Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 15 - Témoignages - séance de l'après-midi
KELOWNA, Colombie-Britannique, le mardi 29 septembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 13 h 16 pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : La séance est ouverte. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones étudie la question des élections aux termes de la Loi sur les Indiens, d'une part en raison des préoccupations soulevées par les Premières nations, selon lesquelles l'exigence de la Loi sur les Indiens de tenir des élections tous les deux ans complique l'établissement d'une orientation stratégique à long terme par les dirigeants des Premières nations, d'autre part pour élaborer et mettre en œuvre des processus durables avant la tenue des prochaines élections.
Avant de donner la parole au témoin, j'aimerais présenter le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique, le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, et le sénateur Nancy Greene Raine, également de la Colombie-Britannique. Mon nom est Gerry St. Germain, et je suis de la Colombie-Britannique.
Cet après-midi, nous accueillons Larry Derrickson, de la Première nation de Westbank, qui a beaucoup travaillé pour les Premières nations. Je vais le laisser décrire une partie du travail auquel il a participé afin de créer un meilleur pays pour nos Premières nations.
Je vais tout de suite céder la parole à M. Derrickson.
Larry Derrickson, conseiller, Première nation de Westbank : Merci. C'est un honneur pour moi d'être ici, et c'est aussi un plaisir d'accueillir les sénateurs sur notre territoire pour s'occuper vraiment des élections au sein des bandes. C'est un important dossier, comme le président l'a dit. Nous, à Westbank, nous avons conclu avec le Canada un accord d'autodétermination qui nous confère une autorité réelle à titre de gouvernement, au sens où le Canada entend le terme « gouvernement ». Nous avons tenu des négociations bilatérales avec le Canada, sans l'intervention de la province, car nous cherchons à obtenir les pouvoirs qu'essentiellement, le Canada exerçait en notre nom. Il nous a fallu en tout 15 ans pour arriver où nous en sommes aujourd'hui, alors c'est un excellent résultat.
J'aimerais entre autres parler de la difficulté de faire reconnaître par nos communautés les résultats des élections au sein des bandes, en raison de certains problèmes qui se sont déjà présentés dans le passé. J'ai apporté un dossier; c'est le seul que je possède, et il remonte déjà au milieu des années 1980. C'est le rapport de l'enquête publique sur les méfaits commis dans la bande indienne de Westbank, comme elle s'appelait alors. Nous nous appelons maintenant la Première nation de Westbank. Ce rapport a débouché sur environ 110 accusations au criminel qui auraient pu être portées contre le chef et les conseillers de l'époque. Je crois qu'en tout, nous n'avons porté que cinq accusations. Quant aux autres, nous avons pensé qu'il valait mieux les abandonner que d'occuper les tribunaux pendant une éternité.
Dans un rapport, le juge Hall a mentionné entre autres que ce qui ressort de toute cette affaire, c'est que les gens de Westbank ont besoin d'un gouvernement régi par des lois et non d'un gouvernement régi par des hommes. Nous avons atteint cet objectif, aujourd'hui, grâce à notre accord d'autodétermination. Nous avons nos propres lois, qui régissent et contrôlent le fonctionnement du conseil, et nous pouvons maintenant réellement participer aux réunions et avoir l'assurance que la collectivité nous appuie.
Tout cela, c'est l'accord d'autodétermination que nous avons conclu avec le Canada. D'ailleurs, quand le Parlement étudiait notre projet de loi, un des députés s'est levé et a dit à tout le monde que ce dont le Canada avait besoin, c'était un instrument comme celui que nous avons créé, à Westbank, pour nous gouverner nous-mêmes, parce que c'est un instrument tout à fait ouvert et transparent. Tout ce que nous faisons, au sein de notre gouvernement, est affiché sur notre site Web; allez-y, et voyez vous-même. Tout y est, toutes nos finances, les salaires des membres du conseil, la façon dont tout le monde est payé. Si je vais à une réunion et qu'on me remet un présent, je dois le rapporter au conseil. Je ne peux pas tout simplement le garder. Le présent doit être mentionné dans le procès-verbal de la réunion du conseil; il y a toutes sortes de mesures de protection comme cela.
À mon avis, le seul problème lié à ce processus, à l'établissement d'un nouveau gouvernement, tient au fait que nous avons adopté une foule de mesures de protection qui vont en fait lier les mains au gouvernement. Nous nous penchons déjà sur ce problème. Il faudra en parler à la collectivité, tenir un référendum sur la modification de notre accord d'autodétermination ou de notre constitution, car le chef élu et le conseil ne peuvent pas le faire eux-mêmes. Il faut que cela vienne de la collectivité, de façon à ce que la collectivité soit tout à fait au courant des raisons pour lesquelles nous voulons changer quelque chose.
Une partie des problèmes concernent en particulier les finances : par exemple, le conseil ne peut pas dépenser plus que 500 000 $. Toute dépense d'un montant supérieur doit être ratifiée par référendum, et il faut que toute la collectivité soit mise au courant de l'utilisation prévue des fonds et des raisons de cette dépense. Si l'argent doit servir aux infrastructures souterraines dont nous avons besoin ou à la construction de nouveaux réservoirs pour notre réseau d'aqueduc, il faut s'adresser à la collectivité. Si elle est d'accord avec la dépense, nous pourrons aller de l'avant.
C'est une longue histoire, comme je l'ai déjà dit. Si jamais vous trouvez un livre qui explique comment nous en sommes arrivés ici aujourd'hui avec un accord d'autoréglementation, vous comprendrez qu'il vise principalement à protéger la collectivité.
Pendant tout ce processus, avant l'enquête publique, un de nos principaux problèmes était que seuls le chef élu et les membres du conseil étaient reconnus par le gouvernement ou par le ministère des Affaires indiennes. Les autres membres de la collectivité n'avaient pas voix au chapitre. Si nous avions un problème quelconque, nous écrivions au ministre pour lui en parler en disant que nous voulions vraiment que toute la collectivité soit appelée à se prononcer. Le ministère se contentait de transférer le dossier au chef élu et au conseil et, en général, il n'en était plus question.
Avec l'accord d'autodétermination, on peut dire que ce voile administratif est maintenant levé. Aujourd'hui, le chef et les membres du conseil peuvent faire l'objet de poursuites; c'est aussi simple que ça. La Loi sur les Indiens ne permettait pas cela. Le voile administratif était là pour protéger le conseil élu. Nous avons réussi à lever ce voile au sein de la collectivité, et maintenant le chef et les membres du conseil élus peuvent être poursuivis et tenus responsables, à 100 p. 100, par nos membres.
En ce qui concerne les élections, j'aimerais dire que, peu importe le chef élu et le conseil, deux ans, c'est trop court. À la fin de la seconde année, les nouveaux membres élus du conseil commencent tout juste à s'y retrouver. Ils commencent à peine à mettre utilement à profit le processus décisionnel du gouvernement, disons de la Première nation de Westbank. Nous avons adopté un mandat de trois ans, mais les membres du conseil doivent retourner en élection à la fin de ce mandat de trois ans. La seule réserve que j'aurais, c'est que j'aurais de beaucoup préféré un mandat de deux ans, mais avec des élections par étapes, de façon à assurer une certaine continuité.
Nous avons changé, nous ne sommes plus une bande selon la Loi sur les Indiens. Nous sommes en fait un gouvernement et nous exerçons des fonctions gouvernementales. Nous pourrions peut-être, j'imagine, adopter par exemple pour la bande des lois qui l'emporteraient sur celles de la province de la Colombie-Britannique. C'est pourquoi nous avons vraiment besoin d'assurer la continuité dans l'administration afin de veiller à ce que le système fonctionne efficacement et que tout le monde soit traité de façon égale.
Qu'est-ce que je pourrais dire de plus à ce sujet? C'est une préoccupation énorme, à mon avis, pour toutes les collectivités autochtones de la province. On n'a pas cessé de parler de la conclusion d'accords d'autodétermination pour d'autres Premières nations. Je me préoccupe entre autres aujourd'hui de la collaboration avec certaines autres bandes signataires d'un traité qui ont conclu un accord d'autodétermination, car elles ne sont pas traitées de la façon dont la Première nation de Westbank est traitée aujourd'hui. Il existe dans les Territoires du Nord-Ouest une bande qui essaie actuellement d'obtenir des pouvoirs en matière de taxation comme ceux qui ont été accordés à Westbank. Pour le moment, le ministère des Affaires indiennes l'en empêche, étant donné que le système fonctionne à Westbank. Le ministère voudrait revoir le système, et il n'est plus possible aujourd'hui d'obtenir ce que Westbank a obtenu au moment de signer l'accord. Il y a malheureusement des cas comme celui-là où une Première nation qui vient de conclure un accord avec le Canada essaie de faire avancer les choses dans le sens où il le faut, mais, dès qu'elle fait des progrès, le ministère met le holà en disant, par exemple, qu'elle ne pourra pas aller aussi loin que la Première nation de Westbank.
En ce qui concerne les pouvoirs de taxation, au Canada, un gouvernement n'est digne de ce nom que s'il est investi de pouvoirs fiscaux. À Westbank, nous avons cherché à régler un problème important : comment faire pour que notre gouvernement fonctionne dans l'avenir? Nous avons besoin de stabilité financière pour aller de l'avant, et, sur ce point- là, nous avons réussi à obtenir des pouvoirs de taxation dans le cadre du processus de négociation du traité. Le ministère essaie maintenant de considérer cela comme des recettes autonomes, mais ce n'est pas le cas; en réalité, il s'agit d'une recette du gouvernement, et il doit vraiment faire attention à son rôle à ce chapitre. Je sais que c'est un des points en litige dans nos négociations sur les ETF.
Le président : Pourriez-vous expliquer ce qu'est une ETF?
M. Derrickson : Excusez-moi; il s'agit des ententes de transfert financier conclues avec le ministère des Affaires indiennes. Nous fonctionnons avec un financement sur cinq ans, indexé légèrement chaque année pour suivre l'augmentation du coût de la vie. Comme le montre assez clairement la situation à Westbank, les ETF ne donnent pas vraiment à notre gouvernement une marge de manœuvre suffisante pour gouverner. Je crois qu'il s'agit simplement d'un mécanisme de transfert en vue de la fourniture de services; il suffit tout juste à s'assurer que les choses restent où elles en sont.
La Première nation de Westbank peut percevoir l'impôt foncier depuis, je crois, 1992. À partir de ce moment-là, nous étions un fardeau moins lourd pour le gouvernement du Canada ou le ministère responsable de la Loi sur les Indiens; aujourd'hui, nous nous occupons nous-mêmes de nos services. Notre gouvernement fonctionne plus comme une administration municipale que comme une bande indienne; en effet, nous pouvons, comme toute autre municipalité, emprunter à long terme afin d'offrir des services publics comme les aqueducs, les routes, l'éclairage des rues, les égouts pluviaux, et cetera. C'est un avantage énorme pour la Première nation de Westbank.
Mais cette situation nous a entraînés vers un autre problème. Nous sommes venus à Ottawa il y a environ six mois pour trouver une solution à ce nouveau problème avec l'aide d'Industrie Canada. On nous considère comme une bande indienne, mais on nous considère également comme étant autonomes. En conséquence, il nous est impossible d'obtenir du ministère des Affaires indiennes des sommes importantes pour nous aider à l'égard des aqueducs, des routes, des égouts et de tout le reste. Nous avons rencontré des représentants d'Industrie Canada. C'était la première fois qu'une collectivité autochtone leur posait cette question-là. Comme nous sommes autonomes et que nous disposons d'une assiette fiscale, nous répondons aux critères d'Industrie Canada et nous pouvons demander un emprunt municipal, comme n'importe quelle autre administration. Ça a vraiment été un soulagement. Nous ne l'avons pas encore obtenu, mais le processus est enclenché. Les représentants d'Industrie Canada ont dit qu'ils envisageraient d'apporter quelques modifications aux lois de façon que les collectivités autochtones comme la nôtre répondent plus facilement à leurs exigences sans les empêcher de s'adresser aussi, pour des projets de moindre envergure, au ministère des Affaires indiennes. Nous savons qu'il y a au Canada des collectivités autochtones qui ont plus besoin d'argent que nous. Nous pourrons atteindre nos objectifs par d'autres moyens parce que nous sommes en mesure d'assumer le tiers des coûts tout en assurant la prestation de l'ensemble de ces services, comme n'importe quel autre gouvernement.
Ça n'a pas été trop long, monsieur le président?
Le président : C'est très bien. Avez-vous terminé, monsieur Derrickson?
M. Derrickson : Oui. J'espère qu'il reste du temps pour les questions; j'aimerais qu'il y ait un échange.
Le président : Comme vous avez pu le constater, M. Derrickson est conseiller à Westbank. Pour éclairer les sénateurs, j'aimerais que vous me disiez combien de non-autochtones vivent dans votre réserve, environ 8 000?
M. Derrickson : Non, presque 10 000.
Le président : Cela fait combien de résidences, en gros?
M. Derrickson : Dans les alentours de 2 700 à 3 000.
Le président : Il y a donc de 2 700 à 3 000 résidences qui sont louées à des non-autochtones. Quelle est la population de votre bande?
M. Derrickson : Nous sommes environ 670.
Le président : Sur la réserve et à l'extérieur de la réserve?
M. Derrickson : Oui, dans la réserve et à l'extérieur. Je crois que 430 personnes vivent dans la réserve, et les autres, à l'extérieur.
Le sénateur Campbell : Pensez-vous que votre modèle de gouvernance pourrait être repris ailleurs?
M. Derrickson : Oui, je crois que d'autres collectivités autochtones pourraient l'adopter. Il faudrait peut-être le modifier un petit peu; chaque collectivité a sa propre identité, et il faut aussi en tenir compte.
Le sénateur Campbell : Mais, de manière générale?
M. Derrickson : Oui, le modèle pourrait être repris.
Le sénateur Campbell : En tant que gouvernement, pouvez-vous par exemple demander au gouvernement fédéral de l'argent pour des projets d'infrastructure?
M. Derrickson : Oui, c'est justement l'objet de nos discussions avec Industrie Canada.
Le sénateur Campbell : Et avant, vous ne le pouviez pas?
M. Derrickson : Non.
Le sénateur Campbell : Pourquoi?
M. Derrickson : Parce que le ministère des Affaires indiennes nous considérait et nous traitait comme un groupe autochtone, pas comme un groupe autonome.
Le sénateur Campbell : C'était la position des Affaires indiennes, mais il ne fait aucun doute dans votre esprit que vous êtes aujourd'hui un gouvernement autonome?
M. Derrickson : C'est ça.
Le sénateur Campbell : Si j'ai bien compris, il est clair aussi dans l'esprit du gouvernement du Canada que vous êtes un groupe autonome?
M. Derrickson : À vrai dire, l'idée commence tout juste à faire son chemin. Par exemple, le gouvernement provincial dit qu'il ne nous considère pas comme une collectivité autonome, mais comme le gouvernement fédéral a décrété que nous étions un gouvernement, nous sommes un gouvernement.
Le sénateur Campbell : Et que se passerait-il si vous décidiez d'être une municipalité?
M. Derrickson : Nous sommes un peu plus que cela, en fait.
Le sénateur Campbell : Je sais, mais supposons, pour les besoins de la démonstration, que vous demandez au gouvernement fédéral de fournir le tiers du financement, au gouvernement provincial de fournir un autre tiers et que, pour cela, vous devez vous présenter comme une municipalité. Peu importe le type de projet. C'est vraiment déroutant; je n'arrive pas à comprendre comment vous avez pu conclure ce traité incroyable avec le gouvernement fédéral sans que la province intervienne. La province s'est contentée de vous laisser aller en se disant qu'elle y verrait plus tard. Et quand vous vous retrouvez dans cette position — je parle des taxes et de l'impôt, du financement de projets d'infrastructure, et de tout le reste, comme n'importe qui au Canada —, on dirait qu'il y a une certaine réticence. J'aimerais savoir si c'est un problème systémique lié aux Affaires indiennes ou si c'est la façon d'agir du gouvernement du Canada?
M. Derrickson : Il s'agit plutôt pour le moment du gouvernement du Canada. Nous essayons maintenant d'aller un peu plus loin que le ministère des Affaires indiennes, puisque, comme je l'ai déjà expliqué, nous avons rencontré il y a six mois des représentants d'Affaires indiennes et d'Industrie Canada. C'était la première fois que les représentants de ces administrations et ces secteurs entendaient parler de la possibilité que nous ne respections pas la définition de « gouvernement autochtone » parce que nous avons nos propres revenus, et Industrie Canada vient de reconnaître que nous sommes un gouvernement. Nous pouvons donc présenter une demande, et nous y travaillons d'ailleurs au moment même.
Le sénateur Campbell : Pouvez-vous tenir des audiences à huis clos?
M. Derrickson : Oui.
Le sénateur Campbell : Vous avez dit que votre limite de dépenses était d'un demi-million de dollars, actuellement, et qu'autrement vous devez tenir un référendum?
M. Derrickson : C'est bien cela.
Le sénateur Campbell : Voudriez-vous supprimer cette limite ou la modifier?
M. Derrickson : À vrai dire, je ne changerais rien. Ce n'est pas ce qui me préoccupe. Il faut que les membres de la collectivité soient au courant, comme c'est le cas dans toute municipalité.
Le sénateur Campbell : Bien sûr.
M. Derrickson : Je me préoccupe d'autres aspects administratifs qui lient les mains du conseil parce qu'il y a des restrictions. Le conseil peut dépenser jusqu'à un demi-million de dollars...
Le sénateur Campbell : Oui.
M. Derrickson : ... mais cela vaut seulement pour le conseil. Les autres autorités ne peuvent pas dépenser plus que 5 000 $.
Le sénateur Campbell : D'accord.
M. Derrickson : Cela a donc créé un problème de fonctionnement.
Le sénateur Campbell : Au moment des élections, qui se tiennent tous les trois ans, le budget des immobilisations est proposé.
M. Derrickson : Oui.
Le sénateur Campbell : Les dépenses d'infrastructure sont présentées — il peut s'agir d'écoles, de travaux touchant les aqueducs ou les routes, ou d'autres choses, mais le budget est présenté, et les gens votent sur la question.
M. Derrickson : Oui.
Le sénateur Campbell : Vous seriez quand même satisfait avec une limite d'un demi-million de dollars et la possibilité de tenir un référendum au moment du scrutin?
M. Derrickson : Eh bien, pas une élection.
Le sénateur Campbell : Un référendum distinct?
M. Derrickson : Tout à fait distinct; il ne porte que sur une seule question.
Le sénateur Campbell : Cela coûte très cher de tenir des référendums distincts.
M. Derrickson : Oui, mais c'est tout à fait transparent pour la collectivité. Au moins les membres savent ce que le conseil propose, et c'est de cette façon que la collectivité nous dit dans quelle direction elle veut aller. C'est une question de protection.
Le sénateur Dyck : Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris ce que vous avez dit; vous dites que, actuellement, les élections se tiennent tous les trois ans?
M. Derrickson : Oui.
Le sénateur Dyck : Diriez-vous que la façon dont vos élections sont organisées ressemble à ce que l'on appellerait les élections coutumières selon la Loi sur les Indiens, ou est-ce que ce serait peut-être plus compliqué ou plus détaillé?
M. Derrickson : Oui, je crois que notre système ressemble plutôt à des élections municipales; tous les trois ans, il y a des élections. Je crois en effet que les élections coutumières sont quelque peu différentes.
Le sénateur Dyck : Le projet de loi sur l'autonomie gouvernementale de Westbank a été adopté il y a, quoi, deux ou trois ans?
M. Derrickson : C'était en 2005.
Le sénateur Dyck : Il y a déjà eu une élection?
M. Derrickson : Oui.
Le sénateur Dyck : Pendant cette élection, vous n'avez pas eu de problèmes? Par exemple, a-t-il été question de contestation ou de destitution?
M. Derrickson : Non, notre constitution explique vraiment clairement comment les élections doivent se dérouler; chacun sait ce qu'il a à faire. Pendant les élections, les candidats au conseil de bande doivent faire l'objet d'une vérification du casier judiciaire au Canada et aux États-Unis. Si vous avez déjà été reconnu coupable d'un délit quelconque, vous êtes automatiquement éliminé pour 10 ans et vous ne pouvez pas vous présenter.
Le sénateur Dyck : Vous avez donné les chiffres de la population qui vit dans la réserve et à l'extérieur de la réserve, mais je n'ai pas vraiment bien entendu combien de personnes vivaient dans la réserve ou à l'extérieur.
M. Derrickson : Environ 430 de nos membres vivent dans la réserve; cela comprend les hommes, les femmes et les enfants. Les autres vivent ailleurs au pays et parfois même aux États-Unis.
Le sénateur Dyck : C'est la vaste majorité, si j'ai bien compris. Vous avez dit 6 700 personnes, n'est-ce pas?
M. Derrickson : Non, 670.
Le sénateur Dyck : Oh, 670 personnes. Je comprends. Mon ouïe n'est plus ce qu'elle était. Quand il y a une élection, alors, il y a aussi des mécanismes de suivi des votes par correspondance? Vous acceptez, je présume, le vote par la poste?
M. Derrickson : Oui, c'est accepté. Ces bulletins sont traités à part. En effet, quand nous embauchons la personne qui vient diriger nos élections, seule cette personne peut avoir accès aux bulletins de vote reçus par la poste. Nous avons installé à Westbank une boîte où sont recueillis tous les bulletins, et ceux-là sont traités séparément.
Le sénateur Dyck : Vous devez embaucher quelqu'un pour faire cela, une personne qui n'est pas résidente?
M. Derrickson : C'est cela. C'est quelque chose que nous sommes en train d'étudier parce que nous voulons réduire les coûts des deux premières élections que nous avons déjà eues, et nous avions embauché Gina Beddome. Je ne sais pas si quelqu'un ici la connaît. Elle vient de Prince George, et nous avons dû la faire venir par avion et lui offrir un logement. Nous aimerions plutôt retenir les services de la personne qui s'occupe des élections à Peachland ou à West Kelowna. Ce sont des gens du coin, et cela nous permettrait de réduire les coûts; ces personnes peuvent retourner chez elles tous les soirs, par exemple. Mais il faut une personne qui n'a aucun lien avec notre administration.
Le sénateur Dyck : À votre avis, un mandat de trois ans fonctionne-t-il bien?
M. Derrickson : Oui. Le seul problème des mandats de trois ans — qui ne sont pas vraiment différents des mandats de deux ans —, c'est que tous les membres du conseil sont élus en même temps. J'aimerais mieux des élections tous les deux ans où la moitié seulement des membres du conseil est élue, mais pour un mandat de quatre ans. Aujourd'hui, il faut assurer la continuité au sein de notre organisation. Nous sommes un gouvernement assez jeune, nous venons de commencer à travailler; il faut que quelqu'un apprenne les rouages. Nous avons des choses à faire et nous devons savoir où nous allons.
Le sénateur Dyck : Si vous vouliez passer à un mandat de quatre ou de cinq ans, est-ce que votre constitution vous en donnerait le droit?
M. Derrickson : Nous pourrions faire cela. Il faudrait cependant organiser un référendum et poser la question à tous les membres.
Le président : Vous avez dit que, avant l'adoption de l'accord d'autodétermination, les seules personnes reconnues étaient le chef et les membres du conseil et que les autres membres de la collectivité étaient en fait laissés dans l'ombre. Pourriez-vous en dire plus et expliquer de quelle façon la responsabilité politique des dirigeants devant les citoyens a été renforcée par cet accord? C'est à mon avis assez évident, mais j'aimerais que vous l'expliquiez pour que ce soit consigné dans le dossier.
M. Derrickson : D'accord. Avant la création du gouvernement autonome, nous avons découvert avec le ministère des Affaires indiennes, au début des années 1980, que le chef et le conseil ne donnaient aucune explication, surtout en ce qui concerne les finances, au sujet de ce qu'ils faisaient et de ce qui se passait. Certains membres de la collectivité ont fini par découvrir ce qui se passait, par exemple des investissements et d'autres choses, qui devraient être destinés à la collectivité puisque ce sont les fonds de la collectivité qui servent aux investissements. Il n'y avait rien. Prenons par exemple la banque Northlands. Je crois que tout le monde sait ce qui s'est passé avec la banque Northlands. Nous avons perdu 14 millions de dollars dans cette affaire.
Le président : Quatorze millions.
M. Derrickson : J'étais le chef du conseil à l'époque où ce dernier y avait simplement déposé l'argent. Nous n'étions pas au courant. Il n'y a pas eu de discussion avec la collectivité. C'est par les journaux que nous avons pris connaissance de la situation. Ce sont des problèmes de ce type qui ont d'immenses répercussions sur le style de gouvernement transparent et ouvert que nous avons créé aujourd'hui. Nous ne pouvons pas agir comme ça.
Revenons à l'affaire de la banque Northlands; à la fin des années 1990, assez récemment, il y avait eu un investissement dans les laboratoires de biotechnologie. Nous avons encore une fois perdu de l'argent, environ trois millions de dollars et demi, selon le chef et le conseil de l'époque. C'était assez proche de la date de la création de notre gouvernement autonome.
Nous avons parlé de ces problèmes au ministère des Affaires indiennes. Comme vous l'avez entendu ce matin, pendant les autres témoignages, le chef et le conseil n'étaient pas responsables. Ils se contentaient de jouer les caïds. Nous avions envoyé des lettres au ministre des Affaires indiennes. Le ministère se contentait de les faire parvenir au conseil et au chef élus de l'époque, et les membres qui se plaignaient de l'absence de responsabilité, de transparence et d'ouverture du gouvernement n'en entendaient plus parler.
Ce que nous avons fait, en 2005, en nous dotant d'un gouvernement autonome, évidemment, c'est que nous avons laissé la collectivité se doter d'une constitution conforme à notre accord d'autonomie qui définissait clairement les rôles et les responsabilités du conseil élu. On doit vérifier si les personnes qui briguent les suffrages ont un casier judiciaire. Si oui, elles ne peuvent pas se présenter.
J'ai parlé plus tôt de l'ouverture de notre gouvernement : les élus consultent réellement la population. De fait, nos budgets sont adoptés au début de l'exercice pour tout ce qui concerne les besoins en infrastructure. La population peut vraiment examiner cela. Les élus doivent lui expliquer chaque élément en détail. Un projet qui ne figure pas au budget ne se réalisera pas. Il faut le mettre sur la glace et attendre l'exercice budgétaire suivant pour l'inscrire au budget. Vous pouvez aujourd'hui même — si vous le voulez — consulter sur Internet tous les renseignements financiers qui concernent la Première nation de Westbank. Cela montre à quel point le gouvernement d'aujourd'hui est ouvert.
Le président : C'est fantastique. Je suis sûr que vous êtes tous au courant de l'affaire de la banque Northland, qui a fait faillite au début des années 1980. Il y a aussi eu la Banque Commerciale du Canada, je crois, et une autre banque d'Edmonton qui ont fait faillite.
M. Derrickson : Oui.
Le sénateur Raine : Comment la Première nation de Westbank s'inscrit-elle dans la grande Première nation Okanagan?
M. Derrickson : Nous faisons partie des sept bandes de l'Okanagan Nation Alliance, et nous participons donc le plus possible à ce qui se passe. Je crois néanmoins que nous devons faire vraiment attention, quand nous participons, étant donné notre autorité gouvernementale. Nous pouvons faire partie de l'alliance, mais il ne faut pas oublier que notre gouvernement est différent, puisque nous avons réellement un pouvoir gouvernemental à proprement parler. Nous devons faire attention aux paramètres, quand nous acceptons une entente, car il ne faut pas que nous donnions l'impression d'user de notre autorité pour soutenir un groupe d'intérêt. Cela crée un peu de problèmes, mais rien qui nous empêche de participer. Il faut simplement faire très attention.
Le sénateur Raine : À ce sujet, d'autres collectivités qui font partie du conseil tribal parlent de partager les recettes tirées de l'exploitation des ressources du territoire communautaire. Elles parlent peut-être des territoires autochtones plutôt que des terres qui appartiennent aux bandes?
M. Derrickson : Oui.
Le sénateur Raine : Est-ce que vous collaborez avec l'Okanagan Alliance dans ce dossier?
M. Derrickson : Pour le moment, il s'agit de deux choses distinctes. L'Okanagan Nation Alliance tente de conclure des accords sur le partage des recettes tirées de l'exploitation des ressources avec les parties concernées — B.C. Hydro, les industries de minéraux ou d'extraction du gravier, par exemple. Pendant le processus des traités, la Première nation de Westbank a conclu un accord avec le Canada et la province de la Colombie-Britannique concernant la zone visée par les revendications territoriales; nous avons pour ainsi dire délimité une zone du territoire traditionnel de l'Okanagan Nation Alliance où notre gouvernement exerce sa compétence. Encore une fois, il faut d'abord savoir comment on peut assurer la durabilité d'un gouvernement, et il faut pour cela partager les recettes de l'exploitation des ressources, les droits miniers, et tout le reste. Prenez notre traité : vous verrez sur le territoire de l'Okanagan Nation Alliance un petit rectangle. Il est impossible pour nous de régler un traité sans d'abord nous adresser à l'Okanagan Nation Alliance, puisque ses membres appartiennent tout comme nous à la Première nation d'Okanagan. Il nous faut obtenir le feu vert de l'ONA pour tout ce qui concerne les traités. Étant donné que la Colombie-Britannique et le Canada ont reconnu que ce rectangle était une zone visée par des revendications territoriales, c'est ainsi que nous fonctionnons. Notre gouvernement peut donc rester fonctionnel.
Le sénateur Raine : On pourrait dire que vous avez déjà réglé le cas de ce petit territoire traditionnel et que vous en fait le territoire de votre gouvernement autonome?
M. Derrickson : C'est cela. Notre gouvernement autonome n'a compétence que sur les terres situées sur la réserve existante. Ce que nous essayons de faire, c'est d'obtenir une compétence gouvernementale, comme tout autre gouvernement, sur les droits miniers et les droits de coupe. Il faut savoir, en ce qui concerne ces droits — mais je suis sûr que tout le monde est au courant —, c'est que les territoires revendiqués représentent 105 p. 100 du territoire de la Colombie-Britannique. Ce que la nation de Westbank recherche, c'est quelque chose qui ressemble à ce qu'il y a en Ontario, où les Autochtones ne paient pas la taxe de vente provinciale. C'est une question qu'il faudrait explorer, ici, en Colombie-Britannique, vu la revendication issue de traité qui concerne toute la province; c'est une autre voie qu'on pourrait envisager.
Le sénateur Raine : La Première nation de Westbank a de la chance, d'une certaine façon, parce qu'elle est bien située, stratégiquement parlant, et que les non-Autochtones veulent des logements. Quel pourcentage des recettes de votre bande vient des quelque 10 000 non-autochtones?
M. Derrickson : Les deux tiers.
Le sénateur Raine : Le reste des recettes vient des taxes?
M. Derrickson : Non, de notre entente de transfert financier. Nous payons les deux tiers de notre propre gouvernement.
Le sénateur Raine : L'entente sur les pouvoirs de taxation a été conclue avec le MAINC?
M. Derrickson : Oui, c'est une entente de transfert financier. C'est cela.
Le sénateur Raine : Oui. Les gens qui habitent une maison sur le territoire de la Première nation de Westbank doivent payer des taxes à la bande?
M. Derrickson : Oui.
Le sénateur Raine : Ils paient un loyer et des taxes?
M. Derrickson : Oui. Quand il y a un important projet immobilier, par exemple, il y a habituellement un loyer principal. Une entreprise paie ce loyer initial au membre à qui appartient le terrain où cette propriété est bâtie, et l'entreprise, ensuite, sous-loue ce logement. De fait, les maisons sont payées d'avance. Au moyen d'une hypothèque, par exemple. Ça se passe de la même façon à l'extérieur des réserves; mais ici, il s'agit de terrains loués.
Le sénateur Raine : Donc, les résidents paient des taxes comme ils paieraient des taxes municipales.
M. Derrickson : Oui.
Le sénateur Raine : Et cela couvre les services d'aqueduc, d'égout, le service des incendies et les services municipaux ordinaires?
M. Derrickson : Oui. La Première nation de Westbank, pour percevoir des taxes, a négocié une entente de service avec le district régional et la Ville de Kelowna afin d'obtenir les autres choses dont elle a besoin. La collecte des déchets est un des principaux dossiers; nous payons ce service au district régional. Pour les services d'incendie, d'ambulance, la GRC, le 911, nous avons négocié des contrats avec les districts des alentours.
Le président : J'aimerais que les sénateurs s'en tiennent aux élections, dans la mesure du possible.
En ce qui concerne le système électoral, pensez-vous qu'il sera possible, un jour, que le conseil tribal de l'Okanagan compte un ombudsman, un directeur général des élections, sur lequel toutes les Premières nations membres du conseil tribal pourront compter, de façon à ne pas engager d'énormes dépenses et à assurer un certain niveau d'uniformité au sein du conseil? Il s'agirait bien sûr d'une fonction indépendante.
M. Derrickson : D'accord. Pour le moment, je ne crois pas que cela soit possible. Le cas de Westbank, encore une fois, est particulier : nous formons un gouvernement. Les autres membres du conseil sont toujours des bandes selon la Loi sur les Indiens. Si un jour le ministère des Affaires indiennes ou le gouvernement fédéral décide de permettre aux autres groupes de négocier un accord d'autodétermination comme le nôtre, alors nous pourrons réellement travailler de concert et avec les mêmes pouvoirs. Oui, je crois que ce sera un jour possible, mais pas à court terme.
Le président : Je voudrais revenir sur une question que le sénateur Campbell, je crois, a posée. Le Sénat a traité à plusieurs occasions des lois habilitantes concernant l'autonomie gouvernementale. Il y était question du processus électoral et de la constitution, de ce que vous avez réussi à obtenir, au fond. Vous avez dit qu'à votre avis, votre accord pouvait servir de modèle. Pensez-vous que c'est une bonne idée si l'on veut régler une partie de ces questions électorales et que s'il y avait des lois, inscrites dans une constitution — et il y en a. Nous les avons rédigées. Mon bureau les a rédigées. Dans la dernière version, il s'agissait de l'article 16 — croyez-vous que cela aiderait les Premières nations à se doter de meilleurs gouvernements et de meilleures pratiques électorales?
M. Derrickson : Eh bien, on pourrait isoler l'aspect gouvernance de notre accord. La gouvernance pourrait être cédée à d'autres gouvernements autochtones. Certains aspects de notre accord, qui ont trait à notre situation géographique, entre autres, pourraient ne pas être pertinents, mais cela donnerait une bonne idée de ce qui pourrait fonctionner pour les autres.
Il y a environ quatre ans, maintenant, j'ai pu avoir l'aide du ministre des Affaires autochtones de la Saskatchewan. Il est venu à Westbank et a passé avec nous une bonne partie de la journée, et il a posé la même question. De fait, la Saskatchewan cherchait à savoir comment cela pourrait fonctionner pour les groupes à proximité de ses zones urbaines. Autrement dit, il y a une province qui s'intéresse à la question de savoir si cela fonctionnerait pour elle.
C'est un bon tremplin; c'est une façon d'y arriver un peu plus rapidement. Mais, comme je l'ai déjà dit, il ne faut pas nécessairement que ce soit exactement la même chose que chez nous. On peut adapter le modèle, mais c'est un bon modèle de gouvernement.
Le sénateur Dyck : En ce qui concerne le droit de vote selon la Loi sur les Indiens, on a défini qui est et qui n'est pas un Indien. Dans votre cas, pouvez-vous décider qui a le droit de vote, ou est-ce que cela relève toujours de la Loi sur les Indiens?
M. Derrickson : Non, une personne qui a 19 ans, peu importe qu'elle vive ou non dans la réserve, a le droit de vote. Elle n'a pas besoin d'aller dans un bureau de vote, car elle peut voter par correspondance.
Le sénateur Dyck : Mais est-ce que les voteurs doivent être inscrits?
M. Derrickson : Oui, oui.
Le sénateur Dyck : Il faut encore être inscrit?
M. Derrickson : Cela fait partie des règles du gouvernement du Canada.
Le sénateur Raine : Les gens qui vivent sur vos terres, les locataires, ont-ils d'une manière ou d'une autre voix au chapitre? Comment sont-ils touchés?
M. Derrickson : C'est une très bonne question. La première loi que nous avons dû adopter, lorsque nous sommes devenus autonomes, le 1er avril 2005, concernait le conseil consultatif. Quatre résidents non-autochtones peuvent être élus au conseil consultatif qui tient avec le chef et le conseil des réunions pour discuter des dossiers qui les touchent ou qui pourraient les toucher lorsque nous avons des lois à élaborer. Le conseil consultatif participe beaucoup à notre processus d'élaboration des lois et s'intéresse à leurs répercussions sur l'ensemble de la collectivité. Autrement dit, ce sont des résidents non-autochtones de notre collectivité qui sont élus, participent à nos réunions et exposent leurs points de vue.
Le sénateur Raine : Deux personnes, vous dites?
M. Derrickson : Quatre personnes.
Le sénateur Raine : Quatre membres?
M. Derrickson : Oui.
Le sénateur Raine : Combien y a-t-il au total de membres dans votre conseil?
M. Derrickson : Cinq : un chef et quatre conseillers.
Le sénateur Raine : Le comité consultatif ne fait pas partie du conseil?
M. Derrickson : Non. C'est un organisme distinct. Mais la loi de Westbank exige qu'il y ait un conseil consultatif.
Le sénateur Raine : C'est une bonne idée.
M. Derrickson : Comme vous le dites, c'est une façon de protéger les intérêts des résidents non-autochtones.
Le sénateur Raine : Oui.
Le président : Merci, madame le sénateur Raine.
Même si, malheureusement, certains d'entre nous n'y étions pas, nous avons participé à ce processus, et c'était vraiment intéressant d'observer le professionnalisme avec lequel la Première nation de Westbank s'est occupée de ce dossier. Le sénateur Ross Fitzpatrick, moi-même et d'autres personnes avons eu le privilège de travailler sur ce dossier. Il suffit d'examiner l'accord pour voir qu'elle a bien répondu aux questions que vous venez de poser. C'est un point qui a été soulevé devant le comité, je crois. Westbank a montré qu'elle avait un très bon sens des affaires et qu'elle voulait que sa clientèle, les locataires, soit le plus heureuse possible.
S'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais vous remercier, monsieur le conseiller Derrickson, d'avoir comparu devant nous pour nous faire profiter de votre expérience, pour ce qui concerne tant la période qui précède l'accord d'autodétermination que la situation d'aujourd'hui. Nous vous souhaitons bonne chance dans tous vos projets futurs. Veuillez saluer de ma part le chef Robert Louie et les autres membres du conseil.
M. Derrickson : Je le ferai.
Le président : Je crois pouvoir dire que c'est au nom de tous les sénateurs que je vous demande de saluer le chef et les autres membres du conseil.
M. Derrickson : Comme je l'ai déjà dit, c'était un honneur pour moi de parler de cette question. Je vous remercie.
Le président : C'était un honneur de vous recevoir.
Chers collègues, j'aimerais proposer de nommer le sénateur Campbell président suppléant pour la réunion de vendredi.
Le sénateur Dyck : Très bien.
Le président : C'est donc proposé. Tous ceux qui sont pour?
Des voix : D'accord.
Le président : Qui est contre?
La motion est adoptée.
Nous allons maintenant passer à la séance micro libre et accueillir notre premier témoin.
Joanne Teegee, directrice, Première nation Saik'uz, à titre personnel : Monsieur le président, je désire seulement aborder brièvement la question de la responsabilité et de la transparence des Premières nations. Cela concerne le moment où l'organisme Carrier-Sekani Family Services a pris en main la prestation des services de santé pour notre bande. Voici ce qui est arrivé. Ma sœur a travaillé pendant 25 ans comme éducatrice, à l'époque où les services à l'enfance étaient administrés par la bande. Après le transfert, le conseil tribal Carrier-Sekani lui a accordé une pension pour cinq ans seulement. Elle a perdu 20 ans de service. Je ne crois pas que justice a été rendue dans son cas. Je voulais simplement en parler parce que je sais que cela se produit tout le temps. Je ne sais pas pourquoi elle n'a pas poursuivi l'organisme de services à la famille. Je crois qu'elle ne voulait pas créer de divisions. Je voulais seulement que vous sachiez que ces choses se passent.
Le président : Il s'agit du conseil tribal?
Mme Teegee : Non, je parle de l'organisme Carrier-Sekani Family Services.
Le président : Et qui administre les services, est-ce que ce sont les bandes Carrier-Sekani?
Mme Teegee : Oui. Les Premières nations sont des membres, tout comme le conseil tribal Carrier-Sekani.
Le président : Oui.
Mme Teegee : Vous connaissez les membres?
Le président : Oui.
Mme Teegee : Oui. Ils s'occupent de tous ceux avec qui ils ont conclu un protocole d'entente, un accord.
Le président : Il y avait à l'époque des services à la famille pour lesquels votre sœur a travaillé pendant 25 ans?
Mme Teegee : Oui, elle a travaillé pour la bande pendant 25 ans, mais, lorsque les services ont été confiés à cet organisme, elle a perdu 20 ans de service. Je tenais seulement à ce que vous sachiez ce qui se passe à l'échelon des gouvernements des Premières nations.
Le président : Avez-vous des suggestions sur la façon d'empêcher cela? Est-ce que vous seriez pour la création d'un poste d'ombudsman, de façon qu'une personne traitée de cette manière n'ait pas nécessairement à recourir aux tribunaux? Il y a un ombudsman en Colombie-Britannique, et, si le gouvernement ne règle pas un dossier de manière équitable, une personne peut, plutôt que de s'adresser aux tribunaux, demander à l'ombudsman de rendre une décision. J'aimerais savoir si vous avez des suggestions sur les mécanismes qu'il faudrait mettre en place afin de prévenir ce type de situation.
Mme Teegee : Je crois qu'un ombudsman serait une bonne idée, mais savez-vous combien il y a de nations au Canada? Il faudrait que ce soit une entité assez importante pour être en mesure de s'occuper de toutes les Premières nations. Je crois que ce serait une bonne idée, mais combien de temps faudrait-il à un ombudsman pour étudier chaque cas, chaque situation et chaque plainte? Je crois qu'il s'agirait effectivement de plaintes.
Le sénateur Raine : Si j'ai bien compris, donc, il n'est pas facile pour les personnes qui estiment avoir été victimes d'injustice de demander réparation, à l'heure actuelle?
Mme Teegee : C'est cela.
Le président : Il est évident que le problème que vous mentionnez préoccupe également d'autres Premières nations qui s'adressent à nous. La solution, comme l'a déclaré le conseiller Derrickson, c'est le gouvernement autonome. Une fois que vous avez un gouvernement autonome, vous avez une constitution et le pouvoir de gouverner. Donc, en cas d'irrégularités, les recours appropriés se trouvent dans les instruments législatifs.
Quoi qu'il en soit, cela figure maintenant dans le compte rendu. C'est tout un sujet en soi, mais il faut que cela se sache. Nous vous remercions de nous avoir donné cette information.
Mme Teegee : Merci de m'avoir écoutée.
Le sénateur Raine : Je crois que votre bande tient ses élections selon le code électoral coutumier?
Mme Teegee : Nous n'avons pas signé de traité; s'agit-il donc toujours du régime prévu par la Loi sur les Indiens?
Tonina Simeone, analyste, Service d'information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement : Peu importe que la Première nation ait ou non signé un traité. En réalité, la Loi sur les Indiens leur permet de tenir des élections en vertu de la Loi ou selon le régime coutumier.
Mme Teegee : Ils n'ont pas encore décidé s'ils allaient élaborer un code électoral coutumier. La question n'est pas encore réglée. À leur avis, une population de 12 000 personnes, ce n'est pas suffisant.
Le sénateur Raine : S'ils envisagent un code électoral coutumier, vont-ils y intégrer la possibilité pour la population de destituer un conseiller ou un chef qui n'exerce pas son leadership de la façon appropriée?
Mme Teegee : J'espérais bien qu'ils le fassent, mais j'ai manqué la première réunion, qui n'avait pas été suffisamment annoncée, et il y a été question du code électoral coutumier; ils n'ont pas suffisamment consulté les membres de la collectivité.
Le sénateur Raine : À l'heure actuelle, est-ce que votre bande est gérée par un tiers administrateur?
Mme Teegee : Oui, c'est cela.
Le président : Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait s'avancer au microphone?
Bonjour. Pourriez-vous nous dire votre nom?
Virginia George, Aînée, Première nation Saik'uz, à titre individuel : Je suis une Aînée de la Première nation Saik'uz. Joanne est ma fille, et j'étais d'accord pour qu'elle vienne parler des modifications de la Loi sur les Indiens.
Ce qui me préoccupe, quand il est question de la Loi sur les Indiens, c'est que les membres des Premières nations ont besoin d'une communication plus fréquente et s'attendent à ce que le chef et le conseil agissent de façon responsable, transparente et honnête. Ils doivent être de bons dirigeants s'ils veulent nous diriger, et surtout diriger la prochaine génération, les jeunes. C'est à eux que je pense, à mes petits-enfants et à mes arrière-petits-enfants. Pour commencer, nous, les dirigeants, devons donner l'exemple; ensuite, les enfants suivront.
Nous devons aussi communiquer avec nos frères blancs, nous asseoir à la même table qu'eux et discuter des problèmes pacifiquement. C'est comme ça que ça fonctionne dans ma famille. Il y a d'abord le Seigneur — c'est ce que je crois : il y a le Seigneur et ensuite la famille, le mari et la femme, et ensuite la collectivité. C'est notre vision des choses, selon notre culture autochtone, notre façon de faire. Il est tellement important d'assurer l'unité au sein de la famille, d'avoir des relations harmonieuses les uns avec les autres, de s'écouter et de se préoccuper des autres.
Notre peuple a appris à se méfier des blancs, et aussi du gouvernement, qui ont fait plein de promesses sans jamais les tenir. C'est pourquoi il n'y a personne ici. Vous devez restaurer cette confiance réciproque. Le gouvernement nous a donné toutes sortes de lois à respecter, mais nous, les Premières nations, les Autochtones, nous avons des lois, nous avons nos propres lois. Il y a en premier lieu le Créateur, Dieu, puis la famille, puis la collectivité. Il faut aussi communiquer les uns avec les autres, prendre soin de la terre et la respecter.
Aujourd'hui, vous savez que les pins sont infestés par le dendroctone du pin. Ça me préoccupe vraiment. J'ai entendu dire que les forestiers, qui abattent les arbres, en gaspillent beaucoup trop. Ils n'ont aucune gratitude pour ce qu'ils ont. Ils devraient être reconnaissants de tous les arbres qu'il reste encore. Selon moi, il faut être reconnaissant envers le Seigneur, c'est bien ce que je fais, je le remercie chaque jour; nous devons nous aimer les uns les autres et prendre soin les uns des autres.
J'ai été dans un pensionnat. J'ai vécu cela, mais je m'en suis sortie. Je ne veux pas regarder en arrière. Quand je regarde en arrière, ça me déprime; je dois donc vivre un jour à la fois parce que j'ignore ce que demain me réserve. Je voulais tout simplement vous expliquer que les Autochtones, mon peuple, doivent d'abord avoir confiance en Dieu pour ensuite être capables de se fier aux autres. C'est ainsi que je vis. C'est seulement un exemple de ce que je fais, mais chacun a sa propre idée de ce qu'il veut faire. Regardez le monde, voyez ce qui se passe. Il y a des guerres et des tremblements de terre, et il se passe toutes sortes de choses dans le monde. Je suis venue vous dire que le Seigneur arrivera bientôt et que vous devez vous préparer à Le recevoir. Lui seul peut prendre le monde en main. C'est un Dieu immense et magnifique, et vous devriez préparer votre cœur à L'accueillir et vous tourner vers Lui pour tout. Il vous donnera la sagesse, la compréhension et le savoir, si vous le Lui demandez. Il le fera. Comment diriger un gouvernement. Tout cela, c'est dans la Parole de Dieu. Je me préoccupe de chacun d'entre vous; c'est pourquoi je suis venue vous dire cela, et c'est tout ce que j'avais à vous dire. Merci de m'avoir écoutée.
Le président : Merci de nous avoir fait part de vos sentiments et de vos expériences d'Aînée. Je puis vous assurer que vous ne prêchez pas dans le désert, car de nombreux membres de longue date du comité — comme le sénateur Campbell, le sénateur Dyck, le sénateur Raine et moi-même — savent à quel point cette question est complexe, mais aussi combien il est important que nous, en tant que législateurs, fassions ce qu'il convient de faire.
Le sénateur Dyck : Merci beaucoup, madame George, d'avoir témoigné à titre d'Aînée. Je me demande si, à votre avis, la façon dont votre Première nation est gouvernée a évolué au fil du temps, depuis votre naissance? Pensez-vous que les choses s'améliorent?
Mme George : Eh bien, ça commence à l'intérieur de nous, puis au sein de la famille, et ensuite, on commence à voir un changement. Avant, je buvais et je prenais de la drogue, et c'était à cause de la façon dont j'ai été élevée, dans le pensionnat. Mais c'est seulement une excuse. Je devais aller de l'avant. Cela commence avec les parents, ça continue avec la famille et ensuite avec le chef et le conseil. Ils doivent s'occuper des affaires de la bande en toute honnêteté et intégrité, ils doivent être responsables et donner l'exemple à notre peuple. C'est comme ça que le changement se produit.
Il y a très longtemps, nous n'avions pas besoin d'argent pour vivre; nous vivions de la terre. Nous vivions grâce aux orignaux et aux poissons, nous n'avions jamais d'argent, nous étions heureux et nous étions en santé. Il n'y avait pas d'alcool ni rien d'autre, pas de jeux d'argent, rien du tout. Nous allions d'un endroit à l'autre en suivant les poissons et nous remerciions notre Seigneur pour tout. Mais les choses changent. Il y a eu tellement de changements depuis que nous connaissons l'alcool et la drogue, et nous devons aider nos jeunes.
Il existe des programmes, certains sont utiles, d'autres ne le sont pas. Un de mes frères a suivi un traitement, il est sorti après une semaine et ça ne l'a pas aidé du tout. Vous devriez étudier les programmes qui sont proposés pour savoir lesquels fonctionnent pour ces personnes, quel pourcentage des patients cessent de boire de l'alcool et restent abstinents; vous saurez ainsi ce qui fonctionne vraiment.
Ce qui fonctionne, pour moi, c'est le Seigneur. Il a changé ma vie. J'étais alcoolique, j'étais toxicomane et je ne me suis jamais occupée de mes enfants. C'est ma fille qui les a élevés parce que je devais travailler; j'avais trois emplois, mais en plus, je buvais. Une fois que j'ai accueilli le Seigneur dans mon cœur, et que je Lui ai demandé de pardonner mes péchés, ma vie a commencé à changer. Il a commencé à me changer. Ça ne s'est pas fait d'un seul coup. Sur le plan spirituel, ça s'est fait rapidement, mais en ce qui concerne mes habitudes, par exemple la boisson, ça a pris du temps. Je devais dire non, vous comprenez.
Un jour, à Noël, j'avais devant moi une bouteille de vin. Je la regardais, elle me semblait si attrayante et tentante. Je me suis demandé ce que je devais faire. Est-ce que je la boirais, ou est-ce que je la jetterais? Je devais faire un choix. J'ai pris la bouteille de vin. Si vous saviez, j'avais l'eau à la bouche, je voulais boire! Elle était là, je l'ai prise et j'ai dû faire un choix, la jeter ou la boire, et je l'ai jetée et je n'ai plus jamais touché à l'alcool. Le Seigneur m'a aidée, Lui aussi, et c'est la seule personne qui nous aidera.
Ça ira de plus en plus mal dans le monde. Vous voyez ce qui se passe. Ça va de mal en pis, mais Dieu est le seul qui nous aidera. Nous devons L'implorer de nous aider. Si je ne vous aimais pas, je ne vous le dirais pas. J'aime chacun d'entre vous, et c'est pourquoi je vous dis la vérité. Je sais que vous êtes les travailleurs du gouvernement, mais vous parlez de choses qui intéressent le gouvernement et la seule chose que je veux, c'est que notre chef et les membres du conseil soient transparents et honnêtes et que, lorsqu'ils obtiennent de l'argent, ils le dépensent de façon avisée, je veux qu'ils aient la sagesse et le savoir et qu'ils montrent l'exemple à notre peuple. J'ai fini.
Le sénateur Raine : Merci beaucoup, madame George, de votre témoignage en tant qu'Aînée. Vous parlez très sagement, et toutes les collectivités qui souffrent aujourd'hui devraient entendre votre message. C'est un message d'espoir qui parle d'une puissance supérieure, et les gens doivent le savoir.
Mme George : Oui.
Le sénateur Raine : Je vous souhaite tout le bonheur possible et j'espère que vous inspirerez beaucoup de gens.
Mme George : Oui. Merci de m'avoir écoutée.
Le président : Je vous remercie, madame George, d'avoir parlé à titre d'Aînée, et j'espère que Dieu vous protégera dans tous vos déplacements.
Mme George : Et vous aussi. Merci.
Le président : Mesdames et messieurs, membres du Sénat, membres du personnel et participants à la séance d'aujourd'hui, je crois que nous devrions remercier les Premières nations qui ont accepté que cette réunion se tienne sur leurs terres. De la part des membres du comité, je tiens à remercier tous les participants et tous les membres de notre personnel. Vous avez encore une fois fait de l'excellent travail, comme toujours, pour nous aider.
(La séance est levée.)