Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 2 - Témoignages du 25 mars 2009
OTTAWA, le mercredi 25 mars 2009
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 32 pour examiner les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis, et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : suivi du rapport sur l'eau potable chez les Premières nations).
Le sénateur Nick G. Sibbeston (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Bonsoir, chers collègues. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones va examiner ce soir deux rapports. Le premier porte sur l'eau, et le deuxième, sur le développement économique.
Avant de commencer, j'aimerais vous présenter mes collègues. À ma gauche immédiate se trouve le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Ile-du-Prince-Édouard; puis le sénateur Patrick Brazeau, du Québec; le sénateur Daniel Lang, du Yukon; le sénateur Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Lillian Dyck, de la Saskatchewan; et le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta.
À ma droite immédiate se trouve le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie- Britannique, puis le sénateur Sharon Carstairs, du Manitoba.
Permettez-moi maintenant de présenter les fonctionnaires qui comparaissent devant nous ce soir : Christine Cram, sous-ministre adjointe, Programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social, Affaires indiennes et du Nord Canada; et Michael Roy, directeur intérimaire, Direction des programmes et des procédures, Affaires indiennes et du Nord Canada.
Bienvenue à tous. Vous avez la parole.
Christine Cram, sous-ministre adjointe, Programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social, Affaires indiennes et du Nord Canada : Honorables sénateurs, bonsoir. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous informer sur les activités entreprises par le ministère pour garantir la salubrité de l'eau dans les réserves des Premières nations, et sur les mesures liées au rapport intitulé « L'approvisionnement en eau potable sécuritaire pour les Premières nations ».
[Français]
L'approvisionnement en eau potable et le traitement efficace des eaux usées sont essentiels à la santé et à la sécurité des Premières nations, ainsi qu'à la protection des sources d'eau sur leurs terres.
En 2006, le gouvernement du Canada a annoncé, en collaboration avec l'Assemblée des Premières nations, le plan d'action pour la gestion de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations et a fourni 60 millions de dollars sur deux ans afin d'améliorer l'accès à l'eau potable.
[Traduction]
Dans le budget de 2008, le gouvernement a réservé 330 millions de dollars supplémentaires sur deux ans pour l'amélioration de l'accès à l'eau potable dans les collectivités des Premières nations, grâce aux nouvelles mesures exposées dans le Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières nations.
Dans le budget de 2009, soit le Plan d'action économique du Canada, le gouvernement a affecté 165 millions de dollars sur deux ans pour accélérer la réalisation de projets d'infrastructure visant le traitement de l'eau et des eaux usées dans les collectivités des Premières nations de tout le pays.
Le 19 mars, le ministre Strahl a annoncé 14 nouveaux projets de gestion de l'eau qui seront entrepris aux quatre coins du Canada. Ces investissements vont non seulement améliorer la qualité de vie dans les réserves, mais aussi stimuler la croissance économique de ces collectivités. Ces investissements dépassent les fonds prévus pour la gestion de l'eau dans le budget annuel de base du ministère, qui se chiffrent à environ 200 millions de dollars.
Le 19 mars, le ministre Strahl a également souligné les améliorations apportées depuis 2006. Le nombre de réseaux d'alimentation en eau potable à risque élevé est passé de 193 à 58. Sur les 21 collectivités qui étaient dotées d'un réseau d'alimentation à risque élevé et frappées par un avis défavorable sur l'eau potable, il n'en reste que quatre.
[Français]
Nous savons tous combien il est important que les installations de traitement de l'eau soient exploitées par des opérateurs formés et accrédités. La présence d'opérateurs qualifiés permet non seulement de garantir l'accès des résidents à une eau potable, mais elle joue aussi un rôle important dans la prolongation de la durée de vie des infrastructures.
[Traduction]
C'est pourquoi le ministère a augmenté les fonds réservés au Programme de formation itinérante, qui facilite la formation d'exploitants d'installations de traitement de l'eau potable et des eaux usées. Dans les collectivités des Premières nations, le pourcentage d'exploitants détenant au moins une accréditation de premier niveau ne cesse d'augmenter. À l'automne 2007, il y a moins d'un an et demi, seulement 41 p. 100 des exploitants possédaient une telle accréditation. Aujourd'hui, cette proportion atteint 61 p. 100.
Depuis janvier 2008, 12 formateurs itinérants ont été embauchés et 15 autres devraient s'ajouter en 2009. De plus, les formateurs itinérants ont formé une association professionnelle en vue de mieux servir les Premières nations.
Dans son rapport sur l'approvisionnement en eau potable sécuritaire pour les Premières nations, votre comité a formulé deux recommandations. La première demande au ministère d'effectuer une vérification professionnelle des installations d'alimentation en eau, de même qu'une évaluation indépendante des réseaux d'alimentation en eau et de traitement des eaux usées dans les collectivités autochtones. Nous sommes en train de donner suite à votre recommandation.
Il s'agit d'une entreprise d'envergure, à caractère complexe, et nous avons entamé le processus de passation de marchés avec Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. L'évaluation portera sur 1 300 réseaux communautaires d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées et plus de 70 000 puits, citernes et fosses septiques dans 607 collectivités réparties dans neuf régions. L'évaluation permettra de recueillir des données factuelles, que le gouvernement du Canada utilisera pour concevoir une stratégie à long terme sur la gestion de l'eau et des eaux usées dans les collectivités des Premières nations.
L'évaluation étudiera également la possibilité d'utiliser des systèmes individuels sur place, comme des puits et des fosses septiques, et de partager des services avec des municipalités hors réserve avoisinantes.
Ce type de travail nécessite temps et expertise, et nous sommes déterminés à faire ce qu'il faut. Le processus de soumissions lié à cette évaluation vient de prendre fin, et l'étude des soumissions est en cours. L'évaluation technique devrait commencer au printemps.
[Français]
La deuxième recommandation de votre rapport enjoint au ministère d'entreprendre un processus de consultation complet auprès des organisations et collectivités des Premières nations au sujet des options législatives.
[Traduction]
Nous sommes d'avis que l'existence d'un régime de réglementation dans les réserves faciliterait la création des outils nécessaires pour doter les collectivités des Premières nations de normes sur l'eau potable semblables à celles qui s'appliquent hors réserve. Un tel régime s'accompagnerait de mesures de reddition de comptes et d'exécution, et assurerait un approvisionnement en eau potable aux résidents des Premières nations dans les réserves.
C'est le 17 février qu'ont commencé les séances de consultation à l'intention des représentants des Premières nations, des organisations régionales des Premières nations et des gouvernements provinciaux et territoriaux sur les principes du cadre législatif fédéral proposé relativement à l'eau potable dans les réserves des Premières nations. Onze des 13 séances prévues dans l'ensemble du Canada ont eu lieu, et les deux dernières se tiendront d'ici au 31 mars.
[Français]
Les discussions portent surtout sur l'option à envisager pour l'incorporation par renvoi des règlements provinciaux et territoriaux dans la législation fédérale, ainsi que les modifications nécessaires pour répondre aux besoins des collectivités des Premières nations.
[Traduction]
L'approche proposée ne placerait pas les Premières nations sous la compétence des provinces ou des territoires. Au contraire, le gouvernement du Canada reprendrait la réglementation provinciale ou territoriale actuelle afin de garantir la comparabilité avec un régime existant, bien compris et qui a fait ses preuves.
Les séances de consultation donnent aux représentants des Premières nations, aux représentants provinciaux et territoriaux ainsi qu'aux autres intervenants la possibilité d'examiner la portée d'un éventuel régime de réglementation, y compris les aspects relatifs à l'exécution et à la reddition de comptes, et permet aux représentants des Premières nations de faire connaître leur opinion quant à l'approche proposée. Les participants sont libres d'exprimer leurs points de vue sur l'une ou l'ensemble des options législatives.
Les personnes qui ne sont pas en mesure d'assister aux séances peuvent soumettre leurs observations en ligne. En outre, le document de travail préparé en vue des séances de consultation est disponible en ligne, ce qui permet à tous les intéressés d'en prendre connaissance et de le commenter.
Une fois les séances terminées, un rapport résumant les commentaires des participants et les observations soumises par écrit sera remis au ministre. Ce rapport sera pris en compte au moment de rédiger un projet de loi.
Si l'on en vient à élaborer un projet de loi et à le faire adopter par le Parlement, on consultera à nouveau les Premières nations, les organisations régionales des Premières nations ainsi que les provinces et les territoires, cette fois au sujet de l'élaboration et de la mise en œuvre des règlements fédéraux. Ces consultations se dérouleront très probablement sur plusieurs années.
[Français]
Malgré les progrès accomplis, il reste encore beaucoup à faire. Nous sommes conscients que l'accès à une eau potable est essentiel au succès d'une collectivité.
[Traduction]
Nous continuerons de travailler avec chaque collectivité, les organisations régionales et nationales des Premières nations, les provinces et territoires, Santé Canada et Environnement Canada, afin que les résidents des Premières nations puissent jouir de la même protection que celle qui est offerte aux autres Canadiens en matière d'eau potable.
J'aimerais vous signaler que nous avons distribué trois documents. Le premier s'intitule « L'eau est un trésor! ». Il s'agit d'un cahier d'information préparé par Santé Canada, Environnement Canada et AINC, avec l'aide de l'APN et d'autres organisations des Premières nations. Il s'adresse aux enfants d'âge scolaire, et son objectif est de sensibiliser les enfants des Premières nations à l'importance de l'eau potable et de les encourager à faire carrière dans ce domaine. Nous avons envoyé ce cahier aux bandes, aux organisations provinciales et aux ministères de l'Éducation.
Le deuxième document est la trousse que nous utilisons pour les consultations sur l'eau, les 13 dont j'ai parlé tout à l'heure.
Le troisième document est un recueil des annonces qui ont été faites au sujet des 14 nouveaux projets d'infrastructure pour la gestion de l'eau.
Le vice-président : Merci, madame Cram. C'est tout pour ce qui est du ministère?
Mme Cram : Oui.
Le vice-président : Merci. J'aimerais souligner la présence du sénateur Grafstein, de la région de l'Ontario, qui s'est joint à nous ce soir.
Le sénateur Carstairs : Merci, madame Cram. Sur la couverture de votre document, vous indiquez « Chambre des communes », mais ici vous êtes au Sénat. Je vous le signale pour la prochaine fois.
Mme Cram : Je vous prie de m'excuser.
Le sénateur Carstairs : J'ai plusieurs questions à vous poser au sujet de votre déclaration. À la page 3, vous dites que 330 millions de dollars ont été réservés sur deux ans, ce qui correspond, je suppose, à 165 millions pour l'exercice financier 2008-2009, et 165 millions pour celui de 2009-2010. Pouvez-vous me dire si les 82,5 millions qui sont prévus dans le budget de cette année s'ajoutent à ces 165 millions? Si oui, vous disposez alors d'une somme totale de 82,5 millions plus 165 millions de dollars.
Mme Cram : La réponse est oui.
Le sénateur Carstairs : Il s'agit bien d'un montant supplémentaire qui a été dépensé?
Mme Cram : Oui.
Le sénateur Carstairs : S'agissant du Programme de formation itinérante, les postes sont-ils pourvus principalement par des membres des Premières nations? Si oui, quel pourcentage en représentent-ils, et combien de temps faut-il pour atteindre le niveau de travail, tout au moins le niveau 1?
Michael Roy, directeur intérimaire, Direction des programmes et des procédures, Affaires indiennes et du Nord Canada : Les membres des Premières nations commencent à occuper ces postes, petit à petit. Quand on n'a pas de formateur autochtone, on en prend un qui ne l'est pas. Mais dans les régions où le Programme de formation itinérante fonctionne bien, comme au Manitoba, les Autochtones commencent à être majoritaires dans ces postes, et petit à petit, le groupe ne comprendra que des Autochtones, qui pourront alors encourager des membres des Premières nations à faire carrière dans ce domaine.
Le sénateur Carstairs : À la page 10 de votre déclaration, vous dites que les séances de consultation ont commencé le 17 février. Je suppose que vous parlez du 17 février de cette année, car vous dites ensuite qu'elles se termineront d'ici au 31 mars.
Mme Cram : C'est exact.
Le sénateur Carstairs : Le Sénat a publié son rapport en mai 2007. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous avez attendu février 2009 pour commencer ces consultations?
Mme Cram : Il s'agit là d'une seconde série de consultations. Elles ont été précédées de rencontres techniques avec des représentants des Premières nations, des provinces et des territoires, pour que nous puissions déterminer le niveau d'intérêt que ces consultations allaient susciter et les organiser en conséquence. Cela a pris plusieurs mois.
Nous avons également consacré plusieurs mois à la préparation de trousses et de documents de travail. Nous avions prévu de commencer ces consultations plus tôt, mais d'autres activités se sont interposées, et nous avons pris du retard.
Le sénateur Carstairs : En ce qui concerne le document intitulé « L'eau est un trésor! », et ce sera ma dernière question, vous avez dit que vous l'aviez envoyé aux bandes et aux ministres de l'Éducation, mais, curieusement, vous n'avez pas parlé des écoles.
Mme Cram : Si, il a été envoyé aux écoles des Premières nations et aux écoles provinciales et territoriales.
Le sénateur Carstairs : Y en a-t-il des exemplaires dans chaque classe, dans chaque bande, dans chaque école du pays?
Mme Cram : Nous leur avons envoyé le document, mais je ne peux pas vous garantir qu'il y en a des exemplaires dans toutes les classes. Nous l'avons envoyé à un très grand nombre d'écoles, donc elles l'ont reçu.
Le sénateur Carstairs : Quel en a été le coût de production?
Mme Cram : Je suis désolée, je ne connais pas la réponse, mais je pourrai vous la faire parvenir.
Le sénateur Lang : J'aimerais profiter de l'occasion pour féliciter le ministère d'avoir entrepris tout ce travail il y a trois ans. Quand on voit d'où vous êtes partis et où vous en êtes aujourd'hui, on se rend compte, d'après ce que vous nous avez dit aujourd'hui, que vous avez fait d'immenses progrès.
Je ne fais pas partie du comité, mais cela fait plusieurs années que je m'intéresse à cette question, et j'estime que le gouvernement fédéral a droit à des félicitations pour tout le travail qui a été fait, même si, bien sûr, tout n'est pas réglé.
Vous avez dit tout à l'heure que le nombre des installations d'alimentation en eau qui présentent un risque élevé est passé de 193 à 58. Quand pensez-vous qu'il sera ramené à zéro?
Mme Cram : C'est une très bonne question. Si nous avons entrepris ces évaluations techniques dans tout le pays, c'est notamment pour avoir, comme l'a recommandé votre comité, de vrais ingénieurs dans chaque collectivité, capables de déterminer ce qu'il faut faire et comment le faire.
Nous espérons que ce chiffre de 58 va diminuer rapidement, et les crédits supplémentaires qui sont prévus dans le budget de 2009 devraient nous aider à y parvenir. Dans certaines collectivités, les problèmes sont très sérieux, et il nous faudra deux ou trois ans pour les régler. La construction d'une usine de filtration prend généralement deux ans. Nous poursuivons nos efforts, et nous espérons que le nombre d'installations à haut risque va continuer de diminuer.
Quant à savoir si nous allons pouvoir progresser aussi rapidement que dans le passé, tout dépendra des évaluations techniques qui seront faites.
Le sénateur Lang : Toujours sur le même sujet, je constate que sur les 21 collectivités qui avaient des installations à haut risque et qui étaient frappées d'un avis défavorable, il n'en reste que quatre. Que fait-on dans ces quatre collectivités? A-t-on mis en œuvre d'autres solutions? Comme elles ne sont que quatre, elles doivent être prioritaires. Quand aura-t-on résolu leurs problèmes? A-t-on fixé un échéancier?
M. Roy : Les efforts se poursuivent pour les quatre collectivités qui restent. Pour certaines, des infrastructures sont prévues et ne devraient pas tarder à être installées. Pour les autres, le problème est de former un exploitant qui sera capable de faire le travail.
Une fois l'exploitant formé, il lui faudra ensuite des années d'expérience avant d'obtenir l'accréditation nécessaire.
Parmi les quatre restantes, il y a la collectivité de Shoal Lake, Ontario, où nous avons entrepris un projet de mise à niveau du système.
Northwest Angle, en Ontario, est justement l'une de ces quatre collectivités, et on est en train d'y planifier la mise à niveau de l'installation. L'Agence ontarienne des eaux fournit de l'aide et supervise l'installation en attendant qu'on mette en place une solution à long terme.
C'est la même chose pour les trois autres. Nous surveillons la situation, et nous avons renforcé le Programme de formation itinérante afin de former davantage d'exploitants. Nous avons aussi un numéro de téléphone qu'ils peuvent appeler, 24 heures sur 24, en cas de problème.
À Muskrat Dam, on a déjà commencé l'expansion des installations. L'objectif est de trouver un formateur et un exploitant dès que possible, pour résoudre le problème.
À Kitigan Zibi, le problème prendra plus de temps à régler. En effet, l'eau contient de l'uranium, et il n'est pas facile de trouver une solution. Les résidents qui sont branchés sur le réseau communautaire ne sont pas touchés par ce problème. Nous allons devoir trouver une solution pour ceux qui ont un puits individuel.
Le sénateur Lang : C'est vraiment un projet de grande envergure que vous avez entrepris il y a quelques années. Au départ, il y a les coûts d'infrastructure, mais ensuite, il y a bien évidemment l'exploitation et l'entretien du réseau. Savez-vous combien il va en coûter pour exploiter ces installations? Ces coûts sont-ils inclus dans votre budget de base?
Mme Cram : Nous couvrons non seulement les dépenses d'infrastructure mais aussi les coûts d'exploitation et d'entretien. À l'heure actuelle, notre budget couvre l'exploitation, l'entretien, les nouvelles constructions, la formation, le Programme de formation itinérante, et cetera.
Au fur et à mesure que l'on construit de nouvelles installations, les dépenses d'exploitation et d'entretien augmentent, bien évidemment. Mais nous avons suffisamment d'argent pour les couvrir.
Par contre, je ne pourrais pas vous dire combien d'argent nous consacrons à l'exploitation, et combien à l'entretien. Monsieur Roy, le savez-vous? Si vous le voulez, nous pourrons vous faire parvenir cette information.
Le sénateur Lang : Je n'ai pas besoin de ces chiffres ce soir, mais j'aimerais bien que vous nous les fassiez parvenir. Je pense qu'il est important que nous connaissions le coût total de tous ces projets. Nous autres, politiciens, nous réclamons toutes sortes de choses, mais à la fin du compte, il faut bien que nous ayons une idée du coût total du projet. Nous savons à combien s'élèvent les dépenses d'investissement, mais nous devons aussi savoir combien il en coûtera pour exploiter et entretenir le système.
Mme Cram : L'évaluation technique permettra de déterminer des solutions ainsi que les coûts d'exploitation.
Le vice-président : Il est donc entendu que vous allez faire parvenir ces informations à notre secrétaire?
Mme Cram : Tout à fait.
Le sénateur Hubley : Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de votre exposé. Permettez-moi de poursuivre sur le même sujet, plus précisément sur le projet de loi qui sera présenté. Il semblerait que d'autres séances de consultation seront organisées avec les Premières nations, les organisations régionales des Premières nations, les provinces et les territoires.
Certains témoins nous ont dit qu'il est important de mettre à niveau les installations de filtration des eaux et de traitement des eaux usées, selon des normes bien définies, avant de mettre en place un régime réglementaire. Ils ont ajouté que certaines collectivités risquaient de ne pas pouvoir se conformer à des normes légiférées, à cause des lacunes de leur réseau d'alimentation en eau.
Est-ce que c'est ce que vous envisagez de faire? Allez-vous, comme vous l'avez dit, vous servir de ces évaluations techniques pour vous assurer que ces collectivités auront de l'eau potable avant d'être assujetties à de nouvelles normes réglementaires?
Mme Cram : Sénateur, vous avez tout à fait raison, et c'est exactement la raison pour laquelle nous avons entrepris ces évaluations techniques. Votre comité nous a recommandé de faire ce genre d'évaluation afin de déterminer les solutions optimales. Les informations que nous allons recueillir vont nous permettre d'élaborer un plan de mise à niveau de ces installations.
Pour faire ces évaluations techniques, ils se servent des protocoles que nous utilisons actuellement pour déterminer ce qu'il y a à faire. Ensuite, il faut planifier les mesures à prendre, de façon progressive. Pour ce qui est du projet de loi, c'est le gouvernement qui décidera s'il en veut un. Après les consultations, nous soumettrons un rapport au ministre, et il décidera alors s'il veut un projet de loi. Si c'est l'option retenue, le projet de loi devra être adopté et, ensuite, nous devrons préparer des règlements d'application. C'est à cette étape-là que nous verrons si nous voulons faire d'autres consultations pour déterminer ce qu'il y a à faire pour que les règlements soient respectés.
M. Roy : Il faut y aller progressivement. Par exemple, Environnement Canada va mettre en œuvre des règlements sur les effluents d'eaux usées municipales, mais les municipalités disposeront de plusieurs années pour se mettre à niveau. C'est une solution que nous allons envisager. Au fur et à mesure que nous aurons les résultats des évaluations techniques, nous aurons une meilleure idée du temps qu'il nous faudra pour mettre les installations à niveau, et nous serons alors en mesure de planifier la mise à niveau des installations et l'entrée en vigueur progressive des règlements.
Le sénateur Hubley : Merci de votre réponse. J'ai l'impression que cela va prendre du temps. À votre avis, à partir de quand la situation va-t-elle s'améliorer?
Mme Cram : Nous n'avons pas interrompu nos efforts, et nous continuons de progresser. Aujourd'hui, nous avons un protocole, mais nous continuons d'œuvrer vers le même objectif, et nous n'avons pas tout arrêté en attendant les résultats des évaluations techniques. Nous n'attendons pas non plus d'avoir un projet de loi et un dispositif réglementaire pour agir.
Nous poursuivons donc nos efforts, comme par le passé. Comme les résultats l'indiquent, nous avons amélioré beaucoup de choses, et nous allons continuer. En mettant à niveau les installations dès maintenant, nous serons d'autant plus prêts à mettre en œuvre le dispositif réglementaire.
Le sénateur Brazeau : Bienvenue à nouveau parmi nous. Je me dois de vous féliciter pour le travail qui a été accompli car, si j'en juge par le nombre de collectivités qui présentaient un risque élevé en 2006-2007, je constate que le chiffre a considérablement baissé. Certes, vous savez comme moi qu'il y a encore beaucoup à faire, et vous l'avez d'ailleurs reconnu. Mais l'important, ce sont les progrès qui ont été faits, et c'est positif.
J'aimerais poser une question au sujet du processus de consultation. Plusieurs organisations et collectivités des Premières nations qui ont comparu nous ont dit qu'elles ne voulaient pas relever de la compétence provinciale pour ce qui est de l'eau. À la page 10 de votre déclaration, vous dites que les discussions portent surtout sur l'option privilégiée, qui consiste à incorporer par renvoi les règlements provinciaux et territoriaux dans la législation fédérale.
Premièrement, j'aimerais que vous me donniez des précisions sur le processus de consultation en tant que tel. Deuxièmement, les individus, les groupes et les collectivités que vous consultez approuvent-ils l'option privilégiée? Enfin, puisque vous avez entrepris ces consultations, comment se fait-il qu'on ait une option privilégiée avant même de les commencer?
Mme Cram : Le document de travail décrit l'option privilégiée, mais il présente aussi d'autres options issues du rapport du groupe d'experts. Tous ceux qui participent à ces séances de consultation peuvent discuter de l'une ou l'autre option. Le gouvernement a assumé ses responsabilités, en ce sens qu'il a analysé les différentes options pour en privilégier une, celle qui consiste à incorporer par renvoi les règlements provinciaux et territoriaux dans la loi fédérale.
Mais, comme je l'ai dit, les participants peuvent donner leur opinion sur les autres options. Comme vous le savez, le groupe d'experts en a envisagé deux autres. L'une est une loi purement fédérale, l'autre est une loi inspirée du droit coutumier des Premières nations.
Dans un document de travail, il est plus facile de décrire quelque chose qu'on connaît déjà, et c'est le cas des règlements qui existent déjà dans les provinces et les territoires. Comme vous le savez, l'eau ne reste pas immobile. Pour qu'il soit plus facile de comprendre comment se fera la gestion de l'eau, nous avons pensé qu'il serait préférable de partir des règlements qui existent déjà dans les provinces et dans les territoires. C'est pour cela que cette option est devenue notre option privilégiée.
Nous verrons ce que nous diront les participants aux séances de consultation. Je n'en est pas encore reçu tous les résultats, car ils seront compilés pour le ministre après le rapport d'étape de la séance du 31 mars. Nous verrons à partir de là.
Le sénateur Brazeau : J'aimerais ajouter quelque chose. Je crains que les groupes et les collectivités qui sont consultés n'aient l'impression que l'option privilégiée a déjà, en fait, été retenue. Je ne voudrais pas que, d'ici un an, ces groupes et ces collectivités nous disent qu'ils n'ont pas été vraiment consultés. Cela entraverait nos progrès. Nous avons déjà connu ce genre de situation dans le passé.
Mme Cram : C'est un risque.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Malheureusement, plusieurs des questions que je voulais poser l'ont déjà été. Permettez-moi donc de revenir sur la question du sénateur Carstairs, au sujet des postes d'exploitants occupés par des membres des Premières nations. Il faudrait aussi y attirer des femmes.
Mme Cram : C'est une excellente suggestion, sénateur Lovelace Nicholas. Comme l'a dit M. Roy, notre objectif est que tous les formateurs du programme de formation itinérante et tous les exploitants accrédités d'installations de filtration des eaux soient issus des Premières nations. Personnellement, je serais ravie que beaucoup d'entre eux soient des femmes. Nous y travaillons.
Nous avons encore beaucoup à faire. Il nous faut d'abord nous occuper de la formation. Un certain nombre de personnes exploitent des installations de filtration de l'eau sans être accréditées. Dans certains cas, il leur faudra retourner à l'école ou bien suivre une formation intensive pour avoir les qualifications requises.
L'autre problème qui se pose est que les exploitants accrédités sont très recherchés. Il arrive souvent qu'une collectivité autochtone envoie son exploitant en formation mais que celui-ci, une fois accrédité, reçoive une offre plus intéressante ailleurs. Il y a beaucoup de roulement.
Le sénateur Lovelace Nicholas : On m'a dit qu'il arrive parfois que les femmes soient obligées d'interrompre ou d'abandonner le programme de formation, voire leur emploi, parce qu'il n'y a pas de garderie.
Mme Cram : C'est vrai.
Le sénateur Grafstein : J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. C'est la quatrième « fournée » de représentants du ministère que j'ai l'occasion de rencontrer en six ans et demi, et je suis content de voir qu'il y a du sang neuf. Je vous en félicite. Toutefois, j'ai un problème avec vos chiffres.
Je voudrais en revenir à la question posée par le sénateur Carstairs et vous demander de me dire si j'ai bien compris. Vous avez dépensé 60 millions de dollars en 2006, 330 millions en 2008, et maintenant vous recevez une rallonge de 165 millions, tout ça sans compter la somme de 200 millions de dollars par an qui est consacrée aux dépenses administratives.
Combien d'argent avez-vous investi dans chaque installation de filtration des eaux au cours des trois dernières années pour la mettre à niveau? D'après mes calculs, vous avez dépensé 3 millions de dollars par installation. Est-ce que je me trompe?
Mme Cram : Par installation?
Le sénateur Grafstein : Oui. Je me suis contenté de prendre vos chiffres et de les diviser par le nombre total d'installations. Pourriez-vous nous donner une idée précise de ce que le gouvernement fédéral dépense dans ce domaine? Vous nous avez dit que tout avait été dépensé. J'aimerais savoir combien vous avez dépensé, en tout et par installation.
Nous savons qu'une partie sont des dépenses en capital, et une autre partie, des dépenses de fonctionnement. Pourriez-vous cependant nous donner une ventilation plus détaillée, installation par installation, pour que nous sachions vraiment si l'argent est dépensé au bon endroit, au bon moment, et de façon aussi diligente que possible? Cela s'appelle rendre des comptes, et c'est une leçon que nous avons apprise de nos collègues conservateurs.
Mme Cram : Il est difficile de vous donner un coût moyen par installation, car chaque installation est différente.
Le sénateur Grafstein : Je comprends.
Mme Cram : Je ne peux donc pas vous dire exactement combien nous dépensons, en moyenne, par installation. Le chiffre auquel vous êtes arrivé en divisant le nombre total d'installations...
Le sénateur Grafstein : Dites-nous simplement quelle somme, grande ou petite, a été dépensée pour telle ou telle installation, en la ventilant entre les dépenses en capital et les dépenses d'exploitation, afin que nous ayons une idée de ce qui a été vraiment dépensé ou qui est en train d'être dépensé.
Mme Cram : Je vous obtiendrai ces chiffres et vous les ferai parvenir.
Le sénateur Grafstein : Je vais passer à une autre question. Parmi les installations en service qui sont conformes aux normes, combien ont été frappées, au cours des trois derniers mois, d'un avis de faire bouillir l'eau? Je parle des installations conformes, pas de celles qui sont à haut risque.
Mme Cram : Nous vous communiquerons le nombre d'avertissements de ce genre qui ont été émis pendant le mois de février.
Le sénateur Grafstein : J'aimerais que ces chiffres soient ventilés, car les installations à haut risque reçoivent certainement des avertissements tous les jours. Ce qui m'intéresse, c'est le nombre d'avertissements donnés à des installations conformes.
Si vous n'avez pas ces chiffres sous la main, vous pouvez me les faire parvenir.
Avez-vous une vague idée de ces chiffres?
M. Roy : Je ne les ai pas en tête, je me renseignerai.
J'aimerais toutefois vous donner une petite précision. Une installation à faible risque est une installation qui est bien gérée. Si elle est bien gérée et qu'un problème se pose, un avis de faire bouillir l'eau sera émis, mais dans ce cas-là, le suivi sera fait plus rapidement. Nous vous ferons parvenir ces chiffres.
Le sénateur Grafstein : J'ai reçu 17 mémoires sur les avis de faire bouillir l'eau. Donnez-nous les chiffres que vous avez, et nous verrons ensuite.
Quand la collectivité a une installation à haut risque, les résidents le savent-ils? Comment faites-vous pour le leur dire? Ils ont pourtant le droit de savoir si l'eau qu'ils boivent est insalubre.
M. Roy : Ces avertissements sont émis par le chef et le conseil de la Première nation, sur les recommandations de Santé Canada. Je ne connais pas la procédure détaillée, mais je sais qu'il existe une trousse d'information sur la façon de communiquer ce message.
Le sénateur Grafstein : D'accord, mais les 58 collectivités qui sont à haut risque le savent-elles? Comment l'information leur est-elle communiquée, et que peuvent-elles faire pour avoir de l'eau potable tous les jours?
Mme Cram : Ce n'est pas parce que l'installation est à haut risque que l'eau n'est pas potable, ou qu'elle est nécessairement frappée d'un avis de faire bouillir l'eau. Elle est tout simplement plus susceptible de recevoir davantage d'avertissements de ce genre. Lorsque cela arrive, les collectivités touchées savent qu'un avis de faire bouillir l'eau a été émis. En fait, on distribue même ces avertissements à domicile.
Il arrive souvent que l'avertissement ne concerne qu'un puits en particulier, et que cinq ou 12 maisons soient alimentées par ce puits. Dans ce cas-là, tous les foyers concernés sont informés qu'un avis de faire bouillir l'eau a été émis, et qu'ils doivent donc prendre les précautions nécessaires; on leur fournit parfois de l'eau embouteillée.
Le sénateur Grafstein : Dans la liste que vous allez nous faire parvenir, allez-vous indiquer tous les avis qui ont été émis, aussi bien pour les collectivités à haut risque que pour celles qui sont censées avoir maintenant une installation conforme?
Mme Cram : Oui.
Le sénateur Grafstein : Quels effets la consommation d'eau insalubre a-t-elle sur la santé? Cela se traduit-il par une augmentation des dépenses en matière de santé?
Mme Cram : Je ne saurais vous le dire, et je ne sais pas non plus si Santé Canada aurait une réponse.
Le sénateur Grafstein : Je peux vous dire que ce ministère hésite beaucoup à nous donner ces chiffres, car s'il nous les donne, il sera alors obligé de s'attaquer au problème. Pourtant, il nous serait utile de savoir combien le contribuable paie pour les effets qu'une eau insalubre a sur la santé des Autochtones. Cela ne change rien au total des dépenses, mais j'aimerais avoir cette information. Pouvez-vous nous la donner?
Mme Cram : Malheureusement, le ministère des Affaires indiennes et du Nord n'a pas d'informations sur la santé.
Le sénateur Grafstein : Pouvez-vous l'obtenir auprès d'un autre ministère?
Mme Cram : Nous pourrions nous adresser à Santé Canada.
Le sénateur Grafstein : Cela serait très utile.
Je ne comprends pas le dispositif réglementaire. S'agit-il de lignes directrices facultatives que le service des aliments et des drogues utilise dans ses discussions interprovinciales, ou bien de normes contraignantes pour les collectivités autochtones? Y a-t-il une différence entre une norme et un règlement?
Mme Cram : À l'heure actuelle, aucun règlement ne s'applique.
Le sénateur Grafstein : Passons à autre chose.
Parlons des gens que vous formez. Combien d'analyses de l'eau faites-vous par collectivité, par semaine, par mois, par an? Avez-vous des chiffres? Je parle d'analyses de l'eau.
Nous avons appris, dans le comité du sénateur Banks, qu'à Terre-Neuve, ils sont fiers d'avoir fait des analyses. En tout cas, ils nous ont dit qu'ils en faisaient, mais nous avons constaté que ces analyses n'étaient pas conformes et qu'elles n'étaient faites qu'une fois par mois. À New York, par exemple, ils font des analyses quotidiennes au niveau du réseau global, et hebdomadaires au niveau du district.
Quelle formule utilisez-vous pour les analyses que vous faites dans les collectivités autochtones?
M. Roy : La formule que nous utilisons est conforme aux exigences établies par Santé Canada en ce qui concerne l'eau potable.
Le sénateur Grafstein : À quelle fréquence faites-vous ces analyses?
M. Roy : Je n'ai pas ces chiffres en tête, mais je peux vous les faire parvenir.
Le sénateur Grafstein : Je voudrais savoir combien vous avez fait d'analyses dans chaque installation au cours des six derniers mois. Combien en avez-vous fait, et quels ont été les résultats?
Permettez-moi maintenant de vous poser une dernière question : les directives en cours de préparation pour les collectivités autochtones prévoient l'analyse de combien d'éléments? Nos collègues autochtones nous ont dit que, dans l'eau des collectivités autochtones, on trouve des substances chimiques, entre autres, qu'on ne trouve pas ailleurs au Canada. Combien d'éléments devrez-vous analyser, d'après les directives en cours de préparation? 20, 30, 40, 50? Dites- nous combien, et donnez-nous une liste des éléments que vous analysez. Ne nous dites pas ce que les directives prévoient, dites-nous ce que vous faites et à quelle fréquence.
Nous voulons simplement être convaincus, comme l'a dit le sénateur Lang, que le gouvernement a fait du bon travail.
Mme Cram : C'est Santé Canada qui effectue ces analyses, et nous devrons donc nous adresser à ce ministère pour avoir ces informations.
Le sénateur Grafstein : Enfin, combien de scientifiques s'occupent de ces analyses dans les collectivités autochtones?
Mme Cram : Comme je vous l'ai déjà dit, c'est Santé Canada qui s'occupe de ces analyses, et je ne sais pas combien de scientifiques ce ministère emploie à cette fin.
Le sénateur Lang : Pourriez-vous me rappeler la procédure à suivre pour poser des questions? Je croyais que nous pouvions poser deux ou trois questions aux témoins, avant de laisser un autre sénateur en poser à son tour. Je ne m'attendais pas à ce genre de contre-interrogatoire.
Le vice-président : Je crois que le sénateur Grafstein en a terminé avec ses questions. Pouvons-nous considérer que vous avez posé un certain nombre de questions et que nous pouvons maintenant donner la parole à un autre sénateur?
Le sénateur Grafstein : Je ne suis pas membre de ce comité.
Le sénateur Lang : Vous avez monopolisé toute la conversation.
Le sénateur Grafstein : Peut-être, sénateur, mais cela fait sept ans que nous étudions la question en comité. Ce n'est pas nouveau. Même si je ne suis pas membre de ce comité, j'espère, avec l'indulgence du président....
Le sénateur Lang : C'est justement ce que j'allais dire.
Le sénateur Grafstein : Au Sénat, un sénateur peut assister à n'importe quel comité et poser des questions. Je pensais qu'il serait utile aux membres de ce comité de savoir ce que nous avons appris dans d'autres comités.
Le sénateur Lang : Je sais que chaque sénateur en a le droit, mais d'un autre côté, il ne faudrait pas en abuser.
Le sénateur Grafstein : C'est au président d'en décider, pas à vous.
Le sénateur Raine : Je constate que vous avez fait beaucoup de travail. Ce problème ne date pas d'hier, loin s'en faut, et je crois que tout le monde au Canada espère que nous arriverons à le régler pour que tous les citoyens du pays puissent avoir accès à de l'eau potable en toute sécurité.
J'aimerais passer à un autre sujet. Les évaluations techniques en cours portent sur 1 300 installations communautaires de filtration des eaux et de traitement des eaux usées. J'en déduis que ces installations desservent plus d'une maison. Bon nombre d'Autochtones vivent en dehors des collectivités et sont très dispersés. Il y a 70 000 puits, citernes et champs d'épandage qu'il faudra aussi inspecter.
Ma question est la suivante : sommes-nous allés voir ce qui se fait dans d'autres pays pour savoir quels sont les puits les plus modernes et les plus efficaces? Il y a certainement beaucoup d'endroits où les puits sont très difficiles à forer et à exploiter, et il ne faudrait pas que le Canada reste à l'écart, sans s'intéresser à ce qui se fait ailleurs. Nous devrions donc voir ce qui se fait dans d'autres pays pour des propriétés rurales construites sur le même type de terrain que nous, pour essayer de trouver la meilleure technologie possible en matière de puits, de citernes et de champs d'épandage.
Mme Cram : Ce sont d'excellentes suggestions. L'une des raisons pour lesquelles nous pensions que les évaluations techniques, qui avaient été recommandées par votre comité, étaient une bonne idée est que cela nous permettait de construire de grandes installations de filtration des eaux. Cela nous a permis de régler les problèmes d'une partie des résidents des collectivités, mais il reste tous ceux qui ont encore un puits individuel. Nous avons décidé que ces évaluations techniques seraient aussi larges que possible, et permettraient d'envisager les meilleures technologies pour régler les problèmes.
Le coût d'un système individuel a beaucoup diminué. Je ne connais pas tous les détails techniques, mais vous pouvez avoir un bon appareil à l'intérieur de la maison. C'est une bien meilleure solution, qu'il faut envisager. Dans le passé, le ministère s'intéressait principalement aux réseaux communautaires, mais aujourd'hui, nous voulons adopter l'approche que vous suggérez et essayer de trouver les meilleures technologies possibles pour répondre à tous les besoins de la collectivité.
Le sénateur Raine : Je suis contente de l'entendre. Je pense qu'il n'y a pas une solution unique aux problèmes des collectivités autochtones. Les habitants aiment vivre sur leur terre, et il est difficile d'imaginer que leurs besoins puissent être satisfaits par les mêmes systèmes de filtration des eaux et de traitement des eaux usées que ceux des villes.
Je viens d'une petite collectivité, et il nous a fallu à un moment donné construire une usine de traitement des eaux usées. C'est en République tchèque que nous avons découvert la technologie adaptée aux besoins des éleveurs de porcs, et où les eaux souterraines avaient été contaminées. Le procédé consistait à recueillir les effluents des porcs et à les transporter par camion vers un lieu de déchargement. Il fallait une technologie adaptée, et nous l'avons trouvée. Il y a toutes sortes de solutions efficaces et économiques qui ont été trouvées ailleurs, il suffit de chercher.
M. Roy : À vrai dire, nous sommes allés voir ce qui se fait ailleurs. En octobre dernier, l'Association canadienne des eaux potables et usées a organisé un séminaire et, à notre demande, a ajouté une journée pour faire venir des experts sur les systèmes de taille réduite, individuels et communautaires. Des gens de chez nous y ont assisté pour savoir ce qui existe sur le marché et ce que nous avions comme options, car nous n'étions pas très au courant. Donc, nous essayons de voir ce qui se fait ailleurs.
Le sénateur Banks : J'aimerais faire une observation générale. Les membres du comité le savent bien, nous avons souvent, comme d'autres comités qui s'intéressent au problème de l'eau, été très durs dans nos critiques à l'égard des gouvernements qui se sont succédé, y compris le précédent, et celui d'avant, et celui d'avant encore. C'est un problème qui perdure mais qui n'est pas du tout partisan. Les critiques, les questions et les observations qui vous sont adressées sont fondées sur des faits et ne visent pas à pointer du doigt tel ou tel gouvernement. Si vous lisez les rapports antérieurs de notre comité, et ceux du comité que je présidais au sujet de l'eau, vous verrez que les critiques adressées à des gouvernements antérieurs, aussi bien qu'à celui-ci, sont parfois vitrioliques. Il nous arrive de laisser libre cours à notre frustration parce que le problème perdure depuis des années, et que les gouvernements qui se sont succédé, de quelque parti qu'ils soient, n'ont pas réussi à le régler définitivement. Je tenais à vous le dire.
J'aimerais maintenant poser une question de nature plutôt philosophique. Qui est le propriétaire des nouvelles installations que vous construisez? Qui possède, gère et assume la responsabilité ultime du bon fonctionnement de ces nouvelles usines de filtration des eaux? À qui appartiennent-elles et qui les gère?
Mme Cram : Elles appartiennent au chef et au conseil. Elles ne font pas partie des biens du Canada. Le gouvernement du Canada finance la construction et l'exploitation de l'usine, mais au final, c'est la Première nation qui en est la propriétaire.
Le sénateur Banks : Bien. Permettez-moi de vous donner un exemple. Supposons que je sois un fabricant ou un fournisseur d'un produit de consommation, même d'un produit dont une Première nation serait la propriétaire, un magasin, par exemple. Il y a beaucoup d'exemples de ce genre. Si je vends ou fabrique du chewing gum, de l'eau embouteillée, des corn flakes, ou des plaquettes de chocolat, et que quelqu'un tombe malade après en avoir consommé, je suis passible de sanctions prévues par la loi, car j'ai fait preuve de négligence. Il peut même s'agir de sanctions pénales. Autrement dit, quiconque vend un produit de consommation sans s'être assuré de sa salubrité est passible de sanctions.
Pensez-vous que les propriétaires privés ou municipaux d'un produit qu'on se procure en ouvrant le robinet ou en achetant des bouteilles ou un sac de glaçons, devraient être tenus responsables de leur produit au même titre que les fabricants de chewing gum, de glaçons en vrac, d'eau embouteillée, de corn flakes, de viande, de pommes de terre et d'œufs, l'objectif étant de s'assurer que ces produits ne rendent pas le consommateur malade?
Mme Cram : Je suis désolée, je ne peux pas répondre à cette question. Il me semble que les règlements ou lois régissant le genre de situation que vous avez décrite devraient définir clairement qui est responsable, de quoi et quelles sanctions s'appliquent, si quelque chose d'anormal se produit.
Dans le cas de l'eau, la difficulté qui se pose est que nous avons des protocoles, mais que nous n'avons ni lois ni règlements. Nous n'avons pas de dispositif législatif ou réglementaire, et je pense que ce serait utile.
Le sénateur Banks : Ne serait-il pas plus facile d'avoir seulement des règlements clairs et simples?
Mme Cram : Tout à fait. Il nous faut, à mon avis, des règlements clairs et simples.
Le sénateur Banks : Qui devrait les prendre?
Mme Cram : Les consultations que nous avons entreprises portent sur les différentes options législatives. Si le gouvernement décide de présenter un projet de loi, il l'accompagnera d'un dispositif réglementaire. Mais nous ne savons pas ce qui sera décidé. Nous avons dit que nous préférions l'option de la loi fédérale qui incorpore, par renvoi, les règlements provinciaux. Mais nous ne savons pas ce qui se sera décidé en dernière analyse.
Le sénateur Banks : Le fait d'incorporer des règlements dans une loi, par renvoi, me pose un problème. Il arrive souvent que les règlements et autres textes de ce genre changent. Ils viennent de sources autres que le gouvernement, qui peuvent les changer. On pourrait prévoir, comme le font certaines lois, que si ces règlements changent, ils font toujours partie de la loi.
Toutefois, je me demande pourquoi on voudrait incorporer par renvoi des règlements provinciaux, qui ne sont souvent même pas des règlements, ou des directives qui varient tellement d'une région à l'autre. Un habitant de Corner Brook n'a-t-il pas droit à une eau aussi potable qu'un membre de la nation Siksika? Pour le moment, ce n'est pas le cas. Le seul endroit au Canada où nous pouvons assurer une certaine uniformité des règlements, c'est dans les réserves des Premières nations puisque le gouvernement fédéral y exerce un certain contrôle. Dans le reste du pays, les directives en vigueur varient beaucoup d'une province à l'autre, quant à leur contenu, leur application et leur exécution.
Je ne vois pas comment vous pouvez incorporer des règlements provinciaux par renvoi. Ce serait reconnaître que les règlements qui s'appliquent au Manitoba, et qui sont peut-être plus sévères que ceux de la Saskatchewan, ne s'appliquent pas à la Saskatchewan. Je ne comprends pas.
Mme Cram : Vous avez posé de bonnes questions. Nous sommes encore loin d'avoir déterminé comment nous procéderons avec le projet de loi ou avec les règlements. Mais vos observations méritent d'être prises en considération.
À l'heure actuelle, comme vous l'avez fait remarquer, chaque province a des règlements différents.
Le sénateur Banks : Ça n'a rien à voir.
Mme Cram : Nous estimons que, en ce qui concerne l'eau, les règles qui s'appliquent dans les réserves d'une province devraient être identiques ou semblables à celles qui s'appliquent ailleurs dans la province.
Le sénateur Banks : Les Premières nations seront toujours victimes du plus bas dénominateur commun, où qu'elles soient.
Mme Cram : C'est possible, tout dépend de la province où elles se trouvent.
Le sénateur Banks : Exactement.
Mme Cram : Nous avons dit également que nous examinerions la façon dont ils pourraient être modifiés. Nous ne disons pas qu'ils seront nécessairement semblables à ceux de la province. Mais vous avez fait d'excellentes observations, sénateur.
Le sénateur Banks : Merci. Vous savez, nous les faisons depuis longtemps.
Le sénateur Dyck : J'aimerais poser une question au sujet des ressources humaines nécessaires pour le traitement des eaux. La première recommandation de notre comité proposait qu'AINC entreprenne une évaluation indépendante des ressources physiques et humaines nécessaires. Il me paraît évident, d'après ce que vous avez dit, que les gens qui exploitent les installations sont tout aussi importants que les installations elles-mêmes. Vous semblez avoir fait des progrès pour ce qui est des infrastructures.
Mais quels sont vos plans en ce qui concerne les ressources humaines nécessaires et les programmes de formation à l'intention des exploitants de ces installations? Pourriez-vous mettre sur pied un programme de formation réservé aux exploitants des Premières nations, car ceux-ci restent sans doute plus longtemps dans la réserve qu'une autre personne qui n'est pas issue des Premières nations? Si les exploitants quittent leur emploi parce qu'on leur offre un meilleur salaire ailleurs, pourquoi ne pas leur offrir un salaire équivalent?
M. Roy : Vous avez posé plusieurs questions, et je vais essayer de répondre à toutes, mais prévenez-moi si j'en oublie une.
L'évaluation nationale que nous avons entreprise nous apportera une partie de la réponse, puisqu'elle porte sur les coûts actuels d'exploitation et d'entretien, ce qui comprend le salaire de l'exploitant. Cela répond donc en partie à votre question sur les ressources humaines.
Nous avons également le Programme de formation itinérante, dont l'objectif est de former des exploitants. Nous avons augmenté son rayon d'action, et nous obtenons de bons résultats, surtout dans les régions où il fonctionne depuis un certain temps. En fait, nous avions l'intention de doubler le rendement du programme en l'espace de quelques années. Nous y sommes presque, et nous devrions avoir atteint notre but à la fin de l'année prochaine. Nous essayons d'avoir un formateur pour six à 10 collectivités des Premières nations. Ce formateur se rend dans les collectivités et est disponible en permanence pour fournir des conseils et de la formation aux exploitants.
Le Programme de formation itinérante fonctionne tellement bien qu'en fait, tout récemment, soit mercredi dernier, les formateurs ont formé une association, les formateurs professionnels du programme de formation itinérante. Nous avons réuni tous les formateurs du Canada, pour qu'ils puissent se parler de leurs techniques, des progrès qu'ils font, et cetera. Ils font aussi la promotion de ces emplois. Lors de cette réunion, ils ont abordé le problème de l'accession des Autochtones à ces postes. Ce sont eux qui forment les exploitants, et ils essaient de convaincre les meilleurs d'entre eux à suivre le programme de formation pour former d'autres exploitants.
Le sénateur Dyck : Comment fait-on pour entrer dans ce programme? Vous parlez des formateurs du Programme de formation itinérante qui vont former des exploitants sur place, dans les réserves.
M. Roy : Oui.
Le sénateur Dyck : Comment quelqu'un qui n'est pas déjà un exploitant peut-il entrer dans le système? Avez-vous un programme de promotion et de recrutement?
M. Roy : La question comporte plusieurs facettes. La trousse d'information dont nous avons parlé tout à l'heure, « L'eau est un trésor! », sert justement à sensibiliser les élèves des écoles à l'importance de l'eau. C'est très populaire, et nous sommes sur le point de faire une réimpression du document, qui est un bon outil didactique.
Pour ce qui est des emplois d'exploitants, il nous faut un exploitant et un substitut, ce qui permet d'assurer la relève. On entre dans le programme au niveau de substitut, et pendant que l'exploitant est au poste, le substitut acquiert sa formation. Si le principal exploitant quitte son emploi, le substitut prend sa place et on forme un autre substitut.
La trousse d'information s'adresse aux enfants, certes. Mais nous avons une idée de la façon dont nous pourrions élargir sa portée. Elle montre au moins que l'eau et l'exploitant ont un rôle important. Nous avons constaté que, lorsque les enfants rentrent chez eux, ils transmettent le message à leurs parents beaucoup plus rapidement. Voilà pour la première phase.
Le sénateur Dyck : Vous ne faites rien auprès des élèves des écoles secondaires?
M. Roy : Pas encore, non.
Le vice-président : Tout le monde a eu l'occasion de poser une question, et le temps que nous avions prévu pour ce groupe de témoins est écoulé. Je vois que le sénateur Lang veut invoquer le règlement.
Le sénateur Lang : Je voudrais simplement faire quelques observations à l'intention du sénateur Banks. Je suis un nouveau membre du comité, je n'ai pas 20 ans d'expérience comme certains, mais je tiens à faire quelques observations. Je fais partie de deux comités, et ce que j'ai constaté ici aujourd'hui, je l'ai également constaté dans l'autre comité. J'estime que, par égard pour tous les autres membres du comité, un sénateur ne devrait pas essayer d'accaparer tout le temps du comité.
Deuxièmement, les questions que nous posons aux témoins ne devraient pas friser l'insulte ou l'attaque personnelle. Je n'apprécie pas du tout cela. Cela nuit à la réputation de l'ensemble des membres de comités.
J'aimerais maintenant poser une question qui me turlupine. Nous avons parlé des normes provinciales en matière de gestion de l'eau, et du plus bas dénominateur commun. J'aimerais donc demander, pour que la réponse soit consignée au procès-verbal, si, lorsqu'on parle du plus bas dénominateur commun, on parle de la norme provinciale? Qu'en est-il, et comment ces normes se comparent-elles d'une province à l'autre? J'ai du mal à croire que, dans la région d'où je viens, les normes relatives à la gestion de l'eau correspondent au plus bas dénominateur commun. J'ai toujours pensé que, quelle que soit la loi applicable, les normes relatives à la gestion de l'eau sont conformes aux normes sanitaires qui me permettent de rester en bonne santé.
Avez-vous fait une comparaison de ces normes, d'une province à l'autre?
Le vice-président : Avez-vous la réponse à la question, madame Cram?
Mme Cram : J'aimerais simplement mentionner que toutes les provinces doivent respecter les directives fédérales, mais qu'elles ont chacune leurs propres lois. Lorsque vous parlez du plus bas dénominateur commun, nous n'avons pas fait un classement des provinces. Chaque province a son propre dispositif législatif et réglementaire.
Le sénateur Carstairs : Je vous propose de me faire parvenir une réponse écrite à la question que je vais vous poser.
J'aimerais avoir une ventilation des 30 millions de dollars qui ont été dépensés pendant l'exercice financier 2006- 2007, des 30 millions qui ont été dépensés en 2007-2008, et des 165 millions qui ont été dépensés en 2008-2009 pour savoir quel montant exact vous avez consacré à la construction de nouvelles installations de filtration des eaux ou à la mise à niveau des installations existantes, autrement dit, que vous n'avez pas consacré à des dépenses administratives du ministère,
Deuxièmement, j'aimerais revenir sur la question soulevée par le sénateur Brazeau, car elle est cruciale. J'ai déjà constaté que, lorsqu'on rencontre les représentants d'une collectivité autochtone et qu'on leur dit : « Voilà ce dont nous allons parler », ils ne considèrent pas cela comme de la consultation. Par la suite, ils reviennent vous voir pour vous dire qu'ils n'ont pas été consultés, qu'on leur a simplement fait dire ce qu'on voulait entendre.
Si vous avez déjà décidé quelle était votre option privilégiée, ne craignez-vous pas qu'ils vous disent par la suite qu'ils n'ont pas été consultés et que vous leur avez imposé une directive?
Mme Cram : Pour ce qui est de la première question, je vous ferai volontiers parvenir les informations que vous demandez, sénateur.
Pour ce qui est de la deuxième question, je peux vous dire que, d'après ce qu'on m'a rapporté, les Premières nations n'ont pas hésité à exprimer leurs points de vue au cours des séances qui ont eu lieu jusqu'à présent. Nous allons recueillir toutes ces informations et recommander ensuite au ministre une voie à suivre. Nous n'avons pas constaté que les Premières nations hésitaient à exprimer leur point de vue sur l'option que nous présentons aussi bien que sur d'autres options. Quant à savoir si elles diront plus tard qu'elles n'ont pas été consultées, je ne peux pas le prédire.
Permettez-moi d'ajouter que le processus consultatif ne s'arrête pas là. Nous avons l'intention d'entreprendre d'autres discussions, si un projet de loi est présenté.
Le sénateur Brazeau : Projetons-nous dans quelques mois et supposons que nous en sommes à l'étape de l'élaboration du projet de loi. Le ministère sera-t-il disposé, à ce moment-là, à recommander au ministre de faire participer les groupes concernés à la rédaction de ce projet de loi, comme on l'a fait pour le projet de loi sur les revendications particulières?
Deuxièmement, j'aimerais revenir sur la somme de 165 millions de dollars qui va être consacrée, sur deux ans, à des projets d'infrastructure comme la gestion de l'eau. Que fait le ministère pour s'assurer que tous ces fonds vont vraiment se traduire par le lancement de chantiers de construction et d'activités de formation, et que cela va créer des emplois?
Mme Cram : Pour répondre à votre première question, sénateur, je vous dirai que c'est le gouvernement qui décidera de la façon dont il veut procéder pour élaborer le projet de loi, mais il est vrai que la rédaction collective est une pratique courante. Je ne sais pas si c'est celle qui sera retenue, mais en tout cas, elle n'est pas inhabituelle.
Pour ce qui est des 165 millions de dollars, ils vont servir, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, à financer 18 projets. Quatorze d'entre eux ont déjà été annoncés, et les quatre autres devraient l'être au cours des prochaines semaines. Nous veillons tout particulièrement à ce que chacun de ces projets, y compris les projets de construction d'écoles qui ont été annoncés, ait des retombées économiques positives, au niveau notamment de la formation et de l'emploi.
C'est un critère essentiel pour tous ces projets d'infrastructure. Vous n'ignorez pas que le budget de 2009 octroie des crédits à Ressources humaines et Développement des compétences Canada pour des programmes de formation. Les gens qui y participeront pourront acquérir les compétences dont ils ont besoin pour profiter de ces retombées économiques.
Le sénateur Raine : Nous venons de recevoir le cahier de documentation que vous avez préparé pour les séances de consultations, et j'ai constaté, en le parcourant, qu'il est bien adapté à ce type d'exercice. Même si vous présentez l'option que vous privilégiez, ce cahier contient tellement d'informations qu'il est facile, pour quiconque s'y intéresse, de se faire une bonne idée des enjeux.
Il y a quelque chose qui a immédiatement attiré mon attention en ce qui concerne les puits et les champs d'épandage individuels. Vous dites qu'on dénombre 70 000 puits, mais qu'ils ne sont assujettis à aucune réglementation. Autrement dit, l'emplacement des puits et leur mode d'exploitation ne sont assujettis à aucun règlement.
Nous devons nous assurer que ce problème est pris en compte. Il ne faut pas s'intéresser qu'aux grandes installations, et négliger les puits individuels.
Mme Cram : Je vous remercie beaucoup de votre suggestion, sénateur, et nous allons certainement commencer à nous intéresser à ce problème.
Le sénateur Grafstein : J'aimerais simplement présenter mes excuses au sénateur Lang et aux autres membres du comité. Parfois, je me laisse emporter par ma passion. J'étudie ce dossier depuis près de 10 ans, et les progrès sont loin d'être aussi rapides que je le voudrais.
Permettez-moi de conclure en vous disant ceci : les provinces ne sont pas obligées de respecter les directives fédérales. Celles-ci sont facultatives, et aucune sanction pénale n'est prévue si une province ne les respecte pas. Je tenais à ce que cette remarque soit consignée au dossier, et je suis sûr que le témoin est d'accord avec moi.
Mme Cram : Oui, vous avez raison. Merci.
Le vice-président : Merci beaucoup, sénateur Grafstein.
Permettez-moi de vous remercier, madame Cram et monsieur Roy, des informations que vous nous avez communiquées ce soir. Nous espérons recevoir bientôt les réponses écrites qu'ont demandées les sénateurs.
Mme Cram : Merci, sénateurs. Je suis heureuse d'avoir comparu devant votre comité.
Le vice-président : Nous allons maintenant accueillir Sara Filbee, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, Affaires indiennes et du Nord Canada; Rose Kattackal, directrice générale, Direction générale du développement des entreprises autochtones, Affaires indiennes et du Nord Canada; et Alan Clarke, directeur général, Direction générale des politiques stratégiques, Affaires indiennes et du Nord Canada.
Pendant cette deuxième partie de la réunion, nous parlerons de la réponse du gouvernement fédéral à un rapport préparé par notre comité il y a un certain nombre d'années. Le rapport s'intitule Partager la prospérité du Canada — Un coup de main, pas la charité.
Le rapport a été déposé au Sénat en mars 2007. Le gouvernement nous a communiqué sa réponse en février 2008. Ce soir, nous allons voir si des progrès ont été faits depuis et aborder toute autre question connexe.
Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue parmi nous ce soir. Je tiens à signaler la présence du chef Clarence Louie, qui est un grand promoteur du développement économique de sa réserve en Colombie-Britannique. Je suis heureux que vous soyez ici ce soir, car ainsi, vous pourrez vérifier si les représentants du ministère nous disent la vérité.
Vous avez la parole.
Sara Filbee, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, Affaires indiennes et du Nord Canada : Merci beaucoup, honorables sénateurs. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître ce soir devant votre comité.
[Français]
Je suis ici ce soir pour décrire les progrès que le gouvernement du Canada a accomplis au regard de l'atteinte de meilleurs résultats de développement économique pour les collectivités autochtones et la population du Canada.
[Traduction]
J'aimerais plus particulièrement décrire le travail accompli par le gouvernement jusqu'à présent, en ce qui concerne l'élaboration d'un nouveau cadre fédéral sur le développement économique des Autochtones, qui était une recommandation très importante de votre comité. Je voudrais aussi mettre en évidence les mesures que nous avons prises entre-temps dans le but d'atteindre de meilleurs résultats pour le développement économique des Autochtones.
Les chefs autochtones, comme Clarence Louie, nous ont souvent rappelé que la meilleure façon d'améliorer la santé d'une collectivité est d'investir dans son développement économique, puisque les collectivités où le niveau de santé est le plus élevé sont celles dont les membres ont un emploi et des revenus.
[Français]
Notre appuyons de tout notre cœur cet énoncé et nous avons adopté des mesures importantes pour faire progresser le Programme de développement économique des Autochtones.
[Traduction]
Un certain nombre de facteurs semblent se mettre en place : une population autochtone jeune qui croît rapidement, un territoire qui prend de l'expansion, la proximité de nombreuses collectivités des Premières nations de projets de ressources naturelles, et un leadership entrepreneurial dynamique et visionnaire dans de nombreuses collectivités. Grâce à la convergence de tous ces facteurs, nous avons la possibilité d'influer réellement et positivement sur l'avenir des entrepreneurs, des entreprises et des collectivités autochtones.
Comme vous le savez, le budget de 2008 du gouvernement du Canada comprend un engagement « de créer un nouveau cadre fédéral pour le développement économique des Autochtones », en consultation avec les groupes autochtones et d'autres parties prenantes.
[Français]
Cet engagement a été notre première étape. Nous voulions les bons et les moins bons aspects de l'approche fédérale actuelle.
[Traduction]
Ainsi, nous avons entrepris un processus de mobilisation exhaustif autorisé par le Cabinet, qui s'est poursuivi entre le mois d'août 2008 et le mois de janvier dernier. Plus de 5 000 personnes ont pris le temps de lire notre document de discussion, Vers un nouveau cadre fédéral pour le développement économique des Autochtones, et bon nombre d'entre elles nous ont fait part de leurs commentaires.
Nous avons rencontré plus de 30 organisations, des groupes tels que le Ralliement National des Métis, le Comité des chefs sur le développement économique de l'Assemblée des Premières nations, le Comité national des Inuits sur le développement économique, et l'Association des femmes autochtones du Canada. Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont également été consultés, de même que des groupes autochtones et non autochtones du secteur privé, y compris des sociétés et des institutions financières majeures.
Notre processus de mobilisation est venu s'ajouter aux consultations exhaustives qui ont été entreprises dans le cadre de l'élaboration de notre rapport de 2007. Nous voulions obtenir plus d'informations sur la façon dont les personnes que nous desservons perçoivent les obstacles législatifs et réglementaires auxquels font face les Autochtones, les obstacles à l'accès aux terres et aux ressources pour le développement des entreprises, les lacunes au niveau de la gouvernance, du capital humain et de l'infrastructure, ainsi que la fragmentation de l'approche fédérale à l'égard du développement économique.
[Français]
Dans le cadre de ce processus, et je simplifie exagérément, nous avons appris que les Autochtones sont prêts à prendre le contrôle de leur avenir économique. Les gens sont prêts et impatients de s'atteler à la tâche.
[Traduction]
Nous avons appris qu'au lieu des incohérences qui existent actuellement au sein des ministères et organismes fédéraux, les futurs programmes fédéraux devraient être plus disciplinés, apporter un soutien mutuel et être axés sur les leviers du développement économique.
On nous a en outre rappelé qu'au lieu de faire du saupoudrage, comme c'est le cas actuellement, avec les fond fédéraux, dans le développement du capital humain, l'éducation, l'aide sociale et le développement du marché de la main-d'œuvre, il valait mieux que ces programmes soient inter-reliés et se renforcent mutuellement.
De plus, nous avons appris que les investissements conçus pour appuyer le développement économique devraient être systématiquement évalués, ciblés et élargis lorsqu'ils ont le potentiel démontré de produire de véritables résultats, et que les initiatives fédérales majeures en matière de dépenses, par exemple le logement et le développement de l'infrastructure, devraient être reliées au développement économique des Autochtones.
Nous avons également appris qu'il faudrait créer des arrangements commerciaux mutuellement profitables entre les secteurs privés autochtones et non autochtones, et qu'il faudrait adopter des mesures pour nous assurer que les entreprises des réserves sont aussi compétitives sur le marché que celles du secteur privé, ailleurs au Canada.
Finalement, on nous a rappelé que les nouvelles dépenses fédérales devraient mettre l'accent sur le lien avec le développement économique des Autochtones, et qu'elles devraient optimiser une participation croissante des entreprises canadiennes aux investissements, aux prêts et aux projets conjoints avec les Autochtones du Canada.
Ayant été informée des commentaires que nous avons reçus, mon équipe prépare actuellement un avis pour le ministre Strahl sur la façon de maximiser le rôle fédéral dans le développement économique des Autochtones. Nous prévoyons qu'il présentera au cours des prochains mois ses recommandations sur la politique-cadre à adopter.
[Français]
Il est trop tôt pour détailler le contenu exact du cadre, toutefois, nous savons que les Premières nations, les Inuits et les Métis, ainsi que les Canadiens qui ne sont pas d'origine autochtone, s'attendent à des changements transformationnels.
[Traduction]
Il n'y a pas de réponse simple et unique pour réaliser ce genre de changement face à un enjeu aussi complexe et aussi dynamique que le développement économique des Autochtones. C'est toutefois une priorité du gouvernement du Canada : améliorer les possibilités des Canadiens d'origine autochtone de participer pleinement à l'économie canadienne.
Alors que nous progressons dans l'élaboration de la politique-cadre, le gouvernement du Canada a déjà apporté des changements à la façon dont les programmes économiques autochtones sont élaborés, et il met en place le genre de changement transformationnel que votre rapport de 2007 a recommandé.
Le secteur des Terres et développement économique a été créé l'an dernier, par le truchement d'une réorganisation interne au sein des Affaires indiennes et du Nord, afin de regrouper les principales composantes des politiques et des programmes de développement économique des Autochtones, y compris les terres.
Nous avons créé un projet pilote de réserves pour pertes sur prêts de 10 millions de dollars, qui permettra d'obtenir des investissements de près de 40 millions de dollars auprès de banques commerciales. Nous investissons 10 millions de dollars en partenariat avec les collectivités autochtones, le secteur privé, les provinces et les territoires, pour des projets de développement majeurs dans le secteur des ressources et de l'énergie,
[Français]
Nous continuons nos progrès quant à la mise en œuvre des lois telles que la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, dans le but d'atténuer les impacts négatifs de la Loi sur les Indiens. Vingt collectivités des Premières nations sont maintenant entièrement opérationnelles en vertu de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, alors que 30 autres sont en voie d'élaborer leur propre code foncier.
[Traduction]
Le ministère a adopté un certain nombre de mesures pour accélérer son processus d'Ajouts aux réserves, le processus AR. Depuis le dépôt du rapport de la vérificatrice générale de 2005, AINC a accompli des progrès très importants au niveau de la conversion de terres en réserves, plus de 315 000 acres ayant ainsi été converties au Manitoba et en Saskatchewan, soit une augmentation de 42 p. 100 sur une période de trois ans.
Le Conseil du Trésor a approuvé récemment les règlements sur le Registre des terres des Premières nations, afin que ce registre opère dans le cadre de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, ce qui offre aux prêteurs et aux compagnies d'assurances de titres davantage de sécurité quant à la tenure des terres.
Le gouvernement continue d'appuyer les institutions financières autochtones, et a entrepris d'améliorer la panoplie d'aides offertes aux petites entreprises autochtones en restructurant les procédures d'apport de capital pour le Programme de développement des entreprises autochtones — afin de s'assurer que les IFA ont les fonds nécessaires pour consentir des prêts — et en renforçant nos relations avec le réseau des IFA.
Le gouvernement a adopté des mesures pour améliorer les compétences en lecture et en arithmétique des jeunes Autochtones en annonçant l'Initiative de réforme de l'éducation des Premières nations, en juillet 2008, et en finançant cette initiative par le truchement du programme Services aux élèves.
Le budget de 2009 a pris en compte les graves lacunes de l'infrastructure, et prévoit la construction de nouvelles écoles, la rénovation d'écoles plus anciennes, la construction de logements, d'infrastructures de santé et d'usines de filtration de l'eau et de traitement des eaux usées; il accroît également le soutien à la police communautaire.
Le budget de 2009 a consacré au total un montant de 515 millions de dollars sur une période de deux ans à des investissements dans des infrastructures essentielles. Dans le cas de la collectivité de Burnt Church, par exemple, cela signifie une nouvelle école pour les élèves de la maternelle à la 8e année, y compris une bibliothèque, un laboratoire informatique, des terrains de jeux et une école maternelle.
Enfin, le budget de 2009 a mis de côté un financement pour un nouveau Fonds d'investissement stratégique dans la formation et les compétences des Autochtones, renforçant ainsi les partenariats avec des entreprises et développant une formation ciblée pour assurer la croissance des emplois chez les Autochtones. Ce dernier programme est d'autant plus nécessaire qu'il met l'accent sur les personnes particulièrement vulnérables à la crise économique, afin de les aider à s'adapter à un marché du travail en constante évolution.
Toutes ces mesures participent à la future politique-cadre, dont l'objectif sera d'avoir des collectivités prêtes à recevoir des investissements, des entreprises autochtones viables, des travailleurs autochtones compétents et une approche gouvernementale globale à l'égard du développement économique des Autochtones.
[Français]
Nous continuerons de faire des progrès dans de nombreux secteurs de concert et conséquemment au cadre.
[Traduction]
Nous allons remanier des programmes en nous inspirant des réussites des nouvelles initiatives telles que le projet pilote de réserves pour pertes sur prêts et l'Initiative des développements majeurs des ressources de l'énergie. Nous savons que nous avons besoin de programmes de ce genre, qui ont des impacts mesurables, qui mettent l'accent sur les besoins particuliers des collectivités et qui sont ciblés de façon à avoir l'impact maximum.
Nous accélérerons l'adoption, par un plus grand nombre de Premières nations, de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, augmentant ainsi le nombre de biens fonciers qui peuvent être utilisés par les collectivités pour le développement économique. Nous continuerons de promouvoir la réforme législative et réglementaire, permettant ainsi à un plus grand nombre de collectivités d'aménager leurs terres, de gérer leurs propres ressources et d'accélérer leur propre développement.
Le projet de loi C-5, Loi modifiant la loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, est actuellement à l'étude devant le Parlement. Cette initiative a pour objectif de clarifier et de moderniser la réglementation et la gestion des ressources pétrolières dans les réserves, de façon à ce que les activités économiques liées au gaz et au pétrole puissent se poursuivre de la même façon, en réserve ou hors réserve. À terme, cette initiative réduira les barrières au développement économique.
De nouveaux investissements de 50 millions de dollars, prévus dans le budget de 2008, fourniront une partie des fonds dont nous avons besoin pour aller de l'avant. On prévoit que ces investissements serviront à appuyer des initiatives telles que le projet pilote de réserves pour pertes sur prêts et d'autres initiatives d'accès au capital, à élaborer une stratégie et une proposition de financement pour la gestion globale des terres, et à encourager des partenariats sectoriels dans le secteur des ressources. Les partenariats sectoriels jouent un rôle crucial, surtout en prévision d'une relance économique qui devrait toucher tout particulièrement le secteur des ressources naturelles, secteur crucial pour le développement économique des Autochtones.
Finalement, nous reconnaissons que le gouvernement fédéral ne peut agir seul. Nous collaborerons avec les autres ministères fédéraux, les provinces, les territoires, les entreprises canadiennes et même avec des intérêts étrangers, pour créer des partenariats susceptibles d'optimiser les efforts du gouvernement fédéral pour le développement économique des Autochtones.
Les défis auxquels nous faisons face sont importants, et il n'existe pas de panacée. L'APN a récemment publié un rapport, State of the First Nation Economy and the Struggle to Make Poverty History, qui décrit ces défis. Il existe encore des lacunes au niveau de l'éducation, des revenus et de l'emploi, mais les statistiques indiquent que nous avançons dans la bonne direction : entre 2001 et 2006, le chômage est passé de 19 p. 100 à 14,8 p. 100, les revenus moyens ont augmenté de près de 25 p. 100, et le nombre d'Autochtones travaillant à leur compte a augmenté de 31 p. 100. Dans tous ces cas, la croissance autochtone devance celle de la populations non autochtone.
[Français]
Nous continuerons de soutenir les initiatives dont j'ai parlé, tout en gardant à l'esprit la nature changeante de l'économie et du marché du travail.
[Traduction]
Nous continuerons de tenir des consultations et de mobiliser les parties prenantes, afin d'assurer que la politique- cadre que nous concevrons répondra aux besoins de tous les Canadiens d'origine autochtone. Nous continuerons d'informer régulièrement tous ceux qui observent notre travail, par exemple votre comité, des progrès que nous accomplissons. Nous continuerons d'encourager le développement d'une économie autochtone dynamique au sein de l'économie canadienne, dans l'intérêt de tous les Autochtones et de tous les Canadiens. C'est un défi d'envergure, mais je suis convaincue que nous sommes dans la bonne voie.
Le sénateur Carstairs : Merci. Jeudi dernier, j'ai écouté des représentants de groupes d'alphabétisation venus de tout le pays. Ils m'ont appris, ce que j'aurais dû pourtant savoir, que 42 p. 100 des Canadiens étaient analphabètes. Cela ne veut pas dire qu'ils ne savent ni lire ni écrire, au contraire. Par contre, ils sont incapables de lire l'ordonnance du médecin ou les instructions du médecin sur les analyses qu'ils doivent faire. Parmi nos jeunes de 15 ans, 25 p. 100 sont analphabètes. Qu'en est-il dans les collectivités autochtones?
Mme Filbee : Je ne pense pas que nous ayons ces chiffres avec nous, mais je vous les ferai parvenir.
Le sénateur Carstairs : Merci. Même si le chef Louie pense que le niveau de santé des résidents des collectivités dépend du développement économique, et je suis assez d'accord avec lui là-dessus, je pense qu'on peut dire aussi que le développement économique dépend de la qualité de l'éducation que les jeunes Autochtones reçoivent et qui leur permettra de participer pleinement à la vie économique.
Les témoins qui vous ont précédés nous ont dit qu'un grand nombre d'Autochtones ne reçoivent pas ou ne réussissent pas à acquérir la formation nécessaire pour exploiter leurs installations de filtration des eaux, si bien qu'on fait appel à des exploitants non autochtones. Ils ont dit espérer que la situation allait changer, et je l'espère aussi, mais en attendant, c'est ainsi que ça se passe.
Avez-vous des liens étroits avec les responsables des systèmes d'éducation dans les collectivités autochtones afin de les aider à former des travailleurs capables de participer pleinement au marché du travail?
Mme Filbee : Je ne peux pas vous dire grand-chose à ce sujet étant donné que je ne suis pas responsable des programmes d'éducation d'AINC.
Nous travaillons davantage avec RHDC pour ce qui est des programmes de formation et d'apprentissage. Je sais qu'on met beaucoup l'accent sur l'enseignement dispensé de la maternelle à la 12e année, et je suis d'accord avec vous pour dire que l'alphabétisation est une condition essentielle pour trouver un emploi plus tard.
Si vous le désirez, nous pourrons vous expliquer par écrit ce que nous faisons réellement dans ce domaine.
Le sénateur Carstairs : Pour terminer, j'aimerais dire que c'est justement çà le problème. Les programmes mis en place dans les collectivités autochtones sont trop cloisonnés, il n'y a pas de collaboration réelle.
Je me souviens avoir demandé jadis, à un comité du Cabinet, si ceux qui travaillaient pour le programme Bon départ parlaient aux instituteurs de maternelle et de 1re année. On m'avait répondu que non, parce qu'ils relevaient de directions différentes au gouvernement. Si vous ne préparez pas les enfants de Bon départ à entrer dans les classes de maternelle et de 1re année, à quoi ça sert? C'est pourtant là l'objectif du programme Bon départ.
Je me sens frustrée parce que les changements que je juge essentiels ne se font pas. Il faudrait que RHDC parle à AINC, qu'AINC parle à Santé Canada et que tout le monde travaille ensemble pour améliorer la condition des Autochtones.
Alan Clarke, directeur général, Direction générale des politiques stratégiques, Affaires indiennes et du Nord Canada : La politique-cadre que nous cherchons à mettre en place nous amène justement à envisager une approche pangouvernementale du développement économique. Il faut tenir compte de toutes les dimensions du développement économique. Il y a ce que nous appelons la base économique, c'est-à-dire les gens, les terres, les ressources et l'infrastructure; le climat économique, c'est-à-dire les lois et règlements; et diverses considérations comme les institutions et la gouvernance. Nous tenons compte également de la capacité fiscale, ainsi que d'autres facteurs de ce que nous appelons l'activation économique, par exemple les programmes ou activités que nous décidons de financer dans le but de stimuler l'activité économique d'un secteur donné. Nous voulons donc, comme pour notre stratégie de consultations, avoir une vue panoramique du développement économique, en tenant compte de tous les différents éléments qui influent sur le développement économique.
Nous voulons également nous assurer que, lorsque nous parlons d'approche pangouvernementale, il s'agit bien d'une approche pangouvernementale. Nous travaillons en étroite collaboration non seulement avec RHDC mais aussi avec tous les autres ministères qui ont des responsabilités dans les programmes et politiques touchant les Canadiens autochtones et l'économie.
Par exemple, nous avons mis sur pied un groupe de travail fédéral qui réunit plus de 20 ministères et agences qui participent à nos programmes. Nous entretenons donc un vaste réseau. L'objectif est que tout le monde comprenne bien que, lorsque le gouvernement fédéral parle de développement économique, il l'entend au sens le plus large du terme.
Le gouvernement fédéral investit beaucoup dans les ressources humaines, et nous voulons nous assurer que ces investissements couvrent le maximum de programmes. Par exemple, si on investit dans l'aide sociale, il faut penser au lien que cela a avec le développement économique. Si on investit dans l'infrastructure, il faut penser au lien que cela a avec le développement économique. Nous n'en sommes pas encore là, mais c'est assurément le genre de politique-cadre que nous voulons mettre en place, car c'est précisément pour cette raison que le Cabinet en veut une.
Le sénateur Brazeau : Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de votre exposé. Il est indéniable que la Loi sur les Indiens est l'obstacle le plus important au développement économique et que c'est cette loi, avec toute sa bureaucratie, qui empêche les collectivités de développer leurs propres économies,
À cela, il faut ajouter la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que cette loi est entrée en vigueur en 1996, ou aux alentours. À ce moment-là, 14 collectivités étaient signataires.
Vous avez dit que le ministère a l'intention d'accélérer l'adoption par les collectivités de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Depuis 1996, 30 collectivités sont devenues pleinement opérationnelles, et 30 autres sont en train d'élaborer leur propre code foncier. Quand on sait qu'il y a plus de 600 collectivités des Premières nations dans tout le pays, il est inquiétant de voir qu'il y en a si peu qui se soient ralliées.
Que va faire exactement le ministère pour encourager ces collectivités à se rallier à la LGTPN?
M. Clarke : La Loi sur la gestion des terres des Premières nations n'est qu'un des instruments utilisés pour encourager la modernisation de l'économie des collectivités des Premières nations. Nous avons appris, non seulement par l'entremise de votre comité mais aussi au cours de nos séances de consultation dans tout le Canada, qu'il n'y a pas de solution unique qui convienne à tout le monde. Il existe des solutions différentes pour des collectivités différentes, compte tenu de leurs besoins, de leur situation et de leur potentiel. Il y a des collectivités qui prospèrent dans le cadre de la Loi sur les Indiens, et il y a des collectivités qui prospèrent dans le cadre de la LGTPN.
L'objectif n'est pas forcément de rallier toutes les collectivités des Premières nations à la LGTPN. C'est peut-être la solution pour certaines d'entre elles, mais il faut leur offrir toutes sortes de mesures pour qu'elles puissent choisir celles qui leur conviennent. On peut dire cependant que la LGTPN n'a pas rallié autant de Premières nations qu'on l'aurait voulu.
Le sénateur Brazeau : Je le sais, mais je sais aussi que, malheureusement, beaucoup de collectivités des Premières nations sont situées dans des zones reculées, sur des terres dénuées de ressources, et qu'il leur est donc difficile d'encourager une activité économique quelconque.
En ce qui concerne le partage des revenus et des ressources, pouvez-vous me dire combien recevront le gouvernement provincial, les gouvernements provinciaux et les collectivités des Premières nations?
M. Clarke : C'est une question plus technique; je ne pense pas avoir ces chiffres avec moi, mais je vous les ferai parvenir.
Mme Filbee : Parlez-vous du pétrole et du gaz naturel?
Le sénateur Brazeau : Je parle des accords de partage des revenus pour n'importe quelle ressource naturelle.
Mme Filbee : S'agissant des ressources situées dans les terres des Premières nations, la Loi sur les Indiens prévoit une responsabilité fiduciaire, et par conséquent, les revenus vont aux Premières nations. Pétrole et gaz des Indiens du Canada, par exemple, est l'instrument que nous utilisons en ce qui concerne les ressources pétrolières et gazières des terres assujetties à la Loi sur les Indiens. Tous les revenus provenant de l'exportation de ces ressources vont aux Premières nations. Mais je ne suis pas sûre d'avoir bien compris votre question.
Le sénateur Brazeau : Quel pourcentage des revenus va aux Premières nations? Beaucoup de dirigeants autochtones affirment que l'un des obstacles à la croissance et à la prospérité vient du fait que les Premières nations ne reçoivent pas une part équitable des revenus provenant de l'exploitation de ressources naturelles situées sur les terres des Premières nations.
Mme Filbee : Je crois que, en vertu de la responsabilité judiciaire, ces ressources appartiennent aux Premières nations. Mais je vous enverrai une réponse plus précise.
Le sénateur Brazeau : Je pense que notre gouvernement a eu raison de retirer Entreprise autochtone Canada du portefeuille d'Industrie Canada pour l'inclure dans celui des Affaires indiennes, car nous avons maintenant un guichet unique. C'est très important.
J'aimerais également ajouter, pour que cela soit consigné au procès-verbal, que j'ai moi aussi été consulté, lorsque j'occupais des fonctions antérieures. Je me souviens avoir alors demandé, et je vais répéter la question ce soir, ce que le ministère avait l'intention de faire pour encourager les entreprises canadiennes à investir dans des partenariats avec les collectivités des Premières nations qui le désirent.
Rose Kattackal, directrice générale, Direction générale du développement des entreprises autochtones, Affaires indiennes et du Nord Canada : Dans le cadre du budget de 2008, nous avons lancé deux projets pilotes, pour un total de 20 millions de dollars, dont 10 millions ont été consacrés à des projets d'envergure pour l'exploitation de ressources naturelles ou énergétiques. Nous mettons la dernière main aux ententes relatives à ces projets.
L'objectif est d'avoir ce type de projets à proximité des collectivités autochtones. Notre contribution de 10 millions de dollars pour trois ou quatre projets n'étant pas très élevée, l'objectif est de jouer sur le levier des contributions fédérales, d'aider les collectivités autochtones à obtenir une part raisonnable du futur projet et à faire participer le secteur privé, voire, dans certains cas, les provinces et les territoires.
Il s'agit d'un projet à long terme. À court terme, il n'y aura peut-être pas de retombées. Par contre, s'il s'agit d'un projet hydroélectrique ou d'exploitation minière, la collectivité y trouvera son bénéfice dans quelques années. C'est une façon de travailler en partenariat avec les provinces et territoires.
La réserve pour pertes sur prêts est une autre initiative. Nous sommes en train de négocier des ententes avec des institutions financières commerciales qui, normalement, ne consentiraient pas de prêts à des clients autochtones parce qu'elles estiment qu'ils présentent un risque élevé, vu qu'ils ne possèdent pas de biens pour garantir l'emprunt qu'ils demandent. Cette initiative cible les entreprises des Premières nations. Nous allons encourager les institutions financières commerciales à consentir des prêts à des entreprises des Premières nations, surtout les moyennes et grandes entreprises. Si le client ou la collectivité autochtone ne rembourse pas le prêt, nous verserons 90 p. 100 de la somme due à l'institution financière. Cette initiative vise à encourager les institutions financières à investir dans des entreprises des Premières nations et à leur consentir des prêts.
Mme Filbee : M. Clarke a également parlé des rapports que nous entretenons avec les autres ministères du gouvernement fédéral. Dans le secteur des ressources naturelles, nous envisageons plusieurs types de collaborations — notamment pour l'exploitation minière ou forestière — dans le but d'accroître la participation des collectivités et des populations autochtones, tout en essayant de déterminer les obstacles qui s'y opposent.
Comme vous le savez, il y a, dans ce type d'industrie, de plus en plus de partenariats entre les propriétaires des ressources et les grandes entreprises. C'est peut-être une solution pour l'avenir.
Le sénateur Lang : J'ai plusieurs questions à vous poser. La première concerne les crédits mis à disposition pour le développement économique du pays. Je crois avoir vu le chiffre de 10 millions de dollars. Au cours des 10 dernières années, il y a eu pas mal de transferts de crédits au sein du ministère. Où allez-vous trouver cette somme de 10 millions de dollars pour le développement économique autochtone?
Mme Filbee : Nous allons commencer par élaborer une politique-cadre qui nous permettra d'engager des discussions avec d'autres ministères, pour que tout le monde comprenne bien qu'il y a un problème à régler et que les fonds qui y seront consacrés seront dépensés de façon efficace et stratégique.
Il y aura aussi des discussions entre le ministère des Finances et le Conseil du Trésor, le gardien de la bourse, pour décider si nous pouvons recevoir davantage de fonds.
Avec l'approche pangouvernementale, nous essayons aussi de mobiliser des fonds dépensés par d'autres ministères, que ce soit Ressources naturelles Canada, Santé Canada ou d'autres, pour les canaliser vers le développement économique.
Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur la question du Registre des terres des Premières nations. Les règlements sont entrés en vigueur il y a quelques mois, n'est-ce pas?
Mme Filbee : C'est exact.
Le sénateur Lang : Je suis très partisan de ce genre de chose. Il est souhaitable que les Autochtones puissent posséder leur maison et leur terre. Je crois qu'il est question de bail emphytéotique.
Combien de collectivités s'en sont prévalues?
Mme Filbee : De la Loi sur la gestion des terres des Premières nations?
Le sénateur Lang : Oui, du Registre des terres. Et combien de collectivités en ont un?
M. Clarke : Je crois que 22 Premières nations ont adhéré à la LGTPN, et qu'une trentaine...
Mme Filbee : ... envisagent de le faire. Le Registre des terres concerne les terres assujetties à la Loi sur les Indiens, mais pas nécessairement à la LGTPN. C'est encore le régime de la majorité des collectivités.
Le sénateur Lang : Voulez-vous dire que le registre ne s'applique pas aux collectivités qui veulent faire des lotissements ou offrir des baux aux résidents qui ont déjà une maison?
Mme Filbee : Le registre s'applique aux collectivités assujetties à la LGTPN.
Le sénateur Lang : Permettez-moi de vous demander une autre précision avant de laisser la parole aux autres sénateurs. Si je fais partie d'une bande, le registre me permet de prendre un bail emphytéotique sur mon terrain et de me procurer l'argent nécessaire pour construire une maison sur ce terrain. C'est bien cela?
Mme Filbee : La LGTPN permet à chaque Première nation d'élaborer son propre code foncier. Pour reprendre votre exemple, tout dépend des dispositions du code foncier que la collectivité a adopté.
Le sénateur Lang : Est-il arrivé qu'une collectivité autorise l'aménagement d'un lotissement par des intérêts privés?
Mme Filbee : Je vais devoir me renseigner. Je suis désolée, mais j'occupe mes fonctions depuis peu de temps, et j'en apprends encore les rouages. Je suis vraiment désolée de ne pas avoir ces informations sous la main.
Le sénateur Lang : Moi aussi j'apprends.
Mme Filbee : Si vous le permettez, je propose d'inviter M. Egan à la table.
Martin Egan, directeur, Ajouts aux réserves, Direction générale des terres, Affaires indiennes et du Nord Canada : Je n'ai jamais entendu dire qu'une Première nation dotée d'un code foncier, et donc assujettie à la LGTPN, avait autorisé ce genre d'acquisition foncière sur la réserve. La Première nation peut élaborer son propre code, mais je n'ai jamais entendu parler d'une situation semblable à celle que vous avez décrite.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Avez-vous en tête le nombre d'écoles qui seront construites dans les réserves des Premières nations?
Mme Filbee : J'aimerais bien pouvoir vous donner ce chiffre. Mme Cram, qui a parlé tout à l'heure des installations de filtration des eaux, aurait certainement pu vous le dire. Quoi qu'il en soit, je vous le ferai parvenir.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Comme vous le savez, un grand nombre d'écoles des Premières nations ont des problèmes de moisissures et de piètre qualité de l'air, si bien que les enfants tombent malades. Je suppose que toutes les collectivités qui ont ces problèmes auront une nouvelle école.
Mme Filbee : Je vous remercie de votre question, et je vous ferai parvenir ces chiffres.
Le sénateur Banks : J'aimerais remercier les témoins de comparaître devant nous aujourd'hui, avant de poursuivre sur le sujet abordé par le sénateur Lang.
Est-il vrai que les terres des réserves ne peuvent pas, en soi, être hypothéquées?
M. Egan : À l'heure actuelle, certaines Premières nations peuvent autoriser ce genre de choses en vertu de l'article 21 ou 22 de la Loi sur les Indiens. On délivre dans ce cas un certificat de possession, qui est en quelque sorte un constat de propriété privée.
Le sénateur Banks : Dans ce cas, la terre peut-elle être hypothéquée? Est-il arrivé qu'un prêt soit accordé avec la garantie de ce certificat?
M. Egan : Ces terres peuvent être louées.
Le sénateur Banks : Ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Peuvent-elles être hypothéquées?
M. Egan : Je n'en suis pas sûr.
Le sénateur Banks : Je vous pose la question parce que le sénateur Lang a dit tout à l'heure : « Si je suis membre d'une Première nation et que j'ai un certificat de possession, ce qui revient au fief simple dans une réserve, puis-je emprunter de l'argent avec le certificat comme garantie pour construire une maison? ». Voilà la question. Répondez- vous par oui ou par non?
M. Egan : Certaines institutions bancaires le font peut-être, mais je n'en suis pas sûr.
Le sénateur Banks : Pourriez-vous vérifier et nous faire parvenir la réponse?
M. Egan : Volontiers.
Mme Filbee : De façon générale, je crois que vous avez raison de dire que c'est difficile à faire. C'est aussi une difficulté pour les entrepreneurs en ce sens que ces terres représentent du capital non disponible puisqu'ils ne peuvent pas les hypothéquer pour obtenir l'argent nécessaire pour construire une maison.
Il est évident que c'est un obstacle. Parfois, les gens réussissent à contourner le problème, mais ça ne le résout pas pour autant.
Le sénateur Banks : Il est arrivé qu'une Première nation consente des prêts sur la base de certaines garanties. Par contre, un prêteur traditionnel, comme une société d'hypothèque, va se dire qu'il s'agit de terres fédérales, et qu'il aura du mal à s'en servir comme garantie en cas de défaut de paiement.
Mme Filbee : Dans bon nombre de cas, il s'agit aussi de terres communautaires et, par conséquent, le risque est plus grand.
M. Egan : Si vous avez un bail, celui-ci peut servir de garantie. Il y a donc des façons de contourner la difficulté.
Mme Filbee : Oui, il est arrivé qu'ils se servent de la tenure à bail comme garantie.
Le sénateur Banks : J'aimerais poser une autre question, toujours dans la même veine que celles du sénateur Lang. À la rubrique « Effort simultanés » de votre exposé, vous dites que vous investissez 10 millions de dollars dans des partenariats de développement économique, et 10 millions de dollars dans une réserve pour pertes sur prêts. Est-ce là le total des fonds qu'AINC va consacrer au développement économique des Premières nations? Je ne voudrais pas jouer à C.D. Howe, mais je trouve que ce n'est pas beaucoup.
M. Filbee : Non, ce n'est pas le montant total. Il s'agit simplement des nouveaux programmes qui ont été annoncés récemment.
Le sénateur Banks : En plus de tout le reste?
Mme Filbee : Oui. Si vous le voulez, Mme Kattackal peut vous en décrire les grandes lignes.
Le sénateur Banks : Je vous en prie, car cela nous donnera un ordre de grandeur.
Mme Kattackal : Nous avons le Programme de développement des entreprises autochtones, qui est assorti d'un budget d'environ 38 millions de dollars. L'objectif de ce programme est de fournir des capitaux propres aux clients autochtones afin de leur permettre d'obtenir un prêt auprès d'une institution financière autochtone ou d'un prêteur commercial. Le client doit disposer de 15 p. 100, je crois, de la valeur de la proposition commerciale pour pouvoir monter une entreprise, par exemple. Cet argent peut servir à planifier les activités, obtenir des avis professionnels sur la façon de structurer l'entreprise, d'organiser la comptabilité, et cetera.
Nous allouons également des fonds à des institutions financières autochtones pour leur permettre de consentir des prêts. Cela peut varier d'une région à l'autre du pays. Nous pouvons également nous organiser pour qu'un agent d'appui commercial accompagne en quelque sorte celui qui se lance en affaires, mais c'est une fois que l'entreprise a été créée. Tous ces services aident le client à savoir ce qu'il doit faire pour démarrer son entreprise ou pour la gérer pendant les premiers temps.
Le sénateur Banks : Quel est le budget global de ce programme?
Mme Kattackal : Le budget du programme de développement des entreprises autochtones s'élève à 38 millions de dollars.
Le sénateur Banks : Les services ce que vous venez de décrire sont-ils inclus dans cette somme?
Mme Kattackal : Oui, tout est compris.
Nous avons aussi des programmes d'investissements communautaires. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais ça représente environ 90 millions de dollars.
Le sénateur Banks : Et c'est en plus des 38 millions de dollars?
Mme Kattackal : Oui. Ce sont des investissements destinés aux collectivités. Il peut s'agir de planification commerciale ou de développement économique, au niveau communautaire plutôt qu'individuel.
Autrement dit, il faut ajouter les 90 millions aux 38 millions.
Le sénateur Banks : Ça fait un total de 128 millions de dollars.
Mme Kattackal : Oui, auxquels il faut ajouter les nouveaux crédits de 20 millions de dollars, qui seront dépensés au cours de cet exercice financier.
Le sénateur Banks : S'agit-il d'un financement permanent? Pensez-vous avoir autant d'argent à dépenser l'année prochaine?
Mme Filbee : Pour l'année prochaine, une somme de 50 millions de dollars s'ajoutera aux 20 millions. C'est ce qui a été annoncé.
Le sénateur Banks : Ma mémoire me fait défaut. Quand le traité Nisga'a a-t-il été signé?
Le vice-président : À peu près en 2000.
Le sénateur Banks : C'était alors une nouvelle façon de concevoir le développement économique d'une Première nation, avec des paramètres nouveaux, des partenariats, des terres quasiment en fief simple, et finalement des modalités précises en échange d'une certaine somme d'argent.
Vous avez dû faire des comparaisons. Certains, à l'époque, avaient essayé de bloquer l'accord parce qu'il représentait un grand pas en avant pour le développement économique des Premières nations. Il donnait aux Nisga'a plus de pouvoirs que les autres Premières nations n'en avaient à l'époque pour encourager leur propre développement économique et pour exploiter les ressources auxquelles ils avaient accès. On disait que ces pouvoirs étaient plus vastes que ceux que détenaient les autres Premières nations pour ce qui est de l'accès aux ressources situées sur leurs terres.
Je suppose que vous avez fait une comparaison entre l'expérience des Nisga'a depuis neuf ans et le développement économique des autres Premières nations. Cette expérience est-elle positive, aussi positive que nous l'espérions tous?
M. Clarke : J'ignore si cette comparaison a été faite. Par contre, nous avons comparé la situation des Premières nations ayant signé une entente d'autonomie gouvernementale avec celle des Premières nations qui n'en ont pas signé. Il en ressort que les Premières nations qui ont signé une telle entente sont généralement économiquement plus performantes. Bien sûr, il y a des exceptions selon les populations, mais la corrélation existe bel et bien.
Le sénateur Banks : Si je me souviens bien, le traité avec les Nisga'a était même différent des ententes d'autonomie gouvernementale conclues avec d'autres Premières nations. Les modalités relatives au développement économique des Nisga'a étaient tout à fait différentes des ententes d'autonomie gouvernementale. Est-ce que je me trompe?
M. Clarke : C'est peut-être vrai, mais, que je sache, aucune étude comparative n'a été faite entre cet accord et les autres ententes.
Mme Filbee : On sait que la gouvernance joue un rôle extrêmement important dans le développement économique. Par exemple, on a constaté des contrastes intéressants entre des collectivités des Premières nations qui avaient d'importantes ressources mais une gouvernance qui laissait à désirer, et d'autres collectivités qui avaient peu de ressources mais une très bonne gouvernance. Très souvent, ces dernières s'en tiraient mieux sur le plan économique que celles qui avaient des ressources. C'est peut-être paradoxal, mais cela montre l'importance de la gouvernance.
Le sénateur Banks : Il y a un autre aspect qu'il ne faut pas perdre de vue, monsieur le président, s'agissant du traité avec les Nisga'a. Je veux parler de la question de l'extinction des droits en échange de certains avantages, et le comité voudra peut-être en examiner les conséquences, neuf ans plus tard.
Le vice-président : Si je me souviens bien, le traité avec les Nisga'a les affranchit des dispositions de la Loi sur les Indiens.
Le sénateur Banks : Exactement.
Le vice-président : Dans un certain sens, ça leur donne la liberté d'entreprendre dans tous les domaines. Il serait intéressant de savoir ce que le chef Clarence Louie en pense. Que vous soyez dans la situation des Nisga'a ou que vous soyez assujettis aux dispositions de la Loi sur les Indiens, si les conditions sont réunies — c'est-à-dire s'il y a une bonne gouvernance et des ressources accessibles — la collectivité va réussir son développement économique. Même si vous êtes assujettis à la Loi sur les Indiens, il suffit à mon avis d'avoir de la volonté et de la détermination pour réussir et surmonter les obstacles.
C'est vrai pour quiconque veut se lancer en affaires. Moi-même, j'ai commencé par ouvrir un couette et café. Certes, il y avait beaucoup de formalités et de paperasse à remplir, mais avec de la détermination, on y arrive. En fait, c'est comme un examen. Avec de la volonté, on peut surmonter tous les obstacles et réussir. Par contre, quand on n'a ni volonté ni motivation, le moindre petit défi devient un obstacle insurmontable.
J'aimerais bien savoir ce qu'en pense le chef Clarence Louie. Si nous avons le temps, nous pourrions peut-être l'inviter à nous expliquer en quelques mots pourquoi sa bande est si prospère. Je crois que c'est une question de gouvernance et de détermination.
Monsieur Louie, accepteriez-vous de nous dire quelques mots à ce sujet? C'est tout à fait pertinent puisqu'il s'agit de savoir pourquoi certaines bandes autochtones réussissent et d'autres pas.
Clarence Louie, Chef, Osoyoos Indian Band, à titre personnel : J'étais assis à l'arrière et je me disais que c'est moi qui devrais répondre à toute ces questions. Je connais toutes les réponses.
J'ai lu toutes sortes de choses qui venaient du gouvernement, et aujourd'hui j'ai entendu des questions qui sous- entendent que les Indiens des réserves ne possèdent pas leur maison. Je me suis rendu dans plus de 100 réserves indiennes du pays et je crois que je peux parler au nom de la majorité des réserves. Nous sommes propriétaires de nos maisons et nous payons un loyer. C'est une sorte d'achat-bail, qui se fait dans le cadre du programme de logement sociaux du gouvernement fédéral. C'est vrai, il y a une liste d'attente. Comme je dis toujours, il n'y a jamais assez d'argent pour faire ce qu'il y a à faire. Qu'il s'agisse de santé ou d'éducation, d'Indiens en réserve ou hors réserve, il n'y a jamais assez d'argent. Les fonds fédéraux pour le logement sont octroyés par Ottawa et répartis entre les provinces. D'après ce qu'on m'a dit, le programme de logements sociaux est axé sur l'achat-bail, et prévoit le versement d'une allocation. Dans la réserve, les hypothèques sont de 20 à 25 ans. Dans la plupart des cas, les gens ont un certificat de possession qui correspond pratiquement à un fief simple. Ces certificats de possession existent dans la plupart des réserves, mais pas dans toutes.
Quelqu'un a demandé tout à l'heure si ce certificat pouvait servir de garantie pour construire une maison. Oui, c'est possible si un non-Autochtone loue votre propriété à des fins commerciales. Il existe des milliers de baux dans les réserves indiennes au Canada. Si j'avais une propriété économiquement exploitable, j'essaierais de trouver un non- Autochtone pour la louer. Certains baux sont sur 20 ans, d'autres sur 40 ans et même sur 99 ans. Avec ces revenus, vous pouvez construire une maison.
La plupart des Autochtones, comme la bande de Westbank ou la bande Squamish, sont admissibles au programme de logements sociaux, en vertu duquel ils reçoivent une allocation-logement et paient ensuite un loyer. Il y avait aussi, autrefois, les logements prévus à l'article 95, selon lequel un prêt peut être consenti à une bande, avec garantie ministérielle. La bande est essentiellement cosignataire du prêt consenti à l'un de ses membres qui veut construire une maison. Ce prêt est généralement une hypothèque de 20 à 25 ans.
Aux États-Unis, les Autochtones peuvent vendre ou hypothéquer leur propriété à n'importe qui. Je suis contre, car cela a entraîné la disparition de centaines de milliers d'acres de terres des réserves. Là-bas, le système qui existe dans les réserves indiennes est très disparate. Notre bande est installée le long de la frontière, comme les Mohawks et les Pieds- Noirs. La moitié de nos membres se sont retrouvés dans une réserve à une heure de chez nous, de l'autre côté de la frontière. Leur réserve de 1,3 million d'acres ne comprend qu'une moitié de terres tribales, l'autre moitié ayant été vendue à des non-Autochtones, quand ces derniers ne les avaient pas déjà usurpées. Là-bas, les Autochtones ont le droit de vendre ou d'hypothéquer leurs propriétés à des non-Autochtones.
Il ne faut pas oublier que les Autochtones du Canada n'ont des conseils de bande que depuis le début des années 1970. En 1974, nous avons occupé les bureaux de district du ministère des Affaires indiennes dans l'Okanagan. Nous avons mis dehors le personnel parce qu'il s'agissait de nos programmes à nous. C'est à ce moment-là que les conseils de bande ont été créés dans notre région. J'ai vécu tout ça.
La LGTPN ouvre les portes à de nombreuses possibilités de développement économique. Les subventions sont beaucoup plus importantes. Cette loi écarte complètement le ministère des Affaires indiennes et du Nord, mais il faut quand même lui soumettre notre code foncier, qui doit être conforme à ses règles et directives. Dans l'ensemble, cette loi donne plus de pouvoirs aux bandes et accélère les transactions locatives parce que nous n'avons pas besoin d'attendre qu'AINC organise des référendums. C'est nous qui faisons nos propres référendums. La LGTPN contient tout plein de bonnes choses.
Robert Louie est un membre de la nation Okanagan, et c'en est le président. Beaucoup de bandes sont sur une liste d'attente pour être incluses dans la loi, mais il y a un problème de financement au niveau fédéral. En effet, il n'y a pas assez de fonds fédéraux pour inclure toutes les bandes dans la LGTPN. C'est presque toujours comme ça, il n'y a pas assez d'argent.
La plupart des bandes peuvent fort bien prospérer dans le cadre de la Loi sur les Indiens, mais il y a toujours le risque de passer à côté d'une affaire parce que les formalités d'AINC pour les baux fonciers sont terriblement lentes. Comme l'a dit le sénateur Brazeau, le développement économique et les terres sont enfin réunis sous la même loi. Nous espérons que cela accélérera le processus des baux fonciers et, partant, le développement économique des Premières nations. Il y a encore une poignée de Premières nations, dans chaque province, qui sont assujetties à la Loi sur les Indiens. Malgré toutes les tracasseries qui découlent de cette loi, nous arrivons quand même à obtenir des baux et à développer notre économie.
Les bandes comme la nôtre empruntent de l'argent à un taux inférieur au taux préférentiel. Il y a deux banques qui s'intéressent à nos projets, et quand il y a une bonne gouvernance, ça marche. L'essentiel est que les dirigeants de la bande s'intéressent sérieusement au développement économique. Il ne faut pas oublier qu'en vertu de ce régime centenaire, 98 p. 100 des 10 milliards de dollars sont consacrés à des dépenses sociales, et seulement 2 p. 100 au développement économique. C'est dans ces conditions qu'on a dû se développer. On ne nous a jamais dit que nous pouvions avoir des entreprises rentables. Nous sommes la première génération d'hommes d'affaires.
Il y a des bandes comme les Osoyoos, les Westbank et les Squamish qui ont bien compris que l'économie était la priorité, comme elle l'est pour les blancs. La première chose que les non-Autochtones ont faite lorsqu'ils sont arrivés au Canada ou aux États-Unis et qu'ils nous ont colonisés a été de nous retirer les moyens de subvenir à nos propres besoins par le développement économique. Si vous voulez envahir une île et en prendre le contrôle, il suffit d'empêcher ses habitants de faire des affaires; de cette façon, ils deviennent dépendants et vous pouvez mieux les contrôler.
Je dis toujours aux Premières nations que si elles veulent retrouver leur indépendance, elles doivent s'intéresser avant tout à l'économie. Une dame a dit tout à l'heure que l'éducation était importante, mais je dis que le développement économique est important aussi. Les gens ne veulent pas vivre de l'aide sociale. Les gens instruits veulent travailler, ils veulent avoir un emploi.
Un ancien ministre des Affaires indiennes, Robert Nault, disait qu'on ne peut pas avoir de justice sociale sans justice économique. J'ai beaucoup aimé quand M. Prentice a dit qu'il ne voulait pas être le ministre de la pauvreté autochtone. Tous les ministres des Affaires indiennes du Canada, y compris l'actuel, ont été les ministres de la pauvreté autochtone. Il faut changer ça, pour que ça devienne ministre de l'entreprise autochtone. Laissez-nous participer à l'économie du pays. Nous nous occuperons de nos logements et de nos services d'éducation et de santé avec l'argent que nous aurons gagné. Le gouvernement n'a jamais eu assez d'argent et n'en aura jamais assez pour financer adéquatement tous les services nécessaires sur le territoire indien.
Les Nisga'a sont une communauté isolée. Ce qu'ils ont fait ne faisait pas partie du processus de négociation des traités de la Colombie-Britannique, et ça a pris 10 à 15 ans. Ils y ont consacré des centaines de millions et même des milliards de dollars. Au bout de 10 ou 15 ans, un traité a été signé avec la Colombie-Britannique. La plupart des bandes ne veulent pas d'un système selon lequel elles doivent renoncer à certaines choses pour avoir un traité. J'estime que les Nisga'a ont renoncé à beaucoup de choses pour avoir ce traité.
Le sénateur Banks : Ont-ils renoncé à des droits?
M. Louie : Leurs terres ne sont plus des terres de réserves fédérales.
Que cela lui plaise ou non, le gouvernement fédéral a toujours cette responsabilité fiduciaire. Les Indiens détestent le gouvernement fédéral, mais ils détestent encore plus le gouvernement provincial. Les Nisga'a ont réussi à obtenir ce qu'ils voulaient, et c'est rare. Nous avons toujours dit qu'il n'y a pas de solution qui convienne à tout le monde. La plupart des chefs que je connais au Canada aimeraient avoir un système de réserves comme aux États-Unis. Les Inuits que je connais ne comprennent pas pourquoi nous, dans le Sud, nous voulons une réserve. Ils n'en ont pas, eux. Nous avons toujours vécu dans un système de réserves, et nous le défendrons jusqu'au bout.
Je parlais justement à quelqu'un du journal The Economist, hier, qui me disait que nous n'aimions pas la Loi sur les Indiens et que nous voulions nous en débarrasser. C'est une bataille ancestrale que nous avons avec le gouvernement fédéral, et je mourrai certainement bien avant que des changements ne soient apportés à La Loi sur les Indiens. Je dis toujours aux Premières nations qu'il faut développer notre économie avant tout. Il faudrait qu'une poignée de Premières nations, dans chaque province, devienne une puissance économique.
Osoyoos est une petite réserve. Nous employons des Autochtones issus de 13 autres réserves indiennes. Des gens de la Saskatchewan, de l'Alberta, de la Colombie- Britannique et du Yukon viennent travailler à Osoyoos. Un membre de ma bande se trouve actuellement en Nouvelle-Zélande pour se familiariser avec les techniques vinicoles. Il veut être le premier viticulteur autochtone au monde, et il y arrivera. C'est un domaine qui ne l'intéressait pas jusqu'à ce que nous achetions un vignoble.
Quatre de nos membres sont allés en Californie pour obtenir un certificat de golf professionnel. Aucun membre de ma bande ne voulait le faire jusqu'à ce que nous ouvrions un terrain de golf. D'autres membres se sont inscrits dans des programmes d'apprentissage, maintenant que nous avons créé une entreprise de construction.
Je suis convaincu qu'il faut mettre le bœuf économique devant la charrue sociale, et pas l'inverse. Le gouvernement et la plupart des Premières nations mettent trop souvent la charrue devant les bœufs. Le témoin précédent a parlé d'éducation. Dans ma réserve, si nous n'avions pas fait démarrer toutes ces entreprises, personne ne chercherait à obtenir un certificat de golf professionnel, de sommelier ou de menuisier. L'éducation et le développement économique sont intimement liés, vous ne pouvez pas avoir l'un sans l'autre.
Le vice-président : Si vous restez à cette table, nous allons penser que vous faites partie de la délégation de fonctionnaires.
M. Clarke : J'aimerais faire remarquer au comité que c'est moi qui ait invité le chef Louie.
Le sénateur Hubley : Nous sommes très honorés, chef Louie, de vous avoir parmi nous aujourd'hui.
Personnellement, en ce qui concerne le développement économique et l'éducation, je me serais trompé : j'aurais dit d'abord l'éducation, et ensuite le développement économique. Mais je comprends maintenant que c'est le développement économique qui est le moteur de l'éducation.
Au cours de l'exposé qui nous a été présenté, on a fait remarquer que plusieurs indicateurs économiques étaient en train de passer au vert grâce, notamment, à une population autochtone jeune et en pleine croissance. Pensez-vous que cette main-d'œuvre instruite va poursuivre le développement économique que vous avez entrepris dans vos collectivités? L'éducation est un facteur important car ce sont les gens instruits qui sont la source de la création et de l'innovation, deux caractéristiques indispensables à la réussite.
Le développement économique a-t-il eu une incidence sur vos collectivités et sur votre système éducatif?
M. Louie : Oui. En fait, la plupart des Autochtones sont convaincus que les blancs ne les embaucheront jamais. Ils ne seraient jamais allés à San Diego pour obtenir un certificat de golf professionnel si nous n'avions pas ouvert notre propre terrain de golf. Sept de nos membres sont des compagnons-menuisiers, et deux autres sont en apprentissage; ils ne se seraient pas lancés dans ce métier si nous n'avions pas démarré notre propre entreprise de construction. Un jeune est en train de faire une formation hôtelière, ce qu'il n'aurait pas fait si nous n'avions pas construit, en partenariat avec une entreprise de Calgary, un centre de villégiature 4,5 étoiles avec un hôtel absolument fantastique.
Dans la plupart des Premières nations, il y a une liste d'attente pour le financement de l'éducation. Dans toutes les réserves, tous les programmes sont sous-financés, aucun ne fait exception. Nous sommes la seule bande à ne pas avoir de liste d'attente, et c'est parce que nous générons nos propres revenus. Nos entreprises sont rentables, et nous subventionnons nos étudiants. En fait, nous les subventionnons plus généreusement que ne le fait le ministère, car il ne leur donne que le strict minimum. Nous subventionnons nos étudiants à même notre propre poche, comme le font toutes les bandes qui génèrent leurs propres revenus. Nos étudiants ne se retrouvent donc pas sur des listes d'attente puisque nous avons l'argent nécessaire pour les aider à poursuivre des études postsecondaires.
Le sénateur Raine : J'ai eu l'occasion de parler à Manny Jules, qui travaille à la commission fiscale des Premières nations et qui connaît bien la loi sur la reconnaissance des titres fonciers des Premières nations. Êtes-vous au courant de cela?
M. Louie : Manny faisait partie de notre table ronde il y a une semaine ou deux, à Ottawa. En territoire indien, il doit sa réputation au fait qu'il a présidé la commission de la fiscalité des Premières nations.
Pouvoir lever des impôts auprès des locataires non autochtones de terres de la réserve est une chose très utile pour les bandes qui s'intéressent au développement économique de leurs collectivités. C'est en tout cas très utile pour la bande Osoyoos et d'autres.
Pouvez-vous me rappeler le nom de l'organisation que vous avez mentionnée?
Le sénateur Raine : La commission de la fiscalité des Premières nations est chargée d'examiner toute la question des titres fonciers, car sur les terres fédérales, cela n'était pas clair.
M. Jules a déjà fait pas mal de recherche là-dessus. La phase 1 est terminée, et ils en sont à la phase 2, où ils étudient différents scénarios. L'objectif n'est pas de tout mettre en fief simple, car le titre de la Première nation est sous-jacent, mais de faire en sorte que les titres soient clairs, comme l'a dit le sénateur Lang, pour encourager les investissements.
Mme Filbee : Vous avez tout à fait raison. Nous travaillons avec M. Jules sur ce dossier qui comporte deux aspects. Le premier est l'implantation d'une structure semblable au fief simple, le deuxième est la conversion du registre foncier en ce qu'on appelle le système Torrens, qui est le système qu'ont la plupart des juridictions. C'est une sorte de titre garanti plutôt que l'ancienne méthode. Quand j'exerçais le droit, nous devions faire des recherches de titres en consultant les livres, et nous ne pouvions jamais obtenir d'avis précis.
La plupart des juridictions ont adopté le système Torrens, qui favorise considérablement le développement économique en accélérant les transactions foncières et en rendant les titres bien clairs pour tous. Certes, il y aura beaucoup de travail à faire car un grand nombre de propriétés ne sont pas arpentées ou décrites de façon adéquate. Nous travaillons donc avec M. Jules à l'implantation future de ce système.
Le sénateur Raine : Chef Louie, quels sont les cinq principaux obstacles qui freinent le développement économique des Premières nations?
M. Louie : Le conseil de bande des Osoyoos se concentre sur le développement économique, comme beaucoup d'autres bandes. Mais il y encore trop de conseils qui ne le font pas.
Je m'attire les foudres des Autochtones eux-mêmes quand je dis ça. Les revendications territoriales et les questions relatives aux traités sont des dossiers importants, qui sont vieux de 100 ans, et il n'y a rien de mal à ce que le chef national, les représentants du conseil tribal ou les chefs adjoints se bagarrent pour ça. Toutefois, la plupart des chefs et des conseils ne s'occupent pas assez de créer des emplois et de générer de l'argent, parce que ce n'est pas dans cet état d'esprit qu'ils ont grandi. On leur a toujours dit d'aller demander de l'argent au gouvernement fédéral. C'est la mentalité de la plupart des conseils.
Je dis toujours aux gens qu'il ne faut pas se contenter de dépenser de l'argent, qu'il faut en générer. C'est un changement de paradigme considérable. Il faut beaucoup plus de discipline pour générer de l'argent. Il n'y a pas beaucoup d'Autochtones de ma connaissance qui peuvent se vanter d'avoir gagné des millions de dollars et d'avoir créé des centaines d'emplois.
Croyez-le ou non, au début des années 1990, il n'y avait jamais de conférences sur le développement économique en territoire indien.
Le sénateur Raine : Il y en a maintenant?
M. Louie : Oui, et de plus en plus. Les choses ont commencé à changer avec l'arrivée de nouveaux dirigeants un peu partout dans le pays. En 22 ans, je n'ai assisté qu'à une seule réunion de l'APN. On y rabâche toujours les mêmes choses. Certes, cette assemblée est nécessaire sur le plan politique. Mais la seule fois que j'y suis allé, c'est parce qu'il y avait une conférence sur le développement économique à Calgary, et c'était il y a deux ans. C'est la seule réunion de l'APN à laquelle j'ai jamais assisté.
S'agissant maintenant de la Loi sur les Indiens, elle pose beaucoup de problèmes. Pour la Colombie-Britannique, par exemple, qui abrite le plus grand nombre de réserves au Canada, il faudrait renforcer les services fonciers d'AINC afin d'accélérer la préparation des baux. Dans ma propre réserve, j'ai déjà vu des gens qui voulaient louer leurs terres à des fins agricoles, qui avaient fait venir des semences d'Europe mais qui ont perdu toute une saison de culture parce que le ministère avait trop tardé. Nous en avons parlé à notre conseil. Le ministère doit fonctionner au rythme des entreprises, et pas au rythme du gouvernement. Je ne peux pas supporter ceux qui traînent. Il faut fonctionner au rythme des entreprises, sinon on rate des affaires.
Le sénateur Raine : Existe-t-il des programmes postsecondaires axés sur le développement économique des Premières nations?
M. Louie : Il y a l'AAFA, l'Association des agents financiers autochtones du Canada, qui est une superbe organisation qui s'occupe de finance et de comptabilité.
Je me souviens qu'un PDG autochtone m'avait dit, au milieu des années 1990, alors qu'il revenait des États-Unis, mais la situation est la même au Canada : si vous allez dans une réserve indienne et que vous proposez d'avoir une réunion avec tous ceux qui travaillent dans les services sociaux, la salle est remplie de travailleurs sociaux, de conseillers en toxicomanies diverses, d'enseignants, tous insuffisamment financés. Si vous convoquez une autre réunion dans l'après-midi de tous les membres des Premières nations qui ont la responsabilité de générer de l'argent pour la bande, vous avez de la chance s'il se pointe une personne.
Ce que je reproche au gouvernement fédéral, c'est de considérer le développement économique comme une dispense discrétionnaire. Le développement économique est l'un des plus petits postes budgétaires d'AINC, sinon le plus petit, le plus important étant celui de l'aide sociale. Le gouvernement fédéral donne à chaque Première nation un travailleur social à plein temps et un conseiller en toxicomanies diverses à plein temps. Autrement dit, nous avons droit à l'aide sociale et à des services de lutte contre l'alcoolisme et les drogues, mais nous n'avons pas droit à un préposé au développement économique à plein temps.
Ils disent que c'est une dépense discrétionnaire. Ça me rend fou quand j'entends cette expression. Si vous disiez à un non-Autochtone, au niveau fédéral ou au niveau provincial, que l'économie et discrétionnaire, vous auriez une vive réaction de sa part. L'économie canadienne et les économies provinciales ne sont pas discrétionnaires. C'est le nerf de la guerre.
Il faut changer les mentalités. Il faut que Entreprise autochtone Canada et la division du développement économique d'AINC représentent la majeure partie des activités du ministère. Mais cela ne se fera pas du jour lendemain.
Le sénateur Brazeau : Cela fait du bien de vous entendre parler ainsi, et de voir que je ne suis pas le seul Indien à me faire critiquer parce que je dis la vérité.
J'aimerais vous féliciter personnellement de l'attitude courageuse que vous avez adoptée tout au long de votre carrière pour faire progresser votre collectivité. Vous avez fait des émules dans tout le pays, et d'autres collectivités essaient maintenant de suivre votre exemple pour devenir prospères.
Je n'ai pas l'intention d'entamer un débat sur la Loi sur les Indiens. Nous nous entendons tous pour dire que c'est là le principal obstacle. Il serait souhaitable d'y apporter des modifications, à un moment ou à un autre, pour que les Autochtones puissent participer pleinement à la vie économique du pays.
Quel conseil donneriez-vous aux collectivités qui sont souvent isolées et qui n'ont pas de ressources naturelles à exploiter, ce qui leur laisse très peu de possibilités pour assurer leur propre développement économique?
M. Louie : Je suis heureux que le gouvernement fédéral s'occupe enfin des revendications territoriales. J'ai toute une pile de documents sur mon bureau, qui viennent de la direction des revendications particulières. Il y a beaucoup de retard dans le traitement de ces revendications. Comme je dis aux Premières nations, si vous cherchez à régler une revendication particulière, n'oubliez pas qu'il y en a plein d'autres qui attendent d'être réglées. Certaines bandes de Hobbema le savent bien, tout comme d'autres d'ailleurs.
Mais l'objectif n'est pas seulement de recevoir d'argent. Vous pouvez avoir de l'argent et continuer d'enregistrer des taux de chômage de 30 à 80 p. 100, sans parler de tous les problèmes de criminalité et de tous les problèmes sociaux qui y sont associés. Recevoir de l'argent ne doit pas être une fin en soi. Il faut savoir investir, créer des emplois et générer des richesses, et pas se contenter d'aumônes.
Bon nombre des bandes dont vous parlez, celles qui sont dans des régions reculées des Prairies, vivent dans l'attente d'un règlement de leurs revendications particulières, sont en train de négocier un traité ou attendent une indemnisation pour des droits fonciers issus des traités. Chaque fois qu'elle reçoit de l'argent suite à un règlement, la bande devrait se fixer un objectif économique, sinon il ne restera plus rien de cet argent dans une génération.
C'est pour cela qu'il faut changer les mentalités, et que les programmes comme ceux dont ont parlé Mme Filbee et M. Clarke y contribuent. Il a fallu 100 ans pour inculquer aux Autochtones une mentalité d'assistés, et aujourd'hui, c'est grâce à des programmes comme Entreprise autochtone Canada et d'autres programmes d'éducation que nous réussirons à les en débarrasser. Petit à petit, vous allez voir qu'une poignée de Premières nations vont se distinguer, dans chaque province, et donner l'exemple à d'autres Premières nations.
C'est exactement ce que j'ai fait : j'ai suivi l'exemple d'autres Premières nations qui me semblaient prospères parce qu'elles créaient leurs propres emplois et qu'elles n'avaient pas cette mentalité d'assistés qui vous conduit à toujours vous adresser au gouvernement fédéral pour avoir de l'argent. J'ai dit et je le répète : le ministère n'aura jamais assez d'argent, et il doit cesser de se prendre pour un supermarché social. Savez-vous ce que signifie BIA aux États-Unis : Boss Indians Around (Faire marcher les Indiens à la baguette.)
Il est temps que le ministère aide les Premières nations à développer leur économie. C'est la seule façon pour elles de devenir prospères. Nous organisons des conférences, nous faisons venir des bandes de toutes les régions du Canada parce qu'elles veulent suivre notre exemple. Et je leur dis d'aller voir aussi d'autres bandes de leur province, pour apprendre comment s'y prendre.
Il faut aussi être réaliste. Certaines collectivités ne sont accessibles que par avion, ou bien il faut rouler sur des pistes pendant des centaines de miles... Ces collectivités-là ont très peu de chances de pouvoir se développer, sauf si, suite au règlement d'une revendication territoriale, elles peuvent acheter des terrains proches d'une zone de développement économique. Quoi que vous fassiez, les Premières nations ne deviendront pas toutes prospères. C'est impossible. C'est une utopie. Par contre, si un petit nombre d'entre elles, dans chaque province, réussissent à prospérer, elles créeront des emplois. La plupart des gens que je connais, je ne dis pas tout le monde, veulent trouver un emploi dans une collectivité d'une Première nation.
J'ai visité les prisons de Services correctionnels Canada il y a deux ans, surtout dans les Prairies, en Colombie- Britannique et en Ontario. Dans les prisons des Prairies, il y a 70 p. 100 d'Autochtones. Chaque année, dépense 3 milliards de dollars. J'ai demandé aux gardiens de prison combien de détenus avaient un emploi à temps partiel avant d'être incarcérés, je ne parlais même pas d'emploi à plein temps, et ils m'ont répondu qu'il y en avait très peu.
Comme on dit toujours, une personne en bonne santé est une personne qui a un emploi. Il faut avoir un emploi.
Comme les Osoyoos, nous employons des Cris et des Pieds-Noirs. Au fur et à mesure que des Premières nations deviendront prospères, elles contribueront à réduire les budgets de l'aide sociale et des programmes sociaux, ces 10 millions de dollars qui sont dépensés chaque année dans des programmes sociaux.
Le sénateur Brazeau : Vous avez raison, il aussi changer la mentalité de nos propres gens.
J'aimerais poser une brève question aux représentants du ministère. Nous parlions tout à l'heure d'éducation et de développement économique. Je suis moi aussi convaincu que les deux vont de pair. Il faut bien admettre, malheureusement, que beaucoup de ministères fonctionnent en vase clos. D'un côté, nous avons AINC qui finance des initiatives de développement économique, et d'un autre côté, nous avons la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones, qui vise à donner aux Autochtones la formation, les compétences et les outils dont ils ont besoin pour entrer sur le marché du travail.
Avez-vous discuté avec l'autre ministère de la possibilité de fusionner ces deux secteurs? Cela nous permettrait d'optimiser nos investissements et d'offrir aux Autochtones les outils et les compétences dont ils ont réellement besoin. Cela les aiderait aussi à participer activement à leur propre développement économique, individuellement ou au niveau de la collectivité.
Mme Filbee : Tout à fait. Nous collaborons étroitement avec les responsables de ces nouvelles initiatives d'emploi à RHDC. Nous essayons notamment de voir comment des initiatives nationales pourraient s'intégrer dans certains de nos programmes. Par exemple, s'agissant d'arpentage, qui est une compétence dont nous avons grandement besoin lorsque nous devons procéder à des ajouts de terres de réserves, nous pourrions augmenter le nombre d'arpenteurs autochtones. C'est un exemple, mais il y en a d'autres.
Nous avons aussi le programme de gestion environnementale des terres des réserves, dans le cadre de la LGTPN. Je dois prendre la parole à la cérémonie de remise des diplômes, vendredi matin à Saskatoon, pour les féliciter de la nouvelle promotion de diplômés. Nous essayons de voir avec RHDC comment prolonger ce programme et comment trouver d'autres formes de collaboration. Les fonctionnaires de RHDC sont prêts à collaborer, je dirais même qu'ils sont enthousiastes.
Quand on parle de la situation en général, il ne faut pas dire qu'il n'y a pas assez d'argent. La question est plutôt de bien l'investir, là où il le faut, comme l'a dit le chef Louie. Trop souvent et depuis trop longtemps, nous nous contentons de mettre un cataplasme sur une jambe de bois, et ça va prendre du temps pour changer nos façons de faire.
L'Assemblée de Premières Nations a organisé un sommet économique la semaine dernière, ou la semaine précédente. Ils ont reconnu, dans leur rapport, que les choses commençaient à s'améliorer, mais ce n'est qu'un début, et nous devons poursuivre nos efforts.
M. Clarke : À long terme, nous voulons mettre en place la politique-cadre qui sera, en quelque sorte, un guide de référence pour le gouvernement fédéral lorsqu'il s'agira de développement économique et des liens qui doivent exister entre les différents secteurs qui s'en occupent. Ainsi, lorsqu'on parle des programmes d'AINC qui contribuent au développement économique, il faudrait penser aussi aux programmes de RHDC et d'autres ministères qui contribuent également au développement économique. Bon nombre de ces programmes vont devoir être reconduits en 2010, et ce sera le moment idéal pour renforcer ces liens, et pour intégrer davantage les différentes activités dans un ensemble plus cohérent. Nous essayons de mettre en place la politique-cadre le plus rapidement possible, afin quelle nous serve de guide pour organiser ces programmes.
Le sénateur Lang : J'aimerais poser ma question soit au nouveau témoin soit aux anciens témoins, mais auparavant, j'aimerais faire quelques observations. Tout d'abord, chef Louie, je tiens à vous dire que votre réputation vous précède. Je sais que vous faites de l'excellent travail pour votre collectivité du sud de la Colombie-Britannique.
M. Louie : Tout dépend à qui vous posez la question.
Le sénateur Lang : Vous êtes très bon dans ce que vous faites, et c'est ça qui est important.
J'aimerais vous poser quelques questions au sujet de l'accession des membres de la bande à la propriété immobilière. Dans la région d'où je viens, il y a beaucoup de logements sociaux, aussi bien pour les Premières nations que pour les non-Autochtones. J'ai constaté que ces gens-là ne prenaient pas autant soin de leur logement que ceux qui en sont propriétaires ou qui se sont fait construire une maison. C'est une question de mentalité, c'est comme ça. Il serait souhaitable que, dans tout le Canada, nous fassions la promotion de la propriété individuelle, afin que les membres des bandes aient leur propre maison et qu'ils en prennent soin. Il faudrait qu'ils puissent avoir accès à du capital pour acheter ou pour faire construire leur maison, plutôt que de demander du financement à AINC. Cela permettrait aussi, à mon avis, de multiplier les débouchés économiques pour la bande, les membres de la bande et les entreprises de la bande.
M. Louie : Le programme de logements sociaux dont je parlais est axé sur le principe de l'achat-bail. Vous devenez propriétaire de votre maison une fois que vous l'avez payée. Dans la plupart des réserves, c'est la formule de l'achat- bail qu'on utilise. La maison vient avec une demi-acre ou une acre, vous la louez pendant 20 ou 15 ans, selon la durée de l'hypothèque, et ensuite vous en devenez propriétaire.
Je n'entrerai pas dans tout le dossier des traités, mais j'ai eu l'occasion de parler à un certain nombre de chefs dans les Prairies qui combattent le mythe selon lequel le logement est un droit issu des traités. Il en résulte que certaines bandes reçoivent un certain nombre de logements et qu'elles ne demandent pas de loyers aux occupants. Dans toutes les réserves de la Colombie-Britannique, on paie un loyer jusqu'à ce qu'on devienne propriétaire du logement social.
Toute la question des traités a créé un certain état d'esprit, que certains chefs essaient de dénoncer. Dans certaines réserves des Prairies, je me suis rendu compte que, pour la première fois, ils disent « assez «parce que les gens qui occupent un logement sans payer de loyer n'en prennent pas soin, refusent d'y faire quoi que ce soit parce qu'ils estiment que c'est à la bande de faire les réparations étant donné qu'ils ne paient pas de loyer.
Pour la première fois, des bandes des Prairies ont annoncé que, pour le prochain lot de logements sociaux qui sera alloué, les gens devront payer un loyer. Ils devront investir chaque mois dans le logement. Les bandes ne feront pas les réparations, sauf s'il s'agit d'usure normale. C'est déjà ce que fait notre bande. Il faut que ce soit de l'usure normale. Le programme de logement social est assorti d'un budget d'entretien, mais ce budget ne couvre pas les vitres cassées, les trous dans les murs ou des choses de ce genre.
Dans la moitié des réserves du Canada, les logements sociaux sont assujettis à la formule achat-bail, et une fois que vous avez fini de payer, vous recevez le certificat de possession pour la maison et le terrain qui va avec. Mais dans les Prairies, les gens s'imaginent qu'un traité leur donne des privilèges spéciaux. C'est dans leur mentalité. Les chefs s'efforcent de changer cela pour que les logements sociaux soient assujettis à la formule achat-bail.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis contre ce qui se fait aux États-Unis, où les terres des réserves peuvent servir de garantie et se faire grignoter.
Il ne faut pas oublier, comme je l'ai dit tout à l'heure, que nous n'avons ouvert les bureaux de conseil de bande que dans les années 1970. Cet état d'esprit ne peut pas changer du jour au lendemain. Dans chaque réserve de la nation Okanagan, les gens louent leur maison pour en devenir propriétaires. La maison dans laquelle vit ma mère a été construite dans les années 1960. Elle y vit toujours. Il y a beaucoup de maisons de 40 ou 50 ans dans ma réserve, et les gens sont fiers d'en être les propriétaires.
Le sénateur Lang : J'aimerais poser une question aux représentants du ministère. J'ignorais tout de cette formule de l'achat-bail sur les terres des réserves. Je ne savais pas que cela se passait ainsi, en tout cas pas chez moi. Est-ce que ça existe dans tout le Canada? Si oui, savez-vous combien il y a de propriétaires de maisons dans chaque réserve?
Mme Filbee : Je ne sais pas, mais je vais vérifier ce que nous avons comme données, et je vous les ferai parvenir. Je ne peux même pas vous donner de chiffres approximatifs, car je suppose qu'ils varient d'une réserve à l'autre.
Le sénateur Dyck : Je sais qu'il se fait tard, mais vos observations sont extrêmement intéressantes, et je commence à y voir un peu plus clair. Chef Louie, vous avez dit tout à l'heure qu'environ 70, 80 ou 90 p. 100 des détenus des prisons pour hommes et pour femmes des Prairies étaient autochtones. Les femmes aussi se retrouvent en prison, alors que ce sont souvent elles qui poursuivent des études. Elles ne créent pas nécessairement des entreprises, car elles s'orientent plutôt vers le travail social dans la réserve. Elles choisissent aussi des postes dans l'enseignement et le droit pour combattre le système des traités, et aussi des postes dans le secteur de la santé.
S'agissant de changement transformationnel, vous avez parlé de l'Université de la Saskatchewan. J'assistais à un banquet l'autre soir de l'Aboriginal Business Students Society, un nouveau groupe d'étudiants autochtones qui essaient de lancer leur propre entreprise de confection de tee-shirts, par exemple.
Le ministère envisage-t-il de nouveaux programmes dans ce domaine, pour encourager les entrepreneurs individuels?
Mme Filbee : Oui. Nous collaborons justement avec Situation de la femme Canada pour mettre sur pied des programmes d'aide aux femmes qui veulent créer des entreprises. Nous avons entamé les premières discussions, mais nous n'avions pas suffisamment de données pour bien cerner le problème. La première chose que nous allons devoir faire, c'est de recueillir des données.
Tout ce travail s'inscrit dans la politique-cadre qui sera établie. S'agissant du rôle des femmes dans le développement économique, il est intéressant de noter que les femmes sont avant tout des aidants naturels, et qu'elles ont tendance à consacrer l'argent qu'elles gagnent aux besoins de la famille.
Le sénateur Dyck : Je me suis mal exprimée. Je ne parlais pas particulièrement des femmes. Je pensais à des programmes d'économie pour des étudiants autochtones, qu'ils soient hommes ou femmes. Autrement dit, des programmes de formation économique pour donner à ceux qui ont l'esprit d'entreprise les compétences nécessaires pour s'établir sur le marché.
M. Clarke : C'est très intéressant. C'est quelque chose qu'on a déjà entendu au cours de nos consultations sur la politique-cadre. L'esprit d'entreprise n'est pas une chose à laquelle les gens pensent spontanément. Ce n'est pas forcément non plus ce que les gens veulent faire.
Toutefois, il y en a beaucoup qui ont dit qu'il y avait des lacunes à ce niveau-là.
Le sénateur Dyck : Je vais vous raconter une petite histoire. Mon oncle habitait dans la Première nation Gordon mais, comme il venait de se marier, il a décidé de quitter la réserve pour trouver un emploi, car à cette époque, l'homme était traditionnellement un pourvoyeur et un protecteur. Il n'a jamais réussi à quitter la réserve car il ne voulait pas renoncer à son statut d'Indien inscrit. C'en était fini du rôle traditionnel du mari.
De nos jours, il est clair, d'après ce que le chef Louie nous a dit, et je le crois moi aussi, que les jeunes ne veulent plus être dépendants, et la solution, c'est de trouver un emploi.
Mme Filbee : Je vais vous répondre en abordant votre question sous un angle différent. Nous avons des programmes d'aide pour les institutions financières autochtones. Nous leur donnons de l'argent pour les aider et les encourager.
Certes, il ne s'agit pas forcément de gens qui ont un MBA ou ce genre de diplôme, mais ils peuvent être à l'origine de ce qu'on appelle « l'argent malin », qui est bien souvent encore plus efficace pour créer des emplois. C'est pas seulement l'argent qu'on gagne même sans avoir de diplômes, de conseils, de pratiques exemplaires...
C'est l'une des raisons pour lesquelles nous voulons vraiment collaborer avec des institutions financières autochtones : elles attirent souvent « l'argent malin ».
M. Louie : Je vais vous raconter une petite anecdote pendant ma visite des prisons. J'ai vu qu'il y avait des programmes autochtones dans les prisons. Je suis absolument pour la culture, et la spiritualité ou la religion ont toujours leur place. Par contre, dans ce que j'ai vu, on mettait trop l'accent sur la guérison. Il n'y a pas qu'en prison que les Autochtones sont institutionnalisés. Ils sont institutionnalisés depuis un siècle.
Ces programmes tournent essentiellement autour de la spiritualité et de la religion, comme ces cabanes à suer. J'ai vu aussi beaucoup d'ateliers de fabrication de tambours, de tannage des peaux et de construction de tipis. Je ne sais pas s'il y a beaucoup d'Autochtones qui, à leur sortie de prison, arrivent à payer leurs loyers en fabriquant des tambours, mais ça peut arriver.
C'est ce que je racontais à un comité dont je faisais partie. Ils ont ce qu'ils appellent des cabanes à suer dans lesquelles ils envoient les détenus autochtones. Par contre, ils offrent peu de programmes de formation pour apprendre un métier ou les compétences nécessaires pour trouver un emploi. On parlait beaucoup de guérison et de mieux-être, et c'est parfait, certaines personnes en ont besoin. Mais comme je dis toujours, il n'y a pas de meilleur counselling que le counselling pour trouver un emploi.
La religion et la spiritualité, c'est bien, si vous voulez vous faire moine à votre sortie de prison. J'ai fini par dire à ce comité qu'il vaudrait mieux arrêter de parler de cabanes à suer pour parler plutôt de cabanes à trouver un emploi. C'est comme ça qu'on devrait les appeler. Je leur ai dit de mettre ça entre guillemets, car le rapport était destiné au premier ministre.
Le sénateur Raine : Je n'ai pas vraiment de question à poser. Un document sur la criminalité à Vancouver a atterri sur mon bureau, qui souligne l'importance de l'éducation pendant la petite enfance. On y indique que plus de 50 p. 100 des enfants qui ne savent pas lire en 3e année finissent par devenir des délinquants et ont des ennuis avec la justice. C'est surprenant.
S'agissant de développement économique, je pense souvent à l'une des races les plus entreprenantes au monde, le peuple juif. Ils parlent affaires à table, et les enfants grandissent en en entendant parler. C'est très important.
Dans un grand nombre de familles d'immigrants, le père, la mère et les enfants participent à l'entreprise familiale, ça fait partie de leur culture.
Le vice-président : Merci beaucoup. J'aimerais remercier les fonctionnaires d'avoir comparu devant notre comité ce soir.
Le sénateur Brazeau : J'aimerais seulement savoir si les représentants du ministère partagent les opinions du chef Louie?
M. Clarke : Pas toutes.
Le vice-président : Je tiens à remercier les fonctionnaires d'avoir comparu devant nous ce soir.
Chef Clarence Louie, merci de votre visite. Si vous deviez travailler dans un ministère comme celui-ci, quel titre aimeriez-vous qu'on vous donne? J'y suis : « chef de l'élimination des programmes sociaux », ou quelque chose du genre
Merci beaucoup d'être venus.
M. Louie : Je vous remercie de m'avoir donné la parole.
Le vice-président : Là-dessus, je lève la séance.
(La séance est levée.)