du cadre global.
Le sénateur Peterson : Vous n'avez pas le sentiment d'être les parents pauvres dans toute cette affaire? Autrement dit, vous n'assumez pas une part excessive de la charge de travail, à même votre propre budget?
Mme Labonté : Non, je ne crois pas.
Le sénateur Dyck : Je voudrais continuer sur cette notion de coordination interministérielle de la Stratégie pour le Nord.
Lors de nos audiences au sujet de revendications territoriales particulières, nous n'avons cessé d'entendre parler d'un manque de coordination entre les différents ministères en ce qui concerne les préoccupations des Premières nations sur les revendications territoriales. Le but de la stratégie était en partie d'améliorer cette situation et vous nous dites que cela s'est fait au sujet de la Stratégie pour le Nord dont notre ministre est le champion pangouvernemental. Pourrait-il également être le champion d'autres dossiers? J'ai l'impression que cette stratégie est devenue absolument prioritaire mais je pense que chaque ministère a ses propres priorités.
Envisageriez-vous cela comme possibilité, c'est-à-dire que le type de politique- cadre que vous avez formulée avec la Stratégie pour le Nord, en termes de communication interministérielle, pourrait s'appliquer aussi dans d'autres domaines, comme les revendications territoriales et les traités?
M. Watson : Le ministère a mis sur pied un groupe qui se consacre totalement à cette question, pas seulement à la négociation de traités, ce qui, par définition, implique un large éventail de ministères fédéraux traitant de domaines aussi variés que les pêches, les ports et, parfois, les ressources naturelles. En plus du travail de coordination des négociations, tout un groupe existe pour régler les questions de mise en œuvre des revendications territoriales. Son rôle est surtout un rôle de coordination avec les autres ministères. Ce groupe existe depuis déjà pas mal de temps. Certes, c'est un gros défi, en grande mesure à cause de la portée très vaste de la relation qui émane des revendications.
Beaucoup de choses doivent se faire avec des dates limites très précises pour régler des questions de titres fonciers, d'intérêts juridiques, et cetera, mais il y a aussi des questions de gestion à long terme des relations, qui sont importantes pour l'avenir. Beaucoup de ministères ont leur mot à dire à ce sujet et nous avons à AINC un groupe qui se consacre spécialement à faire exactement ce genre de chose.
En outre, nous avons aussi créé une tribune, de très haut niveau, de sous-ministres adjoints des différents ministères concernés qui se réunissent pour parler des questions globales sur les choses qui marchent bien et sur celles qui pourraient exiger plus d'efforts. C'est un mécanisme utile qui permettra de faire avancer les choses lorsque les gens font face à des difficultés et que l'obtention d'un peu d'aide supplémentaire permettrait de les débloquer.
On a donc certainement mis en place des structures pour faire ce genre de choses. D'aucuns diront peut-être qu'ils auraient préféré que nous parvenions à des conclusions différentes de temps à autre, et d'autres, qu'on parvienne plus rapidement aux conclusions. Toutefois, les structures sont en place et elles existent précisément pour faire exactement ce que vous décrivez.
Le sénateur Dyck : Je suis heureux de vous entendre dire que vous croyez avoir ces structures. Je peux vous dire que, lorsque nous tenions les audiences, nous n'avions pas l'impression que les choses avançaient de manière satisfaisante. Vous avez peut-être pris depuis d'autres mesures qui ont permis d'accélérer le processus.
Dans vos diapositives, vous avez présenté le mandat d'AINC, qui est certainement très noble mais me semble un peu nébuleux. Qui définit le mandat? D'où vient-il? Est-ce un mandat interne? Existe-t-il une loi vous disant quoi faire? Vient-il du ministre?
M. Watson : Ce mandat a été formulé par notre ministère. Il existe depuis plusieurs années déjà.
Le sénateur Dyck : Je soupçonne que l'homme ou la femme de la rue vous dirait, tout comme moi, que, dans une certaine mesure, le mandat d'AINC découle de la Loi sur les Indiens, même si vous dites que vous êtes également régis par 60 autres lois, et que ce mandat devrait dans une certaine mesure être défini par ces textes de loi.
M. Watson : C'est un élément fondamental de ce que nous faisons. En plus de ça, cependant, nous faisons beaucoup d'autres choses au-delà de la Loi sur les Indiens. Par exemple, le travail relatif aux ententes sur les revendications territoriales et sur l'autonomie gouvernementale ne découle pas en soi de la Loi sur les Indiens.
Le sénateur Dyck : C'était ce que j'allais vous demander.
M. Watson : Il y a toute une série d'éléments de réconciliation qui, je peux le dire, ne viennent pas de la Loi sur les Indiens. Ils viennent d'ailleurs.
Entre le mandat et notre énoncé de mission, nous devons veiller à nous acquitter des obligations qui nous incombent au titre de la Loi sur les Indiens, mais nous sommes également conscients qu'il y a d'autres choses que nous essayons de faire.
Le sénateur Dyck : En ce qui concerne la négociation des revendications territoriales et des traités, et puisque je viens de la Saskatchewan, les Premières nations de la Saskatchewan vous diraient que les traités n'ont pas été négociés avec AINC mais avec la Couronne. D'aucuns pourraient donc contester que votre mandat soit de faire ça. Ils pourraient dire que votre mandat est plus de mettre en application quelque chose qui a été négocié par deux nations plutôt que par une nation et un ministère fédéral.
M. Watson : Les traités ont été signés par la Couronne et les Premières nations et la Couronne s'exprime de nombreuses manières différentes, pas seulement par AINC, je suis complètement d'accord. Beaucoup d'autres ministères ont un rôle à jouer. Toutefois, la principale voix du gouvernement du Canada ou de la Couronne fédérale, dans ce cas, passe par AINC.
Pour revenir à votre question précédente, cela signifie aussi que notre responsabilité consiste à intégrer d'autres acteurs. Pour être tout à fait clair, je vous dirais que, dans bien des cas, les faire participer n'est pas un gros défi. Beaucoup d'autres acteurs interviennent activement dans ce domaine. Ils le font depuis déjà longtemps et ils sont très énergiques en ce qui concerne leurs engagements dans ce domaine.
Le sénateur Dyck : À la dernière page, vous mentionnez les principales initiatives d'AINC. Au chapitre de l'habilitation des citoyens et de la protection des personnes vulnérables, vous indiquez plusieurs initiatives législatives. J'ai l'impression que cela indique que les frontières sont très floues entre AINC et ce qui sort de notre système parlementaire. À ma connaissance, ce n'est pas AINC qui est à l'origine du projet de loi ayant porté abrogation de l'article 67 de la Loi sur les droits de la personne.
M. Watson : C'était le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Le sénateur Dyck : Peut-être bien durant la dernière législature mais cela avait été proposé sous plusieurs formes différentes par le parlement. Cela avait été proposé par le Sénat mais, lorsque le gouvernement a été dissous, c'est revenu sous une autre forme.
M. Watson : Je peux certainement dire que, lors des tentatives les plus récentes — et j'essaye de me souvenir si c'était fin 2006 — c'est le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien qui avait présenté le projet.
Le sénateur Dyck : Oui.
M. Watson : Dans le passé, pendant une trentaine d'années, il y a eu beaucoup de débats sur la nécessité de régler cette question de l'article 67 et il ne fait aucun doute que d'autres ministres en ont été saisis auparavant. Toutefois, ces dernières années, il s'est toujours agi de projets du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Le sénateur Dyck : Une dernière question concernant l'enseignement. Le plafond de 2 p. 100 imposé au financement en 1996 procédait-il d'une initiative d'AINC?
Mme Cram : Le plafond de 2 p. 100 ne vient pas d'AINC en soi. C'est comme ça que nous obtenons les fonds. C'est le gouvernement qui décide ce que chaque ministère recevra et c'est ce qui figure dans son budget. Toutefois, ce n'est pas AINC qui a imposé le plafond de 2 p. 100. Cela vient de l'argent que nous recevons.
Le sénateur Dyck : C'est le Conseil du Trésor?
Mme Cram : Je suppose que c'est le ministère des Finances. Ça vient du budget lui-même.
Le sénateur Dyck : Vous serait-il donc possible de faire du lobbying interne à ce sujet? Si vous dites que vous faites la promotion de l'enseignement, ne devriez-vous pas faire tout votre possible, sur le plan interne, pour éliminer ce plafond?
Mme Cram : Je peux vous dire que plusieurs ministres successifs d'AINC ont défendu l'idée que le plafond de 2 p. 100 ne correspond pas à la croissance démographique ni à la hausse des coûts. Divers ministres et sous-ministres ont avancé cet argument.
Le sénateur Dyck : L'ont-ils dit au ministre des Finances?
Mme Cram : Dans diverses tribunes, oui.
Le sénateur Dyck : J'espère qu'ils vont continuer. Tous les groupes affirment que ce plafond devrait être aboli.
Le sénateur Raine : Merci à tous de votre présence. Cette séance nous apprend beaucoup.
Dans la liste des choses que fait AINC pour les Premières nations, les Métis et les Inuits, vous dites que le ministère « collabore avec d'autres ministères fédéraux afin de mener à bien le Plan d'action pour les autochtones (voir la diapositive) » — j'ai lu cette diapositive — et « appuie la présence internationale du Canada en ce qui concerne les questions autochtones ». Pouvez-vous m'expliquer ce que ça signifie? En qualité de Canadien, et de fier Canadien, j'ai été très troublé par les attaques formulées par des représentants du Canada dans des tribunes internationales sur les questions autochtones — des attaques contre le Canada.
M. Watson : L'un des mots intéressants que j'ai découverts il y a quelque temps et dont je ne connaissais pas le sens est le mot anglais « intermestic ». Je n'avais aucune idée de ce que ça voulait dire. Son utilisateur a précisé ensuite qu'il n'y a plus aujourd'hui de questions purement internationales ou nationales, dans bien des cas, étant donné que l'Internet et les communications modernes font que pratiquement tout ce qu'on pourrait croire être d'intérêt international revêt également un caractère national, et vice versa.
Le Canada a été considéré comme un chef de file dans beaucoup de régions du monde en ce qui concerne les questions autochtones. Toutefois, il a aussi fait l'objet de critiques pour son action dans ce domaine. Il y a donc là une divergence d'opinions.
Il y a des cas où des gens de divers milieux, pas nécessairement des autochtones mais certainement aussi des milieux autochtones, qui sont insatisfaits des décisions prises par les gouvernements du Canada et ils les ont portées devant des tribunes internationales. Il y a aussi des cas où des gouvernements étrangers se sont penchés sur l'action du Canada et ont exprimé leur propre opinion, parfois positive, parfois négative. On peut certainement affirmer qu'un grand nombre de délégations viennent chaque année au Canada pour voir ce que nous faisons afin d'en tirer des leçons pour leur propre pays.
Nous reconnaissons aussi que nous pouvons apprendre beaucoup auprès des autres pays. Des choses intéressantes se font dans beaucoup d'autres régions du monde en ce qui concerne les relations entre les peuples indigènes, puisque c'est l'expression qu'on utilise souvent dans ce contexte, et les autres populations.
Notre souci est de veiller à ce que les gens comprennent la position du gouvernement du Canada sur les diverses questions. La plus grande partie de notre travail sur la scène internationale consiste en fait à partager le savoir-faire et l'expérience du Canada.
Il y a quelques années, par exemple, à Genève, je me suis adressé à un groupe à qui j'ai montré sur une carte de la taille des revendications territoriales que nous avons réglées au Canada, en la comparant à la taille de l'Europe occidentale, ce qui a suscité de nombreuses marques d'étonnement chez mes interlocuteurs. Lorsque les gens réalisent dans quel contexte nous travaillons et les choses que nous faisons ici, ils comprennent rapidement les défis que nous avons à relever.
Je suis fier de pouvoir dire que, lorsque je participe à de telles réunions et que je parle de certaines de nos constatations dont vous avez entendu parler lors de la séance d'information statistique de l'autre jour, lesquelles montrent que certaines choses ne marchent pas bien du tout, les gens me disent : « Mais comment pouvez-vous parler aussi franchement de faiblesses aussi importantes? » À ce sujet, nous avons toujours dit que ce sont des problèmes que nous essayons de régler et qu'il ne servirait à rien d'essayer de les cacher. L'autre chose qu'il faut ajouter est qu'il y a aussi beaucoup de choses qui marchent en réalité fort bien. L'une de nos plus grandes faiblesses serait en fait de nous concentrer uniquement sur nos faiblesses. Parfois, il faut aussi tenir compte de l'autre aspect dans nos discussions.
Je le répète, si je devais répartir notre travail international en plusieurs éléments, je dirais qu'il s'agit d'abord de partager l'expérience canadienne avec toutes sortes d'autres acteurs qui tiennent à apprendre ce que nous avons fait et, ensuite, de veiller à ce que la position du gouvernement du Canada soit clairement communiquée et soit aussi bien comprise que possible lorsque que ces questions sont soulevées.
Le sénateur Sibbeston : Si je reviens à la page consacrée à la Stratégie intégrée du Canada pour le Nord, je dois dire qu'elle présente bien ce que vous considérez en être les quatre piliers. J'apprécie que le premier ministre ait déclaré dans le budget de 2007 qu'il y aurait une Stratégie intégrée pour le Nord afin de traiter de questions telles que la souveraineté.
Il y a une dizaine de jours, à Yellowknife, j'ai rencontré le premier ministre Floyd Roland et nous avons eu une excellente discussion dans son bureau. Je lui ai demandé quel était le problème le plus pressant au Nord. Il m'a dit qu'une stratégie exhaustive pour l'Arctique est nécessaire. Il a admis que le gouvernement fédéral agit. Une récente découverte du Nord a été causée par le changement climatique et, maintenant, la souveraineté. Le Sud du Canada détient un intérêt à l'égard du Nord mais on a l'impression qu'on essaie d'appliquer une démarche du Sud aux problèmes particuliers du Nord. Le premier ministre Roland a dit qu'il faut un effort initié par le Nord et avec la participation du Nord pour appliquer une stratégie du Nord. Bien que le graphique de la page 3 soit très joli avec ses quatre couleurs — brun, vert, vert foncé et bleu — et qu'il donne l'impression que vous avez tout bien en mains, le chef du gouvernement du Nord pense que tout ne va pas si bien que ça.
Bien qu'on mette l'accent sur un aspect de la question de la souveraineté en faisant des choses telles que construire des navires de patrouille plus solides pour le Nord, élargir les frontières pour la pollution et bâtir des installations d'amarrage et d'avitaillement à Nanisivik, il s'agit là en fait de choses d'Ottawa. Ce sont des initiatives et des idées qui ont vu le jour à Ottawa.
Il faut que vous compreniez l'histoire du Nord. Le sénateur Lang et moi-même avons beaucoup d'années d'expérience avec les assemblées législatives du Nord. Le plus grand progrès qu'on a probablement fait dans le Nord a été l'épanouissement du gouvernement responsable au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, avec aussi la création du Nunavut. Ce sont là des choses remarquables, surtout dans des endroits comme le Nunavut. Sans que l'on ait eu besoin de lancer un seul harpon ou seule une flèche, toute une nouvelle juridiction s'est créée, dans laquelle les Inuits sont souverains et sont maîtres chez eux, si je peux m'exprimer ainsi. C'est tout à fait remarquable.
Il est clair à mes yeux que, quoi que fasse le gouvernement à Ottawa, et quel que puisse être votre rôle à cet égard, il vous incombe de veiller à ce que les choses soient faites du point de vue des gens du Nord. Ça marchera beaucoup mieux de cette manière. Quand je faisais partie du gouvernement du Nord, nous avions l'habitude de dire que si le gouvernement fédéral avait 100 000 $ et pouvait construire une ou deux maisons avec ça, nous-mêmes serions capables de faire mieux. Nous serions capables d'en construire quatre. Voilà quelle est l'histoire du gouvernement responsable dans le Nord. Nous, du Nord, pouvons faire ces petites choses bien mieux que le gouvernement très distant d'Ottawa.
Dans le travail que vous faites, vous devriez reconnaître que les décisions prises au sujet du Nord devraient être prises par les gens du Nord.
Si vous demandiez aux gens du Nord quelle est la chose la plus cruciale pour améliorer leur vie et pour reconnaître leur souveraineté, ils vous diraient que c'est la construction d'une autoroute dans la vallée du Mackenzie jusqu'à Tuktoyaktuk. Ce serait le progrès le plus important, construire des routes pour que les gens aient un meilleur accès, aient des aliments moins chers et puissent ouvrir de nouvelles régions au développement. Vous donneriez aux Canadiens du Sud la possibilité d'aller dans le Nord en automobile jusqu'à l'océan Arctique pour redescendre ensuite par le Yukon.
Croyez-vous qu'une idée comme celle-là, émanant d'Ottawa, pourrait ne jamais être réalisée? Je n'en sais rien. Tout ce qui vient d'Ottawa est perçu avec une certaine méfiance. C'est ça l'histoire des gens du Nord, et vous en faites partie. Que pouvez-vous faire pour améliorer la situation du Nord?
Mme Labonté : Merci, sénateur. Il est vrai que certains des premiers investissements de la Stratégie pour le Nord étaient essentiellement axés sur le pilier de la souveraineté. Cela s'explique par le fait qu'on estimait qu'il s'agissait d'une responsabilité primordiale du gouvernement fédéral et d'un domaine dans lequel, d'un point de vue international, le gouvernement tenait à investir sans tarder.
J'ai dit dans ma déclaration liminaire que la stratégie est en renouveau continuel, et nous travaillons sur tous les autres piliers. Il y a eu un certain nombre d'autres investissements et d'initiatives, quand ce n'étaient pas directement des investissements, pour au moins jeter les bases d'une meilleure gouvernance et améliorer le développement économique, social et environnemental ainsi que la protection.
Nous n'en avons pas encore fini avec la stratégie, c'est un exercice qui continue. Nous avons engagé une conversation avec les gens du Nord sur un certain nombre d'initiatives. Toutes n'ont peut-être pas été lancées après consultation mais, pour parler simplement d'investissements stratégiques pour le développement économique du Nord, par exemple, il s'agit là d'un programme de cinq ans qui arrivera à expiration fin mars et qui sera renouvelé. L'annonce en a été faite dans le budget de 2009. Ce programme a eu beaucoup de succès. Tous les dirigeants territoriaux nous ont dit qu'ils en souhaitent le renouvellement. Le gouvernement a renouvelé le programme à hauteur de 90 millions de dollars pour cinq ans. Pour ce fonds, les projets d'investissement sont dressés par les territoires en collaboration avec Affaires indiennes et du Nord canadien.
Nous nous occupons également de la recherche dans l'Arctique, de concert avec les gens du Nord. Nous en parlons avec eux depuis un an et c'est pourquoi le gouvernement a décidé d'investir 85 millions de dollars dans l'infrastructure existante, avant d'aller de l'avant avec la future station de recherche du Haut-Arctique. Une bonne partie de l'infrastructure existante n'est pas fédérale, elle appartient aux territoires, aux établissements d'enseignement, et le gouvernement répond ainsi à des besoins exprimés par la base.
Je pourrais vous donner d'autres exemples. Il ne s'agit pas d'une initiative unique mais nous avons essayé de trouver un équilibre. Des discussions continueront à mesure que nous avancerons dans la création de l'agence de développement économique régional du Nord. Nous parlerons aux territoires et aux autres parties prenantes du Nord.
Parmi les autres annonces budgétaires de cette année, mentionnons le Fonds d'adaptation communautaire et les projets d'infrastructures récréatives qui seront réalisés par cette nouvelle agence de développement régional et qui créeront aussi d'autres possibilités. Nous essayons de trouver le juste équilibre mais ce n'est pas encore parfait.
Le sénateur Sibbeston : Ma question porte sur l'agence de développement économique annoncée dans le budget de 2008. Les habitants du Nord sont enthousiastes à ce sujet. Au Sud, chaque région a son agence de développement économique, laquelle a généralement son siège social dans la région qu'elle dessert. Comme il n'y avait pas beaucoup de détails dans le discours du budget, savez-vous si le siège social sera établi quelque part dans le Nord?
Mme Labonté : Nous ne le savons pas encore mais j'ai le sentiment que ce sera le cas. Il y aura probablement des bureaux dans chacun des territoires et probablement aussi une base à Ottawa. Je ne veux cependant pas trop en dire à ce sujet mais cela semble être l'orientation générale de nos discussions.
Le sénateur Sibbeston : Conviendrez-vous qu'il serait incompréhensible que l'agence ait son siège social à Ottawa?
Mme Labonté : Je ne veux pas exprimer d'opinion à ce sujet. Ce n'est pas moi qui déciderai où le siège social sera établi.
Le sénateur Sibbeston : Seriez-vous prête à mettre votre vie et votre emploi en jeu pour exiger que le siège social soit situé dans le Nord?
Mme Labonté : Ce serait ma recommandation...
Le président : Ce sont des temps économiques difficiles, Mme Labonté.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose, monsieur Watson?
M. Watson : En qualité d'ancien et fier résident des Territoires du Nord-Ouest, je partage totalement les remarques du sénateur au sujet des capacités du Nord. Je voudrais revenir sur le thème soulevé par mon collègue et qui a fait l'objet des remarques du sénateur. À une époque, je travaillais pour Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, en Saskatchewan, et je peux certainement dire que la présence des agences de développement régional donnait plus de poids aux revendications de la région dans l'ensemble du gouvernement fédéral. Je m'attends donc absolument à ce que l'agence de développement du Nord fasse partie de cela et je comprends très bien les remarques du sénateur.
Le sénateur Brazeau : Je ne voudrais pas ressasser la même chose mais c'est tellement important que je tiens à y revenir. Théoriquement, si le comité menait à l'avenir une étude sur la reddition de comptes, demain ou dans 10 ans, en se penchant sur les investissements actuellement réalisés dans l'intérêt des peuples autochtones et en demandant au ministère d'essayer d'évaluer s'il produit en fait un bulletin d'évaluation de ce qui marche, de ce qui ne marche pas et de ce qu'on peut améliorer, afin de dresser un plan pour voir s'il y a des résultats à la fin de ces investissements, le ministère serait-il actuellement en mesure de partager certaines de ces informations s'il les possédait?
Je répète ce que je disais tout à l'heure. J'ai eu le privilège de consulter des autochtones de tout le pays, aussi bien dans les réserves qu'en dehors des réserves. Leur toute première préoccupation est le manque de reddition de comptes : des étudiants qui n'ont pas accès à l'enseignement postsecondaire; des gens qui attendent un logement public depuis de nombreuses années mais sont toujours sans toit; et des gens qui demandent des fonds de développement économique mais qui ne peuvent pas y avoir accès, pour des raisons quelconques.
Si je mentionne cela, c'est parce que les seuls arguments que nous entendons de nombreux chefs un peu partout sont reliés au manque d'argent. Si nous ne sommes actuellement pas en mesure de dire combien d'argent est dépensé, à quoi il sert et s'il va vraiment dans les mains des gens ayant des besoins différents, comment peut-on déterminer honnêtement s'il faudrait plus d'argent ou non? Voilà ce que j'aimerais pouvoir déterminer moi-même en tant que citoyen des Premières nations de ce pays.
Ma deuxième question est destinée à M. Caron. Hier, nous avons entendu des gens de Statistique Canada et du ministère nous parler de démographie et des données du dernier recensement. Par exemple, il y a eu une augmentation du nombre de Métis. Personnellement, je pense que c'est parce que les gens qui ne peuvent pas s'inscrire, à cause des définitions prescriptives de la Loi sur les Indiens, ne veulent pas s'auto-identifier comme Indiens non inscrits. Personne n'a envie d'être un « non quelque chose ». Je pense qu'ils se fondent peut-être sur la Constitution pour dire que les peuples autochtones du Canada comprennent les Indiens, les Inuits et les Métis et qu'ils décident alors de s'auto- identifier comme Métis.
D'après vous, à quoi peut-on attribuer l'augmentation du nombre de Métis? Pour ma part, je pense que le problème est l'absence de définition des Métis dans ce pays. J'aimerais savoir ce qui explique cette augmentation, selon vous.
M. Watson : En ce qui concerne la première partie de la question, si l'on devait mener ce genre d'étude, il y aurait toutes sortes de documents parlant de beaucoup de ces questions, mais pas de toutes. Je n'ai aucun doute à ce sujet.
Nous avons les évaluations de tous les programmes que nous gérons, qui sont disponibles sur notre site web. Nous avons les vérifications de tous nos programmes. Les gens avec qui nous traitons dans le cadre d'ententes de contribution sont tous tenus, si je ne me trompe, de produire des états financiers vérifiés pour nous montrer que ce qu'ils nous disent est en fait quelque chose qui a été vérifié et évalué par les gens qui font les vérifications comme étant le reflet exact de la manière dont l'argent a été dépensé.
En plus de cela, nous avons le cadre de responsabilité de gestion qui est une série de fiches d'évaluation pour l'ensemble du gouvernement. Elles sont produites chaque année et on peut les consulter pour n'importe quel ministère fédéral. On y dit ce que nous faisons bien et ce que nous ne faisons pas bien. C'est très clair et, dans certains cas, étonnamment brutal. Ce genre de fiches d'évaluation est donc disponible.
Quand on arrive à la question de certains des détails particuliers qu'un citoyen quelconque de n'importe quel gouvernement pourrait vouloir connaître, cela soulève en partie la question de ce que les membres de la communauté attendent de leurs dirigeants élus. Dans certains cas, nous avons vu les dirigeants fournir cela volontairement et, dans d'autres cas, ce sont les membres qui ont exigé des informations extrêmement détaillées au sujet des salaires, des dépenses et de toutes sortes de choses. J'ai participé à des réunions où quelqu'un demandait de transférer quelque chose comme 500 $ d'un programme récréatif à un autre programme et cela avait soulevé la colère de l'assemblée qui estimait que c'était inapproprié. On peut aller jusqu'à ce niveau de détail mais il y a d'autres situations où l'on est loin d'avoir ce degré d'engagement ou de transparence.
Je ne sache pas qu'il y ait quoi que ce soit dans la Loi sur les Indiens qui empêche les membres d'une première nation quelconque de demander un niveau particulier de reddition de comptes financiers à leurs dirigeants élus. Rien n'empêche un conseil de bande, s'il le souhaite, d'adopter un tel règlement, et des membres exercent régulièrement des pressions auprès de leurs dirigeants pour faire adopter de tels règlements. Dans certains cas, il y a même des référendums sur ce genre de choses dans certaines Premières nations. C'est une partie critique de cette équation. Je reviens à ce que je disais tout à l'heure : 30 parents mécontents de la manière dont l'école de la réserve est gérée feront beaucoup plus pour changer cette école que 500 personnes assises dans des bureaux au 10, rue Wellington.
Fred Caron, sous-ministre adjoint, Bureau de l'interlocuteur fédéral pour les Métis et les Indiens non inscrits, Affaires indiennes et du Nord canadien : En réponse au sénateur Brazeau, j'aimerais pouvoir vous donner une réponse vraiment scientifique mais c'est probablement impossible. Je ferai donc simplement quelques remarques fondées sur mes propres observations. Comme vous le dites, sénateur, le nombre de gens s'identifiant comme des Métis a considérablement augmenté dans le dernier recensement. Cela s'explique évidemment en partie par l'augmentation de cette population mais ce n'est pas suffisant. Une autre partie de l'explication est que certaines personnes ressentent à nouveau désir de s'identifier comme des Métis. Nous voyons dans les journaux certaines informations anecdotiques de gens disant qu'ils veulent maintenant s'identifier comme Métis et qu'ils sont fiers de cette appartenance. Certains ne se sentent pas à l'aise dans la catégorie des Indiens nord-américains et ne veulent pas s'identifier comme Autochtones sans préciser de catégorie. Je pense qu'il y a là tout un faisceau de facteurs mais je ne saurais dire lequel est le plus important. À mon avis, ce sont ces facteurs qui expliquent l'augmentation.
Finalement, certains peuvent s'identifier comme des Métis parce qu'ils pensent qu'ils devraient avoir accès à certains droits qui ont été identifiés. Après l'affaire Marshall dans les Maritimes, on a constaté une hausse de 200 p. 100 du nombre de gens s'identifiant comme Métis. Il y a peut-être un lien là aussi.
Le sénateur Brazeau : Monsieur Watson, j'accepte votre argument que rien dans la Loi sur les Indiens n'empêche quiconque de demander des informations financières mais ne conviendrez-vous pas aussi que rien dans la Loi sur les Indiens ne donne un recours quelconque si des dirigeants ne veulent pas fournir ces informations?
M. Watson : Non, je ne suis pas sûr de partager cette opinion. La Loi sur les Indiens prévoit des élections. L'un des principaux mécanismes de reddition de comptes existe lorsque l'électeur dit à l'élu : « Je ne suis pas prêt à tolérer votre refus de me donner les informations que je souhaite ». Cette disposition existe dans la Loi sur les Indiens et il y a des élections en vertu de cette loi.
En outre, les ententes de contribution et les programmes que nous gérons en vertu de la Loi sur les Indiens contiennent tous aujourd'hui des dispositions de vérification. Dans certains cas, nous pouvons lancer des investigations judiciaires si la situation paraît assez grave. Bien que cela ne relève pas nécessairement de la Loi sur les Indiens, toute notre panoplie de programmes, allant jusqu'aux évaluations, fait partie de la structure de programmes qui existe en vertu de la Loi sur les Indiens.
Non, je ne suis pas prêt à dire que ces obligations n'existent pas dans la Loi sur les Indiens. Beaucoup d'outils y sont prévus. Toutefois, je reviens au fait que, foncièrement, rien n'est plus fondamental dans cette relation de reddition de comptes que la relation entre l'électeur et l'élu.
Le sénateur Lang : Dans votre exposé, vous avez parlé d'AINC, 11e province du Canada. Je tiens à vous dire que le Yukon aimerait beaucoup être cette 11e province.
L'un de vos principaux postulats est que la dévolution de responsabilités aux territoires est une priorité, et je pense que vous avez fait un assez bon travail au Yukon. Je peux parler du Yukon. Ça c'est assez bien passé entre AINC et le gouvernement du Yukon. J'ai cependant certaines préoccupations au sujet de l'agence de développement économique du Nord. En effet, je ne voudrais pas que ce soit un autre AINC. Si l'un des territoires, comme le Yukon, souhaite gérer cette agence différemment des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, cela sera-t-il possible? Aurez-vous cette souplesse?
M. Watson : Je laisserai ma collègue vous donner des détails dans un instant. Entre-temps, je peux vous parler de mon expérience à Diversification économique de l'Ouest Canada, organisation qui couvre évidemment les quatre provinces de l'Ouest et qui s'occupe donc de situations économiques foncièrement différentes. Selon ce que je sais des autres, ces organisations se sont toujours montrées capables de s'adapter aux circonstances particulières de leurs régions respectives et de faire preuve d'une grande souplesse. Je crois pouvoir dire aussi que ces organisations, qui sont typiquement beaucoup plus petites que la plupart des ministères fédéraux, se prêtent particulièrement bien à une souplesse qu'il est parfois difficile de trouver dans une organisation beaucoup plus grande, ce que démontre clairement toute leur histoire.
Évidemment, cette souplesse doit s'inscrire dans certains paramètres. Vous ne pouvez pas avoir des éléments différents opérant dans des voies complètement différentes. Il n'empêche que toutes les agences de développement régional ont à mon avis réussi à trouver suffisamment de souplesse pour tenir compte des différences, même dans leurs propres mandats, tout en respectant les paramètres qui sont justifiés pour des organisations de cette nature. En résumé, nous allons bâtir en tirant parti de l'expérience positive acquise par les autres agences.
Mme Labonté : M. Watson vient d'exprimer ma pensée. La création de cette agence nous donne l'occasion de faire quelque chose pour répondre aux besoins particuliers du Nord, besoins qui ne sont pas les mêmes d'un extrême à l'autre de cette énorme région. Les trois territoires en sont à des étapes différentes de leur développement et de leur capacité, et la nouvelle agence devra en tenir compte. Je ne peux que me faire l'écho de M. Watson.
Le sénateur Lang : Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé d'une étude environnementale qui a été faite. Était-ce pour les Territoires du Nord-Ouest ou pour le Nord dans sa totalité?
Mme Labonté : Il s'agissait d'une étude du régime de réglementation du Nord. Le rapport est public. Il a été publié il y a quelques mois, après un certain nombre de consultations dans le nord. On y trouve essentiellement diverses recommandations pour améliorer le régime de réglementation du Nord de façon à le rendre plus prévisible du point de vue de l'investissement et à le rendre également plus simple. Le ministère examine actuellement les recommandations et y réagira en temps voulu.
Le sénateur Lang : Pourrais-je obtenir un exemplaire de ce rapport?
Mme Labonté : Absolument.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je voudrais moi aussi parler de reddition de comptes mais dans le contexte des élections dans les Premières nations. Beaucoup de plaintes ont été formulées au sujet d'agissements malhonnêtes durant les élections, et la GRC a adressé une plainte à AINC qui a cependant refusé d'intervenir afin de ne pas faire de vagues avec les collectivités autochtones, la GRC et AINC. J'espère que vous mettrez votre nez dans cette affaire.
Quel est le pourcentage de membres des Premières nations qui travaillent dans votre ministère?
M. Watson : Je devrais connaître la réponse à cette question. Le chiffre auquel nous pensons tous les deux est 27 p. 100. Je pourrais vérifier et confirmer la réponse au président et au greffier mais je pense que c'est 27 p. 100. À titre de comparaison, la disponibilité sur le marché du travail national est de l'ordre de 6 p. 100, si je me souviens bien.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Quel est le ratio avec les non-autochtones et les autochtones?
M. Watson : Je crois que c'est environ trois pour un, en gros, si ma mémoire est exacte.
Mme Cram : Je crois me souvenir que c'est 50 p. 100 dans l'une des régions et que notre objectif est d'atteindre 50 p. 100. Je crois que c'est l'administration centrale qui a le pourcentage le plus faible, moins de 20 p. 100. C'est ce que je peux vous dire de mémoire.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Merci.
Le sénateur Sibbeston : En ce qui concerne le rapport McCrank, il est intéressant dans la mesure où cette personne est allée dans le Nord pour examiner toutes les commissions environnementales. Son rôle était de voir comment on pourrait accélérer la prise de décision concernant le développement. Un certain nombre de projets sont en cours de réalisation dans le Nord et il est donc allé examiner le scénario et il a constaté qu'il y a là-bas beaucoup de commissions environnementales et de gestion. Toutes les décisions concernant ces projets de développement doivent passer par leur intermédiaire, ce qui prend énormément de temps.
Ce qu'on souhaite, dans le Nord, c'est que les décisions soient prises plus rapidement, ce qui l'a amené à recommander une rationalisation du processus afin qu'on n'ait pas à passer par toutes ces commissions environnementales. Toutefois, elles ont été mises sur pied en vertu des ententes sur les revendications territoriales et sont protégées sur le plan constitutionnel.
Je ne pense pas qu'il sera jamais facile au gouvernement de mettre sur pied un organisme sans devoir passer par ces commissions de gestion des revendications territoriales. Je m'interroge donc sur le but ou le réalisme du rapport McCrank et me demande si on pourra l'appliquer.
Considérez-vous, vous aussi, que c'est une situation difficile? Quatre ou cinq ententes ont été passées sur des revendications territoriales et, pour changer la situation, il faut obtenir leur accord, ce qui veut dire que les ententes sur les revendications territoriales devraient être rouvertes. Ça semble être un scénario impossible et une chose impossible à faire.
Voulez-vous dire quelque chose à ce sujet?
Mme Labonté : Certainement, bien que je ne sois pas une spécialiste des systèmes de réglementation dans le Nord.
Nous examinons les diverses recommandations, qui sont très nombreuses. D'après les séances d'information auxquelles j'ai participé, je crois comprendre que certaines pourraient être mises en œuvre sans rouvrir les ententes relatives aux revendications territoriales et qu'elles pourraient changer sensiblement les choses.
C'est tout ce que je peux dire à ce sujet puisque le dossier est encore en cours d'examen au ministère. Nous pourrions probablement vous fournir plus d'informations.
Le président : Nous avons longuement traité de cette question et je tiens à vous remercier, monsieur Watson, madame Cram, monsieur Duschenes, madame Labonté et monsieur Caron, d'avoir comparu aujourd'hui et d'avoir témoigné de manière professionnelle, en essayant de répondre à toutes nos questions.
Vous avez pu constater, avec tous les sujets qui ont été abordés ce soir, que le comité attache beaucoup d'importance à ce qui se passe dans le Nord. Il y a la question de la reddition de comptes, la mise en œuvre et la réponse aux rapports que nous avons déjà eus, comme l'a dit le sénateur Peterson, et vous nous donnerez des informations complémentaires sur ces questions.
La principale préoccupation est que le changement n'est pas assez rapide, comme l'a dit le sénateur Lovelace Nicholas. Elle m'indiquait tout à l'heure que sa bande est actuellement gérée par une tierce partie. Savons-nous combien de bandes sont actuellement dans cette situation?
M. Watson : Je ne sais pas mais nous pourrions facilement trouver la réponse.
Le président : Cela montre à l'évidence que même si vous, mesdames et messieurs, déployez beaucoup d'efforts, nous devrions peut-être essayer d'inventer quelque chose pour accélérer ce processus.
Je vous remercie à nouveau d'avoir comparu devant le comité et d'avoir répondu aussi franchement à nos questions.
Honorables sénateurs, nous avons d'autres petites choses à régler, d'ordre administratif. On vous a remis un budget provisoire qui doit être approuvé par le comité si nous voulons obtenir les fonds nécessaires jusqu'à la fin de l'exercice budgétaire, le 31 mars 2009. Comme nous n'envisageons pas de faire de voyage dans les prochaines semaines, le budget est modeste. Il s'agit essentiellement de payer les dépenses locales reliées à ces réunions. Si quelqu'un a des questions à poser, je lui donne la parole. Sinon, je demande à l'un d'entre vous de proposer l'adoption du budget.
Le sénateur Peterson propose la motion, appuyé par le sénateur Lang. Qui vote pour?
Des voix : D'accord.
Le président : Pas de discussion? La motion est adoptée à l'unanimité. Merci.
Le comité directeur s'est réuni et a discuté de plusieurs questions. Les recherchistes de la bibliothèque voudraient savoir dans quelle voie nous allons nous orienter afin de pouvoir commencer à préparer les documents nécessaires pour ce que nous voudrons étudier.
Le sénateur Sibbeston, le sénateur Hubley et moi-même nous réunirons à ce sujet et vous tiendrons informés.
J'essaye actuellement d'organiser une rencontre entre le comité et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je lui en ai parlé et il est d'accord. J'espère pouvoir tenir cette réunion le plus vite possible. Idéalement, nous pourrons travailler dans un esprit de coopération, comme par le passé, et atteindre le même genre de résultats positifs. Je me souviens de certaines revendications particulières au sujet desquelles j'aimerais beaucoup savoir où en est le ministère du point de vue de la mise en application, comme le demandait le sénateur Peterson. Nous avons fait l'étude et avons l'information. Où en est réellement la mise en œuvre de ces traités contemporains est l'une des questions que nous avons étudiées récemment.
Nous vous présenterons des recommandations. Si vous souhaitez proposer quelque chose, n'hésitez pas à vous adresser aux membres du comité directeur qui examinera toute demande avec beaucoup d'attention.
Vous pouvez aussi adresser vos recommandations au greffier. L'essentiel est d'agir. La méthode importe peu. Il n'est pas nécessaire d'être pointilleux sur le règlement. L'essentiel est que nous puissions continuer à travailler comme par le passé. Nous jouissons d'une excellente réputation et je soupçonne qu'elle sera encore meilleure à l'avenir car nous avons beaucoup d'excellentes personnes au sein de ce comité, comme cela a toujours été le cas dans le passé. La qualité reste la même mais l'expérience est peut-être un peu plus étendue.
Merci beaucoup. Si personne n'a rien à ajouter, nous allons lever la séance.
(La séance est levée.)