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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 6 - Témoignages du 13 mai 2009


OTTAWA, le mercredi 13 mai 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 31 pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : Questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens).

Le sénateur Nick G. Sibbeston (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs qui sont ici ce soir ainsi qu'aux membres du public, à nos témoins et à nos téléspectateurs. Notre réunion est télévisée sur le réseau CPAC et sur le web.

Je m'appelle Nick Sibbeston et je suis le vice-président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. En l'absence de notre président, le sénateur St. Germain, je préside la réunion de ce soir. Le comité a pour mandat d'étudier la loi et diverses questions se rapportant aux peuples autochtones du Canada.

Le 1er avril 2009, notre comité a décidé d'examiner certaines questions relatives aux élections tenues en vertu de la Loi sur les Indiens. Le comité veut en particulier connaître les points de vue des Premières nations touchées et d'autres groupes intéressés en ce qui concerne trois questions : premièrement, le prolongement du mandat des chefs et des membres du conseil, qui est actuellement de deux ans aux termes de la Loi sur les Indiens; deuxièmement, la tenue d'élections à date fixe ou commune; troisièmement, l'adoption éventuelle de modalités de destitution, si la durée des mandats doit être prolongée.

Le comité sollicitera en outre l'avis des Premières nations pour tenter de savoir si des changements dans ces domaines auraient pour effet d'accroître la responsabilité politique des dirigeants à l'égard de leurs citoyens, et de quelle façon. À cette fin, nous tiendrons des réunions dans diverses régions du pays. Nous commencerons dans environ deux semaines, à Winnipeg et à Dauphin, et nous rencontrerons surtout des représentants des Premières nations pour discuter de cette question.

Ce soir, nous accueillons des représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, mais permettez- moi d'abord de vous présenter mes collègues ici présents.

Il y a le sénateur Patrick Brazeau, du Québec; le sénateur Nancy Raine, de la Colombie-Britannique; le sénateur Daniel Lang, du Yukon; le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard; le sénateur Sharon Carstairs, du Manitoba; le sénateur Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

Permettez-moi en outre de vous présenter les témoins que nous entendrons ce soir : Mme Brenda Kustra, directrice générale, Direction générale de la gouvernance, Services fonciers et fiduciaires, Affaires indiennes et du Nord Canada; M. Marc Boivin, gestionnaire, Direction générale de la gouvernance, Affaires indiennes et du Nord Canada; Mme Nathalie Nepton, directrice, Direction de l'administration des bandes, Affaires indiennes et du Nord Canada.

S'il vous plaît, commencez, et lorsque vous aurez terminé nous vous serions reconnaissants de bien vouloir répondre aux questions des sénateurs.

[Français]

Brenda Kustra, directrice générale, Direction générale de la gouvernance, Services fonciers et fiduciaires, Affaires indiennes et du Nord Canada : Merci, bonsoir tout le monde. Nous sommes ici ce soir pour nous informer et pour répondre à vos questions en ce qui concerne les élections au niveau des Premières nations du Canada.

[Traduction]

Merci de nous avoir invités à vous présenter ce soir un exposé sur le thème des élections dans les collectivités des Premières nations au Canada.

La réforme du régime électoral des Premières nations a fait l'objet d'études et d'examens pendant de nombreuses années. Dès 1998, nous avons effectué conjointement certains travaux avec l'Assemblée des Premières Nations dans le domaine de l'élaboration des politiques et, en 2001, dans le cadre de certaines initiatives législatives, un Comité interministériel mixte consultatif sur la gouvernance des Premières nations a été créé.

Depuis quelque temps, nous collaborons avec l'Assemblée des Premières Nations, le Congrès des peuples autochtones et l'Assemblée des chefs du Manitoba à l'examen de divers éléments de réforme électorale.

J'ai eu l'honneur de venir ici, au Sénat, en juin dernier, en 2008, pour lancer une discussion sur les élections et expliquer brièvement le régime électoral à ce moment. Aujourd'hui, j'aimerais vous présenter une mise à jour sur les travaux que nous menons et vous communiquer certaines données statistiques sur les modes électoraux des Premières nations dans tout le Canada.

Les dirigeants des Premières nations peuvent être choisis selon trois méthodes distinctes par leurs collectivités. Quarante et un pour cent des nations, c'est-à-dire 250, élisent leurs dirigeants suivant les dispositions de la Loi sur les Indiens, la loi fédérale. Cinquante-quatre pour cent des collectivités élisent leurs dirigeants d'après la coutume communautaire, qui ne s'inscrit pas dans le cadre de la Loi sur les Indiens. Cinq pour cent des Premières nations au Canada, soit 29, élisent leurs dirigeants grâce à un processus qu'elles ont conçu en vertu d'ententes sur l'autonomie gouvernementale.

Le rôle d'AINC varie largement, selon le régime électoral retenu par la collectivité. Aux termes de la Loi sur les Indiens, AINC intervient pour approuver le choix des présidents d'élections et le nombre de postes de conseiller dans chaque collectivité ainsi que pour examiner les appels relatifs aux résultats d'élections, faire enquête et préparer des recommandations à ce sujet et, dans des circonstances très précises, destituer des élus en raison d'infractions à la loi ou au règlement.

Ce régime prévu dans la Loi sur les Indiens fait actuellement l'objet de contestations devant les tribunaux. Les dispositions de la loi concernant la résidence ont été annulées par les tribunaux avec l'arrêt Corbiere, qui permet aux membres qui n'habitent pas la réserve de voter dans leur collectivité et, récemment, l'arrêt Esquega/Gull Bay, qui permet aux membres de l'extérieur des réserves de poser leur candidature au conseil. Auparavant, il fallait que les intéressés vivent dans la réserve pour pouvoir se porter candidats à des postes dans la collectivité.

Les dirigeants des Premières nations contestent aussi certaines dispositions de la Loi sur les Indiens, en particulier pour ce qui est du mandat de deux ans. Ils croient qu'une période de deux ans ne permet pas aux dirigeants et aux membres du conseil de bien saisir la situation dans laquelle ils se trouvent, d'élaborer des plans en conséquence et de les mettre en œuvre, de négocier des ententes et d'effectuer des changements réels au sein des collectivités.

Des membres des collectivités contestent aussi les dispositions de la Loi sur les Indiens.

Dans bien des cas, le système de vote postal peut être détourné, et les mécanismes existants ne permettent pas de mettre un terme aux manœuvres frauduleuses. Le processus d'appel des résultats d'élections est long et lourd, et il faut souvent des mois pour arriver à une solution. Nous avons eu des cas où le processus d'appel lui-même durait de 12 à 18 mois, et lorsque le conseil n'est nommé que pour deux ans, il exécute tout son mandat dans l'incertitude liée à cet appel.

La Loi sur les Indiens, sous sa forme actuelle, prévoit un processus qui permet aux Premières nations d'adopter un régime électoral indépendant de la Loi sur les Indiens en se convertissant à la coutume communautaire. En 1996, le ministère a adopté une politique officielle pour faciliter cette conversion et le passage de la Loi sur les Indiens à un système électoral communautaire.

Dans le cadre de ce processus, la collectivité doit mettre au point un code électoral qui convient à ses besoins. Elle doit ensuite consulter ses membres et leur demander d'approuver le processus qu'elle souhaite adopter. Pour pouvoir adopter un régime communautaire, la collectivité doit définir un code électoral qui respecte la Charte des droits et libertés et les principes de la justice naturelle. Le code doit également prévoir un mécanisme de modification.

Lorsqu'une bande qui était régie par la Loi sur les Indiens se soustrait aux dispositions de cette loi, l'AINC ne peut plus intervenir, et la collectivité peut modifier son code électoral quand elle le désire et suivant les modalités prévues dans son règlement.

Lorsque je dis que le code doit respecter la Charte, je songe très précisément au fait que les membres hors réserve doivent avoir le droit de vote, qu'il doit exister un mécanisme réaliste permettant à ces électeurs de l'extérieur de la réserve de participer au processus électoral, et que les électeurs de l'extérieur de la réserve doivent pouvoir occuper un poste au sein du conseil de bande.

Depuis 1996, année où cette politique est entrée en vigueur, 39 Premières nations au Canada se sont soustraites aux dispositions de la Loi sur les Indiens et possèdent maintenant leur propre régime électoral. La Colombie-Britannique est la province où le plus grand nombre de conversions ont eu lieu.

J'ai mentionné précédemment que 5 p. 100 des Premières nations fonctionnaient aux termes d'ententes sur l'autonomie gouvernementale. Il faut bien comprendre que les processus de sélection des dirigeants définis dans ces ententes sur l'autonomie gouvernementale doivent aussi être conformes à la Charte et que les méthodes suivant lesquelles les dirigeants seront choisis doivent être clairement exposées dans une constitution.

De nombreuses Premières nations ont des régimes solides et efficaces pour la sélection de leurs dirigeants. Certaines autres éprouvent de sérieuses difficultés. Il y a des collectivités dont les systèmes électoraux n'ont jamais été consignés par écrit; n'ont jamais été codifiés. La collectivité fonctionne suivant la tradition orale. Dans ces cas, il est très difficile pour les membres d'en appeler du processus électoral de la collectivité.

Dans certaines collectivités, il existe divers codes électoraux qui semblent être appliqués à divers moments. Cela est particulièrement évident dans les collectivités où des factions rivales se disputent le leadership et ne comprennent peut- être pas bien le code applicable à la collectivité. Cela suscite bien des conflits dans la collectivité et, évidemment, des inquiétudes au sujet de la gouvernance générale de la collectivité. Un certain nombre de cas sont actuellement devant les tribunaux pour contester les dispositions de codes électoraux communautaires.

Avant que l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Corbiere n'étende le droit de vote aux membres des bandes ne résidant pas dans la réserve, il n'était pas nécessaire que les codes électoraux élaborés pour se soustraire à la Loi sur les Indiens accordent le droit de vote aux membres hors réserve. Essentiellement, cela signifie que des codes communautaires adoptés avant 1999 pourraient encore s'appliquer dans des situations où le droit de vote des membres de l'extérieur de la réserve est brimé. Il faut que des membres de la collectivité exercent des pressions sur leurs représentants élus pour que le code puisse, concrètement, être modifié. Le gouvernement fédéral ne peut pas intervenir pour imposer des changements à ces collectivités.

La même situation s'applique au lieu de résidence des personnes qui aimeraient se porter candidates au conseil. Dans les collectivités qui ont adopté des codes avant l'arrêt Esquega/Gull Bay, rien n'oblige à accepter les candidatures des membres qui vivent à l'extérieur de la réserve. Seule la collectivité peut décider si, oui ou non, le code doit être révisé pour intégrer un tel changement.

Comme je l'ai dit, nous collaborons avec un certain nombre de partenaires depuis quelques années, des personnes qui s'intéressent aux dispositions électorales des codes coutumiers et des codes assujettis à la Loi sur les Indiens. En 2008, nous avons travaillé avec le Congrès des peuples autochtones. Cette organisation a analysé environ 80 codes électoraux coutumiers justement pour déterminer si oui ou non ces codes étaient conformes aux dispositions de la Charte. Comme les Premières nations ne sont pas tenues de déposer leurs codes coutumiers au ministère des Affaires indiennes, nous n'avons pas toujours un code coutumier à jour à consulter lorsque des conflits surviennent. Les habitants ou les membres des collectivités qui veulent améliorer leur code doivent se tourner vers les tribunaux ou utiliser le mécanisme local de règlement des différends défini dans le code pertinent.

Comme je l'ai indiqué précédemment, le processus d'appel des résultats d'élections prévu dans la Loi sur les Indiens est long et complexe. À la suite de récents contrôles judiciaires, le ministère a modifié la façon dont il gère la circulation de l'information sur les appels d'élections à l'intention des appelants et des parties intéressées. Tous ont maintenant l'occasion d'examiner l'information et de présenter des commentaires sur les études relatives aux appels électoraux. Toutefois, cela allonge considérablement le processus et retarde les décisions finales et le règlement des différends.

Récemment, le Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique a invité le ministère à collaborer à un examen consacré au prolongement du mandat des élus dans les collectivités. Le congrès souhaite remplacer le mandat de deux ans par un mandat plus long. Ses membres ont également indiqué qu'ils aimeraient examiner d'autres éléments des dispositions électorales de la Loi sur les Indiens.

Permettez-moi d'expliquer un peu les raisons invoquées par les chefs de l'Atlantique pour justifier leur proposition concernant le mandat de deux ans.

Les chefs de la région de l'Atlantique ont fait valoir que le mandat de deux ans ne permettait pas aux chefs et aux membres du conseil de vraiment s'initier à leurs rôles et à leurs responsabilités d'élus et de les exercer. Ils croient que le mandat de deux ans ne laisse pas non plus assez de temps pour élaborer des plans stratégiques et communautaires, mettre en œuvre des mesures et évaluer le rendement.

Ils ont par ailleurs l'impression que ces deux années ne suffisent pas pour attirer l'investissement dans les collectivités des Premières nations. Ils entament souvent des négociations qu'ils doivent interrompre pour procéder à de nouvelles élections. Si les membres du conseil ou le chef ne sont pas réélus, les investisseurs possibles doivent traiter avec un nouveau groupe de responsables au niveau communautaire.

Les chefs de l'Atlantique ont également indiqué qu'ils aimeraient examiner d'autres éléments, notamment le scrutin postal et diverses questions auxquelles nombre de leurs collectivités ont été confrontées par le passé.

L'une de ces questions a trait à l'équilibre, au sein du conseil, entre les membres hors réserve et les membres vivant dans la réserve. Depuis l'arrêt Esquega/Gull Bay, il se pourrait que le conseil soit composé entièrement de personnes qui vivent à l'extérieur de la réserve. Les chefs aimeraient voir s'ils peuvent équilibrer le conseil de façon à mieux refléter les besoins de la collectivité.

AINC est disposé à collaborer avec les Premières nations ou les groupes de Premières nations du pays qui le désirent pour explorer les possibilités de réforme électorale. Il s'agit d'initiatives présentées par les dirigeants et les organisations des Premières nations, et nous sommes disposés à collaborer avec les groupes qui en feront la demande. Nous avons aussi réalisé certains travaux avec l'Assemblée des chefs du Manitoba. Celle-ci souhaite également étudier le mandat et la possibilité d'adopter une date d'élection commune.

Deux cent cinquante élections sont assujetties à la Loi sur les Indiens, et environ 50 p. 100 de ces élections ont lieu chaque année. Il y a donc en moyenne 125 élections par année civile. Compte tenu de la mobilité dans les collectivités des Premières nations, ces collectivités ont souvent de la difficulté à savoir où vivent tous leurs membres pour pouvoir leur fournir de l'information sur le processus électoral.

Beaucoup sont d'avis qu'une date d'élection commune faciliterait les choses pour les électeurs, qui pourraient alors exercer leurs droits dans le cadre des élections communautaires.

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie tous les trois d'avoir bien voulu comparaître devant le comité.

J'ai trois ou quatre pages de questions, mais je vais essayer de me limiter.

Comme vous le savez, je m'intéresse de près à ces questions depuis quelques années déjà. Je travaille notamment avec Mme Kustra dans ce dossier depuis 2001, et nous nous connaissons donc plutôt bien.

Ma première question est très brève. Diriez-vous que certaines des questions soulevées par l'Assemblée des chefs du Manitoba et le Congrès des chefs de l'Atlantique au sujet de la réforme de la gouvernance aux termes de la Loi sur les Indiens correspondent exactement à ce que vous auriez pu faire grâce à la Loi sur la gouvernance des Premières nations qui a été proposée par l'ancien gouvernement libéral en 2002?

Mme Kustra : Nombre des questions soulevées l'avaient déjà été à l'époque où le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations était en cours d'élaboration; des questions comme l'équilibre du conseil, la durée du mandat, les modalités de destitution et une précision accrue quant au déroulement des élections communautaires. Ce genre de choses étaient comprises dans les dispositions du projet de loi proposé, et nous constatons que ces mêmes préoccupations refont maintenant surface; elles sont présentées par l'Assemblée des chefs du Manitoba et le Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique.

Le sénateur Brazeau : À la page 6 de votre exposé PowerPoint, au deuxième point, vous dites :

Au moment où la Première nation est soustraite du système de la loi, les règles électorales élaborées dans le code sont jugées conformes à la Charte et aux principes de justice naturelle.

J'imagine que vous voulez dire que les codes sont jugés conformes par AINC.

Mme Kustra : C'est exact.

Le sénateur Brazeau : J'ai étudié à fond les codes coutumiers. Je suis convaincu que la majorité des codes coutumiers au Canada pourraient être formés de règles électorales distinctes. Nombre de ces codes réservent encore un traitement discriminatoire à certaines personnes et les empêchent de participer au processus démocratique. Je peux également vous dire qu'ils ne sont pas nécessairement conformes à la Charte.

Si les codes ne sont pas consignés par écrit et déposés au ministère, comment le ministère peut-il déterminer s'ils sont conformes à la Charte et s'ils respectent les principes de la justice naturelle?

Mme Kustra : Lorsqu'une collectivité demande à se soustraire à la Loi sur les Indiens, elle doit présenter son code par écrit. Nous examinons ce code pour déterminer s'il est conforme à la Charte des droits et libertés et aux principes de la justice naturelle. C'est une exigence pour pouvoir se soustraire à la Loi sur les Indiens. C'est uniquement à ce moment que le ministère a l'occasion d'évaluer un code coutumier communautaire.

Un code présenté au ministère aux fins d'examen peut être jugé conforme à la Charte. S'il l'est, nous recommandons que la collectivité soit soustraite à la Loi sur les Indiens. Après ce processus toutefois, la collectivité peut revoir son code en appliquant son processus de modification ou de révision autant de fois qu'elle le veut, et elle n'est plus tenue de soumettre ce code à AINC.

Nous pouvons assurer à la collectivité et aux Canadiens en général que le code est conforme le jour où la communauté n'est plus assujettie à la Loi sur les Indiens et adopte la coutume communautaire, mais par la suite, le gouvernement ne peut plus intervenir. La responsabilité s'établit entre les citoyens et le chef et le conseil.

Le sénateur Brazeau : Diriez-vous également que, dans certains cas, une collectivité peut présenter au ministère un code coutumier que le ministère jugera conforme à la Charte, et que par la suite le chef et le conseil pourront convoquer des élections sans préavis et refuser à certains résidents, dans la réserve ou à l'extérieur, le droit d'y participer?

Mme Kustra : Tout d'abord, le ministère n'est pas habilité à procéder à une telle évaluation. Si toutefois le chef et les membres du conseil respectent leur propre code, les membres de la collectivité qui ont l'impression que leurs droits ont été bafoués pourraient interjeter appel, en utilisant le mécanisme d'appel prévu dans le code, et dans de nombreux cas l'instance compétente serait la Cour fédérale.

Si le chef et les membres du conseil et les dirigeants ne respectent par leur code et que les membres de la collectivité interjettent appel devant les tribunaux à ce sujet, il est fort probable que le tribunal conclura que le code n'a pas été respecté et annulera les résultats de l'élection.

Le sénateur Brazeau : Je pose ces questions parce que j'ai eu l'occasion, dans le cadre de travaux que j'ai effectués précédemment, d'entendre les plaintes de nombreux citoyens des Premières nations, partout au Canada, au sujet des systèmes électoraux qu'ils doivent respecter, qu'ils soient ou non en mesure de participer. J'ai des cahiers de correspondance complets où sont exposées les plaintes que j'ai reçues ces dernières années.

Est-ce que le ministère tient des statistiques à ce sujet? J'ai vu à la page 11 de votre exposé que le ministère n'était pas en mesure de fournir des statistiques ou de l'information à ce sujet. Si AINC accorde des fonds aux collectivités pour tenir des élections sans savoir si les citoyens sont en mesure de participer à ces élections, il me semble que le ministère se lave les mains du problème en invoquant le fait qu'il ne peut se mêler des codes coutumiers, qu'il n'a pas de pouvoir d'application relativement à ces codes et que, donc, il ne sert à rien de tenir des statistiques.

Mme Kustra : L'application des codes coutumiers relève dans une large mesure des tribunaux plutôt que du ministère des Affaires indiennes. Lorsqu'il reconnaît et accepte les codes coutumiers, le ministère reconnaît l'autorité du chef, du conseil et de la collectivité relativement à la mise sur pied d'un système électoral qui conviendra aux besoins de la collectivité.

Je reviens à nouveau sur la question de responsabilité qui doit s'établir entre les citoyens et les représentants élus pour que le système puisse fonctionner, plutôt que de compter sur le gouvernement fédéral comme organe d'application, si vous me passez l'expression.

Le sénateur Brazeau : Je reviendrai sur ce point ultérieurement, au sujet de la Première nation de Peguis, alors je vous en avertis.

Est-ce que le ministère est d'avis que les codes coutumiers qui ont été déposés prévoient un processus plus démocratique que le processus électoral prévu dans la Loi sur les Indiens?

Mme Kustra : Je n'ai pas d'analyse spécifique à ce sujet, monsieur le sénateur. Lorsque nous examinons les codes coutumiers qui nous sont présentés, une partie de l'examen vise bien sûr à déterminer si ce code reflète un processus démocratique pour les membres de la collectivité le jour où il nous est présenté et où la décision est prise d'autoriser la collectivité à se soustraire à la Loi sur les Indiens pour adopter un régime électoral coutumier communautaire.

Nous veillons à ce que le processus soit démocratique au départ, mais comme je l'ai dit, ce qui se passe par la suite relève vraiment du mécanisme de responsabilisation au niveau communautaire.

Marc Boivin, gestionnaire, Direction générale de la gouvernance, Affaires indiennes et du Nord Canada : J'aimerais simplement ajouter que les codes dont nous pouvons vraiment parler sont ceux qui nous sont présentés, comme l'a dit Mme Kustra, pour soustraire le processus à la Loi sur les Indiens. Ce sont en général de bons codes. Ils ont des similarités avec le régime prévu dans la Loi sur les Indiens parce que, de toute évidence, le régime prévu dans la Loi sur les Indiens comporte nombre des caractéristiques fondamentales de tous les régimes électoraux, alors il y a souvent des similarités. Toutefois, ils sont en général plus solides et corrigent nombre des faiblesses du régime prévu dans la Loi sur les Indiens. Nous ne pouvons parler en toute connaissance de cause que de ceux qui nous sont présentés aux fins de la conversion.

Le sénateur Carstairs : Combien de fonctionnaires y a-t-il à la Direction générale de la gouvernance? Combien sont des Autochtones et quel est le poste le plus élevé occupé par un Canadien autochtone à la direction générale?

Mme Kustra : À l'heure actuelle, je crois que la Direction générale de la gouvernance compte 30 fonctionnaires en tout. Je ne sais pas, de mémoire, quel est le pourcentage d'Autochtones, et l'autochtone qui occupe le poste le plus élevé à la direction générale serait Nathalie Nepton, qui est directrice de l'Administration des bandes.

Le sénateur Carstairs : À la page 3 de votre exposé, vous donnez la ventilation des élections tenues aux termes de la Loi sur les Indiens et des autres. Au fond, seulement 41 p. 100 tiennent des élections aux termes de la Loi sur les Indiens. Quel indicateur vous permettrait de dire que la gouvernance est meilleure dans les collectivités régies par la Loi sur les Indiens que dans les autres?

Mme Kustra : Nous avons les contestations des résultats d'élections tenues aux termes de la Loi sur les Indiens ou aux termes de codes coutumiers, et la question de la gouvernance ne se limite pas au système électoral. Elle touche la responsabilité, la participation des citoyens, l'ouverture et la transparence des processus, l'engagement dans la collectivité ainsi que la planification communautaire. Le système électoral n'est vraiment qu'un des facteurs qui déterminent une saine gouvernance au niveau communautaire, et il faut tenir compte de tous les facteurs lorsque l'on vérifie si une collectivité a ou non un gouvernement compétent et efficace.

Le sénateur Carstairs : C'est tout à fait vrai, mais d'après votre expérience, la gouvernance est-elle supérieure dans les collectivités dont le régime électoral est assujetti à la Loi sur les Indiens, est-ce qu'il y a de véritables différences entre le groupe qui relève de la Loi sur les Indiens et l'autre groupe?

Mme Kustra : Il y a tout un éventail d'expériences dans les deux groupes. Je ne crois pas que je pourrais vous dire que la gouvernance est meilleure avec l'un ou l'autre des systèmes. Tout est fonction du leadership et de la collectivité en général.

Le sénateur Carstairs : Vous avez bien sûr dit que dans les unités qui ont des codes coutumiers ou qui sont en régime d'autonomie gouvernementale il n'y avait qu'une façon d'interjeter appel et que c'était en s'adressant à la Cour fédérale. Y a-t-il un service d'aide juridique à la disposition des Canadiens autochtones qui voudraient interjeter appel en raison de ce qu'ils perçoivent comme un manque de conformité à la Charte?

Mme Kustra : Non, il n'y en a pas, madame le sénateur.

Le sénateur Carstairs : Est-ce que cette possibilité a été envisagée?

Mme Kustra : Pas que je sache.

Le sénateur Carstairs : De toute évidence, certains remettent en question le mandat de deux ans. Pourtant, la Chambre des représentants aux États-Unis, et je crois que la plupart des gens considèrent que c'est un organisme de gouvernance efficace, est formée de membres qui ont un mandat de deux ans. Que répondez-vous à cela?

Mme Kustra : Nous avons actuellement un régime où les mandats sont de deux ans, et la raison pour laquelle nous envisageons de le modifier est que les dirigeants communautaires nous le demandent. Ils ont également dit qu'ils aimeraient envisager des modalités de destitution si un mandat plus long devait être adopté. Comme je l'ai dit précédemment, nous répondons aux demandes des dirigeants et des collectivités au sujet de ce nouveau mandat et, au bout du compte, les recommandations qui se dégageront de ce travail détermineront comment le changement législatif pourrait se faire.

Le sénateur Carstairs : Je m'intéresserais plus à ce que les membres de la collectivité ont à dire sur les mandats de deux ans qu'à l'opinion des dirigeants.

Le sénateur Lang : Il y a plusieurs questions en jeu, ici. Je pense d'abord au fait que nous devons aller au Manitoba, comme le président l'a fait remarquer, dans environ deux semaines. À la page 15 de votre exposé, vous affirmez ce qui suit :

Le MAINC respecte la décision prise par les chefs du Manitoba. Toutefois, compte tenu que les chefs ont décidé d'aller de l'avant sans considérer un projet de loi, le ministère ne voit pas le rôle qu'il pourrait jouer.

Pourriez-vous nous expliquer le passage « compte tenu que les chefs ont décidé d'aller de l'avant sans considérer un projet de loi »? Qu'est-ce que cela signifie?

Mme Kustra : Les chefs du Manitoba ont décidé de consulter leurs collectivités au sujet de la réforme législative qui leur permettrait de se soustraite aux dispositions de la Loi sur les Indiens aux termes de la Politique sur la conversion à un système électoral coutumier plutôt qu'en créant un cadre législatif qui s'appliquerait aux Premières nations du Manitoba.

Comme nous ne parlons pas de loi mais plutôt d'un processus de conversion à un code coutumier, la discussion se tient entre les dirigeants et la collectivité. Le sénateur Carstairs a dit qu'elle aimerait savoir ce que les membres de la collectivité ont à dire. C'est exactement ce que les chefs du Manitoba feront, au printemps et pendant l'été. Ils se rendront dans leurs collectivités et ils parleront avec leurs membres du processus de réforme électorale. Ils pourront alors déterminer si elles préfèrent un processus qui mènerait à la conversion au code coutumier ou si elles veulent prendre la voie législative.

Le sénateur Lang : Pourriez-vous dire au comité combien de Premières nations sont actuellement gérées par un séquestre-administrateur?

Mme Kustra : Je n'ai pas ces chiffres ici, je suis désolée, monsieur le sénateur.

Le sénateur Lang : Si je ne me trompe pas, je crois que ce nombre nous a été communiqué il y a quelque temps, qu'il y en aurait une trentaine. Ce sont évidemment des collectivités qui éprouvent beaucoup de difficultés. Si vous prenez la page 12 de votre exposé, qui expose diverses questions liées aux élections, avec ce qui se passe dans la collectivité et le recours à un séquestre-administrateur, évidemment, nombre de ces problèmes sont, en tout ou en partie, le résultat de la situation.

J'aimerais que vous fassiez parvenir au comité une déclaration indiquant combien, parmi ces 30, 40 ou 50 collectivités gérées par un séquestre-administrateur, quel que soit leur nombre, combien ont un code d'élections coutumier et combien sont assujetties au régime électoral de la Loi sur les Indiens.

Le vice-président : Mme Kustra, est-ce que le fait que la gestion par un séquestre-administrateur relève d'une autre direction ou division au ministère explique que vous n'ayez pas cette information?

Mme Kustra : Oui, cela ne fait pas partie du mandat de ma direction générale. Il y a un lien avec les processus électoraux. Si une collectivité a des problèmes de gouvernance qui, effectivement, compromettent l'exécution des programmes et services essentiels, alors il peut être décidé de confier la gestion de cette collectivité à un séquestre- administrateur, parce qu'il n'y a pas de leadership dans la collectivité et que les services essentiels sont menacés pour les membres de cette collectivité.

Par contre, lorsqu'il y a des conflits concernant les dirigeants élus dans la collectivité mais que la collectivité a un bon système d'exécution des programmes et que personne ne s'inquiète des programmes et services essentiels pour les membres, nous ne prendrions pas la décision de confier la gestion de cette collectivité à un séquestre-administrateur.

Cette décision n'est pas automatique en cas de différends. C'est vraiment fonction de la capacité de la collectivité de continuer à servir ses membres.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir à une autre question, une question que le sénateur Brazeau a soulevée. Je veux parler du code coutumier. Je constate que chaque fois que vous parlez de cela, vous indiquez clairement que le jour où vous approuvez le code, en ce qui vous concerne, ce code est conforme à la Charte et il répond à toutes les exigences de la justice naturelle; mais si des changements y sont apportés par la suite, si les codes ne répondent plus aux exigences de la Charte, cela n'a pas d'importance à vos yeux parce que vous avez fait votre travail et qu'il s'agit maintenant d'une responsabilité distincte de tout ce qui intéresse AINC. Est-ce exact? Est-ce la position que vous adoptez?

Mme Kustra : C'est essentiellement exact. Les tribunaux se sont prononcés suite à la contestation de codes coutumiers en fonction de la Charte. Les tribunaux ont décrété que certains codes électoraux coutumiers ne respectaient pas la Charte des droits et libertés et ils ont exigé que ces codes soient modifiés au niveau communautaire.

Le sénateur Lang : Qui est chargé de veiller à l'application de ces décisions? Il doit bien y avoir un arbitre, n'est-ce pas?

Nathalie Nepton, directrice, Direction de l'administration des bandes, Affaires indiennes et du Nord Canada : Chaque fois que les tribunaux prennent une décision, l'application en incombe, au fond, aux deux parties. Le groupe contre lequel la décision a été prononcée est tenu d'exécuter les ordonnances du tribunal.

Mme Kustra : Le ministère remplit toutefois un rôle de supervision.

Le sénateur Lang : À cette étape, vous n'exigez pas que l'on vous présente un document montrant que le code a été révisé pour se conformer à la Charte, même après que le tribunal s'est prononcé?

Mme Nepton : En cas d'examen judiciaire portant sur la légitimité ou la validité des dispositions d'un code coutumier, c'est à la Première nation qu'il incombe de mettre en œuvre la décision, tout comme s'il s'agissait d'une question civile. Le ministère n'est pas partie prenante à l'instance. Le conflit oppose le particulier à la bande. Le ministère n'est pas partie prenante à l'instance, et c'est la raison pour laquelle il n'a pas de rôle à jouer dans ce contexte.

Le vice-président : Est-ce que les Premières nations ne seraient pas portées à considérer qu'il s'agit de leurs propres affaires et à refuser que le ministère continue d'intervenir dans leurs vies? Ne pensez-vous pas, sénateur Lang, que les Premières nations seraient furieuses, en quelque sorte, si le ministère continuait d'approuver, de surveiller, entre autres? Il me semble que c'est là la question.

Le sénateur Lang : Je pense que je le formulerais ainsi : c'est un peu comme si l'on imposait un séquestre- administrateur à une municipalité aux termes de la loi provinciale sur les municipalités. Quand une municipalité enfreint des parties très importantes de sa charte, la province intervient pour veiller à ce qu'elle les respecte. C'est ma question.

On peut bien prendre des décisions, dire que quelque chose ne va pas et qu'il faut corriger la situation. J'imagine qu'il doit y avoir une tierce partie qui veille au respect de l'ordonnance. S'ils ne le font pas, qui le fait? Je pense à la personne qui vit dans la collectivité, qui a très peu de pouvoir, qui n'a qu'une toute petite voix au chapitre. Ses droits risquent fort d'être bafoués. C'est le sens de ma question.

Je ne pense pas qu'il appartienne au ministère de tout gérer, mais il doit quand même y avoir des mécanismes qui permettent de dire que s'il y a des irrégularités, il faut veiller à ce qu'elles soient corrigées. Quelqu'un peut vérifier et dire que tout a effectivement été corrigé. C'est ce qu'on appelle la reddition de comptes. À qui rend-on des comptes?

Le sénateur Hubley : Je vous remercie de cet exposé. J'ai deux ou trois questions à vous soumettre.

Les bandes qui se sont soustraites à la Loi sur les Indiens pour adopter un autre régime électoral, quel motif ont-elles invoqué?

Mme Kustra : L'une des principales raisons invoquées pour adopter un code coutumier est le désir de modifier la durée du mandat. Nombre des codes coutumiers qui nous sont présentés suivent de très près le Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens, sauf dans le cas du mandat. Les codes coutumiers fixent souvent les mandats à trois, quatre ou cinq ans.

Dans certains cas, c'est l'occasion pour la collectivité d'intégrer certaines de leurs coutumes traditionnelles au processus électoral démocratique et de créer le genre d'équilibre qu'elle ne peut pas atteindre aux termes de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Hubley : Mentionnent-elles, par exemple, qu'elles veulent avoir une gouvernance comparable à celle d'autres municipalités ou collectivités, pour pouvoir mieux communiquer avec elles, avoir le même style de gouvernance et peut-être tirer de cela des points forts mutuels? Autrement dit, elles veulent pouvoir établir des partenariats avec d'autres collectivités, des choses de ce genre.

Mme Kustra : Je crois que les collectivités considèrent vraiment le système électoral comme entièrement distinct de certaines de leurs grandes initiatives de gouvernance, de leur responsabilité globale et de leur capacité d'établir des partenariats avec les entreprises du Canada, d'autres municipalités, et cetera. Je crois qu'elles considèrent comme un atout un système électoral qu'elles ont conçu et qu'elles gèrent elles-mêmes, par opposition à un système où elles continuent de relever d'un régime législatif fédéral et où elles distinguent la lourde main du gouvernement.

Le sénateur Hubley : Nous avons étudié, entre autres, le développement économique. Les collectivités des Premières nations qui ont réussi sur ce plan, et nombre d'entre elles ont réussi, ont établi des partenariats avec d'autres municipalités et, évidemment, avec des entreprises.

Croyez-vous que l'adoption d'un système de gouvernance qui donne le temps d'établir ces relations constitue une évolution positive? Est-ce un aspect qu'elles jugent important ou seulement quelque chose qui, selon nous, pourrait être utile?

Mme Kustra : C'est un élément important. Il y a des exemples de Premières nations très prospères qui élisent leurs dirigeants aux termes de la Loi sur les Indiens. Je suis certaine que le comité, après avoir examiné le développement économique, se sera penché sur la situation de la Première nation d'Osoyoos et du chef Louie, qui a été élu aux termes de la Loi sur les Indiens. Nous pouvons aussi prendre le cas de la Première nation de Westbank, qui fonctionne maintenant en vertu d'une entente sur l'autonomie gouvernementale. Elle a décidé de concevoir entièrement tous les aspects du gouvernement, en plus du choix de ses dirigeants.

La Première nation de Membertou, dans les provinces atlantiques, serait elle aussi un bon exemple de collectivité assujettie à la Loi sur les Indiens, avec des mandats de deux ans, et qui a prospéré, s'est épanouie et a conclu des ententes de partenariat importantes avec d'autres, dans l'intérêt de ses membres.

Le sénateur Hubley : Dans le cas des bandes dont le régime électoral prévoit des mandats de deux ans, y a-t-il une continuité? Est-ce que le chef est élu tous les deux ans pendant un certain temps, de sorte qu'il y a une certaine continuité de gouvernance, ou y a-t-il un nouveau chef tous les deux ans?

Mme Kustra : Il y a certainement des cas où le chef et les membres du conseil sont élus et réélus à plusieurs reprises. Cela est lié aux antécédents ou au rendement du chef et des membres du conseil, qui doivent offrir des perspectives économiques à la collectivité ou répondre à ses besoins. Cela se ramène, à mes yeux, au leadership des personnes plutôt qu'au système.

Le sénateur Dyck : Pourquoi une Première nation choisirait-elle l'option du code coutumier? Est-ce que c'est lié à la taille de la collectivité, au nombre de membres, au fait que la collectivité peut être considérée comme ayant des finances saines et de belles perspectives économiques? Est-ce dû au fait qu'un grand nombre de membres ont pu réintégrer cette Première nation à la suite du projet de loi C-31, ce qui aurait modifié la composition globale de la collectivité? J'ignore si vous compilez ce genre de renseignements dans vos bases de données, mais si vous le faites, pourriez-vous nous les transmettre?

Mme Kustra : C'est une excellente question. Il y a sans doute diverses raisons qui poussent les collectivités des Premières nations à choisir un code coutumier communautaire plutôt que les dispositions de la Loi sur les Indiens.

Si nous examinons les quelque 300 nations qui ont adopté un code coutumier, nous y trouverons des collectivités de toutes les tailles, dont les membres vivent dans la réserve et à l'extérieur. Nous verrons des collectivités qui ont une forte population habitant dans la réserve et d'autres dont la population est divisée. Il y aurait des collectivités dont les finances sont saines et d'autres qui éprouvent des difficultés. Cela reflète les aspirations de la collectivité, car il existe un processus d'approbation communautaire qui permet de remplacer les dispositions de la Loi sur les Indiens par un code coutumier.

Le sénateur Dyck : Vous disiez qu'une Première nation qui désire se soustraire à la Loi sur les Indiens doit présenter un document écrit à votre ministère. Vous devez avoir une liste de contrôle quelconque, un code coutumier minimal que chaque Première nation doit respecter. Est-ce qu'il existe un tel cadre, et est-ce que ce cadre est communiqué aux Premières nations? Par exemple, est-ce qu'il est indiqué sur le formulaire qu'il faut adopter le principe suivant, et veuillez cocher la case si vous l'avez?

Mme Kustra : Les codes électoraux présentés au ministère doivent respecter les dispositions de la Charte des droits et libertés, ils doivent accorder le droit de vote aux membres vivant à l'extérieur de la réserve, ils doivent définir un mécanisme d'appel et ils doivent permettre aux électeurs de l'extérieur de la réserve de participer au processus électoral.

Le ministère offre ce que nous appelons « des ateliers sur les codes coutumiers ». Dans une région donnée, où un certain nombre de Premières nations, et parfois même seulement une, ont signifié qu'elles envisagent d'élaborer un code coutumier communautaire, le personnel des services de Mme Nepton et de M. Boivin organise des ateliers pour expliquer à la collectivité le processus permettant de passer de la Loi sur les Indiens à un code communautaire et les exigences applicables, notamment celles que j'ai indiquées ici.

Assez souvent, il faut plus de deux années entre le moment où la collectivité commence à songer à se soustraire des dispositions de la Loi sur les Indiens et à adopter un code coutumier jusqu'au moment où un scrutin est organisé dans la collectivité pour entériner le code qui a été élaboré. Ce code est ensuite présenté au ministère, aux fins d'examen.

Le sénateur Dyck : Je ne sais pas ce qu'en pensent mes collègues, mais selon moi il serait utile de voir quelques exemples. Nous parlons de toutes ces choses, mais je n'en ai jamais vu un seul.

Y a-t-il des variantes entre ce que vous considérez comme le strict minimum et un code que vous jugez bien développé et solide, par exemple, quelque chose qui donnerait d'excellents résultats? Je me demande s'il serait utile de nous fournir quelques exemples.

Le vice-président : Pourriez-vous nous transmettre un certain nombre d'exemplaires de règles électorales?

Le sénateur Lang : J'imagine que tous ces codes coutumiers sont du domaine public? Est-ce bien le cas?

Mme Kustra : Non, ils ne le sont pas. Les codes coutumiers sont des documents publics du point de vue d'une collectivité. Ils doivent être mis à la disposition de tous les membres de la collectivité, mais il ne s'agit pas nécessairement de documents qui peuvent être largement diffusés dans tout le pays.

Certaines nations, je crois, publient leurs codes électoraux sur le site web de la collectivité; d'autres ne le font pas.

En cas de conflit dans une collectivité, les membres s'adressent souvent au ministère et demandent des exemplaires du code mais, comme je l'ai dit précédemment, nous n'avons pas d'exemplaires à jour de ce code. Nous avons seulement l'exemplaire qui nous a été soumis au moment où la collectivité a demandé de se soustraire à la Loi sur les Indiens. Nombre de collectivités n'ont jamais été assujetties à la Loi sur les Indiens, et le régime en vertu duquel elles élisent leurs dirigeants nous serait pratiquement inconnu.

Le vice-président : Madame Kustra, pourriez-vous nous fournir simplement un échantillon, sans nécessairement indiquer la Première nation concernée, pour nous donner une idée du genre de règles électorales que l'on utilise?

Mme Kustra : Oui, certainement.

Le sénateur Dyck : Notre recherchiste vient de me remettre quelque chose provenant de votre site web. C'est un spécimen d'un code électoral.

Le vice-président : Est-ce que cela vous suffit?

Le sénateur Dyck : Il me semble que c'est ce que vous utilisez lors de vos ateliers.

Mme Kustra : Oui, c'est exact. Ce document contient tous les éléments fondamentaux de ce que nous croyons être un bon code électoral. Les collectivités s'en servent comme modèle et elles le développent en fonction de leurs points de vue, de leurs souhaits et de leurs besoins, en tenant compte de tous les éléments clés qu'un code doit comporter pour être acceptable à nos yeux.

Le vice-président : Est-ce que cela vous satisfait?

Le sénateur Dyck : Oui.

Le sénateur Peterson : Merci de votre exposé. La plupart des Premières nations qui ont comparu devant le comité ont indiqué qu'elles se méfiaient profondément d'AINC et de la Loi sur les Indiens. Avez-vous l'impression qu'un plus grand nombre de Premières nations préféreraient un régime électoral coutumier si AINC les appuyait et les encourageait mieux et si le ministère aidait les bandes à consulter leurs membres, en particulier en leur fournissant une aide financière?

Mme Kustra : Nous collaborons vraiment avec les collectivités qui manifestent de l'intérêt à l'égard des codes coutumiers. Au cours d'une année donnée, nous tenons sans doute entre 8 et 15 ateliers dans des collectivités qui envisagent ce changement. Nous fournissons des modèles de code qu'elles peuvent examiner et, dans certaines régions, un soutien peut être offert à la collectivité pour qu'elle puisse procéder à la ratification. Lorsqu'il faut communiquer une grande quantité d'information aux membres, nous offrons souvent de l'aide en matière d'élaboration de trousses d'information destinées à la collectivité, pour solliciter l'approbation des membres de la collectivité.

Le sénateur Peterson : Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la possibilité que certaines dispositions de la Loi sur les Indiens, en particulier celles qui portent sur la durée du mandat et l'établissement de dates d'élection fixes, soient contraires à l'article 35? Est-ce que cela a des conséquences sur les droits des Premières nations?

Mme Kustra : Je ne suis pas avocate, je ne me sens pas les compétences voulues pour répondre à cette question concernant les effets sur les droits garantis par l'article 35. Un certain nombre d'avocats au pays ont présenté des opinions à ce sujet aux organisations des Premières nations.

Le sénateur Peterson : Il me semble que votre ministère doit avoir une opinion à ce sujet. Vous pourriez peut-être nous la communiquer ultérieurement?

Ce qui m'inquiète, c'est que la Couronne se retire de tout ce processus. Elle renonce à des responsabilités fiduciaires et à son devoir de consultation. J'ai le sentiment qu'elle dit : « Vous avez fait ce travail. Moi, ça ne m'intéresse plus. Je ne veux plus m'occuper de vous. » Est-ce exact?

Mme Kustra : Quand nous nous retirons du processus électoral, c'est à la demande de la Première nation. Ce n'est pas une décision que nous imposons aux collectivités des Premières nations. Lorsque nous travaillons avec des collectivités pour les aider à se soustraire à la Loi sur les Indiens et adopter des codes coutumiers, nous le faisons à la demande de la collectivité. Le travail que nous effectuons à l'heure actuelle avec l'Assemblée des chefs du Manitoba et avec le Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique répond à des demandes présentées par ces organisations. Elles veulent soit élaborer de nouvelles dispositions législatives qui sont plus rigoureuses et qui reflètent mieux les besoins d'un groupe donné, soit travailler avec l'organisation et les collectivités pour se soustraire aux dispositions de la Loi sur les Indiens suivant le processus de conversion à un système électoral coutumier. Nous répondons à leurs demandes; cela ne se fait pas à l'initiative du gouvernement fédéral.

Le sénateur Peterson : Au Manitoba, et vous venez d'en parler, on a indiqué que le ministère s'était retiré parce que les chefs voulaient aller dans les collectivités et discuter avec elles. Vous vous êtes retirés, est-ce vrai? Vous avez dit que vous les aidiez, mais maintenant vous vous retirez?

Mme Kustra : Les chefs ont pour mandat de s'adresser à leurs collectivités pour discuter des futurs processus électoraux dans la collectivité. C'est nettement une discussion qui doit se tenir entre les citoyens, les habitants, les membres de la collectivité, et les dirigeants. Nous réagirons à l'information qui nous sera soumise à la fin du processus.

Le sénateur Peterson : Toutefois, dès qu'ils arrivent à cette étape, vous vous retirez de la discussion. C'est-à-dire, lorsqu'ils déclarent : « Nous allons parler à la collectivité plutôt que d'adopter l'approche législative. »

Mme Kustra : Ils ont indiqué qu'ils voulaient s'adresser à leurs collectivités pour leur parler de la façon dont ils veulent procéder. Compte tenu de ce que vous avez affirmé au début de votre intervention, c'est-à-dire qu'ils se méfient de la Loi sur les Indiens et du ministère, la discussion sera sans doute plus libre si le ministère n'assiste pas aux réunions communautaires.

Toutefois, si on nous demande d'être présents et de fournir de l'information ou d'organiser un atelier, comme je l'ai déjà dit, nous sommes tout à fait disposés à aider.

Le sénateur Peterson : Il me semble que la discussion entre les chefs et leurs collectivités est une bonne chose, que plus il y a de discussion et mieux c'est.

Mme Kustra : Oui.

Le sénateur Peterson : Nous devrions les encourager et les aider, et non pas nous retirer.

Avez-vous des données sur ce qui se passe au Canada atlantique en termes de préférences électorales? Je n'ai rien vu dans votre mémoire.

Mme Kustra : Oui. Le Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique nous a demandé de collaborer avec lui pour définir un processus qui mènerait à l'allongement des mandats et, peut-être, à l'élaboration de codes qui refléteraient mieux les besoins de leurs collectivités, essentiellement pour réformer la Loi sur les Indiens uniquement pour les collectivités de la région atlantique. Cela ne vise pas les autres régions du Canada, seulement ces collectivités.

Le sénateur Peterson : L'article 35 ne joue pas dans tout cela? Nous en avons déjà parlé. Vous le vérifierez. Merci.

Le sénateur Raine : Tout cela me fascine, mais j'ai quelques questions. Premièrement, dans votre diagramme à secteurs, vous présentez les pourcentages des divers types de régimes électoraux. Dans le cas des codes coutumiers, est- ce que je dois comprendre que seulement 20 ont été adoptés depuis la promulgation de l'arrêt Corbiere? Les membres d'un autre groupe ont toujours utilisé des codes coutumiers, alors ils n'ont pas besoin de respecter la Charte. Autrement dit, ils font ce qui leur plaît. Est-ce exact?

Mme Kustra : C'est exact.

Le sénateur Raine : Sur les 336, il y en aurait combien?

M. Boivin : Sur les 336, à peu près le tiers n'a jamais été assujetti au régime électoral prévu dans la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Raine : Les deux tiers l'ont été et certaines de ces collectivités sont plus avancées parce qu'elles ont adopté un code coutumier après la promulgation de l'arrêt Corbiere?

M. Boivin : L'idée de se soustraire aux dispositions de la Loi sur les Indiens est née dans les années 1970. Les bandes ont commencé à le faire dans les années 1970 et 1980. C'est pourquoi nos chiffres ne se correspondent pas. Celles qui l'ont fait quand la politique officielle a été adoptée sont celles sur lesquelles le ministère s'est concentré.

Le sénateur Raine : Alors peut-on dire qu'il y a un nombre considérable de collectivités des Premières nations dans notre pays où l'on n'est pas tenu de suivre ce que nous pourrions appeler une liste de contrôle pour vérifier si les principes de la démocratie tels que nous les comprenons sont respectés, et qu'en outre nous n'avons pas vu leurs codes? Ce que je dis, c'est que nous ignorons ce que prévoient leurs codes.

Mme Kustra : C'est exact. Nous ne devons toutefois pas supposer qu'ils ne respectent pas les principes de la justice naturelle ou qu'ils n'ont pas modifié leur code afin de se conformer à la Charte ou d'offrir aux membres à l'extérieur de la réserve la possibilité de voter.

Le sénateur Raine : Je le reconnais. Ils font peut-être un excellent travail.

J'espère que vous tenez des statistiques. Les plaintes que vous recevez sont présentées par des membres des bandes et non pas les bandes elles-mêmes. Selon moi, cela signifie que le conseil et le chef présentent une position au nom de la bande. Je parle des membres des Premières nations, des particuliers qui viennent vous dire : « Quelque chose ne va pas au conseil. Je ne suis pas d'accord. J'ai besoin que quelqu'un examine la situation. » Est-ce que ces plaintes viennent de membres des bandes assujetties à la Loi sur les Indiens ou de bandes ayant adopté un code coutumier?

Mme Kustra : S'il s'agit d'une plainte liée au processus électoral, il existe un processus précis défini dans la Loi sur les Indiens pour en appeler des résultats des élections. Les membres des bandes qui pensent que les dispositions de la Loi sur les Indiens n'ont pas été respectées ou qui croient que le règlement a été enfreint ou qu'il y a eu des manœuvres frauduleuses peuvent présenter une demande d'appel au ministère dans les 45 jours suivant les élections. Il existe tout un processus que nous suivons pour mener notre enquête en cas d'appel et, au bout du compte, confirmer ou rejeter les résultats de l'élection, en tout ou en partie.

Les membres des collectivités nous présentent aussi d'autres types de plainte. Nous recevons assez souvent des plaintes concernant l'accès aux documents de vérification; nous recevons des lettres. Ces lettres sont traitées par la section du ministère chargée des plaintes et des allégations, qui est distincte de la section qui s'occupe des élections. Le ministère collabore avec les élus pour essayer de les amener à fournir l'information que le membre de la bande a demandée.

Dans certains cas, cette information sera finalement fournie par le ministère, si l'intéressé ne parvient pas à l'obtenir des membres du conseil ou de l'administration de la bande.

Le sénateur Raine : Vous ne faites aucun suivi de tout cela, n'est-ce pas?

Mme Kustra : Non, nous n'en faisons pas.

Le sénateur Raine : Nous essayons de trouver une meilleure façon d'aider les gens à améliorer les systèmes de gouvernance de nos Premières nations. Quelque chose m'intrigue : vous avez parlé à plusieurs reprises de bandes qui veulent se soustraire à la Loi sur les Indiens. Il ne s'agit pourtant pas vraiment de se soustraire à la Loi sur les Indiens n'est-ce pas; vous utilisez cette expression uniquement en relation avec le processus électoral?

Mme Kustra : C'est exact.

Le sénateur Raine : La Loi sur les Indiens continue de régir tous les autres aspects de leur vie.

Mme Kustra : C'est vrai, à moins qu'il ne s'agisse d'une Première nation qui a accédé à l'autonomie gouvernementale. Ces Premières nations peuvent exercer leur compétence aux termes d'autres dispositions législatives facultatives. Par exemple, si elles perçoivent des impôts en vertu de la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations, les dispositions de la Loi sur les Indiens en matière de fiscalité ne s'appliquent pas à elles. Par contre, les dispositions sur l'utilisation des terres peuvent s'appliquer, à moins que la Première nation n'exerce une compétence aux termes de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, par exemple.

Le sénateur Raine : La majorité des Premières nations, les 250 plus les 336, relèvent encore de la compétence de la Loi sur les Indiens? Je ne devrais pas dire qu'elles « relèvent de la compétence ». Voilà ce que je veux dire : d'autres compétences sont établies aux termes de lois très précisent qui traitent des finances; de la reddition de comptes; de l'établissement de budgets; des élections, évidemment; de la vérification et de la transparence. Les citoyens ont donc le droit de prendre connaissance de la situation financière de leur compétence. C'est un droit que, selon moi, nous considérons comme normal en démocratie. Est-ce que cela se produit lorsque vous instaurez une forme coutumière de gouvernance ou aux termes de la Loi sur les Indiens, dans le cas des Premières nations?

Mme Kustra : De façon générale, non. Le processus de conversion à un système électoral coutumier ne vise que les dispositions relatives aux élections. Toutefois, certains des autres aspects dont vous parlez ont été assujettis au processus législatif auquel le sénateur Brazeau a fait allusion au début de la réunion. Le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations comprenait des mesures relatives à la reddition de comptes, à la participation des citoyens, à l'adoption de règlements, à l'administration du gouvernement, à l'application des lois, et cetera., et cela formait un ensemble d'initiatives plus vaste dans le domaine de la gouvernance. Le projet de loi ne se limitait pas au choix des dirigeants.

Le sénateur Raine : Ma dernière question s'adresse à vous parce que vous avez beaucoup d'expérience à ce sujet. Est- ce que vous auriez aimé que ce projet de loi soit adopté? Il me semble que nous refaisons le même cheminement.

Mme Kustra : Je crois que nombre des dispositions de ce projet de loi auraient été très bénéfiques pour les collectivités des Premières nations, car selon moi elles auraient réglé une grande quantité de questions auxquelles nous sommes encore confrontés aujourd'hui. Toutefois, avant de proposer un document législatif fédéral, en particulier s'il touche les Premières nations et modifie la Loi sur les Indiens, il faut jouir d'un certain soutien dans tout le pays. Les circonstances, à l'époque, n'ont pas permis d'obtenir ce soutien.

Le vice-président : Nous venons de finir le premier tour. Madame Kustra, comme de nombreux appels concernent les élections, est-ce que votre ministère, à l'administration centrale ou dans les bureaux régionaux, a créé des groupes qui connaissent le processus et qui peuvent traiter efficacement ces appels?

Mme Kustra : Oui, nous avons un groupe qui relève de Mme Nepton et qui traite les appels relatifs aux élections. Il fait connaître l'information et les pratiques exemplaires, il examine les allégations, les questions de processus, et cetera. Il y a un groupe désigné qui s'occupe de ces questions à l'administration centrale d'AINC.

Le vice-président : Y a-t-il des fonctionnaires dans les bureaux régionaux, près des collectivités intéressées, ou faut-il venir ici et traiter avec l'administration centrale?

Mme Kustra : Le règlement exige que les appels soient présentés à l'administration centrale. Le groupe de Mme Nepton travaille en étroite collaboration avec le personnel des bureaux régionaux lorsqu'il faut recueillir de l'information supplémentaire. Évidemment, s'il faut embaucher des enquêteurs ou lorsque nous essayons de retrouver certaines personnes, nous travaillons en étroite collaboration avec les bureaux régionaux.

Le vice-président : Avez-vous des délais précis à l'intérieur desquels les appels doivent être traités?

Mme Kustra : Il n'y a pas d'échéance fixe. Plus un appel est compliqué, plus il y a de personnes qui interviennent dans le processus et plus il faut de temps. Comme je l'ai dit, dans certains cas il faut jusqu'à 18 mois pour mener à bien le processus.

Lorsque le cycle électoral est de deux ans, vous êtes un peu coincé.

Le vice-président : Nous passons maintenant à la deuxième série de questions.

Le sénateur Brazeau : J'ai de la difficulté à comprendre une chose que vous avez dite précédemment. Des 336 bandes qui utilisent un code coutumier à l'heure actuelle, environ le tiers n'ont jamais été assujetties aux dispositions de la Loi sur les Indiens. Est-ce bien cela?

Mme Kustra : C'est exact.

Le sénateur Brazeau : Si vous prenez la page 8 de l'exposé, on peut y lire que depuis 1996 seulement 20 collectivités sont revenues à leurs systèmes électoraux coutumiers.

Mme Kustra : Il s'agit d'un total de 39, sénateur Brazeau. Depuis 1996, le total est de 39, mais depuis l'arrêt Corbiere, en 1999, il y en a eu 20. Alors ce total est de 39, réparti sur deux périodes.

Depuis 1996, 39 Premières nations se sont soustraites aux dispositions de la Loi sur les Indiens pour adopter des codes coutumiers. C'est donc 39, sur plus de 200 qui étaient assujetties à la Loi sur les Indiens à une certaine époque.

Le sénateur Brazeau : Ce doit être pour cela que je ne suis pas mathématicien.

M. Boivin : À l'heure actuelle, il y a 250 Premières nations qui relèvent de la Loi sur les Indiens. En 1996, il y en aurait eu 250 plus 39.

Le sénateur Carstairs : Deux cent quatre-vingt-neuf.

M. Boivin : Oui. Et puis il y a eu la période entre les années 1970 et 1996, pendant laquelle une foule de bandes se sont elles aussi converties.

Le sénateur Brazeau : Je vais vous dire ce que je pense, et j'aurai des questions à la fin.

Je sais bien — je l'ai vu beaucoup trop souvent — qu'un grand nombre de collectivités sont revenues à ce qu'elles appellent leur régime coutumier pour choisir leurs dirigeants alors qu'en fait, la plupart des critères et des principes contenus dans leurs codes coutumiers sont une copie conforme de l'article 74 de la Loi sur les Indiens, qui porte sur les élections, avec quelques changements mineurs notamment en ce qui concerne le mandat. Cela a été fait en règle générale pour continuer de refuser le droit de vote aux membres qui vivent à l'extérieur des réserves, parce que l'arrêt Corbiere ne s'applique pas aux élections coutumières.

Les collectivités des Premières nations y ont vu la possibilité de contourner un peu le système, de faire essentiellement ce qu'elles voulaient, et elles ont appelé cela la coutume.

Lorsque nous entendons le mot « coutume », dans le contexte des peuples autochtones, cela paraît bien. Toutefois, si vous regardez les détails de certains de ces codes coutumiers, vous constaterez qu'ils présentent nombre de problèmes. Je n'en dirai pas plus pour l'instant.

Vous avez dit que le ministère collaborait avec l'Assemblée des chefs du Manitoba et qu'il les rencontrerait dans quelques semaines pour discuter de l'orientation qu'ils veulent prendre. Est-ce que le ministère fournit des ressources à cette organisation pour qu'elle puisse consulter ses membres qui vivent dans les réserves?

Si je pose la question, c'est que je crois que, pour réussir, toute réforme de la gouvernance, si nous parlons de la Loi sur les Indiens, doit venir de la base, des citoyens eux-mêmes. C'est une chose que d'entendre les dirigeants nous dire qu'ils aimeraient avoir des mandats plus longs et tenir des élections à date fixe, mais les dirigeants ont aussi un intérêt direct dans toute réforme de la gouvernance.

La clé de toute réforme, c'est de vérifier si les citoyens d'une collectivité donnée reconnaissent et acceptent les principes et le système qui seront adoptés, de sorte que la collectivité les appuiera. La réforme sera alors mieux acceptée, et le processus, quel qu'il soit, sera plus démocratique.

Le secret, c'est de veiller à ce que les dirigeants consultent effectivement les citoyens sur ces questions. Par exemple, disons que le ministère affirme qu'il appuie la démarche de l'Assemblée des chefs du Manitoba et espère qu'elle rencontrera les citoyens, puis il se retire et attend de savoir ce que les chefs vont lui dire. Comment pouvons-nous savoir que les citoyens ont bel et bien été consultés et qu'ils ont eu l'occasion de discuter de la question?

Quel est le rôle du ministère à cet égard?

Mme Kustra : Vous avez soulevé deux ou trois points. Pour ce qui est des ressources pour discuter avec la collectivité, non, le ministère n'alloue pas de ressources à l'Assemblée des chefs du Manitoba pour que les chefs discutent avec leurs collectivités.

Une partie du rôle et des responsabilités d'un chef, je crois, consiste à aller à la rencontre de la collectivité, à lui parler des changements qui toucheraient la façon dont la collectivité est dirigée. Les processus électoraux entrent bien sûr dans cette catégorie. Je crois que d'ici deux ou trois mois, les chefs du Manitoba seront dans leurs collectivités pour parler des possibilités de réforme électorale et solliciter les points de vue de leurs membres.

L'Assemblée des chefs du Manitoba nous a signifié qu'elle reviendrait en septembre, après avoir tenu ces discussions avec les collectivités, pour nous informer de ce qu'on lui aura dit et de la façon dont elle veut poursuivre le processus. Dans le cadre de ce dialogue, je suis convaincue que les chefs reviendront nous parler du nombre de réunions qu'ils auront tenues dans leurs collectivités, de ce que la population leur aura dit, de l'orientation qu'elle veut prendre et des questions et préoccupations qu'elle aura soulevées. Nous pourrons alors déterminer comment il convient de poursuivre la démarche, si cela est possible.

Le sénateur Brazeau : Je conviens avec vous que l'une des responsabilités d'un dirigeant est d'agir ainsi. Si imparfait que soit le système de la majorité, ici, au Canada, il existe des mécanismes qui nous permettent d'éliminer les dirigeants qui ne s'acquittent pas de leurs responsabilités.

Cela dit, en vertu de la Loi sur les Indiens et des règles coutumières, il n'y a pas de mécanismes de destitution auxquels les citoyens peuvent recourir pour se débarrasser de certains dirigeants aux pratiques douteuses. C'est ce qu'a constaté la bande de Peguis, il y a quelques années, lorsque les citoyens de cette collectivité se sont tournés vers le ministère pour présenter des allégations sérieuses concernant la corruption et certaines pratiques douteuses de leurs dirigeants en période électorale.

Vous pouvez me corriger si j'ai tort, mais cette affaire a été entendue par la Cour fédérale. La Cour fédérale a pris le parti des nouveaux dirigeants, elle a affirmé qu'il y avait des manœuvres frauduleuses et que le ministère n'avait pas fait de suivi et n'avait pas enquêté au sujet de ces pratiques. Je crois qu'il s'agit d'une grave lacune.

Les citoyens doivent s'adresser aux tribunaux, mais il devrait exister un mécanisme qui leur permet de le faire sans que cela leur coûte trop cher. Ils devraient pouvoir présenter des allégations, si des irrégularités sont effectivement commises — parce qu'il y en a partout au pays — pour que le problème soit examiné, avec l'aide du ministère, qui devrait pouvoir intervenir.

Mme Kustra : Je vais demander à M. Boivin de vous répondre car il a travaillé dans ce dossier.

M. Boivin : La Première nation de Peguis a eu recours au mécanisme qui était à sa disposition pour présenter une plainte relative à des manœuvres frauduleuses qui auraient entaché les élections. Elle a eu recours au mécanisme d'appel.

Le ministère a suivi le processus, il a fait enquête, il a reçu un rapport d'enquête et il a tiré une conclusion. Le processus s'est déroulé comme il se devait. Le ministère n'a pas participé à l'appel, il a fait enquête et il a accepté un rapport.

Dans le cas de Peguis, le ministère a conclu que la preuve présentée au responsable, à l'époque, n'était pas suffisante pour que l'on puisse affirmer qu'il y avait effectivement eu des manœuvres frauduleuses. La personne à l'origine de l'appel n'était pas satisfaite de la décision du ministère et elle s'est adressée au tribunal. Le tribunal a décrété que le ministère avait erré dans son processus décisionnel.

Nous avons beaucoup appris de cette décision. Cette décision a marqué un tournant quant à la façon dont nous évaluons les situations, et nous avons fait des progrès. Cela s'est passé il y a environ trois ans. L'essentiel, c'est que le processus existait pour ces électeurs qui ont pu porter plainte à la suite des élections; la plainte a été prise au sérieux par le ministère et le processus a suivi normalement son cours.

Le sénateur Brazeau : Merci de ces précisions. Je vous en suis reconnaissant. Tout ce que je propose, c'est que l'on envisage d'accorder un rôle au ministère pour protéger les intérêts des électeurs dans ces collectivités. Beaucoup trop souvent, les électeurs souffrent en raison de problèmes de leadership qui surviennent dans la collectivité mais dont nous n'entendons pas parler en raison de situations que vous connaissez sans doute beaucoup mieux que moi.

Le vice-président : Merci. Je vais considérer cela comme une déclaration plutôt que comme une question.

Le sénateur Carstairs : Le sénateur Brazeau est revenu sur la question que j'avais soulevée, c'est-à-dire la façon de s'adresser aux tribunaux. Le coût moyen à prévoir pour mener une motion jusqu'à la Cour suprême du Canada, à notre époque, est de 100 000 $. J'imagine qu'il en va de même pour la Cour fédérale.

Comment un membre d'une collectivité autochtone, que ce soit Peguis ou Roseau River, une quelconque collectivité autochtone de ma province, comment peut-il s'adresser au tribunal s'il croit que le ministère des Affaires indiennes ne lui a pas donné satisfaction?

Le vice-président : Pendant que vous mettez de l'ordre dans vos idées, je vais vous donner un aperçu des coûts des poursuites. J'ai parlé récemment à un avocat qui connaissait bien le coût des poursuites dans ces domaines dans une des provinces du nord. Au cours des deux dernières années, une bande a dépensé deux millions de dollars en poursuites; et en cinq ans, dans une certaine région de la province, des millions de dollars ont été consacrés à des poursuites, pour piloter des dossiers comme celui-là jusqu'en Cour fédérale. Il en coûte des fortunes pour traiter les appels relatifs à des élections, et cetera. Surtout lorsque les bandes ont de l'argent, lorsque les enjeux sont importants, les intéressés n'hésitent pas à poursuivre.

Il est évident qu'il nous faut une méthode beaucoup plus simple, moins coûteuse et plus efficace que celle que nous avons actuellement pour traiter les appels, qui est lourde et extrêmement coûteuse.

Êtes-vous prête à répondre au sénateur Carstairs?

Mme Kustra : Je peux vous répondre qu'il n'y a pas de source de financement pour aider les particuliers qui veulent s'adresser aux tribunaux et interjeter appel à la suite d'un processus électoral coutumier.

Le sénateur Carstairs : Il se peut que cela soit contraire à la Charte, tout comme certains modes électoraux coutumiers. Est-ce que les intéressés sont informés de l'existence du Programme de contestation judiciaire?

Mme Kustra : Je peux vous répondre brièvement. Le ministère ne serait pas informé des contestations relatives aux codes électoraux coutumiers. Comme l'a indiqué Mme Nepton, nous ne sommes pas partie prenante à ces processus. Nous ne sommes donc pas en mesure de dispenser des conseils, d'une façon ou d'une autre, parce que nous ne savons même pas que des contestations sont engagées.

Le sénateur Carstairs : Voilà une belle transition pour ma dernière question. J'ai été plutôt surprise que la Direction générale de la gouvernance ne soit pas informée des cas où la gestion d'une collectivité est confiée à un séquestre- administrateur. Il me semble que si le gouvernement décide de faire appel à un séquestre-administrateur pour gérer une collectivité autochtone donnée, l'une des premières choses à faire serait de vérifier si la collectivité a un régime de gouvernance approprié et si toutes les procédures de gouvernance, si limitées soient-elles, sont en vigueur. Je ne devrais pas trop m'en étonner parce que je sais qu'il existe bien des cloisons administratives à l'intérieur des ministères fédéraux et entre ministères. À mes yeux, c'est la simple logique; si une collectivité doit être gérée par un séquestre- administrateur, il conviendrait que votre direction générale le sache.

Mme Kustra : La décision de placer une collectivité sous la gestion d'une tierce partie est dans une large mesure fondée sur les systèmes de gestion financière, les cadres de responsabilité financière, le bilan de la collectivité. C'est le principal facteur pour confier la gestion à une tierce partie. Ces décisions sont donc prises en fonction de facteurs financiers. Lorsque la gouvernance est solide, vous n'avez sans doute pas de systèmes financiers qui se détraquent, vous n'avez pas de dettes démesurées, et cetera. De ce point de vue, nous « savons ce qui se passe ». Nous participons très certainement à la prise de décisions concernant la gestion par séquestre-administrateur dans la mesure où la situation menace l'exécution de services essentiels, comme je l'ai mentionné précédemment au sujet des conflits qui touchent la gouvernance.

Le sénateur Carstairs : Cela, je le sais. Je crois savoir que votre ministère ne voudrait pas intervenir directement pour dire qu'une collectivité donnée est mal administrée. Toutefois, si vous prenez la gouvernance en général, il me semble que si vous avez un système de reddition de comptes et de saine gouvernance, vous êtes moins susceptible d'éprouver des difficultés économiques et structurales en termes de budgets, ce genre de choses, ce qui est généralement la raison pour laquelle on fait appel à un séquestre-administrateur. Il me semble qu'un signal d'alarme se déclencherait quand le gouvernement envisage de recourir à un séquestre-administrateur et que l'on pourrait alors se tourner vers votre direction générale et vous demander : « Y a-t-il déjà eu des problèmes de gouvernance dans cette collectivité? »

Mme Kustra : Ce qui se passe, notamment, sénateur Carstairs, concerne la relation de travail entre la collectivité et nos bureaux régionaux. Souvent, les agents affectés à la gouvernance, les agents des services de financement qui se trouvent dans les bureaux régionaux et qui travaillent quotidiennement avec la collectivité dégagent des secteurs où la capacité laisse à désirer. Il peut s'agit du renforcement des capacités en matière de gestion financière, de la mise en place de systèmes de poids et contrepoids ou de certaines lacunes qui, selon eux, doivent être corrigées au niveau communautaire. Dans ces cas, il existe des ressources pour appuyer la collectivité et l'aider à développer les capacités dont elle a besoin pour pouvoir se passer du séquestre-administrateur et, finalement, améliorer sa structure de gouvernance globale. De ce point de vue, il existe un lien avec la gouvernance en général, mais je n'ai pas de liste des collectivités gérées par une tierce partie. Lorsqu'il faut renforcer la capacité, nous intervenons.

Le vice-président : J'ai une longue liste de sénateurs qui veulent poser des questions. Est-ce que vous pourriez vous en tenir à une seule bonne question, pour que nous puissions terminer la réunion avant minuit?

Le sénateur Hubley : Vous avez mentionné la tenue d'ateliers. Madame Nepton, vous avez animé certains de ces ateliers, n'est-ce pas?

Mme Nepton : C'est exact, M. Boivin et moi en avons animé.

Le sénateur Hubley : Lorsque vous arrivez pour donner ces ateliers, quels sont les thèmes que vous abordez? Avec qui faites-vous affaire? Qui peut assister aux ateliers? Quels délais faut-il prévoir, selon vous, entre le moment où se tient une élection aux termes de la Loi sur les Indiens et celui où a lieu une élection en vertu d'un code coutumier?

Mme Nepton : J'espère me souvenir de toutes vos questions. Pour ce qui est du contenu, nous passons en revue les éléments fondamentaux de tout code régissant le choix des dirigeants. C'est le code auquel le sénateur Dyck faisait allusion, et que nous trouvons sur Internet. Diverses questions fondamentales sont examinées, par exemple quelle sera la composition de votre conseil? Comment déclenchez-vous un processus électoral? Qui le déclenche? Il y a les éventuelles modalités de destitution. Il doit y avoir un mécanisme d'appel, des possibilités d'élections partielles, toutes ces questions importantes, ainsi que la tenue des élections elles-mêmes, le scrutin, qui doit faire le décompte des voix, ce genre de choses.

Les ateliers s'adressent à divers publics. Parfois, les membres du conseil y assistent, il peut donc y avoir les chefs et les conseillers, et parfois il y a des gens qui s'intéressent à toute la question de la gouvernance.

Nous nous rendons dans les collectivités ou encore nous rencontrons sur demande des membres de la collectivité. N'importe qui peut nous téléphoner ou téléphoner au bureau régional, et nous répondrons à toutes les questions. Nous avons aussi des ébauches de codes. Je crois que M. Boivin serait d'accord avec moi pour dire que nous avons examiné de très nombreuses formes de codes communautaires. Ce n'est pas un processus qui se mène d'un seul coup. Il faut travailler, échanger des idées.

L'un des aspects positifs des ateliers, c'est qu'à l'occasion nous rencontrons des collectivités qui ont déjà un code coutumier et qui songent à le modifier parce que certains aspects ne leur donnent pas satisfaction, et elles sont à la recherche de nouvelles idées. Parfois, cela crée une dynamique qui nous permet de discuter avec la Première nation, il y a un échange concernant les pratiques exemplaires. Que fait ma collectivité? Comment abordez-vous ce problème? Le plus intéressant, pendant le cours, c'est lorsque les réponses ou les solutions à des problèmes viennent d'autres Premières nations.

M. Boivin : Vous avez posé une question au sujet des délais. Le processus de conversion est un processus régi par la collectivité. Le ministère l'appuie en fournissant des conseils, et il existe certains exemples qui le facilitent. Comme l'a dit Mme Nepton, nous intervenons à diverses reprises, mais le processus est régi par la collectivité. Tout est fonction de l'élan de la collectivité, de son désir d'aller de l'avant. Généralement, entre le moment où une collectivité se réveille, un bon matin, et se dit qu'elle aimerait adopter un mode d'élection coutumière, et le moment où le régime est en place, selon moi, il faut compter au moins 18 mois. Parce qu'il s'agit d'un processus régi par la collectivité et que le chef et les membres du conseil sont élus tous les deux ans, parce qu'il s'agit de Premières nations assujetties à la Loi sur les Indiens, parfois, l'élan peut diminuer et le processus peut s'interrompre pendant quelque temps dans la collectivité.

Le vice-président : Sénateur Lang, vous venez du Yukon, alors vous avez droit à une demi-question.

Le sénateur Lang : Vous êtes trop bon, monsieur le président.

Le président : Comme je limite les sénateurs, je vais aussi limiter les témoins à une seule réponse.

Le sénateur Lang : Je sais que nous pourrions continuer ainsi toute la soirée. Je m'étonne vraiment, au moins dans certains secteurs, qu'il n'y ait pas de transparence ni d'accès public à une partie de cette information, ou qu'il ne semble pas y en avoir. Je veux revenir aux codes d'élections coutumiers. Je crois comprendre que 336 Premières nations se sont dotées d'un code électoral coutumier et que 112 n'ont rien couché par écrit.

M. Boivin : Ces 112 Premières nations n'ont jamais été assujetties à la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Lang : Vous n'avez pas leurs codes.

M. Boivin : C'est exact.

Le sénateur Lang : Combien de Premières nations qui se sont converties à un système électoral coutumier publient leur code électoral et permettent à leurs membres et à la population en général de le consulter? Vous pourrez me répondre par écrit si vous n'avez pas les chiffres ici, ce soir.

Mme Kustra : Nous n'avons pas cette information ici, et la seule façon de l'obtenir serait de consulter les sites web des diverses collectivités.

Le sénateur Lang : Je vais prendre des dispositions pour que cela se fasse.

Le sénateur Dyck : Je regarde le modèle de code de sélection des dirigeants, ce que vous appelez un code électoral coutumier. Personnellement, je crois que cette appellation ne convient pas. Il s'agit encore du code électoral proposé par Affaires indiennes et du Nord Canada. Il ne s'agit pas d'un code qui a été conçu par les membres. Il ne s'agit pas d'un mode d'élections traditionnel. La terminologie prête à confusion.

J'ai toujours pensé que si quelqu'un tenait des élections coutumières, cela ne relèverait pas de la Loi sur les Indiens. Cela serait la méthode que la Première nation utilisait avant que la Loi sur les Indiens lui soit imposée. Je constate que vous dites que « la durée du mandat du chef et des conseillers ne doit pas excéder trois ans. » Pourquoi trois ans et non pas quatre?

Mme Kustra : C'est un exemple. Nous aurions pu mettre trois, ou cinq, ou six. En réalité, c'est un espace libre qui doit être rempli par la collectivité, selon ce qu'elle croit que le mandat devrait être.

Le sénateur Dyck : Si vous mettez cela dans le formulaire, vous indiquez que les bandes pourraient considérer qu'un mandat de trois ans constitue la meilleure option. Vous dites effectivement dans les notes qu'il ne doit pas dépasser cinq ans. Vous avez imposé une norme à la Première nation. Je ne crois pas que le terme « coutumier » soit approprié.

Le sénateur Peterson : Y a-t-il une différence entre des élections menées aux termes de la Loi sur les Indiens et des élections en régime d'autonomie gouvernementale?

Mme Kustra : Oui, il y a des différences. Les élections en régime d'autonomie gouvernementale reflètent les aspirations de la collectivité. Elles s'écartent souvent des dispositions de la Loi sur les Indiens. Les mécanismes d'appel sont distincts de ceux prévus dans la Loi sur les Indiens. Parfois, on utilise pour choisir le chef et les membres du conseil des critères qui ne se trouvent pas dans la Loi sur les Indiens. Les accords sur l'autonomie gouvernementale offrent une grande variété de dispositions.

Le sénateur Raine : Bien. Avez-vous des recommandations ou des conseils à nous présenter en vue de notre visite au Manitoba? Est-ce qu'il existe des irritants dans le fonctionnement des différents codes? Y a-t-il certaines choses que vous pouvez dire à notre comité?

Mme Kustra : Si vous me le permettez, il serait utile que le comité consulte les Premières nations qui utilisent un code coutumier. Demandez-leur si ce code donne de bons résultats et quels en sont les points forts et les faiblesses; posez-leur certaines des questions que vous nous avez posées ici, pour savoir si leur code autorise les membres hors réserve à voter, pour savoir s'ils considèrent que les codes sont conformes à la Charte. Ce sont là des questions auxquelles les représentants des Premières nations doivent répondre eux-mêmes.

En outre, il serait important de s'adresser aux collectivités qui ont connu de graves problèmes de gouvernance, pour voir si elles ont des idées en ce qui concerne la façon dont le système pourrait être amélioré et le rôle que le gouvernement fédéral pourrait peut-être jouer à l'avenir. Il se peut aussi que l'administration de toutes les élections et le traitement des appels soient confiés à une institution électorale des Premières nations, de sorte que tout le processus ne relèverait plus d'AINC et serait entièrement indépendant. Le comité aimerait peut-être savoir ce que pensent les intéressés quant à la façon dont il conviendrait d'examiner tout cela en fonction d'un éventuel rôle du gouvernement fédéral.

Le sénateur Raine : Notre recherchiste vient de me glisser un bout de papier où l'on dit que le ministère exige que toutes les Premières nations assujetties à la Loi sur les Indiens déposent annuellement des états financiers vérifiés et qu'elles mettent ces états à la disposition de leurs citoyens.

Mme Kustra : C'est exact.

Le sénateur Raine : Vous nous dites qu'il n'y a pas d'exigence semblable pour les élections coutumières.

Mme Kustra : Les nations qui nomment leurs dirigeants en fonction de leurs coutumes sont elles aussi tenues de déposer des états financiers vérifiés et de les mettre à la disposition de leurs membres. Ces dispositions s'appliquent à toutes les collectivités des Premières nations, pas seulement à celles qui élisent leurs dirigeants aux termes de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Raine : Si vous voulez que les codes qui ne sont pas conformes à la Charte ni à l'arrêt Corbiere soient modifiés pour respecter les normes, il faut que cela offre un avantage quelconque. Je ne sais pas si vous avez songé à ce que cela pourrait être.

Mme Kustra : C'est une pente glissante.

Le sénateur Brazeau : En ce qui concerne les états financiers vérifiés, j'ai en outre l'impression que toutes les collectivités des Premières nations doivent mettre leurs états financiers vérifiés à la disposition de leurs membres, je crois aussi, et corrigez-moi si je me trompe, que certains accords de contribution précisent que ces états financiers doivent être affichés sur les sites Web des Premières nations.

Mme Kustra : Rien, dans les accords, ne prévoit qu'il faille les afficher dans les sites Web, mais il est nécessaire de mettre les états à la disposition des membres.

Le sénateur Brazeau : Il n'y a pas de dispositions d'application de la loi à invoquer si, par exemple, une collectivité des Premières nations refuse de montrer ses états financiers à un de ses citoyens qui en fait la demande, alors qu'en principe tous les citoyens ont le droit de consulter ces documents.

Mme Kustra : Si la personne est membre de la Première nation et qu'on refuse de lui montrer les états financiers de cette Première nation, le ministère peut les lui fournir. Nous préférons que l'intéressé adresse d'abord sa question aux administrateurs de la collectivité, pour essayer d'obtenir l'information par l'entremise de la collectivité plutôt que par l'entremise du gouvernement.

Le sénateur Brazeau : Merci de le préciser, parce que j'ai dû jouer au ping-pong et écrire au ministère, qui m'a répondu que je devrais rencontrer mon chef pour lui demander les états financiers vérifiés. À l'époque, j'avais écrit, et j'attendais toujours.

Le vice-président : Cela met fin à nos délibérations de ce soir. Je remercie les sénateurs et le personnel ainsi que les fonctionnaires d'Affaires indiennes. Votre témoignage nous sera très utile.

(La séance est levée.)


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