Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 8 - Témoignages du 26 mai 2009 - Réunion du matin
WINNIPEG, le mardi 26 mai 2009
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 2, pour procéder à une étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis ainsi que sur d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de Colombie-Britannique. En tant que président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, j'ai le plaisir de vous accueillir aux audiences d'aujourd'hui.
Je tiens à rendre hommage aux Premières nations du Traité 1. Nous sommes réunis aujourd'hui sur leurs terres ancestrales. Ce sont les terres où mes ancêtres métis se sont établis avant que le Manitoba n'entre dans la Confédération.
Laissez-moi vous présenter les membres du comité ici présents. À ma gauche se trouve le vice-président du comité, le sénateur Sibbeston des Territoires du Nord-Ouest. À côté de lui, il y a le sénateur Dan Lang, du Yukon, puis le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai à ma droite le sénateur Lillian Dyck, de Saskatchewan. À côté d'elle se trouvent le sénateur Robert Peterson, de Saskatchewan, ainsi que le sénateur Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.
Honorables sénateurs, sages, invités, membres de l'auditoire, notre comité a pour mandat d'examiner la législation et les questions relatives aux peuples autochtones du Canada en général. Le 1er avril dernier, le comité a décidé d'entreprendre une étude des questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens. Le comité examine les problèmes concernant le mandat de deux ans des chefs et conseils de bande que prévoit actuellement la Loi sur les Indiens.
Le comité sénatorial est ici, au Manitoba, pour demander l'opinion des dirigeants et des citoyens des Premières nations au sujet des changements à apporter dans ces domaines pour renforcer la gouvernance des Premières nations, notamment en ce qui concerne la responsabilisation politique.
Notre comité sénatorial a pour rôle de consulter les citoyens des Premières nations et d'écouter ce qu'ils ont à nous dire afin que nous puissions travailler ensemble pour trouver de meilleurs moyens d'aider les communautés des Premières nations à améliorer les relations de gouvernance entre leurs citoyens et leur gouvernement.
Notre premier témoin d'aujourd'hui est le chef Frank Brown, de la Première nation Canupawakpa Dakota, que j'ai déjà rencontré à plusieurs reprises. Bienvenue à notre comité. Si vous désirez faire une déclaration préliminaire, nous sommes prêts à vous écouter et nous vous poserons ensuite quelques questions. La parole est à vous.
Frank Brown, chef , Première national Canupawakpa Dakota : Merci, monsieur le président. Je suis content de vous revoir. J'apprécie d'être ici pour parler des peuples des Premières nations.
Lorsqu'on parle des Premières nations, du gouvernement du Canada et du gouvernement des États-Unis, la terminologie est importante. Celle que nous utilisons aujourd'hui est la vôtre. La mienne n'est pas reconnue.
Je vais remonter au début de l'histoire des États-Unis et du Canada, à l'arrivée des premiers Européens. Christophe Colomb est censé avoir découvert l'Amérique du Nord. Mes aînés racontent que notre peuple a trouvé son navire sur la côte de l'Atlantique. Ils l'ont observé pendant quelques jours. Comme il n'y avait pas de mouvement, ils se sont approchés et l'ont trouvé, lui et son équipage, en train de mourir de faim. Comme l'un d'entre eux était le plus fort de tous, ils ont supposé qu'il était le chef et qu'il avait été le dernier à manger. Ils l'ont ramené à terre et l'ont sauvé et ils ont pris soin de son équipage jusqu'à ce qu'il retrouve la santé. Voilà ce que nous savons de Christophe Colomb.
Christophe Colomb et ceux qui sont arrivés plus tard supposaient que l'Amérique du Nord était inhabitée. Ce n'était pas le cas. Notre pays était occupé depuis des milliers et des milliers d'années. Notre peuple a préservé ce pays comme on lui avait dit de le faire. Il se servait du mot Créateur, mais je vais me servir de votre mot, Dieu. Dieu a ordonné aux gens de mon peuple de prendre bien soin de cette terre en leur promettant qu'ils vivraient longtemps. Nos sages ont toujours dit que lorsqu'ils l'ont fait, leur vie était plus longue et pouvait durer jusqu'à mille ans. Elle s'est raccourcie énormément après l'arrivée des Européens, car cela a eu pour effet de déplacer certaines personnes, et de changer leur régime alimentaire et leurs remèdes.
Il y a une autre question de terminologie dont il faut tenir compte. Christophe Colomb croyait qu'il était en Inde et que notre peuple était Indien. Nous ne sommes pas des Indiens. Pour mon peuple, nous sommes le peuple du bison. Dans nos cérémonies, nous sommes le peuple du bison. Vous appelez notre langue le sioux et de nombreuses tribus la parlent, mais pour nous, c'est la langue du bison.
Ensuite, il y a le territoire du bison. Nos sages nous enseignent que l'Amérique du Nord est divisée en trois parties. Il y a le nord habité par le peuple du lapin. Au milieu, il y a le peuple du bison. Puis il y a ceux du sud. Ces trois territoires étaient bien respectés par chaque nation. Selon nos sages, Dieu a créé le peuple de l'Amérique du Nord qui existerait jusqu'à la fin des temps. Ils disent toutefois que l'autre côté du monde disparaîtra parce que son peuple ne prend pas soin de lui-même et de ses terres comme il le devrait. Maintenant, les sages disent que nous verrons la fin de l'Amérique du Nord, parce que nous avons violé la terre. Les animaux n'ont plus de maisons. Nous, les Indiens, nous n'avons plus de maisons. Nous vivons dans des réserves. Nous sommes comme les animaux. On nous parque.
L'expression « Indien » influe sur notre vie. Vous pensez peut-être que non ou que cela ne devrait pas être le cas, mais c'est vrai à bien des égards. C'est une désignation que je trouve péjorative, car je ne suis pas Indien. Je ne viens pas de l'Inde. Ma langue et ma religion ne sont pas l'hindou.
La Loi sur les Indiens est une politique raciale qu'il faut modifier. Aux termes de la Constitution canadienne, je suis une personne comme toutes celles qui sont présentes ici. La Loi sur les Indiens dit que je suis un Indien et que la Constitution ne s'applique donc pas à nous. Le gouvernement dit que nous n'avons pas de constitution, mais nous en avons une et c'est ce que tout le monde doit comprendre. Toutes les nations que Dieu a créées ont une constitution. Elles ont toutes les mêmes valeurs, les mêmes lois. Nous ne sommes pas différents. C'est simplement que nous sommes les otages de la Loi sur les Indiens.
Le peuple du bison n'a jamais eu d'élections. Les gens n'ont pas élu le chef Sitting Bull, c'est Dieu qui l'a fait chef et les gens le savaient et le comprenaient. C'est donc lui qui prenait soin de son peuple. C'est ainsi que le leadership était exercé dans nos Premières nations. Les dirigeants sont les gens doués.
Je suis un chef aux termes de la Loi sur les Indiens. J'ai été élu. Je suis un administrateur des fonds que le gouvernement fédéral verse à ma communauté. J'administre ces fonds de façon transparente et je rends des comptes. Voilà ce qu'est le leadership aujourd'hui.
Tout ce que nous faisons dans notre vie est défini par notre langue. Sans la langue, nous ne sommes pas ce que nous sommes censés être. J'aurais beau faire le maximum d'études et posséder tous les titres de compétence et diplômes possibles, je ne serais pas un Dakota si je ne parlais pas cette langue.
Nous suivons nos lois naturelles qui sont de ne jamais mentir et de ne jamais corrompre. Je me trouve en conflit avec nos propres lois. Il est parfois difficile de comprendre les Premières nations, mais nos règles sont sans semblables à celles de votre Constitution. C'est simplement que notre constitution n'est pas reconnue.
Les choses s'amélioreraient un peu si la Loi sur les Indiens était modifiée, car elle prévoit une élection tous les deux ans. Le temps que le chef travaille à un projet et commence à négocier, son mandat est déjà terminé. S'il n'est pas réélu, il faut redémarrer tout le processus. Telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement et il faut que cela change. Il faudrait que ce soit comme pour le gouvernement fédéral.
Le sénateur Lang : Depuis combien de temps êtes-vous chef de votre Première nation?
M. Brown : Un peu plus d'un an maintenant.
Le sénateur Lang : Est-ce votre premier mandat? Avez-vous été chef avant?
M. Brown : J'ai déjà été chef avant. C'est mon deuxième mandat.
Le sénateur Lang : C'est donc la troisième année que vous êtes chef.
M. Brown : Oui.
Le sénateur Lang : Avant cela, pendant combien de temps le chef a été en poste?
M. Brown : Elle a été en poste pendant deux mandats.
Le sénateur Lang : Je voudrais également savoir s'il y a, dans votre Première nation, une disposition permettant aux membres de la bande de destituer les dirigeants? Autrement dit, si les membres sont mécontents des décisions que vous- même et votre conseil avez prises, peuvent-ils voter pour vous destituer?
M. Brown : Non.
Le sénateur Lang : C'est une question générale. Vous avez dit qu'il n'y avait pas de corruption, ce que je me réjouis d'entendre. Toutefois, hier, nous avons eu une séance à micro ouvert. Un certain nombre de citoyens des Premières nations qui ont comparu devant nous et qui n'étaient ni chefs ni conseillers, nous ont dit que parfois, surtout pendant les élections, des votes étaient achetés. C'est la raison, je crois, pour laquelle certaines personnes ont des craintes à l'égard de la prolongation du mandat des conseillers et des chefs.
Pourriez-vous nous en parler, car cela semble préoccuper un certain nombre des témoins qui ont comparu devant nous.
M. Brown : Vous parlez de corruption électorale?
Le sénateur Lang : Oui, exactement. Un certain nombre de témoins en ont parlé. Ils ont dit qu'au cours d'une élection, il y avait parfois des achats de votes, des pots-de-vin et ce genre de choses.
M. Brown : Oui, cela arrive. Les Premières nations qui ont leur propre langue ne sont pas comme cela, mais celles qui ont totalement perdu leur langue agissent ainsi.
Le sénateur Lang : Je voudrais aller un peu plus loin pour m'assurer que le processus est équitable, qu'il est jugé équitable et qu'il n'est pas corrompu. Si, pour les élections, les Premières nations chargeaient le bureau des élections de la province d'administrer les élections afin qu'elles soient totalement impartiales, qu'en penseriez-vous?
M. Brown : Certaines Premières nations ont essayé de remédier à la situation dont vous parlez. Nous avons voulu soumettre les gens à un test de dépistage de la drogue. La drogue sert de pot-de-vin pour ceux qui en consomment. Certains candidats consomment de la drogue et promettent que s'ils sont élus la drogue pourra circuler librement dans la communauté. Par conséquent, on se sert actuellement de la drogue dans les élections, ce qui est très dangereux et n'est pas bon pour notre avenir, car tout le monde risque de finir par consommer de la drogue, et qu'arrivera-t-il de ceux qui n'en consomment pas? Nous essayons de soumettre les candidats à un test de dépistage de la drogue.
Le sénateur Lang : J'apprécie votre franchise.
Peut-être pourriez-vous nous dire, en tant que chef qui fait de la politique depuis un certain nombre d'années, non seulement dans votre Première nation, mais au niveau de la province du Manitoba, quelle est l'ampleur de ce problème? Existe-t-il seulement dans votre Première nation ou est-il répandu dans un bon nombre de Premières nations de la province?
M. Brown : Je parle à la plupart des chefs et c'est un problème dont ils se préoccupent tous.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je vous remercie pour votre présence ici ce matin. D'après ce que j'ai compris, vous souhaitez que les chefs aient un mandat de quatre ans.
M. Brown : Oui.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Cela veut dire que vous serez en poste pendant quatre ans.
M. Brown : Oui.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Êtes-vous d'accord pour que le mandat soit d'une durée de quatre ans?
M. Brown : Oui, je suis d'accord dans une certaine mesure. Je suis d'accord. Ma nation n'est pas de cet avis.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Par conséquent, si vous étiez d'accord, vous seriez en opposition avec votre nation?
M. Brown : Oui. J'irais à l'encontre de mes propres lois naturelles.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Oh, vos lois naturelles! Je comprends maintenant.
En ce qui concerne la corruption électorale ou les malversations des chefs et des conseils de bande, pensez-vous qu'il faudrait les accuser en vertu de la loi pour leur malhonnêteté?
M. Brown : Il faudrait traiter tout le monde équitablement, ne pas laisser quelqu'un s'en tirer avec une simple semonce pendant qu'on enferme quelqu'un d'autre en prison pendant des années.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Exactement.
M. Brown : Les Premières nations, le gouvernement et les Affaires indiennes ne devraient pas être traités de façon différente, car les Affaires indiennes sont le patron et les Premières nations se contentent d'administrer la loi. Ce ne serait pas juste.
J'ai également une question à poser à ce sujet. S'il y a de la corruption au sein des Premières nations et si l'administration centrale a laissé faire pendant des années, elle devrait également avoir des comptes à rendre. Car nous préparons des rapports annuels. Pourquoi ne reconnaît-on pas la corruption? Voilà ma question. J'ai écrit une lettre à AINC pour demander une vérification comptable, mais je n'ai jamais obtenu de réponse.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je crois qu'il y a eu beaucoup de cas de corruption que les Affaires indiennes ont refusé de reconnaître et sur lesquels elles ont refusé d'enquêter. Pensez-vous qu'il faudrait prévoir une disposition pour que les Affaires indiennes ou la GRC interviennent immédiatement?
M. Brown : C'est ce que stipulent certains des accords de contribution que nous avons signés, mais ce n'est pas ce qui se passe.
J'essayais de faire comprendre que mon mandat se termine en janvier. Nous avons eu des élections en janvier et j'ai été élu. Le chef précédant des Canupawakpa a signé une entente de contribution avec AINC. En janvier, ce contrat a été rompu. J'ai hérité du problème causé par le chef précédent et j'ai refusé de signer pour les mois qui se sont écoulés entre les élections et la fin de l'exercice financier. Je n'accepte absolument pas la responsabilité de ce contrat qui a été rompu. Ce n'est pas mon contrat. Les dates des élections devraient correspondre aux exercices financiers afin que nous puissions rendre des comptes et faire preuve de transparence.
Le sénateur Peterson : Votre tribu n'est signataire d'aucun traité avec le Canada.
M. Brown : Pas avec le Canada.
Le sénateur Peterson : Êtes-vous membre de l'Assemblée des chefs du Manitoba? Fonctionnez-vous dans le cadre de son régime?
M. Brown : Nous nous sommes dissociés de l'AMC et de la Southern Chiefs' Organization. Le Canada dit que nous n'avons pas de traité, que nous sommes des réfugiés. Si nous n'avons pas de traité, que ferions-nous dans les organisations de traité? Si nous ne sommes pas visés par un traité, les questions qui nous intéressent sont complètement différentes. L'AMC et la SCO sont des organisations de traité qui s'intéressent uniquement aux questions de traités. Je travaille actuellement avec l'AMC pour former une alliance des nations signataires et non-signataires des traités afin que nous nous occupions ensemble de diverses questions. Nous avons déjà conclu une alliance avec la SCO et nous allons donc travailler ensemble, peu importe si nous avons signé ou non les traités.
Le sénateur Peterson : Dans ce cas, vous ne relevez pas de la Loi sur les Indiens pour vos élections?
M. Brown : Nous avons été inclus de force dans la Loi sur les Indiens au début des années 1950.
Le sénateur Peterson : Par conséquent, pour ce qui est des élections, vous devez suivre la loi?
M. Brown : Oui.
Le sénateur Peterson : Vous avez dit que si la Loi sur les Indiens était modifiée, cela vous aiderait, mais les tentatives que le gouvernement a faites jusqu'ici ont échoué. Les Premières nations ont dit qu'elles s'opposeraient même aux modifications législatives mineures.
Cela semble vous mener nulle part et pourtant vous voulez modifier les dispositions de la loi. Procédez-vous à des élections coutumières? Ou vous pourriez le faire?
M. Brown : Nous sommes visés par la Loi sur les Indiens.
Le sénateur Peterson : Oui. Vous pourriez en revenir aux élections coutumières et établir vos propres modalités. N'est-ce pas faisable?
M. Brown : Selon la façon dont vous l'interprétez, effectivement, nous pourrions procéder ainsi. Toutefois, les élections coutumières ne nous accordent que trois ou quatre ans. Ce n'est donc pas la coutume. Ce ne sont pas vraiment des élections coutumières. Je ne suis pas non plus d'accord avec les élections coutumières.
Le sénateur Peterson : C'est possible, car cela semble susciter beaucoup de problèmes, même au sein des Premières nations. En fait, que signifie le mot coutume? Que ce soit leurs coutumes ou vos coutumes, c'est un système électoral différent.
M. Brown : Oui, mais ce n'est pas ma coutume.
Le sénateur Peterson : Vous pourriez lui donner un autre nom. Ce serait un autre système électoral que vous pourriez au moins utiliser. Il semble que vous n'obtiendrez pas satisfaction dans le cadre de la Loi. Si vous voulez des dates fixes correspondant, comme vous le dites, à l'exercice financier, vous allez devoir adopter un autre système électoral que vous pourrez appeler comme vous voudrez.
M. Brown : Si le gouvernement du Canada est prêt à changer la durée du mandat à quatre ans ou nous dit que nous pouvons tenir des élections coutumières à notre façon, c'est à lui de le faire. Je ne peux pas rentrer chez moi et demander aux gens de changer le système si cela doit prendre 10, 15 ou 20 ans. Vous devez apporter ce changement, car c'est vous qui avez mis ce système en place. C'est le gouvernement qui a fait cette Loi sur les Indiens et les autres lois et c'est donc à lui de les modifier.
Le sénateur Peterson : Ce serait une bonne chose, mais je ne pense pas qu'il va modifier la Loi, car maintenant elle est trop solidement implantée et toutes les autres premières nations s'y sont opposées. Le gouvernement ne va donc pas apporter des modifications auxquelles s'oppose la majorité des Premières nations. Malheureusement, vous vous trouvez dans une situation délicate, mais je pense que vous pouvez adopter un autre système électoral. Vous devriez retourner voir votre peuple, le consulter, convaincre la majorité des gens de donner leur accord et changer votre système. Vous devrez quand même régler tous les détails. Je ne dis pas que c'est facile. Ce serait possible de cette façon.
Autrement, je ne pense pas que cela se fera. Si vous attendez que le gouvernement modifie la Loi, cela n'arrivera pas, pas dans un avenir prévisible, malheureusement.
M. Brown : Je ne m'attends pas à ce que le gouvernement change la Loi.
Le sénateur Peterson : Vous venez de dire que c'est le gouvernement qui a fait la Loi sur les Indiens.
M. Brown : Pourquoi a-t-il fait la Loi sur les Indiens, alors? Il ne la changera jamais.
Le sénateur Peterson : Oui. Je pense donc que vous devez choisir l'autre solution. Si vous voulez ces changements, vous allez devoir les apporter vous-même.
Le sénateur Dyck : Je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Peterson, car vous avez dit qu'une modification à la Loi sur les Indiens vous aiderait. Si la Loi sur les Indiens était révisée, que pensez-vous qu'il faudrait modifier, si c'était possible? Quelles dispositions faudrait-il prévoir pour vous faciliter les choses en ce qui concerne les élections? Si vous étiez libre de faire ce que vous voulez, idéalement, que souhaiteriez-vous?
M. Brown : J'abolirais la Loi sur les Indiens, je ferais disparaître les réserves et nous serions un peuple au lieu d'être des Indiens et d'être traités comme des animaux. Si vous définissez le mot « réserve », qu'est-ce que cela veut dire? Une réserve est pour les animaux. C'est ainsi que je vois les choses. C'est inconstitutionnel.
Le sénateur Dyck : Oui, je pense que d'autres personnes ont laissé entendre que si la Loi sur les Indiens était analysée, elle serait jugée inconstitutionnelle.
Vous avez également parlé un peu de la corruption qui a lieu lors des élections. Ma question est la suivante : pensez- vous qu'il y a un rapport entre le système électoral actuel et la corruption ou y aurait-il de la corruption si les élections avaient lieu sur le modèle des élections municipales et provinciales? Est-ce à cause du système mis en place dans les réserves ou est-ce seulement un symptôme du problème de la drogue, peu importe que ce soit dans une réserve ou dans la ville de Winnipeg?
M. Brown : Parlons de nouveau de la corruption électorale. Un grand nombre des plaintes de corruption qui ont été adressées aux Affaires indiennes sont restées sans réponse. À qui alors se plaindre de problèmes comme celui de la corruption? La police ne veut pas s'en occuper. Voilà pourquoi la corruption existe.
Le sénateur Dyck : C'est donc de la faute du ministère des Affaires indiennes et de la GRC et non pas des gens?
M. Brown : Oui. Car si AINC dit à la GRC qu'il n'y a pas de problème, la GRC n'intervient pas.
Le sénateur Dyck : Par conséquent, si je comprends bien, ce n'est pas le processus électoral qui pose un problème. Ce n'est pas la façon dont se déroulent les élections, mais la gestion des Affaires indiennes.
M. Brown : De l'administration centrale.
Le sénateur Dyck : D'autres facteurs y ont contribué. Ce n'est pas un défaut du système électoral.
M. Brown : C'est à l'administration centrale.
Le sénateur Dyck : L'administration centrale?
M. Brown : Oui, c'est l'administration centrale qui peut changer la date des élections pour qu'elle corresponde à l'exercice financier. Elle refuse de le faire.
Le sénateur Hubley : J'en reviens à la question du mandat de deux ans par opposition au mandat de quatre ans. Certaines personnes nous ont dit qu'un mandat plus long améliorerait la de gouvernance et qu'il faudrait au moins essayer. Compte tenu de votre expérience, diriez-vous que cela vous serait utile?
M. Brown : Oui.
Le sénateur Hubley : Ce serait mieux, car vous avez déjà eu deux mandats. Si l'élection est pour quatre ans, cela pourrait également être avantageux étant donné que les élections comme telles semblent causer de l'instabilité. Apparemment, c'est un moment difficile pour votre communauté. Est-ce la même chose? Nous avons entendu dire que les élections peuvent grandement perturber l'administration générale de la bande.
Constatez-vous que lorsque des élections sont déclenchées, cela entraîne le désordre et des perturbations dans la communauté?
M. Brown : En fait, les élections ne sont pas la source du problème. C'est AINC, comme je l'ai dit. Par exemple, si les élections suscitent un conflit d'intérêts et si vous voulez y remédier, vous ne pouvez pas le faire.
Le sénateur Hubley : Supposons que l'Assemblée des chefs du Manitoba décide d'adopter une constitution régissant ses élections dont elle serait satisfaite. Si cette constitution était présentée au gouvernement, serait-il possible que cette partie de la Loi sur les Indiens soit mise de côté afin que les communautés des Premières nations puissent s'occuper elles-mêmes de leurs élections? Pensez-vous que cela fonctionnerait?
M. Brown : Oui, à la condition qu'AINC reconnaisse la constitution, ses conséquences et toute la politique. Il faut que ce soit reconnu.
Le sénateur Hubley : Je ne pense pas que cela se fera, toutefois, à moins que l'initiative ne vienne de vos communautés qui diront : « Nous sommes mécontents de la Loi sur les Indiens en ce qui concerne les élections. Nous avons préparé un meilleur plan. Un grand nombre de nos communautés tiennent déjà des élections coutumières et nous voudrions que ce soit enlevé de la Loi sur les Indiens ». Ce serait peut-être un moyen de vous rapproprier en partie votre gouvernance.
M. Brown : Oui.
Le sénateur Hubley : Pensez-vous que cela pourrait être une solution?
M. Brown : Dans une certaine mesure.
Le sénateur Hubley : Cela ne suffit pas; il faut que ce soit dans votre intérêt. Vous devez assumer cette responsabilité.
M. Brown : Vous dites que ce serait dans mon intérêt, mais est-ce que ce serait reconnu en dehors de la réserve? S'il y a de la corruption, va-t-on y remédier ou va-t-on encore fermer les yeux?
Le sénateur Hubley : Je pense que nous aurions certainement à intervenir. Si une infraction à une loi est commise, que ce soit au sujet des élections ou de quoi que ce soit d'autre, il doit y avoir des sanctions.
M. Brown : Il y a de nombreuses infractions à des lois, mais allez-vous intervenir? C'est ce que je demande.
Le sénateur Hubley : C'est à votre Assemblée des chefs de décider qui devra rendre des comptes et si ces comptes ne sont pas rendus, quelles options vous avez à votre disposition et par quels moyens vous pourrez faire face à la situation.
M. Brown : Je comprends ce que vous dites, mais je vais insister de nouveau. S'il y a de la corruption, vous vous plaignez à la police. La police est prête à intervenir, mais AINC lui dit que tout va bien. Par conséquent, la police s'en va parce que le Canada, le gouvernement dit que tout va bien. Par conséquent, le système qui a été mis en place pour nous n'assure pas la justice. Nous pouvons nous y conformer, je peux m'y conformer, mais la loi va-t-elle le faire?
Le sénateur Hubley : Vous avez dit que vous ne vouliez pas signer, parce que votre mandat a commencé en janvier et que l'exercice financier commence en avril, je suppose?
M. Brown : Oui.
Le sénateur Hubley : Si vous fixiez la date des élections pour que les élections aient lieu, disons, tous les quatre ans, feriez-vous en sorte qu'il y ait une reddition de comptes chaque année? Les élections auraient peut-être lieu en avril et l'administration précédente rendrait des comptes s'il y avait un changement?
M. Brown : Oui, il devrait y avoir un changement. Les élections devraient commencer le 1er avril.
Le sénateur Hubley : Sans vouloir vous interrompre, je pense que notre comité voulait profiter de vos idées et de votre expérience pour pouvoir formuler des recommandations ou préparer un rapport. Notre rapport se basera sur ce que nous avons entendu. Sans vouloir insister sur le changement de deux ans à quatre ans et la façon dont vous procéderez, je crois important que vous le fassiez.
Il serait important pour nous que nous puissions dire : voici ce qui se passe, c'est une initiative mûrement réfléchie qui aura des effets positifs pour les nations du Manitoba et nous voudrions en faire rapport. Je vous remercie pour vos réponses.
Le président : Chef Brown, supposons que la majorité de l'AMC, l'Association des chefs du Manitoba, décide de mettre en place un processus électoral en dehors de la Loi sur les Indiens. Compte tenu de la situation actuelle du peuple Dakota, seriez-vous capable et prêt à le faire, à adopter ce processus électoral?
Il y a eu des négociations pour essayer d'établir des relations entre le gouvernement et les Nations Sioux. Combien y en a-t-il, cinq, au Manitoba?
M. Brown : Oui.
Le président : Et six en Saskatchewan, je crois.
M. Brown : Oui.
Le président : Ce sont surtout des gens qui ont quitté le Dakota du Sud pour s'installer au Manitoba et en Saskatchewan. Pensez-vous que cela fonctionnerait pour votre peuple et pour vous? Si l'AMC dit qu'elle va suivre cette voie, qu'elle va nommer un directeur des élections, qu'elle va nommer un ombudsman ou un vérificateur général dans le cadre de sa structure électorale, seriez-vous prêt à recommander cela à votre peuple et pensez-vous que ce dernier serait d'accord? Cela vous donnerait des mandats de quatre ans ou de trois ans, selon ce qui serait décidé. Qu'en pensez-vous, chef?
M. Brown : Ce serait bien mieux que ce que nous avons maintenant.
Le président : Pensez-vous que votre peuple serait d'accord?
M. Brown : Oui.
Le sénateur Lang : Je voudrais simplement quelques éclaircissements et je crois que le président y a fait brièvement allusion. Êtes-vous une Première nation enregistrée aux termes de la Loi sur les Indiens? À un moment donné, vous avez dit que vous étiez des réfugiés. Êtes-vous définis comme une Première nation? Je ne vous vois pas sur la liste.
Le président : Elle s'y trouve.
Le sénateur Lang : Sous quel nom? AINC désigne-t-il votre Première nation sous un nom différent ou une désignation qui figurent ici?
Tonina Simeone, attachée de recherche, Bibliothèque du Parlement : Oak Lake.
Le sénateur Lang : Je n'en étais pas certain. Je voulais un peu plus de précision.
Vous avez parlé de rapports annuels qui sont soumis au ministère des Affaires indiennes et du Nord. S'il y a des signes de malversations ou autres, est-ce indiqué dans ces rapports annuels quand ils sont remis à AINC?
M. Brown : Je ne le pense pas.
Le sénateur Lang : Vous avez dit qu'en tant que chef, vous avez demandé, ainsi que le conseil, je suppose, la tenue d'une vérification comptable. C'est exact?
M. Brown : Oui.
Le sénateur Lang : Quelle a été la réponse d'AINC?
M. Brown : Nous n'avons pas eu de réponse.
Le sénateur Lang : Était-ce quand vous avez été élu pour la première fois, il y a trois ans?
M. Brown : Juste après mon élection.
Le sénateur Lang : C'était donc il y a trois ans?
M. Brown : Il y a un an.
Le sénateur Lang : D'accord.
Le président : Merci beaucoup, chef Brown, d'être venu témoigner ce matin. Le cas de la nation du chef est assez compliqué étant donné que, comme il l'a souligné, ses membres se considèrent comme des réfugiés. Cette nation relève, je crois, de la Loi sur les Indiens?
M. Brown : C'est le gouvernement du Canada qui nous appelle des réfugiés. Comment une nation pourrait-elle être réfugiée dans son propre territoire? Ce n'est pas possible.
Ma constitution et mes règlements administratifs sont en place. Il est très difficile de les faire appliquer parce qu'AINC refuse de les reconnaître. C'est le problème. Si AINC refuse de les reconnaître, la loi ne les reconnaît pas. La loi donne raison au ministère parce que c'est lui qui conseille le gouvernement du Canada. Nous pouvons bien travailler ensemble et rendre compte des fonds que nous recevons, mais c'est difficile à faire quand l'administration centrale ne coopère pas. Voilà mon problème.
Le président : Quelle est l'importance de votre population?
M. Brown : Environ 600 personnes.
Le président : Quelle superficie de terrain avez-vous?
M. Brown : Deux par deux.
Le président : Deux milles sur deux milles?
M. Brown : Deux milles carrés.
Le président : Ils occupent un petit territoire, une des toutes petites réserves. C'est une autre question.
Je tiens à vous remercier, monsieur, pour votre comparution devant le comité. J'espère que nous pourrons formuler des recommandations qui amélioreront la situation. Si vous pensez à autre chose que vous voudriez nous dire, contactez le comité ou mon bureau qui se chargera de m'en faire part.
Sénateurs, c'est maintenant au tour du représentant du conseil tribal de Swampy Cree, le grand chef Norman Glen Ross, de la Nation crie Opaskwayak.
Grand chef Norman Glen Ross, Nation crie Opaskwayak : Merci à vous tous de m'avoir invité à venir prendre la parole devant vous ce matin. Nous espérions qu'un de nos collègues, Ovide Mercredi, qui devait venir ici avec moi aujourd'hui, apporterait le mémoire écrit du conseil tribal de Swampy Cree, mais il a dû partir pour Vancouver. Nous sommes huit au conseil tribal, huit chefs, et nous nous réunissons régulièrement pour parler de différentes questions telles que le développement des Premières nations et l'avancement de notre peuple.
Quand on nous a demandé de venir témoigner, nous nous sommes réunis et nous avons longuement discuté de ce que cela signifiait pour nous, car certains d'entre nous tiennent des élections coutumières tandis que certains autres les tiennent encore selon la Loi sur les Indiens. Nous avons donc réfléchi à ce que nous voulions faire et ce que nous allions essayer de préparer.
Nous avons notamment parlé du processus et des raisons pour lesquelles les Premières nations ont parfois tellement de difficulté à adopter les changements apportés par AINC dans leur façon de travailler et d'opérer. Souvent, nous n'y participons pas vraiment. On ne tient pas compte non plus de nos idées, des solutions qui, selon nous, donneraient des résultats dans les réserves, ni de la façon dont nous fonctionnons.
Souvent, quand on nous impose des changements, nous les trouvons très durs à avaler, par exemple dans le cas des changements aux codes électoraux et ce genre de choses. Nous croyons, nous aussi, qu'il faudrait modifier la durée du mandat. Un mandat de deux ans est trop court et ne laisse même pas le temps d'envisager des initiatives et de les entreprendre. Nous sommes donc d'accord pour dire qu'il faudrait modifier la Loi sur les Indiens et les codes électoraux, mais il faudrait le faire avec la participation des Premières nations. Elles devraient y participer dans une large mesure.
Il a été démontré que lorsque les Premières nations prennent les choses en main ou assument leurs responsabilités, les choses vont mieux. Prenez les centres de santé, par exemple : les Premières nations qui administrent leurs propres programmes de santé voient diminuer progressivement le nombre de visites à l'hôpital d'année en année. Nous en avons la preuve.
Nous pouvons donc faire valoir que lorsque des changements doivent être apportés, ce devrait être en grande partie, sur notre initiative et pour les bonnes raisons.
Quand j'écoutais, j'ai entendu parler de choses comme la responsabilisation, la transparence, le fait de montrer aux gens qui vous êtes et comment vous opérez. Chez nous, nous croyons aussi que c'est extrêmement important. Toutefois, bien souvent, nous avons de la difficulté à faire durer tout cela. Par exemple, la loi provinciale et la loi fédérale nous placent dans une zone grise en tant que Premières nations. Nous ne savons pas qui nous appuie.
Nous avons besoin d'un solide appui pour que nos codes électoraux soient crédibles et soient respectés dans la réserve. Nous croyons qu'un haut niveau de responsabilisation et de crédibilité est nécessaire en raison de qui nous sommes et de ce que nous sommes. Dans une Première nation, les attitudes et les mentalités sont très différentes, car c'est comme une commune où nous avons tous grandi et vécu ensemble dans un petit espace. Nous sommes beaucoup plus orientés vers la famille et il est vraiment difficile d'apporter des changements dans les réserves. Comme je l'ai dit, il faudrait que l'initiative vienne de nous afin que nous puissions faire accepter les changements.
Une des choses qui changent dans les Premières nations, c'est le besoin de communication. Nous parlons d'apporter des grands changements afin que tout le monde soit au même niveau. Dans le territoire des Premières nations, il y est très difficile de communiquer, car nos systèmes de communication sont très médiocres. Nous avons nos réserves et nous avons pris l'habitude de rivaliser entre nous pour obtenir de l'argent et des choses comme le logement et l'éducation qui sont vraiment importantes pour les réserves. Par conséquent, quand il s'agit de travailler ensemble et d'unir nos efforts, cela suscite beaucoup d'inquiétude et beaucoup de méfiance.
Je suppose qu'un des principaux messages que désirent transmettre les Premières nations est que les bonnes intentions du gouvernement devraient être laissées aux Premières nations. Ce sont elles qui devraient prendre l'initiative de ces changements pour améliorer la responsabilisation et la crédibilité dans les réserves, entre autres choses.
Quand un problème se pose dans le cadre du processus électoral et qu'il y a une bagarre ou une querelle, il faudrait également que ce soit réglé par nous-mêmes. Parfois, AINC ne soutient pas les Premières nations. Le ministère ne peut pas nous aider sur le plan de la formation, en proposant des solutions ou sur bien d'autres plans. Même pour les conflits internes, le ministère a de la difficulté de ce côté-là. Ceux qui tiennent des élections coutumières ne reçoivent aucun appui. Ils doivent se débrouiller seuls.
Un grand nombre de Premières nations ont besoin d'apprendre comment réunir toutes les politiques, toutes les règles électorales et tout ce qui est nécessaire pour une élection crédible. Elles ont besoin d'un solide appui, car il faut que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial aient tous les deux confiance dans le processus, dans les systèmes et dans les résultats. C'est en grande partie impossible à cause du manque de coordination et de communication.
Quand nous parlons des Premières nations de façon générale, un grand nombre de réunions de coordination et d'efforts sont nécessaires pour que tout repose sur des bases solides.
C'est la même chose pour le processus électoral. Nous sommes toujours en train de négocier avec la province du Manitoba. En tant qu'entité fédérale, AINC ne peut pas nous donner de lignes de conduite ou de directives, car il n'en a pas. Je ne pense pas qu'il en ait en réserve quelque part. Je ne les ai pas encore vues.
Nous devons donc vraiment travailler en collaboration étroite avec la province afin que nous puissions participer à ses programmes et à ses politiques à l'égard des enfants, qu'ils soient solides et suivis par tout le monde. Pour le moment, les gens doivent se débrouiller seuls, car ces programmes sont l'initiative de quelqu'un d'autre; c'est comme s'ils venaient de la planète Mars.
Quand des nouvelles choses arrivent, elles nous prennent par surprise. On essaie de changer les mentalités à bien des égards.
En raison de notre situation, de nombreuses personnes des Premières nations sont coincées dans leur réserve. Il y a là une frontière imaginaire et à cause des mentalités, nous avons beaucoup de difficulté sur le plan de l'emploi, à inciter les gens à aller travailler, à sortir de la réserve, à renoncer à leurs habitudes rassurantes et à aller voir ailleurs. C'est très, très difficile. À quoi pourrait-on comparer cela? Peut-être aux Français et au vin, car si vous leur dites qu'ils doivent cesser d'en boire, ils pensent que vous êtes fou. Dans la réserve c'est la même chose : « Change tes habitudes. » « Tu es fou. Je vais continuer à faire ce que je fais parce que cela me rassure, c'est ce que nous avons fait jusqu'ici et nous sommes en sécurité à l'intérieur de nos petites frontières, alors laisse-moi tranquille ».
Les chefs des Premières nations ont eu beaucoup de difficulté à changer les habitudes des gens, car ils doivent changer leur façon de penser et leur façon de vivre, ce qui suscite beaucoup de problèmes dans les réserves, et beaucoup d'inquiétudes.
Quand nous parlons des élections, des codes électoraux, nos Premières nations croient dans les mêmes choses que tout le monde : une politique électorale rigoureuse, des règles strictes et un solide appui. Ces règles doivent être crédibles afin que tout le monde les respecte, tous les Canadiens, afin que nous puissions faire les choses plus facilement et mieux ensemble, dans notre pays, en essayant de progresser. Le fait est qu'au Canada les peuples des Premières nations sont un peu comme des Martiens, en raison des grandes différences dans leur façon de vivre, dans leur niveau d'instruction, dans leur niveau de santé et leur niveau de revenu. Ces niveaux sont nettement plus bas.
Tout ce que nous faisons de notre propre initiative a des effets durables dans la communauté. Cela nous aide à faire les changements qui sont parfois si difficiles à adopter autrement.
De nombreux problèmes sont reliés à ce processus électoral. Nous voulons vous faire comprendre que pour nous, cela fait partie d'un processus plus vaste se rapportant à la Loi sur les Indiens. Cela fait partie de la Loi sur les Indiens, mais il est nécessaire d'y apporter de nombreuses modifications. Peut-être pourriez-vous transmettre ce message : il faut agir à une échelle plus vaste et nous devons le faire ensemble afin que cela fonctionne. Pour faire la planification, il faut que tout le monde y participe ensemble, dans la même pièce. Ainsi, nous saurons quels sont les résultats escomptés, car nous aurons fait la planification ensemble et nous aurons apporté les changements ensemble. Voilà notre message le plus important.
Quand ce genre de questions se présente, ce n'est pas tant la question comme telle qui pose problème, mais la façon de la résoudre. Nous devons examiner nos processus et les modifier en faisant participer les Premières nations à la planification afin d'obtenir des résultats durables. Si tout le monde les appuie, ils reposeront sur des bases solides. Ainsi, en cas de problèmes, les politiques voulues seront là pour les résoudre.
Il faut faire beaucoup de travail en collaboration avec la GRC, avec la province, avec le gouvernement fédéral, avec nous, avec tous les groupes qui jouent un rôle dans ce drôle de petit univers que nous appelons le territoire des Premières nations.
En tant que chef, la façon la plus facile pour moi de négocier avec les gouvernements est parfois de refuser de m'occuper d'un dossier. C'est alors à eux de s'en charger. Du côté provincial, ils ne savent pas comment négocier avec nous ou ce qu'ils peuvent négocier. C'est donc une chose dont nous devons vraiment parler à tous les niveaux de gouvernement afin que les Premières nations puissent faire partie de ce pays, afin que nous puissions y contribuer et être fiers d'en faire partie au lieu d'essayer de nous faufiler à l'intérieur ou de nous battre pour y entrer.
Un grand nombre d'entre nous en ont assez et ne sont pas d'accord. Nous préférerions essayer de négocier, de constituer des équipes et des relations de travail. C'est toutefois un long processus lorsque les choses et les mentalités ne sont pas prêtes pour cela.
Un de mes chefs du conseil tribal de Swampy Cree, qui est ici, voudrait également parler de ce qui s'est passé dans sa Première nation. Est-ce possible ou est-il trop tard?
Le président : Veuillez rester bref.
M. Ross : Chef Colomb, parlez seulement de vos élections, s'il vous plaît. N'oubliez pas qu'il y a eu un conflit pour lequel vous n'avez pas pu obtenir d'aide parce que vous avez eu des élections coutumières.
Le président : Pourriez-vous indiquer votre nom et d'où vous venez, s'il vous plaît?
Andrew Colomb, chef, Première nation Marcel Colomb : Nous avons été reconnus comme une nouvelle Première nation en mars 1999.
Nous sommes encore en développement. Quand nous avons été reconnus comme une nouvelle Première nation, nous avons établi un code électoral prévoyant un mandat de quatre ans. Je ne suis pas sûr de pouvoir dire si cela a changé quoi que ce soit à ce que nous voudrions accomplir. Le mandat de quatre ans suscite parfois des conflits avec AINC. Je pense que, dans bien des cas, c'est à son avantage plutôt qu'au nôtre. Il est parfois désavantageux d'avoir un long mandat.
La bande dont nous sommes issus est celle de Mathias Colomb, qui est Pukatawagan. Elle tient ses élections selon la Loi sur les Indiens pour des mandats de deux ans. C'est ce que nous avions au départ. Puis tout à coup, en tant que nouvelle Première nation, nous sommes passés à un mandat de quatre ans. Je pensais que ce serait un avantage pour nous. En fait, nous sommes soumis à un contrôle plus serré.
Je voulais mentionner certaines choses au sujet de ce contrôle. Ce que j'avais négocié et les plans que nous avions élaborés ne se sont pas déroulés comme prévu. Les plans qui ont été approuvés l'ont été seulement après les quatre ans.
Il semble y avoir un plus grand contrôle, maintenant, quand il y a un nouveau chef d'une Première nation et tout ce que pourquoi j'ai travaillé a disparu. Par conséquent, que le mandat soit court ou long, le problème est que ce qui est approuvé au cours de l'année, les programmes ou les projets qui sont approuvés devraient continuer sans aucun changement. Peu importe que le mandat soit court ou long, AINC peut toujours approuver un projet quand il juge bon de le faire. Il est donc évident que lorsqu'il y a de nouvelles élections, il y a un nouveau chef, il est possible qu'il n'appuie pas le projet qui a été approuvé.
Voilà certaines des questions que je crois nécessaire d'examiner dans le cadre de cette étude si nous n'avons pas de code électoral.
Le sénateur Lang : Je voudrais seulement poser une question au grand chef Ross. Tout d'abord, vous avez dit, je crois, qu'il y avait huit Premières nations dans votre zone de traité, n'est-ce pas?
M. Ross : Oui.
Le sénateur Lang : Combien d'entre elles appliquent le code coutumier et combien ont des mandats de quatre ans?
M. Ross : Il y en a quatre, quatre qui suivent le code coutumier et quatre, je crois, qui appliquent la Loi sur les Indiens. Je n'en suis pas certain.
Le sénateur Lang : Pour ceux qui suivent le code coutumier, quelle est la durée du mandat, est-ce deux ans ou quatre ans?
M. Ross : Je crois qu'à Grand Rapids, c'est trois ans et que pour les autres, c'est quatre ans.
Le sénateur Lang : Vous avez donc fait l'expérience des mandats plus longs?
M. Ross : Oui.
Le sénateur Lang : Ces Premières nations ont-elles un système de destitution afin qu'après une élection, si la communauté n'est pas satisfaite d'une certaine décision, elle puisse destituer le chef et le conseil?
M. Ross : Je crois que oui.
Le sénateur Lang : Ce pouvoir de destitution a-t-il été exercé récemment?
M. Ross : C'est arrivé quand il y a eu un problème. Parfois, AINC intervient, mais parfois elle ne le fait pas si c'est le code coutumier. Il y a eu des destitutions dans certaines réserves de la province.
C'est un des problèmes dont M. Colomb nous a parlé. Sa première nation a demandé de l'aide pour une de ses élections, mais elle n'en a reçu aucune. On vous laisse donc vous débrouiller seuls, même si vous avez des élections coutumières. Je pense que le ministère devrait quand même offrir son aide, vous savez, juste pour faciliter les choses.
Le sénateur Lang : Je voudrais seulement approfondir un peu la question de la destitution, car je crois que c'est un facteur très important qui peut susciter beaucoup de conflits dans une communauté. Supposons que l'élection soit légitime et qu'elle soit pour un mandat de trois ou quatre ans. Vous avez toutefois cette disposition de destitution qui permet à ceux qui ne sont pas d'accord avec le conseil, peut-être sur chaque dossier, de s'entendre pour essayer de renverser le gouvernement.
M. Ross : Oui.
Le sénateur Lang : Est-ce une disposition que les Affaires indiennes devraient peut-être réexaminer avec les Premières nations afin qu'une fois que les élections ont eu lieu, le système de destitution ne s'applique plus?
M. Ross : Absolument. Il va falloir trouver une solution, car vous avez raison, la politique et l'administration sont deux choses différentes. En cas de problème, par exemple si vous perdez de l'argent ou si les gens volent de l'argent, il faudrait prévoir des sanctions, que ce soit la destitution ou une autre punition. En ce qui concerne la politique, vous ne devriez pas pouvoir destituer quelqu'un simplement parce que vous n'êtes pas d'accord, sauf si c'est quelque chose de vraiment terrible.
Le sénateur Lang : Quelle serait votre position si les Premières nations concluaient une entente avec la province du Manitoba pour que sa commission électorale supervise vos élections afin qu'il n'y ait aucun doute quant à l'impartialité et à la gestion des élections?
M. Ross : C'est une solution que les gens seraient prêts à envisager, s'ils avaient la possibilité de travailler directement avec les autorités pour voir quel genre de politiques et de systèmes seront utilisés, et à condition qu'ils soient tous d'accord. Cela fonctionnerait. Car il y a aussi le problème de la crédibilité. Quelle est la crédibilité d'une élection dans une Première nation? Si elle est soutenue par d'autres systèmes, cela la rendra beaucoup plus crédible.
Le sénateur Lang : Je voudrais aborder une autre question qui a été soulevée. Les membres de la bande, ceux que nous avons entendus, semblent être en désaccord. Ils ont dit qu'ils ne voulaient pas prolonger la durée du mandat à cause de la corruption, des pots-de-vin et de ce genre de problèmes. Nous avons également entendu les mêmes propos plus tôt ce matin.
À quel point le problème de la drogue et de la manipulation du processus électoral est-il répandu pendant une élection? Vous devez en parler entre vous en tant que chefs et conseillers.
M. Ross : Oui, à l'OCN, depuis 1975, nous avons adopté un processus très rigoureux et il y a eu moins de problèmes. Ailleurs, nous constatons qu'il y a un manque de reddition de comptes à l'égard du processus électoral, que des gens se font soudoyer ou promettre des meubles, un logement, de l'argent ou autre chose. Vous avez raison, il faut se pencher sur la question.
Une de nos Premières nations de la province l'a fait par l'entremise de son conseil. Il s'agit de Norway House dont certains conseillers ont été destitués, je crois, parce qu'ils avaient promis aux gens différentes choses pendant les élections.
Il va donc y avoir maintenant des règles strictes qui empêchent de faire ce qu'on veut, simplement parce qu'on est candidat à une élection. La situation a commencé à changer. Mais nous devons nous réunir pour régler cette question afin qu'elle ne pose pas de problème.
Le sénateur Peterson : J'aimerais seulement que le chef Colomb me fournisse un renseignement. Vous avez dit que votre Première nation a été reconnue en 1999. La bande a-t-elle été rétablie? De quel processus s'agissait-il, chef?
M. Colomb : Nous nous sommes séparés de Mathias Colomb dans le cadre d'un processus qui a commencé en 1972 par une résolution adressée au chef et au conseil. En 1997, le ministre Ron Irwin a déclaré, à Grand Rapids, que nous deviendrions une nouvelle Première nation si nous remportions un plébiscite et si Mathias Colomb nous autorisait à nous séparer pour créer une nouvelle Première nation.
Le sénateur Peterson : C'est une Première nation non pas entièrement nouvelle, mais qui s'est séparée d'une bande, pour une raison quelconque, et qui a voulu avoir sa propre bande?
M. Colomb : Oui.
Le sénateur Peterson : Très bien.
M. Colomb : Quand nous sommes devenus une nouvelle Première nation et que j'ai parlé d'établir un code électoral, un code électoral coutumier, AINC a financé ce projet. Un employé d'AINC nous a aidés à établir notre code électoral.
Finalement, quand nous avons voulu utiliser notre code électoral pour notre peuple, on m'a dit qu'il était plein de lacunes et que nous ne pourrions pas nous en servir. C'était un document que le Canada avait approuvé. Il a été publié dans la Gazette du Canada. Il a été approuvé par le Canada; il a été accepté par le Canada. Toutefois, quand nous avons voulu l'utiliser pour défendre notre Première nation, il était plein de lacunes et nous n'avons pas pu nous en servir.
Le travail continue. Nous sommes en train d'élaborer un nouveau code électoral, car un avocat a examiné le premier et a dit qu'il n'était pas bon.
Voilà donc les questions de contrôle dont je parle. Ensuite, les gens du ministère viennent me parler de responsabilisation et de transparence. Ce sont des choses que maintenant on me reproche. On me dit que je suis plutôt un agent, un agent indien. Comment puis-je rendre des comptes à mon peuple si c'est la règle que vous me demandez de suivre?
Le sénateur Peterson : Nous avons entendu dire qu'AINC apporte souvent des changements sans consulter qui que ce soit. Pourtant, le gouvernement fédéral a imposé l'obligation de consulter les intéressés. Si vous faites quelque chose, vous devez consulter les gens, vous devez en parler.
Pensez-vous qu'il faudrait peut-être que le gouvernement suive son propre code?
M. Ross : Oui. Nous devons tous nous réunir pour planifier tout cela. Si l'on suit des voies différentes et des politiques différentes, cela ne marche pas.
Le sénateur Peterson : Grand chef Ross, vous avez mentionné la difficulté que les chefs ont parce que les gens de la région ne font pas confiance à AINC et que la procédure électorale n'est qu'un élément de l'ensemble de problèmes reliés à la Loi sur les Indiens. Pensez-vous que Kelowna était un pas dans la bonne direction?
M. Ross : Absolument. Tous les processus que nous élaborons ensemble doivent être mis en oeuvre. On a fait depuis beaucoup de choses qui n'ont pas marché parce que nous ne les avions pas bien planifiées. Même dans cette province, les Premières nations ont dépensé environ 60 millions de dollars pour essayer de se lancer dans des processus d'autonomie gouvernementale alors que l'autre partie n'était pas prête. Elles ont déboursé beaucoup d'argent pour faire tout ce travail et cela ne les a menées nulle part.
Après un certain temps, les Premières nations ont cessé d'accepter cet argent, nous laissons tomber l'initiative de l'Accord-cadre, un point c'est tout. Nous laissons tomber le processus en attendant qu'on trouve quelque chose de mieux. C'était devenu ridicule pour tout le monde.
Le sénateur Dyck : Je vais revenir sur ce dont le sénateur Peterson a parlé.
Monsieur Colomb, vous avez dit que vous aviez un code électoral qui avait été approuvé par AINC, mais qu'il était plein de lacunes. Vous avez déclaré, je crois, qu'un avocat vous a dit que ce code coutumier n'était pas bon.
M. Colomb : Oui.
Le sénateur Dyck : Avez-vous dû consulter un avocat parce que vous avez constaté que ce processus suscitait certains problèmes? Quel genre de problèmes vous causait-il?
M. Colomb : Pour commencer, AINC ne pouvait pas nous aider à résoudre nos difficultés. Le ministère ne pouvait pas s'en occuper à cause de ce code électoral coutumier. C'est lui qui l'avait approuvé. La majorité des gens n'étaient pas d'accord avec ce qui se passait au niveau du conseil. Nous avons voulu une nouvelle élection. Nous n'avons pas pu déloger les membres du conseil. Nous n'avons pas pu invoquer les dispositions de notre code électoral à cause d'autres dispositions qui y figuraient. Par conséquent, nous n'avons pas pu nous servir de notre code électoral pour destituer le conseil.
M. Ross : Finalement, ce code n'était même pas utilisable.
M. Colomb : Le conseiller juridique a lu notre code électoral et nous a dit qu'il contenait des contradictions et un grand nombre de dispositions que nous ne pouvions pas utiliser. Nous sommes en train de le modifier.
Le sénateur Dyck : Si j'ai bien compris, le code électoral qui a été approuvé par le ministère contenait des dispositions contradictoires?
M. Colomb : C'est à peu près cela.
M. Ross : Oui.
Le sénateur Dyck : Étant donné que vous n'êtes plus sous le contrôle du ministère, vous pouvez maintenant modifier votre code électoral?
M. Colomb : C'est exact.
Le sénateur Dyck : C'est ce que vous êtes en train de faire?
M. Colomb : C'est exact.
Le sénateur Dyck : Par conséquent, les contradictions que contient le code vous empêchent de gérer la bande, que ce soit sur le plan du développement économique ou autre chose?
M. Colomb : Oui. Quand ce genre de choses arrive, c'est au détriment de la Première nation.
Le sénateur Dyck : En effet.
M. Colomb : Voilà ce qu'on nous reproche maintenant. Comme c'est la pratique et que vous continuez d'autoriser ce genre de pratique, cela veut dire que vous l'appuyez.
M. Ross : Par conséquent, si AINC avait des doutes au sujet de certaines pratiques que supervise un conseil, le ministère ne pourrait même pas mettre en oeuvre son code électoral pour changer ces pratiques étant donné qu'il contient trop de lacunes. Si vous roulez en Jeep alors que vous avez besoin d'un char d'assaut, cela ne marchera pas.
Il va falloir beaucoup de coordination pour que cela puisse fonctionner. Faites-nous participer, car je crois que c'est la solution.
Le sénateur Dyck : Donc, à votre avis, serait-il nécessaire qu'AINC révise la façon dont il établit les codes coutumiers? Car si je comprends bien, ce n'est sans doute pas entièrement satisfaisant. Le ministère utilise un formulaire. Il vous montre comment remplir ce formulaire pour établir votre code. Il y a peut-être donc quelque chose qui cloche même dans ce formulaire.
M. Ross : Absolument. Si le code ne peut pas être défendu devant un tribunal ou satisfaire à un processus électoral, ce n'est pas satisfaisant.
Dans la Nation crie Opaskwayak, nous procédons toujours selon le système d'AINC. Le chef et le conseil — nous sommes 12 — font participer tous les membres du personnel à la planification. Toutefois, nous n'arrivons pas à nous entendre sur un code électoral. Cela fait deux ans que nous essayons. Nous ne sommes pas d'accord sur certaines choses comme la rémunération des conseillers, la durée de leur mandat, la question de la destitution, dans quelles circonstances elle pourrait avoir lieu? Nous y travaillons depuis deux ans et nous n'avons pas encore terminé. Il y a aussi des changements et toutes sortes de choses concernant la Loi sur les Indiens. Selon AINC, vous n'avez qu'à remplir le formulaire et tout est parfait. Il y a un défaut quelque part.
Le sénateur Dyck : Quelqu'un d'un peu cynique dirait qu'AINC voulait seulement se débarrasser de cette responsabilité et vous a remis un document sans savoir nécessairement que cela ne marcherait pas.
M. Ross : Je n'en sais rien. Il faut que les gens et les politiques d'AINC aillent dans le même sens. Je crois que certaines personnes ont l'intention de nous aider à progresser, que les politiques sont un obstacle pour tout le monde. C'est comme la province et le gouvernement fédéral qui sont incapables de s'entendre pour nous aider à faire une bonne planification, à bien des égards. Il suffit de travailler ensemble, de planifier ensemble et de s'entendre.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Grand chef Ross, vous avez mentionné qu'avant de venir à cette audience, vous vous êtes réunis avec d'autres chefs et que vous avez réfléchi ensemble. Est-ce qu'il y avait de simples citoyens ou des femmes à cette réunion?
M. Ross : Non. On nous a parlé de cette audience jeudi.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous n'avez donc pas eu le temps de consulter des gens?
M. Ross : Non, nous n'avons même pas eu le temps de courir à la maison pour en parler à qui que ce soit, même pas à nos propres conseils. Nous aurions aimé en parler chez nous et en discuter avec tout le monde pour savoir ce que les gens en pensent, car cela a des répercussions financières et des répercussions sur le leadership. Les Premières nations ont beaucoup de difficulté avec ces processus.
Le conseil de notre Première nation s'est battu pendant deux ans, parce que nos politiques à l'égard des réunions et nos autres politiques sont très faibles et favorisent ce genre de choses. Nous devons tout consolider au plus haut niveau afin de pouvoir plus facilement nous préparer.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Et quand tout sera décidé, vous en parlerez aux gens.
M. Ross : Nous leur dirons à quoi s'attendre.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Ne devraient-ils pas être informés des changements qui seront apportés afin d'être prêts à les accepter ou à les refuser?
M. Ross : Oui. Chez nous, quand nous faisons notre planification, nous essayons de faire participer les gens au maximum afin qu'il n'y ait pas trop de conflits au sujet des politiques. Ensuite, les gens donnent leur accord.
Nos processus sont très lents au niveau de la réserve parce que nous essayons d'interagir avec tout le monde et d'amener tout le monde à comprendre et à donner son accord. Vous savez, comme je l'ai dit, c'est presque comme une commune. Nous sommes encore des communistes dans ce monde démocratique. C'est donc assez bizarre.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je voudrais revenir sur la question de la destitution. Je suppose que c'est le sujet de ce matin. Combien de temps cela prend-il?
M. Ross : Un processus de destitution?
Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui.
M. Ross : Cela varie. Si le code électoral et la politique électorale sont solides, la destitution se fait vite et de la bonne façon. Si les codes sont pleins de lacunes et s'il y a des querelles, cela peut prendre des années. Il y a alors une autre élection et le gâchis continue. Nous avons du mal à obtenir de l'aide.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je ne vous suis pas?
M. Ross : Nous n'avons pas les ressources du gouvernement fédéral.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui.
M. Ross : Le gouvernement a tous ses programmes, tous ses gens, toutes ses politiques, tout son argent, tous ses spécialistes et chercheurs, et cetera. On nous demande de faire la plupart de ces choses-là tout seuls et nous ne sommes pas très intelligents.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Allons, vous devez être très intelligent; vous êtes un chef.
M. Ross : Nous n'avons pas les mêmes capacités que vous.
Le sénateur Lovelace Nicholas : D'accord, je comprends. Merci.
Le président : Vous êtes très modeste.
Quand vous retournerez chez vous, allez-vous parler aux gens?
M. Ross : Oui.
Le président : Quand vous leur aurez parlé, pourriez-vous nous faire part de leur réaction?
M. Ross : Absolument. Nous pourrons certainement vous en faire part.
Le président : Si vous êtes prêt à le faire, nous aimerions que vous nous envoyiez un petit mémoire. Je sais que vous n'avez pas le personnel de soutien que nous avons ou qu'ont les autres organisations, mais si vous pouviez le faire après avoir parlé à votre peuple, cela nous aiderait beaucoup dans notre travail.
M. Ross : Oui, absolument.
Le sénateur Hubley : Monsieur Colomb, vous avez maintenant un mandat de quatre ans. Vous avez dit que vous aviez encore des conflits avec le ministère. Vous avez laissé entendre que les plans n'étaient pas mis en oeuvre de façon raisonnable, des plans qui ont été négociés, je suppose. Si j'ai bien compris, vous avez dit que cette durée de quatre ans a donné au ministère une raison de ne pas s'occuper immédiatement de la mise en oeuvre. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
M. Colomb : D'accord. En mars 1999, nous avons été reconnus comme une nouvelle Première nation. Nous devions terminer notre code électoral au plus tard en juin afin de pouvoir tenir une élection, étant donné que nous étions reconnus comme une nouvelle Première nation. Nous avions besoin d'un code électoral parce que nous ne voulions pas du mandat de deux ans.
Nous sommes une nouvelle Première nation. Il serait peut-être bon que je vous fasse un petit historique. En 1972, le chef et le conseil ont adopté une résolution demandant le statut de Première nation. Nous voulions protéger nos terres parce que les compagnies minières allaient venir les détruire. Il fallait que nous fassions quelque chose pour protéger ces terres. Il fallait que nous devenions une nouvelle Première nation afin de pouvoir nous défendre nous-mêmes.
Pendant environ 10 ans, nous avons vécu dans un village de tentes en bordure de Lynn Lake. Nous vivions dans des tentes de plastique. Nous étions censés rentrer chez nous, mais nous avons décidé de ne pas le faire. Nos enfants sont allés au pensionnat et ils rentraient au village de tentes à Noël.
Tels sont les choix que nous avons faits à ce moment-là. J'ai toujours été reconnaissant à ceux qui nous ont ouvert la voie et qui ont réussi à faire ce qu'ils ont fait et consenti des sacrifices pour que cela devienne une réalité.
Maintenant, en 1999, ce rêve est devenu réalité. Ce rêve que nous avions depuis si longtemps s'est réalisé.
Aux environs de 1980, quand l'activité minière a diminué, nous avons été autorisés à déménager dans la zone résidentielle de Lynn Lake. Deux semaines après, quelqu'un a frappé à la porte, les Services à l'enfant et à la famille sont venus nous dire que nous n'étions pas de bons parents et qu'ils devaient nous enlever nos enfants. Ils ont permis à nos enfants d'aller à l'école, mais ils ont dit qu'ils avaient le syndrome d'alcoolisme foetal afin d'obtenir plus d'argent pour que l'école puisse continuer à fonctionner.
Voilà ce qui s'est passé pendant que nous attendions d'être reconnus.
En 1999, nous avons été reconnus. Nous sommes encore en développement. Nous n'avons pas d'infrastructure et nous n'avons pas de logement.
Nous avons donc prévu de célébrer notre 10e anniversaire et d'inviter les gens du gouvernement pour voir où nous sommes. Toutefois, c'est difficile à cause de ce qui s'est passé. En tant que chef, je dois rendre des comptes à AINC sur toutes sortes de plans. Comment puis-je rendre des comptes à ma Première nation quand on me présente ce genre de choses?
Vous avez également soulevé la question du délai. J'avais la période de mars à juin pour établir un code électoral. AINC était seul à pouvoir le faire dans ce délai. Nous avons constaté que le code est plein de lacunes et qu'il ne peut pas nous servir. C'était bien pour le ministère, car maintenant, il n'a plus à s'occuper de nous.
M. Ross : Vous relevez toujours d'AINC.
M. Colomb : Je dois encore faire des rapports à AINC.
M. Ross : C'est au ministère que vous rendez des comptes plutôt qu'à votre propre peuple.
M. Colomb et sa communauté ont fait un long chemin. À partir d'un village de tentes, ils ont voulu créer un gouvernement pour défendre les intérêts de leur peuple afin qu'il puisse obtenir plus. Ils ont fait beaucoup de progrès par rapport à là où ils étaient, mais il leur reste encore un long chemin à parcourir. Ils n'ont pas d'infrastructure. Ils essaient d'installer l'eau et l'égout comme tout le monde. Quand vous comparez la situation de tous les autres gens avec la nôtre, c'est le jour et la nuit. Si nous essayons de nous rapprocher un tant soit peu, l'écart est énorme. Tout cela fait partie du même tableau, les codes électoraux, nos processus, nos gouvernements et la façon dont nous fonctionnons.
Le sénateur Hubley : Vous avez donc choisi un mandat de quatre ans plutôt que de deux ans et bien entendu, il y avait des raisons à cela. Savez-vous quelles étaient ces raisons à l'époque?
M. Colomb : Nous essayons de changer les systèmes.
Le sénateur Hubley : Oui, pour travailler avec les systèmes. Merci beaucoup.
M. Colomb : Un sénateur a demandé quelle était la réaction de la population. J'ai parlé de ce processus à certains de nos membres. Quand j'en ai parlé à un des aînés, il m'a demandé de vous transmettre un message. Il a dit que depuis très longtemps, on a tassé les Autochtones dans un coin en s'attendant à ce qu'ils y vivent tranquilles sans avoir accès à quoi que ce soit d'autre, même si on raconte que le Canada est le pays le plus riche au monde. Il faut se demander qui est saint d'esprit et qui ne l'est pas, a-t-il dit. Pour le moment, la seule chose qui nous empêche de perdre la tête, c'est l'alcool. Autrement, nous serions tous fous. C'est son point de vue.
Le seul avantage que l'alcool apporte aux Premières nations c'est qu'elles ne deviennent pas des terroristes. C'est l'alcool qui empêche les gens de devenir beaucoup plus que ce qu'ils sont aujourd'hui. Il faut que cela change.
Nous sommes le premier peuple de ce pays. Des recherches ont été faites pendant des centaines d'années sans qu'on puisse trouver d'où nous sommes venus. On gaspille donc de l'argent pour chercher à savoir d'où sont venus les peuples autochtones. Pourquoi ne pas simplement commencer à travailler avec les peuples autochtones et accepter que nous sommes le premier peuple de ce pays?
Le sénateur Hubley : Une bonne gouvernance et un bon leadership : est-ce que ce sera important pour résoudre les autres problèmes auxquels vous êtres confrontés?
M. Colomb : Mon expérience avec mes enfants est la suivante : à cause du besoin de développement économique, je dois nourrir les autres gens et laisser mes enfants mourir de faim. C'est un fait. Je dois garder une école ouverte pour obtenir des fonds spéciaux afin que je puisse nourrir les autres familles pendant que je laisse la mienne mourir de faim. Nous n'avons pas accès aux possibilités qui existent. Dans des communautés comme Lynn Lake, il y a des policiers pour protéger les autres pendant que mes enfants vont au centre correctionnel pour les jeunes. Il y a des programmes et des services, mais quand mon enfant fait des bêtises, on le place dans le centre pour les jeunes sans qu'il puisse bénéficier de tous ces programmes et services.
Ensuite, quand ces enfants reviennent, ces mêmes personnes se plaignent de ce qui se passe dans la communauté. Pourquoi n'éduque-t-on pas les jeunes et ne leur permet-on pas d'utiliser tous les programmes et services qui sont là?
M. Ross : Je voudrais dire quelque chose à ce sujet. Pour le moment, étant donné la façon dont la gouvernance des Premières nations est établie, nos jeunes ne veulent pas revenir. Il faut qu'ils reviennent et qu'ils soient mieux formés. Il faut qu'ils obtiennent des diplômes. Nos systèmes sont si médiocres et si politisés qu'ils ne leur donnent pas la chance de faire quoi que ce soit. Il faut donc faire quelque chose aussi sur ce plan-là, pour leur ouvrir la porte.
Le président : Chef Colomb, ce que vos aînés vous ont dit est vraiment très attristant.
Nous revenons constamment sur les mêmes questions. Cette audience porte sur les élections. On nous a dit que le problème dépasse la portée des élections et je pense que nous le savons.
Grand chef Ross, je pense que vous avez beaucoup de problèmes, ici, au Manitoba. Nous sommes au coeur du pays des Premières nations au Manitoba, qui est bordé par la Saskatchewan et le Nord-Est de l'Ontario, ce qui ne veut pas dire que cela ne concerne pas aussi l'Alberta et la Colombie-Britannique. Ma question est très générale. Pensez-vous que les peuples des Premières nations sont prêts à accepter que le gouvernement apporte des changements très importants pour résoudre ces problèmes?
Je me souviens qu'en 1985, quand j'étais député, le gouvernement en place avait offert aux chefs des Premières nations la possibilité de s'autogouverner. Ils l'ont rejetée. Je me souviens que le premier ministre m'en a parlé personnellement. Il m'a dit qu'il ne pouvait pas croire qu'ils l'aient rejetée.
M. Ross : Oui. Vous avez parfaitement raison. Je ne vois pas pourquoi et je ne comprends pas pourquoi à l'époque notre peuple a rejeté une proposition concernant les Premières nations, sauf si ce processus n'était pas sous le contrôle des Premières nations. Vous voyez ce que je veux dire? Sauf s'il y avait toutes sortes de règles et de lignes directrices qui nous liaient les mains.
Le président : Je crois qu'aucune règle ou ligne directrice n'avait été établie. Le gouvernement a seulement demandé, comme je peux vous le demander maintenant, grand chef Ross, si vous voudriez-vous l'autonomie gouvernementale pour votre peuple. Si c'est le cas, je suis prêt à travailler avec vous. Nous allons devoir mettre au point tout ce qui accompagnera ce processus. C'est ainsi, je crois que cette proposition a été faite, mais elle a été rejetée.
M. Ross : Si cela était offert maintenant, je m'empresserais de l'accepter. Je serais prêt à décrocher la lune pour l'obtenir et faire les choses comme il faut. J'accepterais votre aide et tout ce que vous pourriez me donner. Je me dirais que vous me donnez de l'aide, des responsabilités et la possibilité de faire les choses comme nous le voulons, en les planifiant avec notre peuple. Nous reviendrons vous voir dans trois, quatre ou cinq ans pour vous montrer à quel point nous sommes devenus un fardeau moins lourd pour le Canada, nous sommes productifs et nous apportons notre contribution à notre pays. Nous vous montrerions chaque année jusqu'où nous sommes arrivés.
La situation commence à s'améliorer sur le plan de la santé. Dans les communautés qui ont des centres de santé et leurs propres programmes de santé, les membres de la bande vont moins souvent à l'hôpital chaque année.
Vous commettez des erreurs, mais elles vous permettent de grandir. Il faut résoudre le problème de la drogue et de l'alcool. Il faut prendre des décisions à ce sujet au lieu de dire : « Non, ce problème n'existe pas. Il ne se passe rien ici, tout va très bien ». Vous ne pouvez pas adopter cette attitude. Nous devons tous apporter les changements nécessaires et progresser.
Les changements font peur. Je pourrais aller offrir 300 emplois aux gens de ma réserve, mais les gens n'en voudraient pas. Les membres de notre bande se sont laissé convaincre qu'ils sont coincés dans la réserve. Je ne serais donc pas accueilli en héros. Ils ne sauraient pas quoi faire. Beaucoup de gens n'accepteraient pas ces emplois. Un grand nombre d'entre eux n'iraient pas travailler, certains travailleraient pendant une semaine, d'autres pendant deux semaines, mais ils ne travailleraient pas suffisamment longtemps pour que cela ait vraiment un effet positif pour nous.
Nous devons nous-mêmes faire l'effort pour pouvoir progresser. Nous devons le faire.
Le sénateur Lang : Je voudrais seulement poser une question au grand chef Ross, je pense.
Vous avez parlé de votre code coutumier et du fait que vous avez actuellement un mandat de deux ans. Allez-vous recommander, avec l'accord de votre Première nation, que la durée de ce mandat soit changée de deux ans à quatre ans?
M. Ross : Oui, certainement. Je pense que nous voulons tous un changement, mais que nos membres préfèrent trois ans. Vous savez, c'est vraiment difficile pour les chefs et les conseils. Ils ne vivent pas longtemps. Ils font des crises cardiaques et ont des problèmes de ce genre, car c'est vraiment difficile pour eux. Ils prennent soin de leur peuple et ils doivent être en première ligne. C'est encore une question de capacité et nous sommes vraiment faibles.
Nous voulons apporter des changements et nous voulons rester en poste un peu plus longtemps afin de pouvoir faire quelque chose. Deux ans, c'est trop court, mais nous voulons prendre cette décision nous-mêmes. Nous voulons trouver une bonne formule et la suivre.
Le sénateur Lang : Vous avez dit que vous avez révisé votre code électoral?
M. Colomb : Oui.
Le sénateur Lang : Ou votre code coutumier, désolé. Allez-vous maintenir la durée du mandat à quatre ans?
M. Colomb : Oui.
Le président : Chers collègues, nous n'avons pas d'autres questions pour le moment.
J'espère que lorsque vous aurez consulté votre peuple, vous nous ferez part de sa réaction, grand chef.
M. Ross : Certainement.
Le président : Nous vous remercions d'être venus prendre la parole ici, ce matin.
Avez-vous quelque chose à ajouter? Ça va?
M. Colomb : Ça va. Très rapidement, à cause de certaines choses qui ont eu lieu par le passé, quand on nous dit qu'il y a une possibilité, nous avons certains doutes. Quand ces possibilités se présentent, nous nous demandons qui va en bénéficier. Qui en profitera? Je peux certainement comprendre que nous essayons d'établir des liens et d'établir de bonnes relations de travail. Toutefois, le passé va toujours nous hanter. La communication et la compréhension sont nécessaires pour pouvoir établir ces relations de travail.
Le président : Il ne fait aucun doute que si l'autonomie gouvernementale vous est proposée, le gouvernement conservera quand même une responsabilité de fiduciaire.
Je pense qu'il y a de la crainte et de la méfiance, comme vous le dites, à cause du passé. Cela fait des années que je siège à ce comité et je suis maintenant à Ottawa depuis 25 ans, un quart de siècle. Je constate des changements, mais je ne suis pas assez brave pour dire à quel point ce changement serait souhaitable. Le ministre Ron Irwin a cru, par le passé, je crois, que le moment était venu d'abolir la Loi sur les Indiens. J'ai travaillé avec le ministre Jim Prentice, qui était également très dévoué.
Je pense que ce jour viendra, mais nous ne pouvons pas nous attendre à ce que nos peuples des Premières nations nous fassent confiance implicitement, en tant que gouvernement ou en tant que peuple. Nous devons vous donner, à vous les chefs, quelque chose que vous pourrez présenter à votre peuple, parce que nous avons créé une société de dépendance. Si nous ne montrons pas clairement le chemin qui vous permettra de sortir de cette dépendance, je ne pense pas que nous n'obtiendrons jamais l'appui des peuples des Premières nations, même si nous pouvons gagner la confiance de leurs chefs. Ce que nous faisons ici représente des petits pas en avant. J'espère qu'un jour, prochainement, nous ferons un grand pas. Selon moi, ce grand pas serait d'abolir la Loi sur les Indiens et de placer nos peuples des Premières nations sur un pied d'égalité avec le reste du pays.
Cela dit, je tiens à vous remercier.
Malheureusement, chers collègues, le conseil tribal de Keewatin, qui devait être le prochain groupe de témoins, a eu des difficultés et ne pourra pas venir. Il vient de nous envoyer une note disant qu'il nous fera parvenir un mémoire écrit.
Les sénateurs ont-ils d'autres observations à formuler? S'il n'y en a pas, nous allons lever la séance.
Le président : Sénateurs, le prochain témoin est un représentant du conseil tribal d'Interlake Reserves, le chef Emery Stagg. Chef Stagg, pourriez-vous nous faire un exposé de 5 ou 10 minutes, après quoi nous aimerions vous poser quelques questions? Cela vous convient-il?
Chef Emery Stagg, conseil tribal d'Interlake Reserves : Sénateurs, le conseil tribal d'Interlake Reserves est composé de sept bandes et la majorité des membres du conseil tribal sont satisfaits d'un mandat de deux ans. La plupart d'entre eux tiennent des élections aux termes de la Loi sur les Indiens. Ma Première nation suit un processus électoral coutumier depuis le début. Nous n'avons jamais tenu d'élections en vertu de la Loi sur les Indiens dans ma communauté.
Dans notre région, il semble que le processus électoral nous pose beaucoup de problèmes, mais les autres chefs du conseil tribal sont très satisfaits du mandat de deux ans.
En ce qui concerne la tenue d'élections à date fixe, nous ne sommes pas pour. Je ne vois pas l'intérêt de tenir une journée d'élection au milieu d'un exercice financier. Si vous avez des élections à n'importe quel moment de l'année, vous pouvez toujours blâmer celui qui vous a précédé. Dans la plupart des cas, c'est ce qui se passe. Cela crée beaucoup de division dans les communautés.
Si j'ai bien compris la proposition pour le Manitoba, les élections auraient lieu le même jour, à la fin de l'exercice financier et les mandats commenceraient au début de l'exercice. Ainsi, les dirigeants pourraient présenter le bilan de leur administration, car il est essentiel de choisir des chefs qui ont obtenu de bons résultats.
Ma petite communauté est devenue une Première nation distincte en 1978. Depuis le premier jour, nous avons adopté le code coutumier qui nous permet d'établir nos propres règles et d'administrer nous-mêmes nos élections. Nous avons également décidé, bien avant Corbière, que tout membre de notre Première nation pourrait voter, quel que soit son lieu de résidence. Nous sommes allés plus loin en offrant maintenant un vote urbain à ceux qui vivent en dehors de la réserve. Vous avez deux jours pour voter, une journée dans les régions urbaines comme Winnipeg et une journée dans la réserve. Cela donne à nos membres deux jours pour voter en personne.
Nous ne croyons pas au vote postal, car cela cause beaucoup de frictions. Nous estimons que le vote postal devrait être offert uniquement à ceux qui ne résident pas au Manitoba. Si vous résidez en dehors de la province, disons en Colombie-Britannique, vous pourrez alors voter par la poste.
Nous estimons qu'il faudrait un mécanisme de destitution, un recours dans le cadre du processus de réélection.
Nous croyons aussi que des fonds devraient être disponibles pour permettre aux gens qui résident hors réserve de voter. Certains s'imaginent à tort que depuis l'arrêt Corbière, si vous pouvez voter pour les dirigeants de votre Première nation aussi bien dans la communauté que hors réserve, vous avez droit à tous les avantages associés à la résidence dans la réserve. Chaque fois qu'un membre de la bande vote pour ses dirigeants, il se dit que c'est également son argent. Il faut toutefois faire la distinction entre ceux qui vivent dans la réserve et hors réserve. Le jugement Corbière divise les membres.
Le conseil tribal est satisfait d'un mandat de deux ans. Si vous avez des questions, je suis prêt à y répondre.
Le président : Vous avez insisté sur le fait que les élections devraient avoir lieu à la fin de l'exercice. Je pense que cette idée a déjà été avancée au cours de ces audiences.
Le sénateur Peterson : Vous dites que vous préférez des mandats de deux ans. Est-il souvent arrivé qu'il y ait une destitution ou des élections contestées?
M. Stagg : Oui.
Le sénateur Peterson : Si cela arrive constamment, avez-vous le temps de gouverner si votre élection est contestée? Au cours d'une période de deux ans, comment pouvez-vous gouverner si vos décisions sont constamment contestées?
M. Stagg : Personnellement, je n'ai pas eu à le subir. De nombreuses questions de reddition de comptes sont soulevées. Vous essayez de les résoudre de votre mieux. Dans certains cas, il y a deux ou trois élections dans la communauté. Comme je l'ai dit, c'est parce qu'on n'a pas redéfini l'appartenance, qui vit dans la réserve et hors réserve, car tous ceux qui votent supposent que la Première nation doit prendre soin d'eux. Toutefois, le financement n'est pas le même pour ceux qui vivent dans la réserve et hors réserve.
Le sénateur Peterson : Oui. Je me demandais s'ils avaient peur de dépasser deux ans à cause des problèmes qui ont eu lieu par le passé. Si cela pouvait être bien organisé, avec un agent d'élections et des élections qui se déroulent dans les règles, les gens pourraient avoir suffisamment confiance pour accepter un mandat plus long. Il serait toujours possible de contester les résultats en cas de fraude. Pensez-vous que cela serait possible?
M. Stagg : Personnellement, j'estime que si vous avez eu de mauvais résultats et que vous essayez de gérer la bande les six mois suivants, vous allez échouer.
Si vous avez commencé au début de l'exercice, les résultats de l'année seront les vôtres. Au bout de six mois ou un an, vous pourrez présenter votre bilan et demander aux gens s'ils sont satisfaits. S'ils ne le sont pas, la communauté devra décider si vous devez continuer ou non. Toutefois, de nombreux problèmes sont dus au fait que les élections ont lieu à n'importe quel moment de l'année. Elles pourraient avoir lieu le 10e mois de l'année.
Le sénateur Peterson : Les membres de la bande ont-ils voté sur cette question et ont-ils dit qu'ils voulaient deux ans ou est-ce que ce sont les dirigeants qui pensent que c'est ce qu'ils veulent?
M. Stagg : Ce sont les dirigeants.
Le sénateur Peterson : Les membres n'ont pas manifesté en disant qu'ils voulaient deux ans?
M. Stagg : C'est exact.
Le sénateur Peterson : Très bien.
M. Stagg : Pour le moment, je pense que la plupart des communautés de la région d'Interlake sont d'accord pour deux ans. Un mandat de trois ou quatre ans représenterait pour eux un gros changement.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Ma question portait également sur le mandat de quatre ans. Combien êtes-vous dans votre conseil tribal?
M. Stagg : Sept.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez donc environ 700 personnes dans votre communauté?
M. Stagg : Sept cents? Non, nous en avons environ 8 000.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez déjà répondu quant à savoir ce que les membres de la communauté pensent de ce mandat de deux ans. Cela m'intrigue. Je crois que vous êtes à peu près la seule bande qui croit que deux ans suffisent pour s'acquitter des responsabilités que le chef et le conseil ont vis-à-vis de leur peuple. Je voudrais donc savoir pourquoi vous pensez que c'est suffisant.
M. Stagg : Si vous avez des problèmes pendant trois ou quatre ans, la situation sera invivable. Vous voyez ce que je veux dire?
Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui.
M. Stagg : S'il s'agit de quatre années de progrès, vous pouvez continuer. Voilà pourquoi je dis que cela devrait se fonder sur vos résultats et la façon dont vous administrez votre Première nation.
Le sénateur Dyck : Je vous remercie, chef Stagg. Il semble que dans votre Première nation, vous ayez ce qu'on pourrait appeler un système électoral coutumier. Vous avez dit que vous n'avez jamais eu, dans votre réserve, un code électoral qui faisait partie de la Loi sur les Indiens?
M. Stagg : C'est exact.
Le sénateur Dyck : En quoi votre code est-il différent? Y a-t-il des différences importantes? Fonctionne-t-il bien, selon vous? Bien entendu, il doit fonctionner mieux étant donné que vous l'avez gardé.
M. Stagg : Les gens l'ont adopté. À une certaine époque, nous faisions partie de la Première nation Little Saskatchewan, qui est située à 60 milles de distance. Quand nous nous sommes séparés de cette Première nation en 1978, on nous a donné le choix entre les deux systèmes. AINC a fait deux exposés, un sur les élections selon la Loi sur les Indiens et l'autre sur les élections coutumières des bandes. À l'époque, comme nous faisions partie d'une autre Première nation, il était facile de convoquer 25 personnes pour une réunion. La première liste électorale comptait 25 noms. Par conséquent, le chef a gagné avec 13 voix et l'autre candidat a obtenu 12 voix.
C'est aux gens de décider comment voter dans leur communauté. Telle était notre conviction quand nous avons établi nos élections. Nous étions tous d'accord pour que nous puissions tous voter quel que soit notre lieu de résidence. Nous avons accepté cette règle et elle reste en vigueur. Quand il a été question du vote postal, nous avons dit non. Nous accorderons deux jours pour voter, une journée pour voter en ville et une journée pour voter dans la réserve. C'est tout. C'est toujours aux gens de décider.
Le sénateur Lang : Il y a deux choses que je ne comprends pas très bien. Le sénateur Lovelace Nicholas a demandé, je crois, combien de gens font partie de votre Première nation et vous avez répondu 7 000. Combien de membres compte votre Première nation? Il y a sept réserves, n'est-ce pas?
M. Stagg : Oui, sept réserves.
Le sénateur Lang : Combien d'habitants y a-t-il dans votre réserve?
M. Stagg : Il y en a 260 dans ma réserve.
Le sénateur Lang : Et dans les sept réserves?
M. Stagg : Il y a environ 6 000 à 7 000 personnes.
Le sénateur Lang : Quelle est la proportion de gens qui vivent dans la réserve et hors réserve?
M. Stagg : Je dirais que c'est 50-50.
Le sénateur Lang : Je voudrais revenir sur la question de la longévité, du mandat de deux ans, par opposition au mandat de quatre ans. Certaines des six autres Premières nations ont-elles des mandats de quatre ans ou ont-elles toutes des mandats de deux ans?
M. Stagg : Toutes ont des mandats de deux ans. C'est le cas depuis un certain nombre d'années, depuis que je suis chef.
Le sénateur Hubley : J'ai une brève question concernant la participation aux élections. Quel est à peu près le pourcentage des gens qui votent?
M. Stagg : Dans ma communauté, il est de 100 p. 100.
Le sénateur Hubley : Et hors réserve, quel serait le pourcentage?
M. Stagg : Non, c'est 100 p. 100 pour l'ensemble de la communauté.
Le sénateur Hubley : C'est à la fois pour les membres qui vivent dans la réserve et ceux qui vivent hors réserve?
M. Stagg : Pour les deux. Il y a 10 ans, la participation n'était pas aussi importante, mais depuis cinq ans, de plus en plus de gens votent, car il y a d'autres possibilités de vote telles que le vote postal. Cela pose un problème, mais c'est une autre question.
Le sénateur Hubley : Par conséquent, vous n'avez pas de vote postal. Si un de vos membres vit en dehors de la province, il ne peut pas voter, n'est-ce pas?
M. Stagg : Dans ce cas, j'autoriserai le vote postal.
Le sénateur Hubley : Ce serait possible?
M. Stagg : Oui, si vous vous trouvez dans une autre province, mais pas au Manitoba, car avez la possibilité de voter à deux endroits, soit en ville soit dans votre Première nation.
Le sénateur Hubley : L'âge du vote est de 18 ou 19 ans?
M. Stagg : Dix-huit ans.
Le président : Merci, sénateurs. Merci, chef Stagg, pour votre témoignage. Vous nous avez fait clairement comprendre, je crois, que le mandat de deux ans ne vous pose pas de problème.
Nous recevrons avec plaisir tout renseignement complémentaire que vous voudriez nous envoyer. Si vos membres désirent dire quelque chose à ce sujet, n'hésitez pas. Nous allons vous indiquer comment contacter le comité et cela fera également partie du compte rendu.
M. Stagg : Certainement. Merci.
(La séance est levée.)