Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 5 - Témoignages du 6 mai 2009
OTTAWA, le mercredi 6 mai 2009
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 30, pour procéder à une étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis ainsi que sur d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue à tous mes collègues sénateurs, au public ainsi qu'à tous ceux et à toutes celles qui, de partout au pays, suivent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur les ondes de CPAC et sur le Web.
Je m'appelle Gerry St. Germain et je suis sénateur de la Colombie-Britannique. Je préside ce comité qui a pour mandat d'examiner la législation concernant les peuples autochtones du Canada en général. Le 1er avril de cette année, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a décidé d'entamer une étude sur les questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens. Nous avons été saisis de problèmes entourant la durée du mandat des élus prescrite par la Loi sur les Indiens, durée qui est de deux ans, de même que l'adoption d'un régime d'élections à date fixe ou commune. Nous traitons aussi de la mise en place éventuelle de mécanismes de retrait ou de destitution en cas de prolongement des mandats.
Le comité désire recueillir le point de vue des membres de Premières nations, de leurs dirigeants ainsi que des spécialistes dans les questions de droit autochtone quant aux changements qui s'imposent pour améliorer la gouvernance des Premières nations, notamment en ce qui a trait à la responsabilisation.
Ce soir, nous entamons notre étude par l'audition de spécialistes qui vont nous faire part de leur opinion sur le sujet.
[Français]
Laissez-moi tout d'abord vous présenter les membres du comité ici présents.
[Traduction]
Sont présents aujourd'hui, le vice-président du comité, le sénateur Sibbeston des Territoires du Nord-Ouest. À côté de lui se trouve le sénateur Brazeau, du Québec. À côté du sénateur Brazeau, nous avons le sénateur Brown, de l'Alberta. À côté de celui-ci, est assis le sénateur Raine de la Colombie-Britannique, puis le sénateur Lang, du Yukon, à côté de qui, nous avons le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard, puis le sénateur Fraser, du Québec.
J'ai, à ma droite, le sénateur Peterson, de la Saskatchewan, puis le sénateur Cordy, de la Nouvelle-Écosse. Enfin, nous avons le sénateur Lovelace Nicholas du Nouveau-Brunswick.
Permettez-moi de vous présenter nos trois témoins de ce soir, d'abord le professeur Bradford W. Morse de l'Université d'Ottawa, Faculté de droit. Nous accueillons aussi John Graham, associé principal à l'Institut sur la gouvernance et le professeur Shin Imai, de la Faculté de froit d'Osgoode Hall, Université York.
Bienvenue, messieurs, à cette séance du comité. Nous sommes heureux que vous ayez pu répondre à notre invitation à si peu de préavis. Après vos remarques liminaires, nous enchaînerons par les questions des sénateurs, si vous êtes prêts à y répondre, ce qui a toujours été le cas dans le passé, professeur Morse. Si vous êtes tous d'accord, nous commencerons par le professeur Morse.
Bradford W. Morse, professeur, École de droit de l'Université d'Ottawa, à titre personnel : Je suis évidemment très heureux de rencontrer le comité à l'heure où il entreprend cet exercice très important. J'ai l'intention de vous parler brièvement des trois aspects de la Loi sur les Indiens qui concernent les élections, mais, avant cela, permettez-moi de me livrer à une petite mise en situation.
Il faut avouer qu'il est extrêmement difficile d'examiner les différents éléments de la Loi sur les Indiens, même quand il existe une certaine cohérence entre ces éléments, comme vous essayez de faire à la faveur de votre examen des dispositions concernant les élections en vertu de la Loi sur les Indiens dans le cas des Premières nations qui sont encore régies par ces dispositions. C'est, bien franchement, une tâche extrêmement difficile, même quand on examine la loi touche par touche, non seulement du point de vue politique, mais aussi des points de vue pratique et personnel et du point de vue des répercussions sur les Premières nations.
En outre, toutes ces questions, aussi importantes soient-elles, ne représentent finalement pas grand-chose en regard de certains enjeux plus vastes et plus fondamentaux qui préoccupent tous les résidents des communautés autochtones comme l'éducation, l'accès à l'eau potable et l'accès à des soins de santé appropriés. Il y a aussi les enjeux d'ordre constitutionnel, comme tout ce qui touche aux titres et droits autochtones. On pensera aussi aux relations entre les Premières nations signataires de traités et la Couronne du chef du Canada pour ce qui est de l'autonomie gouvernementale. Plus généralement, il y a la question des relations entre la Couronne du chef du Canada, représentée par le gouvernement fédéral ou par les gouvernements provinciaux, et les Premières nations, les Métis et les Inuits. Ce sont là des questions de très grande envergure.
Cela étant posé, je ne suis pas en train de suggérer qu'il faut se garder d'examiner la Loi sur les Indiens ou les éléments la composant, mais plutôt qu'il faut bien comprendre le contexte plus général et plus fondamental dans lequel s'inscrivent toutes ces questions.
Je vais essayer de traiter brièvement, et à la façon dont je les interprète, de chacun des trois thèmes de votre étude que vous avez énumérés, soit : la question du prolongement du mandat des chefs et des membres de conseils tribaux au- delà des deux ans fixés par la Loi sur les Indiens; la question des dates d'élections et la possibilité de mandats fixes et d'élections à date fixe ou commune, de même que la question de la destitution.
J'ai personnellement constaté que l'actuel mandat de deux ans occasionne d'énormes difficultés aux gouvernements de Premières nations, mais on pourrait s'attendre à la même chose pour n'importe quel ordre de gouvernement, simplement à cause de la brièveté d'un tel mandat. Cette disposition est particulièrement contraignante pour les gouvernements des Premières nations parce que certains élus n'ont jamais, auparavant, été chefs ou conseillers. Ces gens-là doivent dès lors beaucoup apprendre, beaucoup plus que des élus de petits gouvernements ou d'administrations locales, comme un conseil municipal. Non seulement les gouvernements des Premières nations doivent veiller aux questions de services publics, tout comme le font les municipalités avec les routes, les réseaux d'adduction d'eau et d'égout, l'élimination des déchets, le ramassage des déchets et ainsi de suite, mais les gouvernements de Premières nations sont aussi le premier rouage dans la prestation de tout un ensemble de services publics essentiels qui sont généralement assurés par des niveaux de gouvernements beaucoup plus importants, surtout par les gouvernements provinciaux.
En outre, les Premières nations assurent l'administration des services de soins de santé primaires. Le plus souvent, elles s'occupent de questions concernant les services aux enfants et à la famille, comme la protection de l'enfance. Certes, la majorité des Premières nations ont maintenant des écoles au sein de leurs collectivités, comme des garderies, des maternelles et des écoles primaires, et beaucoup ont aussi des écoles secondaires. Leurs gouvernements sont responsables de tous ces aspects.
Par ailleurs, les Premières nations doivent assurer l'administration de l'ensemble des terres de la réserve, que celles-ci leur aient été confiées en vertu d'un certificat de possession ou d'un certificat d'occupation ou qu'il s'agisse de terres de régime coutumier. Elles interviennent donc sur tous ces plans outre, bien sûr, que la plupart des réserves possèdent une partie de terres communes — qu'on pourrait considérer comme des terres publiques — qui est beaucoup plus importante que les administrations municipales. En général, une grande partie du territoire municipal est constituée par des lots privés, si bien que les propriétaires privés sont les principaux responsables de ces terres et qu'ils ont des obligations légales à cet égard.
De plus, les Premières nations réglementent l'activité liée aux ressources naturelles, dont les éventuelles ressources souterraines des terres de réserve, de même que des ressources forestières. Elles sont habilitées à prendre des lois et à gérer, de façon pratique, les activités de pêche, de chasse et de trappage sur les terres de réserve.
En un sens, les Premières nations s'occupent à peu près des mêmes questions que celles incombant aux administrations municipales — qu'il s'agisse d'une petite ou d'une grande ville comme Toronto — ou aux gouvernements provinciaux. Il s'agit donc d'un éventail de dossiers très large qu'il faut administrer dans le contexte d'une petite collectivité disposant de faibles moyens sur les plans humain et financier.
Pour fonctionner, la vaste majorité des Premières nations dépendent énormément des fonds provenant de l'extérieur sous la forme de paiements de transfert. Ces paiements proviennent essentiellement du gouvernement fédéral, mais aussi des gouvernements provinciaux. Cela veut dire que les administrations autochtones n'ont pas la maîtrise d'une grande partie de leur budget, ce qui n'est pas sans être lourd de conséquences.
Ce sont principalement les gouvernements des Premières nations — c'est-à-dire les chefs et les conseillers — qui traitent avec les bailleurs de fonds dont la communauté dépend pour dispenser les services à ses résidents. Les chefs et les conseillers sont aussi des représentants politiques et ils doivent donc assurer la liaison avec les fonctionnaires et les élus municipaux et fédéraux, et avec les administrations municipales voisines.
Nombre de Premières nations appliquent un peu le système des portefeuilles au Cabinet, chaque conseiller assumant la responsabilité d'un secteur donné. Ainsi, un conseiller peut être chargé des questions d'éducation, un autre des questions de soins de santé et ainsi de suite. Cela étant, il leur faut apprendre leur portefeuille tout en participant au reste.
Les conseils des Premières nations ne peuvent compter que sur une fonction publique limitée. Ils n'ont pas une profusion de fonctionnaires dans les différents services qui leur préparent de belles notes d'information qu'on s'échange entre bureaucrates et qui subissent maintes révisions avant d'être enfin soumises à leurs destinataires, comme cela se passe pour les ministres. Les élus des Premières nations mettent la main à la pâte dans tous leurs dossiers, des dossiers qu'ils doivent maîtriser, d'autant que leurs décisions ont des répercussions très pratiques sur la vie des résidents de leurs communautés. Ils n'ont pas le luxe de déléguer cette responsabilité à une importante fonction publique, ni de pouvoir compter sur des informations. Ils n'ont pas le luxe de la distance entre eux et ceux qui sont les plus directement touchés par leurs décisions. En revanche, leur tante, oncle, nièce ou enfant peut fort bien les appeler à deux heures du matin quand une décision n'est pas de leur goût.
Ce sont, très souvent, des décisions incroyablement graves et émotionnellement chargées. Elles nécessitent souvent la répartition de ressources limitées entre les résidents des Premières nations qui en ont désespérément besoin. Par exemple, comme les listes d'attente de logement sont longues, les élus de Premières nations doivent prendre de délicates décisions sur l'attribution des logements.
Tout cela dans le contexte d'un mandat de deux ans. Il n'est pas rare que les gens commencent à se soucier de leur réélection au bout de 18 mois. Les nouveaux conseillers ou les nouveaux chefs doivent beaucoup apprendre en début de mandat et envisager leur réélection à la fin. Il ne leur reste que très peu de temps pour vraiment maîtriser tous les dossiers dont ils sont responsables.
La tentation d'aller au-delà du mandat de deux ans est très grande. Parmi celles qui ont le pouvoir de le faire, beaucoup de Premières nations ont opté pour des mandats de trois ou quatre ans. La durée de deux ans n'est pas particulièrement attrayante.
Pour ce qui est de la tenue d'élections à date « fixe » ou « commune », il convient tout d'abord de faire la distinction entre ces deux termes. La Loi sur les Indiens impose un mandat fixe de deux ans. Les chefs ne peuvent rien y faire, contrairement à un premier ministre qui peut demander au gouverneur général de déclencher une élection.
Par ailleurs, en ce qui concerne le mandat de durée déterminée, on pense surtout à une date d'élection fixe se situant près de la fin du mandat, cela sous l'influence des gouvernements provinciaux et de la loi fédérale. Par exemple, les élections présidentielles aux États-Unis ont lieu tous les quatre ans, le premier mardi de novembre. Quant aux élections à date commune, comme l'indique le terme, il s'agit d'une journée d'élections commune à toutes les Premières nations, que celle-ci soit établie par accord ou par la loi. Il importe qu'un régime de date commune soit décidé par choix et non imposé par une loi extérieure ou par d'autres moyens.
Je recommande au plus haut point de choisir une date qui ne soit pas nationale, mais plutôt régionale, qui tienne compte des sensibilités de chaque région. Par exemple, la saison de la chasse à l'oie est très importante pour les communautés cries de la baie James, au Québec. Pour d'autres Premières nations, il s'agit plutôt de la chasse au caribou, à l'orignal ou au chevreuil ou de pêche commerciale. Il serait particulièrement difficile de choisir une date nationale qui tienne compte des différentes réalités régionales.
Il y a aussi les habitudes locales. Certaines cérémonies, comme des festins ou des potlatchs, qui se déroulent à différentes périodes de l'année, ne sont pas des événements nationaux. Il faut également tenir compte des surprises possibles à l'échelon local. Il n'est pas rare qu'en cas de funérailles dans une communauté de Première nation, les élections soient retardées de quelques jours. Si vous fixez une date nationale ou provinciale, il deviendra impossible de s'adapter à ce genre de situations.
Les élections à date commune peuvent être intéressantes, surtout pour les Premières nations faisant partie d'un même conseil tribal ou d'une même organisation régionale au sein d'une province. Dans de telles circonstances, il devient possible de faire élire en même temps tous les membres du conseil tribal, plutôt que d'entretenir un roulement permanent en cours d'année. Il faudra que les Premières nations elles-mêmes décident de ces questions.
S'agissant des mécanismes de destitution prévus dans la Loi sur les Indiens, j'estime que l'article 78(2) présente un certain nombre de travers. Ce paragraphe comporte des éléments relativement importants qui encadrent la prise de décisions relativement au prolongement du mandat d'un chef ou d'un conseiller. La question de l'absence à trois assemblées consécutives du conseil a de quoi préoccuper les communautés autochtones, parce qu'il peut être impossible de réélire la personne si celle-ci s'est absentée plus que le prévoit la loi. Il ne faudrait cependant pas juger si une personne est apte à continuer son mandat de chef ou de conseiller, pas plus qu'on le ferait dans le cas d'un conseil municipal, d'une assemblée législative, de la Chambre des communes ou du Sénat.
En outre, cette disposition ne fait pas de différence quant à la nature des actes criminels. Elle établit qu'une déclaration par mise en accusation est un motif de destitution, mais elle n'invite pas à déterminer si l'acte criminel pour lequel la personne a été condamnée a un rapport avec sa capacité d'assumer la charge de chef ou de conseiller et a un lien avec les questions concernant cette charge.
Ce qu'il faut entendre par manœuvres frauduleuses est précisé dans la loi, mais il y a d'autres aspects, comme les questions de fraude et d'abus de confiance dont on pourrait estimer qu'elles ont un lien avec la capacité de remplir ce rôle politique. Bien d'autres dispositions traitent des condamnations susceptibles de rendre la personne inéligible à une réélection et même au maintien en fonction, mais cette disposition ratisse très large, puisqu'elle englobe toutes les déclarations de culpabilité par mise en accusation.
Par ailleurs, pour un grand nombre d'infractions optionnelles, le procureur de la Couronne a le choix entre une déclaration de culpabilité par mise en accusation et une déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Ce choix a bien sûr un effet sur l'issue des procédures. Si le procureur opte pour la déclaration de culpabilité par procédure sommaire, l'article 78(2) ne s'applique pas, tandis que, dans le cas d'une déclaration de culpabilité par mise en accusation, la personne est inculpée et le paragraphe s'applique.
En règle générale, les dispositions de retrait ou de destitution laissent beaucoup trop de latitude au ministre dans la façon de trancher les problèmes. Sur le plan pratique, les bureaux régionaux du MAINC déterminent, sur le terrain, à qui il convient de poser des questions, quels faits il faut rassembler, ce qu'il faut dire dans les rapports et ce qu'il convient de recommander aux différents paliers de la hiérarchie, jusqu'au cabinet du ministre. Tout ce processus échappe à la transparence et à la reddition de comptes.
La question de la reddition de comptes est fréquemment soulevée dans le cas des gouvernements de Premières nations. Il s'agit en effet d'un domaine pour lequel il n'existe pas de mécanismes de reddition de comptes, pas plus en ce qui concerne le ministère que le ministre. Il n'existe tout simplement pas de règles en vertu de la Loi sur les Indiens concernant la nature des enquêtes menées, la désignation des personnes à interviewer, la possibilité ou non pour l'intéressé d'être entendu, la destination des avis, la tenue d'enquêtes ou d'audiences publiques — autant de choses qu'on pourrait s'attendre à retrouver dans des situations de ce genre. Le dépôt d'un rapport détaillé faisant état de tous les renseignements recueillis, de la décision rendue et de ses motifs, n'est pas clairement exigé. Nous ne disposons pas plus d'un système bien arrêté encadrant le droit de faire appel d'une décision ou de la soumettre à un examen judiciaire.
Comme je le disais, ce sont essentiellement les fonctionnaires des bureaux régionaux et des bureaux auxiliaires qui se chargent des enquêtes. Ils se retrouvent dans une position quasi insoutenable. Ils comptent, en partie, sur de bonnes relations avec les Premières nations qu'ils sont censés servir, mais d'un autre côté, on leur demande de faire enquête sur des allégations de pratiques répréhensibles. Leur position est plutôt scabreuse. Elle est aussi compliquée par le fait que les bureaux régionaux disposent de pouvoirs extraordinaires en ce qui concerne la vie quotidienne des communautés des Premières nations. Ce sont ces organisations qui décident, au premier chef, des fonds que reçoivent les Premières nations, tant en ce qui concerne le choix des destinataires que les montants attribués. Dès lors, l'organisation qui a quasiment droit de vie et de mort sur une communauté tente, du même souffle, d'entretenir de bonnes relations avec elle tout en étant chargée d'enquêter sur l'adéquation d'un conseil, d'un chef ou d'un conseiller.
Il serait évidemment préférable de faire en sorte que cette fonction ne soit plus soumise au secret et à la grande discrétion du ministère des Affaires indiennes et du cabinet du ministre. Elle devrait être sans lien de dépendance non seulement avec le ministère, mais aussi avec le gouvernement fédéral en général et il faudrait, par exemple, confier les dossiers à une commission des élections des Premières nations apte à acquérir les compétences nécessaires. À l'expérience, j'ai constaté que le MAINC n'acquiert pas de telles compétences par l'expérience parce qu'il n'enquête pas assez souvent sur ces questions.
Je vais maintenant parler d'une institution qui joue un rôle délicat dans la dynamique des Premières nations. La Commission consultative de la fiscalité indienne a été créée à l'époque où il n'était pas obligatoire qu'une loi encadre la fiscalité des Indiens. Les activités du ministère relatives aux questions associées à la réglementation fiscale ont alors été confiées à cette commission. Je conviens que les membres de la commission avaient été nommés par le ministre, mais ils étaient tout à fait indépendants et ont su gagner le respect des communautés des Premières nations. Officiellement, ils devaient conseiller le ministre sur ces questions, mais cela ne les a pas empêchés de collaborer activement avec les Premières nations pour peaufiner les règlements et être ainsi en mesure de recommander l'approbation de ces mêmes règlements au ministre. Je n'ai jamais entendu parler d'un seul cas, mais il y en a peut-être eu, de rejet des conseils de la commission par un ministre. Désormais, cette institution sera remplacée par un organisme prévu par la loi.
Je vous ai donné cet exemple pour vous montrer qu'il est possible de faire des progrès sans passer par la voie des changements législatifs, à condition d'avoir l'appui des Premières nations. Il pourrait être avantageux qu'une telle institution soit prévue dans la loi et elle serait en outre appropriée si le projet de loi était rédigé conjointement par Ottawa et par l'Assemblée des Premières Nations. On pourrait envisager de consulter un comité de chefs constitué par des représentants de Premières nations appliquant le régime électoral de la Loi sur les indiens, compte tenu de son intérêt à cet égard.
Un de vos témoins, William B. Henderson, a traité de cette idée avant moi, mais sous l'angle de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations dont je me suis beaucoup occupé par le passé. Comme de tels changements n'auront pas d'incidence sur l'ensemble des Premières nations, ils pourront être appliqués par celles qui le désirent et qui pourraient être touchées par ces modifications.
Il apparaît qu'une telle institution indépendante devrait être connue des communautés de Premières nations et être bien visible. L'article 78(2) ne correspond pas précisément au genre de disposition que les résidants de communautés de Premières nations vont lire avant de se coucher, histoire de réfléchir à son sens profond. Une institution indépendante pourrait appliquer un processus de demande simplifié, qui ne coûterait rien aux parties et permettrait la tenue d'enquêtes rapides, autant d'éléments qui sont actuellement d'importantes pierres d'achoppement. Comme les contentieux traînent en longueur, les gouvernements de Premières nations, surtout dans les petites communautés, sont gênés par l'incertitude ambiante. Une telle institution pourrait tenir des audiences et publier les motifs de ses décisions qui seraient accessibles aux membres de Premières nations dans les réserves et hors réserve.
Je recommanderais, en règle générale, qu'aucun projet de loi ne soit déposé de façon unilatérale parce que d'intenses consultations s'imposent. Le Canada a une vaste expérience de ce genre de consultations qui ont du bon. Nous en avons de bons exemples, comme le Comité consultatif ministériel conjoint auquel siègent l'APN et le gouvernement fédéral. Nous avons beaucoup d'expérience dans la rédaction conjointe de projets de loi entre les Premières nations et Ottawa. J'ai l'impression que cette mesure législative doit bénéficier d'un important soutien des Premières nations concernées par ses dispositions afin que celles-ci la mette en œuvre.
Je me dis que l'application d'un tel projet de loi devra être facultative parce que certaines Premières nations croient qu'aucun changement ne doit être apporté à la Loi sur les Indiens sans qu'elles y aient d'abord consenti. Compte tenu de ce devoir de consulter les intervenants et de composer avec eux le cas échéant, il serait malavisé d'adopter, sans le consentement des Premières nations, un projet de loi concernant la Loi sur les Indiens, pour ne pas dire qu'on s'exposerait à une contestation fondée sur la Constitution.
Le président : Je précise à notre auditoire que 252 bandes indiennes organisent leurs élections aux termes de la Loi sur les Indiens, tandis que 334 autres tiennent des élections coutumières. Nous nous occupons du premier groupe. Vingt-neuf de ces bandes choisissent leurs dirigeants conformément à ce qui est prévu dans leurs ententes sur l'autonomie gouvernementale et 10 à 15 bandes appliquent d'autres mécanismes de désignation, comme ceux fondés sur un système héréditaire ou de clans. À présent, les personnes qui suivent nos travaux savent ce dont il est question. Nous parlons ici des 252 bandes indiennes qui sont régies par les dispositions de la Loi sur les Indiens.
M. Morse : Soit environ 40 p. 100.
John Graham, associé principal, Institut sur la gouvernance, à titre personnel : J'aime toujours passer derrière M. Morse. Il est tellement érudit et exhaustif qu'on ne peut que se dire d'accord avec lui et continuer dans la foulée. Malheureusement, j'aurais dû lui parler avant pour avoir une idée de ce qu'il allait dire. Comme j'ai décidé d'adopter un angle radicalement différent, je ne vais pas me fonder sur ce qu'il a dit.
Je vous ai fait remettre une présentation en PowerPoint comportant quelques-unes de mes notes d'intervention. J'espère que la plupart d'entre vous avez ce document afin que je puisse le parcourir très rapidement et répondre à vos questions.
Avant toute chose, je tiens à préciser que l'Institut sur la gouvernance est un organisme sans but lucratif entièrement indépendant du gouvernement fédéral. Malheureusement, il ne reçoit aucune subvention de longue haleine. Comme nous sommes un organisme de bienfaisance, j'invite toutes les personnes intéressées à nous faire un petit don. C'est M. Morse qui tient ma tirelire et vous pouvez, si vous le voulez, nous confier quelques pièces de 2 $.
Plus sérieusement, sachez que nous avons été mis sur pied en 1990 et que nous nous occupons des questions autochtones depuis 1996 environ. Nous avons réalisé quelque 350 projets portant sur la gouvernance si bien que, dans une certaine mesure, mes réflexions seront fondées sur l'expérience. En un sens, notre unicité tient à l'importance du travail que nous avons effectué pour différents ministères fédéraux, de même que pour des gouvernements provinciaux, bien que nous essayions de faire beaucoup de choses pour les organisations autochtones également — c'est-à-dire les Métis, les Inuits et les Premières nations. Nous avons ainsi une bonne idée du genre de relations qu'entretiennent ces différents intervenants et des fractures qui les séparent parfois.
Je me propose de traiter de sujets généraux avant d'aborder plus en détail les questions liées aux élections qui vous intéressent. Je poserai d'emblée deux questions fondamentales : pourquoi les progrès sont-ils si lents en ce qui concerne l'amélioration du bien-être des collectivités des Premières nations, et quelles approches stratégiques liées à la gouvernance, plus particulièrement à la réforme électorale, permettraient d'accélérer le rythme des progrès? La diapositive 4 présente essentiellement mes conclusions, puisque je m'exprime ici en mon nom propre. En effet, l'Institut part du principe que chaque chercheur a son propre point de vue. Ainsi, nous ne partageons pas forcément les opinions du conseil de l'Institut. C'est notre façon habituelle de procéder.
Premièrement, tout ce qui concerne la gouvernance nous intéresse beaucoup. Je reviendrai sur cet aspect à propos du bien-être des communautés et bien sûr des États. Le régime de gouvernance actuel des Premières nations est très dysfonctionnel et il freine l'atteinte de meilleurs résultats socioéconomiques. Au troisième point, on voit qu'il n'existe pas de solution magique, ni de grandes stratégies susceptibles de corriger la situation. Rien de ce que vous ferez ici permettra d'améliorer la gouvernance en général, soyez-en persuadés. Dans une grande mesure, et je suis ravi de pouvoir dire quelque chose qui va dans le sens des propos de M. Morse, le rythme des progrès dépendra des Premières nations elles-mêmes. Enfin, certaines approches fédérales pourraient aider, et certaines de ces approches concernent les élections.
Les diapositives 5 et 6 présentent simplement des citations illustrant l'importance de la gouvernance et je ne vais pas vous ennuyer en vous les lisant. Partout dans le monde, il est largement prouvé que la gouvernance et le bien-être sont étroitement liés.
Passons maintenant à certaines des caractéristiques clés qui sont importantes dans la façon dont on aborde la gouvernance des Premières nations. La première rejoint ce que disait M. Morse à propos de l'envergure des responsabilités qui incombent aux gouvernements des Premières nations, ce que je définirai en employant un qualificatif différent. Les gouvernements des Premières nations sont les plus grands gouvernements locaux au monde. On utilise rarement l'adjectif « grand » à propos des Premières nations, parce que la plupart d'entre elles correspondent à de petites communautés de quelque 600 habitants, mais il est difficile de trouver une administration publique locale d'une telle envergure d'après les dépenses par habitant. Voyez les dépenses par habitant que j'ai indiquées ici. Les Premières nations dépensent à peu près 10 fois plus que les municipalités moyennes au Canada. Cela ne revient pas à dire que les Premières nations sont surfinancées, loin s'en faut. En fait, il est largement établi qu'elles sont sous- financées compte tenu des responsabilités qui leur incombent. Ce qu'il convient de retenir ici, c'est qu'elles sont très importantes et qu'elles ont aussi des fonctions publiques très importantes. Par exemple, dans l'une des communautés où j'ai travaillé, qui comptait 1 600 résidents, la fonction publique comportait 450 employés. Ce sont de gros gouvernements, peu importe la façon dont on examine la chose. Il ne faut pas perdre cela de vue.
La seconde caractéristique importante tient au fait que le système de gouvernance des Premières nations est très déséquilibré quand on prend d'autres exemples, très certainement au Canada et dans le reste du monde. Les illustrations en forme de bulles, aux diapositives 9 et 10, sont une façon d'illustrer cette réalité. Dans un gouvernement de Première nation, vous ne retrouvez pas les mêmes freins et contrepoids que dans la société civile en général, comme un secteur privé actif, des médias indépendants, qui viennent faire contrepoids aux pouvoirs en place. Avec les Premières nations, nous nous retrouvons face à un système de gouvernance déséquilibré, ce que j'ai essayé d'illustrer à la diapositive 10.
L'autre caractéristique clé concerne un autre qualificatif. Le nombre de politiciens à temps plein et rémunérés par habitant est sans égal au Canada. La Loi sur les Indiens fixe la proportion à environ 1 p. 100. Il y a un minimum et un maximum. Évidemment, comme le disait M. Morse, il existe un régime coutumier qui peut déboucher sur d'autres proportions, mais à l'expérience, j'ai constaté que le nombre de politiciens par habitant est très élevé. Comme M. Morse le disait, il y a des exceptions, mais nombre de ces politiciens sont employés à temps plein et sont pleinement rémunérés.
S'agissant de la réforme électorale, cette situation a plusieurs conséquences. Premièrement, les élections sont chaudement contestées. Il arrive que 10 à 12 personnes se présentent pour le poste de chef et que 50 à 70 autres se présentent aux postes de conseillers. La raison en est fort simple. Ce sont des emplois rémunérés. Ce sont de bons emplois prestigieux au sein de la communauté, d'où la concurrence acerbe à laquelle ils donnent lieu. Il n'est pas rare que cette concurrence oppose les familles entre elles, ce qui est caractéristique des petites communautés. À cause de la fréquence des élections et du fait qu'elles sont chaudement contestées, on assiste à un énorme brassage politique et à un niveau de roulement très élevé dans les postes de commande, ce qui entraîne, là aussi, une relative instabilité du système de gouvernance. Les dirigeants sont constamment renouvelés — ou du moins une partie d'entre eux — beaucoup n'ayant que peu d'expérience quant aux tâches et aux responsabilités qui leur incombent.
Enfin, quand on a une telle proportion de politiciens pleinement rémunérés, on se trouve à politiser la fonction publique. Comme M. Morse le disait, les Premières nations appliquent souvent un système de portefeuilles où chaque conseiller se charge qui de la santé et qui du développement économique, d'où la propension de certains de se comporter comme un ministre et de se mettre à diriger le personnel, mais en intervenant dans les rouages de la fonction publique d'une façon qui n'est pas habituelle aux autres ordres de gouvernement.
Quatrièmement, il y a un nombre étonnamment élevé de lacunes réglementaires concernant les terres. Cela nous ramène à des questions de nature constitutionnelle, comme les articles 91.24 et 92 et je vous en ai d'ailleurs remis une longue liste. Ce qui est important ici, c'est que les Premières nations ne sont pas contraintes par un ensemble de règles comme le sont d'autres gouvernements canadiens, surtout à l'échelon local. Cela veut dire que, très souvent, le gouvernement fédéral n'a d'autre choix que d'ajouter une série de conditions de financement en vue d'essayer, d'une façon ou d'une autre, d'imposer aux gouvernements des Premières nations un certain régime réglementaire, au sens contractuel du terme, ce qui est souvent très inefficace. La gestion des eaux usées en est un bon exemple. Cette absence de règles vient aussi exacerber le brassage politique que l'on constate dans bon nombre de collectivités.
M. Morse a mentionné mon cinquième point, c'est-à-dire le fait que les Premières nations comptent beaucoup sur les transferts financiers du gouvernement fédéral et, à quelques exceptions près, qu'elles n'imposent pas leurs citoyens. C'est là un indicateur très important de la qualité de la gouvernance. Il est abondamment prouvé, au Canada et de par le monde, qu'en l'absence d'un régime fiscal, les relations entre les dirigeants politiques et les citoyens sont très différentes et que les premiers ont alors tendance, entre autres choses, à parrainer massivement leurs partisans pour les faire entrer à la fonction publique.
L'autre problème que soulève cette forte dépendance du gouvernement fédéral, c'est que les Premières nations sont alors exposées aux travers du gouvernement central. Je me dois, à cet égard, de faire mon mea culpa d'ancien fonctionnaire. J'ai notamment constaté que très peu de fonctionnaires fédéraux ont une expérience dans la façon de traiter avec les gouvernements locaux. Ils n'ont tout simplement pas acquis le bagage nécessaire pour s'occuper d'éducation ou d'aide sociale, ou encore de questions alimentaires courantes qui préoccupent les gouvernements locaux. Ce sont des gens comme moi, ayant peu d'expérience en matière d'administration locale, qui sont soudainement appelés à administrer des systèmes très complexes d'éducation et d'aide sociale, par exemple, ou du moins à essayer de faire tout cela sous l'angle de la gestion des programmes.
Sixièmement, la plupart des Premières nations sont trop petites pour bien assurer les services dont elles sont responsables. L'éducation et l'eau potable en sont deux exemples flagrants. Enfin, les Premières nations de petite taille ne peuvent puiser que dans un bassin réduit pour choisir leurs dirigeants. Cette situation peut même être un véritable problème pour les très petites Premières nations.
Septièmement, les membres des communautés des Premières nations n'ont pas tous les mêmes droits ou le même statut, tous ne sont pas membres résidants, situation qui ne fera que s'aggraver avec le temps. Là encore, on est en présence d'un mélange toxique de différentes personnes vivant dans les réserves, des personnes qui n'ont pas toutes les mêmes droits ni les mêmes privilèges en matière d'élection, d'accès aux programmes et de résidence.
Huitièmement, l'histoire de la colonisation pousse à la dépendance et à la victimisation et, même si ce phénomène est de moins en moins répandu, il demeure important pour un grand nombre de Premières nations. J'ai retenu deux citations à ce sujet : « Le statut de victime séduit, puis paralyse » et « Il est difficile de voir l'avenir à travers ses larmes ». Le paradoxe ici, c'est que les Premières nations et les peuples autochtones en général sont des victimes évidentes qui continuent de faire l'objet de discrimination. Le problème, c'est que la psychologie de la victimisation est contraire au développement rapide des communautés.
Les grandes différences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux concernent des éléments fondamentaux comme les droits des Autochtones, les traités et les obligations fiduciaires. Ces aspects font l'objet de litiges et constituent des défis de taille dans la collaboration entre les Premières nations, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
Enfin, et ce dernier aspect est important pour toute personne qui s'occupe de questions de politique concernant les Premières nations, il existe de grands écarts dans la capacité de gouvernance. Vous voudrez bien m'excuser pour la mauvaise qualité de la diapositive de la page 16. Je vais essayer de vous expliquer un peu ce dont il est question. Il s'agit d'un indice de bien-être des collectivités. Il est fondé sur les niveaux d'instruction, sur le revenu par habitant, sur le taux de mortalité et ainsi de suite. Les barres en blanc représentent les collectivités canadiennes et les foncées les communautés des Premières nations. L'axe des X est l'indice de bien-être de la collectivité. Plus vous êtes à droite et plus votre indice de bien-être est élevé. En revanche, plus vous êtes à gauche, et plus vous êtes en mauvaise posture. Vous constatez que la courbe en cloche définie par les barres foncées est beaucoup plus large que l'autre. On constate d'importants écarts dans l'indice de bien-être des communautés autochtones, beaucoup plus importants qu'à l'extrémité de la courbe en cloche des barres en blanc illustrant les collectivités non autochtones.
Quand on envisage d'apporter des changements de politiques qui auront un effet sur les Premières nations, il y a lieu de se poser une question : qu'adviendra-t-il des personnes dans la misère qui se trouvent dans la partie gauche de ce graphique? Pour se faire une idée des effets de l'orientation ou des changements politiques envisagés, il y a lieu d'analyser les résultats éventuels sur les personnes se trouvant à l'extrême gauche de la courbe en cloche.
Avant de conclure très rapidement, je tiens à passer un peu de temps sur la diapositive 17 qui fait état des tentatives de réforme en matière de gouvernance et de la situation à ce sujet ailleurs dans le monde. Dans l'ensemble, le constat est plutôt pessimiste. La Banque mondiale, qui se montre la plus positive, a essentiellement déclaré que la richesse n'est pas un préalable à la bonne gouvernance, ce qui est une bonne nouvelle, et qu'il y a essentiellement un rapport de cause à effet entre une bonne gouvernance et des résultats de qualité. Voilà une autre bonne nouvelle. Si l'on peut améliorer la gouvernance, on obtiendra peut-être de meilleurs résultats
Les trois autres points sont plutôt pessimistes. Une amélioration relativement rapide est rare, bien que possible. Voilà qui devrait inciter à la prudence tous ceux qui envisagent d'apporter des changements à la gouvernance, surtout les tierces parties désireuses d'appliquer d'autres politiques. Il est établi que le fait d'imposer des changements de gouvernance à un autre niveau de compétence n'est pas porteur de résultats.
Il y a eu quelques exceptions. Je donne un petit cours sur le sujet dans le cadre duquel je demande aux participants ce qui, selon eux, a constitué l'une des principales exceptions en matière de gouvernance internationale au cours des 15 ou 20 dernières années. Quel pays ou ensemble de pays a connu des changements de gouvernance rapides et positifs? La réponse est : l'Union européenne. Cela est dû à la stratégie d'élargissement de l'Union européenne grâce à laquelle tous les pays de l'ancienne Union soviétique — Lettonie, Estonie, Lituanie, Hongrie, Pologne, République de Tchécoslovaquie, Roumanie et Bulgarie — ont profondément et positivement modifié leur régime de gouvernance en 10 ans. Il y a ce phénomène qui est venu se combiner au renoncement à un système économique centralisé.
La question consiste donc à savoir pourquoi cela s'est produit et s'il n'y aurait pas une façon d'appliquer cette recette magique au Canada? On a bien sûr une idée des dynamiques qui étaient présentes dans ces pays et l'on sait ce qu'ils recherchaient. C'est leurs populations elles-mêmes qui ont souhaité le changement. Elles ont regardé au-delà de leurs frontières et se sont dit qu'elles voulaient faire partie de l'Union européenne. La vision était positive. « On voit bien que, de l'autre côté, le bien-être est supérieur au nôtre. Là-bas, les gens ont des emplois. C'est ce que nous voulons et nous allons influer sur le pouvoir politique pour nous joindre à l'Union européenne. » La poussée est évidemment venue de la population qui, contre vents et marées, a incité ses politiciens à opter pour l'Union européenne et à apporter des changements de gouvernance qui se sont avérés très importants. Il s'agit là de la grande exception à un tableau plutôt tristounet du changement de gouvernance dans le monde.
Je vais sauter les diapositives intitulées « Quelques idées politiques » pour passer directement à la réforme électorale. J'en viens donc à l'analyse de M. Morse à ce sujet avec laquelle je suis essentiellement d'accord. Au mieux, la réforme électorale n'aura qu'un effet modeste sur un ensemble beaucoup plus grand de problèmes. Voilà pour le premier principe. On a affaire ici à quelque chose qui se situe en marge de problèmes de gouvernance beaucoup plus vastes. Les changements aux articles de la Loi sur les Indiens portant sur les élections risquent d'attiser l'opposition des Premières nations — comme M. Morse l'a fort bien fait remarquer — à moins que celles-ci ne soient invitées à participer, dès le début, à la formulation de ces changements. Je suis d'accord avec M. Morse pour dire que ces changements doivent être volontaires. Il faut clairement s'attendre, avec l'article 35, à ce que tout changement unilatéral envisagé par le gouvernement fédéral fasse l'objet d'une forte levée de boucliers de la part des Premières nations.
Permettez-moi d'ajouter quelques mots à ce que M. Morse a dit au sujet d'une commission électorale. On pourrait envisager de mettre sur pied un mécanisme d'appel, concernant l'appartenance et les élections, qui serait contrôlé régionalement par les Premières nations. À cet égard, et j'invite fortement le comité à se renseigner davantage à ce propos, je trouve intéressante la formule du Metis Settlements Appeals Tribunal. Je pense d'ailleurs que vous avez parmi vous un sénateur de l'Alberta qui connaît peut-être ce tribunal. Il y a une vingtaine d'années, les huit établissements métis de l'Alberta ont mis sur pied ce tribunal d'appel qui, au fil des ans, a constitué une jurisprudence en matière de droits des Métis. C'est un excellent exemple que les Premières nations gagneraient peut-être à suivre.
Les établissements Métis ont aussi un médiateur. Il s'agit d'un nouveau mécanisme qui est un peu plus controversé. Là aussi, j'invite instamment le comité, s'il envisage de faire quoi que ce soit à l'extérieur d'Ottawa, à s'informer au sujet du Metis Settlements Appeals Tribunal et du médiateur des établissements métis. Il s'agit de deux mécanismes intéressants, davantage applicables à l'échelle régionale qu'à l'échelle nationale, qui valent la peine d'être étudiés.
Je suis aussi un fervent partisan de l'accréditation volontaire qui est une autre voie possible. Il pourrait être intéressant d'appliquer un système d'accréditation volontaire à la faveur d'une élection ou du choix d'un chef.
Je vous laisserai sur une réflexion. Est-il possible d'imaginer, pour les petites collectivités, une démocratie libérale qui ne reposerait pas sur le droit de vote? Tout se ramène aux élections. Le grand problème, c'est que les élections perturbent énormément la vie d'un grand nombre de ces collectivités. Y aurait-il une façon de remplacer les élections dans de telles situations? Sans aucun doute, dans les petites collectivités de 600 âmes, à condition de faire preuve d'imagination.
Shin Imai, professeur, Faculté de droit D'Osgoode Hall, Université York, à titre personnel : Comme on m'a demandé de limiter mes remarques à 10 minutes, je m'en tiendrai à cela.
M. Graham a dit qu'il était d'accord avec l'essentiel des propos de M. Morse. Avant toute chose, je tiens à préciser que je ne suis pas vraiment d'accord avec ce que M. Graham a dit. Je ne suis pas non plus tout à fait en désaccord. Je trouve plutôt que son approche pose problème. Il a mentionné 12 éléments qu'il convient de corriger dans le cas des bandes régies par la Loi sur les Indiens et de leurs conseils, et a mentionné le caractère lamentable de leur situation. Cette façon de voir pourrait conduire à la paralysie.
Ce que je reproche à la façon dont M. Graham a abordé la chose, c'est qu'il est parti de l'hypothèse que notre système au Sénat et au Parlement est parfait. Nous n'avons pas de problèmes et nous pouvons donc nous attaquer à ceux des bandes régies par la Loi sur les Indiens.
Eh bien, je peux vous dire qu'un conseil régi par la Loi sur les Indiens a eu des problèmes, puisque 13 conseillers se sont retrouvés en prison pour avoir volé de l'argent et que tout le système de gouvernement s'est ensuite écroulé. Je pourrais également vous dire qu'après avoir terminé son mandat, un chef a reçu 300 000 $ en liquide qu'il n'a pas tout de suite déclaré à l'impôt, ayant préféré déposer cette somme dans un coffret de sûreté à la banque. Vous jugerez sans doute que ces exemples sont des problèmes.
Nous nous devons de ne pas perdre tout cela de vue. J'aime bien sûr le Canada et je suis entièrement favorable à notre système. Il y a des problèmes à régler, mais je ne pense pas qu'il faille présenter cela comme si tout le système était à réformer.
Je suis Canadien d'origine japonaise et je ne suis donc pas Autochtone. La première fois que j'ai été dans une réserve remonte à une trentaine d'années. Je n'ai pas autant étudié que M. Graham, mais j'ai travaillé pour le gouvernement, dans le secteur privé où j'ai exercé mon métier d'avocat et enseigné le droit autochtone pendant 15 ans. J'ai personnellement l'impression que d'énormes progrès ont été réalisés. Si vous regardez ce qui se passe un peu partout au Canada, vous constaterez que les Autochtones sont présents dans tous les domaines. Je songe, par exemple, à tous les progrès accomplis dans les professions du droit. Tout cela a un rapport avec la gouvernance. Il faut regarder devant, regarder vers l'avenir, être positif et ne pas s'enliser dans des statistiques qui vous tirent vers le bas et vous font penser que la situation est désespérée.
Je serai heureux de répondre à vos questions sur les trois volets de votre examen. Ma famille me déteste pour cela, mais tous les ans je lis quelque 200 jugements concernant les questions autochtones et je mets ce livre à jour tous les ans également. Si vous voulez connaître les tendances, ce que disent les juges et la façon dont ils abordent toutes ces questions, je pourrai répondre à vos questions parce qu'un grand nombre de différends aboutissent devant la Cour fédérale qui fait un travail fantastique pour composer avec des questions difficiles, compte tenu des instruments légaux dont elle dispose. Elle s'efforce d'adapter les principes actuels du droit administratif d'une façon qui soit compréhensible par les gouvernements des Premières nations. Je vois bien la manière dont la cour s'attaque à certains de ces différends.
Je vais vous parler de deux choses. Premièrement, la responsabilité et, deuxièmement, la réforme de la Loi sur les Indiens. S'agissant d'attribution de la responsabilité, depuis toujours, le régime électoral implicite est le régime coutumier. En vertu de la Loi sur les Indiens, les bandes autochtones devaient organiser leurs propres élections. Désormais, aux termes de l'article 74, le ministre peut déclarer, s'il le juge utile à la bonne administration d'une bande, que son conseil doit être constitué au moyen d'élections tenues selon la Loi sur les Indiens.
Il y a une cause célèbre concernant les Six Nations que vous devez connaître. La Confédération des Iroquois a toujours eu sa façon de gouverner. En 1924, le gouvernement en place a violemment pris le contrôle et imposé des élections en vertu de l'article 74 de la Loi sur les Indiens. Cela a-t-il réglé les problèmes de gouvernance de la Confédération iroquoise? Absolument pas. Au final, sur les 10 000 à 12 000 résidents des réserves des Six Nations qui sont habilités à voter, seuls quelques centaines expriment leurs suffrages parce que la majorité refuse de participer aux élections en vertu de la Loi sur les Indiens. Ils refusent de participer à quoi que ce soit qui découle de cette loi. Dans des situations de ce genre, même si le gouvernement a décrété que c'est la Loi sur les Indiens qui doit s'appliquer, la modification de dispositions relatives à la gouvernance ne réglera pas le problème de fond.
Les réformes dont vous parlez ne s'appliqueront pas à la majorité des bandes qui ne sont pas régies par la Loi sur les Indiens. Je ne m'en étais pas rendu compte avant. Il est intéressant de parler de la possibilité de changement, mais s'il est question d'imposer un quelconque changement aux bandes qui appliquent le régime coutumier, on risque d'être confronté à un sérieux problème juridique parce que la façon implicite d'élire les dirigeants de la communauté consiste à tenir des élections coutumières. C'est un droit qui est clairement entériné par l'article 35 de la Constitution en tant que droit de traité autochtone. Il n'est simplement pas possible d'y substituer une disposition contenue dans une loi fédérale. Il faut, pour cela, appliquer tout un processus de consultation et de justification. Il est fort possible que les tribunaux ne le permettent pas.
Pour ce qui est des bandes ayant opté pour le régime de la Loi sur les Indiens, il va falloir les consulter et collaborer avec les Premières nations avant d'apporter ces changements. M Morse l'a dit également. Je m'appuierai, pour cela, sur l'exemple des Six Nations. Cependant, le problème de fond ne tient pas aux types de changements que vous envisagez. Le problème de fond, tient à la légitimité du système et à la responsabilité qui doit incomber à la communauté plutôt qu'au ministre des Affaires indiennes. Toutes les élections organisées en vertu de l'article 74 de la Loi sur les Indiens placent la responsabilité sur le ministre. C'est un des problèmes des élections tenues en vertu de l'article 74. M. Morse se demandait qui interviendrait advenant qu'un membre de conseil ne se présente pas à trois assemblées de suite. Eh bien, c'est le ministre. Qui doit s'occuper des problèmes liés aux élections, comme un électeur vivant hors réserve? Le ministre. La responsabilité pose problème. Plutôt qu'elle incombe à la communauté, elle incombe au ministre. Encore une fois, je ne pense pas que les changements particuliers que vous envisagez permettront de régler ce problème de fond.
Je vais conclure, parce que j'ai dit que je finirais en 10 minutes. Je ne suis pas contre l'idée d'apporter des changements à la Loi sur les Indiens. J'enseigne le droit autochtone à la Faculté de droit d'Osgoode Hall depuis une quinzaine d'années. Depuis tout ce temps, quatre ministres sur les cinq qui se sont succédé ont essayé de modifier cette loi. J'ai oublié leurs noms, mais il y en a eu plusieurs. C'est tellement difficile à faire en vertu de la Loi sur le gouvernement des Premières nations, qu'ils ont échoué dans leurs tentatives visant à apporter d'importants changements. Comme M. Morse l'a laissé entendre, dans le cas des changements qui ont abouti, le ministère a fini par dire qu'ils seraient facultatifs. La Loi sur la gestion des terres des Premières nations n'était pas d'application facultative, mais à présent, les Premières nations sont libres d'y adhérer ou pas. Les changements au régime de fiscalité interne ne devaient pas être facultatifs, mais ils ont fini par l'être.
Ce sont là des défis particuliers. Je ne sais pas si l'un d'entre vous a lu la définition de la résidence dans la réserve. S'il y a lieu de changer quoi que ce soit, c'est bien cette définition. Avant, il fallait vivre dans la réserve pour participer aux élections en vertu du Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens. Ce règlement fixe toutes les exigences comme le préavis de 45 jours avant de déclencher une élection et les fonctions de président d'élection. Je vous lis la définition de l'expression « réside ordinairement » :
le lieu de la résidence ordinaire d'une personne est en général l'endroit qui a toujours été ou qu'elle a adopté comme étant le lieu de son habitation ou de son domicile, où elle entend revenir lorsqu'elle s'en absente et, en particulier,
lorsqu'une personne couche habituellement dans un endroit et mange ou travaille dans un autre endroit, le lieu de sa résidence ordinaire est celui où la personne couche;
Si vous y comprenez quelque chose...
Le président : Vous êtes censé nous éclairer.
M. Imai : J'adore! Quand on me demande ce qu'il faut faire de la Loi sur les Indiens, je recommande de modifier cet article.
Le président : Merci, professeur. Ce que je veux par-dessus tout, c'est que cette loi soit habilitante, qu'elle soit fondée sur l'adhésion de ceux qu'elle concerne. Je me refuse à préjuger de quoi que ce soit avant que nous ayons entendu ce que les gens ont à nous dire lors des vastes consultations que nous allons entreprendre.
Le comité a étudié la question du développement économique à l'époque où le sénateur Sibbeston le présidait. Dans le Nord de la Colombie-Britannique, un chef réclamait l'autonomie gouvernementale. Selon Stephen Cornell et d'autres de Harvard, c'est la situation idéale. Ce chef dirigeait une bande de 50 personnes dont la moitié étaient des enfants et l'autre des aînés.
La capacité est notre plus gros défi. Nous devons composer avec 252 bandes. Selon vous, comment pourrions-nous regrouper tous ces gens-là par groupes linguistiques ou groupes de traité pour établir une commission électorale, avec un directeur des élections et un médiateur. Quelqu'un veut-il s'essayer à répondre?
M. Morse : Ce qui est intéressant dans la façon dont la Loi sur les Indiens est structurée, c'est qu'il y est question de la capacité, pour les Premières nations, de se subdiviser ou de faire scission. Il n'y est a priori pas question de la capacité des Premières nations de se regrouper. L'orientation de cette loi a consisté à fracturer les nations historiques en petites entités. Ce que vous suggérez, sénateur, exigerait une refonte complète de l'orientation de la politique fédérale, des lois fédérales et des relations qu'Ottawa entretient avec les Premières nations. Il semble que rien dans la loi ne permette au gouvernement fédéral ou au Parlement d'imposer aux Premières nations de travailler ensemble, de partager des services ou des activités, de se répartir des responsabilités ou de se regrouper. Il n'existe, pour l'instant quasiment aucune possibilité d'intervenir dans ce sens, même pas auprès des Premières nations qui seraient disposées à le faire, à moins que cela se produise hors des cadres de la Loi sur les Indiens par le truchement d'ententes sur l'autonomie gouvernementale, comme l'a fait la Nation Nisga'a. Cependant, un tel regroupement en vertu de l'actuelle Loi sur les Indiens ne correspond pas aux aspirations des Premières nations, outre que la loi ne permet pas de le faire. Pour y parvenir, il faut sortir des cadres de la loi.
La capacité des petites communautés que sous-entendait votre question, surtout en Colombie-Britannique, devient un énorme problème quand on songe à l'incidence de la démarcation à partir de la seconde génération sur l'avenir de ces communautés. Il est nécessaire de s'attaquer à cette situation, ce qui exige de donner la possibilité aux communautés de prendre ce genre de décisions et de s'assurer que tout ce qui s'oppose à leur décision de s'unifier sera nivelé. De plus, il faudra alors les doter de moyens accrus pour leur permettre d'augmenter leurs populations afin d'être plus efficaces du point de vue économique et de pouvoir puiser dans un bassin de main-d'œuvre suffisant pour assumer toute la batterie des responsabilités qui leur incombent.
Le sénateur Sibbeston : Je suis originaire des Territoires du Nord-Ouest où la plupart des Autochtones ont quitté un mode de vie jadis axé sur ce que leur fournissait la terre, pour se sédentariser. On dirait que les Inuits sont tombés plus facilement dans les nasses du gouvernement. Ils ont établi des gouvernements communautaires, ont fait construire des édifices pour abriter leur gouvernement, des salles de conseil agréables, ils s'assoient dans des chaises à dossier élevé et ont un peu d'argent. Ils ont accepté cette forme de démocratie sans trop poser de questions.
Les Dénés, dans le Nord, se sont, quant à eux, montrés davantage suspicieux envers le système de gouvernement, parce que beaucoup avaient leurs formes traditionnelles de gouvernement et d'organisation. Les Dénés n'ont pas voulu automatiquement embrasser le système de gouvernement territorial. Ils l'ont contesté et n'ont pas accepté tel quel notre système démocratique. Cependant, au fil des ans, beaucoup en sont venus à reconnaître et à accepter l'idée de voter dans un système où chaque voix compte.
Il y a plusieurs années de cela, le Conseil tribal des Dehchos appliquait un système selon lequel les candidats à une fonction au conseil tribal étaient passés au crible par les aînés. Aujourd'hui encore, les aînés ont leur mot à dire lors de chaque élection et les candidats doivent se soumettre à leur examen, bien que cette formule suscite une certaine résistance. La plupart d'entre eux ont, à contrecœur, opté pour le système démocratique. Nous parlons d'un système de gouvernance et d'acceptation de la démocratie en tant que moyen de gouverner et de diriger les gens. Or, c'est un phénomène nouveau, étrange, et il ne faut pas se surprendre qu'il ait fallu un certain temps pour que les communautés autochtones acceptent et adoptent le système d'élections démocratiques. Certaines, qui y voient le système de l'homme blanc, ne sont pas disposées à l'accepter facilement. C'est le genre de problème avec lequel nous composons. Il faut comprendre que c'est un concept difficile qui n'est pas facile à accepter, bien que les communautés autochtones acceptent la démarche démocratique.
Dans une société blanche, on a affaire à des individus, mais dans les communautés autochtones, on raisonne en termes de deux ou trois grandes familles. Lors des élections, chaque famille appuie son candidat. C'est un système différent et c'est une situation différente de celle qu'on retrouve dans les collectivités non autochtones, ailleurs au Canada. Si nous reconnaissions cette réalité, nous comprendrions mieux pourquoi ce n'est pas aussi facile et pourquoi notre système n'a pas été repris aisément par les Premières nations. Je tenais à le préciser et, professeur, j'ai l'impression que vous avez reconnu ce facteur.
M. Imai : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Votre remarque est très pertinente. Je sais que les autres membres du comité en sont conscients, mais il ne s'agit pas d'une solution universelle. Tous les peuples autochtones n'ont pas des réactions identiques. Même chez les Premières nations, les approches varient grandement d'une bande à l'autre.
Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Graham à la fin de son intervention. C'était très intéressant. Vous vous demandiez si nous ne sommes pas accrochés au système de vote à bulletin secret? J'ai lu les causes concernant certaines élections organisées autour de regroupements familiaux. Les représentants de familles désignent le chef par consensus. Le système peut être fondé sur les cercles familiaux, il peut aussi être héréditaire. On expérimente beaucoup. Je ne veux pas vous donner l'impression qu'en agissant ainsi, on va soudainement régler tous les problèmes, parce que si je suis au courant de tout cela, c'est qu'il s'agit de causes ayant été entendues par la Cour fédérale, certains ayant prétendu que telle ou telle famille n'avait pas choisi la bonne personne. Même avec ces systèmes traditionnels, il y a des différends, mais les tribunaux sont là pour trancher. Après tout, c'est pour cela que nous avons autant de juges et d'avocats.
On peut envisager une certaine régénération et une façon de s'attaquer à certains des problèmes que vous avez soulevés, sénateur, de même que vous, monsieur Graham.
Le sénateur Hubley : Merci à vous tous de vous être déplacés ce soir. Cette rencontre est certainement très instructive pour les deux côtés.
Monsieur Morse, vous avez fait état d'un grand nombre de défis auxquels sont confrontées nos Premières nations. Étant donné toute la palette des responsabilités qui incombent aux chefs et au conseil après leur élection, est-il juste et raisonnable d'appliquer une durée de mandat inspirée de notre modèle qui ne colle peut-être pas suffisamment bien aux réalités des Premières nations, du moins pas à leur stade de développement, et ne devrions-nous pas envisager d'allonger la période entre deux élections? Nous avons songé à quatre ans, mais est-ce raisonnable? Cette durée de quatre ans est inspirée d'autres modèles appliqués par des gouvernements établis, peut-être par des municipalités qui sont aux prises avec ce genre de problème de gouvernance depuis longtemps. Est-ce raisonnable d'appliquer une telle période aux communautés des Premières nations?
M. Morse : Merci, sénateur, pour cette excellente question. Je vais tenter de vous répondre de différentes façons et, en quelque sorte, d'enchaîner sur la réponse de M. Imai au sénateur Sibbeston.
À l'expérience, et à la façon dont je comprends les choses, je peux vous dire qu'avant la Loi sur les Indiens et là où cette loi n'est pas appliquée, les Premières nations ont toujours été des chefs de file en matière de démocratie. Quant à moi, la démocratie ne s'exprime pas nécessairement par les urnes, mais elle veut dire que le peuple a voix au chapitre dans la sélection de ses dirigeants et dans les décisions que prennent ses gouvernements. Les Premières nations étaient formidablement démocratiques. Je conviens avec M. Imai qu'il ne manque pas d'options sur la façon d'envisager la démocratie au-delà d'élections qui se déroulent à certaines périodes.
Il y a ce que certains gouvernements appellent maintenant la procédure de destitution. J'ai personnellement l'impression que les gouvernements de Premières nations appliquent ce genre de procédure depuis longtemps, que ce soit pour exclure un chef ou pour former une autre nation sous la houlette d'autres dirigeants parce qu'un groupe de la communauté aura été mécontent de son conseil. La procédure de destitution a toujours existé, en un certain sens.
Une notion qui n'apparaît pas dans l'actuelle Loi sur les Indiens, sauf en cas de contestation de la validité d'une élection ou de violation de l'article 78 par un chef et un conseil en place, c'est la perte de confiance. Il n'y a pas, dans les gouvernements de Premières nations, d'équivalent à cette notion de perte de confiance qu'on retrouve à la Chambre, au fédéral, et dans les assemblées législatives provinciales. On peut rattacher la question de la durée du mandat en partie à la capacité des membres d'une communauté d'exprimer leur perte de confiance envers un chef ou un conseiller.
La seule réserve que j'aurai donc à l'allongement du mandat, surtout s'il est question d'aller au-delà de quatre ans, c'est que les communautés n'ont justement pas la capacité de dire que les choses ne fonctionnent pas, qu'elles ont perdu confiance envers leur chef ou un conseiller. Elles devraient avoir la capacité de s'attaquer à ce genre de problème grâce à un mécanisme de destitution. Certaines Premières nations qui appliquent un mode d'élection traditionnel disposent de cette capacité, mais celle-ci n'est pas prévue dans la Loi sur les Indiens.
J'estime qu'il conviendrait de parler de cette question de perte de confiance ou de la possibilité de convoquer une élection anticipée, si vous voulez, avec les Premières nations à la faveur des consultations que vous entreprendrez et de faire le lien avec la question du mandat. Plus une communauté sera en mesure d'exprimer son désir de changer de dirigeant et plus elle se montrera, selon moi, disposée à envisager le prolongement des mandats des titulaires de charges publiques après leur choix officiel, que ce soit par un vote à main levée, par un vote secret ou par un autre mécanisme.
Le sénateur Hubley : J'ai une remarque à faire au sujet de votre premier point de la diapositive concernant la réforme électorale. Vous dites qu'au mieux la réforme électorale n'aura qu'un effet modeste sur un ensemble beaucoup plus grand de problèmes. Si je renverse cette proposition, puis-je affirmer qu'un gouvernement stable donnera davantage la possibilité aux Premières nations de composer avec les nombreux problèmes auxquels elles sont actuellement confrontées? Je devine quelque chose de négatif là-dedans. Étant donné la relation entre le gouvernement fédéral et les Premières nations, entre les gouvernements provinciaux et les Premières nations, nous devons tenir compte du type de gouvernement que nous avons et nous demander comment traiter au mieux avec les Premières nations. Nous avons peut-être l'impression que, si nos systèmes de gouvernement étaient semblables, cela simplifierait la tâche de nos interlocuteurs. J'aimerais envisager tout cela de façon plus positive. J'aimerais croire que la réforme électorale sera intéressante pour les communautés des Premières nations et j'espère que cette réforme leur permettra de mieux aborder nombre d'autres problèmes que vous avez mentionnés. J'aimerais leur donner davantage l'occasion de s'attaquer à certains de ces problèmes.
M. Graham : J'ai essayé de tempérer un peu votre enthousiasme en vous disant que ce n'était pas là une recette magique. J'aurais peut-être dû m'abstenir. Il est toujours bon, en général, que le gouvernement ait une certaine stabilité. Je n'ai pas de données précises à ce sujet, mais si l'on regardait ce qui se passe du côté des Premières nations qui s'en sortent particulièrement bien, on s'apercevrait que beaucoup d'entre elles sont dirigées par des chefs qui sont là depuis longtemps. Elles semblent être dirigées par des chefs charismatiques qui paraissent capables de remporter élection sur élection et de formuler une vision stable et à long terme à laquelle adhère la communauté. Cela étant, les gouvernements de ce genre semblent bien fonctionner. Ce sont ceux où le brassage politique est le plus important qui sont les moins stables. Les orientations changent brusquement, ce qui a tendance à donner lieu à une gouvernance laissant à désirer. Je reconnais qu'il serait possible de formuler tout cela de façon plus positive, mais j'essayais de situer la réforme électorale dans un contexte large.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Bonjour, messieurs. Je m'occupe d'élections en vertu de la Loi sur les Indiens depuis presque toujours et s'il y a une chose qui me préoccupe, c'est que la corruption est très répandue. Il faudrait exiger davantage de comptes. Si je vous dis cela, c'est que quelqu'un est venu me dire qu'un groupe s'était plaint auprès du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, mais que le ministère ne voulait pas en entendre parler. Il a renvoyé ces gens-là à la GRC, affirmant qu'elle était la responsable, mais la GRC a refusé de toucher au dossier. Quel système d'appel constituerait, selon vous, un bon mécanisme?
M. Imai : Pour l'instant, toutes ces causes aboutissent devant la Cour fédérale et il a été recommandé d'adopter un système de substitution. Personnellement, je pense qu'il serait utile de constituer des commissions régionales auxquelles siégeraient des représentants de Premières nations qui ne viendraient pas tous de la même communauté. Je sais que cette formule présente ses travers, mais son avantage, c'est qu'il incomberait à ces gens-là de faire le travail. Comme vous disiez, il est parfois difficile de communiquer avec les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes, que ce soit parce qu'ils sont déjà trop occupés par ailleurs ou parce que d'autres éléments entrent en jeu.
Il serait difficile de duper les membres d'une commission efficace, parce qu'ils sauraient comment s'attaquer à ce genre de problèmes. Vous me direz : comment avoir la certitude que la commission soit composée des bonnes personnes ou ce genre de choses? Ce sera toujours un problème. Vous pourriez essayer de combiner cette commission avec un comité conjoint composé, par exemple, de juges de la Cour fédérale. Il y a bien des façons d'envisager la chose. L'actuel système, qui fait qu'on se retrouve soit devant la Cour fédérale, soit obligé de solliciter l'attention de quelqu'un au ministère des Affaires indiennes, n'est pas idéal. Il y a donc place au changement.
M. Morse : Permettez-moi d'ajouter une chose. Je ne suis pas du tout surpris par vos remarques, sénateur. Sur le plan pratique, si vous vous rendez à un bureau régional dans l'espoir de parler avec le responsable des enquêtes au sujet des élections, vous ne trouverez personne. Il n'y a personne, aucun bureau spécialisé, aucune expertise au sein du ministère des Affaires indiennes qui pourrait vous orienter vers la personne qui, dans la région de l'Atlantique, par exemple, s'occupe de toutes ces questions. On ne vous dira pas que telle ou telle personne a acquis de l'expérience parce qu'elle travaille sur ces questions depuis cinq ou dix ans. Pourtant, le ministère pourrait tenir compte de l'expérience de son personnel et de ses antécédents dans certains dossiers. Ça ne se fait pas.
Ce qu'il y a de contradictoire, c'est que malgré sa taille importante et le fait qu'il soit responsable des questions d'élections, du moins en ce qui concerne les Premières nations qui sont sous le régime de la loi — pas celles qui tiennent des élections coutumières — , le ministère ne dispose pas de ce genre de compétences et on n'y trouve personne à qui parler. Quant à la GRC, je peux vous dire, à l'expérience, qu'elle ne veut surtout pas enquêter au sujet d'une quelconque activité concernant les gouvernements des Premières nations. Il faut la pousser pour qu'elle intervienne. Même quand elle est invitée par des chefs à faire enquête au sein des communautés, la GRC ne veut pas vraiment y aller. Et même quand elle y va, on ne trouve pas de procureur provincial pour prendre le dossier en main parce que ces gens-là estiment que ce n'est pas assez important et que ce n'est pas non plus tout à fait leur travail. Au final, même pour les cas les plus flagrants, il n'existe actuellement pas de véhicule qui permette de s'attaquer efficacement à ces problèmes. Cela peut d'ailleurs en occasionner d'autres.
D'un autre côté, il y a les plaintes fallacieuses qui font planer un nuage noir au-dessus de la tête des chefs et des conseillers qui n'ont aucun moyen de se mettre à l'abri. Le statu quo que nous maintenons depuis très longtemps est une véritable catastrophe.
Le sénateur Lovelace Nicholas : J'espère que nous irons au fond de tout cela à la faveur de cette importante étude que nous entamons.
M. Graham : Je vous ai mentionné deux modèles que vous pourriez examiner. Il y a celui du Metis Settlement Appeal Tribunal et celui du médiateur. Ce sont des modèles intéressants, les seuls modèles autochtones que je connaisse au Canada. Il semble y en avoir beaucoup aux États-Unis, mais ces deux là sont très intéressants. Il est possible que le Metis Settlement Appeal Tribunal s'intéresse, pour l'instant, uniquement aux questions concernant la terre et l'appartenance aux bandes, mais une étude est en cours pour voir s'il ne serait pas envisageable d'étendre son mandat aux questions concernant les élections et aux sujets dont nous parlons ici. C'est un intéressant modèle à étudier. Je recommande que votre comité s'y intéresse.
Le sénateur Lovelace Nicholas : J'imagine que tout cela va prendre du temps, beaucoup plus que deux ans.
Le président : Sénateur Lovelace Nicholas, j'ai demandé à notre personnel de soutien de la bibliothèque et à nos recherchistes d'essayer de mettre la main sur des documents qui vont dans le sens des suggestions de M. Graham à propos des établissements métis.
Le sénateur Peterson : Merci à nos témoins. Il nous est souvent arrivé d'entendre les témoins nous dire que la Loi sur les Indiens est dysfonctionnelle. Ce soir, vous avez en quelque sorte renforcé cette théorie, mais il se trouve qu'on nous a confié la tâche d'étudier tout ce qui concerne les élections en vertu de la Loi sur les Indiens. Cela étant posé, quels avantages et inconvénients présente de fait d'essayer de modifier la loi fédérale — c'est-à-dire la Loi sur les indiens — relativement au régime électoral, et n'estimez-vous pas plutôt que nous devrions adopter une orientation radicalement différente?
M. Imai : Comme je le disais, j'ai personnellement vu passer, au cours des 15 dernières années, un grand nombre de projets de loi de ce genre qui ont tous fini par être d'application facultative ou par devenir des lois habilitantes. Cela étant — et je suis optimiste — il est toujours possible d'agir pour composer avec la situation ou pour apporter des améliorations. C'est positif.
Il faut que la procédure suivie soit bien claire. Le sénateur St. Germain a dit qu'il y aurait des consultations, ce qui est une bonne chose, mais il faut aussi s'entendre sur le genre de relations qui seront instaurées après les changements apportés à l'article 35. Par exemple, les bandes qui en resteront au système coutumier ne seront pas concernées. C'est là quelque chose d'important à souligner. Voilà ce que j'avais à dire en réponse à votre question.
Le sénateur Peterson : Nous avons dit que la gouvernance coûtait 10 fois plus que dans le cas des municipalités, ce qui est compréhensible à cause du grand nombre de petites bandes. De plus, un grand nombre de réserves se trouvent à proximité de centres urbains et la moitié de leurs membres résident hors réserve. Est-ce un problème de gouvernance qui va gagner en importance ou va-t-on pouvoir le régler? Qu'en pensez-vous?
M. Graham : Une petite rectification. Quand je parlais des coûts de la gouvernance, je voulais parler des dépenses générales du gouvernement par habitant et non des coûts de la gouvernance en tant que telle.
L'arrêt Corbière — et M. Morse le connaît mieux que moi — a été lourd de conséquences pour un grand nombre de Premières nations, ne serait-ce qu'à cause du système administratif qu'elles ont dû mettre en place pour déterminer qui était résident, pour trouver une façon raisonnable et professionnelle de communiquer avec ces gens-là et pour leur donner la possibilité de participer aux élections. J'estime, pour ma part, que ce problème risque de perdurer, mais M. Morse voudra peut-être ajouter quelque chose de son côté.
M. Morse : Il y a une réalité démographique, c'est que la population des Premières nations ne cesse d'augmenter, malgré l'incidence de la démarcation à partir de la seconde génération sur un grand nombre d'Indiens inscrits. Rien ne laisse croire que cela va changer. La population continuera d'augmenter et il est probable qu'elle continue de le faire hors réserve, ce qui posera de plus en plus de problèmes. Je pense que c'est à peu près inévitable.
Les Premières nations continueront de devoir assumer des responsabilités de plus en plus importantes et il sera donc nécessaire qu'elles disposent de budgets plus importants à ce titre. Les budgets de la santé ont augmenté en flèche partout ailleurs. Il n'y a aucune raison que les budgets de santé des Premières nations n'augmentent pas non plus. La difficulté, c'est que l'augmentation des budgets dont disposent les Premières nations depuis 15 ou 20 ans n'a pas suivi la progression démographique ni la progression des coûts. La population a augmenté et il faut s'attendre à ce que cela continue. Tous ces problèmes demeureront dans l'avenir. Les questions de capacité et de gestion continueront de se poser, d'où la nécessité croissante, pour les Premières nations, de s'attaquer à tous ces problèmes de façon plus efficace.
Le sénateur Brazeau : Tout d'abord, j'aimerais respectueusement clarifier une de vos déclarations, professeur Morse, celle concernant le Comité consultatif ministériel conjoint dont vous avez dit qu'il réunissait le MAINC et l'APN. En réalité, la représentation à ce comité était multiple, puisqu'on y retrouvait des représentants du Congrès des peuples autochtones ainsi que de l'Association nationale des femmes autochtones. Siégeaient aussi à ce comité des particuliers représentant la Première nation Membertou et certains de vos collègues, comme Jim Aldridge et d'autres. Je tenais à faire cette précision pour mémoire.
Par ailleurs, professeur Morse, vous avez parlé de l'obligation de consulter du gouvernement fédéral. Selon vous, celle-ci va-t-elle de pair avec le consensus des groupes consultés?
M. Morse : Je vais essayer de vous répondre en fonction de ce qui constitue, selon moi, l'état actuel et l'orientation du droit. Le droit dit actuellement que cette obligation qui incombe à l'État varie selon les répercussions des enjeux, de leur importance pour les communautés autochtones, de même que de l'intérêt que celles-ci démontrent envers ces enjeux.
Pour ce qui est des sujets dont traite votre comité, c'est-à-dire les 252 Premières nations actuellement visées par les règles de la Loi sur les Indiens qui concernent les élections, j'aurais beaucoup de mal à envisager un quelconque changement à cet égard qui ne serait pas important. Nous serions donc à une extrémité du spectre. Comme mes deux collègues vous l'ont dit, l'article 35 protège, en droit, les Autochtones et les droits de traité qui interviennent ici relativement à tout changement qu'on voudrait apporter au régime de sélection des dirigeants. On est donc à l'extrémité du spectre où il n'est pas simplement question de « consulter » mais bien d'« obliger ». La Cour suprême du Canada a déclaré que, dans les circonstances appropriées, cela ne veut pas simplement dire consulter ou obliger, mais bien consulter la partie qui va subir un important impact au niveau de ses droits existants ou de ses droits avérés. Les questions concernant les élections se trouvent donc à cette extrémité du spectre. Le fait de devoir consulter ceux et celles qui sont touchés par les enjeux de l'heure ne revient pas à une simple affaire de bonne politique de la part du gouvernement. Peu importe également que le gouvernement fédéral soit tenu, par la Constitution, de consulter les Premières nations dans certaines circonstances. J'estime plutôt que tout cela est affaire de consentement, parce que les Premières nations qui seront touchées par une loi quelconque destinée à encadrer ces questions doivent, au moins, y consentir.
Autrement dit, soit le projet de loi doit être d'adhésion volontaire, soit les Premières nations doivent y donner leur accord par avance. Par exemple, les 13 Premières nations qui ont participé à l'élaboration de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations se sont toutes retrouvées mentionnées dans la première version de l'annexe. Elles avaient convenu que tel serait le cas, quand elles ont signé l'entente de gestion des terres des Premières nations, avant même que la loi ne soit rédigée. Elles y avaient, en quelque sorte, consenti d'avance plutôt que d'y adhérer par la suite, bien que l'entrée en vigueur des codes fonciers soit intervenue par la suite. C'est un scénario ou l'autre. Soit il est question d'amener les Premières nations à consentir d'avance à la loi, à inscrire leur nom dans l'annexe, soit il faut adopter une loi d'application facultative qu'elles pourront appliquer ensuite. À cet égard, une simple consultation est insuffisante.
Le sénateur Brazeau : Le projet de loi de l'ancien ministre des Affaires indiennes, Bob Nault, la Loi sur le gouvernement des Premières nations, n'était pas une loi habilitante, mais elle prévoyait, pour toutes les communautés tenant des élections en vertu de l'article 74, la possibilité d'appliquer leurs propres processus de sélection des dirigeants, la durée des mandats, les critères de candidature et même la possibilité d'appliquer leurs propres cadres de responsabilité. Bien des dirigeants, à cette époque, ont affirmé qu'on leur imposait cette loi et qu'ils avaient des droits en vertu de l'article 35. Personnellement, je crois que les communautés des Premières nations auraient eu la possibilité de se doter des processus qui auraient reflété leurs propres valeurs, leurs coutumes et traditions, mais elles ont préféré boycotter le processus, ce qui a conduit à l'échec du projet de loi.
M. Morse : Mes collègues seront peut-être heureux de compléter mes remarques à ce sujet, et j'espère qu'ils vont le faire.
L'une des caractéristiques d'un grand nombre de politiques au Canada, et c'est particulièrement vrai dans le cas des Premières nations, c'est que tout est question de processus. Le processus est souvent plus important que les détails ou le contenu. Les Premières nations auraient certainement accueilli beaucoup des aspects du projet de loi sur le gouvernement des Premières nations, mais à cause du processus auquel ce texte a été soumis, beaucoup s'y sont opposés.
Un projet de loi traitant simplement de questions électorales — même s'il se veut un projet de loi habilitant — est, quant à moi, condamné à l'échec s'il semble être imposé unilatéralement par l'État. Le processus devient essentiel dans ce cas. Il faut donner l'impression que le projet de loi est le produit d'une concertation. Il doit être considéré comme un texte que les Premières nations appuient avant même qu'il soit soumis à la Chambre ou au Sénat et avant même qu'il soit ensuite étudié par ce comité et son pendant de l'autre Chambre.
Le sénateur Brazeau : J'ai eu la chance d'observer l'évolution de cette mesure législative tandis que je siégeais au Comité consultatif ministériel conjoint. Celui-ci avait été mis sur pied pour formuler des recommandations au ministre au sujet de la rédaction de ce projet de loi. Toutes les parties prenantes représentées autour de la table, y compris l'Assemblée des Premières Nations, pouvaient s'exprimer à ce sujet. C'est ce qui a contribué à la formulation de cette mesure législative.
Je conviens avec vous que tout est question de processus, mais j'estime qu'à l'époque, le processus était destiné à permettre aux gens de soulever leurs préoccupations à propos de cette mesure législative, en vue de l'améliorer et de faire en sorte que les Premières nations en bénéficient.
J'ai une chose à dire à propos de la remarque de M. Imai au sujet des codes coutumiers. J'ai eu le privilège, dans mes fonctions antérieures au cours des deux dernières années, d'effectuer un gros travail sur les codes coutumiers. Le fait qu'il existe actuellement différents codes coutumiers à travers le Canada n'est pas sans soulever bien des problèmes. Beaucoup de ces codes ne sont pas conformes à la Charte, puisqu'ils maintiennent l'exclusion d'un grand nombre de membres qui ne peuvent pas participer aux élections à la chefferie, que celles-ci se déroulent à bulletin secret ou autrement. Les critères d'admissibilité fondés sur l'âge varient d'une bande à l'autre, et il y a aussi le problème de l'exécution et du recours. Le ministre intervient rarement en cas de conflit dans les communautés qui appliquent un code coutumier.
Par exemple, il y a actuellement un conflit juste au nord de mon lieu de résidence, chez les Algonquins de Barrière Lake. Deux groupes s'opposent. L'un favorable au maintien des élections coutumières et l'autre qui est favorable aux élections récemment organisées en vertu de l'article 74. Ces deux groupes, qui appartiennent à la même communauté, se battent l'un contre l'autre. L'un des problèmes tient au fait que ces codes coutumiers ne comportent pas beaucoup de règles susceptibles de guider l'électorat sur la façon dont fonctionne la gouvernance dans de telles communautés.
Je me garderai donc d'affirmer que le système reposant sur l'application des codes coutumiers, traditionnellement utilisé par les communautés de Premières nations, a toujours fonctionné pour celles-ci compte tenu des problèmes importants que ces codes ont soulevés.
M. Imai : Je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet. Je n'essayais pas d'idéaliser les codes coutumiers par rapport aux élections tenues en vertu de la Loi sur les Indiens. Chaque système d'élection présente ses problèmes. Je disais simplement qu'en droit, les élections coutumières constituent le régime implicite. Le ministre doit publier une déclaration annonçant le passage du régime coutumier à celui de la Loi sur les Indiens. Il peut ensuite retirer cette déclaration, auquel cas on en revient à la position implicite. Ce que vous dites au sujet des problèmes que posent les codes coutumiers est bien compris, mais cela nous ramène à la question du mécanisme de règlement des différends.
Pour l'heure, le ministre ne se mêle pas de ce genre de dossier qui aboutit devant la Cour fédérale où les juges font de leur mieux pour dépatouiller tout ça. Comme les codes sont incomplets, les juges doivent se livrer à une interprétation extensive des dispositions qu'ils contiennent afin de faire correspondre les différents éléments entre eux.
Dans votre critique, vous pourriez également affirmer que ces jugements sont également incomplets, mais à ce moment-là, pourquoi avoir des juges et à quoi sert la common law? Nos lois elles-mêmes ne codifient pas tout, pas même notre Constitution. La Cour suprême a elle-même affirmé que tout n'a pas été consigné dans la Constitution. En common law, nous savons que tout un pan de notre droit, comme celui des contrats, par exemple, n'est pas codifié. Il l'est au Québec, mais pas dans les provinces et les territoires de common law. On part des décisions rendues par les juges qui sont reprises et commentées par des professeurs qui leur confèrent dès lors une certaine importance et qui les transforme en règle. C'est mon travail.
Je suis entièrement d'accord avec vous, mais vous ne pouvez nier l'importance d'un mécanisme de règlement des différends, dans un système comme dans l'autre, qu'il s'agisse de la Cour fédérale ou d'un tribunal autochtone, parce qu'il y aura forcément des vides à combler.
Le sénateur Brazeau : Une petite chose très rapide. J'ai étudié le droit civil et je dois vous dire que nous essayions de tout codifier, de tout consigner pour faciliter les choses.
M. Imai : Et vous y êtes parfaitement arrivés.
Le sénateur Lang : J'ai trouvé ces deux heures à la fois enrichissantes et déprimantes. C'est sans malice que je dis cela à l'intention de nos témoins, mais vous nous présentez la chose comme s'il s'agissait d'une tâche insurmontable.
Dites-moi, monsieur Graham, si vous étiez un élu, dans un monde idéal — pour un mandat de deux ans, mais avec la possibilité de le porter à quatre ans — est-ce que vous le feriez et si oui, le feriez-vous parce que vous estimeriez que ça pourrait contribuer à améliorer le système actuel?
M. Graham : Quatre ans, c'est mieux que deux ans, mais je dois préciser une chose avant de vous répondre. Mieux vaudrait pouvoir se rabattre sur un mécanisme quelconque de règlement des différends ou de destitution. Quatre ans, c'est long s'il est question de continuer à supporter un système qui, à l'évidence, a déraillé. Je réponds donc oui à votre question, j'opterais pour quatre années, mais il faudrait pouvoir se rabattre sur un bon système de règlement des différends ou sur un mécanisme permettant aux citoyens d'exposer leurs problèmes, qu'un médiateur ou autre.
Le sénateur Raine : Je trouve cette discussion fascinante et je vous remercie de vous être déplacés. Je suis d'accord avec M. Imai, autrement dit que bien des choses changent et dans le bon sens. Je reviens toujours à l'idée que nous habitons un vaste pays et que les Premières nations sont très différentes les unes des autres, qu'elles ont toutes leur patrimoine, leurs traditions et leurs propres besoins. Ce serait une erreur pour nous que de chercher une solution universelle.
À ce sujet, j'aimerais que M. Graham nous parle davantage de l'idée qu'il a formulée pour les petites bandes, celle consistant à leur permettre de choisir un chef sans tenir d'élection. Pourriez-vous nous décrire cela davantage?
M. Graham : Dans des petites communautés de ce genre, il y a de fortes chances que tout tourne autour des groupements familiaux. M. Imai vous a dit qu'un groupe familial peut appliquer un processus de désignation d'un représentant qui va ensuite siéger au conseil, plutôt que de tenir une élection risquant de dresser les familles les unes contre les autres.
J'ai vu une autre formule intéressante, celle d'un comité d'aînés, ce qui ne sera pas sans vous plaire, sénateurs. Cela ressemble un peu au Sénat. Le conseil s'en remet en partie au comité d'aînés, composé de représentants des groupes familiaux, pour avoir une seconde opinion sur le genre de décisions à prendre. Ainsi, aucune famille ne se trouve plus désavantagée que les autres par les décisions du conseil ou des dirigeants. Voilà deux façons de jouer autour de la dynamique familiale qui, autrement et dans bien des cas, est source de ruptures et de perturbations profondes quand on impose un processus électoral.
Le sénateur Raine : Je voulais vous poser aussi une question au sujet des élections coutumières, formule appliquée par plus de la moitié des Premières nations. Quelle est la durée normale des mandats ou existe-t-il d'importantes variations entre les bandes qui appliquent la formule des élections coutumières?
M. Morse : Avez-vous des données à ce sujet?
M. Imai : Je n'ai pas vu de données, mais à la lecture des jugements, j'ai eu l'impression que les mandats sont plus longs. Je crois avoir entendu M. Morse vous dire qu'ils étaient de trois ou quatre ans. Je ne pense pas en avoir vu de plus longs que ça.
Le sénateur Raine : J'ai l'impression que les bandes qui ont décidé d'opter pour le régime des élections coutumières l'ont fait de leur propre chef.
M. Imai : Oui.
Le sénateur Raine : Cela pourrait peut-être nous donner une idée de ce que ces bandes auraient choisi.
M. Imai : Ce serait intéressant. Veuillez m'envoyer un courriel quand vous aurez la réponse.
Le président : Vous savez maintenant ce que vous avez à faire, sénateur.
M. Morse : L'un des problèmes, c'est qu'il n'y pas de registre de codes coutumiers ou de règles d'élections coutumières. Les Affaires indiennes n'en tiennent pas du tout. Ce pourrait être tout un travail que d'aller fouiller là- dedans. D'un autre côté, je ne me souviens pas d'avoir vu une seule cause entendue par la Cour fédérale qui ait concerné des mandats de deux ans. Tous les cas auxquels je pense concernaient des mandats de trois ou quatre ans.
Dans la même veine, je tiens à préciser que la Cour fédérale du Canada s'en tire très bien, malgré une situation difficile, pour faire office de mécanisme de résolution des différends dans les cas de contestation portant sur des élections coutumières, et il se trouve que nous n'avons pas l'équivalent pour les élections tenues en vertu de la Loi sur les Indiens. L'inconvénient, c'est qu'une poursuite devant la Cour fédérale est coûteuse outre que se pose la question des délais. Avant que la Cour fédérale ait enfin rendu sa décision, il arrive fréquemment que le mandat soit arrivé à terme. La décision peut fort bien invalider l'élection tenue trois ans plus tôt, mais une autre a déjà eu lieu avant même la publication du jugement. Il est donc important de faire preuve de célérité dans certains dossiers, comme la Ville d'Ottawa est en train de s'en rendre compte.
Le sénateur Raine : Monsieur Morse, savez-vous pourquoi le gouvernement fédéral a choisi des mandats de deux ans?
M. Morse : Parce qu'ils sont courants à l'échelon municipal, je pense. Je n'ai vu aucun document expliquant cette décision, mais c'est l'impression que j'ai.
Le sénateur Brown : Monsieur Morse, vos deux conclusions m'ont intéressé. Vous avez dit que la durabilité est très importante, mais qu'il faut bien viser dans le cas des mesures incitatives et que le fait de trop insister sur des tentatives à court terme risque d'occasionner des problèmes techniques. Je suis d'accord avec ces deux remarques.
J'ai personnellement siégé, pendant neuf ans, à une commission de planification en banlieue d'une grande ville, en Alberta. Pendant quatre ans, j'ai été simple membre, puis j'ai présidé la commission cinq ans durant. Nous nous occupions de trois Premières nations. L'une d'elles a construit un terrain de golf entouré de maisons cossues qu'elle a eu l'intelligence de louer plusieurs fois de suite. Une autre Première nation a construit un centre de villégiature avec des chalets sur un bord de lac à l'extérieur de la ville. Une troisième a vendu pour environ 70 millions de dollars un lopin de terre ayant servi à la construction d'une voie de raccordement qui contourne la ville et, avec cet argent, elle a fait construire un énorme casino.
Nous nous en sortirions très bien si nous laissions le soin aux Autochtones de décider d'eux-mêmes de la façon dont ils veulent être gouvernés et pour quelle durée de mandat. Vous avez vous-même constaté que nous n'avons pas fait du très bon travail avec la Loi sur les Indiens. La solution consisterait peut-être à lever un peu le pied.
Vous avez dit une chose avec laquelle je ne suis pas d'accord. Vous avez dit que l'Union européenne avait accompli une grande réalisation. Certes, mais si je me rappelle bien mes cours d'histoire, les Européens se sont tout de même entretués pendant quelques centaines d'années avant d'en arriver à cette union parfaite. C'est pour ça que je soutiens que nous devrions peut-être marquer un temps d'arrêt et permettre à ces communautés de décider par elles-mêmes.
M. Morse : Je vais laisser à mon collègue le soin de défendre le modèle européen qu'il a présenté.
Les cas que vous avez décrits, sénateur Brown, sont ceux de Premières nations riveraines d'une grande métropole albertaine. On est loin de trouver le même genre de débouchés économiques pour les autres groupes, outre qu'il s'agit dans votre cas d'importantes Premières nations et non de communautés de 50 âmes. Quoi qu'il en soit, je comprends ce que vous voulez dire. Il est toujours très intéressant qu'un gouvernement ou une communauté ait la possibilité de se développer à son propre rythme et d'essayer plusieurs choses avant d'opter définitivement pour une formule.
J'ai donné l'exemple de la Commission consultative de la fiscalité indienne que je pense bon. Il existe maintenant une base législative, mais il aura fallu presque 20 ans pour en arriver là. Même avant cette base législative, les choses fonctionnaient merveilleusement bien sur deux plans. D'abord directement pour chaque Première nation à qui l'on proposait une assistance sans rien imposer. Deuxièmement, dès le début, un des membres du conseil était le président de l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique chargé de la fiscalité foncière. Les membres de la commission ont appris à partir d'un bon modèle, dans un contexte différent qu'ils ont ensuite appliqué et adapté aux Premières nations.
S'agissant des questions d'élections, on pourrait envisager de confier au directeur général des élections et aux commissions électorales provinciales la mission de guider et d'aider toute institution des Premières nations qui pourrait être créée. Les besoins à cet égard émaneraient des Premières nations, puis on les laisserait évoluer à leur propre rythme. Si cela devait déboucher sur des changements législatifs, ce qui pourrait se produire assez rapidement, ce serait, là encore, à la demande des communautés concernées.
À cause de notre passé caractérisé par la colonisation et ses conséquences tragiques, tout ce qu'Ottawa propose aux communautés des Premières nations est accueilli avec suspicion. Les gens se demandent quel genre d'intention cachée ou de conspiration on entretient à leur égard. Il faut donc proposer quelque chose de beaucoup plus organique correspondant à ce que veulent les gens, plutôt que de leur donner l'impression qu'on leur impose quoi que ce soit ou qu'on les menace de quoi que ce soit.
Le président : Merci beaucoup.
Avant de libérer nos témoins, je tiens à attirer l'attention du comité sur la présence de chefs de tribus visées par le Traité 1. Il s'agit du chef Russell Beaulieu, de Sandy Bay, de la chef Deborah Chief, de Brokenhead, du chef Glenn Hudson, de Peguis, et du chef Terrance Nelson, de Roseau River.
Bienvenue au comité, il est agréable de vous voir ici. Pour notre premier déplacement en vue de consulter les Premières nations dans le cadre de cette étude, nous nous rendrons au Manitoba. Nous espérons alors pouvoir passer un peu de temps avec vous. Si vous avez besoin de conseils avisés, faites appel à MM. Morse, Graham et Imai.
Messieurs, merci beaucoup pour vos exposés et vos réponses et merci de nous avoir réservé du temps ce soir. Vos témoignages ont été à la fois instructifs et utiles pour le comité. J'ai déjà travaillé avec certains d'entre vous dans le passé et j'espère pouvoir retravailler avec vous tous dans l'avenir afin d'essayer de résoudre une partie de ces immenses défis.
J'estime que nous faisons des progrès, surtout dans le cas des projets d'enseignement en Colombie-Britannique et ailleurs. L'éducation n'est pas laissée de côté, mais elle est combinée avec les infrastructures dans les provinces. Il est à espérer que les soins de santé et le reste suivront.
Notre prochaine audience sur ce sujet est prévue pour mardi prochain 12 mai, à 9 h 30. Nous accueillerons des témoins de l'Assemblée des Premières Nations. J'espère que nos auditeurs et téléspectateurs de partout au pays seront alors en mesure de suivre nos travaux.
Voilà qui conclut la séance publique de ce soir, nous allons poursuivre à huis clos pour parler des travaux du comité.
(La séance poursuit ses trvaux à huis clos.)