Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 9 - Témoignages du 27 mai 2009 - Réunion du matin
DAUPHIN (Manitoba), le mercredi 27 mai 2009
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones s'est réuni aujourd'hui à 9 heures pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour. Je suis le sénateur Gerry St. Germain de la Colombie-Britannique. À titre de président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue aux audiences aujourd'hui.
Je tiens tout d'abord à remercier la Première nation partie au Traité no 1, car nous nous réunissons aujourd'hui sur ses terres ancestrales et traditionnelles; il s'agit des terres où mes ancêtres métis se sont aussi établis avant que le Manitoba adhère à la Confédération canadienne.
Permettez-moi de présenter les membres du comité qui sont parmi nous : à ma droite se trouve le vice-président, le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest. À ses côtés, le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau- Brunswick. À ma gauche, le sénateur Lillian Dyck, de la province de la Saskatchewan. À côté du sénateur Dyck se trouve le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Chers sénateurs, aînés, invités et membres de l'assistance, le comité a pour mandat d'examiner la loi et les questions liées aux peuples autochtones du Canada en général.
Le 1er avril dernier, le comité a décidé d'entreprendre une étude qui consiste à examiner les questions qui se rattachent aux élections selon la Loi sur les Indiens. Le comité se penche sur les préoccupations liées au mandat de deux ans des chefs et des conseils, comme le prévoit actuellement la Loi sur les Indiens.
Le comité sénatorial se rassemble ici à Dauphin, au Manitoba, pour obtenir l'avis des dirigeants et des citoyens des Premières nations concernant les changements éventuels qui devraient être apportés dans ces secteurs pour renforcer les nations sur le plan de la politique et de la responsabilité.
Nous nous trouvons sur des territoires visés par le Traité no 2. Le rôle du comité sénatorial est de consulter et d'écouter les citoyens des Premières nations et de collaborer en vue de trouver de nouvelles façons d'aider les collectivités des Premières nations à définir de meilleures structures de gouvernance pour les citoyens et leur gouvernement.
Il est important de noter que 252 conseils de bande des Premières nations procèdent à des élections en application de la Loi sur les Indiens. On parle d'environ 40 p. 100 de toutes les Premières nations du Canada.
L'étude sur les élections du comité est principalement axée sur les Premières nations dont les procédures d'élection sont régies par la Loi sur les Indiens. Les autres Premières nations, plus de 350, choisissent leur gouvernement aux termes d'ententes d'autonomie gouvernementale ou ont recours à d'autres mécanismes pour élire leurs dirigeants, comme l'hérédité ou les systèmes de clan.
Pour analyser cette question, chers collègues, nous accueillons ce matin notre premier témoin, à savoir le chef Norman Bone, président du West Region Tribal Council. Il est aussi chef de la Première nation Ojibway Keeseekoowenin. Il parlera au nom du conseil tribal et de sa nation.
Je suis heureux de vous voir, chef Norman, et je suis heureux d'être chez moi. Vous avez la parole.
Le chef Norman Bone, président, West Region Tribal Council et chef, Première nation Ojibway Keeseekoowenin : Merci beaucoup. C'est un honneur que de pouvoir s'adresser au Canada de cette façon, et nous espérons que notre discours sera interprété de façon juste. Parfois, des témoignages de divers secteurs perdent leur effet lorsqu'on adopte une vue d'ensemble du Canada. J'espère que notre discours sera entendu et que nous pourrons ainsi contribuer à cet exercice visant à nous orienter.
Je vous demande pardon de commencer ainsi, et je tiens à vous souhaiter la bienvenue. Oui, nous sommes sur le territoire visé par le Traité no 2, soit la région d'Interlake. C'est de l'est d'où nous sommes, jusqu'à la frontière saskatchewanaise, à l'ouest, et au sud, jusqu'au Sud-Ouest du Manitoba. Il y a environ 19 réserves qui participent dans cette région. La plupart d'entre elles sont ojibway.
Nous siégeons aussi à trois conseils tribaux : Interlake Reserves, West Region et Dakota ojibway. Ils sont tous situés sur le territoire visé par le Traité no 2. Comme je l'ai dit plus tôt, les Premières nations situées sur ce territoire appartiennent au peuple ojibway, mais des membres du peuple Dakota vivent aussi dans le sud du territoire visé par le Traité no 2.
Je sais que nous avons, de temps à autre, des disputes internes au sujet du propriétaire initial du territoire, mais, pour autant que nous nous souvenions, une entente initiale était en place. Selon l'histoire orale de notre collectivité, ce territoire est visé par un traité. Nous avons conclu un traité avec les Ojibways en 1871, un peu à l'est d'ici, au poste de Manitoba. C'était un deuxième volet, j'imagine, aux discussions relatives au Traité no 1 qui avaient eu lieu à Fort Garry, ou plus à l'est. Mais je vous souhaite la bienvenue sur ce territoire, et je suis heureux de participer.
Nos propos seront semblables à ceux que vous avez entendus des représentants de la région visée par le Traité no 1. Je n'ai pas de nouveau mémoire à vous présenter. Toutefois, à la lumière de leur information et du travail que nous accomplissons de concert avec les Premières nations visées par le Traité no 1, en général, nos positions seront très semblables.
Nous sommes certainement intéressés à envisager la modification de la Loi électorale ou des modalités électorales et de la durée des mandats et de toutes les dispositions connexes de la loi qui régit actuellement les Autochtones, la Loi sur les Indiens. Je crois que les représentants du territoire visé par le Traité no 1 ont fait allusion à l'article 78. Nous sommes — ou, à tout le moins, je suis — en faveur de cette façon de procéder.
Nous ne voulons pas voir les Premières nations se perdre dans un dédale de projets de loi. C'est un phénomène qui se produit de temps à autre. Nous estimons que cela dilue en quelque sorte les efforts ou neutralise les dispositions de la Loi sur les Indiens, que cela mine son efficacité à long terme.
Entre-temps, je suis convaincu que les dirigeants ont déjà dit, au cours du dernier siècle, que, lorsqu'il est question de la Loi sur les Indiens, pour le moment, nous nous en servirons comme mesure provisoire pour effectuer des changements pour notre bien ou pour promouvoir ces changements au sein de nos collectivités.
Nous tenons à souligner que, avant de conclure le traité, nous étions habilités à nous gouverner nous-mêmes. Nous étions responsables de tous les aspects de notre vie. Peu après la conclusion du traité, nous procédions de la même façon. Toutefois, j'imagine qu'il y a eu des changements au sein de la société dans son ensemble ou du gouvernement fédéral, ou dans les systèmes fédéraux, qui ont eu des retombées négatives sur nous.
À l'heure actuelle, je crois que nombre d'entre vous connaissez les histoires de la vie en réserve au cours des 100 dernières années et ce qui est arrivé à notre gouvernance. Notre capacité de maîtriser notre vie s'est érodée. Cette fois- ci, l'idée que nous aimerions promouvoir, à l'aube d'un nouveau siècle, tient à la reconstruction des gouvernements des Premières nations, mais sous notre propre direction; nous allons y travailler seuls, sans qu'on nous tienne par la main ou qu'on nous dise quoi faire. Nous nous reconnaissons comme un peuple souverain, du fait que nous sommes un peuple autochtone et que nous avons conclu un traité. Nous allons poursuivre dans cette voie au cours du prochain siècle — c'est du moins ce que nous espérons grâce à l'éducation de nos enfants — et nous allons garder le cap et nous assurer que nous avons pris notre vie en main, pas seulement à l'échelon local, dans nos réserves, mais à tous les différents échelons auxquels nous participons.
Nous participons à l'échelon régional — au sein des conseils tribaux, par exemple — ainsi qu'aux échelons provincial et national, mais nous voulons conserver la capacité de parler en notre propre nom, même à l'échelon international. Nous voulons conserver notre capacité de parler en notre propre nom à tous ces échelons, jusqu'à l'échelon international.
Je sais que c'est parfois un problème pour le Canada, mais nous avons maintenu notre souveraineté et nous continuerons à le faire pour ce qui est de la façon dont nous fonctionnons au sein de ce pays connu sous le nom de Canada.
Nous avons été déçus de voir que les droits des Autochtones n'ont pas été soutenus à l'échelon des Nations Unies, qu'ils n'ont pas été soutenus par le Canada, et nous aimerions que le Canada change son fusil d'épaule dans un proche avenir, quel que soit le moyen employé. Nous sommes certainement en faveur de cela. Nous avons toujours affirmé que nous étions capables de nous gouverner nous-mêmes et prendre en charge le territoire qui nous entoure. Nous l'avons fait pendant des milliers d'années. Certains changements radicaux sont survenus au cours des quelque 100 dernières années — 135 ans, dans nos contrées. En notre qualité de Premières nations, nous voulons recommencer à participer sur un pied d'égalité avec le gouvernement fédéral et les provinces.
Nous ne voulons pas qu'on nous reconnaisse simplement à titre de membres de conseils au sein de différents organismes canadiens et provinciaux, bien qu'il semble que cela ait été la tendance au cours du dernier siècle. Nous sommes plus que le simple conseil tribal d'une région donnée, plus que le conseil de gestion d'un programme dans une région donnée. Encore une fois, j'imagine que je me fais l'écho de mes prédécesseurs lorsque j'affirme que nous sommes capables d'exercer notre souveraineté, et nous demeurons de cet avis.
Je vais revenir à l'exposé sur le Traité no 1, le mémoire sur le Traité no 1 qui a été déposé. Pour conclure, nous aimerions renforcer notre capacité de prendre en charge le processus électoral par l'intermédiaire de la Loi sur les indiens. Je crois que c'est le discours que nous tiendrions, pour ce qui est de manifester notre appui à ce chapitre. Sans répéter ce que j'ai dit plus tôt, j'estime tout simplement que la Loi sur les Indiens serait une mesure provisoire que nous pourrions utiliser pour apporter certaines corrections.
Nous ne nous opposons pas à la responsabilité et à la transparence; nous sommes en faveur de toutes ces mesures auxquelles tient généralement le Canada. Nous ne nous sommes jamais opposés à quoi que ce soit à ce chapitre. Même si parfois les Premières nations semblent s'y opposer, ce n'est certainement pas le cas.
Nos membres veulent savoir ce qui se passe au sein de nos gouvernements, et nous leur procurerons cette information. Nous faisons tout notre possible pour leur procurer cette information.
Pour conclure, je sais que je suis un représentant de la Première nation Keeseekoowenin. Je sais que vous entendrez l'exposé de deux ou trois autres chefs au sujet de leur réserve, mais, en général, à la lumière des entretiens que j'ai eus avec ces chefs et aussi avec des chefs de la région visée par le Traité no 1, nous voulons tous adopter une voie très semblable. Nous devons conserver notre autorité à titre de chefs et de conseils.
Je ne suis pas certain du temps qui m'était alloué, mais je crois que je vais m'arrêter ici pour l'instant.
Le président : On vous accordera du temps plus tard si vous voulez ajouter quelque chose.
Participez-vous au processus de l'Assembly of Manitoba Chiefs, l'AMC?
M. Bone : Oui.
Le sénateur Sibbeston : Je suis intéressé par votre expérience, par votre opinion en ce qui concerne les élections régies par la Loi sur les Indiens, cette disposition qui prévoit la tenue d'élections après deux ans. Quelle est votre expérience à cet égard?
M. Bone : Voici mon expérience du mandat de deux ans : j'ai travaillé sept jours sur sept, 365 jours par année durant cette période. Nous aimerions qu'entre en vigueur un mandat plus long. Je sais — pour l'avoir confirmé avec mon comité — qu'on n'a toujours pas décidé si ce sera trois ou quatre ans.
La discussion que nous voulons entreprendre consiste en partie à contribuer à ce processus ou aux autres processus visant à déterminer cela. Nous ne voulons pas que quelqu'un arrive et nous impose ses directives en nous disant : « Voici votre nouveau mandat. » C'est ainsi que les choses ont fonctionné au cours du dernier siècle. On nous a accordé un mandat de deux ans.
Selon moi, le mandat de quatre ans, si nous l'examinions — et je suis d'emblée en faveur de cette mesure — permettrait au conseil, au personnel et à la collectivité de profiter d'une meilleure stabilité, de plus de temps pour planifier, dans le cadre d'un processus dont la cadence est modérée, plutôt que d'essayer de planifier hâtivement. Pendant ces deux années, on bouge assez rapidement. La volonté de maintenir ses appuis politiques peut faire dérailler les choses. Toutefois, si vous pouvez entretenir un dialogue ininterrompu avec vos membres sur une période de quatre ans, les projets de développement communautaire se feront beaucoup plus en douceur et susciteront moins de controverses.
Je sais —quant au mandat de deux ans, surtout s'il demeure inchangé — que notre collectivité, avec assez de constance, a élu des dirigeants pour de longues périodes. Très peu de changements hâtifs sont survenus dans notre collectivité, alors il lui importait de conserver les mêmes dirigeants. Je crois que cela se traduit par une meilleure planification et un sentiment de stabilité au sein de la collectivité.
Pour ma part, j'ai été actif dix ans pendant les années 1980, puis, récemment, encore dix ans. Alors, j'ai occupé le poste de chef et j'ai déjà accumulé dix ans d'expérience à titre de chef et de conseiller.
Lorsque j'observe les tendances dans ma collectivité, lorsque je la vois élire les mêmes dirigeants, il y a très peu de changements à l'égard du conseil et du chef. À mes yeux, cela témoigne de la volonté des membres d'assurer une certaine stabilité ou de maintenir l'approche adoptée par les dirigeants en question. J'ignore si j'ai répondu à votre question.
Le sénateur Sibbeston : Oui. Je viens des Territoires du Nord-Ouest, alors la situation là-bas est, j'en suis convaincu, assez différente. Chaque région a sa propre façon de faire.
À votre avis, quel est l'état ou la situation des Autochtones dans votre région, votre réserve et dans les environs, quant à leur capacité de gagner leur vie, entre autres? Cette information nous serait utile.
M. Bone : Eh bien, l'heure est assez grave. Je vis à une heure de Brandon. Nous ne sommes pas très loin des centres urbains. Pourtant, ma collectivité est encore au stade où elle doit aller chercher de l'eau à l'extérieur de la maison. Remarquez, nous procédons un peu différemment. Nous ramenons de l'eau de meilleure qualité dans nos maisons. Nous utilisons des machines pour ce travail, maintenant. Nous ne nous rendons plus à la rivière, mais nous avons ce genre de système à notre disposition. Nous faisons encore cela.
Notre collectivité affiche encore un taux de chômage élevé. Nous sommes à une heure. Nous essayons de mettre sur pied une démarche exhaustive qui ouvrira la voie au développement économique de la réserve. Nous songeons aussi au développement et à la participation hors réserve. Dans la réserve, nous nous penchons sur la planification. Hors réserve, nous voulons participer. Nous avons fait des expériences durant la dernière année. Par exemple, nous avons créé — je crois — 18 nouveaux emplois à l'extérieur de la réserve, dans un rayon d'environ 150 kilomètres de la réserve.
C'était la première année que nous le faisions de façon organisée, alors nous avons dû apprendre de nos erreurs. Le message que nous essayons de véhiculer au sein de notre collectivité, en ce qui concerne l'emploi, c'est qu'il y a une limite au nombre d'emplois que l'on peut créer dans une réserve de 5 000 acres comptant 140 maisons. Cela correspond à environ 600 personnes. Les possibilités de développement sont limitées. Par conséquent, nous essayons de participer à l'extérieur.
Nous avons établi un centre d'interprétation à Clear Lake, qui est un secteur touristique, et nous avons créé des emplois là-bas. De plus, nous participons à la construction d'immeubles et nous effectuons des réparations à l'extérieur de la réserve. Nous devons faire cela pour créer des débouchés de travail, car c'est tout simplement impossible si on se met des œillères et qu'on se concentre sur le développement dans la réserve.
Le président : Combien d'habitants compte Keeseekoowenin?
M. Bone : Environ 600, je crois. Je n'ai pas apporté ma fiche de renseignements.
Le président : Quelle rivière bordez-vous?
M. Bone : La rivière Little Saskatchewan, aussi connue sous le nom de rivière Minnedosa. Elle naît au parc national du Mont-Riding et se jette dans la rivière Assiniboine.
Le président : Elle naît au mont Riding?
M. Bone : Oui.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Dans le cas d'une élection frauduleuse, croyez-vous que le mécanisme de destitution devrait être modifié, ou l'ancien régime fonctionne-t-il?
M. Bone : Il est difficile de répondre à votre question à la lumière de notre expérience, car nous n'avons jamais connu de problèmes à cause d'un dirigeant corrompu ou de corruption au sein de notre collectivité. Je ne me souviens pas d'une contestation ou d'un problème quelconque dans notre région, et j'ai participé à l'administration de la réserve pendant de longues périodes. Toutefois, je crois que ce genre de système — si tant est que vous en avez besoin — doit être mis en place à notre échelon. On ne peut pas en charger une tierce partie extérieure à la collectivité. Je crois que notre collectivité doit participer à la conception et à l'élaboration de ce système de contestation.
À l'heure actuelle, je crois que nous devons écrire des lettres. Je sais que les dernières élections ont éveillé quelques soupçons, mais ils ont été communiqués au ministre — et je crois comprendre que c'est là notre lien avec le ministre. Cela fait partie du processus. Je crois que l'information ou que la résolution de ce problème devrait supposer la participation directe de l'échelon communautaire. Je n'entends pas par là seulement le chef et le conseil, mais aussi les membres et les gens qui participent à l'élection.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Utilisez-vous des bulletins de vote par correspondance?
M. Bone : Oui.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Comment cela fonctionne-t-il pour vous?
M. Bone : Eh bien, c'est ce qui m'a permis de remporter toutes mes élections. Je plaisante. Les choses ont bien fonctionné à cet égard, j'imagine.
Il y a eu certaines difficultés se rattachant aux bulletins de vote par correspondance. Concernant la responsabilité, je sais que tous ceux qui participent à l'élection doivent s'assurer que leur adresse est à jour dans le système, alors c'est un peu plus chaotique, à mon avis, lorsqu'il faut le faire tous les deux ans. Je crois qu'on pourrait répartir ce travail un peu mieux sur une période de trois ou quatre ans. À mon avis, il y avait moins de problèmes, car on pourrait se tenir à jour. Nous essayons de rester en communication avec tous les membres de la collectivité, où qu'ils qui vivent. Je crois que j'ai répondu à votre question.
Le sénateur Hubley : Vous avez fait un commentaire intéressant lorsque vous avez dit, en parlant des modifications de la Loi électorale, que nous ne devrions pas miner l'efficacité de la Loi sur les Indiens. Je me demande si vous pouvez nous parler, à la lumière de votre expérience, de l'importance de la Loi sur les Indiens pour votre collectivité. Ou, au contraire, y a-t-il certains aspects de la Loi sur les Indiens qui vous posent problème?
M. Bone : Nous avons utilisé la Loi sur les Indiens comme une sorte de guide au cours des dernières années. Nous ne nous en sommes pas écartés pour créer quelque chose de nouveau. Nous tentons tout simplement de faire fonctionner la Loi sur les Indiens actuelle dans notre partie du pays.
La Loi sur les Indiens nous relie directement à un processus conventionnel. Je sais qu'on a probablement modifié certaines stratégies de mise en œuvre de la Loi sur les Indiens, qui remonte à un siècle. La Loi sur les Indiens est une arme à double tranchant. Nous pouvons tirer profit de la Loi sur les Indiens. J'imagine que nous pouvons aussi nous créer des ennuis en misant sur la Loi sur les Indiens. Toutefois, nous ne nous sommes jamais heurtés à des difficultés graves à cause de la Loi sur les Indiens, bien qu'elle ne soit pas parfaite. La loi n'est pas parfaite. C'est tout ce qu'on nous a donné. C'était notre seul outil pour conserver notre existence à titre de peuple souverain ou de peuple indigène du Canada.
La loi nous lie entre nous et à notre traité, même si ce n'est pas un lien positif, selon certains, ni un lien négatif. Elle nous lie à nos origines de peuple indigène.
Le sénateur Hubley : Merci. C'est une bonne explication, car, dans votre exposé, vous n'avez pas laissé entendre que vous estimiez que la Loi sur les Indiens devrait être abrogée, qu'elle entrait en conflit avec la vision que vous aviez pour votre collectivité ou qu'elle était à l'origine d'une forme ou une autre d'obstacle à la façon dont vous voulez mener vos activités quotidiennes dans votre collectivité.
Vous tenez actuellement des élections tous les deux ans?
M. Bone : C'est exact.
Le sénateur Hubley : À une date fixe?
M. Bone : Je crois que, à l'exception de ce point, vous venez de me rappeler la raison pour laquelle nous étions ici.
Si nous voulions, par exemple, faire passer le mandat à quatre ans, je crois que nous pourrions le faire. Lorsque j'ai lu les documents qui se rattachaient au Traité no 1, je crois qu'on a suggéré certains changements. Invoquer l'article 7, à mon avis, serait l'une des façons qui pourrait nous permettre d'aller de l'avant à ce chapitre. Ainsi, on n'aurait pas besoin d'entreprendre un nouveau processus législatif ou d'adopter une nouvelle loi pour apporter des changements à notre profit.
Le sénateur Hubley : Quelle est la durée de votre mandat? Lorsque votre mandat est échu, que faites-vous? Certains ont avancé qu'il serait peut-être plus facile de fonder la transition sur les exercices. C'est-à-dire que, lorsque la clôture de votre exercice approche, tous les deux ans, vous tenez une élection aux alentours de cette date. Le gouvernement sortant serait donc responsable de ses résultats, puis on pourrait regarder en avant pour les deux prochaines années. J'aimerais savoir : fixez-vous une date pour d'élection, ou est-ce approximatif, c'est-à-dire que, dans deux ans, il y aura des sélections à un moment donné?
M. Bone : Non, nous nous sommes conformés au système, et nos élections ont lieu le 31 mars. Je crois que le 9 avril est la date officielle d'entrée en fonction du conseil, tous les deux ans, dans notre collectivité. J'imagine que nous nous sommes adaptés; nous avons pris des mesures en ce sens, et cela concorde avec notre exercice.
Certes, il y a certains problèmes, par exemple, dans le cas où un conseil différent approuve le dernier budget pour l'année à venir. Toutefois, nous avons trouvé des façons, et j'imagine que nous avons passé au travers. Je crois que le printemps est un bon moment pour entreprendre de nouvelles initiatives, alors nous allons un peu en ce sens.
À notre assemblée de l'AMC, on s'est montré en faveur de tout le concept de la tenue d'élections à date fixe; toutes les 64 réserves, et je penche davantage pour cette solution. Je ferais valoir à cette assemblée tout l'intérêt du calendrier adopté par ma collectivité.
Le sénateur Hubley : Bien sûr.
M. Bone : Cette idée est également en harmonie avec les enseignements des aînés, lorsqu'ils parlent du nouveau départ, qui a lieu au printemps. Si nous faisions cela, la date officielle d'entrée en fonction d'un nouveau conseil tous les deux ans serait le 9 avril.
Le sénateur Hubley : Votre exercice se termine-t-il à la fin d'avril?
M. Bone : Le 31 mars.
Le sénateur Hubley : Il se termine, d'accord.
M. Bone : Oui, alors ça marche; les deux périodes correspondent.
Le sénateur Dyck : Vous avez dit que vous siégez à un conseil ou que vous occupez le rôle du chef depuis au moins 10 ans?
M. Bone : Le conseil, tout d'abord, puis je suis devenu chef. Pour le premier mandat, j'ai siégé au conseil, puis j'ai été élu chef.
Le sénateur Dyck : Pendant combien de temps avez-vous été chef?
M. Bone : Pendant huit des dix années.
Le sénateur Dyck : Il semble que le régime établi aux termes de la Loi sur les Indiens fonctionne bien pour vous, que vous n'avez vraiment pas connu de problèmes, de contestations ou de choses semblables.
M. Bone : Non.
Le sénateur Dyck : Est-ce que cela fonctionne bien pour vous?
M. Bone : Cela semble bien fonctionner pour nous.
Le sénateur Dyck : Environ combien de membres comptez-vous dans la réserve et à l'extérieur?
M. Bone : Il y a 600 membres dans la réserve, et 400 hors réserve.
Le sénateur Dyck : Le taux de participation électorale est-il élevé hors réserve?
M. Bone : Pardon?
Le sénateur Dyck : La population hors réserve participe-t-elle beaucoup?
M. Bone : Oui. Je crois que 300 ou 400 personnes participent aux élections, si je me souviens bien des chiffres de la dernière élection.
Le sénateur Dyck : J'ignore si vous avez parlé à d'autres chefs qui ont pu éprouver des difficultés relativement aux bulletins de vote par correspondance. Croyez-vous que vous prenez certaines mesures en ce qui concerne les bulletins de vote par correspondance qui font en sorte, peut-être, que l'activité est mieux réglementée et que, d'une façon ou d'une autre, il n'y a pas de doute quant à la validité des bulletins de vote par correspondance?
Nous avons entendu un certain nombre d'exposés selon lesquels le processus se rattachant aux bulletins de vote par correspondance était tel que les gens n'étaient pas certains que les bulletins de vote provenaient effectivement des personnes identifiées. Le système a fait l'objet d'abus. Peut-être que votre système est mieux établi.
M. Bone : Eh bien, nous avons retenu les services d'un agent d'élection. J'imagine que c'est d'une importance primordiale. Il semble que les agents d'élection que nous avons eus au cours des dernières années ont bien fait leur travail. Pendant les élections ou un peu après, la collectivité n'a pas soulevé un tas de préoccupations à ce chapitre. Ma collectivité ne s'est pas heurtée à cet obstacle. Je crois qu'il y a eu certains problèmes du fait que certaines personnes n'ont pas reçu leurs bulletins de vote à temps, mais, à ce que je sache, le retard a été causé par l'absence des nouvelles coordonnées dans le système. Je ne suis pas certain de la façon dont nous procédons à cet égard, mais j'imagine que c'est la responsabilité de l'agent d'élection. Des gens avec lesquels nous avons des liens et qui participent aux élections. Dans ma collectivité, il suffit de rappeler constamment aux gens de communiquer avec l'agent d'élection. Dans ma collectivité, l'identité de l'agent d'élection est affichée, et ses coordonnées sont disponibles.
Dans le cadre de la période électorale, à titre d'électeurs, nous sommes responsables de rappeler aux personnes hors réserve de téléphoner à l'agent d'élection et de fournir leurs coordonnées.
Le sénateur Dyck : Je crois que vous avez mentionné quelque chose au sujet d'une contestation mineure à un certain moment qui s'est rendue jusqu'à l'échelon du ministre. Ce problème a-t-il pris du temps à résoudre et a-t-il fait obstacle aux travaux des membres du conseil ou à vous-même, à titre de chef?
M. Bone : Non, pas la dernière fois. Il y a eu une occasion. Au cours de l'avant-dernière élection, rien ne s'est passé, mais, à la dernière, il y a eu une préoccupation liée — je crois — à une question administrative à l'échelon de la bande. Toutefois, ce processus n'a pas fait obstacle à l'élection à proprement parler. Je crois que l'agent d'élection a pris l'initiative de recueillir toute l'information de la région du Manitoba, du bureau d'Ottawa et de notre organisme pour résoudre le problème.
Le sénateur Dyck : Merci.
M. Bone : Ça n'a rien changé aux élections.
Le président : Qui forme vos agents d'élection, chef?
M. Bone : Eh bien, la dernière personne que nous avons embauchée était un agent de la GRC, alors c'est peut-être la GRC qui l'a formée. Je ne sais pas. Je plaisante.
Je ne suis pas certain qui, dans la région, assure la formation des agents d'élection. Je crois qu'Affaires indiennes et du Nord Canada, AINC, le fait. Nous n'avons certainement pas participé à la formation des agents d'élection. Nous n'y avons pas eu recours. Par le passé, un gars d'une de nos collectivités était notre agent d'élection, mais nous n'avons pas offert de formation à cet égard.
Le président : Une des grandes questions que je me pose, c'est de savoir si vous avez de plus en plus de membres hors réserve. Bien des gens vont dans les centres urbains pour trouver du travail. Il y a les décisions Corbière et Gull Bay ou Esquega. Avez-vous des suggestions? Je sais qu'une bande des Premières nations du Nord de l'Alberta rédige en ce moment une constitution, qui permettra d'élire un conseiller hors réserve et de laisser tout le monde voter, tout en veillant à ce que la réserve puisse contrôler sa propre destinée.
Souscrivez-vous à ce principe? Croyez-vous qu'on devrait être tout à fait libre, que n'importe qui devrait pouvoir briguer les suffrages? Au cours des audiences, nous avons appris que le vote des personnes qui vivent hors réserve a des retombées négatives sur les personnes de l'intérieur, celles qui vivent dans la réserve. J'aimerais connaître votre opinion sur cette question.
M. Bone : Je suis en faveur de la participation de tous les membres de ma collectivité aux élections. Je suis en faveur de leur participation au conseil, même comme chef. Au fil des années, nous avons permis cela. Bien sûr, maintenant, cela fait partie des pratiques de notre collectivité. Nous ne nous y sommes jamais vraiment opposés, car nous estimons toujours que nous sommes responsables de nos membres hors réserve au même titre que ceux qui vivent dans la réserve, peu importe où ils se déplacent.
Grâce à leur participation, je sais que les politiques relatives aux membres hors réserve, par exemple, seraient du ressort de ma collectivité, de moi et de mes conseillers. Lorsque nous élaborons nos systèmes de portefeuille ou que nous nous penchons sur cette question, nous devons tenir compte de cet aspect. C'est ce que nous faisons, mais, dans l'ensemble, nous tentons d'inclure tous nos membres dans ce processus. Ils téléphonent à tous nos conseillers de toute façon. Ils me téléphonent. Ma collectivité est assez petite pour que nous puissions encore procéder ainsi; nous pouvons toujours entretenir une communication entre nous, d'un océan à l'autre. Quelque 1 000 personnes sont reliées à la Première nation Keeseekoowenin en vertu de leur statut de membre.
Je crois que ce serait idéal, si nous allions dans cette direction, c'est-à-dire les discussions sur la constitution ou sur un processus qui nous serait propre. Je crois que cela nous inclurait, parce que nous n'excluons personne; nous n'avons jamais empêché les membres hors réserve de participer.
Nous avons un problème lorsqu'il est question de leur procurer des ressources, toutefois, parce qu'ils ne comprennent pas que le financement qui nous est consenti vise uniquement les membres de la collectivité qui vivent dans la réserve. Alors, nous devons toujours nous adonner à ce genre d'exercice d'information avec nombre de nos membres qui reprennent contact avec nous à l'échelon communautaire.
Je crois que, s'il existe au Canada un meilleur système de communication pour diffuser ce message, nous pourrions vraiment en tirer profit, ou, sinon, nous pourrions conclure des ententes avec d'autres Premières nations en vue de servir notre peuple — disons, tous les membres de notre peuple qui habitent à Winnipeg — si nous adoptions une forme d'approche coordonnée; c'est assurément une possibilité sur laquelle nous devrions nous pencher. Par exemple, à Brandon ou à Dauphin, ou dans un centre urbain donné, nous pourrions le faire dans le cadre d'une initiative conjointe des conseils de bande, des chefs et des conseils, et je crois que cela profiterait davantage à ces personnes. Elles auraient l'impression de faire partie de notre collectivité. À l'heure actuelle, je sais que certaines personnes ont l'impression que leurs liens avec la réserve sont rompus. Elles ont le sentiment que nous ne les aidons pas.
Dans un sens, nous ne pouvons pas leur offrir de service, car nous n'avons pas les fonds. Toutefois, je proposerais que — une des voies que j'aimerais explorer consisterait à voir si nous pouvons collaborer avec d'autres dirigeants et d'autres ordres de gouvernement pour établir un centre de services qui nous serait destiné dans un centre urbain.
Le président : Certaines Premières nations comptent plus de membres hors réserve que dans la réserve. Je crois que c'est l'exception, et non la règle.
M. Bone : Je crois cela. Je ne connais que les caractéristiques de ma collectivité, et c'est l'inverse.
Le président : Oui. En théorie, tous les membres de votre conseil, tout votre électorat pourrait être hors réserve, dans ces cas.
M. Bone : C'est une possibilité tout à fait envisageable; dans certaines collectivités, cela pourrait se produire, oui.
Le président : Croyez-vous que nous devrions recommander de tenir compte de cette possibilité dans le cadre de l'élaboration de votre constitution? Je crois que cet aspect ne devrait pas être régi par la Loi sur les Indiens. À mon avis, il ne devrait pas y avoir de dispositions législatives à cet égard. Nous aimerions formuler des recommandations à la lumière de l'information que nous recueillons d'un océan à l'autre, afin que, au moment où vous déciderez des structures que vous voulez mettre en place, vous puissiez utiliser cette information.
Au fil du temps, la réalité d'aujourd'hui ne sera pas forcément celle de demain. Par exemple, vous comptez 600 personnes. En principe, si l'industrie de la construction connaissait une forte recrudescence ou si autre chose arrivait dans la région de Brandon, la plupart de votre population pourrait quitter la réserve et aller travailler hors réserve. Je ne sais pas si vous partagez cette préoccupation, mais c'est une préoccupation.
La bande dont j'ai parlé dans le Nord de l'Alberta ne compte que 38 membres qui vivent sur la réserve et quelque 120 membres hors réserve. Elle établit sa constitution de façon à ce que les résidents de la réserve détiennent la majorité des postes de conseiller, mais que les membres hors réserve aient néanmoins le droit le voter.
M. Bone : Oui, je souscris certainement à l'idée que votre recommandation doit être formulée de façon à ce qu'il y ait un lien direct avec notre territoire. Je ne suis pas certain de la façon dont on s'y prendrait. Si nous participons à la création de nos propres règles, ce pour quoi nous militons à l'heure actuelle, je crois que nous essaierions de sauvegarder cet intérêt de cette façon, de nous assurer qu'il y a un lien direct avec le territoire.
Vous avez mentionné tous les membres du conseil qui n'habitent pas dans la réserve; je crois qu'il y aura vraiment une rupture, et il faudra établir des priorités. Certaines priorités seront différentes de celles des membres qui vivent sur le territoire, au sein de la collectivité.
Une recommandation doit ressortir de cet exercice selon laquelle il doit y avoir une sorte de lien direct avec notre territoire. Je sais que nous en reconnaissons l'intérêt en ce moment. Nous croyons que notre existence est directement liée au territoire. Les gens qui iront vivre hors réserve conserveront-ils ce même raisonnement?
Le président : Mon autre préoccupation se rattache à la question de savoir comment vous gagnez la confiance de la population. Je sais que beaucoup craignent que les chefs tentent seulement de prolonger leur mandat pour qu'ils puissent tenir les rênes plus longtemps. Nous avons entendu des témoignages. Je m'intéresse à ce dossier depuis 16 ans, et je sais que, dans 99 p. 100 des cas, les chefs éprouvent de la frustration du fait qu'ils ne peuvent pas mettre en marche des activités de développement économique, notamment. Dès qu'ils réussissent à mettre quelque chose sur pied, ils sont replongés dans une autre campagne électorale et tentent de maintenir la continuité.
J'ignore si on pourrait concevoir quelque chose, car il n'existe pas de solution universelle. Les Premières nations diffèrent considérablement à l'échelle du pays. Les peuples de la côte Est sont complètement différents des Haïdas du nord-ouest de la Colombie-Britannique, par exemple. Il faut garder cela à l'esprit. Je me demande si vous avez des idées là-dessus. La dernière chose que le comité voudrait se faire reprocher est d'imposer quelque chose à qui que ce soit. Pourtant, il faut présenter des idées qui, espérons-le, aideront toutes les Premières nations à mettre sur pied des structures électorales qui renforcent la continuité et la stabilité. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet, chef.
M. Bone : C'est ce dont on parle. Ces changements sont apportés principalement en raison de la corruption. Je ne crois pas que tout revient à ce problème ou qu'il s'agit du seul enjeu. C'est une question de saine planification du développement communautaire. D'un point de vue opérationnel, nous examinons la planification de notre collectivité dans la réserve et hors réserve dans deux ans, et je mets n'importe quel Canadien au défi d'essayer d'en faire autant pour sa collectivité en deux ans. C'est ma réalité, et c'est celle de certains autres chefs avec lesquels je m'entretiens.
Il faut mettre en place ce mandat de quatre ans, ou de trois à quatre ans, qui permettra de prendre le temps de créer une planification solide pour la collectivité. Cela renforcerait la stabilité de toutes les collectivités, à mon avis. Si on essaie de le faire dans le cadre d'un mandat de deux ans — j'ai plaisanté plutôt du fait que je travaillais sept jours sur sept, 365 jours par année, mais c'est ainsi que j'ai sauvegardé ma carrière politique. J'ai dû travailler sept jours sur sept pour m'assurer d'être au diapason de ma collectivité, afin de planifier des processus ou de participer de cette façon. Je crois que nous devons bâtir un système qui engendrerait cette stabilité. Je crois que, si cela suppose de prolonger les mandats, alors c'est ce que nous devrions faire.
Il est vrai que nous entendons parfois aux nouvelles parler de corruption. Oui, cela arrive parfois, mais il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Je ne suis pas issu de cette culture : si on préconise la prolongation du mandat, c'est en vue d'améliorer la planification, de favoriser une saine planification des activités. Il faut le faire.
Si vous essayez d'embaucher un expert-conseil, par exemple, pour vous aider à faire fonctionner votre système, cette activité seule prendra quelques mois. Lorsque vous essayez de concilier ces échéanciers avec votre mandat de deux ans, vous n'avez jamais le de temps de le faire.
Le président : Envisageriez-vous l'établissement d'un ombudsman ou d'une personne-ressource que les membres de la collectivité pourraient consulter? On pourrait en établir un par région.
M. Bone : Oui, je crois que nous pourrions faire quelque chose comme ça, en fonction, par exemple, des territoires qui relèvent d'un conseil tribal. Je crois que, dans le cas des mécanismes de contestation ou des dispositions de cet ordre, si vous cherchez à établir ce genre de choses, ou que vous voulez formuler des recommandations à cet égard, je vous conseillerais de concevoir des mesures qui relèvent le plus possible des Premières nations. Ensuite, je crois que la réponse viendrait d'elle-même, car les collectivités savent de première main ce qui se produit chez elles. Les gens de ma collectivité savent exactement ce qui s'y passe. Ils savent aussi ce qui se produit dans les réserves avoisinantes. Nos familles font partie de tout ce réseau. Le West Region Tribal Council, par exemple, est une combinaison de familles réparties sur neuf réserves, alors nous avons déjà un réseau.
Je crois que toute recommandation à ce chapitre doit habiliter fortement les peuples des Premières nations, pour que l'on puisse apporter les changements qui s'imposent, proposer des changements qui contribueront à régler les problèmes liés au leadership.
Le sénateur Hubley : Je crois qu'on a été très réceptif dans la plupart des cas. J'avais en fait une question sur les consultations et la façon dont vous maintenez la communication avec les membres de votre collectivité, surtout ceux qui vivent hors réserve. Est-ce quelque chose qui a seulement lieu au moment des élections, ou y a-t-il toujours moyen de communiquer avec eux de façon continue?
M. Bone : Allez-vous me demander comment je m'y prends pour assurer la viabilité de ma plate-forme? La réponse, c'est que ma collectivité est assez petite pour que cette communication soit maintenue grâce au programme des visites à domicile, au programme des appels téléphoniques, pour ce genre de liens. C'est ainsi que j'ai conservé mes appuis. C'est ainsi que les conseillers de ma collectivité ont conservé leurs appuis. Plus nous passons de temps à côtoyer nos membres dans leur milieu, comme leur salon ou leur cuisine, plus nous remporterons de succès à cet égard. Remarquez, le processus est plus long que ça, mais c'en est une partie.
La deuxième étape consisterait à mettre sur pied au sein de l'administration des systèmes régissant la façon dont on mène les travaux à l'occasion des réunions de la bande ou de réunions sur une question particulière. C'est un autre processus.
Faire participer les gens, pour obtenir des conseils clairs, et promouvoir la présence de nos membres au sein des comités, pour aider les gestionnaires consultatifs ou toute personne jouant ce rôle dans le cadre de tous nos programmes est une autre solution. Si nous implantons cette culture au sein de la collectivité, à mon avis, j'avance tout simplement que c'est un partage avec les membres de la responsabilité se rattachant à la prestation de services ou à l'évaluation des services.
Le sénateur Hubley : Le conseil tient-il des assemblées annuelles ouvertes au public qui peuvent donner lieu à une discussion ou permettre aux gens de faire des propositions?
M. Bone : C'est pratique courante, oui. Nous ne l'avons pas fait autant que nous aurions dû, mais c'est la solution. La solution réside dans la tenue d'assemblées annuelles, d'ateliers sur des questions. Je crois que c'est la bonne façon de faire, oui.
Le sénateur Hubley : On a soulevé cette question assez souvent, ainsi que celle concernant le besoin de gens. Comment exécutez-vous ce programme de consultation? Comment informez-vous vos membres de ce qui arrive et comment obtenez-vous leurs commentaires à ce sujet? La plupart des gens ont laissé entendre que c'est une caractéristique importante qui doit être en place.
Le sénateur Dyck : Je vais poursuivre dans la même veine et parler des membres qui habitent dans la réserve et hors réserve. Vous avez dit que, pour obtenir du financement d'AINC, vos membres devaient habiter dans la réserve. Y a-t- il une disposition de la Loi sur les Indiens qui l'exige explicitement? La loi prévoit-elle vraiment une période durant laquelle la personne doit se trouver là-bas? J'imagine qu'il arrive parfois qu'une famille ou une personne fasse la navette. Arrive-t-il que des gens vivant hors réserve partent, puis reviennent?
M. Bone : J'imagine que, dans ma collectivité, le critère tient au travail que fait chaque personne. Par exemple, des étudiants partent pour l'université ou le collège. Il y a un va-et-vient constant de jeunes. Une fois qu'ils ont 18 ans, ils partent pour l'université et le collège. Toutefois, on entretient un lien avec ce groupe assez régulièrement. Le lien est, entre autres, de nature administrative, par l'intermédiaire de nos programmes. Par exemple, ma collectivité compte environ 35 étudiants de niveau collégial et universitaire, et le lien sera entretenu assez régulièrement grâce à un conseiller aux études postsecondaires. Il y a aussi un lien à ce chapitre.
Le sénateur Dyck : Considère-t-on que ces personnes vivent dans la réserve lorsqu'elles sont à l'extérieur?
M. Bone : De fait, oui, nous les considérons comme des personnes vivant à l'intérieur de la réserve. Ils sont pris en considération dans le décompte de la population puisque leur première résidence était à l'intérieur de la réserve.
Le sénateur Dyck : Il s'agit donc de votre décision, et non pas d'une obligation découlant d'une disposition de la Loi sur les Indiens.
M. Bone : Oui, c'est exact.
Le sénateur Dyck : Cela s'applique aux personnes qui poursuivent des études postsecondaires?
M. Bone : Oui.
Le sénateur Dyck : Et que se passe-t-il dans le cas d'une personne qui a déménagé à Dauphin pour occuper un emploi dans la construction, par exemple?
M. Bone : En fait, nous sommes actuellement aux prises avec ce genre de situation. Lorsqu'une personne déménage pour occuper un emploi à l'extérieur de la réserve, certains membres de sa famille demeurent à la maison, dans la réserve — la personne qui est à l'extérieur conserve donc un lien avec la réserve. Cependant, certaines personnes qui ont quitté la collectivité n'y ont pas remis les pieds depuis à peu près 20 ans. Au moment de leur départ, disons il y a 20 ans, ils ont laissé leur maison à quelqu'un qui vivait déjà dans la collectivité. Il est plus difficile pour nous de conserver un lien avec ces personnes — nous devons déployer des efforts pour connaître leur adresse, savoir où ils vivent, ou pour les rencontrer de façon officielle ou non. Nous faisons tout cela de notre propre initiative. Ces démarches ne découlent plus d'une obligation législative.
Le sénateur Dyck : En ce qui concerne le recensement de la population vivant dans la réserve, il semble que le décompte des personnes en tant que telles soit un facteur moins important que les facteurs liés au logement. Par exemple, on prend en considération la période pendant laquelle une personne a vécu dans un logement dans la réserve à un moment ou à un autre de sa vie.
M. Bone : Oui, le logement est un facteur qui entre en ligne de compte.
Le sénateur Dyck : Cela n'est pas prescrit par la Loi sur les Indiens. À cet égard, chaque chef et conseil de bande prend ses propres décisions à l'interne. Est-ce exact?
M. Bone : Oui, c'est exact, du moins de notre point de vue.
Le sénateur Dyck : N'aimeriez-vous pas avoir la possibilité de comptabiliser au sein de la population vivant dans la réserve un plus grand nombre de personnes vivant hors réserve puisque cela vous permettrait d'obtenir davantage de financement de la part d'AINC?
M. Bone : C'est le défi que nous tentons de relever.
Le sénateur Dyck : Si tant est que l'on vous reconnaisse le pouvoir de les considérer comme faisant partie de votre population.
M. Bone : Oui. J'imagine que, à nos yeux, nous avons ce pouvoir. Nous avons exercé des pressions pour essayer d'obtenir davantage de fonds pour le logement, par exemple. Ces efforts ont été déployés en vain. Je crois que vous avez entendu des histoires à ce sujet — vous en avez peut-être entendu parler. Si nous n'avons pas les moyens de construire de nouveaux logements dans la réserve, comment convaincre les personnes qui veulent revenir vivre dans la réserve de le faire?
Le sénateur Dyck : On dirait que AINC refuse de verser du financement parce que ces personnes ne vivent pas dans la réserve. Ainsi, dans une certaine mesure, AINC demeure maître de la situation.
M. Bone : Oui, c'est exact.
Le sénateur Dyck : Eh bien, j'ai moi-même qualité de membre hors réserve d'une Première nation. Je n'ai jamais vécu à l'intérieur de la réserve. Ma mère a perdu son statut de membre d'une bande. Toute ma vie, j'ai vécu dans des petits villages, des collectivités et des villes. La question de l'appartenance à une Première nation est intéressante — puis-je décider de demander ma carte de membre puisque la famille de ma mère vit dans une réserve? Vous avez dit que l'appartenance à une Première nation dépendait davantage du facteur du logement que du lien avec la collectivité — ou alors faut-il habiter effectivement dans la réserve?
M. Bone : Je ne suis pas certain de comprendre votre question, mais je peux vous dire que nous n'avons pas tranché cette question relative au logement.
Le sénateur Dyck : À mon avis, toute cette question de la définition des personnes vivant dans la réserve ou hors réserve deviendra de plus en plus compliquée avec le temps — en effet, davantage de gens quittent les réserves, il y en a peut-être qui retournent y vivre pendant la récession, et plus de personnes se marient à l'extérieur des réserves.
M. Bone : Je pense que vous avez raison. Il faut également tenir compte de la distance entre la réserve et le centre urbain le plus près. D'après moi, à tout le moins dans notre région, plus la réserve est près d'un centre urbain, plus nos membres veulent habiter dans la réserve, par exemple s'ils travaillent à Brandon.
Le sénateur Dyck : Je suis conscient du fait que j'ai beaucoup insisté là-dessus, mais j'estime qu'il s'agit d'une question très importante pour la suite des choses en ce qui concerne les règlements en matière d'élections touchant des problèmes abordés dans le cadre de la décision Gull Bay.
Le président : À votre avis, le système électoral prévu actuellement par la Loi sur les Indiens favorise-t-il la reddition de comptes des chefs et des conseils à l'égard des membres de leur collectivité? Nous avons entendu dire que les chefs rendaient des comptes non pas à leurs membres, mais à AINC. Quelle est votre opinion à ce sujet? Je ne suis pas en train d'essayer de vous piéger. Il s'agit simplement d'une question qui a été soulevée. Pour ma part, je considère qu'il s'agirait d'une raison suffisante pour que nous recommandions qu'une telle disposition soit supprimée de la Loi sur les Indiens de manière à ce qu'on vous laisse diriger vous-même votre destinée. Je vais vous laisser répondre, chef.
M. Bone : Oui, vous avez raison. Nous passons beaucoup de temps à présenter des rapports au ministère des Affaires indiennes ou à la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Effectuer ce type de reddition de comptes est devenu un travail en soi. Cela fait en sorte que nous sommes davantage occupés à nous assurer de rendre des comptes à AINC ou à d'autres ministères fédéraux qu'à rendre des comptes à nos membres et à faire de cette activité une priorité. Nous ne pouvons plus nous occuper de ce qui nous arrive.
Je suis conscient du fait que, au cours des 100 dernières années, du moins dans notre collectivité, nous sommes devenus des gestionnaires ou des assistants du ministère des Affaires indiennes. Tout naturellement, de la manière dont se déroulent les choses, oui, sans aucun doute, nous allons veiller à rendre des comptes à AINC ou à tout autre ministère auquel nous avons affaire. Cependant, en ce qui a trait à l'argent versé par le gouvernement, la direction que nous avons prise, c'est de rendre des comptes à nos propres membres.
Nous ne sommes pas opposés à la mise en place de ce type de procédures ou de pratiques. Nous sommes en train de le faire et nous nous rajustons continuellement avec l'aide de nos cabinets de vérification et des divers consultants en planification communautaire auxquels nous avons recours.
Le président : Merci beaucoup, chef. Cela était instructif. Parfois, il faut se rendre dans une grande ville pour entendre la vraie histoire. Nous vous savons gré d'avoir pris le temps de venir ici. Votre exposé était excellent, et nous vous remercions d'avoir répondu à notre appel. Avez-vous quoi que ce soit à ajouter avant de nous quitter?
M. Bone : J'ai juste une chose à ajouter. Je pense que nous vous serions extrêmement reconnaissants d'organiser une réunion de ce genre pour rencontrer directement les Premières nations, les membres de nos réserves. Vous pourriez ainsi entendre ce que nos populations ont à dire et prendre le pouls de nos réserves. Il y en a 64 au Manitoba. Je ne sais pas dans combien de réserves vous vous rendrez dans le cadre de vos audiences, mais il est certain que nos membres formuleraient les mêmes commentaires et soulèveraient les mêmes préoccupations que nous. Merci.
Le président : C'est un bon conseil. Merci beaucoup.
Collègues, notre prochain témoin est un membre de la Première nation de Waywayseecappo, une collectivité située à proximité de celle de notre autre témoin, à une heure et demie de route au sud d'ici. Je me suis rendu sur les terres de la Première nation de Waywayseecappo. Il s'agit d'une très, très belle région, qui regorge de collines ondulées et de rivières. Accueillons le chef Murray Clearsky.
Bienvenue, chef Murray. Veuillez commencer.
Murray Clearsky, chef, Première nation de Waywayseecappo : Merci beaucoup de m'avoir invité à cette réunion du Sénat et de me permettre d'exprimer mes préoccupations en ce qui concerne cette élection, le code électoral et les élections selon la Loi sur les Indiens. Je vous en suis reconnaissant.
Une fois, je me trouvais à Ottawa et j'ai rencontré quelques membres du comité permanent. Ils m'ont demandé de rassembler des renseignements et de me présenter à Ottawa pour faire part de mes préoccupations en ce qui concerne nos collectivités des Premières nations et le processus électoral.
C'était il y a trois ans. Je n'ai pas donné suite à cette proposition. Comme l'a indiqué le sénateur St. Germain, tenter de traiter avec l'AINC et de prévenir tous les problèmes qui peuvent se présenter dans nos collectivités constitue un travail à temps plein.
Cela dit, je vous remercie une fois de plus de m'avoir invité. J'espère que notre discussion sera instructive et qu'elle donnera des résultats.
Le président : C'est tout?
M. Clearsky : C'est suffisant.
Le président : Vous me faites penser à Winston Churchill. Vos discours sont courts, mais percutants.
M. Clearsky : Vous aimeriez peut-être que je vous parle un peu de mes antécédents?
Le président : Passons tout de suite aux questions. Nous en avons une kyrielle à vous poser. Commençons par le sénateur Dyck.
Le sénateur Dyck : À l'heure actuelle, votre Première nation est-elle assujettie à la Loi sur les Indiens ou a-t-elle adopté un régime d'élection selon la coutume?
M. Clearsky : Nos élections se déroulent selon la Loi sur les Indiens.
Le sénateur Dyck : Le mandat est d'une durée de deux ans.
M. Clearsky : C'est exact.
Le sénateur Dyck : Est-ce que ce système vous convient? Avez-vous eu des problèmes, par exemple un nombre incalculable de cas d'appels?
M. Clearsky : Oh, oui. La Loi sur les Indiens ne nous favorise pas. Pendant mon exposé, j'aurais peut-être dû parler un peu de mes antécédents. J'ai été élu au conseil en 1984. J'y ai siégé pendant quatre ans. À la fin de ce mandat, j'ai été élu chef. C'était en 1989. J'ai occupé ce poste jusqu'à il y a six ans. Ensuite, j'ai pris quelques mois de congé, puis j'ai été élu au conseil d'une bande de Dakota, la Première nation de Birdtail Sioux. Je suis devenu chef de cette bande. J'ai occupé ce poste un certain temps, le temps de mener à bien ce que j'avais entrepris.
Ensuite, des élections ont eu lieu à Wayway, et j'ai été réélu. Pendant six mois, si je ne m'abuse, j'ai dirigé les deux collectivités à la fois. J'étais chef des deux réserves, et depuis ce temps, j'ai toujours été chef. Je dirige la collectivité depuis 23 ans — je parle ici de la collectivité de Waywayseecappo, sans compter les deux années que j'ai passées à Birdtail.
Pour ce qui est du processus électoral aux termes de la Loi sur les Indiens, j'aimerais moi aussi qu'il soit modifié, notamment parce qu'il divise considérablement nos collectivités. Même nos aînés sont inquiets en ce moment. Ils me le disent eux-mêmes. Je parle la langue de ma nation. Je discute avec nos aînés dans cette langue, et ils me disent toutes sortes de choses. Il y a environ deux semaines, j'ai rencontré quelques aînés d'ici, plus précisément cinq aînés représentant chacun sa nation respective, à savoir la nation Dakota, la nation Crie, la nation Ojibway, la nation Dene et la nation Lakota. Chacun parlait la langue de sa propre nation. Ils ont tous pris la parole. Quoi qu'il en soit, j'ai discuté avec eux. Je pense qu'il y avait environ dix chefs qui voulaient tenir cette réunion, et nous l'avons tenue.
Les aînés nous ont dit ce qui se passait, ce qui allait se passer et comment tout a véritablement commencé. Leurs propos étaient empreints de vérité. De fait, après cette rencontre, j'étais quelque peu bouleversé. Ils nous ont indiqué certaines choses dont nous devrions être avertis. Un des aînés a parlé du processus électoral.
Le sénateur Dyck : Vraiment?
M. Clearsky : Cela a eu lieu à Fort Qu'Appelle, sur le territoire visé par le Traité no 4. Je suis membre d'une collectivité visée par le Traité no 4. Nous avons un centre de gouvernance à Fort Qu'Appelle. Les Premières nations visées par le Traité no 4 tiennent leurs petits sommets dans un grand tipi qui se trouve dans cette collectivité. Habituellement cinq aînés assistent aux réunions, et ils portent chacun un calumet.
J'ai pris mon courage à deux mains et demandé pourquoi il y avait cinq calumets. J'en porte un moi-même. On m'a répondu que j'aurais pu l'amener, mais que je n'aurais pas pu prendre place à la table principale, ou quelque chose du genre. En fait, il ne s'agit pas véritablement d'une table — nous nous assoyons tous sur le sol. L'aîné m'a indiqué que, dans le cadre de toutes les cérémonies que nous tenons, celui qui préside porte un calumet. Habituellement, cet aîné a quatre assistants, qui portent chacun un calumet. C'est la raison pour laquelle il y avait cinq calumets. Il y en a toujours cinq ou moins.
Plusieurs choses ont été dites. En ce qui concerne les élections, ce que l'aîné m'a dit, c'est que ce processus découlait du projet de loi C-31, mais qu'il fallait remonter plus loin pour en découvrir l'origine. Il a dit qu'avant, nos élections ne duraient que deux semaines. C'était le bon vieux temps. Personne ne courait le risque de s'énerver et de s'en prendre à quelqu'un d'autre. C'est un peu comme cela qu'il m'a expliqué les choses. Puis, selon lui, tout d'un coup, la durée de la campagne électorale est passée à 79 jours. Cela s'est révélé être néfaste. À la fin de la campagne, tous sont en guerre les uns contre les autres. Cela est vrai — j'en ai fait moi-même l'expérience à maintes reprises.
Je n'ai pas une famille très nombreuse. Si j'ai été élu, j'imagine que c'est non pas en raison de la taille de ma famille, mais en raison des bonnes actions que je pose pour ma collectivité et de toutes les autres bonnes choses que je fais. Une majorité des personnes de ma collectivité qui touchent de l'aide sociale sont des victimes de la pénurie d'emplois. J'ai l'habitude d'envoyer quelques hommes à la chasse et de répartir leurs prises et tout ce qu'ils ramènent entre quelques personnes de ma collectivité — d'abord entre les aînés, ensuite entre les personnes qui touchent de l'aide sociale. Je fais beaucoup de choses de ce genre dans ma collectivité. Je viens en aide aux gens de toutes sortes de façons. Lorsque quelqu'un décède, j'offre du soutien à la famille. J'ai toujours été comme cela — j'ai toujours offert de l'aide aux autres. Je n'aime pas voir un membre d'une Première nation être en difficulté ou se démener pour ne pas l'être. Si je peux lui venir en aide de quelque façon que ce soit, je tenterai de le faire du mieux que je le peux.
J'imagine que cela explique en partie pourquoi je suis chef depuis aussi longtemps. Je traite les membres de ma collectivité et les membres des autres collectivités de la même façon, jusqu'à ce qu'ils se mettent dans le pétrin. Alors, je dois exercer les droits qui me sont conférés en ma qualité de chef.
Je reviens à ce que me disait l'aîné en question. Selon lui, dans un proche avenir, nous allons être contraints de transformer nos réserves en municipalités. Il a ajouté : « Regardez ce qui se passe avec le logement et dans tous les autres secteurs. On est censé nous fournir des logements, mais on ne le fait pas. » Nous devons présenter des demandes. Nous devons embaucher un consultant pour préparer les documents requis que nous devons présenter afin d'être admissibles à une subvention en matière de logement pour nos collectivités. Nous devons payer entre 3 000 $ et 6 000 $ au consultant pour la préparation de chaque dossier. Ces dossiers sont volumineux — ils ont au moins deux ou trois pouces d'épaisseur et contiennent une tonne de renseignements, des études de faisabilité et tout le bataclan. J'estime que notre collectivité a fait l'objet de suffisamment d'études.
Chaque fois que le ministère des Affaires indiennes a quelques dollars à verser, il exige qu'on lui présente une étude, et la collectivité ne reçoit rien.
À mes yeux, on s'est mal conduit envers nous. Nous avons toujours affirmé que nous, les peuples visés par les traités, avions des droits découlant de traités, mais on nous demande de remplir toutes sortes de formalités pour le prouver, et cela est injuste. Il y a d'autres choses que nous aimerions faire pour notre collectivité, mais nous ne pouvons rien entreprendre parce que nous sommes trop occupés à fournir des preuves du bien-fondé de nos demandes.
Cela vaut également pour ce qui est de nos revendications territoriales. Pourquoi devons-nous prouver leur bien- fondé? C'est le gouvernement qui devrait avoir à prouver que nos revendications ne sont pas justifiées. Tout fonctionne à l'envers.
Nous n'avons pas les moyens de continuer à faire cela, de continuer à payer des gens. Les gens que nous embauchons pour mener ces recherches n'appartiennent pas à une Première nation visée par un traité. Nous ne disposons pas, au sein de nos collectivités, de personnes qualifiées pour effectuer ce genre de recherches. Bien sûr, il arrive qu'on nous accorde 10 millions de dollars. Au bout du compte, si nous sommes chanceux, nous toucherons quatre millions de dollars de cette somme. Ensuite, à même cette somme de quatre millions de dollars, nous devons embaucher des personnes qualifiées pour faire des recherches et je ne sais quoi d'autre et, en dernier ressort, nous nous retrouvons à la case départ, avec pour ainsi dire aucune somme à investir dans nos collectivités.
Je vais vous dire quelque chose. Ma collectivité reçoit 12 millions de dollars par année de Winnipeg — non pas d'Ottawa, mais de Winnipeg. La somme versée par Ottawa devrait s'élever à 18 millions de dollars, mais lorsque nous recevons ce financement pour nos programmes d'éducation et tout le reste, il ne reste plus que 12 millions de dollars. Je n'ai pas peur de dire cela.
Dans nos collectivités, des choses de ce genre se produisent depuis des années. Prenez, par exemple, ce grand immeuble de verre où se trouvaient les bureaux de l'AINC à Winnipeg. Tout cet immeuble avait été loué d'un proche du ministère. Je le sais. Nous avons manifesté devant cet immeuble, pour diverses raisons. J'imagine que le ministère a eu vent de l'affaire puisque, aujourd'hui, ils louent leurs locaux d'une autre organisation. Ils ont effectué des compressions de personnel.
Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je vais sauter du coq à l'âne. Je n'entrerai pas dans les détails de tel ou tel sujet — je vais me contenter de signaler des exemples. Vous pourrez ensuite rassembler cela en un tout cohérent.
Aujourd'hui, les bureaux de l'AINC se trouvent sur l'avenue Higgins, dans un immeuble moins récent. Quelqu'un avait entendu dire que les membres du ministère avaient loué un immeuble appartenant à un de leurs amis, et c'est pourquoi les bureaux de l'AINC se trouvent aujourd'hui dans l'immeuble de l'avenue Higgins. Le personnel du ministère a été réduit. Chaque fois que nous tentons de communiquer avec notre agent des services de financement, nous ne parvenons pas à le faire en raison du manque de personnel. Pour faire quoi que ce soit, en matière de logement ou dans un autre domaine, nous devons passer par l'agent des services de financement. Ce problème entraîne donc des retards.
La situation est la même en ce qui concerne le directeur général régional. Par exemple, dans ma collectivité, il y a quelques problèmes à régler en éducation. Une petite annonce indiquant que nous sommes à la recherche d'enseignants pour le prochain exercice devait paraître dans le journal. J'attends toujours. Avant de pouvoir publier ces offres d'emploi, je dois rencontrer les représentants de l'AINC. Dans notre collectivité, les enseignants touchent 10 000 $ à 16 000 $ de moins qu'un enseignant hors réserve. On s'attend tout de même à ce que nous dispensions une bonne éducation à nos enfants. Je ne suis pas en train de blâmer les enseignants, mais avec le financement que nous recevons, nous ne pouvons leur donner que des miettes. Cela est injuste envers nos collectivités. Dans ma collectivité, j'ai mis en place une école dirigée par la bande.
C'est la raison pour laquelle les autres collectivités s'associent à Frontier. Elles associent leur programme scolaire à celui d'autres organisations en raison d'un manque de financement.
Avant, il y avait un plafond pour ce qui est des études postsecondaires. Ce plafond a été augmenté, mais pas le financement. Chaque fois que nous présentons une demande, nous nous faisons répondre qu'il n'y a plus d'argent.
Ma collectivité reçoit 540 000 $ par année pour les études postsecondaires. Quelque 27 membres de notre collectivité poursuivent des études postsecondaires. Divisez le financement que nous recevons par le nombre d'étudiants, en tenant compte de toutes les démarches fastidieuses que je dois faire pour l'obtenir, et vous constaterez qu'il s'agit d'un montant peu élevé. J'imagine que c'est pour cette raison que quelques-uns d'entre eux sont aussi engagés dans la vie politique de nos collectivités. Il s'agit de personnes vivant hors réserve. Vous savez, c'est un moyen de vous faire entendre notre message. Mais ce n'est pas de votre faute. Nous exécutons les tâches que nous impose AINC et nous tentons de faire de notre mieux avec le peu d'argent que nous recevons pour l'éducation postsecondaire. Il y a beaucoup de problèmes.
Nous avons le même type de problème avec nos autobus. On nous accorde 60 000 $ par année pour l'achat d'un autobus de 120 000 $. Nous devons déposer cette somme à la banque pour deux ans de manière à amasser les sommes nécessaires pour acheter un autobus. Ce genre de chose est tout simplement injuste à notre égard.
Nos membres commencent à s'en prendre à nous et à dire que nous ne nous préoccupons absolument pas de l'éducation de nos enfants et d'autres choses du genre. Nous sommes aux prises avec tout cela. Nous épluchons des piles de documents présentés par les membres de nos collectivités.
Pendant les assemblées de notre bande, je présente tout à nos membres, mais combien d'entre eux savent lire un rapport de vérification? Très peu, vous savez. Vous pourriez leur dire n'importe quoi. Ils nous disent que nous avons un autre ensemble de livres, des choses du genre.
Je veux revenir au ministère des Affaires indiennes et à la dernière enquête qu'il a menée conjointement avec notre ministère ici, à Winnipeg. Vous savez, la collectivité en a subi les conséquences. Rien n'a changé, si ce n'est les quelques dollars que l'on nous verse chaque mois. Nous n'avons pu présenter aucune proposition parce que l'enquête était en cours. Quelqu'un a tout bousillé et, comme je l'ai indiqué, nous en avons pâti. Ici, au Manitoba, les Premières nations en ont souffert.
À présent, on est ou on était à la recherche d'un nouveau directeur général régional, qui remplacera celui avec lequel nous traitions en ce qui concerne mon école. C'est comme si tout ce que nous avons fait n'avait jamais existé. Quelques membres du personnel et moi-même avons, en quelque sorte, rêvé à tout cela — nous allions mener un projet pilote avec une autre organisation et le faire diriger par AINC de manière à pouvoir recevoir du financement du gouvernement provincial pour combler les diverses lacunes de notre programme d'éducation. C'est de cela que je voulais parler, pour voir si AINC offrirait son soutien.
Je suis entré en communication avec quelques représentants d'une division scolaire située à 30 milles de ma collectivité, et je leur ai demandé : « Pourquoi ne pas élaborer ensemble une demande et la présenter à AINC pour voir si, d'une façon ou d'une autre, vous pourriez embaucher des enseignants pour ma collectivité par le truchement des instances provinciales? Je fournirai la somme nécessaire pour combler l'écart salarial. » J'ai fait la même chose à d'autres égards. Je voulais faire cela dans le cadre d'un projet pilote. C'est le genre de choses à propos desquelles je voulais discuter avec eux.
Quoi qu'il en soit, tout d'un coup, on est à la recherche d'un nouveau directeur général régional, et nous nous retrouvons à faire affaire avec quelqu'un qui s'apprête à quitter son poste. Il y a deux semaines, je suis retourné le voir, et il m'a dit qu'il était inutile de le rencontrer parce qu'il allait quitter son poste. J'imagine qu'il ne répondait pas aux exigences. Nous sommes donc de retour à la case départ, et nous devons embaucher des enseignants. Quelques-uns des enseignants quittent leur poste. Il y a 16 enseignants dans ma collectivité, et huit d'entre eux quittent leur poste. Cela représente la moitié de nos enseignants. Certains d'entre eux en sont à leur première année d'enseignement. Évidemment, ils acquièrent de l'expérience et tout le reste, puis ils sont prêts à passer à autre chose. L'expérience qu'ils ont acquise fera d'eux de meilleurs enseignants, peu importe l'endroit où ils poursuivront leur carrière.
En tout cas, il s'agit de certaines de choses qui se passent. À mes yeux, notre collectivité est devenue en quelque sorte un centre de formation pour la population non autochtone. J'ai horreur de dire cela, mais c'est la vérité.
Il y a les consultants, et il y a les avocats. Au fil des ans, les avocats que nous embauchons se sont améliorés. Il y a 20 ans, ils ne connaissaient pas grand-chose à propos de la Loi sur les Indiens ou les traités. Aujourd'hui, je constate une énorme différence à ce chapitre.
Pour revenir aux élections, l'ancien processus de deux semaines était infiniment meilleur que celui d'aujourd'hui. En ce qui me concerne, les membres hors réserve ne devraient pas... disons les choses ainsi : ces personnes qui appartiennent à la collectivité ont un certain mot à dire, mais, à mon avis, elles ne devraient pas pouvoir influencer quiconque à voter. Ce que je veux dire, je suppose, c'est que si ces personnes veulent voter comme elles le faisaient il y a plusieurs années, elles devraient venir dans la collectivité pour exercer leur droit de vote. Il ne devrait pas y avoir de vote par la poste, de scrutin se tenant à l'extérieur de la collectivité.
Nous avons énormément de problèmes avec ces bulletins de vote. Nous n'avons absolument aucune idée quant à l'identité des personnes qui les signent ou les remplissent. Je pourrais envoyer un tas de bulletins de vote à une adresse bidon, les remplir moi-même et les renvoyer. Ce processus n'est pas surveillé.
Dans ma collectivité, au cours des dernières élections, l'une des candidates a présenté 25 bulletins de vote, qu'elle prétendait avoir reçus par la poste. Comment prouver que cela est vrai ou faux? Il s'agit de la même personne qui a interjeté appel parce qu'elle n'a pas été élue. Je ne pense pas qu'il est judicieux d'accepter les bulletins de vote envoyés par la poste. Les gens qui souhaitent voter comme avant sont invités à venir dans notre collectivité et à exercer leur droit de vote.
Quant à la règle de 79 jours, il n'en est absolument pas question. Cette règle ne s'applique pas à l'échelon provincial ou fédéral, alors pourquoi en serait-il ainsi pour nos Premières nations? C'est inacceptable. Cela entraîne un grave problème. C'est peut-être une façon de nous piéger. On nous piège depuis un bon nombre d'années. Il s'agit peut-être d'une façon de piéger les Premières nations pour s'en débarrasser. On espère peut-être que les populations des Premières nations s'entretuent et qu'il n'y ait aucune élection. C'est comme ça que les choses se passent : les Premières nations sont en train de disparaître tranquillement.
Selon le projet de loi C-31, le statut d'Autochtone se perd après deux générations de parents non autochtones. Combien y a-t-il d'Autochtones « pure race » dans nos collectivités? C'est le genre de problèmes auxquels on aboutit avec toutes ces mesures. C'est ce qu'a dit l'aîné. Nous sommes en train de nous métisser et nous allons finir comme le sénateur St. Germain. Je parle ici de la question de l'ascendance. Soudainement, plus aucun traité ne prévaudra. On dira aux Autochtones : « Vous n'avez aucun droit. » Vous voyez ce que je veux dire? Je leur souhaite d'occuper un poste comme celui du sénateur St. Germain, mais je faisais allusion à la question de l'ascendance.
Quoi qu'il en soit, c'est ce qui s'est passé et c'est ce qu'ont dit nos aînés. Les aînés nous ont dit : « D'ici 20 ans, il n'y aura à peu près plus aucun Indien visé par un traité. »
En tout cas, passons à la prochaine question. Je suis désolé d'avoir pris autant de temps.
Le président : C'était une excellente réponse.
Le sénateur Lovelace Nicholas : En effet.
Le président : C'est l'un des meilleurs exposés auxquels nous avons assisté.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui.
Le président : Bien sûr, l'exposé de l'intervenant précédent était tout aussi excellent.
M. Clearsky : Oh, d'accord.
Le président : Je me suis rendu à Waywayseecappo. On y trouve une école moderne en tous points, et cela est impressionnant. Si je ne m'abuse, la langue de votre peuple est également enseignée dans cette école, n'est-ce pas?
M. Clearsky : Oui. Nous dispensons un programme d'immersion en langue ojibway. Cette langue est enseignée de la maternelle à la quatrième année, mais là encore, nous allons manquer d'argent. Nous n'avons pas les moyens d'embaucher des enseignants. Nous avons reçu une subvention pour embaucher cet enseignant, acheter les livres et tout le nécessaire pour dispenser ce programme d'immersion.
J'ai siégé au sein du conseil sur les ressources en éducation à Winnipeg pour le compte des chefs du Manitoba. Cela se passait il y a environ quatre ans, peut-être trois. Quoi qu'il en soit, cinq millions de dollars ont été affectés à l'enseignement des langues autochtones. Je ne sais pas si vous êtes au courant de cela.
Le président : Oui, je m'en souviens.
M. Clearsky : Pour une raison ou une autre, nous avons été un peu lents à élaborer nos propositions à cet égard et à les présenter. Peu de temps après, nous avons appris que Patrimoine canadien avait reçu une part importante de cette somme. Nous nous sommes retrouvés avec 280 000 $ de cette somme de cinq millions de dollars. Trois programmes d'immersion ont été mis en œuvre — un en langue dakota, un autre en langue ojibway et un dernier en langue crie — et nous nous retrouvons avec cette somme. À ce jour, c'est ce que nous avons reçu, et il n'en reste plus rien.
Nous consultons un peu nos voisins qui se trouvent au sud de la frontière, dans les environs de Minneapolis. Dans cette région, des conférences ont été tenues à propos de la Première nation de Chippewa, et des programmes d'immersion sont en place. On consulte également les Premières nations qui se trouvent à l'ouest, les Dakotas, pardon, les Lakotas. On tente de tout consolider entre l'ensemble des Premières nations de cette région. Mais nous n'avons pas beaucoup d'argent. En fait, nous n'en avons pas du tout.
Je suis membre du conseil tribal Dakota Ojibway. L'autre jour, une enseignante s'est présentée devant les membres du conseil pour demander un don — vous savez, il s'agit de ces petites sommes que nous versent les collectivités et que nous sommes censés redistribuer dans les collectivités. En fin de compte, nous lui avons remis 5 000 $. En raclant les fonds de tiroir, c'est la somme que nos collectivités ont pu rassembler sans compromettre leurs programmes.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Croyez-vous que l'on devrait instaurer des élections à date fixe?
M. Clearsky : Des élections à date fixe?
Le sénateur Lovelace Nicholas : Êtes-vous d'accord avec le mandat de quatre ans?
M. Clearsky : Non, je ne suis pas d'accord avec cela.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous n'êtes pas d'accord?
M. Clearsky : Non.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Oubliez ma question.
M. Clearsky : Non, je vais y répondre. Je suis en faveur d'un mandat de trois ans, mais non pas de quatre ans. Cela me semble un peu trop long. Si vous faites un assez bon travail dans votre collectivité, vous ne devriez pas avoir de problème à vous faire réélire. Le problème, c'est que nous sommes sans cesse en processus électoral. Les élections favorisent les querelles au sein de la population.
Je pense qu'un mandat de trois ans serait suffisamment long. Nous aimerions occuper notre poste jusqu'à notre mort, comme les sénateurs, mais nous sommes incapables de faire accepter cette idée. Non, sans blague, je pense qu'un mandat de trois ans serait approprié. Si je suis d'accord avec un mandat de trois ans, en revanche, je ne suis pas chaud à l'idée d'adopter un processus de 79 jours. Cela équivaut presque à trois mois. Un processus de deux semaines conviendrait — la première semaine serait consacrée à la campagne électorale, et la deuxième, au scrutin.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui, exactement. Si je vous ai posé cette question, c'est que de nombreuses personnes ont indiqué qu'un mandat de quatre ans était approprié puisqu'il faut accorder à un nouveau chef un certain temps pour apprivoiser le système. Un nouveau chef doit présenter un plan, et bien des gens ont affirmé qu'une période de quatre ans permettrait d'élaborer tout cela. En outre, beaucoup de personnes ont soulevé des préoccupations quant aux élections à date fixe. Si j'ai posé une question à ce propos, c'est que le nouveau chef élu doit composer avec le déficit laissé par le chef précédent.
M. Clearsky : Eh bien, je suis d'accord avec cela également, mais il faudrait prévoir une disposition selon laquelle le chef et les membres du conseil sortants doivent collaborer avec le nouveau chef et les nouveaux membres du conseil après les élections, pendant disons un mois ou deux. Il faudrait prévoir une période de transition de ce genre.
C'est de cette façon que les choses se sont déroulées dans ma collectivité. Lorsque j'ai perdu les élections, il y a environ six ans, nous ne manquions de rien. Tout ce dont a besoin une collectivité, Wayway l'avait. Nous avions un motel, une station-service, une épicerie, et ainsi de suite. Puis, j'ai perdu les élections. Et ensuite, j'ai divorcé. Vous savez, j'ai perdu les élections parce que les gens se sont immiscés dans ma vie privée. Quoi qu'il en soit, c'est ce qui s'est passé, et je ne peux rien y changer. Puis, un nouveau chef et un nouveau conseil ont pris le pouvoir. Ils devaient s'occuper de tout, mais ils n'avaient aucune expérience dans l'administration d'une collectivité — par conséquent, tout s'est mis à se détériorer. Nous avions une équipe de hockey junior. Nous avions tout cela dans ma collectivité, puis tout s'est dégradé. C'était la loi de la jungle, si je peux m'exprimer ainsi. Quiconque était arrivé à trouver le jeune chef qui était en place pouvait dire : « Je m'occupe de ceci, je m'occupe de cela. » On ne rendait aucun compte à la collectivité.
En tant qu'ancien dirigeant de ma collectivité, je n'avais pas vraiment mon mot à dire puisque je respectais le nouveau chef et le nouveau conseil et parce que j'étais également chef de la réserve voisine. J'occupais déjà un poste de chef. Si je n'avais pas été chef, je suppose que bien des choses auraient pu se passer. C'était peut-être une bonne chose que je sois devenu chef d'une autre collectivité.
Lorsque je suis retourné dans la collectivité, je n'ai vraiment pas aimé ce que j'ai vu — toutes ces choses qui avaient disparu, et l'absence complète de reddition de comptes. Comme je l'ai mentionné, c'était la loi de la jungle.
C'est la raison pour laquelle je me suis joint à un conseil tribal. À partir du moment où je suis devenu chef, nous avons toujours été une Première nation indépendante. Par la suite, après tout ce qui s'est passé, j'ai perdu les élections. J'ai donc dit aux membres de mon conseil que nous nous joindrions à un conseil tribal, qu'il s'agisse du conseil de la région de l'Ouest ou du conseil tribal Dakota Ojibway.
Il y a quelques années, les aînés nous ont dit que notre nation avait participé, il y a bien longtemps, à la fondation du conseil tribal Dakota Ojibway. Je me suis donc décidé à m'adresser au conseil tribal pour commencer.
Vous savez, l'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes joints au conseil tribal Dakota Ojibway, c'est que je ne voulais pas que ma collectivité traverse de nouveau de telles épreuves lorsque je ne serais plus au pouvoir. Je voulais que ma collectivité soit orientée, en quelque sorte. Si jamais je me fais flanquer à la porte, le conseil tribal dispose de suffisamment de gens bien informés pour prendre ma place et aider le nouveau chef et les membres du conseil. Il a été très difficile devoir ma propre collectivité traverser toutes ces épreuves.
C'est étrange. Peu de personnes ont été tuées à proprement parler, mais les choses allaient très mal dans ma collectivité. Les gens étaient fous, et si je n'avais pas été réélu après le mandat de deux ans, quelque chose de très grave se serait produit. Ces élections tournent vraiment mal, et cela empire.
Le président : Comme je l'ai indiqué plus tôt, je me suis rendu à Wayway et j'ai vu les infrastructures. Lorsque je m'y suis rendu, vous veniez tout juste d'être réélu chef de la collectivité. On pouvait déceler des vestiges des problèmes imputables au changement d'administration et à l'absence d'expérience des affaires de ceux qui avaient pris le pouvoir. Tout cela était intéressant à observer. C'est pourquoi j'estime qu'il est si important que les Premières nations, et non pas nous, se penchent sur la question de la continuité et de la prolongation de la durée du mandat. Nous recueillons des renseignements et présentons des recommandations de manière à aider les Premières nations à prendre elles-mêmes le contrôle de leur propre destinée.
Le sénateur Dyck : En fait, je me disais que nous devrions organiser un cercle. Ce que vous avez dit à propos du nouveau chef, de son absence d'expérience des affaires, et de l'absence de reddition de comptes m'a grandement intéressée. Qu'avez-vous à suggérer pour ce qui est de la mise en place d'un processus de reddition de comptes? Je ne suis pas tout à fait certaine de la manière dont vous vous y prendriez pour remédier à la situation dans de telles circonstances. Le processus électoral en tant que tel permettrait-il d'une certaine façon d'améliorer les choses à cet égard?
Vous avez laissé entendre que c'est la raison pour laquelle vous vous étiez joints à un conseil tribal. Est-ce que le fait d'appartenir à un conseil tribal vous permet d'avoir recours à quelque mécanisme officiel que ce soit pour obtenir de l'aide, ou s'agit-il strictement de mécanismes facultatifs auxquels on peut avoir recours pour enjoindre à un chef d'agir de telle ou telle façon? Pouvez-vous nous expliquer cela, s'il vous plaît?
M. Clearsky : Vous n'êtes ni forcé ni obligé de demeurer au sein d'un conseil tribal. Cependant, quiconque est élu doit être doté d'un certain sens commun et demander des conseils. C'est en quelque sorte la direction que je souhaitais imprimer. Un président-directeur général est affecté à chaque nouveau chef élu. Le président-directeur général peut aller à la rencontre du nouveau chef et lui dire : « Voici la somme d'argent que nous recevons; voici ce que fait notre conseil tribal; voici les personnes qualifiées qui sont à notre disposition. Si vous avez besoin d'aide pour ceci ou cela, nous sommes là. »
Je suis conscient du fait que la situation était passablement difficile pour un chef et un conseil nouvellement élus au sein d'une bande indépendante. Certains des membres élus au sein du conseil n'avaient jamais eu à s'occuper d'un chèque d'un montant plus élevé qu'un chèque de bien-être social et, soudainement, ils devaient gérer 12 millions de dollars. Ils se sont mis à penser que cela représentait beaucoup d'argent, et ils se sont mis à le dépenser. Il faut mettre en place un mécanisme quelconque, une certaine disposition.
Je n'ai pas fait de très longues études, mais je suis suffisamment instruit pour comprendre ce qui se passe. J'ai vu ce qui s'est passé. J'ai beaucoup écouté les conseils de mes aînés, et ils m'ont guidé.
J'assiste aux cérémonies. J'accroche notre drapeau traditionnel pour ces cérémonies. Je m'y rends et je prie pour notre population, pour ma collectivité et pour tout le monde. Je fais cela depuis des années. Cependant, à l'époque de mon divorce, il y a environ six ans, j'ai quelque peu oublié certaines choses. J'ai tout abandonné et me suis dit : « Au diable le monde. » Puis, par la suite, je me suis repris en main, et on m'a accordé une chance, une deuxième chance, je suppose, appelez cela comme vous le voudrez. C'est à ce point que j'en suis aujourd'hui.
Le sénateur Hubley : Il était très agréable d'écouter votre exposé, et vos réponses étaient riches en renseignements.
Dans ce qui a été dit, l'une des choses qui ont semblé les plus intéressantes, et que je n'avais jamais entendue auparavant, c'était votre opinion quant aux liens entre les membres hors réserve et le reste de la bande, particulièrement en ce qui concerne les questions financières et le droit de vote. Je dis « droit de vote », mais j'aimerais que vous tiriez cela au clair pour nous, encore une fois. J'estime qu'il y un aspect dont nous ne voulons pas parler : nous respectons, ou tentons de respecter, les droits des personnes, peu importe leur opinion à cet égard; toutefois, dans les faits, nous pouvons constater que l'importance de ce droit ne favorise pas l'élection d'un meilleur gouvernement pour la bande. Ce que j'essaie de dire, c'est que le vote d'un membre hors réserve peut parfois faire la différence. Il arrive que ces personnes se trouvent dans une autre administration.
Ma deuxième question est la suivante : si un membre d'une Première nation déménage à Winnipeg et achète une propriété ou s'installe dans un logement, il figurera dans le recensement. En d'autres termes, il remplira le formulaire de recensement, et son nom sera inscrit sur la liste électorale. Cette personne peut-elle voter dans votre collectivité?
M. Clearsky : Oui, elle le peut, mais cela est aux frais de la collectivité.
Le sénateur Hubley : Aux frais de qui?
M. Clearsky : De la Première nation.
Le sénateur Hubley : La collectivité des Premières nations. De quelle façon, monsieur?
M. Clearsky : Parlez-vous d'une élection provinciale ou d'une élection fédérale?
Le sénateur Hubley : Cela n'a pas d'importance. Je pense que ce que je voulais savoir, c'était si le droit de vote d'une personne était lié à la qualité de résident — c'est-à-dire au fait de vivre dans un lieu en particulier — ou si cela était lié, d'une façon ou d'une autre, à l'appartenance culturelle?
M. Clearsky : Non. À mes yeux, si vous vivez à Winnipeg et que vous voulez voter pour quelqu'un qui se présente aux élections de ma collectivité, vous devez venir dans ma collectivité et déposer votre bulletin de vote. Pourquoi devrais-je tenir un scrutin par la poste pour me montrer accommodant envers toutes ces personnes qui se trouvent à Winnipeg?
Il y a bien des années, les choses se passaient ainsi : vous vous rendiez à la réserve pour voter. Vous deviez vous- même assumer les frais liés à l'exercice de votre droit de vote, vous savez. Si vous êtes véritablement intéressé par l'élection, montrez-le et faites votre part. Venez dans ma collectivité et votez. Je ne suis pas chaud à l'idée d'installer des boîtes de scrutin dans chaque ville et chaque village. Certaines personnes ont quitté la collectivité en raison de la faible quantité de logements, ou en raison de leur piètre qualité, mais c'est un choix qu'ils ont fait.
Bien sûr, je suis conscient du fait que nous avons d'importantes lacunes en matière de logement, même si nous avons recours au programme de la SCHL. Les personnes qui déménagent à Winnipeg ou à Ottawa prennent, de toute évidence, une décision pour améliorer leur vie. Je suis très fier d'elles. Je suis content pour elles. Mais si elles veulent voter dans ma collectivité, elles devront venir déposer leurs bulletins de vote. Sinon, eh bien tant pis.
J'ai vécu hors réserve pendant de nombreuses années. Je suis retourné vivre dans ma collectivité en 1981. En 1977 ou en 1978, j'ai reçu une lettre du gouvernement selon laquelle j'allais perdre mon statut d'Indien visé par un traité parce que j'habitais hors réserve depuis trop longtemps. Cela se passait dans les années 1970, et je me souviens de cette lettre. Je vivais en Saskatchewan depuis plusieurs années. J'ai montré cette lettre à un ancien député de Regina, et il m'a dit : » Répondez à cette lettre en leur disant qui vous êtes et ce qui va se passer. » Je suis un lointain descendant du premier chef de ma collectivité.
On s'apprête à retirer le statut d'Indien à des personnes qui vivent hors réserve depuis un certain nombre d'années. Quoi qu'il en soit, j'ai reçu cette lettre, et j'aurais dû la conserver, mais j'étais jeune et, vous savez, je ne pensais qu'à profiter de la vie.
À cette époque, je ne retournais pas dans ma collectivité pour voter. Plus tôt, j'ai dit tant pis pour ceux qui ne veulent pas revenir voter. Peu importe qui remporte les élections — les gens qui vivent dans la réserve ont une meilleure idée que les membres hors réserve des représentants qu'ils veulent élire. Là où le bât blesse, c'est si des membres de votre famille vivent à l'extérieur de la réserve — dans ce cas, vous devez leur envoyer des bulletins de vote et leur demander de voter pour vous. Cela semble poser de gros problèmes.
Le sénateur Hubley : Oui, en effet.
M. Clearsky : À mon avis, si vous devez compter sur le vote de gens de l'extérieur et non pas de ceux qui habitent dans la réserve, vous ne devriez même pas y être. C'est comme cela que je le vois. Bien sûr, je suis un politicien d'un autre type.
Le sénateur Hubley : Nous parlons d'une date fixe. Y a-t-il dans votre calendrier une date où les élections sont tenues, tous les deux ans? Est-ce à la fin de mars, sinon le 1er avril? Est-ce là la tradition?
M. Clearsky : Non, pas chez nous. Nous tenons notre scrutin en février, maintenant, tous les deux ans.
Par contre, si on remonte très loin dans le passé, les élections se tenaient à l'automne dans ma communauté, selon ce que les plus vieux ont pu me dire. Puis, il est arrivé quelque chose — le chef est devenu malade ou il s'est battu avec quelqu'un ou quelque chose — et la date du scrutin a été plusieurs fois repoussée. Maintenant, c'est en février.
De même, étant donné le nouveau processus électoral, le processus de 79 jours, AINC vous envoie une liste de personnes éligibles, parmi lesquelles vous devez choisir. Vous devez débloquer les fonds de la bande pour l'organisation du scrutin, ce qui coûte probablement entre 8 000 et 15 000 $, même si on reçoit les enveloppes et les bulletins de vote d'AINC; les fonctionnaires photocopient tout. Pourquoi est-ce que cela nous coûte si diablement cher de faire organiser une élection si les responsables n'ont qu'à envoyer les documents par la poste? Ce genre de chose ne devrait pas exister. Avant, à l'époque de la période électorale de deux semaines, nous versions quelque chose comme 1 000 $ à un assistant, et c'était tout. Comme je l'ai fait remarquer, les 79 jours, il n'en est absolument pas question.
Pour revenir à ce scrutin, le nôtre devait avoir lieu le premier vendredi du mois de février. Les gens d'AINC que nous avons dû payer ont gâché le scrutin, qui a été mis deux semaines plus tard. C'est donc à la mi-février qu'il se tient maintenant. J'ai dit : « Nous n'avons pas de chef ni de conseil pendant ces deux semaines-là? Ce n'est pas ma faute; ce n'est pas leur faute à eux. Qu'allez-vous faire? Il nous faut un chef et un conseil, le pouvoir de signature pour continuer à payer les gens, pour continuer à exercer nos activités. » On nous a dit de signer une série de chèques postdatés. L'autre option qu'on a proposée, c'est que je devienne cogestionnaire pendant deux semaines. Ils m'ont fait cela, je crois, il y a quatre ans environ. Je suis inscrit comme cogestionnaire d'AINC. Si une communauté est mise sous séquestre, je peux faire une soumission et devenir cogestionnaire dans cette communauté-là.
Néanmoins, je n'ai jamais reçu la formation qu'ils doivent recevoir là-bas. Je ne suis pas comptable. Je l'admettrai. Néanmoins, c'est ce qu'ils ont proposé.
Il y a des choses que nous devons subir en tant que communautés des Premières nations et que nous acceptons, n'ayant pas d'autre choix. Peut-être que je devrai prendre le relais de ce nouveau sénateur que vous venez de nommer.
Le président : Malheureusement, ma recommandation n'a pas été acceptée.
Le sénateur Hubley : Vous avez parlé de réserves qui seraient transformées en municipalités. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela veut dire? Ce que je conçois comme étant une municipalité peut être pareil ou bien très différent dans votre esprit à vous. Pourquoi employez-vous ce terme-là?
M. Clearsky : Le terme ressemble à « municipalité ». C'est ce que l'aîné évoquait.
Le sénateur Hubley : D'accord.
M. Clearsky : On va nous mettre dans des blocs, le bloc 1, le bloc 2, et cetera. C'est ce qu'il a dit. Et c'est la façon dont le système électoral est fait dans cette municipalité.
Et encore, il a dit que nous allions payer de l'impôt. Comme je l'affirmais, il y a deux semaines de cela, je l'ai rencontré, puis nous avons tenu notre assemblée, à un moment donné. Il paraît qu'une des communautés a déjà commencé à imposer ses gens.
Le sénateur Hubley : Cela a trait à la structure fiscale et à la fiscalité?
M. Clearsky : Oui. Cependant, nous sommes censés être libres d'impôt. Il n'y a nulle part une entente qui dise que nous, gens des Premières nations, sommes censés payer de l'impôt pour vivre dans notre propre pays. N'est-ce pas?
Le sénateur Hubley : Cela est vrai.
M. Clearsky : J'aimerais voir la lettre où la Reine nous remet entre les mains du gouvernement. J'ai demandé de voir cette lettre-là, mais personne ne m'a jamais montré une lettre où la Reine affirme : « Bon, j'abandonne mes petits Indiens et c'est le gouvernement, la Couronne, qui s'en occupe désormais. » J'aimerais voir cette entente-là. J'ai toujours demandé de voir cette entente-là. À ce jour, personne n'a pu me la montrer. Peut-être que nous, Indiens, ne relevons nullement de la compétence de la Couronne; celle-ci a simplement présumé que c'était le cas.
Autrement, nous avons acheté des terrains tout juste à l'extérieur de Brandon afin d'aménager des projets de développement économique pour nos communautés, pour saisir les occasions qui se présentent à nous. Trois communautés ont acheté les terrains en question au profit de nos réserves et d'autres. Par contre, nous avons fini par être tassés, d'une façon ou d'une autre. Quelqu'un a accordé aux provinces la compétence en matière de jeux du hasard, c'était en 1987, je crois, sans consulter les Premières nations, sans l'apport des Premières nations. Bon nombre des dossiers en question ont été refilés aux provinces. Cela n'aurait jamais dû se produire.
J'aimerais qu'il y ait en place un processus qui nous permettrait, à nous, gens des Premières nations, d'en appeler des décisions en question. C'est injuste envers nous.
À l'époque, au sein de nos communautés, il n'y avait pas grand-chose qui nous était vraiment profitable. Aucune banque ne voulait nous prêter de l'argent, à moins que le gouvernement verse une somme d'argent. Aujourd'hui, au contraire, nous essayons de gagner du terrain dans bon nombre d'affaires du genre. Nous comprenons l'affaire; nous saisissons le concept du monde de l'homme blanc aujourd'hui. Voilà pourquoi j'aimerais voir un processus d'appel en rapport avec bon nombre de ces questions-là.
Au moment où nous avons rencontré le représentant de la province, il y a un mois environ, le chef provincial du NPD Dave Chomiak nous a porté un message venant des hauts rangs : nous devons essayer d'obtenir plus de casinos au Manitoba, étant donné que nous n'en avons eu que deux, alors qu'on nous en avait promis cinq. En parlant de hauts rangs, il voulait dire Ottawa; quelqu'un à Ottawa manœuvre le chef provincial du NPD ici, et j'aimerais bien parler à cette personne-là. Le chef Bone, le chef McKay et moi-même, nous avons dépensé 4 millions de dollars pour acheter des terrains entre les trois communautés, tout juste à l'extérieur de Brandon. Voilà un grand projet économique au profit de nos Premières nations, pour que les gens cessent de vivre de l'assistance sociale.
Par contre, chaque fois que nous nous engageons dans un projet de ce genre, nous nous faisons torpiller, soit par nos propres gens, soit par la province. La jalousie est très présente au sein des Premières nations. C'est la jalousie qui nous tue, qui nous divise. Bien entendu, il y a toujours quelqu'un qui vient verser un peu plus d'huile sur le feu et qui nous divise encore plus.
Est-ce que je prends trop de temps?
Le président : C'est bien, vous vous en êtes bien tiré. Vous et le témoin précédent, vous avez vraiment éclairé notre organisation. Nous tenons à vous remercier.
Je songeais au fait que, dans un grand nombre de sociétés, et je sais que ce ne sont pas des gens élus, il y a un président sortant, un chef sortant. On parle du président sortant. Si je suis président d'une société et que je décide de prendre ma retraite, je deviens le président sortant et, souvent, je demeure au sein de l'organisation à titre de conseiller. Je me demande si vous avez déjà envisagé cela dans le contexte. Je sais que c'est différent; si je deviens président, je suis choisi par le conseil d'administration, de manière générale, et je n'ai pas à être élu. Il n'y a pas d'affrontement.
Si vous retourniez à une période préélectorale de deux semaines, par opposition à 79 jours, un truc comme celui-là serait peut-être viable. Pour avoir été à votre place, je sais tout à fait ce qui s'est produit. Mon expertise ne concerne pas les Premières nations. Avant d'entamer l'étape de la vie que je vis en ce moment, j'étais homme d'affaires. Je sais comment on traite en affaires. Je siège toujours à des conseils d'administration et je fais des affaires.
Merci beaucoup, chef.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous accueillons maintenant le chef Derek Nepinak, de la Première nation de Pine Creek.
Chef, si vous souhaitez présenter une déclaration liminaire, nous sommes prêts à vous écouter, puis les sénateurs voudront sûrement vous poser quelques questions.
Derek Nepinak, chef, Première nation de Pine Creek : Merci, monsieur le président, distingués invités; merci d'être venus dans l'ouest du Manitoba sur le territoire des Anishinabes.
Je suis chef de la Première nation de Pine Creek. Je vais présenter quelques observations, brièvement, et je vais être très franc et très ouvert. Je ne veux pas manquer de respect en tenant ces propos; par contre, je dis des choses qui peuvent venir des recoins les plus sombres de mon cœur et qu'il n'est pas toujours agréable d'entendre, mais je les dis avec tout le respect que je dois aux gens.
En discutant avec moi, vous discutez avec une personne qui a réussi dans deux mondes différents. Bon, je dis cela, et permettez-moi d'expliquer un peu de quoi il retourne. Quand j'étais garçon, à l'époque où j'étais un petit enfant même, ma mère m'a fait un cadeau extraordinaire, au-delà du seul fait de m'avoir donné la vie : elle m'a remis à mes grands- parents, mes grands-parents anishinabes à Pine Creek. J'ai vécu avec eux jusqu'au moment où j'étais prêt à aller à l'école.
Bon, nous le savons, dès l'âge de cinq ans, plus ou moins, le caractère a été forgé. À mes yeux, c'était un cadeau extraordinaire.
J'ai fréquenté l'école. J'ai fréquenté les meilleures écoles du Canada. J'ai obtenu un baccalauréat spécialisé avec mention « très bien » en études autochtones de l'Université de l'Alberta, sous la tutelle de gens comme M. Frank Tough. Puis, j'ai fréquenté l'Université de la Saskatchewan, où j'ai obtenu un diplôme en droit. J'ai aussi pris le cours intensif « Terres, ressources et gouvernement autochtones » de l'Université Osgoode Hall, sous Shin Imai. Voilà pour mes études. J'ai aussi travaillé à une maîtrise dans le programme de gouvernance autochtone dirigée par Paul Chartrand, que bon nombre d'entre vous connaissez peut-être.
Je viens tout juste d'être élu chef à Pine Creek, mais j'ai la scolarité nécessaire pour faire le travail.
Quant à la Loi sur les Indiens — et je sais que nous sommes là pour discuter de réforme électorale —, je siège au comité de gouvernance de l'Assemblée des chefs du Manitoba. En janvier 2009, nous avons adopté une résolution pour affirmer que, quoi qu'il en soit des autres administrations au Canada, nous allons aller de l'avant et discuter de réforme électorale, et notamment de l'idée de tenir des élections à date fixe et de prolonger le mandat des élus.
Quoi qu'il en soit des autres administrations au Canada : nous entendons par là que, essentiellement, notre approche du développement politique sera centrée sur le concept de droits inhérents.
Je dis « développement politique » étant donné que notre développement en tant que peuple autochtone sur notre territoire ne peut être considéré isolément des autres facteurs qui entrent en jeu. Notre développement politique ne peut être pris isolément des facteurs économiques, des facteurs sociaux et des facteurs culturels qui ont une incidence sur notre développement en tant que peuple. En disant cela, je me reporte à la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement, selon laquelle tous les peuples ont le droit de participer à leur propre développement politique et d'élaborer leurs moyens d'action en ce sens. Nous sommes des peuples, nous sommes les peuples des Premières nations au Canada.
Je trouve cela très intéressant que le ministre Strahl envoie une lettre pour dire : nous sommes désolés d'apprendre que vous n'allez pas participer, votre demande est refusée; nous nous retirons du processus. Puis, quelques semaines plus tard, voilà que vous débarquez.
Je ne sais pas très bien si le processus a été prévu bien à l'avance de l'effondrement perçu de notre partenariat avec AINC et de la discussion sur les élections communes, ou si vous aviez prévu le processus à un moment donné, dans le passé. C'est une question que je voudrais soulever.
Le président : Je peux répondre à cette question-là, très rapidement. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones n'est pas un organe gouvernemental. C'est un organe de l'État, mais pas un organe gouvernemental. Il fait partie du Parlement, c'est un organe du Parlement, mais il n'est pas rattaché directement au gouvernement. Dans mon cas à moi, il se trouve que je suis membre du parti qui forme le gouvernement. Certains parmi nous qui siègent depuis longtemps au comité et qui se soucient de la gouvernance ont soulevé la question. Nous avons compris que les gens s'inquiètent des mandats et des élections à date fixe. De fait, c'est le grand chef Ron Evans que j'ai entendu exprimer la chose avec le plus de force, mais j'ai entendu cela partout au pays. Notre étude arrive donc en même temps; le gouvernement ne nous a poussés à agir d'aucune façon. Je peux vous l'assurer : à la table où vous vous trouvez, l'opposition officielle est mieux représentée que le gouvernement.
Nous fonctionnons de manière indépendante. Nous formulons des recommandations, comme cela a été le cas pour des revendications particulières. Les sénateurs présents ici ont rédigé un si bon rapport que le législateur l'a quasiment reproduit. Rassurez-vous : ce n'est pas un coup monté — le ministre ne s'oppose pas à ce que nous soyons là, de toute façon, mais c'est le comité qui a pris la décision d'étudier le sujet.
M. Nepinak : Merci de la précision. J'apprécie. Nous attendions votre arrivée avec une certaine appréhension. Merci.
Je vais essayer de m'attacher d'abord et avant tout à la Loi sur les Indiens. Je suis nouveau comme chef. Je suis très au courant de la Loi sur les Indiens. Je l'ai étudiée rigoureusement dans le passé. Je sais qu'elle a été conçue en 1876, que c'était le point culminant des lois coloniales imposées aux Indiens dans les diverses colonies qui composent aujourd'hui le Canada. Depuis, elle s'est transformée au fil du temps pour que les gens des Premières nations soient subjugués sur le plan du développement politique. Nous savons que des modifications stratégiques y ont été apportées dans le passé pour miner l'autorité des femmes dans le développement politique des gens des Premières nations. Nous savons que des modifications ont été apportées à la Loi sur les Indiens pour miner les projets économiques des Indiens.
Nous savons très bien que l'évolution de cette loi pose des difficultés de taille. S'il y avait une façon quelconque de s'y soustraire, je suis sûr que nous serions nombreux à faire ce choix-là.
En accédant à un poste de direction, j'ai un peu l'impression de vivre un paradoxe, étant donné que je suis vraiment engagé en faveur de notre indépendance. En même temps, pour faire cela, je dois être partie prenante de la Loi sur les Indiens et devenir un chef au sens de la Loi sur les Indiens. Je crois que les deux concepts s'opposent quelque peu. Au terme du scrutin que nous avons tenu en décembre, 600 bulletins avaient été déposés. J'ai eu droit pour moi-même à 190 voix, soit 58 de plus que mon plus proche rival. C'est moins du tiers des suffrages exprimés. Est-ce que je peux parader et me proclamer grand leader de Pine Creek? Je peux me dire chef, étant donné que j'ai remporté l'élection, mais est-ce que je peux me dire leader?
Dans nos communautés, nous qualifions les chefs relevant de la Loi sur les Indiens d'ogemahkan. Cela vient du mot ogemah, qui veut dire « leader », mais nous ajoutons « kan » pour indique que c'est artificiel, cela veut dire : « leader artificiel ». C'est comme cela que nous le concevons en langue anishinabe.
Quant à l'idée de remplacer le mandat de deux ans par un mandat de quatre ans, je crois que nous préférons les mandats prolongés. À notre avis, ils peuvent permettre de travailler efficacement. Mais il faut que ce soit au nom de la communauté. Ces démarches ne doivent jamais être imposées depuis le sommet; elles doivent naître de l'initiative populaire. J'ai manifesté mon intérêt pour la question et j'en ai parlé à Ron Evans : nous sommes tout à fait prêts à participer à l'organisation d'une consultation à Pine Creek. En tant que leader, je crois qu'il m'appartient de proposer ces options à la communauté et d'engager avec elles un dialogue à leur sujet. Et oui, il faut certainement un mandat prolongé pour être en mesure de faire un travail efficace.
En tant que nouveau chef, j'ai reçu un mandat de deux ans. J'en ai achevé presque le quart. S'il y a des choses qui se sont améliorées au sein de notre communauté, il demeure que les changements que nous faisons sont très lents et progressifs, étant donné que nous avons affaire à une bureaucratie qui avance très lentement. Si pressés que nous puissions être, souvent, les procédés, les exigences en matière de rapports et la circulation de l'argent au sein du ministère ont pour effet de ralentir notre démarche et notre progression.
Je suis tout à fait en faveur d'élections à date fixe. Je crois qu'il devrait y avoir des processus en ce sens. Cela me convient tout à fait. Je crois que si nous étions tous élus à la même date, cela nous donnerait une plus grande efficacité à l'échelle régionale et une plus grande efficacité à l'échelle provinciale, à la table de l'Assemblée des chefs du Manitoba. Et je crois que nous devons rechercher cette efficacité-là, car c'est à l'échelle régionale et à l'échelle provinciale que nous pouvons créer la plus grande clameur en faveur de nos projets.
Je n'ai pas grand-chose à dire à part cela, sinon que je répondrai aux questions particulières que vous voudrez bien poser.
Le président : J'aimerais que vous abordiez la question de la responsabilité et la question de la destitution. Comment les entrevoyez-vous?
Chers collègues, est-ce une question appropriée? Cette question vous paraît-elle convenir? Visiblement, la question leur convient.
Chef, avez-vous quelque chose à dire.
M. Nepinak : Oui, bien sûr.
Le président : Cela fait partie de l'ensemble des questions que nous avons.
M. Nepinak : D'accord. La responsabilité peut désigner bien des choses différentes. Quand je pense à la responsabilité, je pense à ce que je fais pour m'assurer d'être accessible et de répondre aux questions que me posent les membres de la communauté. C'est comme cela que j'exprime ma responsabilité au sein de la communauté. J'ai pris beaucoup de mesures, j'ai trimé très dur pour m'assurer d'être à mon bureau le plus souvent possible. Même si bon nombre de mes responsabilités m'amènent à l'extérieur de la communauté, ma porte est toujours ouverte; les gens viennent me voir quand ils le veulent. C'est comme cela que j'exprime ma responsabilité.
Bon, il peut être question aussi de responsabilité financière; je sais que les gens en ont parlé et que certains dirigeants ont exprimé des réserves à propos de la responsabilité dans les communautés des Premières nations. Les processus dont il est question s'expliquent en partie par le fait qu'on a constaté un manque de responsabilités, comme le diraient certains. Je suis tout à fait en désaccord avec ceux qui disent que la responsabilité fait défaut dans les communautés. Je sais qu'Affaires indiennes ne remet pas un seul dollar à nos communautés tant que nous n'avons pas produit l'équivalent de deux ou trois dollars en rapports. Et chaque fois que nous dépensons un dollar autrement que de la façon prévue ou d'une façon qui n'est pas efficace à leurs yeux, les responsables d'Affaires indiennes reprennent ce dollar. Nous en faisons donc les frais. Chaque dollar mal dépensé nous coûte un autre dollar. C'est un système ardu, un système alourdi par la bureaucratie. Il n'est pas possible d'utiliser l'argent sans rendre de comptes, voyez-vous.
Quant à la responsabilité des gens, tout de même, nous, les chefs relevant de la Loi sur les Indiens, étirons l'élastique au maximum. À un moment donné, je suis au téléphone avec un membre de la bande qui a besoin d'une porte neuve, car quelqu'un a défoncé sa porte. Ensuite, je discute avec Hydro d'aménagements qui coûtent des millions et des millions de dollars dans la partie ouest du Manitoba. Nous étirons l'élastique au maximum. Nous avons un très vaste éventail de responsabilités. Certes, si vous décidez d'examiner de très près chaque microtâche, vous allez trouver des problèmes de responsabilité, étant donné que nous étirons l'élastique au maximum.
Le sénateur Hubley : J'ai une question à poser à propos des élections à date fixe. Vous avez dit être en faveur d'élections à date fixe pour votre bande. Comme c'est un des aspects principaux de notre étude, je voulais vous demander de préciser de quelle façon ce sera un avantage pour vous.
M. Nepinak : Certainement. Les élections à date fixe, comme je le disais, nous permettront d'accomplir un travail plus efficace à l'échelle régionale et provinciale. Si je dis cela, c'est que, chaque fois que nous tenons une assemblée, il y a toujours des chefs nouveaux qui sont présents. Le nouveau chef à la rencontre de l'assemblée des chefs du Manitoba en janvier, c'était moi. À une rencontre plus récente, tenue la semaine dernière, il y avait un autre nouveau chef. Chacun doit donc s'acclimater à une nouvelle façon de faire, chaque fois que nous nous rencontrons. Puis, il arrive que les chefs qui sont en place depuis longtemps qui travaillent à des projets depuis longtemps se fassent évincer par les électeurs chez eux; alors, nous revenons à la case de départ.
À mon avis, s'il y avait des élections à date fixe, tout le monde arriverait à la rencontre animé d'un point de vue nouveau, de l'optimisme nécessaire pour que nous avancions.
À bien des égards, il est peut-être donc question ici d'une plus grande efficacité gouvernementale à l'échelle provinciale, à l'échelle régionale. Nous pourrions le concevoir comme une façon de renoncer à une partie de notre autonomie locale, à une partie de notre pouvoir local, de nos moyens d'action politiques, mais je ne crois pas que c'est le cas pour moi-même. À mes yeux, notre force correspondra toujours à la volonté politique des gens qui votent pour nous, à la base. Autrement dit, nous savons, en tant que leaders, que c'est de là que vient notre pouvoir. Si nous avons quelque pouvoir que ce soit en tant que leaders, c'est seulement parce que ces gens-là ont voté pour nous, au sein de notre communauté. Il en sera toujours ainsi, et nous devrons toujours en être conscients. Le mandat de quatre ans et les élections à date fixe ne doivent jamais renforcer nos processus régionaux et provinciaux au point où nous perdons contact avec nos racines, car il y a là un risque. Nous ne voulons pas que notre organisme provincial finisse par être responsable de personne si ce n'est lui-même. Nous devons aussi maintenir à la base même la reconnaissance de cette source de pouvoir pour nous.
Le sénateur Hubley : Pouvez-vous parler de la période électorale de 79 jours?
M. Nepinak : J'ai entendu parler brièvement de la période électorale de 79 jours, mais je ne suis pas très certain de quoi il s'agit. Pour ce qui est de notre scrutin à nous, les mises en candidature ont eu lieu début novembre, puis le scrutin a eu lieu à la mi-décembre. Je ne sais pas très bien de quels 79 jours vous parlez.
Le sénateur Hubley : On a dit, à quelques reprises, en rapport avec la Loi sur les Indiens, je crois, que la période électorale serait de 79 jours, ce qui est long selon l'usage électoral en ce moment. Je me demande si, selon vous, c'est la période nécessaire aux préparatifs d'une élection. Il a aussi été question d'une période de deux semaines. Ça me semble très court, compte tenu des façons de communiquer qui existent aujourd'hui. Y a-t-il une durée particulière qui vous paraît convenable, à vous?
M. Nepinak : Pour ce qui touche les processus administratifs, je crois que la date de déclenchement des élections et la date de tenue du scrutin sont sans importance du point de vue de politiciens : chaque fois que nous approchons du micro, au sein de notre communauté ou ailleurs dans la région ou dans la province, nous sommes toujours en campagne, en quelque sorte. Nous comptons sur le fait que les gens vont croire ce que nous avançons.
Nos élections les plus récentes ont été déclenchées en novembre, mais j'avais déjà commencé à faire campagne, fin décembre. Je regardais la situation comme de l'extérieur; j'avais le temps de faire campagne.
Bon, pour le chef en fonction, il vaut peut-être mieux qu'il s'agisse d'une période relativement plus courte, étant donné que l'élastique est étiré à ce point. Comme je l'ai déjà dit, plus on approche du moment du scrutin, plus on peut consacrer d'efforts à cela. C'est peut-être logique du point de vue de l'élu en place, mais, de celui du simple candidat, qui ne participe pas du tout à l'administration pour l'instant, je crois que la période est sans importance. De toute manière, vous allez faire campagne et élaborer votre programme tout au long du mandat.
Le président : À titre de précision, voici le libellé du paragraphe 4.1(1) du Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens :
Au moins soixante-dix-neuf jours avant l'élection, la bande fournit au président d'élection la dernière adresse connue, le cas échéant, de chacun des électeurs qui ne résident pas dans la réserve.
Voilà les 79 jours.
Le sénateur Hubley : C'est ce dont il est question.
Le président : J'imagine que ça déclenche alors la campagne; c'est comme le décret d'élection. C'est bien cela? Voyez- vous les choses ainsi, chef?
M. Nepinak : Oui. Je dis cela, mais je n'ai pas reçu la liste des adresses postales des électeurs en dehors de la réserve au moment du dernier scrutin.
Le sénateur Hubley : Je veux revenir pour un moment à la question que je posais auparavant sur les élections à date fixe. En répondant, vous avez parlé de tous les nouveaux chefs qui arrivaient aux rencontres et évoqué l'idée d'un commencement animé d'un esprit positif, et vous avez parlé de voix provinciales et fédérales. Est-ce dire que, ainsi, en se joignant à d'autres nations et en ayant des élections communes, en prenant certaines décisions en tant que groupe, pour aborder le gouvernement provincial, puis le gouvernement fédéral, vous êtes à même de mieux défendre votre point de vue?
M. Nepinak : Je crois être de cet avis-là, mais mon avis repose sur ce que j'ai vu moi-même, pour une grande part. Par exemple, dans les Territoires du Nord-Ouest, j'ai vu des conseils tribaux participer avec une grande efficacité aux discussions sur le pipeline de la vallée du MacKenzie. La bande individuelle ne travaille pas toujours de manière efficace. Si les éléments s'unissent au conseil tribunal et que toute la communauté arrive à se faire entendre, je crois que ça devient plus efficace.
Le sénateur Hubley : Je voulais préciser le fait que, avec les conseils tribaux, faire cause commune profiterait, je crois, à chacune des bandes.
M. Nepinak : Je crois. J'en conviens : faire cause commune et travailler ensemble servira toujours à faire progresser notre cause plus efficacement. Par contre, je crois qu'il y a un moment critique où vous devez vous demander si le prix à payer pour agir collectivement ne mine pas les intérêts de la bande particulière dont vous faites partie ou les intérêts de la communauté. Je crois qu'il y a un moment critique, mais je ne sais pas très bien où il se trouve. Je crois que nous n'avons pas suffisamment exploré cette question-là.
Le sénateur Hubley : Nous parlons d'un mandat de quatre ans. Certains des chefs auxquels nous avons parlé ne sont pas allés jusque-là; trois, peut-être, disent-ils. Le travail qu'ils sont appelés à accomplir leur paraît très lourd; c'est presque un cas d'épuisement professionnel, où ils n'ont pas l'impression d'avoir l'énergie nécessaire pour traverser même une autre année.
Vous êtes nouveau au poste que vous occupez en ce moment, mais vous avez certainement une expérience de travail au sein des conseils tribaux. Est-ce un facteur? Le travail que vous êtes appelé à accomplir et les attentes et les responsabilités auxquelles vous devez satisfaire en tant que chef sont-ils à ce point lourds que vous ne pourriez travailler pendant une autre année encore? Le mandat court semblait-il plus viable? La situation ne renvoie pas forcément toujours à ce qui représenterait le mode de gouvernance le plus efficace.
M. Nepinak : J'ai l'impression que le poste de chef de la communauté représente une responsabilité énorme qui ne devrait pas être prise à la légère. Si vous présentez votre candidature, vous acceptez de devoir composer avec ce qu'il y a de bon et ce qu'il y a de mauvais.
Personnellement, j'ai eu accès à beaucoup d'occasions en tant que jeune Autochtone. Je suis jeune si on songe au rôle que je joue maintenant, je suis un jeune Autochtone, diplômé en droit, qui a reçu des prix nationaux pour ses écrits et ainsi de suite. J'ai eu accès à beaucoup d'occasions à Toronto, Vancouver, Edmonton, Calgary, Winnipeg et Saskatoon, et qui m'ont permis de m'aménager une vie décente, mais j'y ai renoncé pour servir mon peuple. C'est de cela que nous parlons ici, je crois. Nous parlons de l'idée de servir son peuple, de l'idée de le faire pour deux ou trois ans, c'est un travail très lourd, comme je l'ai déjà mentionné. Nos tâches sont très exigeantes.
Je crois qu'il faut être en santé; il faut que vous parveniez à avoir une vie équilibrée. Je participe à des cérémonies, j'ai un mode de vie sain. Je crois que cela revêt une importance capitale pour qui souhaite demeurer en santé. Il faut prier; il faut qu'il y ait des gens dans la communauté qui prient pour vous. C'est une tâche lourde, mais si vous êtes élu pour un mandat de trois ans, vous vous engagez pour trois années et vous ne devriez pas abandonner avant le temps.
Le sénateur Hubley : Vous êtes nouveau comme chef et vous êtes certainement au fait d'autres modes de gouvernance : croyez-vous que le fait d'engager des administrateurs pour assumer certaines tâches serait utile, sinon l'avez-vous déjà fait ou est-ce que tout est pris en main par le chef et le conseil? Disposez-vous d'employés, à part le chef et le conseil?
M. Nepinak : Oui. Voilà une des grandes questions touchant à la gouvernance au sein des Premières nations : où faut-il tracer la ligne entre la politique et l'administration? Nous avons bien un chef et un conseil, mais nous avons aussi une équipe administrative. Mon point de vue personnel à moi, c'est qu'il faut permettre aux administrateurs d'administrer, étant donné qu'ils jouent eux aussi un rôle de leader au sein de la communauté. Qu'il s'agisse d'un directeur des études, d'un directeur de la santé ou d'un directeur du développement social, ce sont là des rôles de direction au sein de la communauté, et il faut donner aux gens la marge discrétionnaire voulue pour prendre des décisions. Les décisions qu'ils prennent visent à améliorer l'exécution des programmes et la prestation des services au sein de la communauté.
Je ne peux me mêler de ces choses-là quotidiennement. Je ne peux prendre les décisions financières quotidiennes touchant chaque programme et chaque service. Je ne peux intervenir sur des questions particulières concernant le développement social. Ce n'est pas là mon rôle.
D'après ce que j'ai pu observer, il arrive que le chef et le conseil se mêlent de trop près aux procédés administratifs en question, de trop près à l'exécution des programmes et à la prestation des services. Je crois que cela a un effet démoralisant sur le corps administratif; subitement, les gens ne savent plus ce qu'ils sont censés faire. Je crois qu'il faut délimiter quelque peu les rôles de part et d'autre.
Le sénateur Dyck : De par la tradition et la formation qui vous ont façonné , vous êtes visiblement à même de comprendre toutes les arcanes de la Loi sur les Indiens. À votre avis, dans le cas des élections, que faudrait-il préférer : la situation telle qu'elle est prévue actuellement dans la Loi sur les Indiens ou l'adoption d'un code reposant sur la coutume, qui serait réglementé, essentiellement, par AINC à l'étape de l'approbation? Sinon, croyez-vous qu'il y avait un système distinct qui existait peut-être avant la rencontre avec les Blancs? Quel type de système électoral vous paraîtrait idéal?
M. Nepinak : Eh bien, ici à Dauphin, nous évoluons dans une nouvelle infrastructure politique et économique aménagée sur les ruines de l'ancienne. Les ruines sont représentées par ce que nous sommes aujourd'hui. Par ruines, j'entends les systèmes politique, économique, social et culturel qui ont existé pendant des dizaines de milliers d'années et qui sont devenus latents pendant une centaine d'années, peut-être un peu plus d'une centaine d'années. J'aime penser que nous dormions. Nous ne nous sommes pas aperçus qu'ils ont été détruits, j'imagine; ils étaient simplement devenus latents, et voilà qu'ils renaissent.
J'assimile la réforme électorale à un exercice des droits inhérents des peuples autochtones. Je crois qu'elle doit se faire indépendamment de la volonté du gouvernement fédéral — indépendamment, mais tout de même en partenariat. Il appartient au gouvernement fédéral, au ministère du ministre Strahl, d'aider à financer ces procédés-là. Cela fait trop longtemps que la croissance économique nous est inconnue au Canada, ce pour quoi nous avons payé un fort prix. Dans nos communautés, nous n'avons pas l'argent nécessaire pour financer les procédés d'un développement politique en question.
Je crois qu'il appartient au gouvernement du Canada d'aider à financer les procédés en question, sa responsabilité découlant de nos droits inhérents, sa responsabilité découlant de la reconnaissance dans les traités de nos droits inhérents à l'autonomie gouvernementale et sa responsabilité découlant des conventions internationales, comme celles que j'ai mentionnées auparavant, prévoyant le droit international au développement, ce qui comprend le développement politique des Autochtones.
J'espère avoir bien répondu à votre question. Nous sommes engagés dans une démarche, comme je l'ai dit, une démarche pour exercer un droit inhérent, mais il faut de l'argent pour cela. Il faut de l'argent pour lancer le message et faire en sorte que les gens à la base participent pleinement à la démarche.
Le sénateur Dyck : Certains ont proposé de modifier la Loi sur les Indiens en y supprimant les articles touchant les élections. À votre avis, serait-ce là la meilleure façon de procéder?
M. Nepinak : Je crois que nous allons peut-être finir par ajouter à la Loi sur les Indiens une nouvelle disposition relative aux élections. À mes yeux, cela représente moins que ce que nous avions espéré. Tout de même, pour le fait de tenir des élections, nous pouvons nous soustraire entièrement à la Loi sur les Indiens. Je ne vois pas en quoi il serait possible de le faire, étant donné que la Loi sur les Indiens est une loi exhaustive.
Même si nous adoptons une loi à part de la Loi sur les Indiens pour traiter nos élections, quel pouvoir fédéral permettrait d'agir? Dans quel champ d'action fédéral se situeraient alors le reste de nos activités? Y aura-t-il une loi tout à fait nouvelle qui serait aussi exhaustive que la Loi sur les Indiens? Quel sera le résultat net?
Nous discutons parfois de cela. Quelques chefs ont souligné que c'est un peu comme mettre la charrue avant les bœufs. Peut-être devrions-nous parler d'une réforme globale des principes inhérents à l'autonomie gouvernementale et aux élections en rapport avec cela, plutôt que de mettre tous nos œufs dans le même panier et de traiter uniquement de réforme électorale.
Le président : À titre de précision, dites-moi : les procédés électoraux prévus dans les traités modernes se situent-ils en dehors de la Loi sur les Indiens? Si, par exemple, l'Assemblée des chefs du Manitoba décidait de concevoir une constitution et une démarche électorale avec un directeur général des élections et ainsi de suite, croyez-vous qu'ils pourraient fonctionner sans que cela n'entame la responsabilité fiduciaire de la Couronne qui est prévue dans la Loi sur les Indiens, le processus électoral étant le seul élément qui serait exclu?
M. Nepinak : Voilà une bonne question. Comme je l'ai dit, les démarches électorales prévues dans les accords sur les revendications territoriales globales qui se négocient de nos jours s'inscrivent dans un projet plus vaste, un projet à plus grande échelle qu'il y a à l'Assemblée des chefs du Manitoba en ce moment. Nous avons bien conçu une constitution et nous discutions de formules d'amendement ces derniers temps. Cependant, je ne crois pas que notre constitution ni la fonction de l'Assemblée des chefs du Manitoba ne puissent être envisagées comme exhaustives de nature en ce moment. Je ne sais pas si ça pourrait être assimilé à un accord sur une revendication territoriale globale de la même façon que d'autres accords plus à l'ouest.
Le président : Est-ce que ça pourrait être rattaché à un traité plutôt qu'aux affaires de l'Assemblée des chefs du Manitoba? Vous êtes signataires du Traité no 4, c'est bien ça?
M. Nepinak : Oui.
Le président : Ce segment du Traité no 4 ou encore les conseils tribaux... Je ne sais pas comment amalgamer le tout, mais prenons comme exemple le Traité no 1, car il est simple. Les sept bandes se trouvent toutes dans la partie sud du Manitoba. Ce n'est qu'un exemple que je donne. Ne croyez-vous pas qu'il serait possible de créer une structure, à l'intérieur d'une telle entité, structure qui fonctionnerait en dehors de la Loi sur les Indiens à des fins électorales?
M. Nepinak : Si le travail se fait dans le cadre des traités, c'est ce qu'il faut privilégier, selon moi. Je crois que le Traité no 1 renvoie au meilleur scénario possible, étant donné que toutes les bandes se trouvent dans les limites du territoire du Manitoba. La zone visée par le Traité no 4 fait fi des limites du territoire des provinces; il y a plusieurs bandes qui se trouvent aussi en Saskatchewan. Comment aborderait-on ces questions-là avec ce genre de processus?
Depuis que je suis chef, ce qui représente peu de temps, je n'ai pas vu beaucoup de travail qui prend pour perspective les traités eux-mêmes. Je n'ai pas vu d'officialisation de nos organismes autour de la notion de traité. Je crois que nous devons aller dans ce sens-là. Absolument, j'y crois.
Le président : Avez-vous d'autres observations à formuler pour terminer, monsieur Nepinak?
M. Nepinak : Pour terminer, comme je l'ai déjà dit, je suis très heureux du fait que vous soyez là pour nous entendre. J'ai hâte de voir les recommandations que vous allez formuler à la suite du processus.
Je crois qu'il s'agit quand même d'un processus qui est lié à nos droits inhérents et qui renvoie à un exercice que nous allons entreprendre en tant que Premières nations ici au Manitoba. J'ai espoir que vos recommandations vont nous éclairer le chemin, à nous comme au gouvernement fédéral. C'est un processus lié à des droits inhérents, et nous allons procéder ici au Manitoba à partir du cadre que nous établissons.
Meegwetch d'être venus à Dauphin, et soyez prudents.
Le président : Merci beaucoup.
En réponse à votre question initiale, lorsque nous produisons un rapport au Sénat, nous le déposons au Sénat. Lorsque nous le renvoyons au Sénat, en temps normal, nous demandons au gouvernement de réagir. Voilà qui indique notre degré d'indépendance face au gouvernement. Nous demandons au gouvernement de réagir à notre rapport. Par le fait même, nous pouvons jauger la position du gouvernement. Je voulais seulement donner cette précision-là.
Après avoir entendu les trois chefs, je dirai une dernière chose. Je crois qu'AINC crée en quelque sorte un grand oiseau, un grand oiseau noir qui, je crois, a une tête rouge. Avec tout le respect que je vous dois, ces oiseaux-là, ce sont les avocats et les experts-conseils, dans de nombreuses affaires dont il est question. S'il vous faut dépenser 2 à 3 $ en frais de consultation et en frais juridiques pour obtenir 1 $, cela est absurde. Cela m'exaspère, même si je sais pourquoi il en est ainsi. Je crois que les témoins précédents ont exposé la situation. Je suis d'avis que cela doit changer, car la situation a pour effet de pénaliser les gens, concrètement, dans nos communautés des Premières nations partout au Canada.
(La séance est levée.)