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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 8 - Témoignages du 26 mai 2009 - Réunion de l'après-midi


WINNIPEG, le mardi 26 mai 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 13 h 27 pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique. En ma qualité de président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, je suis très heureux de vous souhaiter à tous la bienvenue ici aujourd'hui.

Permettez-moi de vous présenter les membres du comité qui sont ici présents. Je vais commencer à ma gauche avec le vice-président, le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest. Assise à côté du sénateur Sibbeston est le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai à ma droite le sénateur Lillian Dyck, de la Saskatchewan. Assis à côté du sénateur Dyck est le sénateur Robert Peterson, de la Saskatchewan. Assise à côté du sénateur Peterson est le sénateur Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

Honorables sénateurs, anciens, invités, mesdames et messieurs les membres de l'auditoire, le mandat du comité est d'examiner la loi et les questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Le 1er avril de cette année, le comité a décidé d'entreprendre une étude pour examiner les questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens. Le comité se penche notamment sur des préoccupations qui demeurent relativement au mandat de deux ans pour les chefs et membres de conseil, tel qu'il est prévu dans la Loi sur les Indiens.

Le comité sénatorial est ici au Manitoba pour entendre les vues des dirigeants et des membres de Premières nations relativement aux changements, s'il en est, devant être apportés dans ce contexte pour renforcer la gouvernance pour les Premières nations et la reddition de comptes politique.

Notre rôle en tant que comité sénatorial est de consulter et d'écouter les citoyens des Premières nations et de travailler ensemble pour trouver des moyens meilleurs pour aider les collectivités des Premières nations à établir une meilleure relation de gouvernance pour les citoyens et leur gouvernement.

Nous accueillons devant nous aujourd'hui le chef Terrance Nelson, nouvellement réélu. Il comparaît à nouveau devant nous, cette fois-ci en sa qualité de représentant de sa propre collectivité, la Première nation Roseau River Anishinabe.

Vous vous souviendrez qu'il a été des nôtres hier en tant que représentant des Premières nations du Traité 1.

Chef Nelson, je devine que vous souhaitez aujourd'hui nous entretenir plus précisément de Roseau River et de la situation là-bas.

Terrance Nelson, chef, Première nation Roseau River Anishinabe : Bonjour tout le monde. Merci du temps que vous m'avez accordé hier, et du temps que vous me donnez de nouveau aujourd'hui pour vous parler plus précisément de Roseau River dans le contexte des élections là-bas et de leur incidence sur Roseau River.

Je m'excuse de ne pas avoir de texte écrit pour ma comparution cet après-midi. J'ai passé pas mal de temps après les élections de vendredi à rédiger le texte de la déclaration que je vous ai livrée hier au sujet du Traité 1.

Je pense avoir déjà comparu devant le comité sénatorial permanent avant la séance d'hier. Il me semble que la dernière fois que j'ai été invité à venir comparaître devant le comité remonte à novembre 2006, il y a de cela environ deux années et demie, et la question à l'étude à l'époque était celle des revendications particulières. Je ne sais plus qui siégeait au comité à ce moment-là.

La réalité de la situation qui vous a été exposée il y a deux ans et demi, les effets et la combinaison des différents éléments dont je vous ai alors parlé au sujet de l'aspect économique du règlement de revendication territoriale, des revendications territoriales particulières et les conséquences pour nos collectivités, ont fait partie de l'exposé que je vous ai fait hier relativement à la situation économique dans notre collectivité — le fait que nous connaissions un taux de chômage de 77 p. 100.

L'effet en ce qui concerne notre collectivité n'est pas tant une question de gouvernance. Le gouvernement de notre collectivité a en vérité été très stable depuis 2003. Vendredi a été ma cinquième élection dans une période d'un peu plus de quatre ans. J'ai participé à des élections quatre fois en quatre ans. C'était censé être ma quatrième élection le 2 mars 2009, et nous avons été réélus le 2 mars.

Cependant, l'une des choses qui sont arrivées à Roseau River est que, en 1991, notre collectivité a vécu un processus par lequel nous avons essayé de nous retrancher du régime de la Loi sur les Indiens. Cela est venu après de nombreuses années de fonctionnement conformément à l'article 74 de la Loi sur les Indiens, prévoyant des mandats de deux ans. Ce que nous avons constaté, bien sûr, avec le régime découlant de l'article 74 de la Loi sur les Indiens, est que la communauté élisait un conseil au moyen d'élections démocratiques. Cependant, nous élisions essentiellement des dictatures élues, au sien desquelles étaient concentrés tous les pouvoirs dans la collectivité. Il n'y avait pas de mécanisme de freins et contrepoids; il n'y avait aucun moyen pour la communauté de destituer un chef ou un membre du conseil de bande. Pour quelque raison, il n'y avait strictement rien. Le seul pouvoir de destitution d'un chef et d'un conseil ou d'un membre de conseil appartenait au ministre des Affaires indiennes.

Du côté du régime coutumier prévu dans la Loi sur les Indiens, et en vertu duquel la Première nation pouvait en fait établir sa propre loi électorale, utilisant un système coutumier, nous avons examiné notre histoire culturelle, l'histoire de notre réserve et notre façon d'envisager les élections et leur déroulement.

Comme je l'ai dit hier, les chefs n'étaient pas puissants dans les réserves traditionnelles ojibway. Il ne s'agissait pas de postes de pouvoir, mais plutôt de postes de service. En gros, si vous étiez le chef, vous étiez la personne la plus pauvre de la communauté. Il vous fallait tout donner.

En vertu de la Loi sur les Indiens dans le cadre du système de colonisation britannique, les dirigeants au sein de chaque communauté se sont vus accorder un statut supérieur du fait d'être les seuls avec lesquels le gouvernement allait traiter. Tous les autres membres des communautés étaient essentiellement des non-entités. Personne ne pouvait s'adresser au gouvernement, ni lui demander quoi que ce soit. Personne ne pouvait jamais approcher le gouvernement.

Ce régime est donc demeuré en place pendant de nombreuses années. La Loi sur les Indiens ne concernait pas des droits; son objet était de veiller à ce que le gouvernement contrôle les Premières nations. Le régime électoral était simplement un élément du régime de la Loi sur les Indiens contrôlant les Premières nations.

Nous avons essayé de nous soustraire à l'application de cet article. En 1991, nous avons adopté notre propre constitution et notre propre loi électorale. D'ailleurs, plusieurs chefs ont été destitués en vertu du régime coutumier. Lawrence Henry a été destitué par le conseil coutumier. Ed Hayden, lorsqu'il était chef, a lui aussi été destitué par le conseil coutumier. D'énormes pressions ont été exercées sur différents chefs et conseils depuis 1991, à telle enseigne que cela est devenu un véritable problème et nous nous sommes retrouvés avec un conseil coutumier. Nous avons instauré un conseil coutumier en 1991. Celui-ci était censé être notre mécanisme régulateur. Il était en fait censé jouer le rôle de nos sénateurs, et je dis cela un petit peu à la blague, servir de régulateur face aux représentants élus, pour remettre en question certaines des décisions du chef et des conseils et pouvoir aller les voir et leur demander : Qu'est-vous en train de faire? Agissez-vous dans l'intérêt de la collectivité?

La situation est très difficile dans une collectivité affichant un taux de chômage de 77 p. 100 et comptant plus de 400 chômeurs et un grand nombre d'assistés sociaux. Ces personnes n'ont d'autre revenu que celui que leur verse le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il s'agit d'un régime dans le cadre duquel le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien contrôle une grosse partie de l'économie de la collectivité.

C'est ainsi que nous nous retrouvons, en tant que chefs et conseillers, dans une situation dans laquelle nous ne sommes pas redevables à la population elle-même mais plutôt au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et à la source de financement, et responsables de veiller à ce que le financement nous parvienne. En bout de ligne, nous nous consacrons davantage à la production de rapports qu'à quoi que ce soit d'autre. La formule à la mode dans l'économie canadienne, le régime canadien et les médias est la reddition de comptes des chefs et des conseils.

Si vous devenez chef ou conseiller, vous contrôlez qui obtient une maison, qui n'en obtient pas, qui touche l'assistance sociale, qui ne touche pas l'assistance sociale, qui peut poursuivre des études postsecondaires, qui ne peut pas poursuivre d'études postsecondaires. En tant qu'administrateur du financement du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, vous contrôlez beaucoup de ce qui se passe dans la collectivité.

Ce que nous avons donc voulu faire dans notre collectivité a été d'essayer d'équilibrer un petit peu les choses, d'équilibrer les pouvoirs de ce chef et du conseil. Comme c'est le cas de toute bonne intention, celle-ci peut être corrompue. C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés avec un conseil coutumier ou un groupe qui était non élu, et qui permettait en définitive aux représentants de la famille de convoquer une réunion à tout moment, comme cela leur chantait. Étant donné que le conseil coutumier n'était pas financé, il n'y avait aucun budget pour lui, aucun fonds pour lui, et c'est ainsi qu'il s'est retrouvé en suspens. Puis, tout d'un coup, une poignée de membres de la collectivité se sont formés en conseil coutumier et ont pris en main ce pouvoir de destitution des chefs et des conseillers.

C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés avec un régime de représentants non élus, constitués en conseil coutumier, habilité à destituer chefs et conseillers.

Comme je l'ai dit hier, si vous êtes chef ou membre du conseil, vous avez un revenu garanti. Vous êtes élu. Comment peut-on vous destituer? Comment pouvez-vous être responsable devant les vôtres?

Voilà donc quelle est la situation en ce qui concerne les élections. Il existe des régimes qui sont pires encore dans la province du Manitoba. En 1999, un certain nombre d'aînés sont venus me voir. Nous organisions des cérémonies ici à Winnipeg, au Centre d'amitié. Il y avait là des aînés d'une autre collectivité. Il y avait une dame âgée de plus de 70 ans. Il y a environ neuf ans et demi ou 10 ans, ils sont venus nous voir, nous ont offert du tabac et nous ont demandé si nous ne pourrions pas les aider. Ils vivaient en régime coutumier. La collectivité était celle de Buffalo Point. Il s'agit d'une collectivité ojibway, comme c'est le cas de la nôtre. Ce sont nos voisins; ce sont pratiquement des parents.

Ils se sont retrouvés avec un chef à vie. La façon dont ce système a été mis en place est controversée. Quoi qu'il en soit, ce chef à vie reçoit en gros tout l'argent du gouvernement du Canada, ne peut pas être destitué et n'a pas à être confirmé par voie d'élections.

La dame qui était venue nous voir est aujourd'hui âgée de plus de 80 ans, et elle n'a jamais voté. Florence Kakaygeesick est donc venue se présenter à nous, nous a offert du tabac et nous a demandé « Pouvez-vous nous aider »?

Nous avons fait rédiger une RCB, résolution du conseil de bande, par les deux membres du conseil. Il y avait là trois membres : deux conseillers et un chef. Ils étaient censément en poste à vie, mais le chef était le seul habilité à renvoyer les membres du conseil. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien admettait cela.

Les deux conseillers ont donc rédigé une résolution du conseil de bande, l'ont envoyée au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et ont demandé la tenue d'élections. Demande refusée.

Un quorum du chef et du conseil a demandé la tenue d'élections. Demande refusée. Voilà pourquoi cette collectivité ne tient toujours pas d'élections.

D'un autre côté, un groupe Dakota Tipi a en fait obtenu que le gouvernement fédéral tienne des élections, des membres de la tribu ayant organisé des contestations. Eux aussi avaient un système du genre chef à vie, ou presque.

Cela dépend malheureusement largement de ce que le gouvernement vous aime ou non. C'est là la réalité; c'est la vérité. Si le gouvernement vous aime, il vous appuiera.

Buffalo Point possède des chalets qui sont loués à des non-Autochtones pour d'assez coquettes sommes. Les seuls qui contrôlent l'argent sont le chef et le conseil. Il n'y a aucun système électoral. Le gouvernement appuie cela, envoie de l'argent à la Première nation. Il n'y a aucune reddition de comptes au moyen d'élections. Il s'agit d'un régime de chef à vie.

Ce sont donc tous ces aspects que Roseau River a examinés. Nous voulons un régime coutumier, mais équilibré, avec un équilibrage des pouvoirs du chef et du conseil, au lieu d'avoir un régime en vertu de l'article 74 sous lequel le seul ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien aurait droit de regard sur notre chef et notre conseil. C'est là le système britannique de colonisation. C'est un système qui a permis à la Grande-Bretagne de contrôler les collectivités. Vous n'avez pas à traiter avec 1 200 personnes, mais seulement avec cinq. Nous recevons 6,4 millions de dollars en moyenne du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Vu la façon dont est traité Roseau River, nous recevons beaucoup moins d'argent. La raison pour laquelle nous touchons moins d'argent, en moyenne, est que 803 millions de dollars sont versés à la région du Manitoba, dans la province du Manitoba, par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Si vous divisez cela à égalité entre les 127 000 Indiens visés par des traités membres de Premières nations de la province du Manitoba, Roseau River obtient sans doute environ 27 p. 100 du financement moyen.

Pour ce qui est de l'éducation, permettez que je vous donne un exemple pour vous expliquer ce que cela signifie. Pour ce qui est de l'éducation, Roseau River touche 4 140 $ par étudiant. Ce sont là nos frais d'inscription par étudiant pour l'école Ginew. La province du Manitoba, par le biais de la Division scolaire Frontier, administre plusieurs écoles au Manitoba et touche 15 000 $ par étudiant en provenance de la même source, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Nous avons contesté le ministère là-dessus lui disant : « Comment pouvez-vous faire cela compte tenu de votre responsabilité ou de votre devoir d'équité envers les Premières nations? Si, d'un côté, la commission scolaire non autochtone, celle des Blancs, peut obtenir 15 000 $ sans problème du ministère des Affaires indiennes, il établit une facture et touche les 15 000 $. Quant aux Premières nations, nous touchons 4 140 $ pour nos enfants.

Je pense qu'il est question dans le journal d'aujourd'hui de l'injustice à l'égard de nos écoles et ainsi de suite. Je me rends bien compte que ces décisions ne sont pas prises par les sénateurs; cependant, vu l'influence que vous pouvez exercer sur les gens, j'ose espérer que vous défendrez la cause de certaines de ces personnes. J'ai en tout cas pour ma part fait mon maximum pour les gens de Buffalo et autres. J'ai certainement contesté le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien au sujet de nombre de ces lacunes et de ce manque d'imputabilité quant à ce qui se passe au ministère et l'iniquité de tout cela. Mais en tant que chef, je suis sans doute considéré comme étant l'élément le plus extrémiste.

Le président : Je ne sais pas pourquoi vous dites cela.

M. Nelson : À cause des journées d'action nationale et de toutes les autres choses que j'ai faites — je suis allé en Irak, je suis allé à Washington au sujet du dossier du pétrole. Vous savez, j'ai participé à beaucoup de choses, des barrages routiers, des manifestations, et tout le reste.

Alors que va-t-il se passer maintenant? Lors des dernières élections, tenues le 2 mars, un petit groupe non élu a dit avoir tenu des élections distinctes. Les membres de la collectivité ont dit très clairement qu'ils tenaient à ce que tous les noms figurent sur le même bulletin de vote. Nous avons tenu des élections générales et nous avons été élus. Les mêmes chef et conseillers ont été élus quatre fois de rang.

Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, M. Strahl, a dit avoir su qu'il y avait eu deux élections. Je ne peux pas empêcher les gens d'envoyer des lettres au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. D'un côté, le ministère a systématiquement ignoré et refusé les droits des gens de Buffalo Point de tenir une élection, en dépit d'une résolution du conseil de bande émanant d'un quorum du conseil qui demandait la tenue d'élections. De l'autre côté, il y a Roseau River et les collectivités qualifiées de fomenteurs ou autres, et je suis certain qu'il y a d'autres termes, d'autres adjectifs qui sont utilisés dans certains cercles pour me désigner. La réalité est que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien nous a écrit une lettre le 25 mars 2009 se lisant comme suit :

Cher M. Nelson : Ceci fait réponse à votre lettre du 25 février 2009 concernant l'élection de 2009 de la Première nation Roseau River Anishinabe. Affaires indiennes et du Nord Canada a reçu des rapports de deux sources différentes, chacun indiquant que l'élection de la Première nation Roseau River Anishinabe avait été tenue le lundi 2 mars 2009. Le rapport indiquait par ailleurs que vous et M. Felix Antoine avez tous les deux été élus comme chefs avec deux groupes concurrentiels prétendant être le conseil élu de la Première nation. Étant donné ces rapports, Affaires indiennes et du Nord Canada n'est pas en mesure de tirer de conclusions quant à la validité et la légitimité de l'une ou l'autre élection, étant donné que la Première nation est gouvernée par la sélection de son leadership selon les coutumes de la bande. Le 6 mars 2009, des fonctionnaires du ministère ont assisté à une réunion communautaire au cours de laquelle ils ont été informés du fait que les membres de la Première nation étaient en train de prendre des mesures pour résoudre l'impasse actuelle. Il s'agit d'un développement encourageant et je compte que vous continuerez d'œuvrer en vue d'une résolution de la situation. Je vous remercie de me tenir informé. Sincèrement, Chuck Strahl.

Les résultats électoraux de vendredi cadrent donc assez bien avec ce qui a précédé. Il y a eu cinq élections, et j'ai été élu cinq fois de suite.

Je suppose donc que l'une des choses que nous sommes en train de dire est que la surveillance par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de 633 Premières nations éparpillées dans le pays ne peut pas continuer. Si vous voulez de la bonne gouvernance, eh bien, les représentants des Premières nations du Traité 1 vous ont dit hier que nous sommes prêts à lancer un projet pilote. Nous sommes prêts à envisager un régime dans le cadre duquel sept Premières nations voteraient le même jour, nommeraient leurs agents électoraux, et examineraient les systèmes de freins et contrepoids pour veiller à ce qu'il y ait reddition de comptes. Un ombudsman rendrait compte à la collectivité de la façon dont seraient dépensés les dollars reçus du gouvernement fédéral. Mais avec ce que fait à l'heure actuelle le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à Roseau River, il ne fait pas qu'examiner le financement gouvernemental, il exige que nous lui fassions rapport sur nos propres sources de revenu, et c'est ainsi que la Première nation doit maintenant faire rapport de tout au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, comme si ce dernier était le détenteur de cet argent.

Nos revenus en provenance de baux fonciers nous appartiennent. Nos revenus du jeu, que nous produisons nous- mêmes avec la province du Manitoba, nous appartiennent. Or, le ministère impose de s'y pencher. Quant au remboursement de la taxe sur les produits du tabac que nous recevons en partenariat avec la province, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien veut savoir ce que nous touchons. Toute source de revenu que nous avons relativement à l'autoroute 6, les comptes de réserve urbaine et tout le reste, le ministère veut en connaître tout le détail.

La raison pour laquelle il agit ainsi est qu'il est en train de resserrer les choses. Pour chaque dollar que nous obtenons ou gagnons par nous-mêmes, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien veut maintenant réduire ce qu'il nous donne, nous verser moins. C'est ce qu'il essaie de faire avec OCN. C'est ce qu'il essaie de faire au Sud-Est, avec les casinos. Chaque fois que les Premières nations parviennent à avancer et à véritablement marquer des progrès, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien tente de réduire sa responsabilité à l'égard de la Première nation.

Ce que je vous ai donc dit en novembre 2006 est d'une importance primordiale pour ce que vous étudiez et examinez ici. Roseau River suit les règles. Nous avons négocié avec le gouvernement fédéral un règlement de 100 millions de dollars pour la session illégale de 1903.

Nous avons conclu une entente verbale avec Ryan Morand, le négociateur fédéral. Le 5 décembre 2006, nous en sommes arrivés à la conclusion que les négociations étaient terminées et que nous accepterions le règlement de 100 millions de dollars. Le négociateur fédéral a dit qu'il retournerait voir ses mandants et qu'il pousserait en ce sens. Nous allions quant à nous déposer l'offre à notre Première nation et essayer d'en obtenir l'acceptation en tant que règlement de la session de 1903.

En 1903, un membre de notre collectivité a été frappé par balle et est mort de ses blessures. Toutes les sections de terrain nous ont été retirées. Le gouvernement a dit en 1871, signez ce traité, autorisez à la Couronne l'immigration et l'accès à votre territoire traditionnel. La Couronne promet de protéger vos terres de réserve, même s'il lui faut user de la force. Nous convenons que vous vous verrez attribuer 160 acres par famille de cinq. Cent trente-huit ans après cette promesse de 1871, la Couronne n'a toujours pas exécuté sa promesse d'accorder 160 acres à chaque famille de cinq. Et vous nous demandez d'être patients? Voici que, 138 ans plus tard, nous sommes les éléments extrémistes, nous sommes les fauteurs de troubles, nous sommes ceux qui devons organiser une journée d'action nationale pour obtenir tout simplement que la Couronne achève ce qu'elle est légalement tenue de faire. La Couronne nous a promis 160 acres par famille de cinq en déclarant que nos réserves seraient à nous pour toujours. Toujours n'a pas duré très longtemps; 32 ans plus tard, on vient nous prendre 62, 60 p. 100, plus de 60 p. 100 de nos terres de réserve. La Couronne nous les prend, nous les prend de force. On tire sur un membre de notre tribu pour veiller à ce que celui-ci quitte la terre. On prend les terres les meilleures, les plus précieuses. On nous laisse les pires terres, des terres inondables.

Nous venons tout juste de survivre à encore une autre inondation. C'est en 1997 que l'on a vécu la pire inondation du siècle. Nous nous sommes retrouvés avec une récupération de 2,4 millions de dollars du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour nos logements. Les Blancs ont touché jusqu'à 500 000 $ par maison. Nous avons quant à nous obtenu bien moins que cela. Nous avons 170 maisons dans la plaine d'inondation. Nous avons des moisissures chez nous. Nous avons des enfants asthmatiques. Ils ont des aérosols-doseurs. Si n'importe qui d'autre vivait ce problème de santé, l'on déclarerait une urgence nationale. Les Premières nations vivent sans cesse ce genre de chose dans de nombreuses collectivités.

Ce dont nous discutons ici ce sont les ramifications financières de la situation. Si vous ne traitez pas des ramifications financières, si vous laissez simplement le comité parler de la gouvernance comme étant une question distincte, tout à fait isolément de l'aspect économique, vos travaux sont voués à l'échec.

Aucun régime, quel qu'il soit, est libre de dissension ou d'opposition. Lorsque je regarde le Parlement, je vois beaucoup de gens qui crient et s'injurient les uns les autres. Je vous dis donc ceci : quoi que vous proposiez, gardez à l'esprit que nous aussi nous sommes des humains. Ce que je veux dire par là est que nous allons nous disputer les uns les autres. Il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que nous soyons tous en permanence gentils les uns avec les autres du simple fait que nous ayons un seul et même système de gouvernement.

Je vous remercie de votre temps. Je vous demanderais, au nom des aînés qui m'ont donné du tabac en 1999, de voir si vous ne pourriez pas faire quelque chose pour leur droit de vote. Il y a ici des femmes, et l'on m'a hier interrogé au sujet de l'égalité entre les sexes. À Buffalo Point, j'ai des parents qui sont des femmes et qui n'ont jamais voté de leur vie. Comment cela se fait-il? Merci.

Le président : Chef, la première question que j'ai à vous poser — j'ai travaillé avec vous et avec d'autres membres du comité que vous connaissez — concerne le processus électoral, l'aspect gouvernance. Je sais qu'il y a un lien direct entre cela et la viabilité économique des collectivités. Je ne pense pas que cela nous échappe. Mais estimez-vous, du fait que nous étudiions cette question précise et que nous fassions des recommandations comme celles que nous avons faites relativement aux revendications particulières, que nous essayons de procéder de la même façon? Nous avons fait une étude sur le développement économique et — le vice-président, le sénateur Sibbeston, est ici, et c'est une bonne étude — elle aborde je pense concrètement les problèmes. Dans les recommandations qui ont été déposées, l'on a parlé d'un coup de main, pas la charité. Je pense que plus j'écoute les Premières nations partout au pays, plus j'entends dire que c'est ce que souhaite tout le monde — les gens veulent se sortir de cette toile paternaliste qui a été tissée par le MAINC, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Vous avez dit plus tôt que les Premières nations du Traité 1 seraient prêtes à œuvrer à nos côtés dans le cadre d'un projet pilote. Je trouve cela vraiment encourageant. Mais je ne voudrais pas vous induire en erreur, vous ou les membres des Premières nations, et que vous pensiez que nous puissions réellement trouver une solution économique. Jouissons-nous toujours de votre appui, en dépit du fait que nous sachions que certaines choses doivent être faites? Et ces revendications territoriales, comme la cession de 1903, les droits fonciers issus des traités et tous les autres aspects dans cette province devraient être traités plutôt plus tôt que plus tard. Pensez-vous que les Premières nations du Traité 1 seraient toujours prêtes à travailler avec nous sur cette seule initiative?

M. Nelson : Sur la question de la gouvernance, définitivement. J'estime que c'est une chose qui doit arriver. La collectivité de Roseau River et moi-même appuierions certainement cette initiative, et je poserais certainement la question à nos membres, qui sont à la recherche de reddition de comptes. La Première nation de Roseau River ne peut pas, seule, financer toutes les choses qu'il nous faudrait faire en vue de communiquer régulièrement des renseignements aux membres de la collectivité, leur fournissant par exemple plus qu'un rapport de vérification annuel. Il nous faut essentiellement un endroit où les gens puissent aller et dire : je veux savoir ce qui a été fait avec cet argent. Ils doivent pouvoir obtenir ces renseignements et des réponses.

Je ne peux bien sûr pas dire à tout le monde que je suis disponible. Je travaille 16 heures par jour, sept jours par semaine. Je ne peux pas dire aux gens que je vais avoir davantage de temps pour faire le tour de tout le monde, maison après maison. I nous faut donc un système d'ensemble qui dise, en gros, voici combien d'argent nous recevons du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et à quoi cet argent a servi. Il nous faut un système qui permette aux gens de poser des questions pour ensuite dire, oui, je suis confiant quant à l'exactitude des renseignements fournis.

À l'heure actuelle, ce qui se passe avec ma collectivité est que certaines personnes qui sont sans emploi sont bien sûr fâchées, ce qui se comprend, du fait de faire partie d'un système qui ne semble pas réagir à leurs besoins. Nous ne pouvons pas réagir à leurs besoins, car de combien d'argent disposons-nous? En moyenne, si vous prenez la totalité de l'argent versé présentement par le gouvernement et divisez ce montant par 2 200, soit le nombre de membres de la tribu, chaque membre de la communauté, chaque homme, femme ou enfant, recevrait environ 3 000 $ par an. Comment vivre là-dessus? Cela doit couvrir les études, les soins de santé et tout le reste.

Le président : Si vous permettez que je pose une question, êtes-vous en train de dire que lorsque nous ferons cette recommandation, en plus d'un directeur général des élections et possiblement d'un ombudsman, il devrait être prévu un processus comme celui du vérificateur général, de telle sorte que si les gens souhaitent obtenir des renseignements financiers, ceux-ci puissent leur être fournis grâce à ce processus?

M. Nelson : Personnellement, j'appuie cela. Et j'appuie certainement le droit des gens de savoir ce qui est fait de leur argent. Pendant mes six années comme chef, je n'ai pas une seule fois accordé des maisons ou dit qui allait toucher l'assistance sociale ou qui ne le pourrait pas. Ce sont là des questions administratives. Je pense qu'il est crucial que les chefs et les conseils ne soient pas responsables de certains de ces volets. Cela vaut pour ce qui se passe à l'interne, et il importe qu'il y ait un modèle de gouvernance qui rende compte de la manière dont l'argent est dépensé. Mais je ne m'attendrais certainement pas à ce qu'on dise que ce sera au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qu'il reviendra de surveiller tout cela. Si c'est cela que vous allez préconiser, alors ne comptez pas sur moi car, vu ce qui s'est passé au cours des 100 dernières années environ, si le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien était si doué que cela, nous ne serions pas dans le bourbier que nous connaissons aujourd'hui. Si nous allons créer quelque chose, alors créons quelque chose qui fonctionne véritablement.

Je crois que les conseils tribaux fonctionnent. Je pense que les Premières nations du Traité 1 seraient un modèle. Il faut en tout cas que ce soit une amélioration par rapport à ce que nous avons aujourd'hui.

Le président : Je pense que vous êtes en territoire ami pour ce qui est de la question de savoir qui devrait être responsable. Ce qui se passe sur le terrain est un cauchemar. Le système est administré par un ministère à partir d'Ottawa.

Le sénateur Dyck : Vous avez parlé du fait que la Première nation Buffalo Point a un chef à vie. Est-ce une Première nation qui a un régime de gouvernance traditionnelle ou héréditaire, en l'occurrence.

M. Nelson : Le chef est non autochtone.

Le sénateur Dyck : Le chef n'est pas un Autochtone?

M. Nelson : Non. Les gens eux-mêmes n'ont pas accès à leurs propres terres. Les gens ont fait des demandes, ils ont occupé le bureau de la bande, ils ont demandé une injonction judiciaire, et la GRC est venue avec des chiens, des armes à feu, du gaz lacrymogène et tout le reste et les a chassés. Les protestataires n'étaient bien sûr pas du tout armés. Mais ils avaient une résolution du conseil de bande tout à fait légitime émanant d'un quorum du conseil et demandant au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien la tenue d'élections. C'est tout ce qu'ils ont demandé.

Le sénateur Dyck : Je trouve toute cette situation non seulement incroyable, mais très confuse. Avant 1999, la Première nation Buffalo Point avait-elle un régime électoral pouvant être considéré comme plus acceptable, ou bien cela est-il survenu en 1999?

M. Nelson : Je pense que les sénateurs devraient demander aux gens de Buffalo Point de leur expliquer eux-mêmes la situation. Je fais état de la situation en tant que personne concernée, convaincu que je suis que les gens devraient être autorisés à exiger des comptes de leur gouvernement.

Le sénateur Dyck : Une petite question rapide. Il me semble que nous avons, au cours de la dernière journée et demie, entendu parler à répétition des difficultés qu'il y a à travailler avec Affaires indiennes et du Nord Canada et il semble que le ministère supervise absolument tout. Il possède manifestement, d'après ce qu'on nous dit, le pouvoir ultime, et bien souvent cela ne sert pas vraiment l'intérêt des différentes collectivités. À votre avis, quels changements devrait-on apporter au MAINC de manière à ce qu'il soit davantage redevable aux collectivités, au lieu de ne faire qu'exercer son pouvoir auprès des collectivités?

M. Nelson : Comme je l'ai dit hier, en 1994, Ron Irwin a essayé de démanteler Affaires indiennes et du Nord Canada. L'une des choses qu'il nous faut faire, si nous voulons réussir à démanteler le ministère, c'est lui enlever toute pertinence. Je veux dire par là qu'aux fins de la santé économique de notre collectivité, l'argent que nous recevons du gouvernement fédéral devrait être un paiement. Ce ne devrait pas être des fonds fédéraux; ce ne devrait pas être l'argent des contribuables. Du fait des 10,7 millions d'acres de terres revenant aux Premières nations du Traité 1, si nous avions notre propre part de la richesse de nos propres terres, nous n'aurions pas besoin de l'argent du gouvernement du Canada.

L'objet original du traité, lorsque les gens étaient propriétaires, lorsqu'ils possédaient la terre, était qu'ils puissent gagner leur vie. Ils ne devraient pas avoir besoin d'aumône. Que l'on ait la main levée ou la main tendue, peu importe la terminologie employée, la réalité est que c'est le gouvernement qui contrôle l'économie des Premières nations. L'article 89 de la Loi sur les Indiens rend tout habitant d'une réserve indienne légalement incompétent, le versant dans la même catégorie qu'un étranger de nationalité ennemie, un enfant ou une personne en état d'ébriété. Voilà ce que dit l'article 89 de la Loi sur les Indiens. Jetez-y un coup d'œil.

Le président : Quand a eu lieu cette occupation à Buffalo Point?

M. Nelson : C'était en 1999, il y a une dizaine d'années environ.

Le président : Il y a 10 ans, et rien n'a été fait?

M. Nelson : Rien n'a été fait. Nous avons tout essayé. Le leader du mouvement indien américain, Dennis Banks, et Clyde Bellecourt s'étaient retrouvés à Winnipeg en décembre 1999 et nous ont dit, allons-y et occupons les lieux. Intervenons là-bas et jetons le gars dehors.

J'avais demandé un petit peu de temps pour voir si je ne pourrais pas trouver une solution. Je suis vice-président du mouvement indien américain, basé à Minneapolis. Je suis donc le vice-président du grand conseil de gouvernance. Et je pense que nous avions demandé qu'il n'y ait pas d'occupation. Nous voulions en gros travailler et voir s'il n'y aurait pas moyen de trouver une solution pacifique au problème. Mais la GRC est arrivée avec des armes à feu.

Le président : Cela est bizarre, c'est le moins que l'on puisse dire.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez mentionné plus tôt qu'il y a un chef et un conseil à vie, ou bien est-ce simplement un chef et un conseil?

M. Nelson : Juste un chef.

Le sénateur Lovelace Nicholas : A-t-on jamais tenu un référendum pour se débarrasser de ce type?

M. Nelson : En ce qui concerne les habitants de la collectivité et même les membres de la bande, je ne peux pas vous expliquer tout ce qui se passe à Buffalo Point. La réalité est que les gens ont essayé, ils ont tout fait pour tenter de résoudre le problème de manière pacifique et ils ont occupé les bureaux. Je ne leur fais aucun reproche. La situation économique de Buffalo Point est sans doute meilleure que celle de la plupart des collectivités. La réalité est que vous pouvez avoir une dictature bienveillante, mais il n'en demeure pas moins que c'est une dictature. La réalité est que les gens souhaitent avoir une démocratie.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez parlé du fait que de l'argent est versé à la collectivité par le gouvernement fédéral. Savez-vous combien d'argent environ est versé pour chaque personne?

M. Nelson : Dans ma collectivité?

Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui.

M. Nelson : Il y a environ 803 millions de dollars dans la région du Manitoba en provenance du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le Nord reçoit le gros de l'argent, si vous en faites la ventilation. Pendant la crise d'Oka de 1990, Brian Mulroney a déclaré qu'Ottawa réservait 13 500 $ pour chaque homme, femme et enfant des Premières nations. Stephen Harper a fait plus ou moins la même déclaration il n'y a pas si longtemps, faisant état de 16 500 $, et cela avait été appuyé par le ministre d'alors, Jim Prentice.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Par personne?

M. Nelson : Pour chaque homme, femme et enfant désigné à Ottawa. Mais le fait d'être désigné ne signifie pas que nous touchons l'argent.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui, je comprends cela.

M. Nelson : Lorsque nous faisons la ventilation des chiffres pour ma collectivité, cela revient à environ 3 000 $ par personne, c'est-à-dire par homme, femme ou enfant.

Le sénateur Lovelace Nicholas : C'est ce qui est distribué par le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire d'Affaires indiennes et du Nord Canada, à la collectivité. Cela revient en bout de ligne à 3 000 $ par personne.

M. Nelson : Cela inclut jusqu'aux frais scolaires et tout le reste, et doit être partagé. Nous payons 5 000 $ pour envoyer un enfant à l'école publique à Dominion City. Rien que là, nous dépassons tout de suite de beaucoup les 3 000 $ par personne.

Vu ce qui est rapporté dans les médias, il est très clair que le contribuable est en train de se dire « Regardez tout l'argent que nous donnons à ces personnes, 9 milliards de dollars, 10 milliards de dollars, 11 milliards de dollars, mais cela ne nous parvient jamais. La réalité, cependant, est que la plupart des Canadiens obtiennent les mêmes services et avantages en matière de soins de santé.

Si une personne tombe malade dans le Nord du Manitoba, à Norway House, mettons, ou à quelqu'autre endroit du genre, et doit être transportée par avion à Winnipeg pour un tomodensitogramme et un traitement contre le cancer ou quelque chose du genre, ou est en train de mourir, en bout de ligne, après six ou huit mois de traitement, si 50 000 $ ont ainsi été dépensés, cela est inclus dans la note. Et le contribuable dit alors « Regardez cet Indien; il a touché 50 000 $ ». Mais a-t-il vraiment touché cet argent? Bien sûr que non. Cet argent a servi à payer les infirmières, les médecins, les concierges. Vous savez, tout le monde se fait payer, pour tout, qu'il s'agisse du chauffeur de taxi, des services d'ambulance ou autres, tout le monde est payé. Mais c'est l'Indien qui se fait critiquer. Les gens disent « Regardez ces Indiens, avec tous les adjectifs que l'on peut imaginer, qui touchent tout cet argent ».

La réalité est que tous les Canadiens obtiennent de l'argent de notre économie. Le PIB par tête d'habitant est sans doute proche de 36 000 $ par homme, femme et enfant; si vous intégrez les ressources et tous les revenus en provenance des ressources, cela se chiffre sans doute à près de 20 000 $ par homme, femme et enfant. Et cela subventionne le bien- être de tous les Canadiens. Nous voulons donc simplement une part de nos propres ressources.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui. Et s'il n'y avait pas de ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et que cet argent était en ce moment versé directement du gouvernement fédéral à chaque collectivité, cela ne serait-il pas meilleur?

M. Nelson : Je serais en faveur de cela. Je dirais : « Allez-y et envoyez l'argent directement aux gens ». Il y avait autrefois des allocations familiales, mais il s'agit aujourd'hui d'un crédit d'impôt pour enfant. Chaque 20e jour du mois, lorsque l'argent est envoyé aux gens, il n'y a pas de ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui se présente et qui demande « Comment avez-vous dépensé cet argent? Vous en êtes-vous servi pour le jeu ou pour acheter de la bière ou autre? » Tous les 20e jour du mois, l'argent est envoyé aux gens. Il n'y a en la matière aucun compte à rendre. Les gens sont tout simplement censés dépenser cet argent sur leurs enfants.

Si vous voulez vraiment être justes, recommandez qu'ils envoient l'argent directement aux gens, en contournant le chef et le conseil, en contournant les OPT et tout le reste. Si Brian Mulroney et Stephen Harper ont déclaré qu'il y aurait 16 000 $ par homme, femme et enfant, eh bien, que l'on envoie cet argent aux gens.

Le sénateur Hubley : Nous discutons du mandat de deux ou quatre ans. La question de la date fixe a été soulevée ce matin. Si cela devait se faire, il serait peut-être plus pratique que cette date intervienne plutôt vers la fin de l'exercice financier. Auriez-vous quelque commentaire à faire là-dessus?

M. Nelson : Pas vraiment. Comme je dis, moins il y a d'obstacles ou de bosses sur la route qui s'étire devant nous, et moins nous avons de moyens, plus nous donnons l'autorité au gouvernement et aux gens du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien — si c'est en mai, c'est en mai.

Ce que j'aimerais voir, premièrement, pour les Premières nations du Traité 1, c'est que nous ayons une constitution, un concept. En bout de ligne, si les gens veulent se pencher sur la chose, ou tenter un essai et adhérer à ce que nous faisons, alors ils peuvent faire ce choix. Il est préférable d'avoir quelque chose qu'on puisse leur présenter en disant ceci pourrait vous aider, plutôt que de leur imposer quelque chose.

Le sénateur Hubley : Je pense que l'idée était que si le problème en était un de reddition de comptes, si les élections avaient lieu avant la fin de l'exercice financier, mettons, le nouveau chef pourrait être tenu responsable de certains des rapports de l'ancien chef. Si donc cela avait lieu à la fin de l'exercice financier, en avril ou mai, la transition pourrait peut-être être plus harmonieuse.

M. Nelson : Il me semble que le gouvernement du Canada devrait faire cela. Qu'il tente d'abord la chose. S'il peut nous montrer que cela fonctionne pour lui, alors ce serait bien.

Le sénateur Hubley : Des dates fixes?

M. Nelson : Oui.

Le sénateur Hubley : Nous faisons cela.

M. Nelson : Par ailleurs, si vous n'avez pas une dictature au Canada, vous êtes censés avoir un Sénat qui assure des freins et contrepoids, vous avez une vérificatrice générale, vous avez d'autres choses qui devraient intervenir, et vous avez un système judiciaire à l'intérieur duquel les tribunaux peuvent examiner certaines de ces choses, et vous avez des enquêtes. Je ne vois pas de problème à ce que nous faisions cela, tant et aussi longtemps que les gens ne disent pas tout d'un coup : « Les Premières nations ne sont-elles pas pires que le gouvernement? » Cela ne m'est encore jamais arrivé d'accepter une enveloppe brune.

Le sénateur Hubley : Vous avez également parlé de l'établissement d'un équilibre entre le chef et le conseil, un équilibre au niveau des responsabilités. Je regardais tout simplement mes notes. Je ne suis pas certaine que vous vous en souvenez vous-même, mais l'idée était d'équilibrer le pouvoir entre le conseil et le chef.

M. Nelson : Je disais que, dans le cadre du régime de la Loi sur les Indiens et de notre système actuel, du fait de notre taux de chômage élevé et que nos membres soient si dépendants à l'égard des services sociaux ou des services fournis par le chef et le conseil, le chef et le conseil deviennent en quelque sorte un pouvoir absolu au sein de la collectivité. Je pense que cela ne doit pas être maintenu. Je pense qu'il doit y avoir un régime dans le cadre duquel les gens puissent avoir un emploi, un revenu qui ne dépend pas du chef et du conseil.

Le sénateur Peterson : Vous avez mentionné quelque chose au sujet des revendications territoriales particulières. Quelle est en la matière la situation actuelle de votre bande?

M. Nelson : Il me faudrait peut-être revenir à la déclaration faite au Sénat le 22 novembre 2006. Nous étions passés par la CRI, la Commission des revendications des Indiens, et notre revendication est sans doute celle qui a pris le plus de temps dans toute l'histoire de la CRI.

Le 7 décembre 2007, la CRI a annoncé sa décision recommandant au gouvernement qu'il négocie en fait avec Roseau River.

Il faut souligner, à son crédit, que le ministre Strahl avait nommé un négociateur fédéral avant avril et que, dès le mois d'avril, nous étions en négociation. Nous avons suivi un processus. De notre côté, nous avons recruté de très bons négociateurs afin de veiller à ce que le processus soit suivi.

Le 5 décembre, nous avions conclu une entente verbale pour 100 millions de dollars. Nous nous sommes serrés la main, ici dans ce même hôtel.

Et, malheureusement, la chose est aujourd'hui quelque part dans le système, dans la bureaucratie. De façon générale, cela peut demander un certain temps pour que le négociateur fédéral passe par toutes les étapes du système, par ses mandants et tout le reste à Ottawa, avant d'être en mesure de faire une offre écrite. Je compte sur plusieurs personnes à Ottawa pour, je l'espère, accélérer les choses et nous obtenir une offre par écrit.

Il nous faudra tenir un référendum avant de pouvoir accepter l'offre. Il faudrait peut-être compter six mois à un an si tout va bien, ce que nous espérons, avant que cet argent ne soit à la banque.

Le sénateur Peterson : Il n'est alors plus question maintenant que de travail administratif? Vous vous êtes entendus sur le chiffre. Le montant a été fixé à 100 millions de dollars.

M. Nelson : Oui.

Le sénateur Peterson : Alors que doit encore faire l'administration? Que reste-t-il à faire, sauf vous soumettre une proposition et dire, voici le chiffre, nous nous sommes tous entendus là-dessus, alors sommes-nous toujours d'accord? Et vous devez ensuite soumettre cela à vos membres, qui doivent eux aussi donner leur aval?

M. Nelson : Nos membres seront très certainement d'accord; c'est pour la plupart un bon règlement et je pense que nous avons fait un bon travail de notre côté.

Avant que le négociateur fédéral ne nous fasse son offre verbale, ici, le 5 décembre, il lui aura fallu passer par tous ses mandants, dans différents ministères à Ottawa, pour obtenir les autorisations requises aux fins de cette offre verbale.

Le sénateur Peterson : Oui.

M. Nelson : Mais la bureaucratie étant ce qu'elle est, des carrières doivent se bâtir avant que l'on ne puisse déboucher sur une offre écrite.

Le président : J'ai une question pour vous, chef Nelson. L'AMC, l'Assembly of Manitoba Chiefs, œuvre à une proposition portant sur le processus électoral. Nous avons discuté avec vous, avec beaucoup d'enthousiasme de notre côté, d'un projet pilote. Pensez-vous qu'il y aurait risque de conflit si nous faisions cela? Vous connaissez mieux que nous ne le pourrions jamais la mécanique de la politique des Premières nations. D'après ce que je comprends, il est prévu que l'ébauche d'une maquette de code électoral coutumier soit élaborée d'ici le milieu de l'année 2009, et que les comités de Premières nations relevant de la Loi sur les Indiens soient en mesure de tenir un référendum d'ici fin 2009 en vue de l'acceptation de leur propre code électoral coutumier. Une décision collective relativement à l'adoption d'une date d'élection commune et du prolongement des mandats pourrait être prise dès le début de l'année 2010.

Je ne voudrais pas placer les Premières nations du Traité 1 dans une position intenable. En ma qualité de président, donc, je cherche à obtenir vos conseils sur la base de ces renseignements. Vous étiez sans doute au courant de cela, mais j'ai pensé qu'il serait bon de soulever cela ici maintenant, afin que les sénateurs sachent ce qui pourrait s'en venir.

M. Nelson : J'aimerais être clair pour ce qui est de ma recommandation d'hier. Ma recommandation écrite émanant des Premières nations du Traité 1 au sujet de l'Initiative sur l'Entente-cadre était que le processus fait intervenir le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et les bureaucrates et que ce processus ne mène nulle part. Je ne veux pas me prononcer contre l'Assembly of Manitoba Chiefs, mais celle-ci réunit 64 premiers chefs. Un plus petit groupe de sept chefs représentant les Premières nations du Traité 1 dans le cadre d'un projet pilote aurait de meilleures chances de réussir. Nous pourrions sans doute aboutir plus rapidement à une réussite, et cela pourrait s'étendre assez rapidement aux autres conseils de Premières nations visées par un traité. Comme je l'ai dit, il importe de montrer aux gens que la chose est viable, qu'il s'agit d'un bon processus. Je ne voudrais pas avoir à vivre encore un autre processus du genre de l'Initiative sur l'Entente-cadre pour constater, 55 millions de dollars plus tard, que nous n'avons toujours rien.

Le président : Merci, chef Nelson, de votre comparution ici aujourd'hui. J'estime que les connaissances que vous nous avez livrées nous aideront dans ces dossiers et nous permettront de mieux comprendre les défis des membres de nos Premières nations. J'ai travaillé avec vous par le passé et j'envisage avec plaisir de travailler ave vous dans votre nouveau mandat de chef de Roseau River. Et bonne chance.

M. Nelson : Vous êtes pris avec moi pour deux années encore.

Le président : Je le sais, monsieur. Quoi qu'il soit, vous vous débrouillez pour que mon travail soit intéressant. Sans vous, je démissionnerais sans doute. Vous êtes un défi.

Pendant que nous attendons l'arrivée du témoin suivant, j'aimerais mentionner un homme qui a beaucoup contribué à la communauté des Premières nations, Elmer Courchene. Elmer s'est joint à nous aujourd'hui. Je demanderai à Elmer de se lever, car il a fait un travail extraordinaire pour les peuples des Premières nations.

Collègues, nous allons maintenant poursuivre avec une tribune libre pendant 35 à 40 minutes, en attendant la comparution du témoin suivant. Je fais donc appel à Phyllis Sutherland, Leah Stevenson et Kelvin Chicago. Je fais également appel à Linda Stevenson. Vous serez quatre. Et qu'en est-il de Tommy Keesick?

Bienvenue. C'est le temps qui va être notre pire ennemi, car il nous faut être à Dauphin ce soir, mais je suis prêt à vous accorder à chacun cinq minutes, et je vous y tiendrai.

Madame Sutherland, je vous invite à commencer.

Phyllis Sutherland, à titre personnel : Je viens de la réserve Peguis.

L'une de mes plus grosses préoccupations en ce qui concerne les élections de bande est le bulletin de vote postal. Nous savons que cela se fait. Il y a des gens qui achètent ces votes. Nous avons entendu parler de gens qui les achètent 20 $, pour les donner à X ou à Y, et ces votes sont ensuite livrés à la réserve. Les gens viennent avec des sacs remplis de bulletins de vote. Si les gens se font remettre des enveloppes pour l'envoi de leurs bulletins de vote, comment se fait-il qu'on les autorise à venir déposer des bulletins de vote?

Les personnes vivant à l'extérieur de la province, à l'extérieur de la réserve, se font envoyer des renseignements erronés et n'ont pas la moindre idée de ce qui se passe dans notre réserve. Elles votent sur la base de ces renseignements erronés. Elles croient ce qu'elles lisent.

Le chef est la seule personne qui possède la liste des noms et des adresses des gens. L'actuel chef est le seul qui ait accès à cette liste de courrier. C'est ainsi que sont diffusés tous ces renseignements erronés.

La plupart de nos membres vivant hors réserve n'ont pas la moindre idée de ce qui se passe dans notre réserve. Et cela est triste à dire, mais ce sont eux qui administrent notre réserve à l'heure actuelle. Ce sont les membres hors réserve qui ont remporté le vote. Je m'oppose fermement à tout ce qui se passe en ce moment avec les bulletins de vote postaux.

Nous avons saisi le MAINC de nos préoccupations. Celles-ci sont restées lettre morte. Il est frustrant d'essayer de traiter avec le gouvernement à ce niveau-là. Les fonctionnaires nous disent, eh bien, cela relève du chef et du conseil actuels, et en notre qualité de simples membres de bande, nous nous sentons tout à fait impuissants de faire quoi que ce soit. Nous n'avons aucun pouvoir. Tout le pouvoir leur revient à eux. Vous pouvez allez les voir et discuter avec eux jusqu'à l'épuisement. Cela ne sert strictement à rien. D'ailleurs, on vous met à la porte si vous parlez trop fort.

À l'heure actuelle, dans notre réserve, nous vivons sous une dictature, et les gens se font renvoyer du fait de dire ce qu'ils pensent.

À l'heure actuelle, notre réserve est gouvernée par un chef et deux conseillers. Ils ont le quorum nécessaire pour faire comme bon leur semble, et ils utilisent ce pouvoir à tout moment. Les deux autres conseillers sont impuissants. Ils ne sont pas dans la boucle. Ils n'ont même pas accès aux renseignements. Les autres employés se font dire qu'ils ne doivent pas donner de renseignements à ces deux membres du conseil. Et il est frustrant d'essayer d'obtenir des renseignements qu'il vous faut, car tout est gardé sous clé, et vous n'avez aucun accès.

Je me rends compte que notre chef est ici, mais je tiens à dire ce que j'ai à dire.

J'ai été renvoyée en avril. Cela faisait 24 ans que je siégeais à la commission scolaire. Il a voulu interroger l'électorat; avant cela, c'était un processus de nomination. C'était très bien. Je me suis présentée comme candidate. J'ai été élue. Puis, en avril, j'ai reçu une lettre signée par le chef et deux conseillers disant que je ne cadrais pas avec les critères d'admissibilité. J'ai donc dû quitter. Voilà le genre de leadership sous lequel nous vivons.

Je suppose que ce qui me fait vraiment peur est que si nous optons pour un mandat de quatre ans, ce sera très bien si nous avons un leadership qui va être là pour les gens, mais s'il s'agit d'un leadership qui n'est pas là pour servir la population, mais qui est là pour tirer tout l'argent qu'il peut de la réserve, alors nous serons en sérieuse difficulté.

Car à l'heure actuelle, sur la base du vote qui a eu lieu dans la réserve, nous devrions avoir un chef différent, mais ce chef a été élu par les électeurs de l'extérieur. Il s'agit donc là d'un aspect qu'il faudra examiner de très près.

Le président : Vous avez fait un travail formidable et expliqué votre situation, et je pense que nous allons maintenant passer à l'intervenant suivant.

Sénateurs, nous aurons notre période de questions une fois que nous aurons entendu Leah Stevenson.

Leah Stevenson, à titre personnel : Je viens de la Première nation Peguis. J'y ai passé les 23 dernières années et j'ai été témoin de l'ancien leadership et du nouveau leadership qui est en place en ce moment.

J'ai personnellement constaté un grand nombre de changements à l'interne, avec le nouveau leadership. Ce n'est pas quelque chose de personnel pour moi. J'ai le sentiment que les droits des miens ont été violés. Lors de la dernière élection, j'ai eu le sentiment que l'on a mésusé des bulletins de vote postaux, pour faire main basse sur le leadership.

Un processus d'appel est en cours et notre sentiment est que le gouvernement n'est pas en train de s'occuper des nôtres comme nous pensons qu'il le devrait, du fait de notre règlement de revendication territoriale. Mon opinion personnelle est que le gouvernement est en faveur du nouveau chef, car notre ancien chef n'avait pas la langue dans sa poche. Il n'avait pas peur de se rende dans ces bureaux avec les siens et de protester pour obtenir ce qu'il estimait que son peuple méritait. C'était un excellent leader. Il nous a rendu fiers de qui nous sommes en tant que peuple. Ce n'est pas lui qui s'est adonné à de la diffamation contre quelqu'un dans le but d'obtenir favoritisme ou pouvoir.

Voilà ce que je sais être vrai dans mon for intérieur.

Pour votre gouverne, lors de la dernière élection, nous avons reçu 641 bulletins de vote postaux qui étaient douteux du fait d'avoir été ramassés le matin suivant la fermeture des bureaux de scrutin. Il est établi dans la Loi sur les Indiens que les bulletins de vote postaux doivent être dans les mains du fonctionnaire électoral avant la fermeture des bureaux de scrutin, et ce n'est pas ce qui s'est produit. On ne les a recueillis dans la poste que le lendemain matin.

Les habitants de la réserve voulaient que les votes soient comptés tout de suite après la fermeture des bureaux de scrutin. Malheureusement, cette décision a été prise sans consulter les nôtres. Le chef Hudson a pris sur lui de prendre cette décision pour les gens, aux côtés de son fonctionnaire électoral, Bob Norton, qui est, je pense, parent du chef et n'est en conséquence pas neutre.

Les gens avaient demandé que les bulletins soient dépouillés tout de suite après la fermeture des bureaux de vote. Nous sommes allés jusqu'à faire signer une pétition par 300 membres. Cela a été fait très rapidement. La pétition a été déposée auprès d'un membre du conseil, mais nous n'en avons eu aucune nouvelle depuis.

Lorsque les gens ont été interrogés sur ce qui s'était passé, on leur a dit que la décision avait été prise par le chef. Je n'ai pas entendu cela moi-même, mais c'est ce que j'ai su par ouï-dire. Et je ne vais pas m'éterniser là-dessus.

De toute manière, il y a eu une irrégularité quant au nombre de bulletins de vote postaux reçus. Les chiffres sont les suivants : 641 bulletins de vote postaux reçus au bureau de poste de Hudson, 179 dans la boîte de dépôt de Winnipeg et 70 à la salle communautaire. En tout, 890 bulletins devaient être dépouillés.

À la fin du dépouillement des bulletins de vote postaux, un total de 1 210 bulletins de vote postaux avaient été dénombrés. L'on s'interroge donc au sujet de 320 votes — d'où sont-ils venus?

Voilà le genre de chose qu'on est en train d'examiner. Je suis vraiment heureuse d'avoir eu cette occasion de venir m'entretenir avec vous et de rendre public ce qui se passe dans notre collectivité.

Compte tenu de l'importance du montant d'argent que notre peuple est sur le point de recevoir en vertu du règlement de revendication territoriale, je suis convaincue de l'importance de ce règlement pour les nôtres et je sais que cela aura une incidence sur nos enfants et les générations futures. Si je m'élève publiquement contre ce qui s'est passé, c'est que j'estime que la chose est très importante pour mes enfants. J'ai peur que cet argent aboutisse dans les mauvaises mains et soit utilisé à des fins abusives, car c'est déjà ce que je constate à l'heure actuelle en tant que membre de la collectivité. Je n'aime pas citer de noms ou grommeler lorsque les choses ne se déroulent pas comme je le souhaiterais, mais j'ai le réel sentiment que les droits des nôtres sont en train d'être bafoués.

Excusez-moi, j'avais préparé des notes, mais c'est mon cœur qui vous parle en ce moment.

Nous avons également le sentiment que notre code d'appartenance est en train d'être détourné. Il serait apparemment question que des membres hors réserve aient été ajoutés à la liste de membres. Burke Ratte aurait même dit quelque chose au sujet du nombre de personnes qui ont vu leur nom ajouté à la liste de membres.

Le président : Il me faut...

Mme Stevenson : Je comprends qu'il vous faille m'interrompre. Toutes mes excuses. Je pourrais continuer pendant longtemps encore, mais je tiens simplement à ce que vous sachiez que je n'ai aucune relation de parenté avec le chef Louis Stevenson, notre ancien chef. Je tiens à ce que vous le sachiez, car ce n'est pas pour des raisons de favoritisme que je proteste; c'est à cause de ce que je ressens au fond du cœur. Meegwitch.

Le président : C'est bien. C'est parfait. C'est ce pourquoi nous tenions à avoir une séance de tribune libre. Kelvin Chicago, vous disposez de cinq minutes, monsieur.

Kelvin Chicago, à titre personnel : J'appartiens à la Première nation Lac des Mille Lacs, regroupant 530 membres de bande. Je suis le seul résident de cette Première nation. J'ai construit ma propre maison et je n'entretiens aucun lien avec Affaires indiennes et du Nord Canada, ni avec quelque conseil de Première nation que ce soit. Je suis un indépendant au sens le plus strict du terme.

Je suis ici aujourd'hui pour m'entretenir avec vous au nom d'un groupe de coalition de la base du Traité 3. Ce groupe a été formé l'an dernier au mois de mai et fait toujours, bien sûr, partie du Manitoba, alors je pense que nous avons un prolongement d'environ un mille et demi du Manitoba correspondant au Traité 3.

Notre groupe de coalition a été formé strictement sur la base de nos vives inquiétudes en matière de reddition de comptes et de transparence. Nous avons rédigé des recommandations qui ont été soumises à notre grand chef. Nous avons pris d'autres initiatives, et avons notamment déposé ces recommandations auprès des chefs des 27 Premières nations du Traité 3.

Certains des chefs ont peut-être reçu cette documentation, d'autres pas. Nous l'avons envoyée au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous avons envoyé les recommandations à la vérificatrice générale. Nous les avons envoyées à certains lobbyistes, ces groupes qui se présentent comme défendant la base, le peuple. Pour quelque raison, nos voix ne se faisaient pas entendre. C'est pourquoi nous avons créé ce Treaty Three Grassroots Coalition Group, afin que nous ayons une voix, car nous voulons nous faire entendre.

Sans notre groupe, nos voix ne se feraient pas entendre. Nous en sommes absolument convaincus. Mais nous tenons à être entendus et nous allons l'être.

Aujourd'hui, j'ai apporté avec moi les recommandations. Nous avons entendu beaucoup, comment dirais-je, d'histoires tristes. Mais je n'ai entendu parler d'aucune réponse, d'aucune solution à ces problèmes. Nous avons trouvé des solutions. Nous ne disons pas que ce sont les solutions, mais nous disons qu'il y a ici quelque chose dont nous pensons que cela pourrait aider à résoudre certaines de nos difficultés. en tant que peuple Anishinabe. Je n'entends vous remettre qu'une seule copie du document.

J'ai un autre ami à l'autre bout de la table ici qui pourra utiliser les deux minutes qui me restent.

Le président : Il n'y a rien de mieux qu'un intervenant qui exprime rapidement ce qu'il pense. La parole est maintenant à Tommy Keesick.

Tommy Keesick, à titre personnel : J'appartiens à la Première nation Grassy Narrows, autrement connue sous le nom d'Asubpeeschoseewagong Anishinabe.

Je tiens tout d'abord à remercier le Sénat, ici représenté par vous, de nous permettre d'être entendus. Je tiens également à ce que vous sachiez que j'ai été chef en 1974. J'ai entendu quelqu'un ici dire qu'il était un extrémiste. Nous avons occupé le parc d'Anishinabe pour attirer l'attention sur les préoccupations dont vous entendez parler aujourd'hui. C'était il y a 35 ans, et l'on constate encore aujourd'hui les mêmes choses. Que se passe-t-il? J'ai failli demander que se passe-t-il, maudit, mais je me suis rattrapé. Mes excuses.

Comme je le disais, j'étais chef à l'époque. J'étais également le plus jeune chef jamais élu. J'ai aussi été le plus jeune chef à jamais me faire destituer par mon peuple du fait de mes prises de position.

Le gouvernement du Canada, le gouvernement de l'Ontario, n'étaient pas bien connus à l'époque. Je sais que le chef et le conseil ne détenaient aucun pouvoir aux yeux du gouvernement. Encore aujourd'hui, ils ne jouissent d'aucun pouvoir pour accéder aux désirs de leur peuple qu'ils sont censés représenter.

Je suis tout à fait d'accord avec ces gens. Je n'ai rien à ajouter. Mais nous avons 1 250 personnes dans notre réserve aujourd'hui. Parmi elles, 623 vivent dans la réserve. Ces personnes sont les seules qui sont autorisées à voter. Nous avons quelque 183 personnes vivant ici à Winnipeg, d'autres à Kenora, d'autres à Thunder Bay et encore d'autres à Vancouver, même.

Le problème est que chaque fois qu'il y a une élection, seules les personnes vivant dans la réserve sont autorisées à voter même si nous avons déployé quantité d'efforts pour dire, qu'en est-il des personnes vivant à l'extérieur de la réserve? Le chef et le conseil — comme je l'ai mentionné, j'ai déjà été chef et conseiller. Il y a ces personnes vivant hors réserve; leur part de l'argent que reçoit chaque année la réserve est fonction de la population. Ces personnes vivant hors réserve ne touchent rien. Ce sont des gens de la rue. Ils ne reviennent chez nous que dans une boîte. Nous vivons ici, sur nos propres terres, comme dans un pays du tiers monde.

Nous n'avons rien contre le leadership ici. Je m'excuse, mais je n'ai rien contre les parties qui essaient de faire du bien. C'est le leadership qui est en cause. Je tiens à être clair là-dessus. C'est tout ce que j'ai à dire.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez dit quelque chose au sujet des bulletins de vote postaux. Pensez-vous qu'il y aurait lieu de traiter différemment certains aspects dans les sections électorales, ou bien voulez-vous le tout?

Mme Sutherland : Je pense que ce n'est que justice que de laisser les membres hors réserve voter, si c'est ce qu'ils choisissent de faire. Ce que je veux dire par là est que c'est leur droit. Mais en cas d'élections fédérales, l'on n'autoriserait jamais une personne à venir avec 10 voix. Il importe d'examiner l'équité et, vu la façon dont le système est organisé à l'heure actuelle, il est facile de tricher.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui. Et Mme Stevenson a mentionné tout ce qui se passait, mais le MAINC a-t-il jamais été confronté à la situation? Avez-vous dit que des lettres ont été rédigées?

Mme Stevenson : Une pétition a été signée par, je pense, 300 membres. Nous avons demandé que les bulletins de vote soient dépouillés le soir de la fermeture des bureaux de scrutin. Que je sache, cette requête a été transmise à un membre du conseil. Je ne sais pas si la chose est allée plus loin que cela. Voilà ce que j'en sais.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Et le MAINC ne voulait rien faire, en dépit de toutes les plaintes des gens dans la collectivité?

Mme Stevenson : D'après ce que je sais, le MAINC n'est pas encore intervenu.

Le sénateur Lovelace Nicholas : S'agit-il là de quelque chose qui devrait être inscrit dans une loi, comme par exemple la Loi sur les Indiens, dans le cadre du système du MAINC et de la façon de traiter de ces choses?

Mme Stevenson : Oui. Il me semble que le ministère devrait être redevable de sa responsabilité de surveiller ces élections en réserve.

Mme Sutherland : La réponse qu'on vous donne, en gros, lorsque vous vous adressez au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est que la chose relève de vos actuels chef et conseil, ce qui est frustrant lorsque vous savez qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui, je comprends. Vous avez mentionné les revendications territoriales à venir. Comment pensez-vous que cet argent devrait être distribué parmi la population? Cela devrait-il être fait, encore une fois, par le MAINC ou bien par le chef et le conseil? Comment pensez-vous que la chose devrait être traitée?

Mme Sutherland : Les gens auraient dû être davantage consultés avant l'acceptation de cette offre, avant que les choses n'aillent plus loin.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Il n'y a jamais eu de référendum?

Mme Sutherland : Non, pas de référendum en bonne et due forme.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je n'ai toujours pas obtenu de réponse à ma question. Comment pensez-vous que cela devrait être traité?

Mme Sutherland : Je pense que cela devrait être traité sans ingérence aucune de la part du chef et du conseil. Il devrait y avoir un comité spécial, un panel.

M. Keesick : Puis-je moi aussi répondre à cette question?

Le sénateur Lovelace Nicholas : Certainement.

M. Keesick : Nous avons eu un règlement à Grassy Narrows en 1984. L'argent correspondant au règlement est dû aux habitants de la collectivité. Je pense que le chef et le conseil là-bas n'ont qu'à écouter ce qu'ont à dire les membres de la collectivité quant à la façon dont l'argent devrait être distribué au sein de la collectivité. Or, ce n'est pas ce qui se passe.

Je suis venu à Winnipeg en 1982 lorsque le premier règlement a été consenti à Grassy Narrows avec l'entente relative à la pollution — cela s'est chiffré à environ 4,5 millions de dollars. Le chef et le conseil n'ont jamais participé de quelque manière que ce soit à la façon dont cet argent allait être livré à la collectivité. Ce sont les gouvernements du Canada et de l'Ontario qui s'en sont chargés. Ils ont versé 1,5 million de dollars à une société et 2,9 millions de dollars ont été mis dans un budget.

Au bout de 10 ans, cet argent aurait appartenu à Grassy Narrows pour que la collectivité en fasse comme bon lui semble, mais ce n'est pas ainsi que les choses ont tourné car l'arrangement était voué à l'échec, et il a échoué.

Que s'est-il passé en 1990 lorsque l'argent était encore là? Un chef — je ne voudrais pas citer de noms en ce moment, car je suis un gentleman et il est lui aussi un Anishinabe — a pris cet argent et est parti à Jérusalem avec sa conjointe, ses enfants et les petits amis de ses enfants pour qu'ils se fassent baptiser.

J'ai alors été rappelé d'ici à la réserve pour voir ce que je pourrais faire, et c'est ce que j'ai fait. Le chef a été arrêté, la main dans le sac, et il a passé six mois en prison. Si j'avais fait cela lorsque j'étais chef, je serais sans doute encore derrière les barreaux aujourd'hui. Lorsque nous avons occupé le parc d'Anishinabe, on nous a dit de quitter le pays parce que les gouvernements étaient à notre recherche. Notre avocat à l'époque, Norm Zlotnick, nous a dit, les gars, vous feriez mieux de vous tirer, car si vous vous faites arrêter, vous allez être condamnés à une peine de 99 ans. Je pense avoir déjà purgé ma peine, car j'ai aujourd'hui 66 ans. Si vous inversez le chiffre de 66, cela donne 99, alors je suis un homme libre.

Le président : Je m'adresse au groupe ici présent. Êtes-vous au courant des appels en matière d'élections, du fait qu'en vertu du Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens, si, dans les 45 jours suivant une élection, un candidat ou un électeur a des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu manœuvre corruptrice en rapport avec une élection, qu'il y a eu violation de la Loi ou du présent règlement qui puisse porter atteinte au résultat d'une élection, ou qu'une personne présentée comme candidat à une élection était inéligible, il peut interjeter appel en faisant parvenir au sous-ministre adjoint, par courrier recommandé, les détails de ces motifs au moyen d'un affidavit en bonne et due forme?

J'ai lu cela aux fins de compte rendu, car ce mécanisme est à la disposition des Premières nations relevant de la Loi sur les Indiens en vertu de l'article 74.

Le sénateur Dyck : J'allais demander si un appel officiel a été interjeté. Vous venez tout juste de lire, aux fins du compte rendu, le mécanisme à suivre. Je serais curieuse de savoir si vous étiez au courant de cela et si vous avez lancé un appel?

Mme Sutherland : Je suis au courant.

Le sénateur Dyck : Vous n'avez toujours pas reçu de réponse du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien?

Mme Sutherland : Nous sommes en attente.

Le sénateur Dyck : Vous attendez toujours. Et vous attendez depuis combien de temps?

Mme Sutherland : Le 3 mai était le délai, notre élection a été tenue en mars, alors nous devrions recevoir quelque chose d'un jour à l'autre.

M. Chicago : En ce qui concerne votre commentaire au sujet des délais et ainsi de suite pour ce qui est du processus et du dépôt d'appel en vertu de la Loi sur les Indiens, je sais qu'un grand nombre de Premières nations ont recouru à ce processus. La chose demande énormément de temps. Lorsque vous finissez enfin par recevoir une réponse, une autre élection a en règle générale déjà été déclenchée. En fait, une décision a été rendue il y a plusieurs années dans une affaire qui a traîné pendant si longtemps devant le tribunal que le juge a rendu sa décision et a déclaré « Eh bien, un tel a porté plainte et a recouru au tribunal au sujet de la question mais, vous savez, vos élections ont lieu la semaine prochaine et vous avez gaspillé deux années du temps du tribunal. Et vous voulez que je tranche sur une question du genre? » Le juge n'a en vérité rien tranché du tout. Cette personne avait patienté pendant deux ans devant les tribunaux.

Le président : Je ne suis pas en train de dire que le système soit le bon.

M. Chicago : Ce petit article auquel vous vous êtes reporté ne fonctionne donc pas pour un pourcentage élevé de cas. La raison en est que nous n'avons pas les moyens de nous payer des avocats pour défendre notre cause.

Le président : C'est bien.

M. Keesick : Il importe qu'il y ait un meilleur mécanisme.

Le sénateur Hubley : Une question plutôt rapide au sujet de la consultation. À votre avis, quel est le meilleur moyen d'obtenir des renseignements auprès de votre chef et de votre conseil? Qu'est-ce qui constitue pour vous une consultation appropriée sur quelque dossier que ce soit? Comme vous le savez, nous sommes ici en train de nous pencher sur la question de la tenue d'élections à date fixe, et de celle de possiblement passer d'un mandat de deux ans à un mandat de quatre ans en vertu de la Loi sur les Indiens. Auriez-vous quelque réponse rapide à donner à cette question?

Mme Sutherland : La manière appropriée serait d'écrire une lettre demandant certains renseignements. Si tout est en règle, cela ne devrait poser aucun problème.

J'avais demandé un renseignement avant notre dernière élection. Peu après l'élection, j'ai été renvoyée. Je pense que les deux choses étaient intimement liées. Il nous faut manifestement trouver un autre moyen d'obtenir les renseignements dont nous avons besoin.

Le sénateur Hubley : À ce sujet, un thème dont nous avons certainement entendu parler est celui de la consultation, en d'autres termes retourner à la base et recueillir les opinions et les idées des gens. C'est ce pourquoi nous sommes ici et j'aimerais que vous nous disiez aujourd'hui quel est selon vous le meilleur moyen d'y parvenir et la façon la plus appropriée de faire passer ce message à votre chef et à votre conseil?

Mme Sutherland : Je pense qu'il faudrait que quelqu'un de plus haut placé qu'eux leur dise que ces renseignements doivent être mis à la disposition de la population tout entière. C'est la seule façon de faire ressortir la vérité. Si vous les laissez vous livrer ce qu'ils pensent que vous devriez savoir, alors notre connaissance de la situation se limite à cela. S'ils se lèvent lors de réunions de bande et brossent un tableau complètement différent, c'est ce que les gens vont croire. Mais la moitié du temps, ce n'est pas la vérité.

L'une des autres choses qu'il vous faut comprendre, par ailleurs, est que les gens à la base ne disposent d'aucun outil pour exiger qu'on leur donne ce qu'ils demandent, qu'il s'agisse de renseignements ou autre — il n'y pas de main plus forte que celle du chef et du conseil.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien n'est pas habilité à intervenir de quelque façon que ce soit, dans le cas surtout des bandes sous régime coutumier. J'ai d'ailleurs de la documentation remontant à environ six ministres successifs; ils s'en lavaient toujours les mains lorsqu'il était question d'élections selon les coutumes de la bande. Il n'y a en place aucun format pour cela.

Le président : Pour que les choses soient claires, je pense que l'affaire de deux ans que vous avez évoquée s'inscrivait sous le régime électoral coutumier, n'est-ce pas?

M. Chicago : Oui.

Le président : Cela diffère donc de ce qui est prévu dans la Loi électorale.

M. Chicago : C'est précisément ce à quoi j'essaie d'en venir ici. La Loi sur les Indiens est, en gros, un énorme livre. Dans la Loi sur les Indiens, l'article 2 couvre également les coutumes de la bande, et le ministère n'intervient alors pas.

Le président : C'est exact.

M. Chicago : Plusieurs des intervenants que j'ai écoutés et avec lesquels nous traitons sont eux aussi membres du peuple Anishinabe. Ils portent tous un numéro et une carte d'Indien inscrit. Ce sont ces gens-là qui éprouvent des difficultés.

En vertu du régime correspondant à la Loi sur les Indiens, il existe un processus en vertu duquel vous pouvez déposer une plainte, et le ministère doit alors y réagir dans un intervalle donné. Ces Premières nations sous régime de bande coutumier n'ont aucun recours à leur disposition. C'est de là que provient un pourcentage élevé de nos problèmes — les traditions des bandes des Premières nations.

M. Keesick : Il y a beaucoup de corruption autour des élections.

Mme Sutherland : Pour ce qui est de la corruption dans la réserve, il est très difficile de diffuser des renseignements. Il y a un journal dans notre réserve. Je ne vais pas vous en donner le titre. Quoi qu'il en soit, c'est le chef qui le finance. En conséquence, les renseignements qui sont publiés sont toujours favorables au message qu'il veut livrer aux gens. La publication fait l'objet d'un envoi massif à destination de tous les membres de la bande. C'est ainsi que beaucoup de renseignements erronés sont propagés à l'extérieur de notre réserve. Les gens croient ce qu'ils lisent et pensent que tout est parfait à Peguis, ce qui n'est pas le cas en réalité.

Le sénateur Sibbeston : À vous entendre parler toutes les deux, je peux comprendre la frustration des gens. Ce doit être difficile de vivre dans un endroit où vous avez le sentiment que les choses ne sont pas en train d'être faites dans les règles, et ainsi de suite. Ma question est la suivante : quelle est la prévalence de votre sentiment? Votre sentiment est-il plutôt courant, êtes-vous une exception dans votre collectivité, ou bien y a-t-il beaucoup de gens qui estiment comme vous que le régime électoral n'est tout simplement pas juste?

Mme Sutherland : Beaucoup de gens au sein de la collectivité pensent comme nous. Il y a également beaucoup de gens qui ont peur de parler de ce qu'ils pensent, craignant des représailles. Ils ont des familles dont ils doivent s'occuper, ce qui les empêche de faire état de leurs préoccupations. Mais il y a un important pourcentage de personnes dans la réserve qui pensent qu'il y a de sérieuses failles dans tout le processus électoral et que des changements doivent être apportés.

Le sénateur Sibbeston : Vous avez exprimé de nombreuses préoccupations. Vous croyez qu'il y a de la fraude, et ainsi de suite.

Madame Stevenson, vous vous inquiétez vraiment de l'avenir et de l'incidence que la situation aura sur vos enfants. Nourrissez-vous quelque espoir? Quel est l'espoir? Quel est l'espoir pour l'avenir, de votre point de vue? Si ce que vous nous avez exposé est votre opinion, et s'il y a d'autres gens dans la réserve qui pensent comme vous, il doit y avoir un grand nombre de personnes qui ne se sentent pas bien, qui n'ont pas beaucoup d'espoir pour l'avenir et tout le reste. Si les gens sont nombreux à avoir ce sentiment, il doit y avoir un grand malaise ou alors l'absence de tout espoir.

Mme Sutherland : C'est exactement cela.

Le sénateur Sibbeston : Peut-il y avoir le moindre grain d'espoir dans toute cette situation?

Mme Sutherland : Je pense que l'espoir doit venir des gens. Chaque fois que j'en ai l'occasion, je parle aux gens, je leur dis de ne pas abandonner, de défendre ce en quoi ils croient.

Le sénateur Sibbeston : Estimez-vous qu'en tant que femmes vous êtes particulièrement vulnérables, qu'en un sens ce sont aux femmes qu'on est en train de s'en prendre, que ce sont les hommes qui sont aux commandes, et cetera?

Mme Sutherland : Un peu, mais j'ai également le sentiment qu'en tant que femme je suis forte, je suis capable, et je songe à l'avenir de mes petits-enfants et à l'avenir de notre collectivité.

Mme Stevenson : Je plains mon amie, Phyllis. J'ai le réel sentiment que le vote des nôtres n'a même pas été respecté en ce qui concerne son poste, car ce sont les gens qui l'y ont placée. On n'aurait jamais dû lui enlever son emploi du fait qu'elle ait défendu ce qu'elle jugeait être juste.

Je souhaite simplement voir les choses se dérouler de manière équitable et que les nôtres prennent une décision claire et éclairée en ce qui concerne notre revendication territoriale. Je pense qu'il est même dit quelque part dans la Loi sur les Indiens que les gens doivent prendre une décision claire et éclairée.

Il y a même des gens vivant à l'extérieur de la réserve qui demandent davantage de réunions d'information au sujet de notre cession illégale — mais cela a de nouveau été bousculé. On nous a dit que la chose allait être faite en juillet, mais voici que cela est annoncé pour le 13 juin. Et tout le monde est en train de se demander pourquoi la bousculade? Si les choses sont en train d'être menées de manière juste et équitable et dans les règles, alors il n'y a pas lieu de les bousculer. Meegwitch.

Le président : Je vous remercie tous d'être venus comparaître devant nous.

Avant de passer au dernier intervenant, j'aimerais inviter encore deux témoins à venir s'installer à la table : Lou Ella Shannacappo et Jean Courchene.

Mesdames, vous disposez chacune de cinq minutes.

Lou Ella Shannacappo, à titre personnel : Je viens de la Première nation Rolling River. J'aimerais par ailleurs vous souhaiter la bienvenue ici dans cette plus grosse et plus importante Première nation du Manitoba, la Ville de Winnipeg.

La population autochtone de Winnipeg est absolument phénoménale. La majorité des personnes qui viennent s'établir à Winnipeg sont des personnes handicapées. C'est justement ce pourquoi je suis ici.

Je travaille pour la First Nations Disability Association of Manitoba. À l'heure actuelle, il n'y a que des personnes employées qui travaillent pour les membres des Premières nations qui sont des personnes handicapées au Manitoba. Nous travaillons non seulement pour les personnes qui sont originaires du Manitoba, mais également pour celles qui viennent s'établir dans la province depuis l'Ontario ou ailleurs.

Si vous regardez la ville de Winnipeg elle-même et le facteur accessibilité, vous comprendrez pourquoi notre Ville de Winnipeg est surchargée de membres des Premières nations souffrant de problèmes de santé mais n'ayant pas d'autre choix que de déménager ici. Cela est devenu tout un problème.

Qu'il suffise de dire que je suis de ces personnes-là. Je suis aujourd'hui âgée de 50 ans. J'ai passé le gros de ma vie à Winnipeg. Je suis en chaise roulante depuis l'âge de 26 ans et je suis également grand-mère.

Lorsque vous regardez les processus électoraux, il importe de se pencher sur l'aspect accessibilité. Comme la plupart d'entre vous l'auront remarqué, lorsque je suis arrivée ici hier matin, j'ai eu de la difficulté à pénétrer dans l'immeuble car l'appareil n'était pas disponible. Bien souvent, les personnes handicapées doivent utiliser la porte arrière pour pénétrer dans un immeuble.

Il est plutôt dégradant, à l'époque où nous vivons, d'avoir à utiliser la porte arrière plutôt que l'entrée principale, et c'est ce que j'ai dû faire hier, car en dépit de la taille de cet hôtel, l'accessibilité peut être un problème.

Lorsque vous regardez le processus électoral, il importe d'examiner sa viabilité sur le plan de la protection de la vie privée et de la confidentialité. Si vous prenez nos élections fédérales, l'on tient compte de la protection de la vie privée, l'on tient compte de la confidentialité de l'identité du candidat pour lequel, nous autres personnes handicapées, votons. L'on ne peut pas dire la même chose des élections des Premières nations.

J'ai le cœur gros lorsque je pense aux personnes qui sont venues s'asseoir ici et qui ont dit ne pas vouloir que les personnes vivant hors réserve puissent voter. Je ne suis pour ma part pas d'accord, car j'estime qu'il est important que j'aie mon mot à dire quant au choix du chef de ma réserve.

J'appartiens à une famille qui a une longue lignée de politiciens — mon père, mon frère, qui a pris la parole hier, qui a été chef de notre réserve et qui est aujourd'hui le grand chef, ainsi que mon autre frère, Dennis Whitebird, un ancien chef, grand chef, grand chef de l'AMC et qui est également aujourd'hui commissaire aux traités.

Lorsque je songe au volet politique de ma vie et à toutes les choses que j'ai vécues, et à tout ce que j'ai entendu sur ce qui se passait non seulement dans ma collectivité de Première nation mais également ailleurs, du fait que je ne vivais pas dans la réserve, j'estime qu'il nous faut avoir une voix pour les personnes qui n'en ont pas. Et je veux parler des personnes handicapées vivant ici à Winnipeg.

Si l'on regarde autour de la salle, il s'y trouve des voix qui sont ici pour parler au nom des personnes vivant en dehors de la réserve, mais il faut savoir qu'il n'y a pas eu de publicité ou de communication à l'intention des nôtres ici à Winnipeg, des Autochtones urbains, pour qu'eux aussi puissent venir exprimer leurs doléances.

Dans notre base de données, j'ai plus de 1 000 personnes. J'aurais sans doute pu en avertir quelques-unes qu'elles pouvaient venir ici faire part de leurs préoccupations mais, malheureusement, je n'ai vu cela dans le journal que vendredi dernier. Si vous prenez la ville de Vancouver, la majorité des nôtres vivant en dehors des réserves sont des assistés sociaux, dont la plupart n'ont pas les moyens de s'acheter The Winnipeg Free Press, pour être au courant de toute la situation entourant ce qui se passe à l'heure actuelle. Or, j'estime qu'il s'agit d'un processus très important, et que les personnes handicapées ont le droit d'exprimer leurs préoccupations, ont le droit de s'asseoir ici à la table, de venir comparaître devant le comité sénatorial et de vous dire exactement ce qu'elles pensent au sujet du vote hors réserve.

Les nôtres sont tout aussi importants, surtout lorsqu'il s'agit de personnes handicapées, car nous sommes les voix qui ne se font pas entendre. Nous sommes toujours ceux qui sont au bas du totem, et c'est le cas depuis des années. Nous nous efforçons de convaincre nos dirigeants de regarder, de comprendre et de partager notre triste situation, en tant que personnes handicapées au Manitoba.

Voilà les préoccupations que je souhaitais déposer à la table pour le compte des personnes handicapées membres des Premières nations.

Jean Courchene, à titre personnel : Bonjour. Je viens de la Première nation Fairford. J'ai entendu parler hier de cette tribune et je tenais à venir. Je n'avais que trois dollars dans mes poches lorsque je suis arrivée. J'ai utilisé ma carte Visa pour me rendre à Winnipeg, pour acheter de l'essence. Voilà qui illustre ce que c'est pour les gens de la base lorsqu'ils veulent se déplacer. Ils n'ont aucun accès pour pouvoir assister à des tribunes de quelque genre que ce soit, où que ce soit, et ils n'ont pas de voix.

On ne nous dit pas ce qui se passe lorsqu'il y a des réunions, des réunions de chefs ou n'importe quelle autre réunion; on ne nous tient pas au courant.

Cette réforme électorale dont vous parlez, nous en avons sérieusement besoin. Lors de notre dernière élection à Fairford, il y avait une file d'attente jusqu'à la Chambre à coucher du chef pour que les gens se fassent payer pour leur vote. Pour ce qui est des bulletins de vote postaux, il y en a eu 200 qui étaient tout à fait identiques, signés par le même témoin. Ne venez pas me dire c'était un pur hasard.

S'il va y avoir une réforme électorale au niveau des bandes, alors il nous en faut également une au niveau provincial ainsi qu'au niveau national. Dans l'état actuel des choses, nous ne votons pas pour le grand chef ni pour l'un quelconque des grands chefs régionaux au Manitoba, et nous ne votons pas pour le chef national. Or, nous sommes beaucoup trop sur-gouvernés.

Nous sommes assujettis à une dizaine de gouvernements sans doute. Au niveau de la bande, au niveau tribal, au niveau régional, au niveau provincial, au niveau national, nous avons des cogestionnaires, nous avons des séquestres, nous avons la province, nous avons le gouvernement du Canada, et nous avons des centaines et des centaines de comités à chaque palier des organisations de chefs. Il s'agit de comités présidés par des chefs et réunissant des chefs, et nous n'entendons jamais parler de ce qui s'y passe. Nous n'en avons que quelques échos s'il nous arrive de tomber sur Grassroots News ou quelque autre revue autochtone.

Il nous faut des changements. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. De temps à autre, le gouvernement entreprend d'entendre ce qu'ont à dire les Autochtones.

En 1982, j'ai entendu des dirigeants autochtones supplier le gouvernement du Canada pour obtenir l'autonomie gouvernementale, mais rien n'est arrivé. Au Manitoba, environ 59 millions de dollars ont été dépensés sur un protocole d'entente relativement à l'Entendre-cadre sur l'autonomie politique. À mi-parcours, le projet a été stoppé après que tout cet argent ait été dépensé.

Puis il y a eu les séances sectorielles du gouvernement du Canada et des peuples autochtones sur le logement, le développement économique, la santé et l'éducation, et ce à l'échelle du pays. J'ai assisté à certaines de ces séances et ai dit aux Autochtones lors de la réunion de Calgary que le gouvernement souhaitait simplement savoir où nous en étions et ce que nous avions en tête. C'est l'impression que j'en ai, c'est à cela que cet exercice ressemble, et tout cet argent qui est dépensé ne débouche sur rien.

Nous avons eu la super grosse commission royale. Qu'en est-il sorti, une fois tous ces millions de dollars dépensés? Nous continuons de vivre dans la pauvreté. Mon conjoint n'a même pas une route qui mène à sa maison. Il doit dormir dans la maison de sa nièce après une pluie ou une grosse tempête de neige.

Personne ne veut parler de la pauvreté. Nous ne pouvons pas parler de la pauvreté; nous ferions mauvaise impression. Je vois la pauvreté et cela me blesse. Je pleure à cause de la pauvreté. Cela me brise le cœur. Or, je vois la richesse dans ce pays, ce pays qui appartenait autrefois aux nôtres, aux Indiens. Pendant combien de temps allons-nous laisser faire et tolérer le traitement abusif que nous infligent notre gouvernement et les nôtres? Où est l'acte de vente de notre pays? Nous ne touchons rien en provenance de nos ressources. Quand allons-nous obtenir les ressources qui nous appartiennent?

La moitié du temps, je ne peux même pas payer ma note d'électricité. À l'époque où nous vivons, je dois encore aller puiser mon eau. L'on donne des millions de dollars au Pakistan et à l'Afghanistan, mais nous avons dans notre propre pays des gens qui ont faim. Meegwitch.

Le président : Merci.

Le sénateur Dyck : J'ai une petite question rapide pour Mme Shannacappo. Vous avez dit ne pas avoir entendu parler de ces rencontres avant d'avoir vu quelque chose dans le journal. Pourriez-vous nous faire une recommandation afin que nous puissions mieux communiquer la tenue de tels événements aux gens vivant dans la collectivité?

Mme Shannacappo : Il y a dans cette ville beaucoup de gens et beaucoup de journaux autochtones. Nous avons également ici une station de radio autochtone. Je suis également étonnée que l'Assembly of Manitoba Chiefs n'ait pas permis aux gens — en règle générale, lorsqu'il se passe quelque chose qui intéresse l'AMC, elle publie des avis, mais il n'y a rien eu. Il y a dans les locaux de l'AMC un grand tableau d'affichage que consultent les gens. Tous les autres bureaux tribaux et bureaux autochtones ici en ville auraient pu épingler des avis sur les tableaux d'affichage qui sont accrochés dans les entrées, mais il n'y a rien eu. Cela me surprend.

Le président : D'après les renseignements dont je dispose, un avis a été publié dans First Nations Drum ou bien était- ce dans Grassroots News?

Mme Courchene : Dans Grassroots.

Le président : L'avis a été publié dans ce journal. Mais peut-être que nous n'avons pas donné un préavis suffisant, et nous nous en excusons. Nous devons mettre à profit les fautes commises, et j'espère que notre tir sera le bon la prochaine fois.

Mme Courchene : Excusez-moi, mais puis-je poser une question? Je vous ai plusieurs fois entendu parler d'un projet pilote. Lorsqu'ont débuté les négociations au sujet des écoles résidentielles, nous avons produit une pétition. Puis, tout d'un coup, on nous a lancé des projets pilotes et on nous en a donné 12 pour le Canada, pour tout le pays. Nous avions tout de suite eu le sentiment qu'on cherchait à nous diviser pour mieux régner.

Le président : Je ne vois pas de désir de diviser pour régner, et le projet pilote...

Mme Courchene : Mais cela nous affaiblit chaque fois que nous sommes divisés.

Le président : Ce que nous essayons de faire c'est traiter d'une fusion sur ce plan en ce qui concerne les Premières nations du Traité 1. Je prends bonne note de vos propos, et je suis convaincu que les autres membres du comité les prendront au sérieux et en tiendront compte avant que nous n'entreprenions quoi que ce soit.

Sénateurs, le témoin suivant est le chef Glenn Hudson, de la Première nation Peguis. Il a été des nôtres hier dans le cadre du groupe représentant les Premières nations du Traité 1. Il est ici pour s'entretenir avec nous au sujet de sa Première nation.

Chef, vous avez la parole.

Glenn Hudson, chef, Première nation Peguis : Je vous remercie encore une fois de l'invitation à intervenir. Je sais qu'un autre groupe m'a précédé, mais cela montre le style de leadership que je pratique à Peguis. Les gens sont libres de parler à volonté, que ce soit lors des réunions de bande, que nous avons commencé à tenir depuis peu. C'était la première fois que nous avons organisé une assemblée de bande dans notre collectivité depuis 12 ans, pour discuter de questions générales. Je voulais simplement vous le faire savoir.

J'ai rédigé quelques notes pour mon exposé, traitant évidemment des élections et de certains des problèmes que j'ai rencontrés. Mon intervention précédente expliquait ce qui était ma position lorsque j'étais candidat à mon poste.

Nous avons une population d'environ 8 700 personnes, dont 4 500 vivent dans la réserve. J'ai grandi à Peguis, et ai été candidat quatre fois de suite avant d'être élu. Je signale simplement que je possède un diplôme d'ingénieur et j'ai évidemment voulu revenir dans la réserve pour servir la collectivité. Le rôle de chef en est un où je voyais beaucoup de problèmes. Nous avons beaucoup de problèmes dans nos collectivités autochtones, mais j'ai toujours eu comme objectif, depuis l'enfance, de diriger notre communauté. Je pense m'être préparé à cela.

À mon retour, j'ai été affligé de voir les conditions de vie dans la communauté et la triste situation des nôtres, de nos jeunes, et ai décidé d'agir pour améliorer les choses. Manifestement, les élections étaient l'un des gros problèmes.

Chez les Peguis, c'était une époque de souffrances, les mêmes qui affligent toutes les collectivités autochtones, marquées par un chômage élevé, un faible développement économique, des taux de décrochage scolaire élevés chez nos jeunes et un gros déficit budgétaire qui ne cessait d'augmenter. Sachez que j'ai hérité d'un déficit de 26 millions de dollars à mon arrivée.

Je ne prétendrai pas que la situation aujourd'hui est parfaite, non, loin de là.

Lors de ma quatrième tentative, j'ai été élu avec une courte majorité de 66 voix. À ma troisième tentative, j'ai perdu par 29 voix et ai décidé d'interjeter appel, de suivre le mécanisme d'appel prévu par la Loi sur les Indiens.

Le mandat fixe de deux ans faisait l'objet de nombreuses critiques. C'était difficile sous le régime de la Loi sur les Indiens. L'une des principales difficultés, comme je l'ai dit, était ces mandats de deux ans. Chaque fois qu'arrive la date de ces compétitions et élections, c'est une source de discorde dans notre collectivité.

D'après toutes les personnes qui se sont penchées là-dessus et les réactions que j'ai recueillies, le poste de chef ou de conseiller est un emploi. À mes yeux, en tout cas, c'est un poste de grand prestige. Forcément, on a envie de revenir et d'œuvrer pour le bien de sa communauté. C'était mon plan, mon projet dans l'arène politique.

Évidemment, un mandat de deux ans est trop court pour entreprendre les initiatives et les réformes de long terme qui sont nécessaires pour asseoir le développement communautaire. Il en résulte que souvent l'on se précipite pour réaliser des progrès avant l'expiration du mandat.

J'ai passé les premiers six à huit mois de mon mandat à simplement me familiariser avec la fonction et notre situation et à traiter avec le gouvernement. Mais malgré la fenêtre de deux ans, à Peguis nous n'avons jamais eu un gros roulement au conseil. Une fois que vous avez été remplacé dans votre fonction de chef ou de membre du conseil, l'histoire de notre communauté montre que vous ne retrouvez jamais le poste une fois que vous l'avez perdu. Je pense que les électeurs de Peguis prennent leurs décisions une fois pour toutes sur le choix des dirigeants qu'ils veulent élire. Nul membre du conseil ou nul chef n'a jamais été réélu.

Évidemment, comme on le dit au sujet des politiciens, il existe des façons moins honnêtes de s'accrocher au pouvoir. Moi-même, dans notre collectivité, j'ai voulu disperser le pouvoir et laisser les gens décider par qui ils veulent être représentés, non seulement au niveau du conseil, mais aussi à celui des délégués élus qui négocient les revendications territoriales. Il en va de même du conseil scolaire.

Au cours de mon premier mandat, à la demande de la collectivité, nous avons mis en place des élections au conseil scolaire. Un appel à ce sujet est en cours d'examen. Nous avons mis en place nos propres mécanismes internes pour ce qui est des procédures et processus à cet égard, avec la décision de notre propre agent électoral et agent électoral adjoint, qui sont des membres de la bande ayant l'expérience de l'organisation de ces élections et du mécanisme d'appel. Pour élaborer ces procédures, nous avons bénéficié de l'aide d'une personne qui jouit d'une haute estime au Manitoba et dans tout le pays. Le juge Murray Sinclair nous a aidé à élaborer nos mécanismes et il s'occupe également de notre comité de l'appartenance.

Avoir des personnes comme cela au conseil contribue beaucoup à l'intégrité et à la légitimité de la structure de ces mécanismes.

Le conseil scolaire n'est pas différent à cet égard, à mon point de vue. La façon dont nous avons abordé ces élections est précisément la même, à savoir qu'il fallait garantir l'intégrité du processus — mais il faut aussi un mécanisme de recours. C'est ce que nous avons établi, avec un ancien agent de la GRC ayant passé 25 années dans la GRC siégeant au comité d'appel. Nous avons également comme membre de ce comité d'appel une personne diplômée en droit et un aîné de la collectivité. Ce sont ces personnes qui tranchent tous les appels contre les élections au conseil scolaire.

Nous mettons actuellement en place notre propre structure de gouvernance, ce qui est une première dans notre collectivité. Nous suivons un processus similaire pour mettre au point le mode de scrutin des élections de bande à cause des insuffisances des procédures électorales de la Loi sur les Indiens.

Pour ce qui est de l'instabilité et de l'incertitude dans notre système politique, c'est là qu'elles prennent leur origine. La Loi sur les Indiens a été invoquée dans la cause Corbière, avec pour conséquence que les membres hors réserve de la bande ont reçu le droit de participer aux élections.

À mes yeux, on est un Indien inscrit partout où l'on se trouve. Où que je sois, on me demande toujours d'où je viens. La première chose que je réponds, c'est que j'appartiens à la Première nation Peguis. Je ne dis pas que je viens du Manitoba, ou du Canada, ou de la municipalité ou de la ville où j'habite, qui est d'ailleurs toute proche, je dis que je viens de la Première nation Peguis. Nous sommes donc très fiers de cette appartenance.

Mais le jugement Corbière a été mis en œuvre en ignorant l'obligation de consultation et l'obligation d'accommodement. Mais lorsqu'il s'agit de décider qui peut participer aux élections, le vote devrait être ouvert à tous ceux qui font partie de notre nation.

À mes yeux, à Peguis, nous avons connu une situation qui a résulté de notre processus de revendications territoriales, nous avons été divisés au cours des 100 dernières années à cause de la cession illégale de notre ancienne réserve. Nous avons maintenant l'occasion d'unifier de nouveau notre nation, indépendamment du lieu où l'on vit, que ce soit à Peguis ou dans la ville de Winnipeg ou à Selkirk ou même en Nouvelle-Zélande. L'un de nos membres y réside et il est en contact constant avec notre Première nation.

De ce point de vue, de la façon dont je vois les choses comme leader et comme personne, nous sommes tous membres d'une nation, cette nation étant la Première nation Peguis.

Traditionnellement, lorsqu'on remonte en arrière jusqu'à l'époque précédant les traités, nous n'habitions pas toujours au même endroit; nous nous déplacions pour aller là où se trouvaient les ressources permettant de subsister à l'époque, et nous nous déplacions librement à travers la province ou le pays. Je pense que le fait d'autoriser les nôtres, qu'ils vivent dans la réserve ou en dehors, de participer aux élections est un reflet de cette histoire.

Cela a été fait sans la consultation qui était requise et, manifestement, sans accommodement. Aujourd'hui, sur le plan de notre financement, par exemple, ce que l'on nous verse est fonction de la population de la réserve alors que plus de la moitié vit en dehors de la réserve.

En ce qui concerne l'ouverture du droit de vote, il aurait dû s'accompagner d'un financement accru car il y a beaucoup de nécessiteux qui ont continué à vivre dans ce qui était notre ancienne réserve, qui nous a été prise illégalement. Ils pensent toujours que nous leur devons des comptes. Leurs besoins doivent être pris en considération. Mais vu la situation financière, c'est très difficile.

Pour ce qui est d'avoir des durées de mandat uniformes et des élections le même jour partout de façon à rationaliser les scrutins, nous sommes certainement en faveur du passage à des mandats de trois ou quatre ans. La collectivité en décidera car, en fin de compte, c'est elle qui prend les décisions sur toute mesure résultant d'un code électoral commun.

En ce qui concerne l'administration des élections et les mécanismes d'appel, quelqu'un a mentionné tout à l'heure que l'agent électoral m'était apparenté. Ce n'est pas vrai et, évidemment, cet appel sera tranché. La personne qui organise nos élections au Manitoba jouit d'une haute estime et est un ancien cadre de la GRC. Il se comporte en conséquence. Nous pensons qu'il était la personne toute désignée pour assurer la reddition de comptes et la transparence et veiller à ce que tout se passe dans les règles. Il a l'habitude de travailler dans les collectivités autochtones et il a aussi épousé une Autochtone. Il comprend donc bien les difficultés qui existent chez nous, non seulement sur le plan électoral, mais aussi celui des conditions de vie générales des nôtres.

En ce qui concerne nos élections individuelles, comme je l'ai mentionné, j'ai été candidat pour quatre mandats de suite. À ma quatrième candidature, j'ai été élu. Lors de la troisième élection, nous avions une situation où des avantages, de l'argent, des meubles avaient été distribués. Ce scrutin a fait l'objet d'un contrôle judiciaire. Il a fallu attendre huit mois pour obtenir une réponse du gouvernement sur cet appel. C'est pour cela que nous n'avons pas été satisfaits du résultat, des conclusions du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et des responsables d'Ottawa. Nous avons donc demandé un contrôle judiciaire. Après un processus long et ardu, la cause a été entendue deux mois seulement avant l'élection suivante. C'était donc au bout de 22 mois sur un mandat de 24 mois. Le juge McTavish, qui a présidé notre contrôle judiciaire, a conclu qu'il y avait effectivement eu des problèmes avec notre scrutin et des actes de corruption avérés.

Je vais vous lire un passage du jugement. Il indique que : « La décision selon laquelle les éléments de preuve ne justifiaient pas un constat de corruption était déraisonnable car fondée sur des constatations de faits erronées et ignorait les éléments de preuve présentés ». Voilà.

Le sénateur Sibbeston : C'est difficile à comprendre, car il y a tellement de négations dans la formulation. Pourriez- vous relire cette citation?

M. Hudson : Le contrôle judiciaire établit que la décision voulant que les éléments de preuve ne justifiaient pas un constat de corruption était déraisonnable. Autrement dit, il y a eu corruption. La décision initiale d'AINC était fondée sur des constatations de faits erronées et ignorait les éléments les éléments de preuve présentés. Nous avions interjeté appel. Un agent d'appel désigné par AINC a fait son enquête et les responsables des appels à Ottawa ont rendu une décision. Le point de vue du juge qui a présidé au contrôle judiciaire était différent.

Étant donné que nous avons reçu ce jugement le 22e mois d'un mandat de 24 mois, les fonctionnaires d'AINC m'avaient sommé de prouver mes dires. Il m'a fallu trois élections. Il a fallu que je mette beaucoup d'argent de ma poche et il m'a fallu beaucoup de soutien des membres de la communauté pour apporter des preuves. Et nous y sommes parvenus en fin de compte. Mais qu'en a-t-il résulté? Rien. Une nouvelle élection a été déclenchée. Et ceux qui étaient la cause de ce résultat, de cette constatation, de ces manœuvres irrégulières, ont été autorisés à se présenter néanmoins. Comment cela se fait-il, alors qu'un juge a tranché qu'il y avait eu des problèmes?

En tout cas, par rapport aux interventions précédentes, je ne suis pas en faveur e cela du tout. Ce n'est pas le genre de choses que je pratique. Je sais que nous avons apporté de nombreux changements importants à notre gouvernance et à notre mode de scrutin. Étant donné que Corbière nous a été imposé sans égard à l'obligation de consulter et d'accommoder, cela s'est accompagné d'avantages et d'inconvénients. À mes yeux, cela a permis la participation aux élections de gens qui en étaient exclus auparavant. Ils font partie de notre nation. Je vois cela d'un œil favorable. Cela construit la nation, permet aux nôtres de s'exprimer. Du côté des inconvénients, cette ouverture n'a pas été accompagnée du financement que requiert la participation des nouveaux électeurs au scrutin et aux affaires de la bande.

Comme je l'ai dit, moi qui suis passé par ce processus, à qui est-ce que je peux m'adresser lorsqu'Affaires indiennes et du Nord Canada ne me donne pas les renseignements appropriés, ne prend pas les décisions adéquates? Est-ce que je m'adresse aux autres chefs, ce que j'ai fait, mais ils ne voulaient pas se mêler les affaires d'une autre Première nation — et je me heurte donc à des barrières. C'est l'une des raisons pour lesquelles je ne veux pas intervenir moi-même dans ces processus. Je suis pour le laissez-faire. Je sais que l'on parle de la coutume de la bande. Et de l'avis des gens, c'est un système coutumier. Mais il est taillé sur mesure par qui? Par ceux actuellement au pouvoir, et qui vont donc le structurer en leur faveur. À mes yeux, ce n'est pas là le but.

La raison pour laquelle je suis en faveur de l'Initiative du Traité 1 est qu'elle prévoit qu'un conseil d'anciens peut établir notre comité d'appel, ou désigner des hommes ou des femmes ou même des jeunes, ou même un conseil de chefs, pour prendre des décisions en appel. Je suis certainement en faveur de cela. Évidemment, lorsque je fais appel à des personnes telles qu'un juge, d'anciens agents de la GRC ayant plus de 25 années d'expérience qui n'ont jamais rencontré de problèmes au cours de leur histoire de travail dans la GRC, ce sont là des gens crédibles. C'est vrai également de personnes ayant des connaissances juridiques. C'est très difficile.

Je sais que l'on me présente comme un dictateur, mais il n'est jamais facile d'apporter des changements dans la communauté, surtout lorsque vous visez des changements positifs. Et lorsqu'il s'agit d'établir une gouvernance plus rationnelle, oui, nous lançons des changements en matière de gouvernance, surtout concernant l'appartenance. Là encore, c'est le juge Murray Sinclair qui préside aux décisions sur l'appartenance. Je n'ai aucune objection à cela.

Nous avons un nouveau département des ressources humaines. Nos fiducies de revendications territoriales sont régies par la population Une innovation majeure est un agent d'information contrôlant l'échange d'information dans notre processus. Je ne veux certainement pas m'en mêler, mais il faut une politique et un mécanisme en place pour contrôler ces choses. Il y a tellement d'autres aspects.

Je sais que ce n'est pas parfait. Bien sûr, chacun a sa propre opinion et chacun a droit à sa propre opinion. Je n'y suis certainement pas opposé. Moi-même, quand j'étais garçon, j'avais toujours une opinion. Je posais quantité de questions et mes parents m'y encourageaient. Et je fais donc de même comme chef, laissant chacun former son opinion et personne ne va perdre son emploi pour avoir exprimé son opinion. C'est tout une question de crédibilité, de mise en place d'un processus intègre que la communauté peut suivre et accepter. Voilà ce que je préconise.

Le président : Avez-vous terminé votre déclaration, monsieur?

M. Hudson : Je sais qu'il y a beaucoup de problèmes avec ce processus et je veux le voir changer. Je sais qu'il nous a été imposé. La Loi sur les Indiens elle-même est archaïque. Et les élections, si l'on remonte dans le passé à l'époque où ce système a été introduit, servaient à contrôler les Indiens. Ce mandat de deux ans visait à semer la discorde dans la communauté, à mon avis.

Nous laisserons les gens de notre communauté décider, dans le cadre du mode de scrutin, s'ils veulent un mandat de quatre ans, ou de trois ans. Nous devons avoir notre mot à dire sur tout changement apporté à la Loi sur les Indiens. Le gouvernement fédéral a l'obligation de consulter et d'accommoder. Voilà ce que je voulais dire en conclusion.

Le sénateur Sibbeston : Au sujet du droit de vote de ceux qui ne vivent pas dans la réserve, vous dites que votre Première nation compte 8 700 membres et que 4 500 vivent dans la réserve. Dans votre cas, si tous ceux qui vivent hors réserve votent, cela peut avoir une influence énorme sur le résultat d'une élection. C'est donc un sujet très important.

En ce qui concerne les dames qui ont comparu avant vous, vous dites qu'elles considèrent que cela pose des problèmes. Peut-on faire en sorte que le vote des membres hors réserve ne soit pas seulement perçu comme équitable — quels changements recommanderiez-vous à ce système pour que tout le monde le considère équitable? Je peux comprendre l'inquiétude, car ceux qui vivent dans la réserve connaissent la situation, savent au jour le jour ce qui se passe et considèrent donc avoir une bien meilleure connaissance des enjeux. Alors que quelqu'un qui vit en Nouvelle- Zélande ou à Vancouver et ainsi de suite est coupé de tout cela. Ces électeurs ne connaissent peut-être pas les candidats, ne connaissent pas les enjeux, mais ont tout autant la possibilité que quelqu'un qui vit dans la réserve de donner leur opinion.

Ne pouvez-vous comprendre que cela soit perçu comme un problème? Que proposez-vous pour que tout le monde considère cela comme juste?

M. Hudson : L'une des difficultés est de contacter les membres vivant très loin. Comme je l'ai mentionné, nous en avons en Nouvelle-Zélande et à Gallup, au Nouveau-Mexique. Je sais qu'ils s'intéressent à notre vie politique. Mais nous pouvons utiliser nos sites Internet pour garder le contact.

Lors du dernier scrutin, il se trouve que des propos diffamatoires à mon égard ont été répandus, et des rumeurs et des commérages sur un site Internet — mais il faut trouver des façons de garder le contact avec ces gens.

Lorsqu'on parle de publier la liste des membres et la liste des adresses, je sais que j'étais dans le même bateau lorsque j'étais candidat à ce poste. Je trouvais que nous n'étions pas traités équitablement. Nous avons dû nous-mêmes trouver le moyen de contacter ces gens, en les cherchant dans les annuaires téléphoniques, les pages blanches, et par d'autres moyens.

En ce qui concerne leur participation, pour moi tout cela s'inscrit dans l'édification de la nation. Mais il faut prévenir en même temps les abus, le fait que l'on voit des gens arriver avec plein de bulletins de vote remplis, parce que vous avez des familles qui comptent cinq, 10 personnes en dehors, et lorsque quelqu'un passe par chez elles on leur dit, tiens, prend donc mon bulletin de vote. Je pense qu'il faut éliminer cela et faire en sorte que tous les bulletins postaux soient envoyés par la poste et soient frappés du timbre postal.

Je sais que chez nous il y a eu des problèmes qui sont le reflet de ces objections. Nous avons eu un problème avec un agent électoral désigné par les Affaires indiennes. Il a fini par être démis de ses fonctions. Aussi, les gens postaient leurs bulletins à volonté. Mais arriver avec une pile de bulletins de vote ne me paraît pas du tout approprié. C'était également l'un de mes arguments.

Je connais l'agent électoral que nous avons en place aujourd'hui, s'il voyait 10 personnes arriver avec 10 bulletins de vote, il contesterait cela. C'est différent si vous avez un ou deux ou trois membres de la famille supplémentaires susceptibles de voter.

Je pense que la solution est de veiller à ce que les bulletins soient envoyés par la poste au lieu d'être remis en main propre.

Le sénateur Sibbeston : Une autre de mes questions porte sur le coût d'un appel. Il arrive évidemment que des élections soient contestées, pour diverses raisons. Cela semble faire partie intégrante du système électoral indien. Je connais un avocat dans le Nord de l'Alberta qui a dit qu'au cours des deux dernières années, une bande a dépensé plus d'un million de dollars rien qu'en honoraires d'avocat à cause de l'appel. Au cours des cinq dernières années, diverses Premières nations du Nord de l'Alberta ont dépensé 20 millions de dollars pour les appels. Un recours qui va jusqu'en Cour fédérale coûte très cher. Il dit aussi que c'est une procédure très lourde. Ces juges fédéraux ne connaissent rien à la politique indienne ni à la façon dont les choses se passent dans une réserve et ainsi de suite. Ils sont donc obligés, en un sens, de rendre des décisions sur une base purement légaliste, qui n'apporte pas une réelle justice aux intéressés.

Quelle est la solution, dans l'avenir, sachant qu'il y aura des appels? Je sais que nous avons posé la question aux fonctionnaires à Ottawa. Ils disent oui, nous avons un petit groupe au bureau central qui s'occupe des appels et ainsi de suite. Il semble que nous n'ayons pas un bon système efficient, compétent et équitable pour trancher les appels, alors que faisons-nous? Que recommandez-vous pour régler ce problème?

M. Hudson : C'est difficile à dire. Encore une fois, avec un système juridique qui nous a été imposé, je sais que ce n'est pas notre méthode autochtone traditionnelle de régler les différends. Ce que nous devrions faire et ce que nous allons devoir faire, c'est élaborer notre propre mécanisme d'appel, que ce soit au niveau de la Première nation individuelle ou à un niveau supérieur, comme on l'a demandé, soit au niveau des régions de traités ou de toute la province. Mais il doit émaner de nos Premières nations et ne pas être un mécanisme proprement légal très coûteux.

Je sais que notre dernier appel en 2007 a coûté plus de 30 000 $ d'honoraires juridiques, juste pour ce seul appel. C'est donc très coûteux. La meilleure réponse que je puisse vous donner c'est que le système doit émaner de nos Premières nations, individuelles ou collectives : il faut mettre sur pied un mécanisme d'appel qui soit à l'abri des influences. Ce qui fait le plus de tort, c'est l'argent qui arrive dans la communauté. L'argent rend les gens fous. Il faut mettre le système à l'abri de cette influence.

Le sénateur Lovelace Nicholas : La fonction de chef et de conseiller, est-ce un poste rémunéré?

M. Hudson : Oui.

Le sénateur Lovelace Nicholas : D'où provient l'argent?

M. Hudson : Il provient des programmes de la bande, d'Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Est-ce que le ministère réserve un certain montant pour le chef et les conseillers?

M. Hudson : À l'heure actuelle, nous bénéficions d'une Entente de financement Canada-Premières Nations. C'est un financement global que nous recevons sur une période quinquennale. En vertu de cet accord de financement, nous pouvons décider combien attribuer à chaque programme individuel et, évidemment, déterminer les rémunérations.

Pour compléter la réponse, je sais que dans le passé, dans notre communauté, il y a eu des objections concernant les salaires et les rémunérations versés. L'an dernier, dans le cadre de la structure de gouvernance que nous créons, nous avons fixé certaines limites à la rémunération du chef, de même que des membres du conseil. Nous ne pouvons dépasser ce montant. À l'heure actuelle, nous avons un rappel mensuel des montants disponibles ou des dépassements de nos affectations budgétaires.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Cela ne prive pas les membres de la collectivité?

M. Hudson : Il faut décider de la répartition des fonds. On essaie d'établir un budget avec l'argent qui vous est donné. Sachez que notre population augmente à un rythme nettement plus rapide que les majorations de crédits que nous recevons en vertu de cette entente de financement. Où est la justice là-dedans? Il n'y en a pas.

Le sénateur Peterson : À ce sujet, vous dites que le financement est déterminé par la population vivant dans la réserve — est-ce exact?

M. Hudson : Oui, le financement que nous recevons, principalement, sauf pour la santé et l'éducation, est déterminé par...

Le sénateur Peterson : Le total?

M. Hudson : Oui, les fonds pour le logement, notre infrastructure, les différents programmes au sein de la communauté, sont établis en fonction de la population de la réserve — oui.

Le sénateur Peterson : Mais vous êtes obligés de vous occuper aussi de membres vivant hors réserve, n'est-ce pas?

M. Hudson : Tout dépend de votre style de leadership, n'est-ce pas? Si vous voulez simplement utiliser l'argent qui vous est alloué à l'intérieur des limites de la réserve, c'est votre droit. Mais si vous visez un mandat plus large, comme je viens de l'expliquer, je préférerais que notre nation s'unisse de nouveau, ceux vivant dans la réserve et en dehors, car nous avons été séparés au cours des 100 dernières années, et notre Première nation comprend les membres hors réserve. Mais nous ne recevons pas pour eux de fonds pour le logement, le développement infrastructurel, et cetera.

Le sénateur Peterson : Pensez-vous qu'avec la nouvelle règle, qui leur donne le droit de vote, il faudrait revoir la formule de calcul de ce financement?

M. Hudson : Eh bien, certainement. C'est l'une des choses que nous, les dirigeants des Premières nations, avons demandée, que le financement soit ajusté pour refléter non seulement notre population croissante mais aussi les Autochtones vivant hors des réserves.

Le sénateur Peterson : Est-ce que le chiffre est déterminé en fonction du recensement tous les cinq ans? Vous parlez de la croissance démographique. Quand le rattrapage aura-t-il lieu?

M. Hudson : Au moment du recensement, oui.

Le sénateur Hubley : Ma question va dans le même sens que celle du sénateur Peterson. Quels services fournissez- vous à vos membres hors réserve qui se répercutent sur votre budget?

M. Hudson : Il y a différentes choses. En ce moment, on ne cesse de réduire le remboursement des services dentaires. Ceux qui ont besoin de certaines procédures dentaires doivent les payer de leur poche. Si vous êtes assisté social, ou même ne bénéficiez d'aucune assistance du tout, où allez-vous trouver l'argent pour cela? Même chose avec les médicaments, même chose avec l'éducation. On ne nous donne qu'un montant donné et nous nous efforçons de servir autant de gens que possible.

Le sénateur Hubley : Et dans la réserve et en dehors?

M. Hudson : Oui.

Le président : Merci, chef Hudson, de votre exposé et de vos réponses aux questions des sénateurs.

Nous allons maintenant passer à la deuxième séance à micro ouvert de l'après-midi. J'invite Roderick Ross, Elmer Courchene, Renata Mecorise et le chef Marcel Balfour à s'avancer.

Nous allons commencer avec M. Ross.

Roderick D. Ross, à titre personnel : Bonjour, monsieur le président, ainsi que vos distingués collègues.

Je me nomme Roderick D. Ross. Le « D » est l'initiale de Darren, car mon père est également nommé Roderick Ross, mais je ne suis pas junior. Je suis le descendant de Jacob Berens, de la Première nation de Berens River, Traité 5. Je vous remercie d'être ici cet après-midi en notre compagnie.

J'ai une suggestion à faire avant de poser mes questions, si vous le permettez. Par respect pour les anciens et les chefs et les dames et messieurs qui sont ici, si vous pouviez présenter vos collègues, ainsi que les deux messieurs derrière vous, s'il vous plaît?

Le président : Voici le sénateur Sibbeston, notre vice-président, des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons ensuite le sénateur Peterson, de la Saskatchewan.

Les deux messieurs derrière moi — l'un est le gars pour qui je travaille, c'est mon chef. Je travaille pour lui depuis pas mal de temps. Il est sorti en ce moment, c'est le type blond. L'autre c'est...

Le sénateur Sibbeston : Il travaille pour moi comme chargé de recherche.

Le président : L'autre est Hayden Trenholme. Il y a le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, et le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Ross : Merci.

En ce qui concerne ce processus ou cette étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada — le sujet précis étant les questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens — ma première question — et vous voudrez peut-être les noter au fur et à mesure — est de savoir où nous en sommes dans ce processus? Qui a pris l'initiative de cette étude et pour quel motif?

Le président : Poursuivez.

M. Ross : En ce qui concerne les élections urbaines, les fonds urbains, spécifiquement par suite de la décision Corbière, l'arrêt Corbière a conféré le droit de vote aux membres hors réserve. Il s'ensuit que quiconque veut être candidat à un poste de conseiller peut le faire en vivant en milieu urbain. Auparavant, il fallait avoir résidé dans la réserve pendant six mois.

Mon autre question est qu'au cours des 10 ou 12 dernières années, nous avons imposé à certains de nos peuples des codes électoraux. Ils ont dépensé des milliers de dollars pour remanier leurs codes électoraux. Prenons, par exemple, un chef qui en est à la première année de son mandat, ou à une année et demie ou une année et trois quarts de son mandat, lorsque ce nouveau système électoral prendra effet, s'il est adopté, que va-t-il advenir de ce chef? Comment le système va-t-il fonctionner? S'il en est à 18 ou 19 mois de son mandat, va-t-il rester en fonction pendant les quatre ou six mois restants, ou bien comment cela va-t-il marcher?

Pour terminer, je pense qu'il nous faut des délais suffisants et une sensibilisation. Je fais remarquer au président St. Germain, sauf tout mon respect, que cette salle aurait dû être au moins six fois plus grande. Je sais que vous avez essayé de sensibiliser les nôtres. L'un des aînés a mentionné qu'une assemblée a eu lieu la semaine dernière à Sagkeeng et que nul n'a soufflé mot de cette audience. Meegwitch.

Ceci est juste le début. C'est une vaste entreprise. Je vous encourage à ne rien précipiter. Vous nous donnez jusqu'à 17 heures pour discuter de quelque chose, dont les conséquences vont toucher nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants et ainsi de suite. Comme nous le réalisons tous ici, nous sommes assis à cette table, la politique colore tous les aspects de notre vie, que nous soyons impliqués directement ou indirectement. Meegwitch.

Le président : Merci. Nous vous donnerons les réponses à vos questions. Nous avons vos coordonnées, je crois, et nous répondrons à vos questions.

M. Ross : Je crois qu'il me reste encore deux minutes et demie.

Le président : Non, il vous reste une minute. Mais cela dit, nous reviendrons à vous. Pour ce qui est d'une participation plus grande, il ne fait aucun doute que nous avons fait de notre mieux — rien n'est parfait.

M. Ross : Non, mais la dimension de la salle est révélatrice de l'auditoire que vous attendiez. Meegwitch.

Le président : Non, car on peut déplacer la cloison et avoir deux fois plus de places. Merci.

M. Ross : Merci. J'aurais préféré que vous répondiez à mes questions ici, mais c'est vous le patron.

Le président : Si nous avons le temps, je répondrai.

M. Ross : D'accord. Merci.

Le président : Je le ferai.

Elmer Courchene, à titre personnel : Bonjour. Cinq minutes ne mènent à rien. Je n'ai même pas le temps de me gratter le dos.

Lorsque j'ai entendu parler de cela l'autre jour, je me suis demandé à quoi cela allait servir? Comment se fait-il qu'un singe surgisse de nulle part, dont je n'ai jamais entendu parler?

Je me suis impliqué au cours des six dernières années, sillonnant le pays pour écouter. J'ai vu la souffrance, la pauvreté et le mal de vivre des nôtres.

Il y a quelques instants, je suis sorti fumer une cigarette et j'ai vu l'un des nôtres s'approcher de moi. Nous avons parlé notre langue. Lorsque je l'ai regardé, j'ai ressenti la souffrance. Je me suis demandé : que faisons-nous? Où allons- nous? Pourquoi dois-je voir l'un des nôtres errer dans une ville, sans que l'on ne parle du principal problème menant à cela. Où est le débat sur l'équité des ressources? On n'en a jamais. Pourquoi? J'aimerais le savoir. Parce que toutes ces souffrances que nous voyons n'existeraient pas si l'on avait réglé il y a déjà très, très longtemps le problème de l'égalité des ressources, à l'époque où nos ancêtres ont signé les traités.

Nous avons beaucoup à étudier et nous devons regarder la vérité en face et être francs les uns envers les autres.

Si nous nous laissons pousser au gré du vent, nous n'allons jamais régler les problèmes en face de nous. Nous n'arrêterons pas de tourner en rond. Quelqu'un va se faire payer des millions de dollars pendant que d'autres souffrent, parce que l'on ne veut pas regarder en face le problème ultime, la question de la répartition équitable des ressources. Elle se pose depuis des temps immémoriaux.

C'est par-là qu'il faut commencer. Oui, nous avons aujourd'hui beaucoup de problèmes à examiner, mais avec le temps et les moyens voulus, ils vont se régler tout seuls d'une manière ou d'une autre. Il faut songer aux petits d'aujourd'hui. Si nous ne pensons pas à leur avenir, si nous ne pensons pas à la distribution équitable des ressources, quel avenir auront-ils? Ils seront assis là comme moi, à mendier. Pourquoi?

Je ne devrais pas avoir à mendier. J'ai parfaitement le droit de dire tout ce que je veux car ceci est ma terre. Je n'ai pas peur de le dire. Mes ancêtres n'ont jamais vendu cette terre. Ils ont seulement dit : Nous vous autorisons à vivre, pour subvenir à vos besoins, sur six pouces de sol. Ils n'ont pas dit, allez creuser. Ils n'ont pas dit, allez couper le bois. Ils n'ont pas dit, occupez les rives des eaux. Ils n'ont pas dit de polluer l'air. Ce sont toutes là des questions qui exigent réponse si nous voulons arriver à une meilleure entente et à un pays sain, que vous appelez le Canada et que j'appelle l'île à la Tortue. Nous devons en arriver là. Sinon, nous sommes les plus grands menteurs du monde, et c'est la vérité.

Le président : Merci.

M. Courchene : Merci beaucoup.

Renata Mecorise, à titre personnel : Bonjour. J'ai tenu à venir aujourd'hui pour donner mon avis. Je suis allée travailler très tôt ce matin. Je suis venue ici pour donner mon avis sur une chose qui me paraît réellement importante. Bien que je n'aie pas vécu auprès de ma Première nation pendant la plus grande partie de ma vie, elle fait partie intégrante de ma vie. Je pense que tout Autochtone, même s'il ne vit pas auprès de sa Première nation, la considère toujours comme sa patrie et ne perd jamais ses liens avec elle ni avec la terre.

Je voulais parler ici de réforme électorale parce que je considère que c'est important. Je pense aussi que ce qu'Elmer a dit est réellement important car il faut écouter les anciens. Il a beaucoup de sagesse et les gens doivent l'écouter, surtout un comité sénatorial comme vous, créé pour écouter les Autochtones et transmettre leurs avis au gouvernement. Je pense qu'il est important d'entendre ce que des gens comme Elmer ont dit aujourd'hui, et j'espère que vous transmettrez cela au gouvernement et défendrez notre cause.

Pour ce qui est de la réforme électorale, j'aimerais juste faire quelques remarques, pour commencer. Le gouvernement du Canada possède Élections Canada, qui est un organisme indépendant, et les citoyens du Canada peuvent voter pour tous les politiciens qui espèrent se faire élire et diriger ce pays.

La province possède Élections Manitoba, qui est un organisme indépendant qui s'occupe des élections et veille à ce que le mode d'élection des politiciens soit équitable et responsable.

Ensuite, lorsqu'on regarde les gouvernements des Premières nations, qui s'occupe des élections? C'est Affaires indiennes et du Nord Canada. Ce sont quelques fonctionnaires du service des élections qui s'occupent de nos élections.

Les Canadiens sont des citoyens du Canada. Les Manitobains sont des citoyens du Manitoba. Les Autochtones sont des citoyens de leur Première nation et ils devraient avoir des organes indépendants pour s'occuper de leurs élections. Ils ont droit à des façons justes et équitables d'élire leurs dirigeants, et d'avoir un mécanisme pour faire appel ou même simplement demander des renseignements supplémentaires.

Certains des dirigeants qui ont défilé ici ces derniers jours ont mentionné qu'ils ont des formes de gouvernance différentes et envisagent des façons différentes d'organiser les élections et même de gouverner.

Je pense qu'il est réellement important que vous nous écoutiez tous aujourd'hui, que vous devez considérer aussi la citoyenneté et le fait que les Autochtones sont des citoyens de Premières nations. Ils ont droit à des élections justes et aussi de pouvoir s'informer.

Je me considère moi-même comme très informée. J'écoute les nouvelles et je lis les journaux tous les jours. J'ai vu l'annonce des audiences de ce comité dans Grassroots News, et il est bon que vous l'ayez placée dans cette publication. Mais je vous invite à revenir au Manitoba. Je pense qu'il est important que vous entendiez les dirigeants et les Autochtones de la base de tout le pays, et bien sûr c'est au Manitoba que se trouve la plus importante population autochtone.

Au moins un habitant sur quatre du Manitoba est d'origine autochtone et notre population croît très vite. Je pense qu'il est important de régler la question électorale maintenant.

Beaucoup de jeunes vont atteindre l'âge de voter. Ils vont vouloir participer aux élections.

Si l'on considère toutes les différentes élections au Canada, vous avez les élections fédérales, provinciales, municipales, puis les élections des Premières nations. Les Autochtones sont ceux qui votent le plus.

J'ai voté dans les élections fédérales, provinciales, municipales et des Premières nations, et l'on ne peut en dire autant de tout le monde. Mais lorsqu'il s'agit d'une élection d'une Première nation, nous votons tous. C'est réellement important pour nous.

Je vous suggère, avant d'aller voir le gouvernement avec vos recommandations, d'écouter non seulement les dirigeants, mais aussi les gens de la base comme moi, et les femmes et les techniciens et d'autres qui comptent dans la vie des Premières nations, et j'espère que vous opterez pour un organisme indépendant. Peut-être un organisme pourra aider les différentes Premières nations, qui ont des formes de gouvernement variables, qu'ils aient leur propre constitution ou leur conseil de bande coutumier ou leurs élections sous le régime de la Loi sur les Indiens qui vont être réformées. Dans tous les cas, je suggère un organisme indépendant sous une forme ou une autre, au lieu de dépenser 20 millions de dollars pour des appels, une somme qui pourrait servir à employer des Autochtones afin que les Premières nations se gouvernent elles-mêmes.

Le président : La raison pour laquelle nous avons choisi le Manitoba comme première province est que nous reconnaissons l'importance des Autochtones dans cette région.

Mme Mecorise : J'espère que vous reviendrez.

Le président : Merci.

Vous avez la parole, chef Balfour

Marcel Balfour, chef, Nation crie de Norway House : Merci, monsieur le président et sénateurs. Je serai bref et j'ai essayé d'élaguer ma déclaration.

Je me nomme Marcel Balfour, je suis le chef de la Nation crie de Norway House. Je fais remarquer que si je ne m'étais pas trouvé à Winnipeg pour affaires, je n'aurais pas eu l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.

Bien que chef, je n'ai reçu aucun avis, et ni l'AMC, ni le MKO, le Manitoba Keewatinowi Okimakanak, ni l'APN, l'Assemblée des Premières Nations, ne m'ont informé du bon travail qui se fait ici.

Je réitère l'invitation à vous rendre dans le Nord du Manitoba, non seulement à Norway House, mais aussi en d'autres lieux afin que mes collègues chefs et d'autres dans le Nord puissent également vous faire part de quelques avis.

Je dois dire, cependant, tout d'abord, que le paradoxe de ces audiences ne m'échappe pas. Le Sénat, une assemblée de membres nommés sur une base politique, prétend débattre de questions de responsabilité politique, de réforme démocratique, de sélection des dirigeants et d'élections au sein des Premières nations. À cet égard, je vous renvoie à mon intervention du 2 mai devant le Comité spécial sur la réforme du Sénat de la province du Manitoba.

J'ai fait valoir dans cet exposé que le Sénat est une institution discriminatoire. Pour y être nommé, il faut posséder des biens fonciers. Mais cela n'a pas de sens du point de vue des Premières nations, car la propriété foncière y est collective par nature.

Je mentionne cela aujourd'hui à cause de l'opposition entre le collectif et l'individuel. J'espère que vous en entendez parler beaucoup, et je n'ai pu suivre qu'une petite partie de votre après-midi ici, mais les droits collectifs sont fondamentaux pour les Premières nations. Je veux m'assurer, si vous envisagez quelques suggestions pour l'avenir, que cette nature collective est prise en compte dans vos discussions et recommandations.

Pour me situer rapidement, j'ai accumulé quelques expériences intéressantes sur le plan de la responsabilité politique, de la réforme démocratique. En 2002, j'ai été élu conseiller de bande, mais ensuite mon chef, qui était Ron Evans à l'époque, m'a évincé de mon bureau, a réduit mon salaire à moins de 5 000 $ par an, a cherché à me faire expulser de ma maison, à ordonner à deux gardes armés de me casser la figure et de voler mon ordinateur, parce que je le poursuivais en justice.

J'ai fini par gagner ces procès en 2006. La Cour fédérale a tranché que j'avais été victime de trafic d'influence et de chantage. J'ai été élu chef.

J'avais trois conseillers qui avaient promis plus de 90 maisons familiales et distribuaient des meubles et appareils ménagers deux jours avant l'élection.

Ils ont récemment été démis de leurs fonctions, parce que mon comité d'appel électoral local a tranché que c'était là des manœuvres frauduleuses. Nous nous débrouillons donc tout seuls. Il faut parfois du temps et saisir la Cour fédérale.

Je fais remarquer, cependant, que la Cour fédérale comprend bien ces questions. Je trouve qu'elle est beaucoup plus disposée à écouter ces préoccupations de la base et des gens qui n'ont pas les moyens d'aller en justice pour se battre.

À Norway House, bien sûr, avant 1952, nous faisions ces choses nous—mêmes. En 1952, avec l'imposition de la Loi sur les Indiens, nous avons été obligés par l'article 74 de tenir les élections de cette façon. Nous nous en sommes soustraits récemment, en 1999. Nous remanions actuellement notre loi sur les procédures électorales, de telle façon que l'organisme d'appel ne soit pas composé seulement de membres nommés par le chef et le conseil sur une base politique, et réviser quelques autres aspects jugés problématiques.

Notre LPE actuelle, en gros, est un reflet fidèle de la Loi sur les Indiens, excepté que les mandats sont de quatre ans et qu'il y a un organisme d'appel local.

Cependant, je veux aussi dire un mot sur la représentation démocratique. Je partage totalement l'avis du chef Hudson concernant les membres vivant hors réserve. Ils peuvent voter pour moi, mais je ne peux voter pour eux. Je ne peux pas les représenter parce que je n'ai pas d'argent pour cela. Autrement dit, je crois que l'application de Corbière telle qu'elle a lieu actuellement est antidémocratique. Très franchement, elle est antidémocratique. Oh, je peux voter pour le chef Balfour, mais il ne peut rien faire pour moi. Et je ne peux pas. Je ne peux rien faire pour les gens hors réserve.

J'aimerais soumettre quelques changements à votre examen. La réforme électorale dans les Premières nations devrait nécessairement aller dans le sens des institutions fédérales élues existantes, c'est-à-dire le Parlement, et promouvoir les intérêts non seulement des Premières nations, mais aussi, franchement, la participation et la représentation des femmes aux postes de chef et conseiller. J'insiste là-dessus parce qu'il y a un manque de représentation féminine dans la vie politique des réserves. Je le vois dans les assemblées auxquelles je participe et aussi localement. J'ai seulement une femme dans mon conseil actuellement.

Norway House est fière d'avoir eu l'un des premiers chefs élus localement. Et ma grand-mère était chef également. Mais la représentation des femmes dans les instances dirigeantes locales a certainement besoin d'être promue et appuyée.

Toute approche de la réforme électorale devrait aussi comporter nécessairement une réaffirmation de la nature collective des droits dans les Premières nations. C'est ce dont je parlais tout à l'heure. Les pouvoirs des chefs et conseillers élus selon la Loi sur les Indiens sont limités et ne peuvent être considérés comme un conseil de bande. Même les chefs et conseillers élus selon la méthode coutumière ne peuvent prendre de décisions sur les biens collectifs, la terre, par exemple.

On a parlé plus tôt des problèmes avec le mécanisme de référendum. Le mécanisme référendaire est essentiel. La raison pour laquelle nous avons des référendums, c'est qu'alors vous ne pouvez pas vous contenter de parler avec le chef et le conseil, vous devez parler avec toute la bande sur certains enjeux. Je pense que la réforme électorale doit prévoir la possibilité de tenir des référendums.

Notre position est cohérente et je la défendais déjà à l'égard de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Je pense qu'il ne faut pas chercher à rapiécer la Loi sur les Indiens. Ne le faites pas. Enlevez à AINC son rôle fondamentalement conflictuel qui fait de lui à la fois le bailleur de fonds, un acteur de la politique locale, très franchement, et l'organe d'appel.

Je vais m'en tenir là.

Le président : C'est excellent. Merci, chef.

J'invite maintenant le chef Kemp à faire son exposé de cinq minutes.

George Kemp, chef, Première nation de Berens River : D'après ce que je peux voir de tout le processus électoral, c'est un désastre, avec ce système d'envoi postal, comme le chef Balfour et le chef Hudson l'ont indiqué. Les électeurs vivant hors réserve ont de grandes attentes. Il est difficile de faire face à cela car, en gros, vous avez des gens en dehors de la circonscription qui participent à une élection qui fait pratiquement de nous des administrateurs administrant les fonds d'Affaires indiennes et du Nord Canada. À bien des égards, je ne me considère même pas comme un chef ou un leader politique, je suis juste un autre bureaucrate dans ce système. Je ne touche pas de pension, je n'ai rien comme avantage après ma vie politique. Je n'ai absolument rien. Je m'en vais avec ma chemise sur le dos, et c'est tout.

C'est un problème qu'il faudrait examiner car nous aussi faisons partie du gouvernement, faisant fonctionner toute la machinerie pour Affaires indiennes et du Nord Canada. Nous sommes les travailleurs de première ligne. Nous devons nous occuper de tout dans nos fonctions.

À mes yeux, ces codes électoraux coutumiers ne marchent pas. Vous voyez aujourd'hui les situations au Manitoba, ce sont des sortes d'instruments d'autorégulation qui n'ont aucun poids juridique. Alors, si vous avez des contestations dans la collectivité, comment faites-vous pour trouver un comité d'appel pour rendre une décision équitable? Comment peut-on jamais déterminer ce qui est équitable?

La Première nation de Roseau River a tenu une élection le même jour selon la règle coutumière — deux chefs ont été élus. Que faites-vous alors?

Il faut trouver un moyen d'assainir tout cela. À mes yeux, la question fondamentale ici est l'autonomie gouvernementale. J'ai toujours dit que nous ne verrons jamais l'autonomie gouvernementale parce qu'elle suppose créer un système judiciaire pour discipliner notre gouvernement.

Les gouvernements fédéral et provinciaux de ce pays ne veulent pas créer un autre niveau judiciaire qui va sanctionner les fautes de nos gouvernements. C'est pourquoi nous n'avons pas l'autonomie gouvernementale.

Commençons par un petit morceau. Donnez-nous le pouvoir d'avoir une police dans les réserves. Commençons par- là. Car la police dans les réserves est un gros problème pour nous. La GRC ne va pas imposer le respect d'une résolution du conseil de bande. Nous essayons de promulguer nos propres lois. Nous promulguons nos propres lois en vertu de la Loi sur les Indiens. Tout ce que nous pouvons faire légalement c'est contrôler les mauvaises herbes et les chiens, c'est tout. Lorsque nous voulons essayer de nous gouverner nous-mêmes, de faire nos propres lois, nous ne le pouvons pas. Nous sommes entravés par la Loi sur les Indiens actuelle.

Alors l'autonomie... nous avons perdu l'Initiative sur l'Entente-cadre du Manitoba, ici, au niveau de l'AMC. Rien n'a jamais été mis en place pour la concrétiser. Aujourd'hui, on voudrait tous nous faire tenir les élections le même jour, tous les quatre ans. Ce n'est pas la solution car vous pouvez avoir un mauvais chef et un mauvais conseil. Ils peuvent faire beaucoup de mal à une bande en quatre ans. Ils peuvent être en tierce partie pendant 15 années ensuite.

Lorsque j'ai été élu chef, nous étions pratiquement en faillite. J'ai remis aujourd'hui une lettre aux membres de la bande montrant que notre déficit est inférieur à 6 p. 100. Nous sommes à 2 p. 100 en dessous du déficit d'Affaires indiennes et du Nord Canada. Toutes les bandes devraient être contraintes de remettre à leurs membres les relevés financiers de leur banque afin que l'on sache où en est la bande financièrement.

Il n'est pas juste pour un nouveau chef d'hériter d'une faillite financière, comme c'était mon cas, avec un trou de 4,2 millions de dollars, et de devoir nettoyer les dégâts. Les membres de la bande devraient être tenus informés; tous les ans on devrait afficher une lettre de la banque indiquant la situation financière. Tout cela devrait faire partie du régime de gestion afin que l'électorat sache ce qui se passe — car nous, les membres, ne savons pas ce qui se passe.

Le président : Merci.

Notre dernier intervenant est Mme Starr.

Mary A. Starr, à titre personnel : J''appartiens à la Première nation Sagkeeng. Je suis enrhumée, et je demande votre indulgence. Mon nom ancestral signifie « ourse courant comme le vent ».

J'ai été élevée dans un camp traditionnel avant d'aller en école résidentielle. J'ai été élevée par des anciens qui ne renonçaient pas à leurs coutumes. Et depuis ce temps là, pendant toute ma vie, j'ai toujours su que ce que l'on m'enseignait, que ce que l'on me forçait d'apprendre, était totalement mensonger. Ce que j'ai appris auprès de mes anciens, à mes yeux, représente l'histoire vraie des nôtres.

Tout au long de ma vie j'ai été une combattante. Je suis toujours allée à l'encontre de tout ce que le gouvernement et le système voulaient m'imposer, à moi et à ma famille, à mes enfants. J'ai mes petits-enfants et mes arrière-petits- enfants. Je resterai probablement ainsi jusqu'au jour de ma mort. J'ai toutes les raisons de l'être.

Lorsqu'on parle des élections telles qu'elles sont prévues dans la Loi sur les Indiens, c'est tout comme la légende voulant que n'importe qui peut devenir chef. C'est comme si nous attendions qu'un autre John Smith arrive pour nous sauver. Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, comme l'ont dit les anciens, c'est l'une des choses les plus dangereuses que l'on ait mise dans ce système électoral.

D'après ce que je peux voir, c'était censé être pour le bien des Premières nations et comme tout ce que l'on nous jamais fait, notre gouvernement a toujours inséré tout ce qu'il voulait, utilisé tous les moyens pour essayer de détruire une nation. L'autre chose, c'est que je ne comprends même pas pourquoi une commission sillonnerait le pays pour essayer de changer le code électoral, alors que l'on ne peut même pas changer la loi qui protège les hommes et ne protège pas les femmes et enfants indiens contre la Loi sur la propriété matrimoniale, qui est aussi dans la Loi sur les Indiens. Beaucoup d'enfants aujourd'hui souffrent à cause de cette loi. Je ne vois pas venir de changements à cet égard.

Je ne sais pas pourquoi il est si important d'aller sillonner le pays aujourd'hui pour recueillir des avis sur les élections. Il y a deux organes du gouvernement. Il y a le Parlement et il y a l'Assemblée législative du Manitoba, et ils peuvent légiférer et promulguer avec un claquement de doigts. Je ne vois pas pourquoi ils sont obligés d'aller en tournée. Les nôtres n'arrêtent pas d'expliquer ce dont nous avons besoin, ce que nous voulons, il suffit de promulguer une loi pour cela.

Dans le passé, en 1941, lorsque la Loi sur le régime de pensions du Canada a été adoptée, on a versé aux nonnes un salaire rétroactif à 1901 qui a été inséré dans la Loi sur le régime de pensions du Canada, d'un trait de plume. Il a suffit d'une disposition dans la loi. Je ne vois pas pourquoi n'on ne pourrait pas faire cela pour les Autochtones. On sait que les nonnes étaient là pour nous détruire.

Lorsque vous parlez d'appels coûteux et du coût de tout, chaque fois qu'il est question de nos besoins et de nos exigences — ce ne sont pas des exigences, ce sont des besoins, des besoins humains fondamentaux — on nous dit toujours que cela coûte trop cher. C'est ainsi que vous organisez les choses, pour qu'elles coûtent cher, de façon à ce que cela paraisse toujours mauvais aux yeux de la société canadienne. Tout cela peut être changé, mais personne en fait ne veut rien changer.

Les excuses, à mes yeux, étaient juste des phrases creuses. Il faut un changement réel. Assez de ces erreurs coûteuses. Cela, c'est pour Mulroney et tous ces gars qui n'arrêtent pas de s'en mettre plein les poches autant qu'ils peuvent. Laissez les nôtres tranquilles et laissez-les grandir. Arrêtez de détruire nos enfants. Laissez nos enfants devenir qui ils veulent être dans ce pays, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants.

On m'appelle « ourse qui court comme le vent », et il y a une raison à cela. Comme je l'ai dit, j'ai été élevée dans ce camp et je suis une mère ourse quand il s'agit de mes enfants. Je vais les protéger. Ils ont essayé de nous enlever cela à l'école résidentielle; eh bien, je suis maintenant de retour. Je suis une femme mûre. Et si je dois me battre pour mes enfants et si je dois me battre comme une ourse, je le ferai.

Le président : Merci.

Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé aujourd'hui. Je le dis au nom des membres du comité, nous avons apprécié de recevoir vos avis.

(La séance est levée.)


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