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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 3 - Témoignages du 1er avril 2009


OTTAWA, le mercredi 1er avril 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 29 pour examiner les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis, et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : suivi sur le Sommet sur l'éducation des Autochtones).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui sont dans la salle ce soir et à tous les téléspectateurs partout au pays qui observent les délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones grâce aux installations de CPAC et au World Wide Web.

Je suis le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique et je suis le président du comité. Nous avons pour mandat d'examiner les lois et les questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

C'est aujourd'hui le 10e anniversaire du jour où le Nunavut est devenu un territoire du Canada, ce qui a été un événement très positif. J'offre mes félicitations au peuple du Nunavut.

[Français]

Nous accueillons ce soir un porte-parole du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada qui nous parlera de l'éducation des Autochtones, une question prioritaire. Permettez-moi d'abord de vous présenter les membres que nous accueillons ce soir.

[Traduction]

Les sénateurs suivants sont ici avec nous ce soir : le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest; le sénateur Brazeau, du Québec; le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince- Édouard; le sénateur Dyck de la Saskatchewan; le sénateur Peterson de la Saskatchewan; le sénateur Campbell de la Colombie-Britannique; le sénateur Raine de la Colombie-Britannique; et le sénateur Lang du Yukon.

L'éducation est un sujet auquel s'intéressent beaucoup les membres de ce comité. Le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, a montré un vif intérêt pour cette question particulière. Aujourd'hui, le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada — le CMEC — comparaîtra devant nous pour faire le point sur le Sommet sur l'éducation des Autochtones qu'a tenu le conseil et qui a eu lieu à Saskatoon à la fin de février, cette année.

[Français]

Le sommet sur l'éducation des Autochtones à réuni, à Saskatoon, les leaders de plus d'une quarantaine d'organisations autochtones pancanadiennes et régionales ainsi que des ministres provinciaux et territoriaux de l'Éducation. Pour nous en parler, nous recevons ce soir, honorables sénateurs, M. Daniel Buteau, coordonnateur de l'éducation primaire et secondaire au CMEC.

[Traduction]

Monsieur Buteau, nous vous souhaitons la bienvenue à ce comité. Nous sommes impatients d'en savoir plus sur les conclusions de votre sommet, qui était intitulé Renforcer la réussite des Autochtones : l'éducation au Canada — Horizon 2020.

Vos observations revêtent pour nous beaucoup d'importance. Toutefois, nous devons vous demander de les limiter à 15 à 20 minutes, si cela vous est possible. Je ne doute pas que les sénateurs auront de nombreuses questions à vous poser sur l'éducation.

Là-dessus, honorables sénateurs, je laisse la parole à M. Buteau.

[Français]

Daniel Buteau, coordonnateur, Éducation primaire-secondaire, Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) : Monsieur le président, le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) est très honoré que le comité se penche sur l'éducation. On sait que le comité a un mandat très vaste sur les questions constitutionnelles et celles qui affectent les peuples autochtones. Nous sommes très heureux que vous nous ayez invités à venir présenter les éléments de notre Sommet sur l'éducation des Autochtones.

J'aimerais rappeler certains faits au sujet du CMEC. Le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) est un organisme qui a été établi par les ministres de l'Éducation pour les ministres de l'Éducation. Il existe depuis 1967 et regroupe non seulement les ministres de l'Éducation de la maternelle à la douzième année, mais également de l'éducation postsecondaire.

Le CMEC a été établi par les ministres pour constituer un forum afin de discuter des questions stratégiques et établir des projets de collaboration pancanadienne. Ce forum vise à mener des consultations et engager des conversations avec le gouvernement fédéral. Le CMEC s'occupe aussi de la représentation internationale du Canada sur les questions d'éducation.

La présidence du CMEC change tous les deux ans. On a une rotation entre les ministres. Le président actuel du CMEC est l'honorable Kelly Lamrock, ministre de l'Éducation du Nouveau-Brunswick.

Présentement, le CMEC travail sur trois priorités. Nous avons plusieurs projets qui touchent l'éducation, mais les trois priorités actuelles sont : l'éducation des Autochtones, la littéracie et l'alphabétisation, et la capacité des établissements d'enseignement postsecondaire. Nous travaillons également sur notre déclaration ministérielle conjointe intitulée Horizon Canada 2020, une vision de l'éducation pour 2020. Cette déclaration compte quatre piliers : l'apprentissage et le développement de la petite enfance, les systèmes d'éducation scolaire, primaire et secondaire, l'enseignement postsecondaire, et l'apprentissage et le développement des compétences des adultes.

Parlons des initiatives en éducation autochtone du CMEC qui ont précédé le sommet. C'est surtout depuis 2004 que le CMEC se penche sur l'éducation des Autochtones. En 2004, le CMEC a annoncé son engagement en éducation des Autochtones. En 2005, on a procédé au lancement d'un plan d'action sur l'éducation des Autochtones. Ce plan d'action comporte trois objectifs prioritaires. Le premier touche les pratiques exemplaires en éducation des Autochtones. Le deuxième touche la collecte de données et d'indicateurs en éducation autochtone. Et le troisième touche la formation des enseignants et enseignantes.

En 2008, le CMEC a procédé à un forum pancanadien interactif sur la littéracie et l'alphabétisation. Nous avions plusieurs sites à travers le pays, dont un à Regina qui portait sur l'éducation des Autochtone. Également en 2008, suite à la déclaration conjointe ministérielle Horizon 2020, nous avons confirmé l'éducation des Autochtones comme l'une des trois priorités du CMEC.

À partir de 2008, le CMEC s'est engagé à tenir un sommet sur l'éducation des Autochtones. Nous avons procédé à des consultations pancanadienne avec les cinq organisations nationales autochtones et aussi avec les membres du CMEC, les ministres et leurs organismes régionaux en éducation des Autochtones.

Les 24 et 25 février 2009, nous avons tenu le Sommet sur l'éducation des Autochtones à Saskatoon. Le thème était : Renforcer la réussite autochtone pour l'éducation, Canada Horizon 2020 — Enhancing Aboriginal Success.

[Traduction]

Les recherches avaient été faites principalement en consultant les organismes nationaux et régionaux d'éducation des Autochtones sur les besoins en matière d'éducation des Autochtones dans le pays. Les ministres voulaient connaître les principales préoccupations à l'échelon des collectivités.

Tenu dans la foulée de la consultation des cinq organisations autochtones nationales et régionales, le sommet, selon nous, a été la première fois où tous les partenaires de l'éducation des Autochtones étaient réunis. Y ont participé des ministres provinciaux et territoriaux de l'Éducation, des organisations d'éducation autochtones et des représentants du ministère fédéral des Affaires indiennes. Le sommet a été une première occasion pour tous ces partenaires de se rencontrer et de discuter de questions d'intérêt commun. L'initiative du CMEC sur l'éducation des Autochtones a à cœur d'éliminer l'écart entre les étudiants autochtones et non autochtones au chapitre du rendement scolaire.

Nous estimons que le sommet a été un grand succès. Malheureusement, je n'ai pas pu vous apporter un exemplaire du rapport sur ses conclusions. Le CMEC a un modèle décisionnel fondé sur le consensus. Ainsi, pour que le rapport puisse être approuvé, il doit passer par toutes les voies du CMEC, un processus qui, actuellement, englobe 20 ministères, alors il faut du temps pour parvenir à un consensus sur le rapport. Cependant, je peux vous en présenter les principales conclusions.

Le sommet, comme je l'ai dit, a été des plus réussi. Il a rassemblé, au total, 218 participants dont les ministres du CMEC, ainsi que les ministres provinciaux et territoriaux des Affaires autochtones qui y avaient été invités par leurs collègues de l'éducation. Nous avons aussi invité les leaders des cinq organisations autochtones nationales, ainsi que les leaders d'organisations régionales, choisis par les ministres du CMEC. Il y avait aussi des représentants du gouvernement fédéral. L'honorable Chuck Strahl n'a pas pu y assister, mais il nous a fait parvenir un message vidéo. Je devrais peut-être ajouter qu'à la suite du sommet, le ministre Lamrock, du Nouveau-Brunswick, le président du CMEC, a rencontré le ministre Strahl pour s'entretenir des conclusions du sommet.

Le sommet avait pour principaux objectifs de mieux faire connaître la situation des Premières nations, des Métis et des Inuits au plan de l'éducation et de favoriser une prise de conscience de la nécessité de clore l'écart du rendement scolaire, tant au niveau de la maternelle à la 12e année que des études postsecondaires. Un autre objectif du sommet était d'amorcer un dialogue multilatéral avec le gouvernement fédéral et les organisation d'éducation des Autochtones pour discuter des possibilités d'élaborer des stratégies pouvant engendrer des changements aux politiques, et conjuguer les efforts de tous les partenaires vers des objectifs communs. Nous voulons aussi encourager et stimuler le soutien de partenariats fondés sur le dialogue et des stratégies d'engagement avec les organisations autochtones nationales et régionales.

Je vais maintenant parler des facteurs déterminants de succès et des résultats du sommet. Tout d'abord, le vaste soutien et la participation des leaders autochtones sont, selon nous, un indicateur fondamental de succès. La principale réalisation du CMEC est que nous ayons pu consulter toutes les organisations et rassembler 218 participants au sommet. Ceux-ci se sont tous aussi entendus sur les possibilités de réaliser des progrès ensemble, entre ministres de l'Éducation, leaders des organisations autochtones nationales et régionales et, potentiellement, le gouvernement fédéral.

Les principales conclusions dont je veux vous faire part sont en gros ce que nous avons entendu. Le ministre Lamrock a dit dès le début du sommet que le CMEC était résolu à écouter, à apprendre et à répondre aux préoccupations et aux idées exprimées par les partenaires de l'éducation des Autochtones. Je vous ai remis des copies de deux communiqués de presse, l'un qui a été diffusé avant le sommet, et l'autre après.

Permettez-moi de citer un extrait de ces communiqués de presse, pour vous donner une idée des plus grandes préoccupations — particulièrement en ce qui concerne le gouvernement fédéral. Nous avons entendu exprimer haut et clair qu'il faut plus de soutien du gouvernement fédéral et que ce soutien est « essentiel à la réussite des apprenantes et apprenants autochtones ».

Le communiqué de presse dit ceci :

Les participants ont aussi soulevé des questions, y compris la nécessité de renforcer la réussite des Autochtones en éducation, le besoin de mettre l'accent sur l'apprentissage chez les jeunes enfants, l'écart de financement de l'éducation entre les Autochtones et les non-Autochtones, le faible taux de participation à l'éducation postsecondaire et le manque d'infrastructures scolaires de qualité dans les réserves. Les personnes participantes ont de plus souligné la nécessité de veiller à ce que les programmes d'études reflètent les perspectives autochtones.

Je pourrais ajouter que, selon la perspective des organisations autochtones, nous parlons de l'intégration des perspectives autochtones au programme non seulement pour les apprentis autochtones, mais pour toute la population. La campagne du Bureau du commissaire aux traités de la Saskatchewan a pour slogan « Nous sommes tous des personnes visées par un traité », lequel dénote la ferme conviction que les perspectives autochtones devraient être intégrées aux programmes d'études de tous les élèves du Canada.

Nous avons entendu exprimer haut et clair la nécessité d'appuyer le développement de la petite enfance pour préparer les élèves autochtones à avoir un bon rendement à l'école. L'iniquité du financement, je dois le dire, est l'un des messages les plus clairs que nous ayons entendus. Dans le rapport qu'ils ont présenté au sommet, les membres de l'Assemblée des Premières nations, l'APN, ont dit qu'une formule désuète de financement fédéral à l'éducation des Autochtones et des étudiants de niveau postsecondaire a été plafonnée à une augmentation de 2 p. 100 par année depuis 1996, et ce, alors que la croissance annuelle de la population dans les collectivités des Premières nations est de 6,2 p. 100. L'APN a dit que ce plafond a engendré pour les collectivités des Premières nations un déficit cumulatif de 1,7 milliard de dollars entre 1996 et 2005. Ces difficultés sont en plus du fait que les écoles des Premières nations ne reçoivent aucun financement pour les bibliothèques, la technologie, les sports et les loisirs, les langues, les avantages sociaux des employés et les systèmes de gestion de l'information des écoles qui, je tiens à l'ajouter, font pourtant partie intégrante des systèmes provinciaux et territoriaux d'éducation pour tous les élèves.

Nous avons aussi entendu parler de problèmes entre secteurs de compétence. Un exemple sur lequel on a beaucoup insisté est celui des problèmes de compétence qui touchent les élèves métis. On nous a parlé de la nécessité d'un meilleur modèle de partenariat, lequel rassemblerait tous les partenaires qui sont essentiels à l'éducation des Autochtones.

En ce qui concerne les principaux éléments qu'examine le CMEC à la suite du sommet, tout d'abord, nous comptons continuer de rehausser le profil de l'éducation des Autochtones et mettre en valeur ce qui est réalisé à l'échelon provincial et territorial. Nous devons aussi partager l'information sur les initiatives prometteuses des gouvernements provinciaux et territoriaux en matière d'éducation des Autochtones.

J'ajouterais que l'un de nos grands points forts au CMEC, c'est que nous constituons une tribune pour l'échange de pratiques exemplaires sur tous les aspects de l'éducation. Les ministres, de même que les représentants de ministères de l'Éducation, apprécient l'occasion que leur offrent les comités du CMEC de mettre en commun les pratiques exemplaires. En ce qui concerne l'éducation des Autochtones, nous estimons que c'est un rôle fondamental que nous pouvons jouer.

Nous voulons cerner ensemble les éléments d'amélioration, ainsi que la manière de mesurer les progrès et d'en rendre compte. Nous avons aussi clairement entendu exprimer la nécessité de définir des indicateurs communs ou de points de repère pour fins d'évaluation, de responsabilisation et de reddition des comptes. C'est un aspect sur lequel le CMEC a réalisé d'énormes progrès depuis 2005. Le CMEC est lié à Statistique Canada dans le cadre d'un partenariat appelé le Conseil des statistiques canadiennes de l'éducation, le CSCE, lequel a un sous-comité sur les données autochtones. La collecte de données sur les Autochtones présente de nombreux défis, mais nous estimons que depuis 2005, grâce aux efforts du CSCE, et particulièrement du sous-comité sur les données autochtones, nous faisons des progrès sur ce plan.

Bien que cela déborde du sujet de l'éducation, nous avons entendu clairement que nous devons examiner de graves questions qui ont des effets négatifs sur l'éducation des Autochtones — les problèmes comme la pauvreté, l'engagement des parents, le surpeuplement, le sous-financement chronique et les lacunes de l'infrastructure. Bien entendu, ce sont des questions qui débordent des pouvoirs des ministres de l'Éducation. Ceux-ci sont néanmoins convaincus de pouvoir susciter l'action.

Pour terminer, après le sommet, les ministres ont décidé que le meilleur mode d'action pour régler les enjeux soulevés lors du Sommet sur l'éducation des Autochtones peut être résumé en trois mots : convoquer, profiler et engager.

Convoquer, c'est rassembler tous les partenaires de l'éducation des Autochtones pour amorcer et approfondir le dialogue nécessaire à l'action. Je répète que c'est un domaine où le CMEC a connu un certain succès en 42 ans d'existence.

Nous voulons rehausser le profil de l'éducation des Autochtones, tant au niveau pancanadien qu'international, et nous voulons engager tous les partenaires pertinents aux fins d'action et d'amélioration de l'éducation des Autochtones.

Nous estimons que le sommet était la première étape du dialogue. Nous avons remporté un certain succès sur ce plan, et nous sommes prêts à continuer d'aller de l'avant pour éliminer l'écart entre les étudiants autochtones et non autochtones au chapitre du rendement scolaire.

Le président : Les sénateurs ont maintenant des questions à vous poser, mais je poserai la première, si vous le permettez.

Dans quelle mesure a-t-il été question, monsieur Buteau, de l'Entente cadre tripartite sur la compétence en matière d'éducation des Premières nations de la Colombie-Britannique? Il y a un protocole d'entente, au Nouveau-Brunswick, en ce qui concerne l'éducation des enfants des Premières nations et l'apport de la province, qui relève actuellement de la compétence d'AINC.

En avez-vous beaucoup parlé avec les autres provinces qui n'ont pas encore de telles ententes? Pourriez-vous nous en parler?

M. Buteau : Bien sûr, des organisations autochtones du Nouveau-Brunswick et de la Colombie-Britannique nous ont dit que c'étaient là des exemples de pratique exemplaire en ce qui concerne le type d'ententes pouvant être conclues entre provinces et Premières nations. Peu de question ont toutefois été posées sur le sujet. Le sommet visait principalement à entendre les représentants régionaux exprimer leurs préoccupations, ainsi qu'à traiter de ce qui fonctionne bien dans leur secteur de compétence. Les ententes que vous citez ont été données en exemple de pratiques exemplaires. Le sommet était plus centré sur d'autres aspects.

Le sénateur Campbell : Merci d'être venu. J'ai plusieurs questions à vous poser.

Revenons sur que ce que disait le président. Plus que la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick, je m'intéresse à l'entente de 1999 avec les Micmacs. Puisque cela fait déjà dix ans, la prise en charge par les Micmacs de leur propre système d'éducation a-t-elle entraîné des changements?

M. Buteau : Je dois avouer que je ne connais pas très bien le sujet.

Le sénateur Campbell : Merci. Cela m'intrigue. Vous avez dit que l'une des choses que vous recherchiez, c'était de susciter une prise de conscience nationale en matière d'éducation — ce que je peux certainement comprendre. Je crois même que vous avez dit aussi « au niveau international ». En quoi cela peut-il être utile à nos peuples autochtones? Il est clair que nous devons faire quelque chose à l'échelle nationale, mais pouvez-vous expliquer en quoi une action internationale serait utile à nos peuples autochtones?

M. Buteau : Le CMEC, comme je le disais tout à l'heure, s'intéresse à la représentation du Canada relativement aux questions d'éducation. Je trouve très intéressant qu'il y ait des similitudes entre les préoccupations des peuples autochtones et les demandes des peuples autochtones en matière d'éducation à l'échelle internationale. On constate des points communs dans les besoins des Premières nations à l'échelle internationale. Nous pouvons aussi glaner des idées de pratiques exemplaires d'autres pays.

Le sénateur Campbell : En ce qui concerne les réalisations passées aussi, je suppose?

M. Buteau : Oui.

Le sénateur Peterson : Je vous remercie pour votre présentation. J'ai quelques questions sur le financement. Est-ce que vous faites un suivi de la comparaison entre le financement fédéral et provincial, s'il est équivalent?

M. Buteau : Les chiffres que j'ai ici viennent de l'Assemblée des Premières Nations. Actuellement, l'Assemblée estime qu'il y a un écart de 3 000 $ entre le financement par étudiant dans les écoles des réserves et le financement par étudiant dans les écoles provinciales et territoriales. Les provinces et territoires dépensent en moyenne 3 000 $ de plus par étudiant que le gouvernement fédéral n'en dépense par étudiant dans les écoles des Premières nations.

Le sénateur Peterson : Je lis ici que la plus grande partie du soutien d'AINC est fournie au moyen de programmes et appuie environ 23 000 étudiants admissibles. Des représentants de l'Association canadienne des étudiants d'université m'ont rendu visite à mon bureau il y a un mois et demi. Ils m'ont dit qu'il y avait 13 000 étudiants des Premières nations qui ne pouvaient faire d'études postsecondaires parce qu'il n'y avait aucune mesure de soutien pour eux.

Les 23 000 étudiants admissibles — est-ce c'est parce qu'on a manqué d'argent? Ça ne peut certainement pas être parce qu'on a manqué d'étudiants. Comment font-ils? Ils parlent de 314 millions de dollars qu'a proposés AINC pour l'éducation postsecondaire.

M. Buteau : D'après le rapport de l'Assemblée des Premières Nations, comme les augmentations ont été plafonnées à 2 p. 100, il n'y avait pas assez d'argent pour tous les étudiants admissibles.

Le sénateur Peterson : Autrement dit, il leur a manqué d'argent avant de manquer d'étudiants à aider?

M. Buteau : Ce serait une bonne façon de résumer la situation.

[Français]

Le sénateur Brazeau : Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de votre présentation. Pourriez-vous élaborer sur les résultats concrets qui ressortent du sommet? Quels sont les engagements futurs du conseil des ministres à l'égard de l'éducation pour les Autochtones?

J'ai participé à plusieurs sommets sur différentes questions incluant la santé, l'éducation et le développement économique. Très souvent, ce sont des occasions assez dispendieuses et il n'y a jamais de suivi permettant de savoir où sont rendues les choses, s'il y a eu du progrès et quelles seront les mesures concrètes qui seront mises de l'avant.

Le Conseil a-t-il confirmé la tenue d'un deuxième sommet? A-t-il pris des engagements?

M. Buteau : Présentement, nous n'avons pas encore d'engagement quant à un deuxième sommet. Nous considérons peut-être tenir un sommet sur les meilleures pratiques en éducation autochtone. Le grand résultat du sommet a été d'entendre les organisations autochtones nous faire part de leurs inquiétudes. Les ministres ont ainsi obtenu la confirmation du bon fonctionnement de plusieurs initiatives des ministères de l'Éducation.

Évidemment, même si l'éducation des Premières nations est de juridiction fédérale, nous savons qu'il y a des élèves autochtones dans plusieurs écoles provinciales et territoriales, et qu'il y a des efforts à faire pour offrir de meilleurs services aux populations autochtones dans certaines provinces. Nous faisons déjà beaucoup pour rehausser la perspective autochtone dans les programmes d'étude. Dans plusieurs provinces, on parle aussi de la perspective autochtone pour l'ensemble des élèves.

La question de la différence entre le financement du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux a été soulevée. Le ministre Lamrock a déjà rencontré le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canadien, Chuck Strahl. L'idée d'établir des partenariats et une meilleure connaissance des endroits où il faut travailler davantage les partenariats montrent que nous avons déjà avancé.

Le sénateur Brazeau : Une des plus grandes problématiques est le champ de compétence et la juridiction. Il y a peu de discussions sur ces deux sujets. Le gouvernement fédéral a un champ de compétence pour les Autochtones qui vivent sur les réserves et les Inuits.

Tandis que le peuple métis, les Indiens non statués ainsi que les Indiens statués qui vivent hors réserve sont de compétence provinciale.

Que l'on souscrive à cette position, mon but n'est pas de tenir un débat sur la question. La situation ne fait que contribuer à la problématique surtout en termes de financement. Avant de savoir si le financement est suffisant, il serait bon de connaître les dépenses du gouvernement fédéral à l'éducation pour les Indiens vivant sur des réserves. Il serait intéressant aussi de connaître les dépenses des gouvernements provinciaux pour la population autochtone vivant hors réserves. Trop souvent ces gens sont oubliés.

La population vivant hors réserves pourrait contribuer au développement de curriculum et se pencher sur la question du développement des programmes pour les Autochtones vivant en réserves. Évidemment, la question de juridiction demeure. Il faudrait commencer par connaître quelles sont les dépenses du gouvernement fédéral. Ensuite, le Conseil de l'éducation pourrait se pencher sur la question. On pourrait aussi inviter les Autochtones vivant hors réserves à participer au processus. Les écoles et les infrastructures existent déjà. Pourquoi ne pas utiliser ces gens pour avoir le plus d'impact possible?

M. Buteau : Vous me permettrez deux commentaires. Des discussions sont en cours entre des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le CMEC et les ministres de l'Éducation. Les représentants du ministère fédéral sont très intéressés aux programmes d'études et aux meilleures pratiques dans les écoles provinciales et territoriales.

Comme vous disiez, ce sont des questions très complexes. Pour ce qui est des élèves autochtones hors réserves, et surtout des populations urbaines, une des difficultés est la suivante : au CMEC, à l'aide de la stratégie sur les données, nous tentons d'obtenir de meilleurs données sur les élèves autochtones à savoir où sont-ils et quelles sont les mesures de succès. Un des obstacles majeurs est la question d'auto-identification. Il est très difficile de trouver des données sur les apprenants autochtones et les familles autochtones vivant hors réserves. Les données disponibles à Statistique Canada et les données de recensements ne reflètent pas toujours l'identification autochtone.

Récemment, nous avons reçu, au CMEC, deux rapports de recherche sur les meilleurs moyens de favoriser l'auto- identification. Plusieurs défis se posent. Toutefois, nous voulons développer une meilleure stratégie pour résoudre le problème. La tâche est difficile, ceci constituera la première étape à la résolution du problème que vous avez présenté.

Le sénateur Brazeau : Comme je l'ai mentionné, le point de départ serait pour les deux paliers du gouvernement, soit fédéral et provincial, de faire preuve d'ouverture et d'indiquer leurs dépenses en éducation aux Autochtones.

[Traduction]

Le sénateur Hubley : J'aimerais parler des écarts. Quand j'ai regardé les statistiques de 2001, j'ai constaté que 16 p. 100 des Canadiens âgés de 20 à 24 ans n'avaient pas achevé leurs études secondaires. Parmi les Canadiens autochtones de ce même groupe d'âge, 43 p. 100 n'avaient pas fréquenté l'école secondaire. C'est un écart énorme. De plus, 20 p. 100 de Canadiens non autochtones âgés de 25 à 65 ans étaient titulaires d'un diplôme universitaire, alors que seulement 6 p. 100 de Canadiens autochtones de la même catégorie avaient achevé des études universitaires en 2001.

Voyons maintenant les statistiques pour les Canadiens autochtones de ce même groupe d'âge pour 2006. Le pourcentage de ceux qui avaient obtenu un diplôme universitaire avait augmenté de 6 à 8 p. 100 depuis cinq ans. C'est un progrès assez faible. J'ai examiné votre document intitulé L'éducation au Canada — Horizon 2020, soit dans 10 ans. Est-ce que la vision que vous avez pour les Canadiens autochtones permettra de combler cet écart plus rapidement?

Quel a été le principal obstacle à l'apprentissage pour les étudiants autochtones? Pourriez-vous aussi parler des facteurs socioéconomiques sous-jacents qui entravent l'accès des étudiants? Quelles stratégies d'éducation dont vous avez pu discuter à votre sommet, ou encore pratiques exemplaires ou visions, ont été cernées pour contribuer à surmonter ces obstacles?

M. Buteau : Tout d'abord, nous voyons une lueur d'espoir dans le fait que dans les statistiques dont vous avez parlé, on a aussi constaté que parmi les plus jeunes, le taux d'achèvement des études secondaires, de même que le taux de participation des étudiants autochtones à l'éducation postsecondaire, ont augmenté. Nous allons certainement nous efforcer de combler l'écart d'ici à 2020.

Plusieurs pratiques exemplaires sont aussi en vigueur dans certaines provinces et certains territoires. Au niveau postsecondaire, nous nous fions aux efforts de collèges et d'institutions universitaires indépendants, mais il y a beaucoup de pratiques exemplaires au plan, par exemple, de l'offre de services de garderie aux étudiantes autochtones. Bien des provinces et territoires déploient des efforts pour aider les jeunes mères à accéder aux études universitaires, rien qu'en leur offrant des services de garderie.

De plus, certaines universités insistent pour que les études autochtones soient un cours obligatoire dans bien des programmes, tant pour sensibiliser tous les étudiants que pour mieux répondre aux besoins des étudiants autochtones.

Ce sera un défi, mais nous pensons que dans bien des provinces et territoires, des mesures sont déjà en place. Il sera utile de continuer tant de conclure des partenariats que de répandre les pratiques exemplaires — en mettant en œuvre ces pratiques dans toutes les provinces et tous les territoires, dans plus d'institutions.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Monsieur Buteau, vous avec parlé de membres de comités qui ont exprimé le désir de se pencher sur l'éducation des Autochtones. Y avait-il des membres autochtones à ce sommet sur les Autochtones?

M. Buteau : Je crois que l'actuel ministre de l'Éducation des Territoires du Nord-Ouest est autochtone. Nous avons invité au sommet des leaders d'organisations autochtones, et le niveau de participation a été très élevé.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je suis heureux de l'entendre.

J'ai remarqué dans ma collectivité que les Premières nations demandent de rencontrer des fonctionnaires d'AINC pour résoudre les problèmes des écoles. Celles-ci sont dans un si piètre état. Est-ce que quelqu'un est allé visiter ces installations des Premières nations?

M. Buteau : Si vous me le permettez, je reviendrai à votre question originale. Je pourrais ajouter qu'au CMEC, depuis septembre, nous avons une coordonnatrice de l'éducation des Autochtones, Christy Bressette, qui est une Autochtone de la région de Sarnia. Nous avons aussi mis sur pied un groupe de travail sur l'éducation des Autochtones qui regroupe des fonctionnaires qui travaillent dans le domaine de l'éducation des Autochtones dans toutes les provinces et les territoires. Nous avons des comités qui ont une grande expertise de l'éducation des Autochtones.

Pour ce qui est de rencontrer les représentants d'AINC, l'un des buts du sommet était de réunir tous les partenaires, dont le gouvernement fédéral. Le dialogue se poursuit avec AINC en ce moment même. Nous travaillons, au niveau des fonctionnaires, avec des représentants d'AINC et nous appuyons certainement les demandes des Premières nations visant à ce qu'il y ait plus de communications avec AINC. Je répète que l'un des buts du sommet était de réunir tous les partenaires, et les ministres du CMEC étaient certainement prêts à aider les Premières nations et à rencontrer des fonctionnaires d'AINC.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je pense que le nœud du problème, c'est que ceux avec qui il faudrait parler, ce sont les gens qui sont dans cette situation, qui sont sur le terrain.

Le racisme a souvent été montré du doigt comme un obstacle à l'apprentissage. Quels programmes, stratégies et politiques les gouvernements provinciaux et territoriaux ont-ils mis en œuvre pour contrer ce problème?

M. Buteau : En ce moment, comme les programmes d'études sont en pleine révision, on met plus l'accent sur les perspectives autochtones.

Dans l'Ouest du Canada, il y a un cadre d'enseignement commun en études sociales qui a intégré les perspectives autochtones. À partir de ce cadre, les provinces membres du Protocole de l'Ouest et du Nord canadiens établissent le programme, ce qui signifie qu'ils mettent plus l'accent sur les perspectives des peuples autochtones dans les programmes d'études.

Actuellement, d'autres cours sont en voie de préparation dans toutes les provinces et les territoires, et un effort est fait pour mettre en valeur les perspectives autochtones, particulièrement dans les domaines des sciences humaines et sociales et de l'histoire.

Depuis quelques années, on met l'accent sur l'initiative des écoles sûres et bienveillantes qui a permis de circonscrire les problèmes existant dans l'école. Les problèmes de racisme ont été recensés. Les provinces et territoires participant à l'initiative des écoles sûres et bienveillantes travaillent dans une optique positive, dans le but d'une meilleure compréhension mutuelle. Grâce à ces changements et ces programmes d'études, je pense que cette compréhension s'améliore.

Comme je l'ai dit, le CMEC travaille surtout sur les questions d'intérêt commun. Pour avoir une initiative pancanadienne, il faut un consensus. Même si les enjeux que présentent les programmes d'études ne relèvent pas toujours du projet du CMEC, celui- ci a pris appui sur des initiatives en cours à l'échelon provincial et territorial. Nous pensons que le système d'éducation du Canada est sensible aux besoins locaux grâce aux compétences provinciales et territoriales. Actuellement, dans chaque province et territoire, on sent le désir réel de mettre en valeur les perspectives autochtones pour tous les étudiants, ce qui, à long terme, permettra de mieux comprendre et d'éliminer le racisme.

Le sénateur Lovelace Nicholas : C'est un bon début, mais c'est en grande partie l'affaire des enseignants non autochtones aussi.

Le sénateur Sibbeston : J'aimerais demander, monsieur Buteau, si le Conseil des ministres de l'Éducation, le Canada et d'autres fonctionnaires ont traité de la question de l'éducation des Autochtones en reconnaissant la distinction des peuples autochtones alors que les langues et la culture des Autochtones sont encore très fortes.

Je fais allusion au peuple inuit de l'Arctique ou aux Dénés et autres groupes d'Autochtones, particulièrement dans les régions du Nord des provinces, qui n'ont pas été en contact avec la civilisation telle que nous la connaissons, au Sud. Je parle d'endroits où les langues autochtones sont encore utilisées couramment et où l'éducation entend l'éducation du peuple et l'intégration d'un peuple émergent dans le système canadien. La question est de savoir si on enseigne aux peuples autochtones dans leur langue, ou s'il y a un processus combiné.

Est-ce que le CMEC en a parlé, et d'autres, lors du sommet?

M. Buteau : Nous avons entendu bien des organisations autochtones dire que la question de la langue est un élément intrinsèque d'une meilleur réussite des Autochtones et qu'il faut mieux reconnaître les langues autochtones et mieux mettre l'accent sur elles.

Au Nunavut, on sait que la langue officielle est l'inuktitut. En ce moment, je pense que le programme d'études au Nunavut pour tous les étudiants comporte un cours obligatoire d'inuktitut. En ce qui concerne les écoles provinciales et territoriales de la maternelle à la douzième année pour tous les étudiants, on met de plus en plus l'accent sur l'apprentissage de langues secondes dans bien des provinces et territoires, et de plus en plus, on va proposer l'étude de langues autochtones. Je pense à l'Alberta, où des cours sont offerts à tous les étudiants, dans certaines écoles, en langues blackfoot et cree.

Nous avons entendu parler de l'importance de la langue et bien des provinces et territoires déploient des efforts en ce sens.

Le sénateur Sibbeston : Je comprends ce que vous dites. L'enseignement et l'offre de cours en langues autochtones est une chose. C'est probablement le cas là quand l'anglais ou le français est la langue courante ou la principale langue dans une école, la langue d'enseignement. Cependant, je parle d'une situation, par exemple, dans le Nord, où des Autochtones ne parlent pas un mot d'anglais — et probablement pas un mot de français non plus, parce qu'on ne parle pas beaucoup le français dans le Nord. Cette situation est tout à fait différente de la situation normale qu'on aurait au Sud.

À propos du Nunavut, c'est un territoire distinct depuis maintenant dix ans. Comme l'a dit le président au début de la réunion, c'est aujourd'hui l'anniversaire du Nunavut. Dans le cadre du règlement de la revendication territoriale, le peuple inuit avait espéré qu'à un moment donné, il y aurait suffisamment de membres de la population qui seraient instruits — 85 p. 100 sont Inuits et 15 p. 100 sont des non-Autochtones — pour que la composition de la fonction publique du territoire puisse être représentative de sa population.

En 2005 et 2006, ce n'était pas le cas, alors on a chargé Thomas Berger d'examiner la situation dans le Nord. Il a conclu que le système qu'ils avaient là-bas, où pendant les trois ou quatre premières années de scolarité l'inuktitut était la langue d'enseignement, puis il y avait une volte-face complète à l'anglais, n'était pas efficace. Dans son rapport, le juge Berger a dit que la seule solution était de créer un système bilingue qui serait efficace.

Donc, l'inuktitut est parlé jusqu'en troisième ou quatrième année, mais après, l'enseignement se fait à la fois en inuktitut et en anglais. Cet enjeu est unique et particulier, comparativement à celui de l'éducation des peuples autochtones dans le Sud, principalement en anglais ou en français.

Nous devons faire la distinction et comprendre qu'il y a deux situations uniques — les peuples autochtones qui arrivent à leur école ne parlant que leur langue autochtone, et ceux qui connaissent leur langue autochtone en partie, mais qui sont instruits en anglais ou en français.

M. Buteau : C'est un aspect sur lequel travaillent les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut. Au sommet, on nous a parlé de l'importance des langues autochtones. Ce sont de toute évidence des stratégies qui seront étudiées. J'apprécie vos commentaires.

Le sénateur Dyck : Par où commencer? Les rapports, l'un après l'autre, nous ont parlé des niveaux de rendement des peuples autochtones. Il est réconfortant de voir que le CMEC a choisi d'en faire une priorité. Vous avez cerné des aspects sur lesquels du travail doit être fait.

Si vous deviez entamer une démarche, par où serait-il, selon vous, le plus important de commencer? Si vous faites ce premier pas, sur quel plan est-ce que ce serait?

M. Buteau : En ce moment, nous travaillons sur nos trois priorités. Nous avons déjà abattu pas mal de travail. Comme on l'a déjà dit, la première des trois priorités du plan d'action en matière d'éducation des Autochtones du CMEC porte sur les pratiques exemplaires d'éducation des Autochtones dans les écoles, de la maternelle à la 12e année. Nous devons lancer bientôt une base de données sur les pratiques exemplaires de toutes les provinces et les territoires. Nous appuierons cette démarche. Pour ce qui est de la formation des enseignants, un examen est aussi fait de la documentation sur les pratiques exemplaires en matière de formation des enseignants. Nous travaillons sur ces aspects en ce moment.

Le sénateur Dyck : Quand vous parlez de formation des enseignants, s'agit-il d'augmenter le nombre d'enseignants autochtones, ou encore de former des enseignants qui seraient au courant des enjeux interculturels?

M. Buteau : L'un et l'autre. Nous travaillons sur ces deux aspects.

Le sénateur Dyck : En ce qui concerne les pratiques exemplaires, avez-vous une idée de la région du pays où se trouvent les meilleures écoles pour refermer l'écart en matière d'éducation?

M. Buteau : En ce moment, je ne voudrais pas faire de commentaires sur où sont les meilleures écoles. Chaque projet du CMEC a une compétence dirigeante. La compétence qui a pris la direction des pratiques exemplaires est le Nunavut. Pour les pratiques de formation des enseignants, le leadership est assuré conjointement par le Yukon et la Saskatchewan.

Le sénateur Dyck : En Saskatchewan, depuis les années 1970, il y a des écoles dont la responsabilité est assumée par les bandes dans les réserves. On pourrait penser qu'en Saskatchewan, nous avons probablement atteint un meilleur niveau d'éducation dans les réserves que dans les provinces où il n'y a pas le même degré de contrôle des bandes. Avec le contrôle exercé par les bandes, il est plus probable qu'il y ait un plus grand nombre d'enseignants autochtones et que le contenu comporte plus d'histoire autochtone, de langues autochtones, et cetera.

Avez-vous dit examiner les établissements postsecondaires?

M. Buteau : Oui.

Le sénateur Dyck : Est-ce que vous examinez le nombre d'étudiants et le rendement des étudiants autochtones et non autochtones dans les établissements postsecondaires?

M. Buteau : Nous essayons de recueillir des données sur tous ces indicateurs. Bien des établissements d'enseignement postsecondaire offrent maintenant un plus grand nombre de cours d'études autochtones. Il y a aussi des programmes de formation des enseignants, dont un cours obligatoire sur les besoins des étudiants autochtones. À l'Université de la Saskatchewan, tous les enseignants qui reçoivent un diplôme ont suivi un cours sur les besoins des étudiants autochtones.

Le sénateur Dyck : Vous avez parlé d'un organe qui essaie de recueillir des statistiques sur les niveaux de rendement scolaire des étudiants autochtones.

M. Buteau : C'est le Conseil des statistiques canadiennes de l'éducation, le CSCE. Cet organe est constitué en partenariat entre Statistique Canada et le CMEC.

Le sénateur Dyck : Il existe une bonne quantité de données qui pourraient être recueillies. Je suis allée voir le site Web de Statistique Canada et j'ai calculé une bonne quantité de mes propres statistiques, mais il y a de nombreuses lacunes. Vous avez parlé de l'auto-identification comme l'un des problèmes. Pourriez-vous expliquer un peu plus les obstacles que cela représente?

M. Buteau : Je disais que les deux principales difficultés sont l'auto-identification et la taille de la base de données statistiques. Si nous voulons analyser les besoins des étudiants autochtones en général en termes d'éducation, nous devons étudier des Premières Nations, des peuples autochtones, des provinces et des territoires particuliers. L'échantillon de données est parfois si restreint qu'il est très difficile d'en extraire des statistiques fiables.

Le sénateur Dyck : Est-ce qu'il est admissible de demander à un étudiant de s'auto-identifier?

M. Buteau : C'est une question qui est à l'étude. Il y a différentes stratégies pour y parvenir. Pour l'instant, c'est un enjeu assez délicat.

Le sénateur Dyck : Je ne sais pas comment ils ont fait à l'Université de la Saskatchewan, mais pour contourner la question des droits de la personne — on n'est pas, en fait, autorisés à poser la question —, quelque chose a été fait pour pouvoir recueillir les données sur les étudiants autochtones.

Le sénateur Lang : Je suis d'accord avec le sénateur Dick. On reçoit rapport sur rapport et on n'y trouve que peu de changement. Dans une vie antérieure, j'ai été ministre de l'Éducation pendant quatre ans. J'ai un peu une impression de déjà vu — malheureusement, cela fait déjà 30 ans.

Ma question concerne le financement. J'ai lu ce rapport. Ce qu'il me dit, c'est que le gouvernement fédéral devrait donner plus d'argent, et tout le reste se réglera. Je ne sais pas si je le crois nécessairement, mais c'est en gros ce que j'ai lu ici.

Un rapport d'AINC affirme que 40 p. 100 des étudiants des Premières nations vivant dans la réserve fréquentent des écoles provinciales, fédérales ou privées alors que les 60 p. 100 restants fréquentent des écoles des Premières nations dans les réserves. Le gouvernement fédéral finance ces étudiants directement au moyen d'accords conclus avec les instances provinciales sur les frais de scolarité. S'il en coûte 10 000 $ par année à la province pour instruire un étudiant, est-ce que le gouvernement fédéral paie 10 000 $ quand un étudiant d'une réserve fréquente une école provinciale?

M. Buteau : Pour répondre à cette question, il faudrait que j'examine des commissions scolaires particulières et des gouvernements provinciaux particuliers. Je ne connais pas exactement les pratiques en vigueur.

Le sénateur Lang : Il serait important, monsieur le président, de le savoir. Cela nous donnerait une idée de la dépense par étudiant.

Le président : Nous pourrions demander à nos attachés de recherche de se renseigner là-dessus; et peut-être M. Buteau pourrait-il trouver une partie de ces renseignements? Ensemble, nous pourrions être en mesure de trouver réponse à cette question, sénateur Lang.

Le sénateur Lang : Ma deuxième question concerne les responsabilités des parents ou des bandes. À ce sommet ou à un sommet futur, je crains qu'on ne parle pas assez de la responsabilité des parents ou des bandes en conjonction avec les gouvernements provinciaux et fédéraux. L'un des problèmes que nous avons — et autant en parler maintenant — c'est que bien de ces enfants ne prennent pas de petit-déjeuner avant d'aller à l'école. On se demande après pourquoi il leur est si difficile de faire leur journée d'école.

Il y a un problème qui dépasse de loin le système d'éducation. C'est un problème dans la société, celui de la manière dont nous composons avec ces enfants avant l'âge scolaire, et une fois qu'ils entrent à l'école.

Est-ce qu'il a le moindrement été question, à ce sommet, de la responsabilité des parents et des moyens de les encourager à assumer cette responsabilité?

M. Buteau : Il est certain qu'il a été question du besoin de préparation préscolaire, d'aider les jeunes à se préparer pour l'école. On a discuté de la nécessité d'une plus grande participation des parents.

De plus, à la suite du forum sur l'alphabétisation que nous avons tenu l'année dernière, le Forum interactif pancanadien sur la littératie et l'alphabétisation, nous avons beaucoup entendu parler de la nécessité d'aider tous les enfants à mieux se préparer pour l'école. C'est certainement une question qui prend la vedette.

Bien entendu, cette question ne touche pas que les ministres de l'Éducation; elle concerne aussi les ministres de la Santé et les ministres responsables de l'éducation de la petite enfance. C'est réellement un enjeu qui est plus connu maintenant qu'il y a quelques années. Nous en avons entendu parler au sommet, et c'est aussi un aspect sur lequel les ministres de l'Éducation sont déterminés à obtenir plus de renseignements, et à faire plus.

Le sénateur Lang : J'ai d'autres questions, dans le même ordre d'idée, sur les statistiques auxquelles s'intéressait le sénateur de la Saskatchewan. Bien que chaque compétence assume la responsabilité de l'éducation, nous voyons des statistiques nationales qui, très franchement, sont choquantes. C'est un embarras pour notre pays, et j'ai de la peine pour ces jeunes.

On a bien compris qu'en Saskatchewan, vous pourriez être dans une situation où cette statistique pourrait être de 10 ou 11 p. 100, comparativement à d'autres régions. Cela pourrait être signe que la Saskatchewan fait certaines choses mieux que d'autres régions — et peut-être pourrions-nous en tirer des leçons.

La question que j'ai à poser à votre organisation, c'est si vous avez pensé à demander aux diverses compétences de fournir une ventilation de leurs statistiques, afin que nous puissions comparer les compétences dans tout le pays, non pas dans un but de critique, mais plutôt pour apprendre des diverses compétences de ce que nous pourrions ou devrions faire. Si ce n'est pas fait, à quoi pourrons-nous nous comparer?

Avant de terminer, le sénateur de la Colombie-Britannique a posé une question sur la Loi sur l'éducation des Micmacs — ce qui est différent. Elle a été promulguée il y a 10 ans. Nous devrions pouvoir déterminer en quoi les normes d'éducation sont comparables à celles touchant d'autres enfants à l'échelle provinciale, et dans ce cas-ci en Nouvelle-Écosse.

Allez-vous demander une ventilation des statistiques dans tout le pays, pour les analyser, d'une région à l'autre?

M. Buteau : Dans le cadre du travail que fait le Conseil des statistiques canadiennes de l'éducation, nous examinons des données provinciales et territoriales. L'un des défis que présente la comparaison des provinces et territoires, c'est que les provinces et territoires n'ont pas d'indicateurs communs. C'est un aspect sur lequel CESC concentre ses efforts, particulièrement en ce qui concerne les données du comité sur les Autochtones. La comparabilité des données dans tout le pays n'est pas toujours chose évidente, ce qui présente aussi un défi pour nous.

Pour ce qui est de la mise en commun des pratiques exemplaires, nous y excellons, au CMEC. Nous nous concentrons depuis 2005 sur l'éducation des Autochtones, et notre groupe de travail sur l'éducation des Autochtones examine ces enjeux et cherche des moyens de cerner où ces pratiques exemplaires sont exercées. Ces échanges et les efforts que nous déployons à l'échelle pancanadienne relativement à ces trois priorités favoriseront une meilleure comparabilité et de meilleurs programmes dans l'ensemble. C'est bien entendu un processus de longue haleine.

Le sénateur Lang : Dois-je comprendre que s'il y a la volonté politique, d'ici environ un an, nous essaierons de trouver un dénominateur commun dans tout le pays pour pouvoir obtenir des statistiques que nous pourrions comparer? Est-ce bien ce que vous venez de dire?

M. Buteau : Je ne voudrais pas y fixer de limite d'un an, mais il est certain que c'est le but que nous visons.

Le sénateur Raine : J'ai écrit quelque chose. Vous avez dit que pour trouver une solution pancanadienne, il faut un consensus.

Je vous dirais que quand il s'agit des Premières nations, il y a tellement de différences culturelles et historiques, d'un océan à l'autre et dans le Nord du pays, qu'on ne peut pas y voir une panacée pour tout le monde, parce qu'il y a tellement de situations uniques. J'aime à penser que vous cherchez les meilleurs exemples possible à répandre. Je pense que c'est ce qu'il faut faire.

Y a-t-il actuellement une région particulière du pays qui brille par ses exploits?

M. Buteau : Actuellement, des efforts sont déployés dans toutes les provinces et les territoires. Nous ne nous intéressons pas qu'aux solutions pancanadiennes. Vous avez tout à fait raison; en ce qui concerne l'éducation des Autochtones, nous devons examiner les besoins locaux particuliers, et c'est pourquoi, au CMEC, quand nous parlons d'étudiants autochtones, nous prenons toujours bien garde de mentionner les Premières nations, les Métis et les Inuits. Toutes les provinces et les territoires le font.

Je dirais que la Saskatchewan est le chef de file du plan d'action pour l'éducation des Autochtones. En ce moment, nous voyons bien des pratiques exemplaires émaner de la Saskatchewan. Il y a de bonnes pratiques dans toutes les provinces et tous les territoires; chaque région est résolue à répondre aux besoins de ses groupes régionaux locaux.

Au sommet, nous avons eu l'occasion de visiter une école de Saskatoon qui est dirigée par la commission scolaire catholique, mais qui est néanmoins une école secondaire autochtone. Cette visite a été des plus inspirantes.

Partout au pays, on trouvera de solides pratiques exemplaires. Il y a les ententes dont on a parlé plus tôt, en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick, et il y a l'entente au Québec. Les perspectives et programmes d'études des Autochtones sont mis en valeur partout dans l'Ouest du Canada. En ma qualité de représentant du CMEC, il faudrait que je parle de chaque province et de chaque territoire. Il y a des pratiques exemplaires en vigueur partout.

Le sénateur Raine : Je suis personnellement encouragée par l'intérêt pour l'éducation qu'affichent les membres des Premières nations que j'ai rencontrés. C'est une énorme prise de conscience qui est déterminante pour le succès futur.

J'ai été très intéressée quand vous avez dit vous intéresser notamment à assurer l'accès des jeunes mères à l'éducation en leur offrant des services de garderie. Pourriez-vous vous expliquer? Est-ce qu'en même temps que vous offririez l'accès aux jeunes mères, vous leur enseigneriez à participer à l'éducation de leur enfant jusqu'à l'âge de six ans? Plus tôt les jeunes enfants sont exposés à l'éducation, particulièrement par leur mère, mieux cela vaut pour eux.

M. Buteau : Ce sont des initiatives mises en œuvre à l'échelon des institutions postsecondaires, alors je ne peux pas donner sur elles la perspective du CMEC.

Le sénateur Raine : Vous ne parliez pas des jeunes mères qui obtiennent leur diplôme d'études secondaires?

M. Buteau : Non. Je parlais de jeunes mères qui font des études universitaires. Pour les jeunes mères du niveau secondaire, la situation est encore plus complexe, les ministères provinciaux et territoriaux de l'Éducation ayant des politiques très différentes relativement en ce qui concerne leurs commissions scolaires.

J'ai moi-même été enseignant au secondaire; j'ai vu de ces programmes dans certaines écoles. Cependant, au CMEC, nous nous efforçons de parvenir à un consensus entre 20 ministères. Il s'agit ici des écoles secondaires locales et des établissements locaux d'enseignement postsecondaire. Je ne peux donc répondre à votre question selon la perspective du CMEC.

Le sénateur Raine : Personnellement, c'est un domaine qui, selon moi, présente d'énormes possibilités. De toute évidence, une jeune mère qui s'occupe de son bébé peut manquer la chance d'assurer sa propre éducation — en fait, elle la manque probablement. Si une jeune mère pouvait acquérir de l'instruction en même temps qu'elle acquiert des compétences de parent, ce serait très utile.

J'ai une dernière question. Est-ce qu'on a le moindrement pensé au programme Montessori comme modèle, peut- être, qui pourrait s'appliquer à l'éducation des Premières nations?

M. Buteau : Je n'en n'ai pas entendu parler particulièrement, surtout en ce qui concerne les programmes d'études et la programmation. Les ministères provinciaux et territoriaux de l'Éducation estiment que c'est un aspect important, qui doit répondre aux besoins locaux. Du point de vue du CMEC, les questions de programmation et d'études n'ont pas toujours préséance.

Le président : Nous avons d'autres questions à traiter à huis clos, honorables sénateurs, et j'ai ici une liste des sénateurs qui ont des questions à poser au deuxième tour.

Le sénateur Campbell : Je ne sais pas si vous pourrez me répondre, monsieur Buteau. Il est clair que j'ai été mal informé. La recherche qui a été préparée pour ce comité fait mention de l'article 114 de la Loi sur les Indiens — alors que je pensais que le gouvernement fédéral devait payer pour l'éducation des Premières nations visées par les traités. Dans nos notes, je lis que les Premières Nations considèrent l'éducation comme un « droit issu des traités », mais que le gouvernement fédéral ne la considère pas comme une « obligation légale ». Est-ce que vous en savez quelque chose, ou est-ce que je déborde de votre sphère de compétences? Si c'est le cas, je poserai ma question à quelqu'un d'autre.

Je suis d'accord avec le sénateur Brazeau. Nous savons qu'il y a un écart de 3 000 $ entre ce que le gouvernement fédéral dépense sur les étudiants des Premières nations qui vivent dans les réserves et ce que les gouvernements provinciaux dépensent par étudiant en dehors des réserves. Il me semble que le gouvernement fédéral ne paie pas sa part. Je ne sais pas si c'est vrai. Le savez-vous?

M. Buteau : Nous savons que bien des étudiants des Premières nations vivent dans un milieu urbain et fréquentent des écoles provinciales et territoriales et que, par conséquent, ils sont financés au même niveau que n'importe quel autre étudiant. De plus, dans bien des provinces et territoires, comme je l'ai dit, on a exprimé le désir de mieux répondre aux besoins des étudiants autochtones dans les écoles provinciales et territoriales.

Quant à l'existence d'un problème de financement des étudiants des Premières nations de la part du gouvernement fédéral, je pense que la situation des étudiants autochtones qui fréquentent des écoles de quartier ordinaires s'est nettement améliorée depuis quelques années.

Le sénateur Raine : Quand j'étais commissaire d'école, nous avions des enfants d'une réserve voisine dans notre école secondaire. Le gouvernement fédéral payait le tarif par étudiant pour ceux-là, reconnaissant qu'aucune taxe scolaire n'était générée pour eux. Cet argent allait dans le budget de la commission scolaire.

Le sénateur Campbell : Est-ce que les étudiants vivaient dans la réserve?

Le sénateur Raine : Ils vivaient dans la réserve.

Le sénateur Campbell : C'est exactement ce que je dis. Le gouvernement fédéral paie pour un étudiant qui vit dans une réserve afin qu'il fréquente une école provinciale; cependant, si l'étudiant ne vit pas dans la réserve, il n'y a pas de financement.

Le sénateur Raine : Non, mais la province obtient son financement au moyen des taxes qu'elle perçoit, les taxes foncières, que ce soit le propriétaire ou un locataire qui vive sur la propriété.

Le sénateur Campbell : Je n'entrerai pas dans ces détails. Si on vit dans la réserve, on paie pour nous. Si on ne vit pas dans la réserve, on ne paie pas pour nous, un point c'est tout, que cela vienne des taxes ou non.

Je dois dire que je suis d'accord avec le sénateur Raine. Je n'aime pas le terme « Autochtone ». Je préfère l'expression « Premières nations » parce qu'elle dénote l'existence de différences. C'est un peu comme si on disait que tout le monde est pareil en Europe; tout le monde n'est pas pareil en Europe. Il en est de même pour les peuples des Premières nations. Je n'aime vraiment pas le terme « Autochtone ». Je préfère les termes Premières nations, Inuit et Métis.

À Vancouver, quand je rencontre un membre d'une Première nation qui vit en dehors d'une réserve, je prends garde à ne pas dire que c'est un Haïda quand c'est un Squamish. C'est un peu comme si quelqu'un disait de moi que je suis de descendance irlandaise quand en fait je suis de descendance écossaise. Tant que nous ne commencerons pas à le comprendre et à en tenir compte dans l'éducation que nous offrons, rien d'autre ne tiendra. Nous prenons la religion, nous prenons la langue, nous prenons les valeurs sociales des gens, et nous nous attendons à pouvoir les reconstruire.

Je pense, en passant, que nous nous trompons sur vous, ici. Nous supposons que vous parlez de toutes sortes de choses dont en fait il n'est pas question.

Quand j'entends le mot « consensus » dans le contexte d'un gouvernement provincial, j'ai l'impression que je viens de prendre un calmant. C'est si terrible que cela. Je sais que ce qui ressortira de tout cela, c'est qu'il y aura un peu de tout pour tout le monde.

Je vous félicite pour ce que vous faites ici, et je suis impatiente de lire vos rapports. Je sais combien cela peut être difficile. Nous devons vraiment entamer une profonde réflexion sur les Premières nations et les aider à redevenir ce qu'ils ont déjà été, avant que nous leur ayons tout enlevé.

Le sénateur Brazeau : Avant de poser ma question, je tiens à inviter quiconque a les données sur le financement réel des non-Autochtones comparativement aux Autochtones à nous les faire parvenir, parce que je n'ai rien vu de tangible qui me prouve que c'est le cas. Quoi qu'il en soit, nous pourrons tenir ce débat sur une autre tribune.

Monsieur Buteau, vous avez parlé de pratiques exemplaires dans votre présentation. Je pense bien vous avoir entendu dire que celles-ci seraient publiées sous peu dans une espèce de rapport.

M. Buteau : Oui. Nous travaillons actuellement sur deux rapports de pratiques exemplaires. Les pratiques exemplaires au niveau de la maternelle à la 12e année seront diffusées à un moment donné en 2009. L'autre base de données que nous préparons concerne les pratiques exemplaires dans les programmes de formation des enseignants. Cette base de données détermine lesquels de ces programmes ont une composante axée sur les élèves autochtones dans ces établissements, ainsi que les pratiques exemplaires pour tous les enseignants pour composer avec les étudiants autochtones. Celle-ci sera lancée plus près de 2010.

Le sénateur Brazeau : En ce qui concerne le sommet qui a eu lieu et auquel ont participé les dirigeants autochtones, qu'est-ce que le CMEC a entendu exactement, directement, en ce qui concerne les pratiques exemplaires dans les écoles autochtones et au sujet de l'éducation des Autochtones?

M. Buteau : Il n'en a pas été discuté au sommet. Nous avons entendu des préoccupations. Pour ce qui est des pratiques exemplaires, puisque nous avions le travail qu'avaient fait auparavant les ministères de l'Éducation avec leurs organisations autochtones régionales, ces entretiens ont porté entre autres sur les pratiques exemplaires. Au sommet, nous étions en mode d'écoute. Nous n'étions pas en mode « Voici ce que nous faisons pour vous »; il était clair que nous étions à l'écoute de ce qu'avaient à dire les organisations autochtones.

Le sénateur Brazeau : Aviez-vous des précisions concrètes sur la nature des pratiques exemplaires?

M. Buteau : Je répète que les pratiques exemplaires que nous avons recueillies seront diffusées, et tous les intéressés sont au courant, dans leurs communautés de ce qui est efficace. Ce sont des recueils de pratiques déjà en vigueur.

Le sénateur Brazeau : Est-ce que le conseil fait quoi que ce soit pour faire participer les experts autochtones dans le domaine de l'éducation, comme les éducateurs, les directeurs d'école, et qui d'autres encore, pour tenter de les amener à la table dans le but d'accélérer le dialogue? D'après mon expérience très limitée, quand quelqu'un a mal aux dents et cherche un dentiste, il ne devrait certainement pas appeler un électricien. La participation de ces experts autochtones est un moyen d'accélérer les discussions, de trouver des solutions, plutôt que de tenir de forum où, trop souvent, on entend beaucoup parler des défis, des obstacles des problèmes — qui sont d'importance, j'en conviens. Néanmoins, il faut mettre l'accent sur les solutions pour avancer, obtenir des résultats et veiller à ce que les statistiques soient plus en faveur des Autochtones.

M. Buteau : Il est clair que c'est quelque chose que nous avons à l'esprit. Quand nous avons commencé à planifier le sommet, nous savions que si nous pouvions réunir 218 personnes à la table pour une discussion politique de haut niveau, qu'un sommet des praticiens devrait être la prochaine étape. Nous savions que ce seraient les deux aspects sur lesquels nous devrions travailler. Nous devons travailler pour rassembler les dirigeants politiques, et ensuite nous devons rassembler les praticiens du domaine.

La première étape du sommet était de niveau politique. Nous étudions maintenant la faisabilité d'un sommet des praticiens. Il est clair que c'est ce que nous planifions.

Le sénateur Lovelace Nicholas : À ce que je comprends, les dirigeants des Premières nations voulaient parler au sommet, mais il y avait un débat quant à savoir si on les laisserait parler. Pourquoi cela?

M. Buteau : Le CMEC, comme je l'ai dit, est un organe pancanadien de collaboration, et c'est le plus approprié pour entreprendre un dialogue avec les cinq organisations autochtones nationales et le gouvernement fédéral. Au premier stade de leurs réflexions sur le sommet, nous pensions que c'était le niveau auquel le CMEC serait le plus efficace. Cependant, il est clairement apparu qu'il faudrait que les ministres provinciaux et territoriaux y fassent participer leurs organisations régionales. Nous avons pas mal de représentants.

Ensuite, c'est devenu une question de logistique. Si nous avons 218 personnes au sommet, quelle est la meilleure façon que tout le monde puisse avoir l'occasion de s'exprimer? Je peux assurer aux sénateurs que toutes les organisations autochtones régionales ont eu la possibilité d'exprimer leurs vues.

Les difficultés dont vous parlez étaient au moment de la planification initiale de la logistique. Il nous fallait simplement trouver de la place dans l'ordre du jour pour que tous les participants aient la possibilité de s'exprimer. Je puis vous assurer que nous avons trouvé des moyens et que tout le monde a effectivement été entendu.

Le sénateur Dyck : En ce qui concerne les statistiques, le sénateur Campbell sera ravi de savoir que celles-ci sont ventilées entre les Premières nations, les Métis et les Inuits; il se trouve seulement qu'ils diffusent les chiffres globaux. Les statistiques sont aussi ventilées entre les sexes — ce qui touche à ce dont parlait le sénateur Raine. Si on regarde les étudiants autochtones auxquels les établissements secondaires et postsecondaires décernent des diplômes, ce sont surtout des femmes. Bon nombre de ces établissements, par conséquent, ont intégré des services de garderie, parce qu'un grand nombre de ces femmes sont monoparentales. Pour favoriser le succès d'une mère monoparentale, il faut des services de garderie.

Quand le conseil en parle, est-ce qu'il tient compte des différences entre les sexes dans le rendement scolaire, ainsi que des différences entre les sexes au plan du choix d'instituts techniques comparativement aux études universitaires?

M. Buteau : Nous examinons tous les aspects. La question des différences entre les sexes à la fois au plan de l'achèvement des études secondaires et de la participation aux études postsecondaires ressort clairement. On met aussi plus l'accent sur les études professionnelles, en essayant de trouver des moyens d'améliorer ces débouchés. Toutes les questions dont vous avez parlé sont de nouveaux enjeux dont nous entendons de plus en plus parler. Il est certain qu'ils sont pris en compte.

Le sénateur Dyck : Je ne sais pas si vous avez vu le film Grand Torino, mais il y a une réplique dans ce film qui s'applique aux collectivités des Premières nations et métisses — c'est-à-dire que les garçons se retrouvent en prison et les filles avec un diplôme. Cela résume assez bien la situation. C'est la tendance.

Le président : C'est Clint Eastwood.

Le sénateur Dyck : Au sujet des statistiques que vous allez recueillir, est-ce que quelqu'un a des statistiques sur les écoles des réserves? Est-ce que nous savons où il faut de nouvelles écoles? Est-ce que nous savons où les soi-disant bonnes écoles se trouvent, les écoles qui ont des bibliothèques qui ont de vrais livres, les écoles qui ont des laboratoires de chimie qui ont vraiment des produits chimiques et des brûleurs Bunsen, et les écoles qui ont des laboratoires d'informatique avec de vrais ordinateurs? Savons-nous si les ressources sont tangibles et dans quelles écoles ces ressources existent véritablement, à part l'immeuble et les enseignants?

M. Buteau : Pour ce qui est des écoles des Premières nations, comme elles relèvent de la responsabilité du gouvernement fédéral, nous n'avons pas ces statistiques. D'après ce que nous avons entendu de l'Assemblée des Premières Nations, c'est un domaine où les besoins sont criants.

Le sénateur Raine : Je tiens à vous remercier d'être venu. Il y a énormément de pain sur la planche. Les questions que je comptais vous poser ont déjà obtenu réponse. Je n'ai rien d'autre à dire qu'une petite histoire.

Alors que je montais sur l'avion il y a deux semaines pour venir ici, je me suis heurté à un homme que je connais qui se trouve à être l'ancien chef d'une bande de la région, et il m'a dit qu'il venait de recevoir son doctorat. Il a ri et il a pris la taille de sa femme, laquelle a dit « Nous voilà maintenant deux docteurs ». Elle aussi était titulaire d'un doctorat.

Bien des choses se passent.

Le président : Merci, sénateurs. Nous devons beaucoup à M. Buteau, qui a répondu à de nombreuses questions qui débordaient de son mandat et de ses responsabilités. Cependant, il est encourageant de voir la participation des provinces, parce que celles-ci ont l'infrastructure et la capacité nécessaires pour instruire les peuples. Je suis convaincu que leur apport fera une différence énorme. Notre plus grande ressource, ce sont nos jeunes. Ils sont si nombreux, les jeunes Autochtones des Premières nations et des peuples métis et inuit qui ont besoin d'aide sur ce plan. Il ne fait aucun doute que le financement est un problème. Il l'a toujours été.

Merci, monsieur Buteau.

S'il n'y a rien d'autre, nous allons nous réunir à huis clos.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


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