Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 2 - Témoignages du 11 mars 2009
OTTAWA, le mercredi 11 mars 2009
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 29 pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : les Autochtones et les nouvelles mesures d'identification des électeurs).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare la séance ouverte.
Bonsoir. Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs, aux membres du public présents dans cette pièce et aux téléspectateurs de toutes les régions du pays qui suivent les débats du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet.
Je suis le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique, et je préside ce comité qui a pour mandat d'étudier la législation et les autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.
[Français]
Nous recevons aujourd'hui le directeur général des élections du Canada. Laissez-moi d'abord vous présenter les membres du comité.
[Traduction]
Sont parmi nous le sénateur Peterson, de la Saskatchewan, le sénateur Carstairs, du Manitoba, le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, qui est notre vice-président, le sénateur Brazeau, du Québec, le sénateur Lang, du Yukon, le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Watt, du Québec, le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard et le sénateur Campbell, de la grande province de la Colombie-Britannique, l'ancien maire de la ville de Vancouver.
Nous nous penchons aujourd'hui sur les effets que les nouvelles obligations faites aux électeurs de prouver leur identité et leur résidence ont eus sur les peuples autochtones lors de l'élection générale d'octobre 2008.
Deux représentants d'Élections Canada se sont joints à nous pour en discuter. Ce sont M. Marc Mayrand, directeur général des élections du Canada, et M. Belaineh Deguefé, directeur général, Rayonnement, communications et recherche, qui l'accompagne.
[Français]
Bienvenue, messieurs, et merci d'avoir accepté notre invitation. Je comprends que vous êtes prêts à faire une courte allocution et que des copies ont été distribuées au comité dans les deux langues officielles.
[Traduction]
Si vous êtes d'accord, nous allons d'abord écouter votre exposé avant de passer aux questions des sénateurs.
[Français]
Marc Mayrand, directeur général des élections du Canada, Élections Canada : Merci, monsieur le président. C'est avec plaisir que je suis ici aujourd'hui, à votre invitation, pour discuter des exigences d'identification des électeurs et de leur application particulièrement pour les autochtones.
J'aimerais parler d'abord de l'objet de la législation, qui a été mise en place en 2007, et ensuite décrire la façon dont nous l'avons mise en œuvre. Je vous ferai part aussi de notre expérience avant et pendant la 40e élection. Enfin, nous serons heureux, mon collègue et moi, de répondre à vos questions.
Tout d'abord, la nouvelle législation. Comme vous le savez, les élections générales de 2008 étaient les premières au cours desquelles les nouvelles exigences d'identification des électeurs étaient appliquées. Avant juin 2007, les électeurs dont le nom figurait sur la liste électorale — donc qui étaient déjà inscrits sur la liste — se voyaient rarement demander de fournir une preuve d'identité ou de résidence pour voter lors d'une élection fédérale. Toutefois, comme vous vous en souviendrez sans doute, les parlementaires s'inquiétaient de l'intégrité du processus électoral et du risque d'abus.
On a fait état des possibilités d'usurpation d'identité et du phénomène ou de la pratique des répondants successifs. Le Parlement a donc adopté une loi pour modifier la Loi électorale du Canada. Ces modifications ont reçu la sanction royale le 22 juin 2007 et obligent les électeurs à prouver leur identité et leur lieu de résidence au moment de voter, et interdisent par ailleurs la pratique des répondants en chaîne. Ces exigences ont été mises en application lors de sept élections partielles tenues avant la 40e élection générale.
Suite à l'adoption des modifications, nous nous sommes vite aperçus, au cours de l'été 2007, que pour appliquer ces nouvelles dispositions il fallait régler le problème lié aux adresses municipales. En effet, certains électeurs, notamment ceux des régions rurales et nordiques, n'ont tout simplement pas d'adresse municipale complète qui prouve leur lieu de résidence dans une section de vote. Ils n'ont qu'une adresse postale, une case postale ou un numéro de route rurale, ou bien prennent leur courrier à la poste restante de leur bureau de poste.
De plus, de nombreux électeurs de ces mêmes régions ont bel et bien des adresses municipales mais utilisent des adresses postales sur la plupart de leurs documents d'identité. Dans les deux cas, il est peu probable que ces électeurs aient pu prouver leur adresse résidentielle au bureau de scrutin. De même, ils n'auraient pu recourir vraisemblablement à un répondant de leur section de vote puisque que leurs voisins auraient été probablement dans la même situation.
Les exigences d'identification ont donc été modifiées à la fin de 2007, par l'adoption du projet de loi C-18. Selon les nouvelles dispositions, l'électeur qui présente une pièce d'identité dont l'adresse correspond à l'information inscrite sur la liste électorale sera réputé avoir prouvé son lieu de résidence.
Qu'en est-il de la législation?
[Traduction]
Depuis 2007, les nouvelles exigences d'identification offrent trois options à l'électeur : tout d'abord, il peut présenter une pièce d'identité originale délivrée par un gouvernement ou un organisme gouvernemental canadien sur laquelle figurent sa photo, son nom et son adresse. Il peut aussi présenter deux pièces d'identité originales autorisées par le directeur général des élections du Canada, toutes deux avec son nom, et l'une d'elles avec son adresse.
Je souligne que la loi précise que le Certificat de statut d'Indien délivré par le gouvernement du Canada constitue une des pièces d'identité autorisées. La photo et le nom de la personne y figurent, mais pas son adresse.
Enfin il peut, comme troisième option, prêter serment, appuyé par un électeur inscrit sur la liste électorale de la même section de vote et qui a la ou les pièces acceptées.
Comme je l'ai indiqué auparavant, avant 2007, un électeur qui avait fait appel à un répondant pouvait lui-même se porter garant d'un autre électeur. Désormais, cette pratique des répondants successifs n'est plus autorisée. La loi l'interdit expressément.
En 2006, tout en examinant les modalités de mise en œuvre de la législation, nous avons réalisé une étude préliminaire qui nous a permis de constater qu'aucune pièce d'identité délivrée par l'administration fédérale ne comprend à la fois le nom, l'adresse et la photo de la personne, comme l'exige la première option. La pièce d'identité à laquelle on pense immédiatement est le passeport, mais seuls la photo et le nom du titulaire y figurent, pas son adresse. Il ne répond donc pas aux exigences de la première option.
De plus, seuls quelques documents délivrés par les autres ordres de gouvernement, comme le permis de conduire, satisfont à ces exigences. Enfin, plusieurs cartes permettent d'établir l'identité de la personne mais non son adresse. Ce renseignement figure surtout sur des documents comme les factures de services publics.
La loi prévoit donc l'établissement d'une liste de pièces d'identité autorisées par le directeur général des élections. Pour voter, l'électeur doit fournir deux pièces d'identité inscrites sur cette liste. Comme je vous l'ai déjà expliqué, les deux pièces doivent indiquer son nom, et au moins l'une d'elles doit aussi donner son adresse.
Lorsque nous avons créé la liste, notre but était de respecter l'esprit de la loi pour assurer l'intégrité du vote, tout en cherchant à faciliter le plus possible l'accès au vote. Il en a résulté une liste fermée de 44 pièces d'identité et documents originaux. Par la suite, la liste a été élargie à 46 éléments.
Pour dresser cette liste, nous avons également tenu compte des besoins particuliers de certains groupes d'électeurs, dont les Autochtones vivant dans des réserves. Un ajout essentiel a été la lettre d'attestation de résidence. Elle permet à la personne autorisée d'une bande ou d'une réserve d'attester de l'identité et de l'adresse d'un électeur vivant dans l'une de ces réserves.
L'élaboration et l'application de la liste ont été influencées par des consultations soutenues menées auprès de divers intervenants. Avant l'adoption du projet de loi sur les nouvelles exigences d'identification, j'ai transmis la liste proposée au ministre, et j'ai sollicité l'opinion des comités de la Chambre et du Sénat responsables des questions électorales.
Depuis, nous avons également consulté les candidats, les députés et les représentants des groupes d'électeurs pour lesquels les nouvelles exigences d'identification pouvaient poser problème. Parmi ceux-ci on compte les Canadiens du Nord, les aînés et les résidents d'établissements de soins de longue durée, les étudiants et les sans-abri. Nous voulions déterminer l'efficacité de la liste, voir quels obstacles les nouvelles exigences risquaient de créer, et obtenir des conseils sur la meilleure façon de communiquer les nouvelles exigences à ces électeurs. Les représentants de communautés autochtones ont fait partie des personnes consultées.
Avant la 40e élection générale, nous avons eu la possibilité de mettre à l'essai les nouvelles exigences à l'occasion de sept élections partielles. Trois ont eu lieu en septembre 2007 et quatre en mars 2008. Ce furent les premières occasions d'appliquer les nouvelles exigences d'identification. Les résultats ont indiqué que, dans l'ensemble, l'application des nouvelles exigences s'était bien déroulée.
La plupart des électeurs étaient au courant des nouvelles dispositions. Ils ont trouvé qu'il était facile de satisfaire aux exigences et ils n'étaient pas réticents à l'obligation de prouver leur identité. Dans la circonscription du Nord de la Saskatchewan, la tendance était semblable. Toutefois, moins d'électeurs étaient au courant des nouvelles exigences. Ils ont été également plus nombreux à affirmer qu'ils n'avaient pas les pièces d'identité exigées.
Pour en venir à la 40e élection générale, comme je l'ai mentionné plus tôt, ce fut la première au cours de laquelle les nouvelles exigences d'identification ont été appliquées. Les procédures administratives et la formation donnée aux travailleurs électoraux qui avaient été élaborées et mises à l'essai lors des élections partielles ont été appliquées de nouveau lors de l'élection générale. Nous avions lancé une campagne proactive d'information et de publicité dans le cadre de laquelle nous avons distribué à tous les foyers du pays un dépliant qui rappelait aux électeurs les nouvelles exigences d'identification. Ce dépliant leur expliquait les différentes façons de prouver leur identité et leur résidence et comprenait la liste des pièces d'identité autorisées. Cette campagne prévoyait également des activités de relations avec les médias, afin d'informer les journalistes des nouvelles exigences.
Nos efforts de communication et de sensibilisation étaient axés, entre autres, sur les électeurs autochtones. J'ai ici plusieurs exemples de mesures que nous avons prises à cet égard. Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais partager cette information avec les membres du comité.
L'une de nos activités principales a été d'amplifier notre campagne radio autochtone dans 13 circonscriptions du Nord. Nos agents de relations communautaires ont également fourni des efforts supplémentaires afin de sensibiliser les électeurs autochtones, et nous avons établi un partenariat avec l'Assemblée des Premières Nations. L'APN a aussi contacté plusieurs chefs de bandes indiennes afin de les renseigner davantage sur les nouvelles exigences d'identification et de les encourager à fournir des lettres d'attestation.
Selon les résultats préliminaires des sondages téléphoniques effectués auprès des électeurs après l'élection générale, une nette majorité de Canadiens étaient au courant des nouvelles exigences d'identification, et n'ont éprouvé aucun problème lors du vote. Cependant, nous avons été informés de difficultés rencontrées par certains groupes d'électeurs, dont les Autochtones vivant dans des réserves, afin de prouver leur identité et leur adresse. Certains électeurs se sont présentés à leur bureau de scrutin sans les pièces d'identité requises. La nouvelle procédure a créé une certaine confusion, et certains électeurs ne savaient pas quelles pièces d'identité étaient acceptées;
J'ai eu l'occasion d'observer un certain nombre d'électeurs qui se présentaient au bureau de scrutin avec un passeport et une carte d'information de l'électeur, deux documents qui, je le répète, ne satisfont pas les exigences de la législation.
Afin d'établir leur adresse, d'autres ont présenté une attestation de résidence, c'est-à-dire une lettre d'un administrateur de bande indienne, mais ils n'avaient pas l'autre pièce d'identité requise. L'obligation de préparer les attestations a représenté un fardeau pour certains administrateurs, qui devaient être disponibles pour remplir les formulaires.
La nouveauté et la complexité accrue des exigences d'identification ont entraîné une application inégale des nouvelles mesures par les préposés au scrutin. Là aussi, je crois pouvoir ajouter que dans les petites collectivités où les membres du personnel de scrutin et les électeurs se connaissent, cela a suscité quelques tensions quand les premiers ont demandé aux seconds de donner leur nom et leur adresse, puis de présenter un document les confirmant. Cela a causé à l'occasion un certain malaise.
Mon bureau procède actuellement à une série d'évaluations postélectorales qui nous aideront à mieux déterminer quels domaines prioritaires pourraient requérir des améliorations. Le mois dernier, j'ai déposé un rapport sur le déroulement de la 40e élection générale qui a, je crois, été remis à tous les membres du comité. J'ai également comparu devant le comité de la Chambre des communes responsable des questions électorales pour lui dire comment nous avions vécu cette élection et pour recueillir ses points de vue, et je suis bien sûr parmi vous aujourd'hui pour vous dire comment les nouvelles exigences d'identification se sont appliquées et pour écouter vos commentaires. Ces résultats feront partie d'un rapport intégré que j'ai l'intention de publier à la fin de ce printemps. J'entends également, d'ici la fin de l'année, présenter au Parlement un rapport contenant mes recommandations pour mieux administrer la loi.
Voilà ce que j'avais à vous dire, monsieur le président. Il me reste à vous remercier, ainsi que les membres du comité. Mon collègue et moi sommes maintenant à votre disposition pour répondre aux questions des membres du comité.
Le président : Au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier de votre exposé.
Le sénateur Carstairs : Je tiens à remercier publiquement M. Mayrand, parce que je me suis adressée à lui pendant la campagne électorale. Je recevais en effet des appels des conseils de bandes, des chefs et des membres des collectivités de tout le Nord du Manitoba qui étaient complètement perdus. M. Mayrand m'a alors expliqué en détail les nouvelles exigences et je sais que ses services ont mis en œuvre les programmes de rayonnement dont il a fait état, en particulier dans la circonscription nordique de Churchill.
Je me suis aussi livrée à une expérience : j'ai examiné mes propres pièces d'identité. Je n'en avais qu'une. Oui, j'ai un passeport, qui n'est pas accepté pour l'élection; oui, j'ai une carte d'assurance sociale, qui n'est pas non plus acceptée. J'ai une carte d'identité pour les prestataires de la sécurité de vieillesse qui n'est pas acceptée, et une carte de santé du Manitoba qui ne l'est pas non plus parce que ma photo ne s'y trouve pas. Fort heureusement, je conduis une automobile et j'ai donc un permis de conduire qui, lui, comporte tous les éléments exigés. Au Manitoba, si vous n'êtes pas détenteur d'un permis de conduire, vous n'avez pas de pièces d'identité. Beaucoup de gens du Manitoba qui vivent dans les collectivités du Nord n'ont pas de permis de conduire.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à M. Mayrand de comparaître ici, parce que cela m'inquiète beaucoup.
Avez-vous procédé à des comparaisons, dans un comté comme Churchill au Manitoba, entre les taux de participation à cette dernière élection et à la précédente? Si oui, quels enseignements en avez-vous tirés?
M. Mayrand : Cela fait partie de notre processus d'évaluation. Nous n'avons pas terminé, mais nous procédons bien évidemment à cette comparaison, en particulier pour les 13 circonscriptions du Nord mentionnées dans mon exposé. Nous allons noter les taux de participation à l'élection et les comparer à ceux de l'élection précédente, et ensuite tenter de déterminer les causes des éventuelles variations.
Il est vrai que le document le plus répandu permettant de satisfaire au premier niveau d'exigence est le permis de conduire. Il semble, d'après les informations dont nous disposons, que seulement 85 p. 100 des électeurs en aient un. Le pourcentage de ceux qui n'en ont pas est donc loin d'être négligeable.
Le sénateur Carstairs : Ma seconde question concerne la carte de statut. Celle-ci peut être utilisée comme seconde pièce d'identité. Elle ne peut pas servir de document principal parce qu'elle n'a pas de photos et que, en règle générale, l'adresse de la personne n'y figure pas non plus, même si c'est parfois le cas. Vous est-il possible d'imaginer avoir un jour une carte de statut comportant à la fois l'adresse et la photo, qui constituerait alors pour les détenteurs de cette carte de statut une pièce d'identité?
M. Mayrand : C'est là une question qui relève d'Affaires indiennes et du Nord Canada.
Pour de nombreux organismes, il est difficile de gérer les adresses. C'est un processus lourd, complexe et nécessitant beaucoup de main-d'œuvre. Nous en sommes plutôt maintenant, si vous me permettez cette expression, à la gestion des pièces d'identité. Nous avons une liste sur laquelle figurent 46 documents et qui sait quels autres documents pourraient y être ajoutés.
Une solution qui serait possible, que je vais étudier et sur laquelle je demanderai à nouveau conseil au Parlement, serait d'envisager de reconnaître la carte d'information de l'électeur que tous les électeurs inscrits reçoivent comme document attestant de l'adresse de l'électeur. Il y a plus de 23 millions d'électeurs au pays, dont la vaste majorité sont inscrits. La plupart d'entre eux reçoivent cette carte et l'ensemble composé de la carte d'information de l'électeur et d'une carte de statut, par exemple, permettrait de respecter les exigences. Cela soulèverait toutefois d'autres questions qu'il faudrait étudier devant divers comités, mais c'est certainement une solution possible qui mérite d'être étudiée.
Le sénateur Carstairs : Ma troisième et dernière question porte sur le répondant. C'est peut-être inexact, mais c'est ce qu'un groupe d'électeurs m'a expliqué. Un certain nombre de personnes vivant sous le même toit se sont rendues au bureau de vote. La première avait une facture d'un service public et sa carte de statut, soit deux pièces d'identité, et a été autorisée à voter. Ensuite, elle n'a été autorisée à répondre que d'un seul membre de ce foyer. Est-ce exact?
M. Mayrand : C'est exact. Ce changement a été apporté en 2007. Auparavant, la pratique des répondants successifs était autorisée.
Le sénateur Carstairs : Si un père répond de sa femme, il ne peut plus ensuite répondre de ses quatre enfants âgés de plus de 18 ans?
M. Mayrand : Il doit alors choisir de laquelle des cinq personnes il va répondre.
Le président : Les secrétaires de bureaux de vote ou les travailleurs d'élection peuvent-ils répondre de quelqu'un?
M. Mayrand : Pas avec la législation actuelle. Le répondant doit être un autre électeur inscrit sur la liste de ce bureau de vote.
Le sénateur Sibbeston : Pour la plupart d'entre eux, les gens qui vivent dans les petites collectivités du Nord font preuve de bon sens. Dans ces petites collectivités, il n'y a pas d'adresse de voirie, et vous ne pouvez donc pas donner une adresse. J'ai regardé aujourd'hui ce qui est inscrit sur mon permis de conduire, et je n'y vois que mon numéro de case postale. Je me suis présenté au bureau de vote de Fort Simpson. Tout le monde me connaît et il n'y a pas eu de question. Je me rendais juste voter, et j'ai vu qu'il en était de même pour les autres, les gens venaient voter. Dans les petites collectivités, tout le monde se connaît, et il est complètement idiot d'insister pour voir une adresse. Cela revient à dire : « Je vous connais. » Si je vous connais depuis l'enfance, pourquoi devrais-je vous demander de me montrer vos cartes avant de voter? Tout cela vise à empêcher la fraude, mais dans le Nord où tout le monde se connaît, il n'y a pas de raison d'insister pour que les gens vous montrent leurs pièces d'identité.
Pouvez-vous, s'il vous plaît, faire quelque chose pour modifier ce processus injustifié? C'est fou; c'est stupide. Exiger toutes ces choses dans des collectivités où les gens se connaissent tous. Je connais des cas où, si quelqu'un est trop malade ou trop âgé, on va lui apporter des bulletins de vote à son domicile pour lui permettre de voter. C'est comme cela que les gens votent dans le Nord. C'est une approche pleine de bon sens et elle fonctionne. Personne ne triche ou ne se livre à des actes frauduleux.
Dans les collectivités du Nord, lorsque tous les électeurs avaient fini de voter à 15 heures, il est arrivé bien souvent qu'on commence immédiatement le dépouillement parce qu'on savait que c'était terminé. Pourquoi attendre jusqu'à 19 heures ou 20 heures quand tous les gens seront partis? C'est comme ça que les choses se passent parfois et c'est pourquoi les taux de participation sont plutôt bons, parce que les gens font preuve de bon sens quand ils votent.
J'espère qu'il sera possible d'en tenir compte et de continuer à voter de cette façon. Le Canada est un grand pays et, comme je l'ai remarqué maintes fois, les règles sont en général faites pour le Sud du pays, pour les grandes villes où les gens ne se connaissent pas. Dans le Nord, et en particulier dans les collectivités autochtones, les choses sont différentes. Fort Simpson compte environ 1 400 habitants et tous se connaissent, qu'ils soient autochtones ou non. Pourquoi ne pas faire des lois qui en tiennent compte au lieu d'adopter des règles qui compliquent les choses?
Si je me fie à mon expérience, et j'ai participé à quatre élections territoriales au cours desquelles j'ai fait tout ce que j'ai pu pour inciter les gens à aller voter, en règle générale, tout ce qui entoure le vote est perçu comme une entreprise étrangère. Il est vraiment difficile d'amener les peuples autochtones à voter parce qu'ils ne comprennent pas le système ou le connaissent mal. Vous devez faire beaucoup d'efforts pour les faire monter en voiture et les amener au bureau de vote. Ensuite, vous devez leur faire grimper les escaliers et les amener dans cette pièce un peu étrange dans laquelle ils vont devoir apposer une marque sur un bulletin. C'est un processus très étrange pour un Autochtone. Pourquoi ne pas le reconnaître et nous efforcer de rendre les choses aussi faciles que possible?
J'ai constaté qu'on a fait de la publicité à la télévision et à la radio pour inciter les peuples autochtones à voter. Si vous voulez réellement qu'ils votent, abandonnez alors vos règles prévues pour des citadins et donnez-leur la possibilité de voter. Convenez que, dans les petites collectivités, tout le monde se connaît et qu'il n'est pas indispensable de montrer ses papiers. Les Autochtones ne sont pas habitués à avoir de pièces d'identité sur eux. Cela permettrait d'améliorer la situation et ferait plus que les millions de dollars dépensés en publicité et en programmes de rayonnement pour tenter de les amener à suivre les règles en vigueur dans les villes.
Pourriez-vous procéder de cette façon, s'il vous plaît?
M. Mayrand : Je note vos commentaires. Votre permis de conduire, sur lequel figure seulement le numéro de case postale, est un très bon exemple. C'est encore un cas qui a été prévu par la loi. Si vous êtes un électeur inscrit, votre adresse postale et celle de votre résidence apparaîtront sur la liste des électeurs. Votre permis de conduire avec une adresse postale vous permettra alors de voter et de satisfaire les exigences de la loi.
En ce qui concerne le fait que la législation fixe une norme uniforme à l'échelle nationale, indépendamment de la démographie ou de la géographie, je crois que c'est là une question qu'il faudra soumettre au Parlement. Aujourd'hui, je vous ai présenté ou décrit brièvement les étapes administratives que nous essayons de mettre en place, mais vous avez bien évidemment souligné un certain nombre de questions et d'exemples qui montrent que la législation doit parfois laisser une plus grande marge de manœuvre. C'est certainement le cas ici.
Le sénateur Sibbeston : Je mets au défi M. Mayrand de mettre son emploi en jeu sur cette question. Quand vous faites des recommandations au Parlement, dites que les peuples autochtones doivent se voir accorder une attention spéciale. Il est stupide de vouloir imposer les règles de Toronto à toutes ces collectivités nordiques et à toutes les régions rurales de notre pays où tout le monde se connaît. C'est fou et stupide.
N'est-ce pas quelque chose que vous pourriez recommander au Parlement quand vous présenterez votre rapport? De cette façon, vous rendrez les choses plus faciles et permettrez aux peuples autochtones de voter et de participer à cette tradition tout à fait canadienne du vote.
Je crois que nous avons besoin que vous y mettiez du cœur. Nous avons besoin que vous fassiez des efforts particuliers et manifestiez un intérêt réel à faire quelque chose à ce sujet. La solution la plus facile pour vous est d'ignorer ce que j'ai dit ce soir et d'insister sur la solution canadienne, celle qui s'applique à Toronto, Montréal et Vancouver. Vous n'aurez toutefois pas aidé les peuples autochtones et ceux qui vivent dans les régions éloignées du pays. Il faut faire quelque chose. Quelqu'un comme vous peut faire quelque chose d'efficace et d'utile. C'est vous le grand responsable des élections dans ce pays, alors faites-le.
Le président : Souhaitez-vous répondre?
M. Mayrand : Très rapidement, je crois que ce que nous avons prouvé que nous nous en préoccupons. C'est une question très importante pour nous.
L'autre point que j'aimerais soulever est que, dans mon premier rapport sur l'élection, vous constaterez que je n'ai signalé que trois questions importantes à l'attention des parlementaires. L'une d'elles concerne les exigences d'identification imposées aux Autochtones, aux personnes âgées, aux étudiants et aux sans-abri. J'ai l'intention de me présenter à nouveau devant le Parlement avec des recommandations dans ce domaine.
Le sénateur Peterson : Je remercie les auteurs des exposés de comparaître. Je viens de la Saskatchewan. Nous avons dans cette province un grand nombre d'Autochtones dont le vote se répercute sur pratiquement tous les sièges de cette province.
À titre de rappel, lors de l'élection dans la circonscription de Desnethé-Missinippi-rivière Churchill, avant l'application des nouvelles règles, le taux de participation était de 58,4 p. 100. Au cours de la première élection partielle après l'adoption des nouvelles règles, il est tombé à 24,7 p. 100 et, au cours de cette dernière élection, il est remonté à 44 p. 100. Ce ne sont pas là des chiffres impressionnants. Vous pouvez voir les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
Plus précisément, alors que nous essayons d'impliquer davantage les peuples autochtones dans le processus démocratique, ce n'est pas la bonne solution pour y arriver. Ce genre de chose les frustre et les fâche et à juste titre. Nous devons trouver une façon de faire face à ce type de problème.
Vous avez rappelé ce que vous faites. J'ignore s'il y a un bureau de vote dans chaque réserve, mais s'il n'y en a pas, serait-il possible de s'assurer qu'il y en ait un dans chacune, au moins un et même deux dans certains cas?
Avec tout ce que vous essayez de faire, et je sais que vous allez faire rapport d'ici la fin de l'année... S'il devait y avoir une élection à l'automne, nous serions pris avec cette situation? Serions-nous pris avec la législation actuelle? Pouvez- vous faire quelque chose d'ici là?
M. Mayrand : Je devrais commencer par faire des recommandations au Parlement. Il devrait alors prendre le temps de les analyser, puis faire ensuite une proposition au gouvernement. Ce dernier devrait alors rédiger la première ébauche de cette législation et la soumettre à l'étude des parlementaires.
En ce qui concerne les bureaux de vote dans des réserves, c'est une question à laquelle nous accordons une grande attention. Au cours de la dernière élection, nous avions 480 bureaux de vote dans des réserves. C'est là une hausse — j'ai oublié de combien — mais notre objectif est que les bureaux de vote soient le plus près possible des électeurs. Nous procédons actuellement à une étude des sections de vote, qui pourrait se traduire par une augmentation du nombre de bureaux de vote dans les réserves.
Le sénateur Peterson : Pourquoi dites-vous « qui pourrait »? Pourquoi ne serait-ce pas tout simplement obligatoire? Pourquoi les réserves ne devraient-elles pas en avoir? Beaucoup de ces gens n'ont pas de moyen de transport. Ils ne peuvent pas se rendre à pied au bureau de vote. Quelle est la difficulté?
M. Mayrand : Ce qui est souvent difficile est d'accéder à des gens pour les recruter. Nous devons recruter des gens pour tenir ces bureaux de vote. Parfois, nous avons du mal à accéder aux localités. Il y a quantité de questions qu'il faut aborder au niveau local. Encore une fois, nous nous sommes engagés à ouvrir autant de bureaux de vote que possible dans les réserves.
Le sénateur Peterson : J'espère que ces problèmes de recrutement ne feront pas échouer ce projet. Je trouverais cela incroyable.
M. Mayrand : Je vous comprends. C'est l'un des défis les plus importants. C'est le second défi dont je fais état dans le rapport, la difficulté que nous avons à recruter et à former des travailleurs pour les élections. Il nous en faut 200 000.
Le président : Pour être juste, M. Mayrand m'a téléphoné avant sa comparution pour me prévenir que son étude et son analyse de la dernière élection n'étaient pas terminées, comme il l'a indiqué. Toutefois, nous avons voulu qu'il vienne aujourd'hui et nous espérons contribuer à apporter des changements. Comme parlementaires, cela fait partie de nos responsabilités.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Mes questions portent aussi sur les exigences d'identification. Le sénateur Carstairs a rappelé que de nombreuses personnes n'ont pas de permis de conduire. Tout ce dont elles disposent est leur carte de statut. Je ne crois pas qu'il serait très difficile d'ajouter sur cette carte une photo, une date de naissance et une adresse. Cela permettrait à ces gens de voter.
De plus, comme l'a rappelé le sénateur Sibbeston, beaucoup d'aînés ont peur. C'est un nouveau concept pour eux. J'ai reçu des plaintes de membres des Premières nations ignorant pour qui voter parce que personne n'a pris la peine d'aller les voir et qu'ils ignorent qui sont les candidats. Est-ce un libéral ou un conservateur? Davantage de gens devraient se rendre faire campagne dans ces collectivités. Beaucoup d'entre eux ne peuvent tout simplement pas aller à l'extérieur de leur ville ou de leur petite collectivité.
M. Mayrand : En ce qui concerne la carte de statut, elle ne comporte pas d'adresse, et c'est pourquoi nous avons ajouté à la liste une lettre d'attestation émise par un responsable de la réserve. Cette lettre, avec la carte de statut, suffit à prouver l'identité et la résidence.
Nous avons prévu un mécanisme administratif, et nous avons incité les leaders des bandes de tout le pays à s'efforcer de faciliter ce processus en émettant de telles attestations sous forme de lettre. Cela vise à répondre à l'absence d'adresse sur la carte de statut. De plus, ces cartes sont émises par d'autres administrations. Je peux faire des représentations auprès de ces administrations, mais j'aurai besoin de votre appui pour avoir la certitude que la question retient leur attention.
Nous avons également des agents des relations communautaires pour les collectivités autochtones. Ces agents se trouvent dans ces collectivités en période d'élection. Nous en avons 182 à travers le pays. Ils se consacrent en totalité à fournir de l'information, à faire de l'éducation et à faciliter le processus.
Je suis prêt à entendre les observations, les commentaires et les suggestions sur la façon dont nous pourrions améliorer ce programme. Je ne veux pas vous donner l'impression que nous ne faisons rien.
Ces agents des relations communautaires sont recrutés, dans la mesure du possible, dans les réserves. Nous cherchons à recruter des gens de la collectivité pour impliquer ensuite plus facilement ses membres.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Sur cette question, j'ai des commentaires, parce que certaines de ces personnes issues des collectivités sont partisanes des conservateurs ou des libéraux, et elles ne laissent pas les gens libres de voter pour qui ils veulent. C'est une préoccupation.
M. Mayrand : Nos agents des relations communautaires sont embauchés à l'occasion des élections partielles et sont vraiment non partisans. Ils ne sont pas là pour défendre une politique quelconque. Ils sont là pour expliquer le processus et faciliter le vote.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je m'en excuse, mais je ne suis pas d'accord.
[Français]
Le sénateur Brazeau : Monsieur Mayrand, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de votre présentation.
Je dois vous féliciter pour le travail que vous avez accompli. Vous avez eu beaucoup d'initiative pour rejoindre la population autochtone en termes de communication pour les renseigner sur les nouveaux règlements avant la dernière élection. Dans ma communauté, nous avons eu une bonne session d'information sur les nouveaux règlements.
Ceci étant dit, d'autres communautés n'ont peut-être pas été aussi progressistes. Il faut aussi admettre que lorsqu'on introduit de nouvelles mesures, il faut un certain temps pour communiquer les changements afin que la population soit bien informée.
Tout juste après l'élection d'octobre, dans mes anciennes fonctions, j'ai reçu plusieurs plaintes de gens à travers le pays qui n'ont pas eu le droit de vote à cause des nouveaux règlements.
Seriez-vous d'accord pour dire que les nouveaux critères n'avantagent pas les Autochtones en termes de participation?
M. Mayrand : Je serai le premier à admettre qu'il y a des groupes, particulièrement les Autochtones, pour lesquels cela représente un défi supérieur à quelqu'un qui habite dans un grand centre urbain. Il y a d'autres groupes d'électeurs aussi et il faut trouver une façon de mettre l'accent sur l'information, trouver des solutions administratives. Comme il y a des limites aux mesures administratives à prendre, le Parlement devra revoir cette législation et devra trouver des ajustements qui reflètent les conditions, l'environnement géographique et démographique de certains groupes de population.
Les Autochtones viennent certainement en tête, mais aussi, je crois qu'on a un problème avec les personnes âgées qui sont souvent démunies et n'ont pas de pièces d'identité. Je crois sincèrement que ce n'était pas l'intention du Parlement de restreindre le droit de vote de ces groupes. Il va falloir que le Parlement réexamine la situation.
Le sénateur Brazeau : Je vois que vous avez eu un partenariat avec l'Assemblée des Premières Nations en termes de communication et de partage d'information des nouveaux règlements. Y a-t-il une raison particulière pour qu'Élections Canada ait seulement une entente de partenariat avec l'Assemblée des Premières Nations? Il y a au Canada quatre autres organisations nationales qui représentent des femmes autochtones, des Autochtones vivant hors réserve. L'accent se fait plus sur les Autochtones qui vivent hors réserve, mais la problématique a touché tous les Autochtones peu importe où ils se trouvaient. Je vous suggère d'entrer en partenariat avec tous ces organismes ainsi qu'avec l'Association nationale des centres d'amitié à travers le Canada.
Dans le contexte hors réserve, il y a au-delà de 100 centres d'amitié à travers le Canada, qui pourraient aider au partage des informations à travers le pays, pour les Autochtones, et les renseigner sur les nouveaux règlements.
M. Mayrand : Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est une excellente observation. On déploie des efforts avec les centres d'amitié à travers le pays. Ce sont des réseaux bien établis dans les communautés, mais c'est un défi pour nous de les rejoindre et on y travaille avec d'autres groupes. Nous devons surmonter certaines difficultés à cause des modes de financement et des délais. Nous essayons d'améliorer tout cela. C'est une autre question que je vais certainement soulever à la Chambre des communes. Il faut faciliter les programmes de communication et de relation avec les communautés à travers le pays. Il faudrait également qu'il y ait quelques changements à la loi à cet égard.
[Traduction]
Le sénateur Lang : Je suis ravi que les témoins aient pu comparaître ici ce soir. Il semble que la portée de la question soit encore plus vaste et ne concerne pas uniquement les collectivités autochtones. Les problèmes auxquels sont confrontés les électeurs — comme l'a indiqué précédemment le sénateur Carstairs — concernent l'exigence d'identification au moyen d'une photo. Vous avez précisé que seuls 85 p. cent de la population peuvent être identifiés au moyen d'une photo.
M. Mayrand : La principale pièce d'identité à cette fin est le permis de conduire.
Le sénateur Lang : Je viens de regarder dans mon portefeuille pour constater que je suis dans la même situation que mon bon ami qui est ici. J'ai effectivement un permis de conduire. J'ai obtenu de nouvelles pièces d'identité quand je suis arrivé ici, mais je n'en avais pas auparavant, je n'avais donc que celui-ci lors de la dernière élection.
De façon plus générale, avez-vous une idée du nombre de personnes qui ont été refoulées des bureaux de vote au cours de la dernière élection parce qu'elles n'avaient pas les pièces d'identité qui convenaient?
M. Mayrand : Cela va faire partie de notre évaluation. Nous allons pour cela analyser les résultats d'une enquête auprès des électeurs. Immédiatement après l'élection, nous avons interrogé 3 500 électeurs. L'analyse des résultats de cette enquête va nous aider à préciser combien d'électeurs ont été refoulés. De plus, nous allons également interroger d'autres sources, essentiellement des travailleurs d'élection, pour déterminer combien de personnes ont pu être refoulées le jour même de l'élection.
Le sénateur Lang : J'aimerais avoir une idée de l'ordre de grandeur dont il est question ici. Au lendemain de l'élection, vous a-t-on informé que le nombre de gens qui n'avaient pu voter était relativement important?
M. Mayrand : Nous avons recueilli un certain nombre de plaintes. Il y en a eu 200. Nous avons eu un certain nombre de plaintes et de commentaires, certaines émanant de députés et de sénateurs, d'autres de candidats, de partis politiques, d'électeurs eux-mêmes, nous indiquant qu'un certain nombre d'électeurs avaient été refoulés parce qu'ils ne pouvaient pas respecter les exigences en vigueur.
Quant à la proportion d'électeurs touchés, je n'ai pas encore cette information. Je ne dispose pour l'instant que d'éléments de preuve anecdotiques.
Le sénateur Lang : Si je me souviens bien, auparavant, nous n'étions pas tenus d'avoir une photo pour nous identifier.
M. Mayrand : Jusqu'en 2007, vous n'aviez pas à présenter de pièce d'identité au bureau de vote. Vous pouviez arriver au bureau de vote, donner votre nom et votre adresse d'électeur, et le scrutateur vous remettait un bulletin de vote.
Avec les modifications, vous devez d'abord fournir la preuve de votre identité, puis de votre résidence. C'est là qu'apparaissent les difficultés. Ces exigences constituaient une nouveauté lors de la dernière élection générale.
Le sénateur Lang : J'aimerais soulever un autre point. J'ai du mal à croire que mon passeport ne convienne pas pour accéder à l'isoloir quand il me permet de rentrer au Pérou. Peut-être pourrions-nous ajouter ce point à la liste.
Le président : Inscrire votre adresse sur votre passeport.
M. Mayrand : Cela ne suffirait pas.
Le président : Je retire cela. Ce serait illégal. Ce serait altérer un document du gouvernement.
M. Mayrand : Je peux, avec votre permission, préciser que le passeport est une pièce d'identité acceptée en autant que vous en ayez une autre qui donne votre adresse. Le passeport à lui seul ne suffit pas.
Le sénateur Dyck : Je vous remercie de votre exposé. Ce fut très intéressant. C'est en vérité une question assez complexe.
Tout au long de ces discussions, nous avons beaucoup utilisé le terme « Autochtones », or il y a manifestement trois groupes distincts de peuples des Premières nations. Vous disposez probablement de plus de données sur les Premières nations parce que vous semblez vous intéresser davantage aux personnes vivant dans des réserves. Il y a également les Métis et les Inuits, et il est probable que les besoins d'identification de chacun de ces trois groupes sont très différents.
Dans le Nord, comme l'a dit le sénateur Sibbeston, les collectivités sont en général très petites et elles sont composées de gens qui se connaissent tous. Je ne sais pas avec certitude si les Métis ont une carte d'identité. Une carte de statut ne concerne que les gens qui sont des Indiens inscrits. Elle ne s'applique pas aux Indiens non inscrits. Pour les Indiens inscrits, je serais tenté de proposer que nous fassions une exception et jugions suffisante une carte de statut avec photo dans le cas des personnes qui en ont une. C'est une suggestion. Je ne sais pas dans quelle mesure elle peut résoudre la difficulté.
Dans votre rapport, vous devriez probablement faire la distinction entre les trois groupes et entre les règles s'appliquant dans un milieu rural et dans un milieu urbain. Il est évident que dans les Prairies, en Saskatchewan et au Manitoba, nous avons des groupes importants de Métis et d'Autochtones. Beaucoup se retrouvent dans les grandes villes. Disposez-vous de statistiques sur les écarts entre les taux de participation des électeurs dans les collectivités du Nord et dans les grandes villes?
M. Mayrand : Pas encore. J'attends les résultats d'une enquête avec un suréchantillonnage d'Autochtones vivant dans des réserves et en dehors de celles-ci. Je vais devoir vérifier. Je ne suis pas certain que l'étude fasse la distinction entre les trois groupes que vous avez évoqués.
Le sénateur Dyck : En ce qui concerne vos activités de rayonnement, vous êtes-vous adressé aux médias autochtones, aux journaux et aux stations de radio qui desservent le Nord?
M. Mayrand : Très largement.
Le sénateur Dyck : Par exemple, avez-vous utilisé la langue crie pour vous adresser aux gens du Nord?
M. Mayrand : Oui. Vous disposez d'une brève description des activités de communication que nous avons menées et de la mesure dans laquelle nous avons fait appel aux médias autochtones dans leur langue normale de diffusion. La plupart de nos publications sont également disponibles dans huit langues autochtones, dont l'inuktitut.
Le sénateur Dyck : Avez-vous réalisé que l'emploi de l'anglais peut nuire aux communications dans certaines collectivités, comme dans celles où l'inuktitut ou le cri sont les langues dominantes?
M. Mayrand : C'est le cas dans certaines collectivités. Nous avons mis en place plusieurs initiatives. Une fois encore, elles sont décrites dans ce document. Quand cela s'avère possible, nous avons instauré un programme destiné aux anciens et aux jeunes qui regroupe les gens de la collectivité et permet de fournir de l'information et d'utiliser ces gens comme interprètes pour venir à bout des barrières linguistiques. C'est un programme que nous appliquons au cours de chaque élection.
Le sénateur Dyck : Pour en revenir à la question abordée par le sénateur Sibbeston, serait-il possible d'offrir des services spéciaux aux collectivités dans d'autres langues que les langues officielles, le français et l'anglais? Y a-t-il des moyens de nature linguistique qui permettraient d'obtenir un taux de participation des électeurs plus élevé?
M. Mayrand : Le programme des jeunes et des anciens sert précisément à ça le jour des élections. L'une des raisons pour lesquelles nous aimons recruter des agents des relations communautaires à même la collectivité est que ces gens parlent la langue. Ils comprennent toutes les dimensions de la collectivité et communiquent mieux avec ses membres pour les amener à participer au vote. Toutefois, je serais ravi d'entendre toute suggestion dans ce domaine qui permettrait d'améliorer la situation.
Le sénateur Hubley : Je vous remercie de votre exposé de ce soir. J'ai quelques commentaires à vous faire.
Tout d'abord, j'ai travaillé à la dernière élection. Je dois dire que j'étais en relation avec l'agent d'élection de l'Île-du- Prince-Édouard de façon presque quotidienne. Ce fut sans aucun doute très utile dans tous les cas.
En second lieu, de mon point de vue qui est celui d'une autre petite collectivité, ces nouvelles exigences d'identification ont fait l'objet de communications abondantes. Toutefois, les gens ont également le sentiment qu'ils ont voté d'une façon pendant des années et des années et qu'ils continueront à faire de même peu importe la quantité d'information qu'on leur a donnée. Nous avons travaillé très fort pour informer tout le monde.
Pour en revenir aux nouvelles règles d'identification pour pouvoir voter et aux pièces d'identité disponibles, il est évident qu'il n'y a pas assez de pièces d'identité avec photo. C'est probablement le cas du permis de conduire, et alors que le nombre de gens utilisant un passeport augmente, celui-ci peut également constituer une solution.
Il peut s'avérer difficile pour les gens qui n'ont pas ces deux pièces d'identité de se procurer volontairement une carte d'identité ou un autre document permettant de les identifier au moyen d'une photo. Les personnes qui conçoivent les cartes d'identité utilisées dans nos collectivités autochtones pourront maintenant estimer qu'il est important d'y joindre une photo, puisque le droit de vote est un droit fondamental pour tous les Canadiens.
Un autre commentaire est qu'il me semble que les personnes âgées sont dans une certaine mesure désavantagées en devant produire ces pièces d'identité. Avec les années, de nombreuses personnes âgées renoncent à leur permis de conduire. Un permis de conduire expiré sera-t-il toujours considéré comme une pièce d'identité valide, ou est-ce qu'il faudra là aussi trouver une autre pièce d'identité pour permettre aux gens de voter?
M. Mayrand : Vous soulevez là un bon point. L'un des problèmes au cœur du débat est qu'il n'y a pas au Canada de carte nationale d'identité. Il y a toute une gamme de pièces d'identité, mais pas de carte d'identité standard remise couramment à tous les citoyens du pays.
C'est là une question qui mérite que le Parlement s'y intéresse. C'est un débat qui soulève également diverses questions sur la protection des renseignements personnels et sur la crainte que le gouvernement soit tenté d'utiliser de nouvelles pièces d'identité pour faire régner la dictature. C'est là un élément central du défi auquel nous sommes confrontés — le manque de pièce d'identité commune émise par le gouvernement du Canada et respectant les normes de la législation fédérale.
Vous avez fait état des personnes âgées, et mon rapport en fait aussi état. Les questions entourant les personnes âgées et leur identification ont été soulevées. Je vais formuler des recommandations dans ce domaine pour faciliter le vote. Ce sont là des personnes qui ont voté toute leur vie. Tout d'un coup, pour des préoccupations valides en matière de fraude électorale, nous les excluons involontairement du processus de vote. C'est un problème qu'il faut résoudre.
Le sénateur Raine : Je vous remercie de cet excellent exposé. Nous avons là une énigme à résoudre. Nous aimerions tous voir appliquer des normes élevées pour nos élections, nous assurant la meilleure protection possible contre les fraudes, mais il n'y a pas de solution unique convenant à tous. Nous allons devoir examiner la situation dans le Nord et désigner des bureaux de vote dans lesquels les gens peuvent être traités de façon différente.
Peut-être qu'au lieu d'insister sur l'identification de l'électeur, nous devrions envisager d'accorder davantage de pouvoir en matière d'identification à ces bureaux de vote, quand il y a lieu. Comme l'a dit le sénateur Sibbeston, il s'agit là tout simplement de bon sens.
M. Mayrand : D'accord. Mais nous devons prendre soin de ne pas empêcher le bon sens de prévaloir. Malheureusement, c'est parfois là une conséquence inattendue de la législation.
Le sénateur Raine : Rien n'empêche de traiter différemment les bureaux de vote des petites collectivités éloignées et ceux situés dans les centres urbains. Est-ce exact?
M. Mayrand : Cela nécessiterait de réviser le texte de la loi, mais je suis d'accord. Je crois que nous devons accorder plus d'attention à la géographie et à la démographie et également tenter d'adapter la solution au problème que nous voulons résoudre. Nous devrions davantage nous inspirer des conditions qui prévalent dans un bureau de vote donné, et qui varient selon les endroits.
Le président : J'ai une brève question à vous poser et le sénateur Carstairs en a une autre.
De quelle marge de manœuvre, ou de quelle souplesse disposez-vous avec cette législation? Je ne la connais pas très bien. Je suis ici depuis 26 ans, mais c'est un texte de loi que je n'ai jamais étudié.
Y a-t-il des règlements d'application pour cette loi ou tout est-il coulé dans le béton?
M. Mayrand : Tout est passablement coulé dans le béton. Le texte de la loi électorale du Canada comporte plus de 400 pages. Il est très normatif et laisse peu de marge de manœuvre. Il n'y a pas de règlement d'application sauf pour les honoraires versés aux travailleurs d'élection.
Dans ce domaine, celui de l'identification des électeurs, le seul pouvoir dont dispose le directeur général des élections est de dresser la liste des pièces d'identité autorisées. C'est la seule marge de manœuvre dont il dispose, mais la loi précise de façon assez rigoureuse comment ce droit peut être exercé.
Le sénateur Carstairs : J'aimerais aborder brièvement la question de la lettre d'attestation de résidence. Je crois que c'est ainsi que vous avez essayé de faire face à des situations à la fois malheureuses et difficiles. Les réactions que j'ai recueillies des collectivités des réserves étaient qu'il s'agissait là d'une solution très paternaliste. Le chef peut aimer ou ne pas aimer la personne en question et peut décider d'accorder ou non l'attestation à cette personne.
Au bout du compte, la question est : « Pourquoi devrais-je en avoir besoin? Je suis citoyen canadien. Pourquoi devrais-je avoir besoin que quelqu'un atteste du fait que j'existe et que je vis à un endroit donné? »
Je remercie les gens qui travaillent aux élections pour avoir cherché une solution pratique, mais je dois dire que l'information que j'ai obtenue était qu'il s'agissait là d'une solution très paternaliste pour faire face à ce type de problème.
M. Mayrand : J'ai recueilli les commentaires d'un candidat autochtone lors de l'élection. Il m'a expliqué que, pour de nombreux Autochtones, c'est pratiquement une insulte que de leur demander de s'identifier dans leur collectivité. C'est une question de valeur et de culture dont ce texte de loi ne tient pas compte.
Le sénateur Carstairs : La dernière question porte sur votre enquête. Si j'ai bien compris, vous avez dit avoir voulu obtenir un suréchantillonnage des peuples autochtones. Grâce aux scrutins, nous savons que les peuples autochtones sont fortement sous-représentés dans tous les types d'enquêtes statistiques et que les habitants du Nord, ruraux et autochtones, et les Autochtones vivant dans les villes ne sont que très rarement pris en compte dans ces enquêtes statistiques.
M. Mayrand : Il y avait la volonté très ferme avec l'entreprise dont nous avons retenu les services de parvenir à échantillonner aussi bien les électeurs vivant dans des réserves que les électeurs autochtones n'y vivant pas.
Le sénateur Peterson : J'ai une question rapide. Quels sont les pouvoirs des scrutateurs à l'intérieur et à l'extérieur des bureaux? Peuvent-ils demander aux gens de s'identifier? Peuvent-ils les suivre et les intimider? Avez-vous reçu des informations à ce sujet?
M. Mayrand : Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question.
Le sénateur Peterson : Disons, à titre d'exemple, qu'il y ait des électeurs à l'extérieur du bureau de vote. Ils font l'objet de vives discussions et des gens leur demandent leurs pièces d'identité. Ils sont alors suivis à l'intérieur du bureau de vote. Avez-vous connaissance de problèmes de ce genre?
M. Mayrand : Non, mais je peux vous expliquer la façon dont les choses se présentent. Nous avons des agents d'information qui accueillent les électeurs quand ils arrivent sur place. Normalement, ils vont demander aux électeurs si ceux-ci ont leur carte d'information de l'électeur, qui précise à quelle table ils doivent se présenter, et également s'ils ont des pièces d'identité, afin qu'ils puissent les préparer pour les présenter rapidement et accélérer le processus.
Je n'ai pas connaissance de cas où cela ait été perçu comme une intimidation. Je ne vois pas très bien à quoi vous faites référence.
Le sénateur Peterson : Qui détient le pouvoir dans le bureau de vote? À l'occasion d'un incident, on m'a dit qu'on avait appelé la GRC. Est-ce la bonne solution ou le scrutateur a-t-il tous les pouvoirs?
M. Mayrand : Nous avons un agent d'information. Nous avons également le superviseur de centre de scrutin qui assume la responsabilité de tout le site. C'est lui qui doit veiller à la paix et au bon ordre pendant la journée. S'il a besoin d'aide, il peut en demander par téléphone.
Toutefois, une fois encore, je n'ai pas eu connaissance d'incident particulier qui soit survenu au cours de la dernière élection.
Le président : Chers collègues, cela met fin à la période de questions. J'aimerais remercier personnellement le sénateur Carstairs pour avoir soulevé cette question devant le comité. Chers collègues, cette question et vos préoccupations m'ont paru tout à fait pertinentes. Cela montre bien que le Sénat se préoccupe des groupes minoritaires de notre pays qui sont touchés par cette législation.
J'aimerais remercier les témoins d'avoir comparu aujourd'hui et d'avoir répondu à nos questions. J'espère que, à l'avenir, nous pourrons accorder un peu plus de marge de manœuvre au directeur général des élections.
(La séance se poursuit à huis clos.)