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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 6 - Témoignages du 12 mai 2009


OTTAWA, le mardi 12 mai 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit ce jour, à 9 h 30, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (Sujet : Questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public et à toutes les personnes qui suivent la télédiffusion des délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Les audiences sont diffusées par CPAC et par Internet.

Je suis le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique, et je préside le comité dont le mandat consiste à examiner les lois relatives aux peuples autochtones du Canada, de manière générale. Le 1er avril de cette année, le comité a entrepris l'étude des questions reliées aux élections selon la Loi sur les Indiens.

Divers problèmes ont été évoqués au sujet du mandat de deux ans actuellement prévu dans la Loi sur les Indiens. Le comité sollicite l'opinion des membres des Premières nations, de leurs dirigeants et de divers conseillers juridiques afin de déterminer quels changements seraient nécessaires pour assurer une meilleure gouvernance aux Premières nations et aussi une meilleure reddition de compte.

Pour l'information de nos téléspectateurs, je crois important d'indiquer que 252 Premières nations élisent leurs dirigeants selon la Loi sur les Indiens, ce qui représente environ 40 p. 100 de toutes les bandes indiennes du Canada. C'est le seul groupe qui nous intéresse. Les autres bandes choisissent leurs dirigeants en fonction d'ententes d'autonomie gouvernementale ou selon d'autres mécanismes tels que des systèmes héréditaires ou des systèmes de clans. Notre étude porte uniquement sur les 252 bandes indiennes régies par la Loi sur les Indiens.

[Français]

Aujourd'hui, nous recevons des représentants de l'Assemblée des Premières Nations, mais juste avant d'entendre ce qu'ils ont à dire sur le sujet de notre étude, permettez-moi de vous présenter les membres du comité qui sont présents.

[Traduction]

Permettez-moi de présenter les sénateurs. Il y a à ma gauche le vice-président du comité, le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Brazeau, du Québec, le sénateur Lang, de la vaste région du Yukon, le sénateur Raine, de la Colombie-Britannique, le sénateur Brown, de l'Alberta, et le sénateur Campbell, de la Colombie- Britannique. À ma droite, il y a le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, le sénateur Peterson, de la Saskatchewan et, la dernière sur la liste mais certainement pas la moindre, le sénateur Carstairs, du Manitoba.

Honorables sénateurs, permettez-moi maintenant de présenter nos deux témoins qui sont Shawn Atleo, chef régional, Colombie-Britannique, représentant l'Assemblée des Premières Nations, et Karen Campbell, conseillère principale en politiques.

Nous vous souhaitons la bienvenue à tous deux et vous remercions de nous consacrer cette matinée pour participer à notre étude des élections tenues selon la Loi sur les Indiens. Je suis sûr que le chef Atleo connaît fort bien le processus. Il a déjà comparu devant le comité et c'est un plaisir de le revoir. Mme Campbell, c'est également un plaisir de vous accueillir ce matin.

Chef Atleo, si vous voulez faire une déclaration liminaire, je vous donne la parole. Nous vous écouterons attentivement et nous aurons ensuite certainement des questions à vous poser.

Shawn Atleo, chef régional, Colombie-Britannique, Assemblée des Premières Nations : Merci, monsieur le président, et merci, sénateurs, notamment ceux qui ont été nommés récemment. Je vous adresse mes félicitations et j'ajoute que c'est un plaisir de voir une si bonne représentation de la Colombie-Britannique.

C'est un honneur pour moi et pour Mme Campbell de représenter l'Assemblée des Premières Nations. Je suis chef régional de la Colombie-Britannique et je viens de la collectivité d'Ahousaht, sur la côte ouest de l'île de Vancouver, près de Tofino, la collectivité la plus à l'ouest de l'île. L'arrêt suivant, c'est le Japon.

La question dont votre comité est saisi m'intéresse particulièrement, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, en plus d'être élu par les 203 Premières nations de la Colombie-Britannique, je suis le chef héréditaire de 26e génération d'Ahousaht. J'ai deux enfants. Même si l'on peut avoir l'impression qu'ils ne devraient pas être aussi âgés qu'ils le sont, ils ont respectivement 22 ans et 20 ans et leur avenir m'importe beaucoup. Ils représentent la 27e génération d'une longue lignée de chefs et de dirigeants.

J'ai l'honneur d'être le chef régional de la Colombie-Britannique depuis plus de cinq ans. Comme vous le savez, l'Assemblée des Premières Nations agit au nom des gouvernements des Premières nations du pays et s'occupe depuis plusieurs années du dossier particulier de la gouvernance des Premières nations, ce dont je parlerai dans un instant.

La manière dont nous choisissons nos dirigeants et les personnes qui doivent nous représenter compte beaucoup pour nous. C'est une question qui m'intéresse personnellement à cause des divisions incroyables qui sont apparues depuis l'adoption de la Loi sur les Indiens et l'imposition de processus externes tels que le système d'élection et de sélection des dirigeants au titre de cette loi.

C'est de cette division de notre peuple que je souhaite parler aujourd'hui. Il y a des choses qu'il faut absolument régler. Je parle de choses imposées de l'extérieur à notre peuple.

Mon père a été retiré de sa collectivité à l'âge de quatre ans pour être envoyé dans un pensionnat, ce qui représente probablement l'exemple le plus flagrant de séparation ou de division d'une famille. Ce genre de division a souvent causé d'énormes conflits. Nous avons entendu le premier ministre à la Chambre des communes. Mon père était assis à ma droite, et ma grand-mère, de 88 ans, à ma gauche. Mon père est l'aîné de 17 enfants qui ont tous vécu cette période difficile de notre histoire.

Nous avons pendant longtemps subi les conséquences de la division et de la séparation de nos peuples. Je suis très heureux de voir où nous en sommes aujourd'hui et je remercie le comité de se pencher sur des questions de cette nature car je suis enthousiaste au sujet de notre avenir, c'est-à-dire de la possibilité que nous avons, comme nation et comme pays, de retrouver nos racines.

J'ai eu une bonne conversation avec John Ralston Saul et j'ai lu avec grand intérêt son excellent ouvrage intitulé Mon pays métis : quelques vérités sur le Canada, dans lequel il dit que cette nation est une nation métisse et où il enjoint le pays de retrouver ses racines autochtones. Souvenez-vous des batailles avec les Mohawks, souvenez-vous de l'appui des Maliseets et des Micmacs de la région de l'Atlantique. Souvenez-vous des alliances avec les métis au cours de l'histoire.

Je crois que l'heure est venue pour le Canada de se pencher attentivement et sérieusement sur sa relation avec les peuples autochtones, d'entreprendre un travail profond de réconciliation fondé sur l'esprit des excuses, d'examiner les divisions engendrées par les différents textes de loi, et d'examiner aussi cette question d'élections.

À mon avis, en qualité de chef héréditaire de la 26e génération, la loi et les élections ont profondément divisé nos peuples et nos familles, qu'ils habitent dans nos villages ou ailleurs, ce qui a des ramifications dans beaucoup de domaines. Je suis heureux que le comité se penche sur cette question.

Mme Campbell vous a fourni une documentation comprenant notamment un document de réflexion présentant la chronologie des discussions qui ont eu lieu et identifiant les questions clés. Comme vous, nous pensons qu'il est important de se pencher sur les problèmes que pose le système d'élection actuel. Je crois comprendre que vous souhaitez examiner certaines questions concernant des modifications à la Loi sur les Indiens mais j'aimerais aussi aborder la chose d'un point de vue plus général.

Il faut aborder ce sujet depuis sa genèse, c'est-à-dire remonter à 1850 avec l'adoption d'une loi intituléeAn Act for the Protection of the Indians of Upper Canada from Imposition, and the Property Occupied and Enjoyed by Them from Trespass and Injury, par laquelle le Canada a pris des mesures de protection générale des terres indiennes. En vertu de cette loi, les bandes ou leurs chefs n'avaient pas le pouvoir de louer leurs terres ou d'autoriser d'autres personnes à y résider.

En 1857, avec une autre loi intitulée An Act for the Gradual Civilization of Indian Tribes in the Canadas, on est passé de la protection à l'assimilation. À mon avis, nous voyons là émerger les fondements d'une politique d'isolement économique et d'absorption des Indiens par le corps politique canadien. Toutefois, je retourne toujours à l'idée souvent exprimée des trois solitudes qui existent dans ce pays. Pour bien des gens, le Canada doit être perçu comme un groupement de trois solitudes : francophone, anglophone et autochtone.

Cette loi fut suivie en 1869 d'une loi intitulée Enfranchisement Act dont l'objet était de miner la nature collective des terres et des intérêts des Indiens. Elle marquait aussi la première imposition d'un système d'élection dans les bandes indiennes. En outre, et c'est important pour la suite de ce débat, elle posait le problème de l'équilibre entre droits individuels et droits collectifs.

Chaque fois qu'on aborde ces questions, que ce soit dans le contexte de la Charte ou d'autres documents, on bute sur cette question d'équilibre entre ces deux catégories de droits. À mon avis, nos systèmes historiques de gouvernance ont toujours tenté d'assurer un juste équilibre entre les droits de l'individu et les droits du groupe. Bon nombre des conflits et des divisions qui sont apparus, même entre les peuples autochtones, résultent de cette question non résolue.

À l'époque, William Spragge, directeur adjoint des Affaires indiennes, affirmait que cette disposition de la loi permettrait de remplacer un système irresponsable par un système responsable. On peut retracer ce genre d'opinion aux années 1500 et aux débats qui s'étaient tenus en Espagne. Las Casas et Sepulveda avaient reçu l'instruction de déterminer si les peuples indigènes des Amériques étaient humains ou non et s'ils avaient des lois et une morale. Nous savons laquelle de ces deux thèses a gagné. Aujourd'hui, en 2009, nous sommes toujours confrontés aux séquelles de la thèse voulant que le principe de responsabilité n'existe pas dans les systèmes autochtones. Bien sûr que nos peuples avaient des lois, une morale et des systèmes de gouvernance!

Le directeur général Spragge ajoutait que cette loi donnait au gouverneur le pouvoir d'exiger de chaque tribu ou bande qu'elle élise un chef et un conseil au moyen d'un vote tenu parmi ses membres masculins et qu'elle lui accordait le droit de destituer ce chef en cas de malhonnêteté, d'alcoolisme ou d'immoralité.

Nous trouvons ici les prémices de l'introduction de l'inégalité sexuelle et du paternalisme dans les systèmes autochtones. Dans des villages comme le mien, cela veut dire qu'on pointe l'enfant du doigt en lui demandant d'un air sévère s'il a été voir sa mamie ou sa tatie. C'est un système dans lequel les femmes sont les chefs, les gardiennes de la culture, les enseignantes des chefs et, ce qui vaut surtout pour les anciennes de nos communautés, les personnes qui détiennent l'autorité morale et la font respecter.

En examinant cette question, nous devons retourner aux racines mêmes de ces questions pour les bien comprendre. Cette approche fonde ensuite l'Acte des Sauvages de 1876 qui donne à la Couronne le pouvoir législatif de dire qui est indien et a droit aux bénéfices correspondants.

Il y a deux ans encore, c'est récent, j'étais dans mon village au milieu de mon peuple et un tribunal était venu pour juger d'une question relative à la pêche. Les avocats fédéraux s'étaient présentés devant le juge et moi, en tant que témoin, alors que j'étais assis devant mon peuple et sur mes territoires, j'avais dû subir une expérience que plus personne n'aura jamais à subir au Canada, je l'espère : entendre ces avocats prétendre que notre peuple, les Nuu-chah- nulths, n'existe pas.

Même si j'ai 26 générations d'histoire à enseigner à mes enfants, nous avons encore une relation fondée sur le mépris, à mon avis. C'est une relation fonctionnelle et juridique qui continue de sous-tendre les conversations que nous avons sur la manière de rendre la vie meilleure pour nous tous, il faut en être conscient.

En 1880, des modifications furent apportées aux dispositions électorales afin de limiter le nombre de représentants et d'interdire explicitement aux chefs héréditaires d'exercer le pouvoir s'ils n'étaient pas élus. Non seulement mon père, chef de 25e génération, avait-il été enlevé de sa famille pour être placé dans un pensionnat, comme d'autres, mais on avait aussi voulu tuer sa langue. Beaucoup d'enfants qui essayaient de s'exprimer dans leur langue étaient battus. Vous pouvez voir là une stratégie délibérée pour diviser nos collectivités et faire éclater la manière dont elles étaient structurées et se gouvernaient.

Cette stratégie n'a rien d'abstrait pour quelqu'un comme moi. Il m'arrive souvent de dire que je suis une « contradiction vivante » parce que je n'ai pas seulement été élu par les 203 bandes des Premières nations, les chefs de la Colombie-Britannique, je suis aussi l'héritier d'un passé riche et long de peuples capables de se gouverner eux-mêmes. Certains croient que nous devrions transformer cette contradiction interne pour mettre de l'avant les meilleurs principes d'inclusion, de responsabilité et de respect. Nous avons beaucoup de travail à faire pour surmonter ces défis, surtout entre nous, peuples autochtones et Premières nations.

Arrive ensuite sir John A. Macdonald qui apporte avec lui la notion d'un régime de type municipal. Il soutient que cela :

[...] aura pour effet d'accoutumer les Indiens aux modes de gouvernement qui prévalent dans les communautés blanches les entourant, et que cela tendra ainsi à les préparer à une amalgamation plus rapide dans la population générale de ce pays.

On voit apparaître ici l'idée d'un régime de gouvernement de type municipal pour les Premières nations. D'aucuns pensent que ce serait très cohérent. En Colombie-Britannique, nous avons 203 Premières nations et il y a 187 municipalités.

Chose intéressante, j'ai discuté avec le chef d'un des villages nisga'a. En vertu d'une entente qu'ils ont passée, le chef et le conseil se sont joints à l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique. L'adhésion de ce village signifie que le nombre de municipalités de la province est passé de 187 à 188. Le village a jugé qu'il serait pratique pour lui de faire partie de cette union. Bien souvent, les municipalités chevauchent une rivière, une voie de chemin de fer ou un bras de mer, mais les différences sont profondes.

C'est une situation que le comité pourrait examiner. En voyant l'entente finale des Nisga'a, le chef a conclu que ce serait une bonne chose pour le village, dans le but d'améliorer les relations.

Je veux comparer cette idée à l'idée de bâtir une nation. Les Nisga'a, première bande de nos territoires de la côte Ouest à avoir signé un traité contemporain, constitue à bien des égards une nation en soi. Évidemment, ils ont leurs ententes contemporaines et je pense que nous devrions envisager de traiter de questions telles que les élections dans le contexte du développement de la nation, comme l'ont fait des groupes tels que les Nisga'a et d'autres. Au Yukon, les nations bénéficiant de l'autonomie gouvernementale travaillent sur des questions telles que la justice et la concrétisation de leur accord contemporain.

La Loi sur les Indiens, de par ses dispositions sur les élections et sur le choix des dirigeants, a toujours été fondée sur l'idée de miner nos systèmes historiques pour les remplacer par de nouveaux systèmes imposés de l'extérieur. Cette idée a toujours causé de sérieuses difficultés dans nos collectivités. Ce mépris de nos systèmes et de nos pouvoirs historiques et traditionnels caractérise encore la loi aujourd'hui. Voilà pourquoi l'effort entrepris par votre comité et par les Premières nations du pays est incroyablement important.

Les règles relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens sont en grande mesure dénuées des principes modernes de gouvernance responsable avancés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et ne concordent pas avec nos droits et aspirations de Premières nations. La Loi sur les Indiens prévoit deux systèmes : les élections et la pratique coutumière. En vertu du paragraphe 74(1), le ministre a le pouvoir de remplacer le système de gouvernance coutumier d'une bande par des élections. La Première nation est alors assujettie au régime électoral de la Loi sur les Indiens par décret ministériel. On n'a jamais envisagé dans cette loi d'obtenir d'abord le consentement de la Première nation et c'est précisément ce qui ne concorde pas avec nos droits et aspirations. Par le truchement de l'Assemblée des Premières Nations, celles-ci se réfèrent aux pactes internationaux de la Déclaration des Nations Unies relative aux droits des peuples autochtones en ce qui concerne la notion de consentement libre, préalable et éclairé.

Nous avons un conflit non seulement à l'intérieur de nos peuples mais aussi avec l'article 35 de la Loi constitutionnelle et sa protection des droits inhérents. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, 252 Premières nations continuent de tenir leurs élections en vertu de l'article 74 de la Loi sur les Indiens. Les fonds octroyés aux Premières nations par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, AINC, au titre du Programme de financement du soutien des bandes, sont destinés à leur assurer un financement de base général pour dispenser leurs programmes et services mais il n'y a dans cette formule de financement aucun crédit explicitement prévu pour les élections. Les Premières nations sont obligées de modifier leurs priorités de financement une fois tous les deux ans pour tenir des élections. Or, tenir des élections dans une collectivité coûte en moyenne 15 000 dollars.

Dans une étude de 2006 sur les facteurs de coût, AINC a conclu que le Programme de financement du soutien des bandes fournit à peine le minimum requis pour répondre aux exigences de gouvernance modernes telles que la vérification des comptes. AINC a constaté durant cette étude que les Premières nations reçoivent en moyenne 3 000 dollars pour la vérification des comptes, alors que le coût réel est plus proche de 30 000 dollars.

Comme vous le savez, plus de la moitié des Premières nations tiennent des élections selon leurs coutumes, c'est-à- dire qu'elles établissent leurs propres systèmes. Ces collectivités ne reçoivent pas de crédits particuliers pour tenir leurs élections mais elles ont plus de souplesse en ce qui concerne le moment des élections et le processus. J'ai mentionné quelques exemples d'autonomie gouvernementale à ce sujet. Un autre groupe de 29 Premières nations ont soit maintenu leur système de sélection des dirigeants, soit instauré leur propre système dans le cadre de la négociation des ententes d'autonomie gouvernementale.

Pour passer à un système coutumier de sélection ou d'élection des dirigeants, une collectivité doit obtenir l'approbation d'AINC et satisfaire à certains critères. Par exemple, le code électoral doit comprendre des processus d'appel clairs et l'amendement doit respecter les principes énoncés de justice naturelle, notamment l'équité et l'impartialité; il doit être conforme aux dispositions de la Charte des droits et libertés; et il doit comporter une procédure pour ceux qui vivent en dehors de leur collectivité, en dehors des réserves. Le passage à un code coutumier doit être endossé par la majorité des électeurs.

Il convient de souligner également qu'on n'a jamais demandé aux membres des collectivités ou aux dirigeants d'endosser l'obligation de suivre les dispositions électorales de la Loi sur les Indiens. Le système dont nous parlons ici a été imposé de l'extérieur.

En février de l'an dernier et de cette année, l'Assemblée des Premières Nations, l'APN, a convoqué un groupe de réflexion composé de représentants des Premières nations. Des chefs, des spécialistes et des agents électoraux se sont réunis pour discuter de questions relatives aux élections et à la sélection des chefs. Cette année, l'APN a également commandé une étude sur la politique d'AINC concernant l'adoption d'un système électoral communautaire, afin d'avancer des propositions de réforme. Les membres du comité ont reçu un exemplaire de l'étude.

Le groupe de réflexion a cerné un grand nombre de préoccupations au sujet des élections et certaines ne manqueront pas d'intéresser votre comité. Bon nombre concernent les procédures d'élection prévues dans la Loi sur les Indiens, comme la normalisation des procédures de mise en candidature, la durée des mandats, l'accès aux listes électorales, le droit d'appel, les mécanismes de règlement des différends et les modalités de dépouillement judiciaire. En ce qui concerne notamment la durée des mandats, deux ans constituent une période bien courte pour apprendre la fonction, fixer des orientations stratégiques, dresser des plans et réaliser un projet collectif. La fréquence des élections peut être une source d'incertitude pour les membres de la collectivité et risque d'engendrer une absence de continuité. Bon nombre de collectivités préféreraient un mandat plus long et nous savons que beaucoup se penchent actuellement sur ces questions.

Avec nos collègues du Manitoba, nous avons examiné attentivement la possibilité d'un jour d'élection commun et avons étudié des idées susceptibles d'assurer une plus grande efficience financière et opérationnelle, une plus grande transparence et, comme d'aucuns l'ont suggéré, une meilleure connaissance des gouvernements et des processus électoraux des Premières nations. Si je ne me trompe, la même réflexion est en cours dans les provinces de l'Atlantique, à chaque niveau. L'objectif est de voir s'il serait possible d'organiser ces élections conjointement pour qu'elles ne soient plus imposées aux Premières nations comme par le passé. Il s'agit aussi de faire en sorte que nos membres soient pleinement engagés dans le processus et soient le mieux placés pour régler ces questions.

Je veux dire aussi quelques mots de la participation électorale qui, l'expérience l'a montré, est élevée dans les Premières nations et dans nos communautés. D'aucuns soutiennent qu'elle est beaucoup plus élevée qu'au palier municipal, provincial ou fédéral. Les Premières nations auraient beaucoup à dire sur de bonnes formes de gouvernance et de leadership. Pour ma part, j'ai reçu mes premiers cours de leadership à l'âge de cinq ans à peu près.

Je préside depuis plusieurs années un comité appelé Reconnaissance et mise en œuvre des gouvernements des Premières nations, ou RIFNG selon le sigle anglais. Certains d'entre vous êtes peut-être au courant de ce travail alors que d'autres en entendez parler pour la première fois. Vous trouverez des informations à ce sujet dans la documentation. Ce travail est extrêmement intéressant. Certains des universitaires les plus réputés du pays se sont réunis avec les chefs de nombreuses nations différentes pour examiner ce qu'il faudrait faire pour faire avancer nos collectivités. Le titre du comité, Reconnaissance et mise en œuvre des gouvernements des Premières nations, et le rapport indiquent clairement de quoi il s'agit : rebâtir nos nations.

Nous comprenons non seulement plus de 630 bandes mais aussi plus de 350 groupes linguistiques et 350 nations. En Colombie-Britannique, nous disons que nous sommes 203 bandes mais aussi 30 groupes linguistiques ou nations. L'imposition de ces systèmes dans le passé a provoqué des divisions entre les nations. Beaucoup ont rétabli le contact par l'émergence de conseils tribaux. Toutefois, les conseils tribaux ne rétablissent pas toujours le contact avec leurs groupes culturels et linguistiques. Parfois, ils débordent également sur d'autres groupes. Je soulève ces questions pour illustrer le caractère historiquement fractionnel de cette législation, afin que vous puissiez en tenir compte dans votre recherche d'idées nouvelles pour l'avenir.

Certaines des idées examinées par le comité et présentées dans son rapport portent par exemple sur la création d'un ombudsman des Premières nations, c'est-à-dire de quelqu'un à qui soumettre les problèmes. Actuellement, il n'existe pas de tel mécanisme. Le problème, du côté du gouvernement fédéral, concerne le rôle du ministère, qui serait tenu de se pencher sur les questions soulevées par l'ombudsman.

Il y a aussi l'idée d'un vérificateur général. Je mentionne ces choses parce que le rapport a été accepté par les chefs lors de la réunion d'une assemblée nationale en mars 2005 à Vancouver. Les participants ont alors demandé à l'Assemblée des Premières Nations d'assurer la mise en œuvre de certains aspects de ce rapport. Nous avons eu un exemple de cet exercice : les revendications particulières. Le comité de Reconnaissance et mise en œuvre des gouvernements des Premières nations a proposé l'idée d'une formulation conjointe des politiques. Je peux vous donner comme exemple la Loi sur le tribunal des revendications spéciales.

Les Premières nations, comme elles l'ont démontré au sujet des revendications particulières, désirent fortement un changement positif. Nous souhaitons absolument assurer la survie de nos langues et continuer à bâtir nos nations. Je pense que ces conversations expriment ce désir. Depuis les excuses, les conversations continuent dans l'esprit et l'intention de ce legs historique. L'idée de travailler conjointement sur ces questions témoigne du genre d'effort qui débouchera selon moi sur le succès.

En Colombie-Britannique, nous aurons à la fin de la journée le résultat de l'élection provinciale. Toutefois, avant l'élection, nous avons travaillé sur ce que nous appelons une loi sur la reconnaissance autochtone. Il s'agit essentiellement d'une loi mettant en œuvre au palier provincial l'effort sur lequel nous travaillons au palier national.

Nous voulons d'abord entériner dans la loi la reconnaissance des peuples autochtones afin que des gens comme moi ou mes descendants ne risquent plus de se retrouver devant un tribunal où quelqu'un remettra en question l'existence de sa nation ou le fait que nous soyons ici. Cette reconnaissance devrait être automatique. À l'heure actuelle, elle ne l'est pas. C'est une chose pour laquelle nous nous battons encore au niveau fondamental.

Deuxièmement, la loi sur la reconnaissance des droits et des titres de propriété autochtone qui est proposée en Colombie-Britannique vise à inclure les Premières nations dans le processus de décision. Plus important encore pour moi, elle exprime de manière encore plus large l'idée d'épanouissement de la nation. J'ai dit tout à l'heure que nous sommes 203 bandes mais aussi près de 30 groupes linguistiques et nations historiques. Dans le peuple Nuu-chah-nulth dont je fais partie, il y a à peu près 8 000 personnes dont environ la moitié a des maisons dans les villages de nos réserves et l'autre moitié vit dans des villes comme Port Alberni et Victoria.

Tout cela est fondamentalement relié à la survie de nos relations et à la vigueur de nos langues. C'est aussi relié à la famille. Je suis particulièrement préoccupé par l'intersection de ces conversations et de questions telles que le statut. Ces choses-là divisent nos familles en plein milieu, divisent les générations et divisent les peuples, géographiquement. Comme les ressources ont diminué, nous constatons de plus en plus de conflits entre les membres de nos familles qui vivent dans les villes et qui ont besoin d'avoir accès à des services tels que le logement ou l'éducation et qui ne les obtiennent pas. Nous nous retrouvons en situation de conflit et de concurrence.

Il nous incombe de beaucoup travailler pour surmonter ces problèmes, en n'oubliant jamais que, si nous appliquions en 2009 le genre de volonté politique qu'on avait appliqué à l'époque des pensionnats pour faire ce qu'on a fait à mon père, en calculant et en quantifiant les sommes en dollars de 2009, nous devrions être capables de faire l'effort requis dans des domaines tels que l'éducation, comme outil d'émancipation et de soutien de la langue, de construction de la nation, de rapprochement familial et de réconciliation entre nos peuples autochtones.

Je pense qu'il y a une autre question qui est fortement reliée à ces questions de gouvernance et d'élections. Je pense que nos collectivités veulent changer. L'appétit de changement est très fort. J'ai mentionné le travail que nous avons fait à l'égard des idées que nos communautés ont exprimées sur ce sujet. Dans le cadre de mes relations avec l'Assemblée des Premières Nations, il y a aussi eu des conversations avec les systèmes de gouvernance traditionnels. Les chefs héréditaires ont participé au processus de renouveau de l'APN. Ce processus avait aussi été envisagé comme élément de la Reconnaissance et mise en œuvre des gouvernements des Premières nations.

Nous devrions examiner franchement les conflits qui existent. Ils existent entre les systèmes traditionnels et les systèmes électoraux là où des systèmes héréditaires sont encore très présents. Dans mon village, j'ai rédigé un protocole qui existe encore aujourd'hui. Il est appliqué depuis plus de 10 ans. Les chefs héréditaires l'ont signé avec le système d'élection afin que nous puissions travailler ensemble durant ce que nous appelons cette période de transition. Bien souvent, nous sommes forcés de confronter la réalité des conflits qui éclatent entre les systèmes héréditaires ou traditionnels et les systèmes de gouvernance électoraux.

Il y a un défi plus large, à mon avis, qui provient du conflit qui a été provoqué dans nos communautés.

Pour conclure, je pense que le travail de votre comité consiste à mener cette conversation dans le contexte que j'ai décrit en considérant que le but n'est pas de rafistoler le système existant mais plutôt de répondre à notre appétit réel et profond de révision ou d'élimination des aspects unilatéraux et, peut-être, de formulation conjointe d'un processus similaire à celui des revendications particulières qui fut à bien des égards un grand pas en avant. Il y a beaucoup de frustration sur cette question. Je pense que nous voulons faire preuve de prudence quand on nous parle d'appliquer un modèle de type municipal sans la participation pleine et entière et l'appui des Premières nations.

J'ai beaucoup parlé de notre histoire et vous devez comprendre qu'il y a dans cette histoire beaucoup de méfiance à cause de l'unilatéralisme historique que nous avons subi et des conflits et divisions qui en ont résulté dans nos collectivités. Nous souhaitons un véritable pouvoir de décision que les Premières nations soient considérées comme des gouvernements et nous voulons travailler sur cette question à partir de la base.

Je pense que nos peuples ont les idées requises et un désir puissant à ce sujet. Je suis particulièrement enthousiaste à l'idée de trouver le moyen d'appuyer l'énorme population de jeunes qui émerge dans nos collectivités. Comme vous le savez, la grande majorité de notre population a moins de 25 ans. Le sénateur Brazeau et moi-même sommes aujourd'hui des vieux de la vieille parmi la population autochtone de ce pays. Nous n'aurions pas nécessairement imaginé, il n'y a pas encore très longtemps, que la grande majorité de notre population aurait moins de 25 ans.

Je ne pense pas qu'il y ait lieu d'avoir peur de cette situation. Je pense plutôt que nous devrions être stimulés par la contribution que ces jeunes auront à offrir. Nous sommes loin d'avoir mobilisé le plein potentiel de notre population autochtone à contribuer au tissu social, économique et politique de ce pays.

Je sais que cette conversation porte sur les élections mais, considérant le système d'où je viens j'ai reçu l'honneur de jouer le rôle de chef régional élu et de travailler avec les chefs élus de ce pays , j'attache beaucoup d'importance à cette question.

Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à vous et je suis prêt à répondre à vos questions et à poursuivre cette conversation.

Le président : Merci beaucoup, chef Atleo. J'ai une liste de sénateurs qui souhaitent intervenir mais, si vous me le permettez, je vais commencer.

Tout d'abord, ni vous ni le sénateur Brazeau ne paraissez avoir plus de 24 ans. Je ne vois pas ce qui vous fait parler de vieux de la vieille.

Vous dites qu'il y a 29 ou 30 groupes linguistiques. Je prends la Colombie-Britannique comme exemple. Notre objectif est d'établir ou de recommander un système. Comment pouvons-nous recommander un système qui ne soit pas perçu comme étant imposé de l'extérieur, comme les gouvernements l'ont fait dans le passé?

Nous savons qu'il y a 600 réserves ou Premières nations dans ce pays. La politique du gouvernement était de diviser pour conquérir et d'empêcher qu'elles s'organisent. Aujourd'hui, nous sommes à l'étape de la réorganisation et, si vous voulez avoir un directeur des élections, un ombudsman et un vérificateur général, vous ne pourrez pas le faire isolément pour des bandes de 30 ou 50 personnes. Certaines sont aussi petites que cela.

Je suis sûr que vous y avez réfléchi mais comment pourrions-nous faire? Devrions-nous fusionner les bandes sur une base linguistique ou géographique? Serait-ce possible? Vous connaissez cette situation bien mieux que moi, vous la vivez. Pouvez-vous dire au comité comment nous pourrions faciliter cette fusion? Il ne servirait à rien d'examiner une solution totalement irréaliste. Nous avons entendu le représentant d'une bande qui n'avait que 40 membres dont la moitié était des jeunes et l'autre moitié, des anciens, ce qui nous ramenait en fait à une dizaine de personnes.

Si nous voulons faire des recommandations sur cette question, qu'est-ce qui serait réaliste?

M. Atleo : Je pense que le débat engagé sur cette question découle du travail que nous avons présenté en mars 2005. Je ne me souviens pas que l'Assemblée des Premières Nations ait donné des instructions précises à ce sujet. Je vais vous donner mon avis dans le contexte de la Colombie-Britannique.

Le jour de la Saint-Valentin, cela faisait 150 ans que Sir James Douglas avait amené la Colombie-Britannique dans le Canada en disant que les terres étaient inoccupées. Or, elles étaient évidemment tout à fait occupées. En vertu de la législation que j'ai mentionnée et que nous connaissons tous, nous avons été transférés dans des collectivités comme la mienne, Ahoutsat.

Ahousaht fait partie de 14 communautés selon les dossiers fédéraux mais, historiquement, il n'y en avait que six : Ahousaht, Keltsmaht, Manhousaht, Quatswayaht, Oinimitis et Peneelth. Si l'on parle de fusionner des collectivités 150 ans plus tard, nos chefs vous diront, et cela ne s'adresse pas spécialement à vous, autour de cette table : décidez-vous! Au départ, nous avons un total de 203 Premières nations mais maintenant, parce que ce n'est pas pratique, on devrait en fusionner certaines pour qu'il y en ait moins?

Vous comprendrez que les Premières nations s'interrogent. Pourquoi devrait-il y en avoir moins? Le chiffre actuel résulte de ce que vous avez fait dans le passé. Il va bien falloir que vous admettiez un jour que nous sommes toujours fondamentalement dans ce système de non-reconnaissance. Si l'on ne reconnaît pas les Nuu-chah-nulths mais qu'on veut en même temps fusionner des bandes par souci d'efficacité, de pragmatisme ou d'économie, ce sera difficile à faire et à accepter. Il y a beaucoup de chemin à parcourir entre la non-reconnaissance et une forme quelconque de fusion.

Cela dit, nous appliquons déjà une forme de fusion à maints égards. J'ai parlé des conseils tribaux. Beaucoup sont déjà structurés en fonction des alliances historiques des nations, sur une base linguistique ou familiale, lorsqu'il y a une culture commune ou un territoire commun. Je peux en mentionner plusieurs. Les Nisga'as, par exemple, parce qu'ils ont signé un accord contemporain. Les Haidas sont un peuple très distinct, tout comme le mien, sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Il y a 14 bandes formant le peuple Nuu-chah-nulth mais nous sommes aussi la nation Nuu-chah- nulth.

Nous sommes internationaux. Comme la plupart des Premières nations de ce continent, nous avons des parents dans le nord de l'État de Washington, qui font partie de la nation makah. Nos efforts sont souvent internationaux.

Nous avons le même genre de débat en Colombie-Britannique au sujet de la fusion mais pas seulement parce que ce serait pratique et efficient. C'est aussi pour entériner le fait que nous sommes des nations.

Quand on parle de nation, on ne parle pas seulement de 14 bandes Nuu-chah-nulth, on parle du peuple nuu-chah- nulth. Nous avons un peuple nuu-chah-nulth qui vit dans nos villages et à l'extérieur. Comme je le dis toujours dans ma langue, ou nous vivons à la maison, ou nous vivons dehors. Il y a des membres du peuple nuu-chah-nulth qui vivent dans des villes de la Colombie-Britannique et aussi dans d'autres pays, et nous faisons beaucoup d'efforts pour maintenir le contact.

La question est de savoir comment faire participer les 8 000 Nuu-chah-nulths à un exercice de construction de la nation et de décision s'appliquant à tous les aspects de notre vie, qu'il s'agisse du partage des recettes issues des ressources ou de la manière dont on utilise notre base territoriale, ce qui englobe cette idée d'élections.

À mon avis, des groupes, des régions ou des nations ont entrepris le même travail en Ontario et dans d'autres parties du pays. C'est un débat extrêmement intéressant pour des gens comme moi. Notre relation avec le gouvernement exige un plein partenariat. Beaucoup vont de l'avant et entreprennent ce travail de leur côté, sans s'occuper du tout des conséquences de la Loi sur les Indiens. À mon avis, il y a du potentiel dans ce débat car je pense que le Canada, du fait de ces lois, et cela vaut aussi pour les provinces, partage la responsabilité de notre situation actuelle.

Je vous demande de ne pas penser seulement aux conséquences pratiques. À mon avis, nous pouvons obtenir un résultat utile sur le plan pratique tout en arrivant en même temps à une reconnaissance réelle.

Le sénateur Sibbeston : Merci d'être venu témoigner, M. Atleo. Vous le faites avec dignité et éloquence et vous savez de quoi vous parlez.

Vous dites, en qualité de représentant de l'Assemblée des Premières Nations, qu'il y a un grand appétit de changement mais que les Premières nations doivent participer pleinement au processus. Notre rôle à nous est d'examiner les élections selon la Loi sur les Indiens. Pensez-vous qu'il puisse jamais sortir quelque chose de positif d'une modification de la Loi sur les Indiens portant uniquement sur les élections?

Il y a aussi la question du droit d'appel. Ces dernières années, beaucoup d'appels ont été interjetés au sujet des élections et cela coûte cher. Le processus d'appel devant la Cour fédérale est très lourd. Les gens de la Cour fédérale ne connaissent rien aux Premières nations. Quand il s'agit des Premières nations, il est bon de connaître les peuples et les circonstances parce que ce n'est pas qu'une question de lois.

Il me semble qu'il faudrait mettre sur pied un système d'appel fondé sur une bonne connaissance des Premières nations, efficient et coûtant moins cher. Avez-vous réfléchi à ce que pourrait être un tel nouveau système d'appel au sujet des élections? Dans le monde des Premières nations, il y a un mouvement vers l'autonomie gouvernementale. S'il continue, toutes les Premières nations finiront par régler cette question d'élections en établissant leurs propres processus. Qu'en pensez-vous?

M. Atleo : En ce qui concerne les processus d'appel, ma réponse est oui. L'une des recommandations figurant dans le rapport que j'ai déposé, le rapport adopté par les chefs en mars 2005, porte sur l'instauration d'un mécanisme de règlement des différends. Nous n'en avons pas, pour le moment. Comme je l'ai dit plus tôt, quand il y a un différend, il aboutit dans les bureaux d'AINC.

Pour revenir à cette question de reconnaissance, la reconnaissance pleine et entière suppose l'acceptation de la responsabilité. On trouve à l'article 35 de la Loi sur les Indiens cette notion de reconnaissance des titres de propriété et des droits inhérents des Autochtones. J'affirme avec force que nous sommes toujours dans une relation de non- reconnaissance, notamment au niveau juridique, du fait de la Loi sur les Indiens et du pouvoir ministériel. Normalement, la reconnaissance devrait déboucher sur plusieurs choses telles que la reconnaissance mutuelle de l'existence des titres de propriété de la Couronne, par exemple.

Je le répète, je ne peux parler que de la Colombie-Britannique dans ce contexte. La reconnaissance des titres de propriété et des droits des Autochtones suppose la reconnaissance parallèle des titres de propriété de la Couronne. Envisager cela n'est certainement pas une petite affaire pour les peuples autochtones. Si je reviens à cette idée que nous sommes des alliés plutôt que des sujets de la Couronne, je pense que cette notion a beaucoup de valeur. Je tiens à le souligner, et cela vaut également pour la question du sénateur St. Germain.

Vous me demandez s'il peut sortir quelque chose de bien d'une modification de la Loi sur les Indiens. Comme dans l'affaire McIvor, le ministre sera chargé de déterminer des questions de statut. Je reviens à ce que je disais plus tôt au sujet des profondes divisions causées par cette loi à cause de questions telles que le statut d'Indien, les réserves et des systèmes électoraux héréditaires. Il s'agit de divisions qui ont été imposées de l'extérieur, que nous avons héritées mais qui n'ont pas été créées par nous, mais on nous demande maintenant d'y répondre et d'en accepter la responsabilité dans un environnement de non-reconnaissance. Ça crée une situation extrêmement difficile, je dois vous le dire.

Certes, il se peut que modifier les lois puisse avoir un effet positif, surtout si cela se fait en commun. Toutefois, c'est une chose qu'il faut envisager avec beaucoup de prudence, en tenant compte de tout le contexte. Dans 14 ans, selon certaines prévisions, certaines collectivités n'auront plus d'Indiens de plein droit parmi leurs membres. Pourtant, nous sommes en train de discuter du système électoral et de la manière dont il fonctionne actuellement pour les Indiens de plein droit dans ce village. Vous comprenez pourquoi tout cela est très difficile. Et aussi pourquoi, en mars 2005, nous avons dit que ce processus devrait être une conversation sur la construction des nations et sur la réconciliation à deux niveaux : d'abord, avec les familles et communautés autochtones et, ensuite, entre les peuples autochtones et la Couronne.

Le sénateur Campbell : Je vous souhaite la bienvenue à tous deux, chef Atleo et madame Campbell. Vous portez un très beau nom. Je ne parle pas seulement de votre nom de famille mais aussi de votre prénom, Karen, qui est aussi celui de ma sœur.

Je suis vieux mais j'espère assister avant ma mort à la disparition d'AINC et de la Loi sur les Indiens. J'approuve pratiquement tout ce que vous avez dit. Il n'y a personne d'autre au Canada qui soit supervisé de cette manière ou à qui des étrangers peuvent dire quoi faire. Ce n'est pas le ministre, c'est le gouverneur en conseil et ce sont les fonctionnaires du ministère.

Votre position est-elle que vous ferez ce que vous avez à faire? C'est ce que n'importe qui d'autre ferait. Si un autre groupe était traité de la même manière que les Premières nations, il se révolterait. Il déciderait de faire ce qu'il a le droit de faire en tant que nation, un point c'est tout. Pourriez-vous faire ça?

M. Atleo : De quelle nation parlez-vous?

Le sénateur Campbell : Des Nuu-chah-nulths, pour commencer.

M. Atleo : Oui. Il y a en fait deux communautés chez les Nuu-chah-nulths et les chefs héréditaires ont exactement formulé cette approche. Il s'agit de prendre les choses en mains et de réaliser la vision qu'ils ont de leur collectivité et de l'autonomie gouvernementale sur la base de leur évolution historique, en étant pragmatique et concret au sujet des choses qui se sont produites. C'est un défi du point de vue de la relation avec les autres citoyens et avec les gouvernements car, pour ce qui est des municipalités, des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral, il n'y a aucun doute, notamment en droit, quant à leur existence ou à leur pouvoir. Toutefois, notre existence et notre pouvoir ne sont toujours pas reconnus dans ce pays. C'est pourquoi la Loi sur les Indiens a été formulée comme elle l'est, surtout sur les questions de gouvernance.

Permettez-moi d'être clair : les Nuu-chah-nulths n'ont pas besoin d'être reconnus comme Nuu-chah-nulths par le gouvernement fédéral. Si l'on parle de reconnaissance, dans le monde d'après les excuses, j'espère que ce sera un exercice de reconnaissance mutuelle. Bien des Canadiens seraient surpris d'apprendre que nous n'avons pas encore cette reconnaissance. En ce qui concerne votre examen des questions d'élections, dans le contexte de la Loi sur les Indiens, vous avez une responsabilité et un pouvoir qui découlent d'autre chose. Si tel est le cas, les collectivités n'ont pas la capacité financière d'établir des choses telles que des processus de règlement des différends parce que ce pouvoir n'existe pas. Non seulement le pouvoir n'existe pas, la reconnaissance n'est pas là non plus. Évidemment, nous n'avons pas les mécanismes.

Nous partons du principe de reconnaissance mutuelle et nous commençons à examiner le processus électoral d'un point de vue global, en greffant peut-être le reste dessus, comme un chef nisga'a m'a dit qu'il l'a fait. C'est une solution concrète. Il a adhéré à l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique. C'est une approche qui offre un potentiel considérable. Il n'a pas renoncé à son état de nation nisga'a; cette identité est solide. Toutefois, il dit qu'il a de très bonnes raisons de vouloir travailler avec les 187 municipalités de la Colombie-Britannique. C'est un long chemin à parcourir.

Toutes les Premières nations de ce pays, par exemple celles qui s'appuient fermement sur leurs traités, ne sont pas des alliées dans l'esprit de beaucoup de gens, bien qu'elles aient signé ces accords en tant qu'alliées du pays qui les assujettit à une loi témoignant d'un profond mépris de l'esprit et de l'intention de ces traités. Voilà pourquoi je retourne à la notion de citoyenneté, où les communautés perdront tous leurs Indiens de droit dans 14 ou 16 ans. Avoir cette conversation sans parler d'épanouissement de la nation peut nous amener à la fusion. Si la discussion porte aussi sur la reconnaissance, alors nous nous retrouverons peut-être avec 50, 60 ou 70 quelque chose de moins que 633, peut-être. Nous avons des collectivités qui n'ont que 30 ou 100 membres. C'est de cela que vous parlez, c'est-à-dire des aspects pratiques et de l'argent. Comment fonctionner et être efficace.

Mes remarques précédentes portent globalement sur la reconnaissance des peuples autochtones comme nations, mais en partageant avec vous cet objectif de rendre la relation plus efficace et plus efficiente. S'il y a reconnaissance, elle vient avec l'acceptation de la responsabilité. Ensuite, nous établissons les mécanismes et la capacité, et nous avons la responsabilité partagée. Cette perspective m'intéresse beaucoup, notamment comme héritage à laisser à la jeune génération.

Le sénateur Campbell : Comment « héréditaire » est-il compatible avec « élu »? Voici pourquoi je pose cette question. J'ai vu hier soir un documentaire incroyable sur Wounded Knee. J'avais toujours cru que Wounded Knee avait été un combat entre les Premières nations et les Blancs. En fait, ce n'était pas du tout cela. Il s'agissait d'un groupe élu incroyablement corrompu et brutal de Premières nations. Leur chef héréditaire a finalement dit qu'il en avait assez et il a fait venir le American Indian Movement. Les chefs héréditaires ont dit : nous n'allons plus tolérer cela, nous allons y faire quelque chose.

Comment fonctionne le concept « héréditaire » par opposition au concept « élu » dans votre nation? Comment s'intègrent ces concepts et comment fonctionne le système?

M. Atleo : Ma collectivité d'Ahousaht se compose historiquement de six nations Ahousaht, Keltsmaht, Mahousaht, Quatswayaht, Oinimitis et Peneelth , pas d'une seule. Dans les registres de la Loi sur les Indiens, vous ne trouverez qu'Ahousaht. Ce que vous ne trouverez pas, c'est qui nous reconnaissons. Le chef de famille ou la personne la plus âgée assume la responsabilité de la communauté. Ce n'est probablement pas très différent de vos propres familles. Dans votre famille, quelqu'un est désigné chef et assume la responsabilité. Dans mon cas, cette éducation a commencé quand j'étais petit mais les cérémonies avaient eu lieu plus tôt. Il y a également une possibilité de destitution. C'est aussi une question de responsabilité paternelle et matrilinéaire.

Quand j'étais petit, on m'a raconté l'histoire d'Ahousaht. Quand le système d'élection est arrivé dans mon village, les chefs héréditaires ont appuyé l'idée d'un chef et d'un conseil élus parce que les chefs héréditaires de mon village ne parlent pas en leur propre nom. Le grand paradoxe de ma fonction est que, quand je suis chez moi, je ne parle pas en mon propre nom. Quelqu'un d'autre parle en mon nom. J'y vois une certaine corrélation avec tout ce système parlementaire.

En 1996-1997, j'ai rédigé un protocole avec les chefs élus et les chefs héréditaires. Les chefs héréditaires détiennent la responsabilité inhérente de 100 p. 100 de nos terres et territoires ancestraux. Dans mon village, le conseil de bande assume la responsabilité des 24 réserves relevant de la Loi sur les Indiens. Il y a des différences dans les diverses régions du pays où certains chefs élus au titre de la Loi sur les Indiens, avec l'appui de leur peuple, assument la responsabilité de territoires entiers. Il y a des variantes de ce que j'ai décrit mais c'est comme ça chez moi.

Chez les Nuu-chah-nulths, vous avez 14 conseillers principaux qui constituent le conseil des électeurs des conseils tribaux Nuu-chah-nulth qui se réunissent comme le font d'autres conseils tribaux. Nous avons récemment assisté à l'émergence de...

[Note de la rédaction : M. Atleo s'exprime en langue autochtone.]

Dans ma langue, le conseil des chefs héréditaires assume la responsabilité de la pêche et de la côte. Le développement récent où notre système héréditaire historique fonctionne avec le système d'élection est intéressant. J'ajoute en passant que le gouvernement fédéral a récemment signé une entente avec ma province, avec mes voisins, le peuple maa-nulth, qui fait partie des Nuu-chah-nulths. L'entente comprend une combinaison d'élection et de nomination. Le droit de nommer est le droit de reconnaître le système héréditaire.

Ce n'est pas un précédent au Canada d'entériner la reconnaissance d'un système de gouvernance historique par l'acte de signer un traité, ce qui signifie à mes yeux que ces systèmes ont un certain mérite et une valeur. Si c'est ce que veut le peuple, il faut l'appuyer parce que tout, jusqu'à maintenant, a été destiné à jeter à bas les systèmes de gouvernance historiques.

Je partage cette information avec vous parce que, là où il n'y a pas de bonnes relations, il y a un risque de conflit. Nous l'avons vu, il a éclaté.

Beaucoup des grands conflits qui ont éclaté dans ce pays ont souvent été des conflits entre un système héréditaire et un système d'élection. Je suis prêt à travailler comme chef régional, élu par 203 chefs dont la majorité a été élue, parce que je veux contribuer à la résolution de ce conflit qui existe entre nos peuples. J'espère que le comité travaille dans le même esprit.

Le sénateur Peterson : Vous avez beaucoup parlé de la construction de la nation et de la prise de décision, monsieur. En même temps, cependant, vous avez fait des déclarations indiquant que vous continuez à définir et à défendre qui vous êtes comme peuple, ce qui me semble contradictoire. D'après vous, comment cette question devrait-elle être réglée?

M. Atleo : Dans le cas de la Colombie-Britannique, et c'est dans le rapport que nous avons produit en vue d'un exercice national, il y a les éléments auxquels j'ai fait allusion : la pleine reconnaissance des droits autochtones entérinés par l'article 35, et un exercice législatif commun. Je pense qu'on s'entend pour dire qu'il faut se débarrasser de la Loi sur les Indiens et passer à autre chose. D'ici là, cependant, c'est ce qui définit totalement notre relation avec le gouvernement fédéral.

Bien que les fonds ne soient pas suffisants dans les domaines que j'ai décrits, les communautés n'en reçoivent pas plus. Sans eux, nous aurions de grandes difficultés. Je pense que nous devons entreprendre un exercice commun de construction de la nation et que nous devons viser la pérennité économique de nos communautés. Certaines nations poursuivent cet objectif en ce moment même et sont capables d'accroître les ressources et les transferts fédéraux qu'elles reçoivent ou les ressources de certaines communautés qui traitent avec d'autres paliers de gouvernement pour le développement économique.

Je ne pense pas que les questions de construction de la nation et de développement économique soient mutuellement exclusives. Elles sont reliées. Rien qu'en Colombie-Britannique, il y a en moyenne plus de 100 causes qui encombrent les tribunaux relativement aux titres de propriété et aux droits autochtones. Je suis d'accord avec vous : nous consacrons énormément d'énergie au conflit entre les Premières nations et la Couronne, plus que nous n'en consacrons à l'épanouissement du potentiel humain par la collaboration en vue du partage des revenus. S'il y avait un véritable partage des revenus sur le terrain, les Premières nations pourraient subvenir à leurs propres besoins. Vous auriez du mal à trouver une municipalité faisant face aux mêmes contraintes ou restrictions que les Premières nations.

Je comprends ce que vous dites et je conviens que nous perdons une bonne partie de notre potentiel humain en prolongeant cet effort.

Le sénateur Peterson : En ce qui concerne les élections, croyez-vous que le mandat devrait être de plus de deux ans?

M. Atleo : Je peux vous dire que, lors du référendum dans mon village, j'ai voté pour que ce soit quatre ans mais, malheureusement, nous n'avons pas eu assez de participation. C'est mon avis. Nous avons ainsi un cycle de deux ans et nos pauvres conseillers sont continuellement en campagne électorale et n'ont aucune possibilité de faire leur travail. C'est ce que je pense.

Cela dit, je répète que l'Assemblée des Premières Nations n'a pas pris position au niveau national, mais cela a fait partie de la conversation. Je vais demander à Mme Campbell d'ajouter son grain de sel, et je crois qu'elle a autre chose à dire.

Karen Campbell, analyste principale en matière de politiques, Assemblée des Premières Nations : Avant de parler du mandat, je veux répondre au sénateur Campbell qui demandait pourquoi les Premières nations ne se retirent pas du champ d'application de la loi. Beaucoup essayent de le faire. Il y a un mécanisme à ce sujet, qui consiste à passer à une élection coutumière. De plus en plus de Premières nations tiennent actuellement leurs élections de cette manière plutôt que selon la Loi sur les Indiens. Ce mécanisme leur offre plus de souplesse, comme vous l'avez dit, pour décider elles- mêmes comment tenir leurs élections.

Cependant, dans le système actuel, l'utilisation de ce mécanisme reste sujette à l'approbation du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et il faut satisfaire à certains critères pour y avoir recours. Dans le cadre du travail que nous avons effectué pour les réunions de l'APN ainsi que pour les groupes de réflexion que nous avons organisés cette année et l'an dernier, si la politique était rationalisée ou devenait plus favorable, les Premières nations verraient dans les conditions établies un système de contrôle ou d'entrave plutôt qu'un système les aidant à passer des élections selon la Loi sur les Indiens à de véritables élections coutumières. C'était ma première remarque.

Deuxièmement, lors du groupe de réflexion de cette année, l'un des chefs a dit qu'il ne voyait pas pourquoi, en vertu de l'article 35, nous ne nous déclarons pas nous-mêmes comme entités se gouvernant elles-mêmes. Nous n'avons besoin de l'approbation de personne pour ce faire. Nous possédons ce droit inhérent, nous l'avons toujours possédé et il n'a pas été éteint par le gouvernement du Canada. Il a été entériné dans la Constitution du Canada.

Le problème qui se pose est exactement celui qu'a mentionné le chef régional Atleo : comment le gouvernement du Canada travaille-t-il alors avec la Première nation concernée? Dans la pratique actuelle, notamment avec les élections coutumières ou autres, s'il y a un litige au sujet du conseil, s'il y a des allégations que l'élection n'était pas juste et qu'il y a une sorte de division interne dans la collectivité, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien cesse de fournir des fonds à la collectivité qui, dans bien des cas, se retrouve ensuite sous tutelle. Autrement dit, non seulement elle n'a plus de chef et de conseil élus ou héréditaires mais le chef et le conseil n'ont plus le pouvoir de dire à quoi servira l'argent de la collectivité puisque les fonds sont gérés par une tierce partie.

Des Premières nations essayent de sortir du système, d'exercer leurs vraies compétences et de créer pour leurs collectivités des systèmes électifs efficaces où les élus ne sont pas remplacés tous les deux ans, et qui ressemblent beaucoup plus à la manière dont se faisaient les choses à l'origine. Nous en voyons des exemples dans tout le pays. Toutefois, ce processus cause en soi des problèmes et des difficultés pour les collectivités concernées du point de vue de leur relation primaire avec le gouvernement du Canada et avec AINC en ce qui concerne les fonds nécessaires pour gérer leurs activités.

Le sénateur Campbell : À ce sujet, si quelqu'un pense qu'une élection s'est mal passée, pour quelque raison que ce soit, l'affaire est portée devant les tribunaux, pas devant le ministre des Affaires indiennes. Voilà ce qui m'intéresse. Pourquoi n'êtes-vous pas traités de la même manière que tout le monde? Si je conteste une élection, je vous traîne devant les tribunaux et c'est un juge qui décide si l'élection s'est tenue correctement ou non, sans ce genre de : « Dommage, vous ne recevrez pas d'argent. » C'est une honte! Il me semble que ça devrait être la solution.

M. Atleo : Je ne suis pas expert en la matière mais je pense que nous abordons là une question de compétence constitutionnelle sur la manière dont le règlement des différends peut être appliqué, dans le contexte de l'article 35, l'article des droits et des titres de propriété constitutionnellement protégés et reconnus. Pour ce qui est de la question précédente sur la manière de régler les différends, je pense que l'idée d'avoir une conversation sur la mise en application de l'article 35 dans des domaines tels que la gouvernance et sur la manière dont les structures de gouvernance sont choisies donnerait une conversation extrêmement intéressante, et dans laquelle nous ne partirions pas de zéro.

Il existe beaucoup d'études indiquant que c'est ce qu'il faudrait faire : le projet Harvard et de nombreux rapports canadiens comme le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, le rapport Penner, et notre propre rapport. Tous ces rapports, sénateur Campbell, confirment l'idée de concevoir ensemble quelque chose qui nous aiderait à surmonter ces obstacles. Je conviens cependant que c'est extrêmement difficile.

En Colombie-Britannique, avec le gouvernement provincial, si nous pouvions passer au-delà de cette question fondamentale de reconnaissance, le flot de responsabilités coulerait dans les deux sens. La reconnaissance mutuelle semble automatique. Ça reste cependant théorique car on n'a pas proposé de loi et il n'y en a aucune devant l'assemblée législative. On en est encore tout à fait à l'étape de la discussion. Cela vaut toutefois la peine d'être mentionné car la discussion se fait sur la base d'un travail qui est tout à fait comme celui que nous avons fait avec le gouvernement actuel au sujet de la résolution du tribunal des revendications particulières, qui comporte cet élément d'indépendance et d'équité.

Je peux mentionner des principes solides dans l'effort que nous avons déjà entrepris ensemble. L'Assemblée des Premières Nations joue un rôle de facilitation et de coordination avec les Premières nations et les gouvernements, et c'est donc une interaction de gouvernement à gouvernement.

Le sénateur Carstairs : J'ai l'impression que nous n'avons pas encore trouvé la bonne formule. Chaque fois que nous pensons que quelque chose ne marche pas, nous nous demandons comment modifier la Loi sur les Indiens au lieu de nous adresser directement aux collectivités concernées et de leur demander comment ça pourrait mieux marcher. C'est toujours une démarche de haut en bas plutôt que de bas en haut comme il le faudrait.

Toutefois, en ce qui concerne le processus d'élection mentionné par Mme Campbell, le ministre détient tout le pouvoir. C'est lui qui dit : j'ai décidé que cette élection n'est pas valide et, par conséquent, je place la bande sous tutelle.

Ne serait-il pas possible de recommander un autre système au ministre, de façon qu'il ne puisse plus prendre unilatéralement ce genre de décision et qu'on s'adresse plutôt à un comité qui tiendrait des audiences, peut-être publiques? Comme je ne peux pas aller devant les tribunaux, comme l'a dit le sénateur Campbell, ne pourrait-on pas avoir recours à un autre processus qui ne serait pas ce tout ou rien du système actuel?

Mme Campbell : Pour ce qui est du pouvoir du ministre en vertu de la loi, comme vous l'avez dit, c'est un pouvoir quasiment absolu en ce qui concerne les élections des Premières nations. Je ne dis rien du processus du ministère. J'ai l'impression qu'il ne tient pas particulièrement à sauter dans la mare dans tous les cas. La plupart de nos conversations avec les fonctionnaires nous indiquent qu'ils préféreraient ne pas intervenir. Cela dit, il n'existe aucun autre mécanisme qui leur permettrait de rester en dehors. Cette responsabilité incombe toujours au ministre en vertu de la loi.

Vous recevrez demain des représentants d'AINC et vous pourrez peut-être leur demander comment se tiennent leurs délibérations internes et comment ils formulent leurs recommandations au ministre. Ce serait une discussion intéressante.

En ce qui concerne les changements pouvant être apportés au pouvoir du ministre, les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives aux élections sont intéressantes dans la mesure où elles sont relativement indépendantes des autres. En ce qui concerne le statut de membre, comme l'a dit le chef régional tout à l'heure, elles sont complexes et ont de nombreuses ramifications. Par contre, celles qui régissent les élections sont relativement indépendantes et les pouvoirs du ministre y sont définis de manière très précise, ainsi que la manière dont les élections doivent se tenir.

En fait, ces dispositions pourraient être abrogées globalement. On pourrait les retirer complètement de la Loi sur les Indiens et cela n'aurait aucune conséquence sur la plupart des autres dispositions de la Loi ou sur le ministère. On pourrait fort bien les remplacer par une seule disposition, comme le disait le chef régional : que le gouvernement du Canada reconnaisse le pouvoir inhérent des Premières nations de choisir leurs systèmes électoraux.

Le sénateur Carstairs : C'est une idée intéressante. Je soupçonne cependant qu'on dirait peut-être alors dans les populations non autochtones mais ce n'est pas mon cas que vous ne savez pas comment assumer cette responsabilité de manière adéquate. Comment pourrions-nous surmonter cet obstacle, même s'il n'est pas réel, à votre avis?

M. Atleo : Je vais essayer de répondre. Ne croyez pas que je suis désinvolte mais vous n'avez pas à chercher plus loin que le conseil municipal d'Ottawa ou les conseils municipaux de la vallée du Fraser. Nous sommes toujours embourbés dans cette notion historique. Outre le fait que le système est imposé unilatéralement, il est incroyablement difficile pour les chefs d'appuyer leurs collectivités. Ils ne sont pas équipés pour ce faire, législativement ou financièrement.

Le résultat est qu'il y a cette division incroyable au sein de nos collectivités et de nos familles. Il y a des conflits entre les organisations qui se battent pour avoir des ressources limitées. C'est une méthode naturelle pour le pays de nous tenir séparés et divisés.

Si l'on veut vraiment faire quelque chose, sénateur Campbell, c'est une question de leadership, à mon avis. C'est à ceux d'entre vous à qui l'on a confié le soin d'examiner le problème d'envisager le contexte dans lequel se tient la discussion. Le travail que nous avons entrepris, comme l'a dit Mme Campbell, mène à l'idée d'une loi ou d'un mécanisme quelconque de reconnaissance des Premières nations, formulé conjointement avec les Premières nations. Quelque chose qui confirme que les Premières nations détiennent la compétence.

Avec la compétence vient la responsabilité. À l'heure actuelle, comme nous l'avons dit aujourd'hui, la responsabilité se trouve ailleurs, chez le ministre. Les Premières nations représentent 4 p. 100 de la population; elles exercent un contrôle ou une influence sur 20 p. 100 du territoire, et la proportion augmente. La contribution économique des peuples autochtones continuera d'augmenter; 30 000 de nos jeunes, dont l'âge moyen est inférieur à 25 ans, font actuellement des études postsecondaires.

C'est maintenant qu'il vous faut embrasser les peuples autochtones de ce pays, dans un environnement de reconnaissance mutuelle, c'est-à-dire de reconnaissance des titres de propriété autochtones et, parallèlement, des titres de propriété de la Couronne qui sont également une réalité dans notre vie. Comment concilier les deux? Mme Campbell vient d'évoquer une solution pour avancer. Nous n'irons pas nécessairement en terrain inconnu dans ces conversations mais, dans un exercice législatif, il serait intéressant d'aborder le nouveau territoire que suggère l'idée d'une reconnaissance mutuelle. C'est un effort législatif qui permettra d'avancer.

Le sénateur Carstairs : Une brève remarque. Je suis enseignante de profession. Mon expérience m'a appris qu'on n'obtient rien des enfants si on ne leur fait pas confiance. Par contre, quand on leur demande d'accepter une responsabilité, ils l'acceptent dans 99 p. 100 des cas et ça permet d'avancer. Est-ce ce que vous suggérez?

M. Atleo : C'est une excellente analogie, à bien des égards. Elle est excellente en ce qui concerne la responsabilité. Toutefois, quand vous parlez d'enfants, la notion même de « statut » exprime historiquement l'idée de pupilles du gouvernement fédéral au sens où les enfants sont des pupilles. C'est la raison pour laquelle on pouvait les retirer de leurs familles.

Il y a une corrélation ici. C'est une notion ancienne qui, introduite dans l'équation, n'est pas sans mérite. Nous devons faire attention à cela et je sais que vous en êtes consciente.

Cela dit, je suis un Nuu-chah-nulth. Un élément de mon identité complexe est relié au fait que j'ai une carte de statut, comme mes enfants. Leurs enfants devront-ils en avoir une aussi? Cela devrait absolument faire partie de la discussion, selon moi. Nous parlons ici de ma famille et, quand on commence à parler de famille, on entre dans un domaine délicat.

Quoi qu'il en soit, je partage ce sentiment. C'est ce que j'essayais d'expliquer. Considérant tout le pouvoir que détient le ministre, et c'est un pouvoir auquel nous sommes confrontés à tous les niveaux dans tous les domaines, reconnaissance va avec responsabilité. Je suis enthousiaste à la perspective que ma compétence sur mes territoires soit reconnue et j'accepte par conséquent la responsabilité avec les autres citoyens de ce pays de faire avancer les choses.

Le principe des excuses était très puissant. Nous sommes tous aujourd'hui dans l'esprit d'après les excuses, l'esprit de la réconciliation. Je demande à votre comité d'envisager sérieusement non seulement la réconciliation avec le pays mais la réconciliation entre les familles autochtones et les membres des collectivités, ce qui est la raison fondamentale pour laquelle je continue mon action.

Le sénateur Brazeau : Merci d'être venu ce matin. Je limiterai mon intervention à l'objet de l'étude, la réforme des élections selon la Loi sur les Indiens. Vous disiez tout à l'heure que les Premières nations n'ont pas donné leur consentement à l'imposition de la Loi sur les Indiens et je suis parfaitement d'accord avec vous. Je crois également que les Premières nations se sont opposées à toute tentative de réforme de la Loi sur les Indiens destinée à essayer d'améliorer la gouvernance depuis plusieurs décennies.

Concentrons-nous sur les dernières tentatives de l'ancien gouvernement libéral, avec son projet de loi sur la gouvernance des Premières nations. Ce projet aurait permis aux Premières nations de formuler leurs propres Constitutions et leurs propres codes de sélection des dirigeants, codes qui auraient pu refléter leur histoire, leurs traditions et leurs coutumes. Ce projet de loi aurait pu donner aux Premières nations la possibilité d'instaurer leurs propres mécanismes de reddition de compte, de recours, de destitution, et cetera. À l'époque, puisque j'ai beaucoup participé au processus, l'Assemblée des Premières Nations, par exemple, avait donné son accord de principe à l'idée de tenter d'améliorer la gouvernance par la voie d'amendements. Par contre, une fois que le processus a démarré, les chefs de l'Assemblée des Premières Nations ont changé d'avis et ont décidé de le boycotter en prétendant que ce texte de loi serait un texte qui leur serait imposé.

Je ne veux pas débattre de la question de savoir si cette législation aurait été imposée mais je pense que nous pouvons tous convenir qu'elle aurait donné aux Premières nations la possibilité de formuler leurs propres codes de gouvernance. Je sais qu'elle ne portait pas sur d'autres revendications des Premières nations mais, pour ce qui est de la gouvernance, elle leur aurait donné cette possibilité.

Pouvez-vous me dire pourquoi il y a eu tant de résistance à ce projet? Même si cette loi n'était pas parfaite, c'était au moins un bon point de départ pour régler beaucoup des questions concernant les élections, notamment, ainsi que le fait que le ministre détenait trop de pouvoir à cet égard. Comment pourrions-nous trouver un terrain d'entente le sénateur Carstairs parlait d'une démarche de haut en bas plutôt que de bas en haut qui permettrait aux Premières nations d'envisager sérieusement des amendements à la Loi sur les Indiens au sujet de la gouvernance et de la redevabilité?

M. Atleo : Vous dites que la résistance s'expliquait en partie par cette notion d'imposition, ou par le fait que les gens n'étaient pas prêts à s'engager dans ce processus, et je suis d'accord avec vous.

Je pense que non seulement le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations mais tous les efforts déployés pour proposer des réformes, dont notre Reconnaissance et mise en œuvre des gouvernements des Premières nations et nous avons signé une entente politique avec le ministre Scott de l'ancien gouvernement n'ont pas débouché sur l'acceptation par le gouvernement actuel d'entreprendre avec nous des conversations comme celle-ci.

Nous devons cependant poursuivre nos efforts et ne pas abandonner, afin de voir quels sont les éléments valables qui pourraient être retenus dans un exercice conçu et géré ensemble. Il n'est pas nécessaire que nos efforts aient été vains, qu'il s'agisse du projet de loi sur la gouvernance des Premières nations ou de notre Reconnaissance et mise en œuvre des gouvernements des Premières nations, la RFING. J'étais satisfait d'au moins un élément, la Loi sur la résolution des revendications particulières, qui était l'une des expressions de la RFING. Je vous ai donné tout à l'heure un exemple régional de la Colombie-Britannique. Aucune de ces choses ne doit être jetée à la poubelle, à mon avis. Nous avons le rapport Penner et le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Ce qu'il faut maintenant, c'est que toutes les parties aient la volonté d'entreprendre cet exercice. En ce qui me concerne, j'aimerais voir ce que nous pourrions accomplir.

Ce qu'il faut, à mon avis, c'est l'essence de ce dont nous avons discuté aujourd'hui, c'est-à-dire faire participer les gens à une démarche de bas en haut, comme vous l'avez dit. L'Assemblée des Premières Nations est l'un des organismes pouvant faciliter ou coordonner ce genre d'exercice en sollicitant l'appui des chefs.

Faire participer les gens donnerait un exercice incroyable et, selon moi, habilitant. Je veux parler d'un exercice auquel participeraient tous les citoyens de nos Premières nations, quel que soit leur lieu de résidence, pour parler de la construction des nations et de l'acceptation et du partage de la responsabilité en matière de gouvernance. Nous connaissons trop bien les conflits qui existent au sein de nos populations à cause de la manière dont les structures sont apparues. L'Assemblée des Premières Nations est un organisme qui a été créé il y a plus de 25 ans pour aider plus de 630 bandes à s'unir. Elle représente les chefs des Premières nations qui assument la supervision ou la responsabilité des réserves mais qui n'ont pas le soutien nécessaire pour représenter leurs peuples, ce qui est à l'origine d'un profond conflit interne. Nous ne pouvons pas laisser ce conflit nous bloquer, ni comme peuples autochtones, ni comme pays. Nous ne l'avons pas créé, nous en avons hérité. Ça ne s'est peut-être pas produit durant votre vie mais j'affirme qu'il y a des choses que nous n'avons pas créées, comme le changement climatique, et nous avons tous la responsabilité de nous y attaquer dans l'intérêt des générations futures. Que voulons-nous leur laisser : la preuve que nous sommes des incapables? C'est maintenant que nous devons nous débarrasser de la Loi sur les Indiens, et c'est à notre génération de le faire. Nous n'avons pas cessé de le dire pendant toute notre histoire.

Sommes-nous arrivés au moment de le faire? Je pense que votre comité peut contribuer de manière importante à nous faire avancer dans cette voie. Je comprends bien vos remarques et je partage ce sentiment historique de quelque chose qui a été imposé de l'extérieur. Au fond, il s'agit d'une question de méfiance profonde. Il est donc temps maintenant d'engager un exercice de construction entre les différents gouvernements, les peuples autochtones et tous les Canadiens.

Le sénateur Brazeau : Je ne comprends pas pourquoi l'Assemblée des Premières Nations a décidé à l'époque de boycotter le processus et de résister aux amendements à la Loi sur les Indiens visant à améliorer la gouvernance et la redevabilité alors que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, à la même époque, avait fait un sondage indiquant que plus de la moitié des citoyens des Premières nations vivant dans les réserves appuyaient ce projet de loi.

Cela dit, en tant que représentant de l'Assemblée des Premières Nations, avez-vous jamais proposé au ministre de tenir un référendum parmi les citoyens des Premières nations pour voir s'ils souhaitent des amendements à la Loi sur les Indiens ou peut-être même l'abrogation de cette loi?

M. Atleo : Je ne l'ai pas fait et je ne sais pas si d'autres l'ont fait. Je pense que la notion de référendum est reliée à l'idée d'inclusion. Comment peut-on inclure les gens? Les questions dont nous sommes saisis, la question des élections et la question du statut, et le fait que certaines collectivités n'auront plus d'Indiens de plein droit d'ici une ou deux décennies, débouchent nécessairement sur la nécessité d'inclure et de faire participer. Ce que nous savons, c'est que toutes les voix doivent se faire entendre et, ce qui est encore plus important, être incluses et participer. Je ne suis pas sûr que les autres formes usuelles de gouvernance élue puissent prétendre détenir des notions supérieures à cette gouvernance autochtone historique. Nous avons beaucoup à offrir et il faut que cette contribution soit prise en compte.

L'idée d'un référendum peut être valable si le processus de participation ne marche pas et n'est pas aussi exhaustif qu'il devrait l'être. La vraie question est celle-ci : comment pouvons-nous inclure tous les citoyens pour qu'ils participent au processus et définissent leur gouvernance? C'est cela qui m'intéresse beaucoup. Nous ne sommes que 633 bandes indiennes dans tout le pays. Nous avons bien plus de 50 nations autochtones. Il est temps d'œuvrer ardemment à ce travail de reconstruction et de rétablir le lien qui s'est coupé au cours des derniers siècles. La question doit être envisagée dans le cadre d'un débat général sur la manière de faire participer pleinement nos membres.

Le sénateur Brazeau : J'ai toujours appuyé vigoureusement l'idée d'abroger la Loi sur les Indiens et de se concentrer sur une véritable construction des nations, comme le recommandait la Commission royale sur les peuples autochtones. Comme je suis un Algonquin, je peux vous dire que nous avons neuf collectivités algonquines. J'ai toujours appuyé et encouragé les chefs de ces neuf collectivités qui étaient favorables à la fusion et essayaient de lancer le débat nécessaire. Je les ai encouragés à œuvrer pour la construction de la nation afin de pouvoir reformer les vraies Premières nations historiques telles qu'elles étaient avant la Loi sur les Indiens.

Le problème est que beaucoup de ces chefs ont peur de ce changement. Permettez-moi d'être franc : ils ont peur de perdre leur pouvoir, les avantages qui viennent avec la fonction de chef et les fonds qui viennent du ministère des Affaires indiennes. Chacun s'est habitué à son petit domaine établi par le ministère. Je comprends leur crainte. Je ne veux pas faire traîner cette discussion mais je pense que nous sommes d'accord sur ce point.

Comme le disait le sénateur Campbell, pourquoi ne le faisons-nous pas simplement nous-mêmes, comme peuples des Premières nations? Nous n'avons pas besoin d'argent pour commencer à consulter les gens et à les rallier autour de cette grande idée. Si vous examinez comment ont évolué les accords d'autonomie gouvernementale signés par le gouvernement du Canada et les groupes de Premières nations intéressés, ces groupes se sont réunis, ont eu leurs propres discussions et ont présenté un projet au gouvernement du Canada. Ils ont dit : voici la voie dans laquelle nous voulons avancer, voici ce que nous réclamons et voici le genre de pouvoirs que nous voulons pour gérer nos propres affaires.

C'est après ça qu'on a commencé à discuter des fonds nécessaires pour mettre les mécanismes en place et pour mettre en œuvre les processus que réclamaient ces Premières nations.

J'essaye de trouver une solution. D'après vous, comment pourrions-nous amener les gens à avancer dans cette voie?

M. Atleo : Je pense que vous avez tout à fait raison quand vous dites que nous devrions simplement agir et dire : voici ce que nous voulons. Il faut établir une relation, qu'il s'agisse de la Loi sur la gouvernance des Premières nations ou d'autres tentatives historiques qui n'étaient pas fondées sur une reconnaissance pleine et entière, afin que nos peuples n'aient pas à aller devant les tribunaux pour prouver qu'ils existent dans ce pays. Cette absence de reconnaissance reste un obstacle fondamental.

Je peux vous dire qu'il nous serait difficile, à moi et à ma collectivité, d'essayer de passer au-dessus de cette question pour engager une discussion avec le gouvernement après avoir été obligés d'entendre un avocat du gouvernement fédéral contester devant un tribunal notre existence même de peuple. Je pense que cette question reste notre obstacle crucial.

Si vous voulez entreprendre cet exercice sur la base d'une reconnaissance pleine et entière, diverses questions doivent être abordées, comme la citoyenneté. Ainsi, c'est mon peuple, les Nuu-chah-nulths, qui décidera lui-même qui est un Nuu-chah-nulth, pas la Loi sur les Indiens. Je comprends Sharon McIvor et les efforts qu'elle a faits pour s'assurer que ses descendants soient reconnus. Cette question d'Indien inscrit ou non inscrit est une arme à double tranchant. Elle peut provoquer des divisions incroyables.

Je pense que nous appuyons les chefs que je représente en Colombie-Britannique, qui sont des gens courageux, généreux et honnêtes qui essayent de travailler au sein d'une structure qui ne les appuie pas comme il le faudrait. Nous devrions appuyer les systèmes de gouvernance de nos collectivités. Cet appui ferait beaucoup pour nous permettre de commencer à régler cette question de reconnaissance réelle et de pouvoir. Quand nous parlons de l'expression de cette question sur mes territoires, si mon village et le village voisin avaient cette discussion, les réalités quotidiennes surgiraient immédiatement, c'est-à-dire que nous devrions nous occuper de questions d'égouts, d'eau potable, de logement, d'éducation et de toutes les choses concernant la vie de la collectivité.

En fin de compte, c'est une question de réconciliation avec la Couronne et, selon moi, cette réconciliation ne peut être que complète et mutuelle. Il ne faut pas répéter l'imposition unilatérale que nous avons subie durant notre histoire. C'est cela qui a créé des divisions profondes parmi nous, peuples autochtones.

En Colombie-Britannique, il a fallu que les trois organisations provinciales de Premières nations parviennent à une position commune avant de pouvoir commencer à parler de l'exemple de notre peuple avançant vers la construction de la nation, ce qui amène au regroupement. C'est naturel.

Le regroupement n'est pas le principal moteur mais il est raisonnable, n'est-ce pas, de parler des gains d'efficience que nous obtiendrions en travaillant ensemble comme nation plutôt que, par exemple, 14 bandes indiennes faisant partie du peuple nuu-chah-nulth? Il y aurait des économies d'échelle, des possibilités de développement économique et de partage des revenus et, ce qui est plus important à mes yeux, le regroupement interne des familles qui ont été séparées. Ce n'est pas nous qui avons choisi que certains parleraient la langue qu'ils parlent, et d'autres, non. Ce n'est pas nous qui avons choisi que certains enfants vivraient avec leurs grands-parents dans leurs villages et iraient à la pêche, comme moi, et d'autres, non. Ce n'est pas nous qui avons choisi que certains deviendraient adultes en Californie parce qu'ils avaient été adoptés à la naissance et qu'ils essaient aujourd'hui de retrouver un foyer. Aucun d'entre nous n'a fait ces choix. Les chefs autochtones de ce pays n'ont pas fait ces choix.

Par contre, nous devons nous occuper des conséquences. Nous ne pouvons pas accepter que cette situation se prolonge, en particulier quand nous voyons des forces incroyables nous menacer, comme cette question d'Indien inscrit ou non inscrit. Nous ne pouvons pas laisser cette histoire bloquer notre évolution.

Le sénateur Dyck : Je vous remercie de votre témoignage. Je viens de la Saskatchewan et je suis un Indien du projet de loi C-31 : j'ai recouvré mon statut mais mes descendants n'en bénéficieront pas. Vous parlez de construction des nations et je pense que cela dépend de deux grands facteurs. Premièrement, nous avons besoin des ressources nécessaires pour faire ce que doit faire une nation. À l'heure actuelle, la majeure partie de ces ressources semble venir essentiellement du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. C'est le ministère qui tient les cordons de la bourse. Deuxièmement, nous avons besoin de membres.

Si l'on interrogeait le grand public au sujet des élections, il répondrait probablement en se fondant sur l'expérience des organisations politiques. Je vais prendre l'Assemblée des Premières Nations comme exemple. Elle a beaucoup d'expérience en matière d'élections.

En Saskatchewan, nous avons des chefs et des conseils et nous avons la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan. À partir de là, nous élisons des gens à l'Assemblée des Premières Nations. Évidemment, nos membres ont beaucoup d'expérience du système électoral.

Cela dit, ce système n'est pas vraiment reconnu par AINC. C'est le ministère qui détient l'argent et il dit au chef et au conseil : je ne vous reconnais plus et je vous place sous tutelle.

En termes de structure, donc, en termes de système électoral, pensez-vous que des organisations comme l'Assemblée des Premières Nations et la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, la FSIN, ont quelque chose à apporter à cette conversation sur la manière de modifier la Loi sur les Indiens en ce qui concerne l'élection des chefs et des conseils? Ces élections semblent être les seules à être reconnues car, je le répète, AINC est au centre du débat. Quel serait le rôle de ces organisations?

Vous avez parlé des revendications territoriales particulières et de la manière dont un organisme ou un processus est défini pour inclure ce genre d'organisations. Comment pensez-vous qu'il faudrait réformer les élections au sein des bandes?

M. Atleo : Je pense que les revendications particulières sont un exemple d'approche ou de processus nous ayant permis, parce que le ministère des Affaires indiennes était prêt à s'engager dans un processus conjoint, de solliciter l'appui et un mandat des chefs de l'assemblée, ce que nous avons obtenu. Nous avons dû relancer le processus de nombreuses fois. Il reposait entièrement sur le travail que nous avions fait sur la reconnaissance et la mise en œuvre des gouvernements des Premières nations. Autrement dit, il y avait un mandat antérieur par lequel les chefs avaient dit : oui, nous devons poursuivre des exercices législatifs communs et des exercices communs d'élaboration des politiques.

C'est d'ailleurs l'essence de notre témoignage : si nous faisons quelque chose, nous en discuterons ensemble, nous l'intégrerons au mandat que je sais que nous avons actuellement et nous entreprendrons un exercice commun au sujet des élections.

Nous devons aussi avoir une conversation, comme nous l'avons fait pour les revendications particulières, sur les ressources, qui feront naturellement partie des questions en jeu, qu'il s'agisse des ressources d'AINC ou qu'il s'agisse de conversations plus larges basées sur une reconnaissance complète du partage des revenus issus des ressources. De cette manière, les collectivités auront des revenus issus des ressources pour faire ce travail.

Vous avez raison de dire qu'on a une longue expérience des processus électoraux en Saskatchewan et à l'APN. Comme la FSIN de la Saskatchewan, nous avons maintenant en Colombie-Britannique ce qu'on appelle un conseil de leadership. Pour être clair, j'estime que mon rôle de chef régional, surtout avec mes collègues de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique et le Sommet des Premières nations, est de militer pour coordonner, faciliter et appuyer les chefs qui sont les leaders des gouvernements des Premières nations à engager des discussions avec le gouvernement.

En ce qui concerne votre expérience personnelle, je songe aux villages que je visite et aux préoccupations exprimées par les gens sur les divisions causées par le projet de loi C-31. Des villages se sont retrouvés avec de nouveaux membres et se sont demandé d'où viendrait l'argent. Encore une fois, des conflits ont éclaté au sujet de l'argent. Même si nous faisons partie de la même nation, avec les mêmes racines et familles, il y a ce statut qui crée de profondes divisions au sein des familles et des collectivités. J'estime que le Canada doit assumer une part de responsabilité quant à la manière dont nous nous comportons lorsqu'il s'agit du traitement des peuples autochtones. On ne peut pas parler de gouvernance des Premières nations sans parler de citoyenneté.

En ce qui concerne le statut et les enfants, j'ai fait face à la même chose avec les miens et ce sera la même chose avec les leurs. Ils ont un lignage ahousaht et sont élevés Ahousaht. Ma mère est une immigrante allemande et son père, aujourd'hui décédé, avait été interné sur l'île de Vancouver pendant la guerre. Il travaillait sur un navire marchand. Voilà pourquoi j'ai mentionné le livre de John Ralston Saul tout à l'heure, où il dit que ce pays est un pays autochtone fondé sur les valeurs autochtones. Sa thèse est que nous sommes un pays métis.

Je suis enthousiaste de voir que votre comité s'attaque à ces questions et veut nous aider à les résoudre.

Le sénateur Dyck : Une autre brève question. Selon vous, quelle proportion des communautés des Premières nations est insatisfaite du système électoral actuel, relevant de la Loi sur les Indiens? Est-ce la majorité?

M. Atleo : Je vais demander à Mme Campbell de vous répondre car elle a participé aux sessions que nous avons organisées.

Mme Campbell : Je ne peux pas vous donner de chiffre ou de proportion sur les Premières nations qui sont insatisfaites du régime électoral actuel de la Loi sur les Indiens. Par contre, je peux vous dire, en me basant sur des anecdotes et sur les recherches que j'ai effectuées, ainsi que sur des conversations avec des chefs autochtones ou des citoyens, que la manière dont les élections se tiennent est problématique. Certaines Premières nations ont tenté de trouver des solutions mais je peux dire que la structure actuelle, selon la Loi sur les Indiens, n'est pas une structure qui marche pour les Premières nations.

Le sénateur Raine : Merci et bienvenue devant le comité. Je m'intéresse à deux questions. Tout d'abord, il serait difficile d'imaginer un système électoral unique pour toutes les situations étant donné qu'elles sont tellement différentes.

Selon vous, chef Atleo, les petites collectivités composées de quelques groupes familiaux ont-elles déjà tenu des élections afin de choisir des représentants des diverses familles, constituant ensuite un conseil chargé de parvenir à des consensus?

M. Atleo : Oui. Même dans le cadre de l'accord final contemporain des Maa-nulths, plusieurs des chefs de chaque communauté ont le droit d'appliquer leurs systèmes dans l'entente négociée avec la Colombie-Britannique et avec le Canada. Mes parents de la nation huu-ay-aht à Bamfield, près de Port Alberni, par exemple, utilisent leur système qui est celui que j'ai connu, le système de chef héréditaire. Ces systèmes correspondent exactement à ce processus. C'est toute la maison qui s'unit et qui enseigne aux jeunes les normes et les attentes de la maison. Je viens de la maison de Glaakishpilt. Je vous ai parlé de la formation que reçoit un jeune qui est considéré comme un futur chef. Le pouvoir lui est cédé lors d'une cérémonie traditionnelle qu'on appelle un potlatch ou, dans ma langue, un kitsluulthla. Cela a toujours été la fonction des potlatchs : prendre des décisions, pas seulement échanger des cadeaux. Il y avait toujours un but. Un kitsluulthla sur mon territoire sert à céder la fonction de gouvernance de la maison. Aucun responsable de la gouvernance ne travaille seul. Nous avons nos propres formes de Sénat. Nous avons nos mécanismes de règlement des différends qui existent encore aujourd'hui.

Mon rôle de chef héréditaire est complètement volontaire, à la différence du chef élu et du conseil. C'est un rôle volontaire parce que nous attachons énormément d'importance au fait que nous sommes issus de ces systèmes.

Je soulève cette question que c'est un bon exemple de la manière dont l'ancien système se maintient et s'applique à l'ère moderne avec les gouvernements fédéral et provinciaux, de par une reconnaissance mutuelle de la nécessité de le maintenir. Si un chef ne se comporte pas comme il le devrait, la famille a le droit de le destituer et de le sanctionner.

On trouve ce genre de pratiques dans tout le pays. Elles n'apparaissent pas nécessairement dans les registres de décision d'AINC. Dans certains cas, oui. À mon avis, on assiste à leur résurgence, laquelle est souhaitée. Le sénateur Brazeau y a fait référence en ajoutant que c'est difficile. Ce sont les systèmes dont nous avons hérité et ils existent depuis pas mal de temps.

Je reviens cependant à cette idée qu'il y a un fort appétit de réforme sur cette question. Nous avons encore un mandat solide. Certes, nous estimons tous que ce sont les collectivités elles-mêmes qui ont le dernier mot à ce sujet, pas moi à titre de chef régional, ni Mme Campbell, ni moi comme membre de l'Assemblée des Premières Nations. Ce qui est stimulant, c'est de voir comment nous pouvons appuyer ces conversations de manière concrète.

Le sénateur Raine : Je suis heureuse de voir qu'il y a cette résurgence. Je craindrais de voir un chef et un conseil ayant pour tâche d'attribuer les fonds reçus du gouvernement fédéral sans qu'il y en ait assez pour tout faire, ce qui pourrait susciter beaucoup de batailles et amener des gens à estimer qu'ils n'ont pas reçu leur juste part.

Cela me rappelle ce que disait le chef Clarence Louis, c'est-à-dire que, pour être une véritable Première nation libre, celle-ci doit être économiquement indépendante du gouvernement. Ce qui m'encourage, et je conviens totalement avec vous que le temps est venu d'avancer, c'est qu'il y a tant de jeunes ayant fait des études qui vont arriver sur la scène et seront prêts à assumer la responsabilité d'aller de l'avant et de réunir de l'argent. En dernière analyse, l'argent doit bien venir de la poche de quelqu'un et il est important que cette responsabilité soit également partagée par les Premières nations. Qu'en pensez-vous?

M. Atleo : Je suis heureux de vous entendre dire cela. L'an prochain marquera un centenaire important pour cette partie de la Colombie-Britannique d'où vous venez, où vous habitez et où vous travaillez. En 1910, les chefs de l'intérieur de la Colombie-Britannique avaient adressé une pétition à sir Wilfrid Laurier et créé ce qu'on a appelé le monument de Laurier. L'essence de tous les traités au Canada, et c'est aussi l'essence de ce monument commémoratif de 1910, c'est le respect mutuel, la reconnaissance mutuelle et la prospérité partagée. On a écrit sur le monument commémoratif de Laurier que nous devons tous être des frères je ne suis pas sûr qu'on ait ajouté « et des sœurs ». Si on ne l'a pas fait, on aurait dû. Nous devrions être des frères et des sœurs pour nous rendre mutuellement grands et meilleurs. On y parle ensuite du partage des revenus et du partage de la richesse de cette terre.

Je suis complètement d'accord. Je pense que ces activités sont simultanées. Je partage l'opinion du chef Clarence Louis. En fait, c'est toujours un modèle. Il n'a pas besoin de parler parce qu'il a démontré ce que permet de faire l'indépendance économique. C'est ce qu'on dit dans le rapport Harvard et le rapport Penner.

Je voudrais aussi évoquer un élément de reconnaissance mutuelle que nous pouvons réaliser à cette étape de notre histoire. Il n'est pas nécessaire que ces choses soient mutuellement exclusives. Nous pouvons les entreprendre en même temps : avancer vers la reconnaissance et la mise en œuvre de la gouvernance des Premières nations, donner effet à l'article 35 en honneur de la Couronne, avoir cette responsabilité partagée à laquelle faisait allusion le sénateur Campbell et aussi, ce qui est encore plus important, aider les gens à avancer dans leur vie. Les problèmes sociaux sont toujours énormes. L'histoire des pensionnats ne disparaîtra pas. Je peux partager avec vous mes anecdotes personnelles, tout comme d'autres Autochtones. Cela nous prendra du temps. Nous devrons marcher ensemble jusqu'au moment où nous parviendrons à surmonter ces défis dans nos collectivités.

Je partage votre enthousiasme. Je suis très stimulé par l'époque actuelle et je serais très heureux que ceci représente un cheminement que nous ferons avec le Canada. Comme je l'ai dit, c'est l'essence du monument commémoratif de Laurier et c'est l'essence des traités. Nous célébrerons l'an prochain le centenaire du monument de Laurier. À nous de nous assurer que nous devenons tous grands et meilleurs, comme on le disait à l'époque.

Le sénateur Raine : Je veux vous poser une autre question car je n'ai pas souvent l'occasion de parler à quelqu'un comme vous, possédant une si vaste expérience.

Ce processus exige de la confiance de la part de toutes les parties, c'est-à-dire des membres de vos collectivités, des conseils, des chefs, mais aussi évidemment des non-Autochtones au sujet de ce que bâtissent les Premières nations.

En ce qui concerne la législation municipale actuelle, il y a beaucoup d'éléments régissant la redevabilité, les finances, la manière dont l'argent est utilisé, la transparence, et cetera. Vous avez parlé de l'opposition des Premières nations à l'idée de devoir satisfaire à certains critères pour mettre en œuvre des changements en matière de gouvernance. Je pense cependant que ces critères sont positifs pour tout le monde car ils donnent aux gens la confiance que le système fonctionne de manière juste et équitable.

L'exercice que nous avons entrepris consiste à définir ces critères que souhaitent les gens des collectivités des Premières nations pour avoir l'assurance qu'ils sont bien gouvernés et que tout le monde partage ces critères. Cela doit- il être la prochaine étape?

M. Atleo : Je crois qu'il y a un accord général au sujet de la redevabilité et de choses telles que la transparence, l'équité, la création de mécanismes de règlement des différends, et cetera. J'ai vraiment la conviction qu'il y a un accord solide à ce sujet.

Ce qui est important, c'est de savoir comment formuler les mécanismes de redevabilité. Comme l'indique notre travail dans le cadre de la RFING, cela doit se faire en commun. Les gouvernements des Premières nations doivent participer de manière pleine et entière sur la base de l'expression la plus récente de la Common Law, qui parle de consultation et d'accommodement.

L'Assemblée des Premières Nations peut jouer un rôle de soutien et de facilitation, à mon avis, si les chefs nous donnent l'instruction de faire cela. Nous avons actuellement un mandat au sujet du travail que nous avons fait dans ce domaine, un travail très solide.

Je tiens à ce que ceci soit parfaitement clair : en ce qui concerne l'idée de normes ou de critères, je sais que nous les avons dans ma communauté. Certains sont issus de la Loi sur les Indiens mais la plupart émanent de notre droit traditionnel concernant la manière dont nous devons nous comporter dans ma communauté, par exemple. Nous n'avons pas encore eu de conversation exhaustive sur la manière de conserver les meilleurs éléments de nos systèmes de gouvernance traditionnels sur la base desquels ce pays et la Constitution américaine sont fondés, grosso modo. Bon nombre de penseurs estiment que l'expérience du Canada comme pays juste et pacifique trouve son origine dans les expériences du passé et l'interaction avec les gouvernements autochtones. Pourquoi ne pourrait-on tirer parti de ces expériences sur la base d'une pleine reconnaissance, avec un processus dans lequel nous agirions ensemble? C'est quelque chose que je vous invite à examiner sérieusement.

Le sénateur Raine : Une dernière réflexion. Nous sommes un comité sénatorial, nous ne sommes pas les Affaires indiennes ni le gouvernement. Je pense que nous sommes donc dans une situation idéale pour contribuer à la recherche de ces critères, si vous voulez. Nous le ferions en commençant par écouter.

Je crois que cela devrait être la prochaine étape pour notre comité, idéalement en collaboration avec l'Assemblée des Premières Nations mais aussi en parlant directement aux gens, comme ne cesse de le répéter le sénateur Brazeau. Nous devrions au minimum écouter ce que les membres des Premières nations ont à nous dire.

Le président : Honorables sénateurs, je remercie le chef Shawn Atleo. Je pense que l'histoire du comité vous montrera que nous sommes engagés dans un processus consultatif. Nous avons travaillé du bas vers le haut et nous avons besoin de l'appui de l'APN. Votre organisation est importante dans le processus global, chef Atleo.

Je vous remercie de votre témoignage et je remercie Mme Campbell de sa contribution au débat. J'ai maintenant besoin d'une motion pour que les documents que vous avez déposés soient annexés au procès-verbal de la séance. Quelqu'un peut-il proposer cette motion?

Le sénateur Campbell : Je la propose.

Le président : Le sénateur Campbell propose la motion, avec l'appui du sénateur Dyck.

Honorables sénateurs, la prochaine réunion consacrée à cette étude se tiendra demain, le mercredi 13 mai, à 18 h 30. Nous accueillerons alors des représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. En mon absence, c'est le sénateur Sibbeston qui présidera.

S'il n'y a pas d'autres commentaires, j'aimerais que les membres du comité directeur se réunissent brièvement une fois que j'aurai levé la séance. Je vous remercie tous de votre participation et je crois que cette étude devrait être intéressante.

Si vous avez quoi que ce soit d'autre à ajouter plus tard, chef Atleo, pour nous aider à formuler des recommandations constructives, n'hésitez pas à le faire. Nous vous en serons très reconnaissants. Ce n'est pas parce que cette séance s'achève que vous ne pouvez pas continuer à contribuer à nos travaux.

M. Atleo : Je n'y manquerai pas. Je remercie le comité. Mes dernières paroles concernent ce rapport que vous avez produit sur la mise en œuvre des traités. Nous avons eu une conversation. Si vous retournez en arrière, vous partez du résultat final, du concept de mise en œuvre des traités, aussi bien ceux signés récemment que ceux signés il y a longtemps. Si nous travaillons à reculons à partir de l'essence de ce rapport, ce travail est un élément instructif et important qui contribuera aussi grandement à cette conversation. Je viens juste d'y penser en vous écoutant conclure. Merci à tous de nous avoir invités aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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