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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 12 - Témoignages du 17 juin 2009


OTTAWA, le mercredi 17 juin 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 29, pour étudier le projet de loi C-41, Loi portant mise en vigueur de l'accord définitif concernant les Premières nations maanulthes et modifiant certaines lois en conséquence.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux membres du public ainsi qu'aux personnes de partout au pays qui regardent la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Vous nous regardez peut-être sur la CPAC ou sur Internet.

Je suis le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique, et je suis le président du comité. Le mandat de notre comité est d'étudier les mesures législatives et les questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

[Français]

Avant que nous entrions dans le cœur de notre mandat, l'étude du projet de loi C-41, j'aimerais vous présenter les membres du comité qui sont présents ce soir.

[Traduction]

Je vais commencer à ma gauche avec le sénateur Brazeau, du Québec. À côté du sénateur Brazeau se trouve le sénateur Raine, de la Colombie-Britannique. À côté d'elle est assis le sénateur Brown, de l'Alberta. À ma droite se trouve le sénateur Peterson, de la Saskatchewan. À côté du sénateur Peterson est assis le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique, et à côté de lui se trouve le sénateur Carstairs, du Manitoba.

Ce soir, le comité étudie le projet de loi C-41, Loi portant mise en vigueur de l'accord définitif concernant les Premières nations Maa-nulth. L'accord définitif des Premières nations Maa-nulth est le deuxième accord exhaustif à être conclu dans le cadre du processus des traités de la Colombie-Britannique, et le premier, dans le cadre de ce processus, qui porte sur plus d'une collectivité des Premières nations. L'accord définitif des Premières nations Maa- nulth accorde certains droits et avantages à cinq Premières nations Maa-nulth; ces droits et avantages portent sur les terres, sur les ressources ainsi que sur la gouvernance autonome des terres, des ressources et des membres. L'accord définitif présente les droits issus des traités qui seront accordés aux Premières nations Maa-nulth et protégés par la Constitution canadienne. L'accord définitif crée des obligations et des engagements qui lient mutuellement les parties aux négociations; tous peuvent y avoir recours.

Pour poursuivre la discussion sur le projet de loi, nous accueillons ce soir le ministre Strahl, qui est lui-même un grand Britanno-colombien, et son secrétaire parlementaire — un autre grand Britanno-colombien —, John Duncan, député. Ils sont accompagnés d'Eric Denhoff, négociateur en chef du gouvernement fédéral, et de Lorne Beiles, conseiller juridique pour le ministère de la Justice Canada. Nous vous souhaitons la bienvenue à la séance de notre comité.

Monsieur Strahl, si je comprends bien, vous vous êtes retiré d'une séance importante d'un comité du Cabinet, comité dont vous êtes le président, en passant, pour être des nôtres pendant 20 à 30 minutes. Pour cette raison, vous pourriez présenter une courte déclaration sur le projet de loi, qui serait suivie de questions brèves de la part des sénateurs.

L'honorable Chuck Strahl, C.P., député, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits : J'aimerais d'abord vous remercier, monsieur le président, vous et vos collègues, de m'avoir invité à prendre de nouveau la parole devant votre comité important. Nous avons tous eu un printemps chargé, et dans notre cas, il s'avère chargé jusqu'à la dernière minute. Je suis ravi d'être de retour car la journée d'aujourd'hui et le projet de loi en question sont tous deux importants.

Le 9 juin, nous avons parlé du projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Aujourd'hui, nous portons notre attention sur un autre projet de loi historique — le projet de loi C-41, Loi portant mise en vigueur de l'accord définitif concernant les Premières nations Maa-nulth — qui occupera une place importante dans l'histoire de notre pays et dans les relations de notre gouvernement avec les Premières nations.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous remercier, monsieur le président, vous et les honorables sénateurs, de votre travail crucial qui nous a permis à tous d'accomplir autant en si peu de temps sur le plan de ce projet de loi et d'autres. Le récent regain d'activité, combiné aux réalisations soutenues auxquelles nous sommes arrivés ensemble au cours des deux dernières années, est une indication claire selon moi que nous traversons une profonde période de renouvellement et de progrès au Canada, et ces indications devraient être claires également pour tous les Canadiens. Il reste encore beaucoup de travail à faire, mais l'attitude grandement activiste du comité m'encourage, et je pense qu'elle devrait encourager tous les Canadiens. Nous avons réussi à faire adopter des lois importantes et historiques. Je vous en remercie.

En plus de participer aux travaux du comité et aux travaux sur la loi, nous avons eu l'occasion de souligner, le 11 juin dernier, le premier anniversaire de la présentation d'excuses par le premier ministre au nom de tous les Canadiens. À titre de ministre, j'étais ravi de participer aux excuses. En travaillant avec les anciens élèves des pensionnats indiens, je me suis rendu compte des effets profonds de ces excuses; ce qu'elles ont permis de créer montre qu'elles sont bien plus qu'un geste symbolique : elles sont devenues une façon de rétablir et de raviver les relations entre le gouvernement fédéral et les Autochtones du Canada. Le geste était convaincant il y a un an, mais je crois que nous commençons seulement à en sentir les effets, partout au pays et même autour du monde.

J'ai aussi eu l'honneur de participer à une célébration visant à marquer l'entrée en vigueur de la Loi sur l'accord définitif concernant la Première nation de Tsawwassen, célébration qui s'est déroulée dans la vallée du Bas-Fraser, en Colombie-Britannique. Vous y étiez aussi, monsieur le président. C'était une journée formidable. Il s'agissait du premier traité urbain conclu au Canada et du premier accord négocié et signé dans le cadre du processus des traités de la Colombie-Britannique à entrer en vigueur. C'était une journée importante et digne de fierté pour la Première nation de Tsawwassen ainsi que pour les nombreuses personnes qui ont travaillé sur le traité.

En avril, j'ai eu l'honneur de signer, à Port Albani, situé sur la magnifique île de Vancouver, l'Accord définitif des Premières nations Maa-nulth. Cette cérémonie aussi était importante. Il s'agit d'une entente marquante qui donne force de loi au Canada à l'accord; c'est la raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd'hui. Je ne sais pas s'il est nécessaire de le faire, mais je serais ravi de discuter des détails de l'Accord définitif des Premières nations Maa-nulth et du projet de loi C-41, qui donne force de loi au Canada à l'accord.

Je ne sais pas s'il est nécessaire de le faire. Je sais que lors de la deuxième lecture au Sénat, le comité a appuyé le projet de loi avec autant de conviction et de manière aussi convaincante que je pourrais le faire. Tout le monde a eu l'occasion de réviser le projet de loi et je suis reconnaissant de votre grand appui.

Au cours des débats au Sénat, vous avez parlé en profondeur et avec persuasion des cinq éléments clés du projet de loi C-41. Vous avez expliqué, monsieur le président, comment l'Accord définitif des Premières nations Maa-nulth donne aux collectivités Maa-nulth le pouvoir de décider de l'utilisation de leurs terres traditionnelles et comment ce pouvoir leur donne les moyens de stimuler leur développement économique.

Vous avez noté le fait que l'Accord définitif des Premières nations Maa-nulth transfère des capitaux aux collectivités Maa-nulth; ces capitaux offriront les ressources financières immédiates et continues dont elles ont besoin afin de financer des services sociaux essentiels et de renforcer le développement social dans leurs collectivités.

Vous avez mentionné que l'accord confère aux collectivités Maa-nulth des pouvoirs d'imposition; ce pouvoir leur permet de mettre à profit leur richesse et d'utiliser cette richesse pour élaborer leurs propres solutions aux besoins courants et aux défis à venir.

Vous avez expliqué comment l'accord clarifie le statut des ressources naturelles de la région et, ainsi, consolide la capacité des Premières nations Maa-nulth de gérer les ressources de leurs terres, de développer des industries florissantes basées sur les ressources et de récolter les ressources renouvelables d'une façon viable sur le plan environnemental.

De plus, vous avez mentionné la manière dont l'accord fournit aux membres des collectivités Maa-nulth des gouvernements élus et responsables; des gouvernements qui permettent à ces collectivités de choisir elles-mêmes la voie à suivre et de travailler d'égal à égal avec les autres gouvernements de la région et de la province; des gouvernements qui leur donnent le pouvoir d'assumer le rôle qui leur revient dans l'ensemble de la croissance, du développement et de la prospérité du Canada.

L'accord définitif et, par extension, le projet de loi C-41 fournissent aux Maa-nulth les outils essentiels pour bâtir des collectivités de plus en plus prospères, de plus en plus dynamiques, et qui connaissent de plus en plus de succès. Je crois que tous les membres du comité sont d'accord avec moi. En effet, je n'ai qu'à consulter votre rapport de mars 2007 pour en voir la preuve.

Dans ce rapport avant-gardiste, le comité a cerné six facteurs essentiels au développement économique des Autochtones. Le rapport déclare que le gouvernement fédéral doit revoir son approche au développement économique des Autochtones en négociant et en signant des accords définitifs exhaustifs avec des collectivités des Premières nations. C'est ce que nous faisons.

De plus, les accords comme celui que nous étudions ce soir permettent aux collectivités de remplir les cinq autres facteurs que le comité a cernés dans son rapport.

Avec l'accord définitif, les Maa-nulth peuvent s'associer à l'industrie. Ils peuvent surmonter les obstacles au développement créés par la Loi sur les Indiens. Ils peuvent accéder aux terres traditionnelles et aux ressources naturelles. Ils peuvent créer des institutions communautaires essentielles, comme des régimes modernes de gouvernance. Ils peuvent également mettre en place un système d'éducation et de formation pratique adapté à leur culture, et en tirer parti.

Nous ne sommes pas les seuls à reconnaître les transformations qu'entraînera l'Accord définitif des Premières nations Maa-nulth. Je crois que les Premières nations Maa-nulth les reconnaissent aussi. En fait, elles comprennent mieux que tous la valeur et le potentiel de l'accord définitif. J'ai mieux constaté cette compréhension lorsque j'étais, avec vous, à Port Alberni, pour participer à la cérémonie de signature et aux célébrations s'y rattachant.

Au cours des discussions, des cérémonies et des excellents discours qui ont été prononcés, j'ai mieux saisi la satisfaction et le sentiment d'accomplissement visibles sur le visage des aînés; certains d'entre eux ont dévoué leur vie à la défense de ce genre d'accord. C'était passionnant de voir la réaction des jeunes gens à l'accord définitif et à la célébration. C'était aussi merveilleux de voir la collectivité élargie se joindre à la célébration pour montrer qu'elle appuie elle aussi l'accord.

J'ai entendu la confiance dans la voix des personnes qui ont pris la parole et la conviction dans les paroles de dirigeants comme la chef héréditaire Anne Mack, de la nation Toquaht, qui a dit que l'accord amenait son peuple plus près de réaliser la vision de ses ancêtres, qui ont imaginé un avenir prometteur pour leurs enfants et les générations futures.

Monsieur le président, je vous demande, à vous et aux honorables sénateurs rassemblés aujourd'hui, de franchir un autre pas vers la réalisation de cette vision et la création de collectivités Maa-nulth encore plus saines, dynamiques et prospères pour les années à venir. Je vous demande de continuer à soutenir le projet de loi C-41 et de l'adopter le plus rapidement possible. Je sais que certaines personnes qui sont ici aujourd'hui, qui font peut-être partie du public ou qui seront peut-être des témoins plus tard, seront ravies, encore plus ravies que moi, de faire avancer l'accord pour tirer une conclusion avant la fin de la session du printemps.

Le président : Je vous remercie, monsieur le ministre Strahl, d'avoir relevé l'étude sur le développement économique menée par le comité. Elle n'est pas à moi; elle est à nous. Je me tourne vers le sénateur Dyck, le sénateur Lovelace Nicholas, le sénateur Campbell et le sénateur Peterson. Ils y ont tous participé et ont joué un grand rôle dans la présentation de l'étude et des recommandations qui en ont résulté.

Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Campbell : Je félicite les négociateurs de toutes les parties. Ce n'est pas facile de lire le document jusqu'à la fin. Je sais que certaines sections ont demandé une réflexion profonde de la part de tous. Je tiens à louer les négociateurs de toutes les parties de ne pas avoir abandonné et d'en être arrivés à cette conclusion.

Je crois que M. Denhoff pourra répondre à ma question. Une des questions soulevées au Sénat aujourd'hui portait sur l'eau et sur la réglementation de l'eau en vertu de l'accord. Je pense que vous êtes peut-être en mesure de nous éclairer là-dessus.

Eric Denhoff, négociateur en chef du gouvernement fédéral, Affaires indiennes et du Nord Canada : Il y a deux facteurs liés à l'eau dans le traité. Le premier porte sur les réserves d'eau ou l'attribution de l'eau selon le réseau provincial d'alimentation en eau de la Colombie-Britannique pour l'eau de rivière ou de ruisseau. Le second facteur porte sur l'eau souterraine; si j'ai bien compris, la question posée était au sujet de l'eau souterraine.

La Colombie-Britannique ne possède pas de loi provinciale régissant l'eau qui se trouve sous les terres Maa-nulth, les terres qui appartiendront aux Premières nations Maa-nulth après la signature du traité. Cependant, l'accord stipule que, si le gouvernement de la Colombie-Britannique adopte des lois régissant l'eau qui se trouve sous leurs terres, l'eau souterraine pourra être extraite et utilisée. Si elle existe en quantité raisonnable, le gouvernement de la Colombie- Britannique s'efforcera de s'entendre avec les Premières nations Maa-nulth sur la quantité qui peut être extraite et utilisée à des fins précises. Cette approche est essentiellement identique à celle adoptée pour l'allocation de l'eau provenant des cours d'eau et des rivières.

L'accord stipule que toute entente de ce genre négociée avec la Colombie-Britannique doit tenir compte de la durabilité du réservoir aquifère, de la quantité et de la qualité de l'eau disponible, des besoins en eau des Premières nations Maa-nulth et des dispositions de toute loi fédérale et provinciale applicable. Cet accord est un peu inhabituel en ce sens que le régime législatif actuellement en vigueur en Colombie-Britannique n'a pas encore réglementé ce secteur qui relève principalement des provinces. En ce moment, les propriétaires de la Colombie-Britannique, les agriculteurs ou d'autres personnes peuvent extraire l'eau souterraine plus ou moins à volonté en respectant seulement quelques restrictions. On prévoit qu'à un moment ou à un autre, le gouvernement de la Colombie-Britannique adoptera un règlement pour gérer cette situation. Cet accord fournit un mécanisme qui permet de prendre en compte les intérêts Maa-nulth.

Le sénateur Campbell : Je tiens à être clair. En ce moment, il n'y a aucun règlement régissant qui que ce soit en ce qui concerne l'eau souterraine?

M. Denhoff : C'est exact. Rien dans cet accord ne modifie la nature des pouvoirs fédéraux et provinciaux en matière d'eau.

Le sénateur Campbell : Merci beaucoup. Je dois signaler que M. Denhoff est le négociateur fédéral dont j'ai parlé.

Le sénateur Carstairs : J'ai des questions relatives à trois domaines. À la page 5 de l'Accord définitif des Premières nations Maa-nulth, j'ai remarqué qu'il y avait une section consacrée aux obligations juridiques internationales. La section 1.7.4 stipule : « Le Canada consultera le gouvernement de première nation Maa-nulth intéressé à l'égard de l'élaboration des positions prises par le Canada devant un tribunal international... »

Ont-ils été consultés dans le cadre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones que votre gouvernement a choisi de ne pas appuyer?

M. Strahl : Je ne peux pas répondre à cette question. Je vais demander à M. Denhoff de le faire.

M. Denhoff : Je ne pense pas qu'ils l'aient été à proprement parler. Les dispositions de la section 1.7.4, à la page 5, ne s'appliqueront pas tant que le traité n'entrera pas en vigueur, ce qui devrait avoir lieu peu après la sanction royale. Si la situation s'était produite après la date d'entrée en vigueur du traité, le Canada aurait peut-être consulté les Maa-nulth.

Le sénateur Carstairs : Cette question m'amène à la suivante. Ce processus est continu et le Canada pourrait changer sa position à l'égard de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones à n'importe quel moment. Le ministre a-t-il l'intention de consulter cette collectivité lorsque le traité entrera en vigueur pour connaître sa position à l'égard de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones?

M. Strahl : Je vais dire ce que j'ai à dire et ensuite, je demanderai à l'avocat du ministère de la Justice de formuler des observations.

Le gouvernement n'a pas l'intention de changer sa position par rapport à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Nous avons exposé notre position tant aux Nations Unies que par d'autres voies. Peut- être que notre conseiller juridique peut nous en dire davantage.

Lorne Beiles, conseiller juridique, ministère de la Justice Canada : Les dispositions de l'accord définitif ayant trait aux obligations juridiques internationales sont censées garantir un processus dans l'éventualité d'une consultation. Elles veillent à ce qu'en raison des droits accordés aux Premières nations Maa-nulth en vertu de l'accord, le Canada ne contrevienne pas à l'une ou l'autre des obligations juridiques internationales auxquelles il doit déjà se plier. Ce processus permet de modifier une loi Maa-nulth si les droits des Maa-nulth ou de leurs autorités législatives risquent d'entrer en conflit avec une obligation juridique du Canada. L'accord final ne vise pas des choses comme la déclaration de l'ONU. Il vise des situations ayant trait à la taxation, par exemple. Les Maa-nulth possèdent certains pouvoirs de taxation. Le Canada est tenu d'honorer certaines obligations en vertu des ententes fiscales internationales qu'il a conclues. Si les pouvoirs de taxation des Maa-nulth pouvaient contrevenir d'une manière ou d'une autre aux obligations que le Canada doit observer en vertu d'une convention fiscale internationale, le processus lié aux dispositions en question s'enclencherait. Selon ce processus, soit les Maa-nulth changent leurs lois afin de permettre au Canada de respecter de nouveau ses obligations juridiques, soit, si les Maa-nulth sont en désaccord avec la position du Canada et que leur loi risque d'avoir une incidence sur l'obligation internationale, on peut mettre en œuvre un processus visant à déterminer si la loi Maa-nulth a cet effet. Ces dispositions visent à régler certaines situations dans lesquelles les autorités législatives des Maa-nulth pourraient nuire à des obligations que le Canada doit actuellement respecter ou assumer en vertu du droit international.

Les dispositions auxquelles vous avez fait allusion, à la section 1.7.5, concernent les situations dans lesquelles un tribunal condamne le Canada à une amende...

Le sénateur Carstairs : J'ai parlé de la section 1.7.4.

M. Beiles : De façon similaire, la section 1.7.4 s'applique lorsque le Canada doit faire face à un tribunal international dans des situations où les lois Maa-nulth ont une incidence sur les obligations internationales du Canada. Dans ces cas- là, le Canada consultera d'abord les Maa-nulth.

Si l'on reprend l'exemple dans lequel les pouvoirs de taxation des Maa-nulth ont une incidence sur les obligations du Canada en vertu d'un traité international et l'on demande au Canada de réagir à cette situation, le Canada consultera les Maa-nulth avant de le faire. L'accord est censé résoudre les conflits qui peuvent survenir entre les obligations internationales du Canada et les autorités législatives des Maa-nulth parce que d'un point de vue international, toute loi canadienne, y compris une promulguée par un gouvernement Maa-nulth, peut avoir des répercussions sur les obligations juridiques internationales du Canada.

Le sénateur Carstairs : Ma deuxième question porte sur la protection de l'enfance, dont il est question à la page 167 du traité. Grâce au rapport Wende de 2007, nous savons que le nombre d'enfants autochtones pris en charge est plus élevé que celui de tout autre groupe, et que l'on affecte 20 p. 100 moins de ressources à leur garde.

Cet accord veillera-t-il à ce que des ressources adéquates soient affectées à ces collectivités afin que leurs enfants puissent bénéficier des ressources dont ils ont besoin?

M. Strahl : Je vais demander à notre négociateur de répondre également à cette question.

Nous connaissons, bien entendu, le rapport de la vérificatrice générale, mais également ceux préparés par votre comité et d'autres groupes à propos des services à l'enfance et à la famille. Le gouvernement se soucie d'établir en priorité de meilleurs systèmes pour les services à l'enfance et à la famille des Premières nations et des Autochtones partout au Canada. En Alberta, en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse, les Premières nations et les gouvernements provinciaux et fédéral ont conclu des ententes tripartites. Dans le dernier budget, nous avons alloué des fonds afin de négocier des ententes avec deux autres provinces, ce que nous espérions accomplir dans les semaines à venir ou au cours de l'été.

En passant d'un modèle d'appréhension à un modèle de prévention qui comprend l'affectation de fonds suffisants et, ce qui est encore plus important, la négociation d'ententes tripartites avec les Premières nations qui leur permettent de participer activement à l'élaboration de programmes culturellement appropriés et préventifs visant à venir en aide aux familles avant qu'il soit nécessaire de leur retirer la garde de leurs enfants, nous sommes à mi-chemin d'améliorer le travail que nous accomplissons.

Nous avons signé des ententes avec trois provinces. Nous en signerons deux de plus cette année, et deux ou trois autres provinces et des groupes de Premières nations sont également presque prêts à en signer. Nous sommes à mi- chemin, mais nous avons encore du pain sur la planche.

M. Denhoff : Dans cette section, le traité décrit les autorités législatives des Maa-nulth et une bonne partie de leurs rapports avec le gouvernement provincial qui, dans le passé, s'occupait de bon nombre de ces questions.

Il est plus difficile de déterminer si le financement est adéquat. Cette question est traitée en partie dans le chapitre 18 de l'accord consacré au financement budgétaire. Dans la section 18.1.3 de ce chapitre, le Canada et la Colombie- Britannique s'engagent lorsqu'ils négocient un accord de financement budgétaire, à tenir compte d'un certain nombre d'aspects, dont :

le coût de la prestation directe ou indirecte de programmes et services... qui sont raisonnablement comparables aux programmes et services similaires offerts dans d'autres communautés... dont la taille et la situation sont similaires.

Évidemment, il s'agissait d'une question contentieuse sur laquelle les Maa-nulth ont insisté considérablement. Les montants exacts des programmes de financement ne se trouvent pas dans le traité, mais plutôt dans l'accord de financement budgétaire. C'est un document à part dont le contenu est renégocié tous les cinq ou huit ans, selon le traité.

Le sénateur Carstairs : J'ai une dernière question rapide concernant la ratification. J'ai examiné la page 273 du chapitre 28 et l'onglet 15. Mais, malheureusement, je n'ai trouvé les résultats nulle part. Combien de membres de la collectivité appuient ce traité?

M. Strahl : M. Denhoff connaît les chiffres qui viennent tout juste d'être publiés.

M. Denhoff : Les Maa-nulth exigeaient qu'au moins les deux tiers des membres des collectivités en âge de voter participent au scrutin, et que la majorité des votes soient en faveur du traité. En fin de comte, en moyenne 80 p. 100 des gens qui ont voté se sont prononcés en faveur du traité. Dans certaines collectivités, ce pourcentage s'élevait à 90 p. 100 et plus. Le nombre de votes en sa faveur était supérieur à la majorité absolue.

Le sénateur Carstairs : Merci.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Bienvenue à tous les membres du groupe d'experts.

Je dois avouer à mon corps défendant que je n'ai pas eu l'occasion de lire tout le document. J'ai quelques préoccupations et, peut-être, pourrez-vous m'indiquer si l'accord y remédie.

Des femmes ont-elles été consultées dans le cadre de cet accord?

M. Strahl : Certaines des femmes consultées étaient des chefs. La majorité des chefs sont des femmes, par exemple. Chaque communauté a mené de vastes consultations.

Les chefs peuvent probablement répondre à cette question plus précisément, mais les équipes qui ont participé à la négociation de cet accord ne manquaient ni de femmes jouant un rôle de leadership, ni d'influence féminine. Je suis convaincu que cet accord a été grandement influencé par les femmes.

Le sénateur Lovelace Nicholas : L'accord comprend-il des dispositions concernant des enjeux qui touchent les femmes?

M. Denhoff : De façon générale, le traité est assujetti aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi qu'aux lois fédérales et provinciales. C'est une forme de gouvernement démocratique. Il doit avoir obtenu la majorité des votes de manière démocratique, transparente, ouverte et responsable. Leur constitution est présentée à toute la collectivité afin d'être approuvée dans le cadre d'un processus de ratification, comme cela a été le cas pour le traité. Donc, ces protections générales existent.

M. Beiles : Ce traité a été conclu en vertu des articles 35 et 25 de la Loi constitutionnelle et celle-ci stipule que les traités autochtones et les revendications territoriales s'appliquent tant aux femmes qu'aux hommes. La constitution offre cette protection supplémentaire qui est intégrée dans l'accord.

Le sénateur Lovelace Nicholas : J'ai quelques questions supplémentaires. Si dans les années à venir, même dans 100 ans, les Premières nations manquent d'espace, peuvent-elles entamer de nouvelles négociations pour obtenir d'autres terres?

M. Strahl : Le territoire qui leur a été attribué est indiqué dans l'accord et comprend 26 000 hectares. Cela représente pas mal de terrain. Je ne suis pas certain de comprendre ce que vous voulez dire par « manquer d'espace ».

Le sénateur Lovelace Nicholas : Les Premières nations sont les peuples qui croissent le plus rapidement au Canada. Que se passera-t-il si, à un moment ou à un autre, elles n'ont plus de terre où construire leurs habitations?

M. Strahl : Je vous remercie d'avoir apporté cette précision. L'accord comprend des dispositions pour gérer cette situation.

M. Denhoff : Certaines dispositions du traité permettent aux Maa-nulth d'acquérir des terrains supplémentaires et de les faire ajouter aux terres visées par le traité, avec l'accord des gouvernements. Dans certains cas, ils ont déjà désigné des terrains qu'ils n'ont pas été en mesure d'acquérir dans le cadre du processus de négociation du traité, mais qu'ils s'attendent de posséder plus tard, et nous avons approuvé leur ajout aux terres octroyées par l'accord.

Le sénateur Lovelace Nicholas : En attendant, que se passera-t-il si le gouvernement du moment refuse?

M. Denhoff : La plupart des chapitres du traité comportent un processus de résolution des différends. Il faudrait que j'examine précisément ce qui passe dans ce cas-là, mais il y a un certain nombre de mécanismes.

Le sénateur Lovelace Nicholas : J'ai lu la partie où ils parlent d'avoir leur propre citoyenneté. Que se passera-t-il, par exemple, s'ils refusent que les femmes non inscrites en vertu de l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les Indiens vivent dans leur collectivité? Ces femmes auront-elles accès à un ombudsman ou à un organisme auquel elles peuvent s'adresser pour être admises au sein de la collectivité?

M. Strahl : C'est une excellente question. Je vous encourage à en discuter avec les chefs lorsqu'ils viendront également témoigner.

Il y a des dispositions dans le traité. La citoyenneté remplace ce que nous considérons comme l'appartenance à la bande, mais ils sont citoyens d'une Première nation qui détient un traité. Il y a des dispositions dans le traité pour le règlement des différends concernant toute allégation portant sur la question de la citoyenneté. Je crois que ces dispositions permettront de faire face à ces situations de manière appropriée.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Il y a des recours, alors, pour un ombudsman au sein des Premières nations.

M. Strahl : Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un ombudsman.

Le sénateur Lovelace Nicholas : C'est quelque chose qui ressemble à un ombudsman pour les droits de la personne?

M. Denhoff : Il y a un certain nombre de protections. Premièrement les critères pour l'inscription de quelqu'un dans le traité sont différents de ce que l'on retrouve dans la Loi sur les Indiens. Les critères sont que quelqu'un doit être d'ascendance des Premières nations Maa-nulth; alors, il n'y a pas de distinction comme celle que vous pourriez être habitués de voir en vertu de la Loi sur les Indiens. Deuxièmement, il y a tout un processus de résolution des différends qui aboutit à la révision judiciaire. Par exemple, si un gouvernement devient tapageur et qu'il refuse de vous inscrire de quelque façon que ce soit, alors, vous pouvez entreprendre une série de processus qui se terminent par la révision judiciaire et le tribunal appliquera les dispositions du traité.

Le président : Monsieur le ministre, je crois comprendre que vous devez partir maintenant. Est-ce que quelqu'un a une question pertinente à lui adresser avant qu'il nous quitte? Il doit partir. Son secrétaire parlementaire ainsi que M. Denhoff et M. Beiles resteront avec nous.

S'il n'y a pas de question, merci beaucoup, monsieur le ministre.

M. Strahl : Merci encore une fois de votre soutien et de votre aide. Nous sommes impatients d'entendre le reste des témoignages et de voir les résultats.

Le sénateur Brazeau : Monsieur Denhoff, ma question s'adresse à vous. De toute évidence, nous avons sous les yeux un texte législatif qui est assez clair. Plus important encore, le peuple Maa-nulth a ratifié cet accord et désire qu'il soit adopté parce que c'est cet accord qu'il a négocié avec le gouvernement du Canada. Cet accord démontre clairement que quand on veut on peut. La négociation est préférable à la confrontation, surtout du fait que bien souvent, ces discussions et ces négociations demandent beaucoup de temps. Je crois qu'un des éléments clés pour l'avenir, c'est de trouver une façon de réduire le nombre d'années nécessaires pour ratifier de tels accords.

Pouvez-vous nous parler de ce régime fiscal que l'on retrouve dans cet accord? Je suppose que, d'abord et avant tout, c'est quelque chose que le peuple Maa-nulth voulait — et je vais lui poser la question —, mais du point de vue du gouvernement du Canada, pour développer et aider à développer son économie. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce régime? S'agit-il d'une taxe sur les biens et services? S'agit-il d'un impôt sur le revenu ou quoi que ce soit d'autre?

John Duncan, député, secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien : Je peux vous en dire davantage. Je vais d'abord faire une introduction qui est dans la même veine que ce que vous avez dit. Cet accord est clair à bien des égards, mais il aura fallu beaucoup de temps pour y arriver. La personne dont on parle le plus souvent en ce qui a trait à l'origine de ce traité est Bert Mack, ancien chef de la nation Toquaht et ancien chef héréditaire. Le chef héréditaire Anne Mack, de la nation Toquaht, qui est sa fille est parmi nous aujourd'hui. Il a été chef pendant 67 ans. Lorsqu'il a été nommé chef, le message qu'il a reçu de son père était d'aller négocier un traité. Cette négociation est un processus qui a duré longtemps.

Les dispositions fiscales constituent une partie importante de cet accord. Le gouvernement de la Première nation sera traité exactement de la même manière qu'un gouvernement municipal en termes de fiscalité et le gouvernement de la Première nation aura un pouvoir de taxation.

Les exemptions fiscales actuelles accordées en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens n'existent plus. Elles seront éliminées graduellement pour les particuliers sur une période de huit ans pour ce qui est de la taxe sur les transactions et de 12 ans pour ce qui est des autres taxes comme l'impôt sur le revenu. Il y a d'autres aspects concernant toute cette question de la fiscalité et il serait peut-être utile que je demande au spécialiste, M. Denhoff, de nous en parler maintenant.

M. Denhoff : Je vais faire de mon mieux. J'hésite toujours à parler de taxes parce que c'est le ministère des Finances qui, en bout de ligne, est responsable de la négociation de ces éléments.

Cependant, cet accord est semblable, et identique en ce qui a trait à la fiscalité, à l'accord avec la Première nation de Tsawwassen et à l'accord avec la Première nation Nisga'a. C'est-à-dire que puisque que la politique fédérale encourage la taxation par les gouvernements autochtones pour soutenir l'autonomie et la reddition des comptes, cette politique se reflète dans cet accord. Les impôts seront administrés par l'Agence du revenu du Canada; ils seront prélevés et ensuite, transmis par le biais d'une entente, aux Premières nations Maa-nulth pour appuyer l'autonomie, les programmes et les services communautaires.

En bout de ligne, après 12 ans, un membre des Premières nations Maa-nulth et un non-Autochtone assis dans un café devront payer tous les deux en vertu de la même approche fiscale, la même TPS et la même TVP et tout le reste. Les non-Autochtones vivant sur des terres des Premières nations Maa-nulth ne paieront pas de taxe aux Premières nations Maa-nulth à moins qu'il y ait une entente hors traité entre le gouvernement du Canada et les Premières nations Maa-nulth. Cette disposition protège le droit du Parlement de prélever des impôts auprès des Canadiens et ne permet pas la taxation sans représentation.

Je désire corriger quelque chose. Lorsque nous avons parlé des tribunaux internationaux, sénateur Carstairs, l'exemple que nous avons utilisé est une convention en ce qui concerne les obligations juridiques internationales; cela ressemble davantage à un tribunal pour les oiseaux migrateurs, pour les pêches ou des choses du genre. Il s'agit d'un point mineur, technique, mais aux fins du compte rendu, nous voulons que les choses soient claires. Le ministère des Finances veut que ce point soit clair, alors, je m'assure que c'est le cas.

Je ne pense pas qu'il y ait d'autres différences ici avec ce que vous avez vu dans les accords avec les nations Tsawwassen ou Nisga'a. Il s'agit de dispositions de base.

Le sénateur Dyck : La question que je vous pose a trait aux dispositions de la Loi sur les Indiens concernant le statut. J'ai regardé rapidement l'article 12 du projet de loi et je me trompe peut-être, mais il semble que la Loi sur les Indiens sera encore en vigueur lorsqu'il s'agit d'établir si une personne est un Indien.

M. Duncan : Vous avez absolument raison en ce sens que la Loi sur les Indiens ne s'applique plus aux Premières nations Maa-nulth, à l'exception des dispositions sur l'inscription de la Loi sur les Indiens. Pour ce qui est de certains détails relatifs à cette disposition, je vais demander à M. Denhoff d'en parler.

Le sénateur Dyck : S'agit-il d'une disposition standard?

M. Denhoff : Dans les traités modernes? Oui.

M. Duncan : Très standard, oui.

M. Denhoff : La raison derrière cela, c'est que, durant les négociations, les Premières nations Maa-nulth, comme l'ont fait les nations Tsawwassen et Nisga'a, ont dit que le gouvernement avait des programmes particuliers pour encourager le développement économique, des programmes de santé particuliers et ce genre de choses. Elles ont dit que si elles n'étaient pas considérées comme des Indiens aux termes de la Loi sur les Indiens, elles ne seraient pas admissibles à ces programmes et qu'elles seraient totalement exclues. Le désavantage économique pourrait se faire sentir pendant plusieurs années après que le traité est complété. Comment pourraient-elles savoir si elles ont encore accès à ces programmes? La solution du ministère de la Justice a été de faire en sorte que la Loi sur les Indiens s'applique uniquement pour déterminer le statut d'Indien de manière qu'ils puissent profiter de ces programmes. La Loi sur les Indiens ne s'applique pas en ce qui concerne tout le reste, comme les impôts, les terres et les successions, les fiducies et autres choses du genre.

Le sénateur Dyck : Est-ce que cela signifie alors que le nombre d'Indiens soi-disant inscrits est important en ce qui concerne les ressources qui sont affectées aux Premières nations Maa-nulth? Est-ce que ce nombre est lié à ces relations?

M. Denhoff : Pas vraiment, non : l'entente sur les relations budgétaires est fondée, en partie, sur la population. Tous les tant d'années, ils vont renégocier le financement pour l'éducation, la santé et ce genre de choses. La population est un facteur dans ces négociations. Qu'il s'agisse d'Indiens inscrits ou non n'est pas pertinent dans ces négociations.

Le sénateur Dyck : Dans ce cas, vous avez dit qu'une partie du traité, c'est que les Premières nations Maa-nulth seront en mesure de décider elles-mêmes qui sont leurs citoyens?

M. Denhoff : Essentiellement, en respectant les dispositions du traité, oui.

Le sénateur Dyck : Lorsqu'elles vont négocier des ressources pour la santé, par exemple, ou dans un domaine particulier, si un grand nombre de citoyens ne sont pas inscrits, est-ce que cela influera sur le financement?

M. Denhoff : Oui, l'entente de financement ne dépend pas du fait d'être un Indien inscrit; dans la plupart des cas du point de vue fédéral, elle dépend du fait que vous habitez sur la terre octroyée par l'entente, typiquement pour la plupart des services fédéraux, et du fait d'être admissible à l'inscription comme citoyen Maa-nulth.

Toutefois, pour être admissible à l'inscription comme citoyen Maa-nulth, le critère n'est pas aussi étroit et restrictif que le critère prévu dans la Loi sur les Indiens. Si quelqu'un est d'ascendance Maa-nulth, il pourrait être admis et si cette personne habite sur la terre octroyée par l'entente, ces chiffres seront utilisés par les Premières nations Maa-nulth dans leurs négociations avec les différents ministères fédéraux pour obtenir des fonds.

Le sénateur Dyck : Cependant, les Premières nations Maa-nulth elles-mêmes seront en mesure de déterminer si cette personne est un citoyen?

M. Denhoff : Essentiellement, dans le contexte de l'accord, il y a deux ou trois déterminants, mais ils sont beaucoup moins étroits que dans la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Dyck : C'est une question importante à poser en raison de ce qui se passe maintenant en Colombie- Britannique en ce qui concerne l'affaire Sharon McIvor portant sur la question de savoir qui détermine l'appartenance. Si Les Premières nations sont en mesure de contrôler leur appartenance et de déterminer qui sont leurs propres citoyens, c'est quelque chose de positif.

M. Duncan : Pour clarifier la question et la réponse, je pense que ce sur quoi nous sommes tous d'accord, c'est que le ministère va continuer d'inscrire les gens dans le registre, mais la Première nation déterminera qui dans le registre est citoyen Maa-nulth. Est-ce que cela est sensé? Le ministère ne prend pas cette décision, c'est la Première nation qui le fait.

Le sénateur Dyck : Elles peuvent vous dire qui doit être dans le registre?

M. Denhoff : Il n'y aura pas de registre de la Loi sur les Indiens comme tel; il y aura un comité d'inscription qui les inscrira comme citoyens Maa-nulth. L'accord dit que si quelqu'un est d'ascendance Maa-nulth, est adopté ou est le descendant d'un individu qui est admissible à l'inscription — il est adopté ou il a été accepté dans la tribu par les Premières nations Maa-nulth —, alors, il est admissible à l'inscription.

Ils ont le statut d'Indiens inscrits uniquement pour les besoins des programmes, mais ils ne seraient pas inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens au sens traditionnel.

L'autre facteur, c'est que le financement futur de ces programmes et services est une responsabilité partagée entre le Canada, la Colombie Britannique et les Premières nations Maa-nulth. Elles auront des revenus liés aux ressources naturelles provenant de la taxation et d'autres choses, et elles contribueront directement aux coûts de ces services, ce qui est différent à certains égards de ce qui existe à l'heure actuelle.

Le président : Honorables sénateurs, nous avons d'autres témoins à entendre et M. Denhoff, négociateur fédéral en chef, a offert de rester dans la salle au cas où quelqu'un aurait une question pour lui.

Avant de continuer, je vois que M. Duncan, le secrétaire parlementaire, ainsi que M. Denhoff et M. Beiles sont toujours ici. Je veux les remercier pour leur contribution ce soir et pour leur témoignage jusqu'ici.

Honorables sénateurs, nous accueillons les représentants des Premières nations Maa-nulth. Je pense que nous ne pouvons pas les remercier suffisamment de leur patience. Ils ont parlé du chef qui a été en poste pendant 67 ans et je suis étonné de la patience dont font preuve les gens de nos Premières nations dans ce pays.

Sans plus tarder, nous accueillons Charles Cootes, chef, tribu Uchucklesaht; Tess Smith, chef, Premières nations Kyuquot/Checkleseth; Violet Mundy, chef, Première nation Ucluelet; Anne Mack, chef, nation Toquaht; et Gary Yabsley, négociateur en chef pour les Premières nations Maa-nulth.

Malheureusement, Robert Dennis, de la bande Huu-ay-aht, n'a pu se joindre à nous. Certains d'entre nous ont eu le privilège de discuter avec lui, mais il n'est pas ici ce soir. J'ai cru bon mentionner son nom parce qu'il a joué un rôle si important dans cet accord.

Je crois savoir, chef Cootes, que vous avez un exposé. Je vous demanderais d'être bref parce que vous avez déjà attendu suffisamment longtemps.

Ceci dit, nous aurons une période de questions et réponses complète après votre exposé. Vous avez la parole.

Charles Cootes, chef, tribu Uchucklesaht, Premières nations Maa-nulth : Merci, monsieur le président. C'est avec humilité que je me retrouve ici devant les honorables sénateurs. Je vais débuter en disant que ce fut un long voyage. De très nombreux anciens qui ont commencé le voyage ne sont plus parmi nous aujourd'hui. Ils sont dans un endroit meilleur et nous regardent probablement avec beaucoup de fierté. De même, nous avons de nombreux jeunes gens qui sont empressés de faire partie du traité, d'aller de l'avant, d'occuper un poste de leader et de gouverner notre peuple.

Ce fut un long voyage pour nous tous depuis 1992, année où les négociations formelles ont débuté, pour nous, en vertu du processus de la commission des traités de la Colombie-Britannique, et même il y a plus longtemps, pour nos anciens dirigeants, qui ont essayé de trouver une solution juste à la question de la terre depuis le début des années 1900.

Je veux souligner le rôle de certains organismes qui sont à nos côtés depuis le début des années 1900. Il y a la Native Brotherhood; les West Coast Allied Tribes; le West Coast District Council; le conseil tribal Nuu-chah-nulth; et maintenant, notre Maa-nulth Treaty Society. Nos gens attendent impatiemment à la maison les dernières étapes nécessaires pour terminer ce long voyage. Ces étapes sont, premièrement, de faire adopter par le Sénat le texte législatif concernant le traité avec les Premières nations Maa-nulth et, deuxièmement, obtenir la sanction royale par la Gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean.

Nous sommes confiants que le Sénat comprendra que des négociateurs, des avocats, des techniciens et des politiciens canadiens ont été à nos côtés pendant toute la durée du processus depuis 1992. Nous espérons que le Sénat fera en sorte que le projet de loi soit adopté rapidement de manière que nous puissions terminer tout le travail que nous devons faire d'ici la date d'entrée en vigueur de ce dernier, date qui sera déterminée par les trois parties au traité. Ensuite, nous pourrons continuer à développer et à terminer ce que nous avons entrepris pour l'élaboration de nos lois à la date d'entrée en vigueur, de sorte que nous puissions aller de l'avant comme peuple et forger notre propre destinée.

Je ne peux être plus bref que cela. Merci.

Le président : Vous devriez être sénateur. Nous pourrions expédier les choses beaucoup plus rapidement, monsieur, si vous faisiez partie de notre processus ici.

J'ai eu l'honneur de représenter le gouvernement lorsque les Premières nations Maa-nulth ont fait un exposé devant le Parlement de la Colombie-Britannique. Je vous remercie. J'ai toujours la pagaie. C'est un honneur pour moi et elle occupe une place bien en vue dans ma demeure. À titre d'Autochtone, on ne pouvait pas me faire plus grand honneur.

Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Brazeau : Bienvenue à tous. C'est effectivement un honneur que de vous avoir parmi nous à la veille de ce qui sera un jour spécial pour le peuple Maa-nulth. Félicitations.

Je veux m'arrêter brièvement sur le processus. Évidemment, cinq communautés participent à cet accord. Évidemment, c'est communautés sont toutes des communautés distinctes et individuelles. Toutefois, pour signer cet accord, ces communautés ont dû se regrouper pour regarder la situation dans son ensemble et se tourner vers l'objectif plus vaste de l'autonomie gouvernementale et d'une emprise plus grande sur leurs propres affaires.

J'aime m'arrêter sur les aspects positifs et sur les progrès que nous avons réalisés. De toute évidence, cela prend du temps; c'est une frustration. Toutefois, vous avez surmonté cette difficulté, vous allez de l'avant et vous êtes progressifs. Qu'avez-vous à dire aux autres communautés dans l'ensemble du pays qui veulent un accord semblable au vôtre, selon leur situation particulière, concernant la nécessité de se regrouper? Pouvez-vous nous parler de cette question, s'il vous plaît?

M. Cootes : Oui; comme je l'ai mentionné tout à l'heure, c'était un long parcours semé de difficultés. Chaque fois que plusieurs entités essaient de parvenir à un accord sur de multiples questions, la tâche n'est pas facile; il faut beaucoup de discussions, de consensus et de compromis dans les négociations avec les différentes parties.

Dans nos collectivités, nous visons la même chose : conclure un accord sur la façon dont nous pouvons coexister avec le reste des Canadiens et proposer quelque chose d'acceptable pour toute la population canadienne. L'accord qui a été négocié aujourd'hui couvre tous les domaines auxquels nous voulions participer en tant que peuple distinct. Nos collectivités se sont impliquées dès le début. Elles se sont données à fond. En fait, nos collectivités ont participé à l'élaboration de nos constitutions sur une période de quatre ans. La constitution énonce les droits de nos citoyens, les structures de notre gouvernement, les pouvoirs et bien d'autres choses. Les addendas à la constitution précisent comment nous devrions nous comporter en public et au sein du gouvernement, et comment toutes nos décisions devraient être prises dans le meilleur intérêt de notre peuple.

Notre structure gouvernementale a été élaborée du bas vers le haut plutôt que l'inverse, parce que nous voulons que notre peuple joue un rôle là-dedans. Si nous choisissons d'avoir un gouvernement central, ce sera du haut vers le bas. C'est nous qui déciderons de la façon dont le gouvernement central fonctionnera et de ce qu'il fera pour notre peuple. À ce jour, il n'y a eu aucune discussion là-dessus. Nous procédons tous de façon indépendante. Nous travaillerons ensemble quand les économies d'échelle nous dicteront de travailler avec d'autres Premières nations pour offrir les meilleurs services que nous pouvons pour nos collectivités, en raison des ressources financières limitées.

Le sénateur Brazeau : Merci beaucoup. Je vous félicite tous pour votre travail acharné et votre persévérance pour en arriver où vous en êtes. Évidemment, vous êtes la preuve vivante que vous travaillez, à n'en pas douter, dans l'intérêt des générations à venir.

Le sénateur Carstairs : Bienvenue. J'ai vérifié auprès de mon leadership avant de venir à la réunion, et on m'a dit qu'une cérémonie de la sanction royale est prévue le mardi, à 17 heures. J'espère que cette mesure législative figurera au programme.

Mon long parcours professionnel m'a amenée dans le monde de la politique, il y a maintenant 25 ans. Mais ma première carrière, c'était dans le domaine de l'enseignement. J'ai d'ailleurs eu l'honneur d'enseigner aux Autochtones de la Première nation Sarsi à Calgary.

Un des facteurs qui m'ont poussée à entrer en politique, c'était de faire en sorte que tous les enfants aient de meilleures possibilités d'accès à l'enseignement. C'est là-dessus que je veux m'attarder ce soir. Je veux savoir quel type de système d'éducation vous envisagez. Aurez-vous, par exemple, un conseil scolaire pour toute la nation? Aurez-vous différents conseils scolaires? Vous avez parlé d'économies d'échelle. Comment prévoyez-vous utiliser de façon optimale les fonds prévus pour l'éducation? Nous savons qu'en moyenne, il y a parfois un écart de 2 000 $ à 9 000 $ par année entre le financement destiné à l'éducation des enfants autochtones et celui destiné à l'éducation des enfants non autochtones. Comment envisagez-vous cet aspect, parce que je crois que l'éducation de vos enfants est l'avenir de votre nation, n'est-ce pas?

Anne Mack, chef, nation Toquaht, Premières nations Maa-nulth :

[Le témoin poursuit dans sa langue maternelle.]

C'est un honneur pour moi d'être au Sénat aujourd'hui. Je suis reconnaissante aux gens de cette terre d'avoir permis que les choses se fassent.

La nation Toquaht est petite. Notre population compte 140 personnes. Nous n'aurions probablement pas notre propre école pour de nombreuses années, mais l'éducation est importante. Nous pourrions intégrer plus de questions culturelles et créer une base pour nos enfants. Je crois que c'est par là que commence l'éducation.

Cela n'a pas été possible parce que nous n'avions pas la capacité de vivre sur nos propres terres traditionnelles et de pratiquer nos croyances culturelles. Je crois que cela forme une base. Le système d'éducation dans les régions avoisinantes aurait pu suffire, pour autant qu'il y ait cette base.

Le sénateur Carstairs : Ma deuxième question porte sur la préservation de votre culture et, particulièrement, de votre langue grâce au processus d'éducation. Comment envisagez-vous de les préserver?

Mme Mack : À l'heure actuelle, nous cherchons à donner un regain de vie à notre langue. Je crois que nous en serons davantage capables en ayant une collectivité. La technologie joue un grand rôle dans cet exercice car elle nous permet d'atteindre des membres qui vivent partout au pays.

Nous travaillerons avec ceux qui parlent la langue. Sachez qu'il y a aussi de nombreuses personnes qui disent comprendre la langue mais ne pas la parler. Ces gens seront les prochains sur notre liste puisqu'ils ont été réduits au silence avec le temps. Je ne pense pas que la tâche de ranimer cette langue soit très difficile si nous disposons d'un système de soutien et d'une institution pour ce faire.

Le sénateur Lovelace Nicholas : C'est bien aimable de votre part d'être des nôtres pour répondre à nos questions. Votre gouvernement est-il héréditaire, ou les chefs sont-ils élus?

M. Cootes : Notre nation s'est rassemblée il y a quelques années. Je vais utiliser notre nation comme exemple parce que les cinq nations comptent différents systèmes de gouvernement. Nous avons choisi de reconnaître qu'il y a trois systèmes possibles : le premier, c'est un type de gouvernement coutumier; le deuxième, c'est le gouvernement des Affaires indiennes et du Nord canadien, c'est-à-dire le gouvernement prévu par la Loi sur les Indiens; et, enfin, le troisième est le gouvernement de type héréditaire.

Au terme de négociations et de compromis difficiles, nous en sommes arrivés à une disposition dans un traité qui nous permet de faire en sorte que nos chefs héréditaires siègent à nos gouvernements, à condition qu'ils représentent au plus 50 p. 100 de notre gouvernement. Le reste de nos sièges doivent être élus de façon démocratique.

Notre gouvernement particulier utilise les trois formes de gouvernement. Selon la coutume, nous avons cinq grandes familles dans notre collectivité, et nous avons un conseiller pour chacune de ces familles. Ce système est conçu pour servir de gouvernement après le traité. Les cinq postes sont élus par les familles de façon démocratique.

Nous avons quatre chefs héréditaires, sous le régime héréditaire traditionnel. Deux postes sont élus par la collectivité dans son ensemble : un conseiller en chef et un conseiller général qui représentent les personnes qui ne sont pas représentées par les cinq grandes familles. L'élection se fait de façon démocratique.

Notre structure gouvernementale est un système unique en son genre. Elle fonctionne bien. Notre gouvernement traditionnel, nos chefs héréditaires, font partie de notre organe décisionnel. Ils ne constituent pas un groupe consultatif. Ils sont là à titre de gouvernement.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Cela m'amène à ma prochaine question sur l'adhésion. En raison de la décision McIvor, pensez-vous que vous aurez du mal à faire face au nombre de personnes qui pourraient devenir ou qui deviendront membres de votre collectivité?

M. Cootes : Nous avons des critères qui établissent qui peut devenir membre. Nous utilisons ce qui est énoncé dans notre constitution, ainsi que ce qui est énoncé dans le traité. Je crois qu'on a mentionné certains des critères à quelques reprises tout à l'heure. Je cède la parole à notre négociateur en chef, Gary Yabsley, pour vous fournir les détails qui m'ont peut-être échappé.

Gary Yabsley, négociateur en chef, Premières nations Kyuquot/Checkleseth, Premières nations Maa-nulth : Le traité Maa-nulth et les cinq constitutions Maa-nulth ont tenu compte des conséquences de la décision McIvor. Les dispositions dans le traité et, fait plus important, celles dans les constitutions, ont une portée beaucoup plus vaste que celle de la décision McIvor. L'ensemble des cinq nations, dans le cadre de leur propre régime législatif, acceptent beaucoup plus de personnes dans leurs rangs, et on parle maintenant de citoyenneté.

La question que vous avez ensuite soulevée se rapport aux répercussions de l'adhésion. C'est une question de gouvernance qui s'adresse à tous les gouvernements. Comment offrir des services aux membres qui font partie de notre nation? À cet égard, les Maa-nulth ne sont guères différents de tout autre gouvernement.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je pose cette question parce qu'il y a des femmes aujourd'hui qui ne sont toujours pas acceptées dans leurs collectivités à cause des redevances que touchent les collectivités. Les collectivités écartent les femmes, et je crois qu'il est grand temps de traiter la question. Je veux m'assurer que tout est dans l'ordre relativement à cette question.

Le sénateur Raine : C'est un plaisir de vous recevoir pour nous parler un peu plus de vos collectivités et de vos nations.

Je suis curieuse. Pourquoi n'y a-t-il que quatre chefs héréditaires alors qu'il y a cinq nations?

M. Cootes : Les chefs héréditaires dont j'ai parlé sont des chefs héréditaires dans notre nation des Uchucklesaht. Chacune de nos nations compte un nombre différent de chefs héréditaires. Le chef principal dans notre culture est appelé « Ta'hii », le chef numéro un, et il y a d'autres chefs héréditaires dans chacune de nos nations.

Le sénateur Raine : J'ai mal compris parce que j'ai cru que vous parliez de ce que vous appelleriez un gouvernement régional.

Avez-vous un organisme gouvernemental qui rassemble les cinq collectivités, ou êtes-vous complètement indépendants?

M. Cootes : Nous sommes complètement indépendants. Nous n'avons pas de structure centrale. Nous avons choisi de négocier collectivement en tant que cinq nations sous une seule commission de traité parce que cela convenait bien à ce que nous voulions faire. Nous n'avons pas de gouvernement central.

Le sénateur Raine : Vous vivez dans ce qui est sans doute la plus belle région du Canada. Je n'ai jamais été dans les collectivités du Nord, mais j'ai déjà visité le coin de Bamfield dans cette région.

Je sais que la pêche est une activité importante pour la viabilité de votre économie. Allez-vous aussi jouer un rôle actif dans le domaine du tourisme? Y a-t-il des fermes piscicoles sur la côte; envisagez-vous d'exploiter ce genre de fermes également?

Mme Mack : Il y a cinq fermes à la baie Clayoquot. J'ignore s'il y en a aussi à la baie Barkley. Nous n'avons pas l'intention de mener cette activité. C'est une belle région, et nous voulons conserver sa splendeur naturelle.

Je vais m'étendre un peu plus sur le système héréditaire. Les Toquaht ont toujours maintenu leur système héréditaire. Nous n'avons pas eu d'élection, mais pour faire partie du traité, pour être démocratiques, nous allons élire trois conseillers pour travailler avec nous. Nous avons deux chefs héréditaires, et nous allons élire trois conseillers chargés de nous seconder dans notre travail.

Le sénateur Raine : Je suis heureuse d'apprendre que vous allez protéger la terre, qui constitue vraiment une région magnifique du Canada. Merci.

Le sénateur Dyck : Bienvenue à vous tous. C'est un grand jour pour vous et pour le Canada.

Je vais poser la même question que j'ai posée aux autres témoins en ce qui concerne l'article 12 de la Loi sur les Indiens.

De votre point de vue, quelle justification vous a-t-on donnée pour continuer d'inscrire certains de vos membres aux termes de la Loi sur les Indiens? La raison pour laquelle je vous pose la question, si j'ai bien compris, c'est que le financement fédéral qui vous sera accordé dépendra du nombre de vos membres qui sont inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens. Alors, je suppose que vous êtes peut-être admissibles à un financement de programmes — à partir de sources provinciales, par exemple — pour combler le manque à gagner.

M. Cootes : En ce qui concerne notre admissibilité, le système d'inscription et la Loi sur les Indiens visent un autre but, à ma connaissance. Si les membres de notre peuple choisissent de ne pas être assujettis à notre traité, ils doivent quand même s'inscrire et être en mesure d'obtenir des services comme tout autre Autochtone au Canada. Si tel est le cas, nous avons les moyens de négocier des accords visant à fournir ces services aux membres qui choisissent de ne pas s'inscrire. Les gens doivent faire leur propre choix; c'est à eux de déterminer s'ils veulent faire partie du traité ou non. La plupart de nos confrères ont choisi de relever de notre traité et de devenir membres. Le pourcentage est élevé. Il n'y a pas beaucoup de gens qui ont fait le contraire, mais ils ont toujours le choix de s'ajouter en tout temps, même après la date d'entrée en vigueur.

Le sénateur Dyck : Ce qui me préoccupe, c'est que s'ils s'inscrivent aux termes de la Loi sur les Indiens, certaines dispositions s'appliquent quant à la question de savoir qui peut s'inscrire dans le cadre du projet de loi C-31. Le sénateur Lovelace Nicholas, bien entendu, est la spécialiste en la matière. Avec le temps, on perd le statut indien. Le mariage peut toujours faire perdre le statut indien. Votre citoyenneté, avez-vous dit, est beaucoup plus large en termes d'inclusion des gens et elle s'étend au-delà du cas McIvor.

M. Cootes : Oui; tous nos critères pour la citoyenneté et l'adhésion sont liés à l'ascendance. On ne peut refuser la citoyenneté ou l'adhésion à une personne qui peut prouver qu'elle a des ancêtres Maa-nulth ou Uchucklesaht si elle choisit de faire partie du traité. Je vais demander à notre négociateur en chef d'en dire plus long sur la question de l'adhésion.

M. Yabsley : Je peux peut-être essayer de clarifier la question parce qu'il y a plusieurs aspects que je dois mieux comprendre.

Si la préoccupation concerne une diminution du nombre d'Autochtones inscrits aux termes de la Loi sur les Indiens au fil du temps, c'est quelque chose qui risque fort bien de se produire — j'essaie d'imaginer un tel scénario — et simultanément, une augmentation du nombre de citoyens assujettis au traité. La question, je suppose, c'est de savoir s'il y aurait alors une diminution du financement fédéral destiné aux Autochtones inscrits sous la Loi sur les Indiens. Ce n'est pas ce que nous croyons.

À ma connaissance, le financement actuel en vertu de la Loi sur les Indiens — et je pourrais avoir mal compris cette information parce que je ne suis pas un expert financier —— est lié au nombre de membres de bandes indiennes vivant dans les réserves, pour autant que je sache. Telle est la réalité.

Si la question est de savoir s'il y aura moins de membres de bandes indiennes vivant sur les terres visées par le règlement du traité au fil du temps, et par conséquent, une diminution, d'après ce que j'ai cru comprendre à ce stade-ci, les fonds destinés aux programmes et services vont à la population vivant dans les réserves aux termes des dispositions du traité sur la citoyenneté. Je crois que c'est ainsi que fonctionne le financement. Il y a probablement beaucoup plus de gens mieux placés pour répondre à la question, mais c'est ce que j'ai cru comprendre.

Le sénateur Dyck : J'espère bien que c'est ainsi que le financement fonctionne parce que cela pourrait tenir compte du risque d'une perte du statut à la suite d'un mariage. En vertu du projet de loi C-31, il y a maintenant une limite établie à la deuxième génération, mais si les Maa-nulth décident de ne pas établir une telle limite, alors ces gens seront quand même considérés comme étant des citoyens et ils recevront le même financement; si telle est l'interprétation, il n'y aurait donc pas de problème.

Violet Mundy, chef, Première nation Ucluelet, Premières nations Maa-nulth : Je veux répondre au nom des Ucluelet. Un de nos premiers objectifs, quand nous avons pris la décision d'entamer des négociations entourant le traité, c'était de délaisser la Loi sur les Indiens pour notre nation. Nous nous sommes retrouvés dans exactement la même situation que vous avez décrite; Affaires indiennes nous a séparés en deux catégories et étiquetés de la sorte — ceux qui vivent hors réserve et ceux qui vivent dans les réserves. Quand nous avons commencé les négociations concernant le traité, nous avons immédiatement cessé d'utiliser ces expressions; nous appelons nos membres les Premières nations des Ucluelet, peu importe où ils vivent. Nous avons des membres en Ontario et en Alberta, et plusieurs aux États-Unis. Nous ne faisons pas de distinction selon leur lieu de résidence.

Un autre de nos objectifs est de s'appuyer complètement sur le développement économique et de fournir à nos enfants, à nos jeunes et à nos adultes d'âge moyen un accès à l'éducation pour se lancer dans une carrière. Dans notre nation, nous avons toujours été des travailleurs saisonniers, des travailleurs d'usine de transformation du poisson. Dans le cadre de mes recherches sur ma nation, j'ai découvert qu'un grand nombre de nos étudiants du secondaire sont directement allés travailler dans une usine parce que ce domaine leur offrait la possibilité de gagner beaucoup d'argent. Ils ont obtenu leurs diplômes d'études secondaires, mais ils ont quand même continué à travailler dans l'usine. C'est ce qu'ils font depuis plusieurs années.

Maintenant que l'industrie de la pêche est en déclin rapide, ces gens dans la trentaine et la quarantaine disent avoir besoin d'une carrière. Ils viennent à notre bureau de négociation de traité et s'enquièrent sur ce que propose le traité pour les 15 à 25 prochaines années. Ils commencent à envisager une carrière.

Récemment, nous avons eu plusieurs diplômés du collégial : un forestier, un biologiste des pêches, et une personne qui vient de terminer ses études en criminologie. Nous avons deux autres personnes qui vont bientôt recevoir leur diplôme en loisirs et services d'accueil. Au cours des dernières années, nous avons planifié les carrières et encouragé nos jeunes et nos enfants à rester à l'école et à penser à leurs carrières.

Notre nation ne s'occupe pas à savoir si certains de ses membres vivent loin de leurs collectivités. Ces derniers ont ressenti les effets d'une bonne part de nos négociations entourant le traité quand nous sommes passés par le processus de ratification. En fait, 60 p. 100 de nos membres vivent loin de chez eux, mais nous avons réussi à les atteindre. Nous nous sommes rendus dans les villes où il y a une forte population d'Ucluelet, et la plupart d'entre eux veulent revenir chez eux. Certains d'entre eux veulent rester, pour des raisons de santé. Port Alberni, c'est leur foyer. Nous n'allons pas les exclure de toute fonction, de toute bourse ou de n'importe quoi d'autre de ce genre. Nous ne faisons pas de distinction entre ceux qui vivent hors réserve et ceux qui vivent dans les réserves.

En ce qui concerne le critère relatif à notre citoyenneté, nous avons des règles d'appartenance définies par la Loi sur les Indiens. Conformément à la loi, il faut avoir un quart de sang Ucluelet. Nos aînés étaient totalement contre ces règles d'appartenance. Nous avons des membres, des ancêtres qui vivent à l'extérieur depuis 30 à 50 ans. Nos aînés ne l'ont jamais oublié.

Quand nous avons pris contact avec nos membres dans le cadre des négociations des traités, nous avons tout fait pour les retracer. Nous les avons presque tous retrouvés. Ils ont été touchés d'apprendre que nous voulions les inclure dans nos négociations et notre ratification. C'est notre position; nous ne faisons pas de distinction entre les membres dans les réserves et à l'extérieur des réserves.

Le sénateur Brown : Je voulais vous demander ce que signifie d'être citoyen d'une Première nation hors de votre réserve. Comptez-vous sur la citoyenneté canadienne si vous voyagez à l'extérieur des frontières canadiennes? Je présume que vous conservez votre citoyenneté canadienne, n'est-ce pas?

M. Yabsley : C'est une bonne question, et elle est intrigante car les membres des Premières nations étaient autrefois des membres de bande aux termes de la Loi sur les Indiens et se qualifiaient eux-mêmes ainsi puis, depuis la signature du traité, ils utilisent le mot « citoyen ». Ce terme est couramment employé par les Canadiens, c'est-à-dire les citoyens de l'« État-nation du Canada ».

Ce terme a un double sens. Il est approprié que les membres des Premières nations se qualifient de citoyens de leurs nations, et non pas de membres d'une bande, qui est une création de la législation fédérale. Même si c'est le même terme, les membres des Premières nations Maa-nulth qui voyagent à l'étranger, par exemple, seront quand même des citoyens canadiens.

Toutefois, pour les fins d'identité et de qui ils sont au sein de leurs collectivités en Colombie-Britannique et au Canada, ils sont des citoyens Maa-nulth au même titre que les habitants de la province qui se disent citoyens de la Colombie-Britannique. C'est là où ils vivent. C'est ce qu'ils sont.

Le sénateur Brown : J'ai compris cette partie. J'étais plus curieux de savoir s'ils seraient protégés dans des pays étrangers. Je présume qu'une protection est offerte au Canada.

M. Yabsley : Ils conservent leur citoyenneté canadienne à l'étranger et bénéficient de cette protection.

Le sénateur Brown : Je vous souhaite bonne chance à tous. Le processus a été pénible.

Le sénateur Campbell : Il semble y avoir des préoccupations concernant le manque de terres. Pouvez-vous nous donner une idée de la superficie qui est en jeu?

M. Cootes : Pour chaque nation?

Le sénateur Campbell : Au total seulement.

M. Cootes : C'est 25 000 hectares environ au total, y compris les réserves indiennes. Pour nos nations, c'est dix fois environ ce qu'était la superficie totale des réserves indiennes. Pour les Uchucklesaht et notre peuple, nous avons examiné la situation en long et en large. Nos collectivités nous ont fourni une orientation dont nous pouvions nous accommoder, avec laquelle nous pouvions aller de l'avant et grâce à laquelle nous pourrions générer de la richesse si elle est bien géré. Ce sont les collectivités qui nous ont donné la voie à suivre.

Le sénateur Campbell : C'est une journée formidable. Quelqu'un m'a dit que vous reformiez votre Première nation et je lui ai signalé que vous ne l'aviez jamais formée; elle a toujours existé, mais elle est maintenant reconnue. Chef Mundy, je suis ici depuis quatre ans, et je dois admettre maintenant au sénateur St. Germain que vous m'avez ému. C'était incroyable. Merci.

Le président : Merci beaucoup, messieurs les chefs et monsieur Yabsley.

Le sénateur Raine : Je veux savoir si le chef Smith souhaite nous dire quelque chose.

Tess Smith, chef, Premières nations Kyuquot/Checkleseth, Premières nations Maa-nulth : Merci. Je suis ici au nom du peuple Checkleseth. Nous avons beaucoup de chemin à parcourir et un long combat devant nous. Nos quatre chefs ont accompli un travail remarquable, et nous sommes ici aujourd'hui pour nous assurer que nous franchirons la ligne d'arrivée. Nous leur sommes reconnaissants de tous les efforts qu'ils ont consacrés à cette lutte. Je suis honorée d'être en compagnie des sénateurs de notre pays aujourd'hui.

Le président : Merci, chef Smith. Avant de vous remercier de nouveau, quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Les témoins méritent une bonne main d'applaudissements.

Au nom des sénateurs ici présents, je remercie les chefs d'avoir été des nôtres. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir parlé du projet de loi C-41. Vos témoignages étaient clairs et instructifs.

Pendant que j'écoutais le chef Mundy, et que mon cher collègue, le sénateur Campbell, qui est porte-parole de l'opposition, a versé une larme, je me suis dit à quel point c'est typique des gens de la côte Ouest — le don de soi, la générosité et la bonté. Comme je viens du Manitoba, la province bienveillante, j'ai cru bon d'en faire mention.

Je suis encouragé — comme vous tous, je le crois bien, chers collègues — de voir à quel point les Premières nations Maa-nulth sont optimistes face à l'avenir en ce jour historique.

Honorables sénateurs, si vous êtes d'accord, nous allons maintenant procéder à l'étude article par article du projet de loi. Devrions-nous prendre une pause ou continuer? Nous allons continuer. Êtes-vous d'accord pour que les témoins...

Le sénateur Carstairs : Que les témoins restent.

Le président : Chers collègues, le paragraphe 96(7.1) du Règlement prévoit ce qui suit : « À moins de permission de ses membres présents, un comité ne peut omettre l'étude article par article d'un projet de loi. »

Le sénateur Carstairs : Nous donnons la permission.

Le sénateur Campbell : La permission de l'omettre.

Le président : De l'omettre? Nous allons omettre l'étude article par article, et c'est approuvé?

Des voix : D'accord.

Le président : C'est approuvé à l'unanimité. Êtes-vous d'accord pour que le projet de loi soit adopté sans amendement?

Des voix : D'accord.

Le président : Le comité souhaite-t-il discuter de la possibilité d'annexer des observations à ce rapport?

Des voix : Non.

Le président : Êtes-vous d'accord pour que la présidence fasse rapport du projet de loi, sans amendement ni observation, au Sénat dans les plus brefs délais?

Des voix : D'accord.

Le président : Félicitations, sénateurs. Merci à vous, sénateur Campbell et à tous les autres sénateurs ici présents. Je remercie encore une fois les chefs, M. Denhoff et tous ceux qui ont participé à ce jour historique.

(La séance est levée.)


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