Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 16 - Témoignages - séance du matin
WILLIAMS LAKE, Colombie-Britannique,
le mercredi 30 septembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 50 pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bon matin. Au nom du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, je tiens à souhaiter à tous la bienvenue ici, à Williams Lake. Le but de notre réunion d'aujourd'hui est de poursuivre l'étude de la réforme des dispositions électorales de la Loi sur les Indiens. Jusqu'à maintenant, nous avons entendu des témoins à Ottawa et au Manitoba. Pour nous, ce voyage dans l'Ouest représente un volet très important de notre étude parce que de nombreuses Premières nations de la Colombie-Britannique sont touchées par les dispositions électorales de la Loi sur les Indiens.
Avant de commencer l'audience de ce matin, j'aimerais présenter quelques informations de fond sur les raisons qui motivent le comité à aborder ce dossier bien précis. La décision du comité d'étudier la question des élections de la Loi sur les Indiens est en partie fondée sur les préoccupations soulevées par les Premières nations concernant le fait que la tenue d'élections à tous les deux ans rend difficile pour les chefs des Premières nations d'établir une orientation stratégique à long terme, et de planifier et mettre en œuvre des processus durables avant de retourner en élections. La fréquence des élections peut également créer un sentiment d'incertitude pour les membres de la communauté.
Le 1er avril 2009, le comité s'est penché sur ces préoccupations et a accepté d'examiner les questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens. Le comité souhaite connaître le point de vue des Premières nations concernées sur trois aspects en particulier : premièrement, le prolongement du mandat des chefs et du conseil, qui est actuellement établi à deux ans selon la Loi sur les Indiens; deuxièmement, la tenue d'élections à dates fixes; et, troisièmement, les mécanismes de destitution possible dans l'éventualité où les mandats seraient prolongés.
Le comité a amorcé les audiences publiques en avril 2009 et s'est rendu à Winnipeg et à Dauphin au Manitoba. La seconde portion du voyage se déroule ici, en Colombie-Britannique, soit à Kelowna, Williams Lake et Vancouver. À la mi-octobre, nous prévoyons nous rendre à Fredericton et à Miramichi au Nouveau-Brunswick.
Les Premières nations qui tiennent actuellement des élections selon la Loi sur les Indiens ou celles qui se sont récemment converties au régime électoral coutumier composent la majorité des témoins que nous avons entendus à ce jour. Le comité a également prévu une certaine période de temps pour des séances à micro ouvert où les membres de la communauté en général peuvent exprimer leurs préoccupations et présenter leurs idées ou leurs suggestions.
Les membres du comité prévoient déposer un rapport final d'ici la fin de 2009.
Le premier témoin que nous entendrons est Theresa Hood, l'administratrice de bande intérimaire de la Première nation Nuxalk.
Theresa Hood, administratrice de bande par intérim, Première nation Nuxalk : Bon matin à vous, monsieur le président, sénateurs et participants. Merci d'avoir invité notre nation à assister à cette réunion qui porte sur des questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens. En tant que porte-parole de la nation, c'est un privilège de se retrouver sur le territoire traditionnel de la nation Shuswap.
Je suis de la nation Nuxalk de Bella Coola en Colombie-Britannique au Canada. Enfant, j'ai vécu sur d'autres réserves de l'Île de Vancouver, mais je suis revenue dans ma communauté à l'âge de 14 ans où j'ai passé toute ma vie adulte. Depuis les 11 dernières années, je travaille pour notre nation. Depuis un an et demi, je suis l'administratrice de bande intérimaire de notre nation. Depuis que j'occupe ces fonctions, j'ai appris beaucoup de choses et je continue à apprendre.
Les politiques relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens ont été rédigées par des personnes non indiennes au profit de peuples non indiens qui n'ont pas de compte à rendre aux peuples des Premières nations et qui n'ont jamais comblé les besoins de nos Premières nations. La Loi sur les Indiens est très désuète.
Notre communauté croit que tenir des élections aux deux ans est trop rapide pour notre conseil. Nos membres considèrent qu'ils ont à peine le temps d'apprendre à connaître notre organisation au moment où leur mandat prend fin. Cette situation est compliquée par le grand roulement au sein de notre conseil. On retourne en arrière à chaque élection. Nous perdons également des membres importants de notre conseil à chaque élection, des conseillers responsables de portefeuilles clés.
Autres points négatifs : les conseils dysfonctionnels entraînent des pertes d'occasions d'affaires. D'importantes divergences d'opinion ainsi que l'incapacité de travailler ensemble ou de tout simplement se présenter aux réunions se traduisent par des délais dans l'atteinte de buts à long terme pour la communauté. Le principal aspect négatif est la rupture des communications dans tous les domaines.
Parmi les autres problèmes, il arrive que les nouveaux chefs élus ne sont pas toujours d'accord avec le chef choisi par la communauté et qu'ils démissionnent le jour suivant l'élection. C'est injuste pour notre peuple. C'est également injuste pour les autres conseillers qui ont été élus et doivent démissionner. Les conseillers démissionnent en raison de conflits d'intérêts. Lorsque des conseillers ne se présentent pas aux réunions, celles-ci doivent être annulées parce qu'il n'y a pas quorum pour prendre des décisions. Par conséquent, tout reste sur la glace et notre communauté en souffre. On en arrive à un statu quo et nous ne pouvons aller de l'avant.
Un autre problème lié aux élections est que nous devons verser 12 000 $ à l'agent d'élection qui se présentera le jour du vote. Nous devons également payer les salaires des officiers responsables adjoints ou des autres personnes embauchées pour examiner soigneusement le dépouillement du scrutin. Le coût total est de 14 000 $.
Nous devons envoyer par la poste les bulletins de vote aux membres de la nation Nuxalk avant l'élection. Bon nombre de nos membres ne reçoivent pas leurs bulletins de vote, et plusieurs ne soumettent pas leur adresse postale à temps au bureau. Nous n'avons pas les adresses de toutes les personnes qui vivent hors réserve parce qu'elles n'ont pas une bonne connaissance du processus électoral actuel. Les différentes pratiques et règles sont mal connues. Ces personnes ont l'impression que les conseils de bande élaborent les règles à leur guise.
Par conséquent, nous recevons un nombre incalculable d'appels téléphoniques de membres qui habitent hors réserve qui souhaitent que leurs bulletins de vote leur soient postés de nouveau, ce qui ajoute des dépenses additionnelles aux coûts déjà encourus par la bande. En 2003, AINC a cessé de financer les élections, ce qui a occasionné une énorme dépense inutile pour la bande. Même si nous avions toutes les adresses des membres qui habitent hors réserve, cela ne signifie pas que tout le monde voterait. À la dernière élection, 225 bulletins de vote ont été postés, mais seulement 80 ont été retournés.
Le gouvernement du Canada doit nous entendre et savoir que tous les Autochtones ont le droit de voter aux élections de leur réserve d'une manière qui permettra de répondre aux besoins de leur peuple. Nous avons besoin d'élections coutumières.
Pour terminer, je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter exprimer les problèmes relatifs aux élections selon la Loi sur les Indiens au nom du peuple Nuxalk.
Le président : Merci, Theresa.
Est-ce que ces 12 000 $ représentent un coût justifié? Y a-t-il tant de travaux préparatoires à faire?
Mme Hood : Lorsque nous avons commencé à payer pour les élections, nous avons dû débourser 10 000 $. C'est le coût d'un agent d'élection.
Le président : Combien de temps lui faut-il pour tout préparer?
Mme Hood : Il faut de six à huit mois pour tout préparer.
Le président : Il doit travailler tant que ça? Quelle quantité de travail doit être faite?
Mme Hood : Ce ne sont que les frais pour payer l'agent d'élection afin qu'il vienne sur notre réserve le jour du vote.
Le président : Il n'est présent qu'une journée et il reçoit 12 000 $?
Mme Hood : Oui, et les travaux préparatoires sont faits par nos officiers responsables.
Le président : Sont-ils rémunérés?
Mme Hood : Non, ils ne le sont pas parce qu'ils sont des employés et qu'ils doivent faire ce travail en plus des fonctions habituelles associées à leur poste.
Le président : Combien de membres compte votre bande?
Mme Hood : Mille cinq cent soixante au total.
Le président : Combien habitent sur la réserve?
Mme Hood : Sept cent cinquante.
Le sénateur Campbell : Selon vous, quelle devrait être la durée du mandat si deux ans vous semble insuffisant?
Mme Hood : Je crois que le mandat devrait être de quatre ou cinq ans.
Le sénateur Campbell : Selon vous, quelle forme prendrait une élection coutumière pour votre nation?
Mme Hood : Une élection coutumière signifierait que nous votons d'une manière représentative en fonction de chaque famille de notre nation. Ainsi, chaque famille aurait son mot à dire.
Le sénateur Campbell : De combien de familles parle-t-on?
Mme Hood : Je crois que notre nation regroupe 10 grandes familles, malgré qu'on y trouve quelque 30 noms de famille différents.
Le sénateur Campbell : Croyez-vous qu'un régime électoral coutumier réglerait en partie ce dysfonctionnement?
Certaines choses me dérangent. Le conseil est élu au suffrage universel tout comme le chef, mais si le conseil n'aime pas le chef, est-ce que toutes ces personnes démissionnent?
Mme Hood : Elles démissionnent et ne viennent pas aux réunions. Notre conseil est au pouvoir depuis mars et nous avons eu deux réunions.
Le sénateur Campbell : Pensez-vous qu'un régime électoral coutumier auquel participeraient les dix familles et en vertu duquel chacune d'entre elles aurait la possibilité d'élire un conseiller permettrait de régler le problème qui se pose du point de vue des conseillers? Cela permettrait-il au chef d'être reconnu et favoriserait-il la participation des conseillers aux réunions?
Mme Hood : Je pense qu'un tel système règlerait certains problèmes, mais pas tous.
Le sénateur Campbell : Je ne comprends pas. Par exemple, si j'étais chef en ce moment et qu'une réunion par mois était prévue au calendrier, personne ne se présenterait à la réunion et nous n'aurions pas le quorum?
Mme Hood : Exactement. Notre quorum est établi à sept personnes, donc à la table, il doit y avoir sept conseillers en plus du chef.
Le sénateur Campbell : Combien de conseillers avez-vous?
Mme Hood : Nous avons 12 conseillers et un chef. Je vais vous raconter ce qui s'est passé avec notre conseil précédent. Les conseillers étaient si puissants qu'ils ont réussi à faire le ménage dans notre organisation en deux ans, si bien que les choses prenaient une tournure positive plutôt que négative. Ils ont fait le ménage à bien des égards, notamment du point de vue de l'éducation. Toutes ces choses sont encore sur notre table, sur la table du conseil.
Le sénateur Campbell : Qu'est-il arrivé à ce conseil?
Mme Hood : Il y a eu des élections. Nous avons des élections aux deux ans.
Le sénateur Campbell : Mais les gens peuvent se présenter de nouveau?
Mme Hood : Oui, les gens peuvent se présenter de nouveau, mais le calendrier était différent cette année. La réunion où se font les mises en candidature a eu lieu un samedi. Personne n'ira là le samedi. Les personnes qui formaient le conseil précédent n'ont pas été mises en candidature, donc nous avons dû accepter les personnes nouvellement proposées. Seuls 18 noms apparaissaient sur notre bulletin de vote.
Le sénateur Campbell : Pardonnez-moi, j'essaie de comprendre. Je ne suis pas contre l'idée du régime électoral coutumier. Cette question relève de votre droit en tant que nation et vous devriez pouvoir choisir le système qui vous convient. Je tiens seulement à m'assurer que les choses iront mieux pour vous si vous optez pour ce régime, que les gens se présenteront aux réunions et que vous aurez votre quorum.
Combien de réunions un conseiller doit-il manquer avant d'être destitué?
Mme Hood : Selon la politique, trois, mais jamais personne n'adhère à cette politique.
Le sénateur Campbell : Je comprends le problème qui se pose par rapport au vote par correspondance, mais je n'arrive pas à comprendre comment un régime électoral coutumier y changerait quoi que ce soit. Il me semble plutôt que le problème du vote par correspondance est attribuable à un manque d'éducation, peut-être. Par « manque d'éducation », je veux simplement dire que cette démarche est assortie de certains coûts et responsabilités et que les gens ne le savent peut-être pas. Les gens doivent comprendre les règles, comprendre la situation et connaître les implications. En quoi des élections coutumières changeraient-elles le processus actuel de vote par correspondance?
Mme Hood : D'aucune manière. Les choses seraient différentes uniquement pour les gens dans la réserve. Le vote par correspondance demeure un concept nouveau pour toutes les nations. Ce processus a été instauré il y a trois ans à peine. Cette année, nous ne voterons ainsi que pour la troisième fois.
Le sénateur Campbell : D'accord, ce qui veut dire que si j'appartiens à votre nation mais que j'habite hors de la réserve, je n'aurai pas le droit de vote?
Mme Hood : Vous pourrez voter.
Le sénateur Campbell : Mais j'aurai à me rendre dans la réserve.
Mme Hood : Je ne sais pas exactement comment se déroulerait le scrutin, car nous n'avons jamais tenu pareille élection. Je n'ose pas me prononcer, car rien de cela n'a encore été déterminé.
Le sénateur Campbell : Mais personne ne serait privé de son droit de vote?
Mme Hood : Non. Nous estimons que chaque membre de notre nation doit pouvoir voter et faire entendre sa voix.
Le sénateur Campbell : Excellent.
Le président : Essentiellement, vous voudriez vous en remettre au code coutumier et à un système d'hérédité?
Mme Hood : Oui.
Le président : Les familles éliraient leur chef héréditaire.
Mme Hood : Oui.
Le président : Ainsi, chaque famille aurait son conseiller.
Le sénateur Dyck : Vous avez réussi à brosser un tableau très éloquent de certains des problèmes qui minent votre processus électoral, notamment les aspects financiers et les autres troubles qui surviennent lorsque les membres du conseil, le chef et d'autres ne s'entendent pas.
Si je comprends bien, vous voudriez un processus qui combine code coutumier et régime coutumier. Il y aurait encore des coûts.
Mme Hood : Ce ne sont pas les coûts qui nous inquiètent. Nous cherchons à élire des gens à plus long terme, parce que deux ans, ce n'est pas assez pour nos conseillers. S'ils sont élus pour la première fois, ils mettent un an juste à se familiariser avec la tâche. La deuxième année, les choses reprennent leur cours, après quoi nous avons déjà une autre élection. Habituellement, la composition du conseil est appelée à changer radicalement. Seuls trois membres du conseil précédent ont été élus au présent conseil; tous les autres exercent ces fonctions pour la première fois.
Le sénateur Dyck : Est-ce que je me trompe ou cet important roulement s'explique par le processus de mise en candidature?
Mme Hood : Oui.
Le sénateur Dyck : Est-ce qu'il y aurait moyen d'améliorer le processus de mise en candidature, en optant par exemple pour un régime qui vous permettrait de tenir vos réunions en dépit d'un nombre insuffisant de conseillers aux réunions, mais d'un nombre suffisant d'autres participants?
Mme Hood : C'est ce que je présumais, mais à tort. Dans notre nation, les fins de semaine ne sont pas propices à la tenue de pareilles réunions parce que tous ceux qui travaillent veulent passer du temps auprès de leurs familles. Cette année, l'élection s'est déroulée pendant la fin de semaine. Les mises en candidature ont été faites un samedi et le scrutin s'est tenu également un samedi.
Le sénateur Dyck : Comment la date des élections avait-elle était fixée?
Mme Hood : L'élection doit se tenir 45 jours avant l'échéance du mandat, ce qui signifie pour nous le 7 mars.
Le sénateur Dyck : Quelqu'un a proposé de tenir des élections à dates fixes pour toutes les Premières nations. Pensez- vous que ce serait une bonne idée? Ainsi, d'une année à l'autre, c'est pareil pour tous.
Mme Hood : Je crois que ce serait idéal. Tous connaîtraient d'avance la date des élections.
Le sénateur Dyck : Vous avez dit qu'AINC avait cessé de financer les élections. Savez-vous pourquoi le ministère a mis fin au financement et pourquoi chaque Première nation doit maintenant assumer le coût des élections?
Mme Hood : Je ne suis pas certaine. Je n'exerçais pas les fonctions que j'exerce aujourd'hui, mais je pourrais chercher la réponse pour vous.
Le sénateur Raine : Theresa, vous n'êtes pas la première personne à nous parler de ces problèmes et c'est pourquoi ce comité du Sénat étudie maintenant la question. Si vous n'avez pas de système utile qui permette d'élire de conseillers utiles, vous reculez plutôt que d'avancer, comme vous l'avez dit.
J'ai été encouragé de vous entendre dire que le conseil précédent avait réussi à faire beaucoup de bien en si peu de temps. Tous ces changements doivent finir par vous démoraliser.
Mme Hood : Tout cela est très décourageant, oui. Le conseil actuel tente d'assurer une microgestion des employés. Le conseil précédent nous laissait faire notre travail, étant donné que nous connaissons par cœur nos responsabilités. Comme je le disais, les nouveaux conseillers — qui composent la majorité du conseil — ne comprennent pas notre travail et nous empêchent en quelque sorte de le faire comme il faut.
Le sénateur Raine : Avez-vous parlé à d'autres bandes qui ont adopté un régime électoral coutumier?
Mme Hood : Oui.
Le sénateur Raine : Y a-t-il des bandes qui emploient un code que vous pourriez envisager comme modèle?
Mme Hood : Non, il n'y en a aucun que nous utiliserions comme modèle, car les bandes qui appliquent ces codes rencontrent les mêmes problèmes que notre nation.
Le sénateur Raine : Au sein de votre nation, les familles sont clairement distinctes, et chaque personne sait à quelle famille elle appartient.
Mme Hood : Oui.
Le sénateur Raine : Donc, pour assurer un suivi en ce qui concerne l'appartenance, vous pourriez ajouter une note indiquant de quelle famille chacun fait partie.
Mme Hood : En effet.
Le sénateur Raine : Faudrait-il, dans ce cas, que l'élection des représentants des différentes familles ait lieu la même journée, ou cela serait-il à la discrétion de chaque famille?
Mme Hood : Je crois que toutes les élections devraient avoir lieu le même jour pour que tout le monde ait le même échéancier. Autrement, les gens vont oublier.
Le sénateur Raine : Y aurait-il toujours une élection pour le conseil et un vote pour le membre de la famille?
Mme Hood : En fait, non. De la manière dont j'envisage l'application du régime électoral coutumier, chaque famille élirait deux personnes, dont le nom serait inscrit sur le bulletin de vote. Lorsque les gens de notre nation voteraient, ils choisiraient le membre de la famille qui les représenterait dans la communauté et au sein du conseil.
Le sénateur Raine : Il y aurait alors, d'une certaine manière, deux jours d'élection. Au lieu d'un jour consacré aux mises en candidature, il y aurait un jour de préélection.
Mme Hood : Non. Sur le bulletin de vote, il y aurait le nom de deux personnes choisies pour représenter chacune des familles, car il y a 10 familles dans notre nation. On choisirait deux membres de la famille Hood, par exemple, et leurs noms seraient inscrits sur les bulletins de vote, puis les membres de la communauté voteraient pour celui qu'ils souhaiteraient voir siéger au conseil.
Le sénateur Raine : Les familles proposeraient deux candidats. Il y aurait ensuite une date butoir, et ce serait aux familles de déterminer quelle manière procéder.
Mme Hood : C'est exact.
Le sénateur Raine : Il ne s'agirait pas forcément d'un scrutin secret.
Mme Hood : Non, en effet. De la manière dont nous envisageons les choses, les familles se réuniraient à l'occasion d'un souper pendant lequel elles choisiraient deux membres souhaitant siéger au conseil, et le nom de ces deux personnes figurerait sur les bulletins de vote à l'élection. Ensuite, les membres de la communauté voteraient pour le membre de cette famille qui, selon eux, devrait faire partie du conseil.
Le sénateur Raine : Encore une fois, pour que ce soit bien clair, dans le cas de la famille Hood, par exemple, seuls les membres de cette famille pourraient voter pour les personnes mises en candidature?
Mme Hood : Non, ce serait toute la communauté.
Le sénateur Raine : Toute la communauté. C'est très intéressant. Ainsi, l'ensemble de la communauté choisirait, pour chaque famille, la personne la plus apte à veiller aux intérêts de la communauté.
Mme Hood : En effet.
Le sénateur Raine : C'est une idée très intéressante et je crois qu'elle a un très grand potentiel.
Mme Hood : Nous avons réfléchi longtemps sur la question.
Le sénateur Raine : Savez-vous quelles étapes vous devriez franchir pour passer du point où vous êtes actuellement à un code coutumier?
Mme Hood : On nous a dit qu'il fallait envoyer une RCB pour demander de passer à un régime électoral coutumier. Je sais qu'il faut beaucoup de temps pour passer à ce type de régime électoral, deux ou trois ans, peut-être, mais notre RCB a été présentée en 1993 et nous n'avons toujours pas obtenu notre régime électoral coutumier.
Le sénateur Campbell : Pouvez-vous nous dire ce qu'est une RCB?
Mme Hood : C'est une résolution du conseil de bande.
Le sénateur Raine : Vous avez fait parvenir une résolution du conseil de bande au MAINC?
Mme Hood : Oui, en 1993.
Le sénateur Raine : Avez-vous eu des nouvelles à la suite de cette démarche?
Mme Hood : Non, on ne nous a toujours rien communiqué au sujet de l'adoption d'un régime électoral coutumier par notre nation. Tous les membres de notre nation ont voté en faveur d'un régime électoral de ce genre, mais nous demeurons assujettis au processus électoral que prévoit la Loi sur les Indiens.
Le sénateur Raine : C'est incroyable.
Le sénateur Campbell : C'est le MAINC.
Mme Hood : Je peux vous dire où elle est, notre RCB. Elle est dans les oubliettes du MAINC. Elle est perdue.
Le président : Voilà pourquoi nous devons tous travailler ensemble afin de déterminer si les Premières nations souhaitent conserver la Loi sur les Indiens. Selon moi, leurs droits inhérents devraient leur permettre de se gouverner eux-mêmes, et nous devrions avoir des mesures législatives sur la gouvernance à leur proposer. Je suis d'avis que, tant que la Loi sur les Indiens existera, les Autochtones seront traités avec condescendance.
Allez-y, sénateur Campbell. J'ai terminé mon laïus.
Le sénateur Campbell : J'aimerais aborder deux ou trois points. Il y a une pensée qui vient de me traverser l'esprit : les règlements du MAINC sont des politiques, et non des lois. En ce qui concerne le régime électoral coutumier, nous avons affaire à une politique mise en place en 1988 : la Politique sur la conversion à un système électoral communautaire. Que se passerait-il si vous leur disiez simplement d'aller se faire cuire un œuf? Selon la politique, les Premières nations qui veulent revenir à un régime électoral coutumier doivent faire approuver leur code électoral. Ce sont eux qui vous disent quelle doit être la teneur du code. Vous devriez leur dire que vous allez procéder à un vote et que la question sera la suivante : Allons-nous conserver notre système actuel ou le remplacer par un régime électoral coutumier? Ensuite, vous procédez au vote. Le MAINC ne vous donnera pas un sou et il ne vous apportera aucun soutien. Il ne fera rien. Il vous ignore et ne répond pas à vos lettres, alors pourquoi poursuivre ce petit manège avec eux?
Mme Hood : Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Campbell : J'aimerais citer un document.
Mme Hood : D'accord, mais j'aimerais répondre à votre question.
Le sénateur Campbell : Allez-y.
Mme Hood : Si nous ne respectons pas les règles du MAINC, il nous prive de tout financement. Si nous ne leur remettons pas nos rapports, ils nous coupent les vivres; si nous ne leur présentons pas notre rapport de vérification, ils ne nous versent plus un sou. Notre nation n'est guère prospère, alors quand le ministère ferme les vannes, toute notre nation est paralysée.
Le sénateur Campbell : Anciennement, cela s'appelait de l'esclavage.
Mme Hood : Exactement.
Le sénateur Campbell : C'est ainsi qu'on appelait cette pratique.
Mme Hood : Je vous remercie. Cela correspond toujours à notre réalité.
Le sénateur Campbell : J'ai ici un commentaire intéressant dont j'aimerais vous faire la lecture. Il a été formulé par William B. Henderson, que je n'ai pas le plaisir de connaître. Voici ce qu'il a dit. Selon lui, les Premières nations qui tiennent actuellement leurs élections sous le régime de la Loi sur les Indiens et qui souhaitent changer leur processus électoral pourraient revenir au régime coutumier et élire, si elles le souhaitent, un chef et un conseil pour une période plus longue. Comme aucune modification ne devrait être apportée à la Loi sur les Indiens si cette approche était adoptée, M. Henderson estime que ce serait la manière la plus simple et la plus satisfaisante de modifier le processus et de permettre aux Premières nations de décider de la durée des mandats.
Je vous recommande de procéder ainsi, et je vous recommande également de nous prévenir immédiatement si l'on vous coupe les vivres, de quelque manière que ce soit. Aucune des Premières nations que nous avons rencontrées ne peut faire avancer les choses avec un fusil sur la tempe.
Mme Hood : Vous avez raison.
Le sénateur Campbell : Je ne sais pas comment nous pouvons faire passer le message. Je ne suis sénateur que depuis 4 ans et cela fait 15 ans que le problème se pose, mais nous devons faire en sorte que la situation change. Ça ne peut pas continuer ainsi. Vous devez avoir la possibilité de commettre vos propres erreurs.
Mme Hood : En effet. C'est ainsi que nous progresserons : en apprenant de nos erreurs et en allant de l'avant. Comme je l'ai dit plus tôt, je vis au sein de notre communauté depuis 11 ans. Je ne savais rien de ce qui se passait dans notre bureau quand j'y ai fait mon entrée, car j'ignorais tout du MAINC. Quand je suis entrée en fonction, j'ai eu l'impression que tout le monde travaillait en vase clos, alors je me suis mise à lire tous les documents qui circulaient dans le bureau. Je crois que c'est la raison pour laquelle j'exerce aujourd'hui les fonctions qui sont les miennes. Je n'ai pas accepté le poste de gérant de bande parce que le conseil actuel ne me satisfait pas. Je ne peux tout simplement pas exercer cette fonction. La Loi sur les Indiens prévoit que si une personne exerce les fonctions d'un poste, elle doit devenir titulaire de ce poste. Quand les membres du conseil m'ont dit que cela était prévu dans la Loi sur les Indiens, je leur ai répondu : « Eh bien, je ne veux pas de cet emploi. Je vais exercer ces fonctions jusqu'à ce que vous ayez trouvé quelqu'un d'autre. »
Le sénateur Campbell : Je ne peux vous donner qu'un conseil à cet égard : les fonctions de l'administrateur de bande sont très semblables à celles d'un directeur municipal au sein d'une administration municipale; les conseils vont et viennent, mais le directeur est le seul à tenir le fort. Le directeur municipal n'est pas nécessairement tenu d'aimer la bande ou le conseil, et je m'éloigne un peu du sujet. Vous devez assurer la bonne gouvernance qui est à la base de tout cela.
Mme Hood : Exactement. Dernièrement, l'un de nos conseillers a essayé de dire du mal de moi pour que je sois congédiée.
Le sénateur Campbell : Eh bien, vous allez devoir vous y faire. C'est ce qui se produit à tous les ordres de gouvernement.
Mme Hood : En fait, c'était amusant.
Le sénateur Campbell : Je pense que vous êtes très courageuse, et je pense que vous comprenez exactement ce qui doit être fait.
Mme Hood : Merci.
Le sénateur Raine : Avec le conseil actuel, vous vous trouvez maintenant dans une situation où vous allez devoir faire en sorte que rien ne s'écroule pendant deux ans sans qu'il n'y ait de réunion.
Mme Hood : Oui.
Le sénateur Raine : Sans quorum.
Mme Hood : Le pire, c'est que tout dans la réserve en souffre. Nos logements en souffrent, notre bien-être en souffre, toute la nation en souffre, parce que, pour assurer l'administration harmonieuse de notre communauté, il faut que les résolutions du conseil de bande soient signées par sept conseillers et elles ne le sont pas. Tout est paralysé.
Le sénateur Raine : Votre responsabilité est un peu d'expliquer aux membres de votre communauté pourquoi ceci en souffre et pourquoi cela en souffre, pour qu'ils puissent commencer petit à petit à comprendre l'importance du rôle que joue le conseil.
Mme Hood : C'est la raison pour laquelle nous produisons un bulletin d'information toutes les deux semaines.
Le sénateur Raine : Peut-être au moyen de ce bulletin pourriez-vous raconter l'historique de votre demande en ce qui concerne les élections coutumières; de cette façon, vous serez peut-être prêts à passer à un régime électoral coutumier à l'élection du prochain conseil.
Mme Hood : Oui, ce serait bien. Comme je le disais, chaque année je dois apprendre quelque chose de nouveau. Cette année, j'ai dû apprendre beaucoup de choses sur les élections. L'an dernier, c'était sur l'éducation, un sujet que j'ai exploré de fond en comble.
Le sénateur Raine : Je vois qu'il y a autant de membres de votre communauté qui vivent sur la réserve qu'à l'extérieur de la réserve.
Mme Hood : Oui.
Le sénateur Raine : Ce doit être extrêmement difficile de garder la trace des personnes qui vivent à l'extérieur de la réserve, parce que de nos jours les gens déménagent souvent.
Mme Hood : C'est très difficile, en effet.
Le sénateur Raine : Y a-t-il, disons, des allocations qui sont versées par la bande aux membres qui vivent à l'extérieur des réserves?
Mme Hood : Pas à ma connaissance.
Le sénateur Raine : Il n'y a aucune raison pour eux de veiller à ce que leur adresse soit à jour dans vos dossiers pour recevoir un chèque, par exemple?
Mme Hood : Non.
Le sénateur Raine : Si vous n'avez pas l'adresse de certaines personnes, est-ce qu'on sous-entend que, si elles veulent voter, c'est leur responsabilité?
Mme Hood : Je suis assez certaine que cette information leur a été transmise dans le cadre des deux dernières élections. Une semaine avant l'élection, nos téléphones sonnent sans arrêt et nous leur disons : « Vous ne pourrez jamais vous inscrire à temps. »
Le sénateur Raine : Si vous passez à un régime électoral coutumier dans le cadre duquel les familles ont un rôle à jouer, pensez-vous que les familles elles-mêmes veilleraient à ce que leurs proches soient informés?
Mme Hood : Oui.
Le sénateur Raine : Ce serait donc la famille, d'une certaine façon, qui assumerait cette responsabilité.
Mme Hood : Oui, je pense que cette responsabilité devrait relever de la famille, que chaque famille devrait contribuer à défendre les intérêts de notre nation et que chaque famille devrait être entendue.
Le sénateur Raine : Vous avez dit que ce que vous envisagiez, c'est un souper de famille au cours duquel la famille choisit deux candidats.
Mme Hood : Oui, à mon avis, c'est la façon dont ça devrait se dérouler. Prenons l'exemple de ma famille : j'habite avec une tante et un oncle depuis longtemps et nous avons des soupers de famille chaque mois. Il y a un souper de famille pour chaque anniversaire, et tout le monde se réunit, tout le monde parle, et de façon générale les discussions portent principalement sur les élections.
Le sénateur Raine : Je pense que votre vision est formidable. Je vous félicite et je vous encourage à aller jusqu'au bout, parce que je suis assez certaine que votre démarche va porter fruit.
Mme Hood : Merci.
Le sénateur Dyck : Pour revenir à ce que le sénateur Campbell disait, selon l'information dont nous disposons, le Comité consultatif ministériel conjoint — je ne sais pas si c'était en 2002 — a indiqué que la capacité des bandes d'établir leur propre régime de sélection de dirigeants est sans doute un droit autochtone ou un droit issu de traités, ou les deux; par conséquent, au titre de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, les Premières nations ont bel et bien ce droit. Qu'en pensez-vous?
Mme Hood : Je pense que nous devrions avoir le droit de faire ce qui doit être fait sur notre réserve pour pouvoir progresser et que la Loi sur les Indiens ne devrait pas nous empêcher d'agir, mais on nous lance toujours : « Vous devez vous conformer à la Loi sur les Indiens. »
Le sénateur Dyck : Madame Hood, vous avez très bien décrit ce que vous faisiez au sein de votre Première nation. Je vous félicite pour le courage dont vous avez fait preuve en prenant un risque personnel en ce qui a trait à votre emploi et en défendant les droits de votre peuple. Je vais vous dire ce que le directeur adjoint de mon école secondaire m'a dit il y a bon nombre d'années : « Bien joué, petite. »
Mme Hood : Merci. Ma devise, c'est d'être franche envers les conseillers et de toujours dire la vérité, pour ne pas avoir à me rappeler ce que j'ai dit.
Quand je parle à mes conseillers, je n'ai pas peur d'affronter qui que ce soit. S'il est question de notre communauté, je leur dis : « Je ne suis pas ici pour choisir quel membre de notre communauté je vais aider. Je suis ici, à cette table, en tant qu'administratrice de la bande, pour défendre les intérêts des 900 personnes qui habitent sur notre réserve. » Je ne vais pas aider quelqu'un en particulier, je vais aider tout le monde.
Le sénateur Campbell : J'ai une autre question, inspirée du témoignage que nous avons entendu hier. Elle porte sur les coûts liés aux postes de directeur des élections. Je ne sais plus de quel témoin il s'agissait, mais il était question des mesures prises pour avoir accès facilement à des directeurs des élections. Par exemple, il y aurait un directeur des élections à Williams Lake.
Mme Hood : Eh bien, ce que nous avons fait, c'est que nous avons diffusé une annonce en ligne qui disait : « Nous sommes à la recherche de directeurs des élections. » Nous voulions obtenir trois offres de prix, parce qu'au sein de notre nation nous examinons toujours trois offres.
Mme Hood : Nous retenons l'offre la plus basse.
Le sénateur Campbell : Mais ce que le témoin semblait dire, c'est que, dans l'intérêt de la gouvernance de la communauté, les conseils municipaux leur prêtent un directeur des élections pour la journée, pour la période voulue. En fait, ils reçoivent beaucoup d'aide des municipalités pour ce qui est de l'organisation et du déroulement des élections, à très peu de frais. C'est simplement une idée que vous pourriez peut-être étudier, par exemple, à Williams Lake. Une autre solution pourrait être que toutes les Premières nations de la région se réunissent pour examiner la situation et déterminer la façon de procéder, la façon d'organiser tout ça, plutôt que d'effectuer un exercice ponctuel chaque fois, parce que vous êtes en quelque sorte à la merci des événements.
Mme Hood : Exactement.
Le sénateur Campbell : Non seulement ils ont pu obtenir les services des directeurs des élections à un coût bien moindre, mais ils ont eu l'impression de faire partie d'un groupe uni avec les municipalités et les Premières nations de la région. Ils ont appris à se connaître, ils ont discuté et ils ont pu régler des questions qui touchaient tout le monde.
Mme Hood : Honnêtement, c'est probablement une difficulté qui nuit à notre nation, parce que nous ne sommes pas prêts avant la toute dernière minute, et ce n'est pas une bonne chose.
Le sénateur Campbell : Vos ressources sont limitées. Peut-être qu'un peu d'aide allégerait le fardeau qui pèse sur ces ressources.
Mme Hood : Oui.
Le sénateur Campbell : Ce n'est qu'une suggestion.
Le président : Je crois que c'est Larry Derrickson, le conseiller de Westbank, qui nous a fourni cette information.
Le sénateur Raine : Si je comprends bien, les Premières nations dont les élections sont tenues selon la Loi sur les Indiens obtiennent des fonds à cette fin de la part du MAINC, et celles qui ont un régime électoral coutumier n'en reçoivent pas.
Mme Hood : C'est exact, mais notre régime électoral n'est pas coutumier, et on a tout de même sabré le financement qui nous était destiné. Nous avons dû financer nous-mêmes nos trois dernières élections.
Le sénateur Raine : Savez-vous pourquoi on a sabré votre financement?
Mme Hood : Non, on ne nous l'a jamais dit.
Le sénateur Raine : J'aimerais que notre attaché de recherche demande des explications au MAINC au sujet de cette situation. Je crois que le ministère dispose de fonds pour financer les élections tenues conformément à l'article 74.
Mme Hood : Je crois que nous recevions 20 000 $ par élection auparavant.
Le président : Vous avez dit que vous n'obteniez plus de fonds depuis 2003, est-ce exact?
Mme Hood : Oui.
Le sénateur Raine : La soumission la moins-disante s'élevait à 12 000 $?
Mme Hood : Oui.
Le sénateur Raine : Est-ce que cette personne venait de Toronto?
Mme Hood : Non, de Vancouver.
Le sénateur Raine : Ça me semble être un bon emploi. Je devrais peut-être tenter ma chance.
Mme Hood : Je veux qu'on me paie 10 000 $.
Le président : Pour faire suite à ce que le sénateur Campbell disait tout à l'heure, j'aimerais savoir si vous avez des conseils de bande.
Mme Hood : Oui, nous en avons.
Le président : Il y a une forte concentration de collectivités des Premières nations dans ce secteur. Combien de conseils de bande y a-t-il?
Mme Hood : Notre nation en compte trois — Kitasoo, Oweekeno et Nuxalk —, qui sont unis.
Le président : Ils font partie de votre conseil de bande.
Mme Hood : C'est exact.
Le président : Il y a d'autres conseils de bande, comme celui des Shuswap du Nord. Est-ce que quelqu'un a déjà songé à faire assumer toutes les fonctions dont nous avons parlé plus tôt par un agent d'élection indépendant? Vous auriez alors quelqu'un à votre disposition et vous ne seriez pas obligés de payer 12 000 $ pour une journée. Est-ce que quelqu'un a déjà songé à cette idée? Comme le sénateur Campbell l'a dit, vous pourriez faire appel aux municipalités, mais si ça ne fonctionne pas, votre conseil de bande, la Première nation des Shuswap du Nord et peut-être d'autres Premières nations de la région pourriez établir votre propre commission électorale.
Mme Hood : Cela aiderait toutes nos nations.
Le président : Le témoignage que vous venez de nous présenter a été instructif. J'entends des histoires comme la vôtre depuis 15 ans et, apparemment, plus ça change, plus c'est pareil.
Mme Hood : En fait, j'apprends à connaître le processus électoral depuis un an seulement. Mon chef m'a avertie hier seulement que je devais assister à la réunion d'aujourd'hui, donc j'ai rapidement préparé mon exposé. Je me suis inspirée de mon expérience des 11 dernières années auprès de notre nation.
Le président : Vous faites de l'excellent travail. Continuez sur cette voie. À mon avis, comme un grand nombre de responsabilités incombent au gouvernement, nous incombent, nous pourrions régler certains de ces problèmes si nous travaillions davantage en étroite collaboration.
Notre comité a fait quelque peu avancer certaines revendications et le développement économique, entre autres choses. Nous avons fait passer une loi qui reproduisait en tout point ou presque le rapport. Tous les gouvernements ont réservé un traitement horrible aux Premières nations, et ma remarque ne se veut pas partisane.
Mme Hood : Oui. Nous croyons qu'il nous faut communiquer ouvertement.
Le président : Je vous remercie encore une fois. Si vous avez d'autres renseignements et que vous croyez qu'ils nous aideraient à rédiger le rapport — compte tenu du fait que vous avez eu très peu de temps pour vous préparer —, communiquez avec notre greffière.
Mme Hood : Il y a des gens dans notre organisation qui ont participé à ces élections. Il y a même une personne à notre bureau qui est là depuis 30 ans. Je lui ai demandé pourquoi elle ne voulait pas venir et elle m'a répondu que j'étais meilleure oratrice qu'elle.
Le président : Nous accueillons maintenant Ervin Charleyboy, chef de la Première nation Alexis Creek.
Chef, comme vous le savez, le comité étudie actuellement le processus électoral prévu à l'article 74 de la Loi sur les Indiens. L'étude porte principalement sur la prolongation du mandat des chefs et des conseillers, dont la durée est actuellement de deux ans selon la loi, sur la possibilité pour les Premières nations de tenir des élections à dates fixes afin qu'elles aient toutes lieu en même temps, et sur l'établissement de mécanismes d'éventuel retrait, si les mandats venaient à être prolongés.
Nous sommes allés au Manitoba. Nous avons entendu à Ottawa des témoins qui venaient des quatre coins du pays et nous voilà en Colombie-Britannique. Nous étions à Kelowna hier, nous sommes ici aujourd'hui, et nous serons à Vancouver demain et vendredi. Nous vous remercions de prendre le temps de venir nous voir.
Sur ce, la parole est à vous, monsieur.
Ervin Charleyboy, chef, Première nation Alexis Creek : Honorables sénateurs, je suis heureux d'être ici. Je représente la nation Tl'etinqox-t'in, dont je suis le chef, et nous travaillons actuellement au processus électoral. Depuis très longtemps, la Loi sur les Indiens — la loi en soi, et non seulement le régime électoral — me dérange beaucoup. Je ne cesse de répéter au gouvernement et à quiconque tend l'oreille que c'est la loi la plus dégradante que j'aie jamais vue, et qu'elle devrait être révisée et remplacée par autre chose. Toutes ces années, je me suis plaint par-dessus tout des réserves indiennes. Je suis chef depuis 1990 et je défends ce dossier depuis très longtemps. Il me semble n'avoir fait aucun progrès. Je ne sais pas à quel moment la loi a été établie. À mon avis, la loi ne tient aucunement compte des Autochtones, et elle va à l'encontre des droits de la personne.
C'est dégradant. Pourquoi est-ce que la Loi sur les Indiens nous a-t-elle été imposée? Pourquoi nous a-t-on déplacés et confinés dans des réserves? J'ai répété cette plainte sans cesse au cours de mes rencontres avec le gouvernement provincial et le gouvernement du Canada. Le gouvernement provincial tente de nous imposer une nouvelle relation. Y a-t-il eu des résultats? Non, aucun. Je n'ai rien vu de nouveau dans cette relation.
La durée des fonctions des élus dans les réserves, qui est de deux ans seulement, me dérange beaucoup. Des gens sont allés en cour pour que les membres qui habitent hors réserve puissent se présenter aux élections dans les réserves. J'habite sur une réserve et je suis chef depuis 1990. Je représente mon peuple, et je n'aime pas que le ministère des Affaires indiennes nous dicte la façon de tenir nos élections. Pourquoi ne pouvons-nous pas tenir nos propres élections à notre façon au lieu de devoir suivre celle du gouvernement ou du ministère des Affaires indiennes?
Les rapports avec le ministère des Affaires indiennes sont parfois frustrants; en fait, ils le sont la plupart du temps, même tout le temps. On dirait que tout nous est imposé, que nous soyons d'accord ou non, et que nous ne pouvons décider de rien.
J'ai été appelé à comparaître dans l'affaire Nemiah. Pendant le contre-interrogatoire, un avocat canadien m'a demandé : « Vous considérez-vous comme un Canadien? » Je l'ai regardé, puis je me suis tourné vers le juge et je lui ai demandé : « Votre honneur, puis-je répondre, s'il vous plaît? » Il m'a répondu : « Oui, je vous en prie. » Alors j'ai dit à l'avocat : « Je ne me considère pas comme un Canadien, tout particulièrement parce que nous n'avions pas le droit de voter avant 1960. Qu'étions-nous avant cette date? En obtenant le droit de vote, sommes-nous devenus des Canadiens à part entière? Non. Donc je ne me considère pas comme un Canadien. »
C'est à ce moment que la discussion sur le sujet a pris fin. Il m'a amené vers un autre sujet. Le juge n'avait rien à dire. En fait, il ne pouvait rien dire.
Je cherche toujours une réponse. Pourquoi n'avions-nous pas le droit de vote aux élections provinciales et fédérales? Jusqu'en 1960, nous n'étions rien. Nous restions simplement dans la réserve et nous n'avions rien. Nous n'avons toujours rien. Nous nous sommes battus pour obtenir le territoire, notre territoire, et ça n'a rien donné. Je connais des Canadiens japonais qui habitent dans le district 100 Mile House. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ces Canadiens japonais ont été chassés de leurs terres et confinés dans des camps de concentration. Il n'y a pas si longtemps, ils ont été indemnisés pour les terres qu'ils ont perdues.
En tant qu'Autochtone, je considère ces réserves comme des camps de concentration glorifiés, et nous sommes encore ici. Cette situation va à l'encontre des lois sur les droits de la personne
Le Canada devrait avoir honte de la façon dont il traite ses habitants, les Canadiens. Nous aussi, nous sommes Canadiens. Si nous avons le droit de vote au Canada et en Colombie-Britannique, nous devrions être Canadiens, mais pourtant nous sommes encore confinés dans des réserves et ignorés. Nous devons trouver de petites sommes d'argent ici et là pour essayer de vivre dans ces petites réserves.
Les élections dans les réserves sont une vraie farce. Nos membres, et non le ministère des Affaires indiennes, devraient être en mesure de gérer leurs propres affaires.
Comme je l'ai dit, la Loi sur les Indiens dans sa forme actuelle me dérange beaucoup. Elle va à l'encontre des droits de la personne. Si j'avais les moyens financiers de me battre contre le Canada, je contesterais en cour la Loi sur les Indiens, mais je n'ai pas l'argent nécessaire. Nos membres n'ont pas l'argent nécessaire. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour nous battre pour nos terres. À maintes reprises, j'ai dit au gouvernement que lorsque nous nous battons pour notre territoire, nous devons passer par les tribunaux canadiens. Vous demandez à un voleur de juger son propre vol, voilà ce que vous faites. Parce que nous n'avons pas d'avocats grassement payés comme le Canada et la Colombie-Britannique, nous ne pouvons gagner. Nous nous battons et nous perdons constamment.
Il est inacceptable de nous garder dans les réserves indiennes et de permettre à Affaires indiennes de nous imposer des élections. Cela va à l'encontre des droits de la personne. Le Canada est l'un des pays qui ont voté contre la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et pourtant, lors de rencontres avec les Nations Unies, il a dit à quel point il traite bien les Autochtones. C'est faux, carrément faux.
Je suis tout à fait contre des élections imposées par la Loi sur les Indiens et la Loi sur les Indiens dans sa forme actuelle. J'aimerais qu'ils nous laissent tranquilles. Ils devraient nous laisser tranquilles, nous laisser tenir nos propres élections sans l'implication d'Affaires indiennes. Ils nous gardent dans la réserve avec rien. Nous devons gratter les fonds de tiroirs pour obtenir le peu que nous avons. Les Autochtones devraient être en mesure de s'occuper de leurs propres affaires, sans d'intermédiaire à Vancouver. Combien de personnes travaillent au bureau d'Affaires indiennes à Vancouver? J'ai posé la question une fois. Je ne sais pas ce qu'on m'a répondu, mais la moitié des employés ne savent pas ce qu'ils font.
Si l'argent d'Ottawa était directement distribué dans la réserve, nous nous en porterions mieux. Actuellement, nous sommes chanceux d'obtenir 10 ¢ sur chaque dollar qui vient d'Ottawa. Tout l'argent est dépensé au bureau régional de Vancouver. Nous devons nous rendre jusqu'à Vancouver pour traiter avec Affaires indiennes. Ça coûte de l'argent. Ils ne paient pas notre déplacement; nous devons le payer avec le peu d'argent que nous avons.
Affaires indiennes devrait nous laisser tranquilles et nous laisser tenir nos propres élections. Je crois sincèrement que les habitants hors réserve ne devraient pas se présenter à des postes de conseillers. Cela nous dérange beaucoup. Si les habitants hors réserve se présentent à des postes de conseillers, alors ils doivent se rendre dans la réserve pour assister aux réunions, ce qui amène des problèmes de financement en raison des déplacements. Ils veulent que leurs frais de déplacement soient remboursés.
Je n'en dirai pas plus; je pourrais commencer à utiliser un langage ordurier.
Le président : Merci beaucoup, chef. Je ne peux pas parler au nom des sénateurs, mais je partage votre avis en ce qui a trait à la Loi sur les Indiens.
J'ai dit clairement au chef de l'APN qu'il n'aimait pas la Loi sur les Indiens, et bon nombre d'entre nous ici présents, moi surtout, partageons ce point de vue. Je lui ai demandé : « Mais avec quoi faut-il la remplacer et quel genre de programme de transition faudrait-il mettre en place pour en arriver au point où nous devrions être sans la Loi sur les Indiens? » Je ne peux pas obtenir de réponse.
Je sais que le gouvernement, qu'il s'agisse du NPD, des libéraux, des conservateurs ou d'un autre parti, selon toute vraisemblance, n'exécutera pas un tel mandat à moins que les dirigeants des Premières nations et les simples membres soient de son côté.
Si nous supprimons la Loi sur les Indiens, votre problème concernant les élections serait réglé. Vous seriez en mesure de tenir vos élections comme vous l'entendez. Y a-t-il eu des discussions ou des réflexions sur la façon dont nous pourrions procéder et maintenir encore un niveau de responsabilité envers le reste du Canada? J'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet, chef.
M. Charleyboy : Si nous supprimons la Loi sur les Indiens, alors les réserves dans lesquelles nous habitons ne seraient pas touchées. Avant tout, on doit régler la question des terres, parce que nous avons été forcés de quitter nos terres autochtones pour nous établir dans des réserves. La première chose que nous devons régler, c'est la question des terres, car les réserves dans lesquelles nous vivons ne nous appartiennent pas. Nous habitons sur des terres qui appartiennent au gouvernement fédéral. Le Chilcotin est notre territoire traditionnel. Nous avons été forcés de nous établir dans des réserves, comme je l'ai dit; ce n'était pas par choix, et la Loi sur les Indiens nous a été imposée. Ils se sont débarrassés de tout lorsque nous avons été forcés d'habiter dans des réserves, et nous n'avions même pas le droit d'organiser des potlatchs et ce genre de choses. C'est pourquoi je les appelle les camps de concentration glorifiés.
Le président : D'ici à ce que la question des terres soit réglée, il serait difficile de s'occuper de la suppression de la Loi sur les Indiens.
M. Charleyboy : C'est exact.
Le sénateur Raine : Avez-vous une opinion sur une mesure provisoire que nous pourrions prendre en attendant de supprimer la Loi sur les Indiens? Nous savons qu'il existe des injustices à l'égard de la façon dont les élections fonctionnent. Vous avez dit que vous essayez depuis de nombreuses années d'adopter un régime électoral coutumier, mais que vous n'avez pas réussi. Pourriez-vous nous parler de votre expérience jusqu'à maintenant? Nous savons que certaines bandes procèdent à des élections selon un régime coutumier, et que la façon dont elles ont établi leur processus électoral pour choisir leurs dirigeants semble être davantage leur choix. Vous n'avez pas réussi à faire adopter un régime électoral coutumier. Nous avons l'impression que ce serait assez simple à mettre sur pied, mais ça ne l'est évidemment pas. Pourriez-vous nous donner des détails à ce sujet?
M. Charleyboy : Lorsqu'on essaie de faire adopter un régime électoral coutumier, il y a plusieurs étapes à suivre, et il faut tenir une élection sur le régime électoral coutumier. Ils nous donnent de l'argent pour dire ce que nous voulons dans le cadre du régime électoral coutumier, combien d'années le chef devrait être en poste et combien de conseillers il devrait y avoir. Maintenant, les membres de la bande doivent voter. Ce n'est pas différent des élections au titre de la Loi sur les Indiens, c'est simplement plus détaillé quant à la façon dont nous devrions nous porter candidats dans les réserves.
Le sénateur Raine : Ne pouvez-vous pas concevoir le code que vous souhaitez?
M. Charleyboy : Nous pouvons concevoir le code que nous souhaitons, et ensuite il doit être envoyé à Ottawa. Actuellement, je crois que notre proposition dort à Ottawa, et qui sait combien de temps il faudra attendre avant qu'une décision soit rendue à ce sujet.
Le sénateur Raine : Vous avez donc envoyé à Ottawa votre proposition de code électoral coutumier.
M. Charleyboy : Oui.
Le sénateur Raine : Votre communauté l'a signé et ça n'est allé nulle part?
M. Charleyboy : Il a été envoyé à Ottawa et une décision doit être prise là-bas.
Le sénateur Raine : Ont-ils communiqué avec vous pour vous expliquer le délai?
M. Charleyboy : Ils ont toutes sortes d'excuses et nous devons attendre jusqu'au 14 octobre pour avoir leur réponse quant à savoir s'ils l'acceptent ou non.
Le sénateur Raine : Quand avez-vous envoyé votre régime?
M. Charleyboy : Je ne sais pas. Je crois que c'était en juin.
Le sénateur Raine : Il a été envoyé en juin de cette année?
M. Charleyboy : Oui.
Le sénateur Raine : Je ne crois donc pas que vous ayez attendu trop longtemps. Nous avons déjà entendu parler d'une personne qui attend depuis 1993. Vous vous attendez à avoir une réponse en octobre?
M. Charleyboy : Le 14 octobre.
Le sénateur Raine : Croyez-vous que cela va vous aider à choisir un chef?
M. Charleyboy : Cela aidera beaucoup. À ce moment-là les gens devront être vraiment sérieux dans leur volonté de devenir chef ou conseiller. Ils devront payer un certain montant d'argent qui est non remboursable. Le fait de payer des frais qui seront non remboursables démontrera leur engagement envers le poste de chef ou de conseiller. De cette façon, vous ne pouvez pas vous présenter dans la course juste pour le plaisir. Je veux dire, certains jeunes sont ainsi; ils croient que c'est facile. Ils ne savent pas ce que cela implique d'être chef, sept jours par semaine, vingt-quatre heures par jour. Ce n'est pas facile.
Le sénateur Raine : Je suis certain que ce n'est pas facile.
M. Charleyboy : Je suis chef depuis 1990 et je sais ce que c'est. Un mandat de deux ans n'est pas suffisant.
Le sénateur Raine : Dans votre nouveau code, les mandats seront plus longs?
M. Charleyboy : Nous proposons des mandats de quatre ans et des élections par étape pour les membres du conseil. Cela assurera une certaine continuité, parce que deux ans suffisent à peine à vous familiariser.
Le sénateur Dyck : Il semble que vos élections vont plutôt rondement puisque par exemple, vous êtes chef depuis dix- neuf ans. Vous avez parlé de frais non remboursables. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez ajouté aux exigences actuelles?
M. Charleyboy : Oui, nous l'avons ajouté.
Le sénateur Dyck : Est-ce que ce sera dans votre code coutumier également?
M. Charleyboy : Oui, cela fera partie de notre code coutumier.
Le sénateur Dyck : Qu'est-ce qui en est avec les difficultés avec les appels ou les bulletins de vote postal, avez-vous réussi à régler cet aspect?
M. Charleyboy : Les bulletins de vote postal sont un problème et nous avons également de la difficulté avec les appels. Certains appels sont faits pour aucune raison. Lorsqu'ils perdent une élection, ils vont tout de suite en appel. Vraiment, si je perdais une élection, je ne me plaindrais pas. Je me contenterais de féliciter le nouveau chef.
Le sénateur Dyck : Pensez-vous qu'il y aura des changements à la façon dont le processus d'appel fonctionne actuellement?
M. Charleyboy : La façon dont ce processus fonctionne actuellement devrait être changée, oui. Je veux dire, l'agent d'élection est là et il respecte les bonnes procédures. Si tout va rondement, il ne devrait pas y avoir d'appel. Ceux-ci sont très fastidieux.
Le sénateur Dyck : Vous avez dit que le MAINC devrait être exclu de toutes ces activités parce que beaucoup d'argent est dépensé dans les processus administratifs et bureaucratiques par l'entremise des Affaires indiennes et du Nord. Si l'argent vous revenait directement, est-ce qu'il serait mieux utilisé?
M. Charleyboy : S'il venait directement d'Ottawa oui, au lieu de passer par Vancouver. Je ne sais pas combien de personnes travaillent dans le bureau régional de Vancouver. Je veux dire, je ne sais pas combien d'étages a l'immeuble des Affaires indiennes.
Le sénateur Campbell : Le fait de ne pas vouloir que les personnes qui vivent en dehors de la réserve soient membres du conseil, est-ce une question d'argent ou une question philosophique? Pensez-vous qu'il faut vivre sur la réserve pour être un conseiller efficace?
M. Charleyboy : Oui, je crois que pour être un conseiller efficace ou un chef, vous devez être sur la réserve et vous devez connaître et savoir ce que votre peuple souhaite. Vous ne pouvez pas vivre à Williams Lake, à Vancouver, à Prince George ou ailleurs et être un conseiller de bande. Vous devez être là avec votre peuple pour savoir ce qu'il veut et pour pouvoir le rencontrer et connaître ses préoccupations.
Le sénateur Campbell : Combien de personnes font partie de votre nation?
M. Charleyboy : La population de ma réserve est d'un peu plus de 600 personnes et environ 250 personnes sur la réserve.
Le sénateur Campbell : Votre nation comporte environ 600 personnes et environ 250 vivent sur la réserve?
M. Charleyboy : Sur la réserve, c'est bien cela.
Le sénateur Campbell : Avez-vous des chefs héréditaires?
M. Charleyboy : Certaines réserves ont des systèmes héréditaires.
Le sénateur Campbell : Est-ce que votre nation a des chefs héréditaires?
M. Charleyboy : Certaines réserves de notre nation possèdent un système héréditaire.
Le sénateur Campbell : Et comment cela s'arrime-t-il avec le processus d'élection actuel? Par exemple, quel serait le rôle d'un chef héréditaire comparativement à un chef élu?
M. Charleyboy : Je crois que c'est compliqué. Je veux dire, nous sommes très heureux avec les chefs héréditaires. Afin de pouvoir travailler efficacement ensemble, ils doivent s'entendre sur certaines questions. Certains des chefs héréditaires et des chefs élus ne voient pas les choses du même œil. Ils finissent par s'engager dans toutes sortes de directions et rien ne fonctionne.
Le sénateur Campbell : Si vous aviez des élections coutumières, comment réussiriez-vous à arriver à un terrain d'entente entre les chefs élus et les chefs héréditaires?
M. Charleyboy : Nous devrions réussir à nous entendre et à le mettre par écrit. Si les deux parties sont d'accord pour travailler ensemble dans certains secteurs, alors nous signerions un accord.
Le sénateur Campbell : Mais cela serait votre décision?
M. Charleyboy : C'est une décision qui nous appartient, effectivement.
Le sénateur Campbell : C'est là où je voulais en venir. La décision concernant le produit final doit être prise au sein de votre communauté; autrement, vous recommencez là où vous étiez avec les affaires indiennes.
M. Charleyboy : La majorité des peuples sur la réserve doivent voter pour choisir un système héréditaire ou un système d'élections.
Le sénateur Campbell : Si j'étais membre d'une nation et que je ne vivais pas sur la réserve, je n'aurais pas droit de vote.
M. Charleyboy : Oui, vous auriez droit de vote. Ce que je veux dire, c'est que pour être élu membre du conseil vous devez vivre sur la réserve, mais vous avez toujours droit de vote. Peu importe où vous habitez. Si vous êtes membre d'une bande, vous devez avoir le droit de vote. Peu m'importe votre lieu de résidence.
Le sénateur Campbell : Tout cela se rapporte aux revendications territoriales. Il y a pour environ 6 milliards de dollars de revendications territoriales qui attendent. Nous les avons examinées et elles peuvent toutes être réglées. Ces revendications doivent être réglées avant que vous puissiez faire quoi que ce soit.
Un autre aspect important est, selon moi, vos droits intrinsèques qui sont au-dessus des miens. Vous avez ces droits pour une raison, c'est parce que vous êtes les premiers peuples. Nous avons pris vos terres. Peu importe ce que quiconque dira, nous avons pris vos terres. Ceci doit être reconnu; votre place spéciale que vous détenez au sein de ce pays. Une fois que les revendications territoriales seront réglées, nous devrons alors reconnaître votre statut spécial. Comment faire ça? Je ne sais. Comment pouvons-nous faire, avec des impôts?
M. Charleyboy : Oui.
Le sénateur Campbell : Vous devez nous dire ce que cela veut dire. Je dois vous dire que mon cœur saigne de différentes façons à cause de ce comité. Mon cœur a été blessé il y a un certain temps à cause d'une femme qui, je crois, venait de la Première nation Ahousaht. Nous parlions de leurs traités, et elle a donné un discours qui nous a fait monter les larmes aux yeux. Tout était question d'intégration, il s'agissait des torts qui lui avaient été causés et qui avaient été causés à son peuple et tout ce qu'elle cherchait, c'était l'intégration. Ensuite, mon cœur s'est brisé lorsque vous êtes venu ici pour me parler de la façon dont vous avez été traité, et j'ai honte de la façon dont nous avons traité votre peuple pendant des générations et pour la façon dont nous nous accrochons à cette loi. Vous avez raison, vous n'avez eu rien, absolument rien à voir avec cette loi. Je doute qu'ils n'aient jamais demandé l'opinion des Premières nations, et pour cela j'ai honte à plusieurs niveaux.
Quand je pense à tout ce que vous avez subi, je suis stupéfait par la force, la détermination et la noblesse de votre attitude après 19 ans, et depuis bien plus longtemps j'en suis sûr. Vous vous êtes battu contre l'adversité et je veux que vous sachiez que la force dont vous faites preuve, vous et les autres peuples des Premières nations qui viennent témoigner devant nous, est une véritable inspiration pour moi.
Je suis sûr que ça fait des décennies qu'on dit qu'il faut que ça change. Les gouvernements arrivent, passent et puis s'en vont. Peu importe qu'on soit libéral ou conservateur, comme nous l'avons dit, il faut que ça change. Nous devons faire bouger les choses, parce que notre façon d'agir et d'être en relation les uns avec les autres n'est saine ni pour vous ni pour nous.
Vous avez présenté votre requête en juin; si vous recevez d'eux une réponse en octobre déjà, téléphonez-moi, parce que je vais leur donner une récompense. Si vous recevez une réponse au plus tard le 14 octobre, téléphonez-moi parce que je serai encore plus surpris que vous. Merci d'être venu nous rencontrer et d'avoir répondu à nos questions.
Le président : Chef, je vais encore faire une digression. Il y a trois ou quatre ans, j'ai été invité à participer à un colloque réunissant les divers partis politiques à Ottawa. Environ 300 enseignants étaient présents. Une jeune enseignante de Terrace s'est levée — elle savait que j'étais membre du Comité permanent des peuples autochtones — et a dit ceci : « Sénateur St. Germain, j'ai une question à vous poser pour la raison suivante. J'enseigne dans une école publique, dit-elle, et 20 p. 100 de mes élèves sont issus des Premières nations. Environ 80 p. 100 d'entre eux sont victimes de violence. Qu'est-ce que je peux faire? »
J'ai répondu : « Premièrement, permettez-moi d'expliquer comment nous en sommes arrivés là. » Je suis Métis des Prairies et je comprends bien ce genre de situation. « D'abord, l'homme blanc est venu et a détruit l'économie des peuples des Premières nations. Il a tué tous les bisons et il a entièrement détruit leur économie. C'était la base de leur économie. » Puis j'ai dit : « Ils ont créé le MAINC, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, après quoi, ai-je ajouté, ils ont parqué ces gens dans des réserves. » Comme vous l'avez dit dans cette salle aujourd'hui, ils les ont enfermés dans un ghetto. « Ils ont divisé les nations et les ont installées en petites communautés plus faciles à contrôler pour le gouvernement. Ils ont créé les réserves, sur les plus mauvaises terres. » Puis j'ai ajouté : « Ça n'était pas assez pour eux. Ils les ont placés dans les pensionnats. Ils voulaient sortir l'Indien de l'enfant, et rabattre leur fierté culturelle et les couper de leur famille. » J'ai aussi ajouté : « Ça n'était pas encore assez pour eux. Ils en ont décidé d'en faire des bénéficiaires de l'aide sociale, des enfants de l'État, de les forcer à ramper pour chaque sou qu'ils recevaient, » et, comme vous avez dit, ils ne leur ont accordé le droit de vote qu'en 1960.
« Nous avons donc créé un État d'assistés sociaux, lui ai-je dit. Partage nul des recettes provenant de l'exploitation des ressources, système d'éducation déficient. » Puis j'ai continué : « Dans les pensionnats, les enfants ont été victimes de violence. Quiconque commet un acte de violence contre un enfant, qu'il soit blanc, rouge, jaune ou noir, devient un agresseur. Nous avons dégradé ces gens à un point tel que nous sommes maintenant aux prises avec tous ces problèmes; et c'est ici à Ottawa qu'il faut dans une large mesure trouver une solution. »
Elle a fondu en larmes. « Je n'avais jamais vu les choses de cette manière », a-t-elle dit. Puis j'ai dit à l'intention des enseignants en général : « S'il y a quelqu'un dans notre société qui peut faire changer les choses, c'est vous, mesdames, messieurs, parce que notre seul espoir réside dans l'éducation des jeunes pendant leurs années de croissance; sinon, nous perdrons une autre génération de Canadiens, de Canadiens autochtones, de Canadiens des Premières nations. »
Nous sommes nombreux à Ottawa à être d'accord avec ce que vous avez dit ici aujourd'hui. Mais la tâche paraît démesurée. Le gouvernement a fait un certain progrès. L'ancien gouvernement et le gouvernement actuel ont choisi de présenter des excuses pour l'affaire des pensionnats, mais ce n'est pas assez. Comme vous l'avez dit, nous avons présenté des excuses à tous les groupes, les Japonais, les Chinois et bien d'autres encore, mais dans le cas des Premières nations, nos seules excuses ont concerné les actes de violence auxquels nous les avons exposés dans les pensionnats. Je crois sincèrement qu'il faut aller plus loin.
Je vous remercie d'être venu ici aujourd'hui, d'avoir répondu aux questions et d'avoir eu la patience de m'écouter.
M. Charleyboy : Je veux faire un dernier commentaire. On peut se débarrasser des Affaires indiennes et des réserves. Mais en ce qui concerne le règlement des revendications territoriales, on se bat contre un gouvernement qui est en conflit d'intérêts. Le gouvernement ne peut pas régler la question des revendications territoriales. Il ne peut pas dire : « C'est votre terre, reprenez-la ». Il faut passer par les tribunaux et se battre contre lui avec son propre système. Ça, c'est un conflit d'intérêts, un vrai. Le gouvernement canadien ne peut pas régler la question des revendications foncières.
Il faut que les décisions à ce sujet soient laissées à quelqu'un de l'extérieur du Canada, parce qu'il est impossible de gagner devant les tribunaux canadiens. Comme je l'ai dit, c'est comme demander à un voleur de juger un vol qu'il aurait commis.
Le président : Y a-t-il d'autres questions ou commentaires?
Le sénateur Raine : Au mois de juin, nous avons examiné la loi sur l'entente avec les Maa-nulth et sur le règlement de leurs revendications territoriales. L'émotion était vive. Cet événement nous a révélé qu'il est possible, avec de la bonne volonté, de régler les revendications de ce genre. Nul doute que certains des dossiers seront plus difficiles à régler que d'autres. J'espère simplement qu'il sera possible de continuer de progresser. Il le faut.
Le président : Des progrès, nous en faisons, mais pas assez vite pour protéger la génération présente. Beaucoup de bonnes choses ont été accomplies sous l'ancien gouvernement et sous le gouvernement actuel, mais il s'agit de petits pas alors qu'il faudrait progresser à pas de géant, parce que c'est toute une génération que nous sommes en train de perdre. Voilà ce qui m'inquiète, chef. Pas votre devenir ni le mien. Pas ce que nous sommes en train de faire ici et maintenant, mais ce qui arrivera quand nous ne serons plus là.
M. Charleyboy : Ce matin, j'ai rencontré de simples travailleurs forestiers dans cette ville. Nous avons discuté de ce qu'ils appellent une entente d'engagement stratégique. Nous essayons de travailler la main dans la main avec eux pour faire en sorte que les choses aillent dans la bonne direction et nous sommes en passe d'y arriver. Nous sommes sur le point de signer l'entente; certains retardent un peu le processus intentionnellement, mais nous allons dans la bonne direction.
Le président : C'est bon à entendre.
Le sénateur Raine : Je me demandais : s'il n'y avait pas de réserve et si la terre sur laquelle se trouve actuellement la réserve relevait de la bande ou de la communauté, pensez-vous que le régime serait différent de celui qui est en place actuellement? Actuellement, la terre est détenue en propriété commune par la Couronne au nom de la communauté. Si la communauté avait le contrôle de cette terre, conserveriez-vous le même régime de possession en commun ou serait-il possible que des membres de la communauté aient un titre de propriété de leur propre terre? Certains souhaiteraient peut-être même déborder les limites et acheter leur propre terre.
Je sais que, traditionnellement, la terre est propriété commune, mais la propriété de sa propre terre offre des possibilités économiques.
M. Charleyboy : Il y a beaucoup de possibilités économiques pour les particuliers qui sont propriétaires de leur propre terre. J'ai moi-même réfléchi à la question et si j'étais propriétaire de ma propre terre, j'en ferais quelque chose. Je veux dire, j'en tirerais de quoi assurer ma subsistance. Tout dépendrait de la superficie de la terre. Chaque membre de la bande pourrait faire la même chose. La terre est immense là-bas. L'histoire des nations Chilcotin remonte à la guerre de Chilcotin de 1864.
Je l'ai dit et répété maintes fois au gouvernement : « Il n'y a que trois façons de perdre sa terre : en la vendant, en la donnant ou en la perdant dans une bataille. Nous n'avons connu aucune des trois. » Nous avons fait la guerre à l'homme blanc en 1864 et notre chef de guerre a été capturé par la ruse. Cinq d'entre eux ont été pendus le 26 octobre 1864 à Quesnel par le juge Begbie, après un procès sommaire. Cinq guerriers pendus et enterrés là-haut. Depuis ce jour, le 26 octobre est devenu le Klatsassin Memorial Day, une journée consacrée au souvenir pour notre nation. Klatsassin était notre chef de guerre. Ses derniers mots avant d'être pendu ont été : « Nous avons fait la guerre, pas commis des assassinats. » Ils ont été maltraités. Les bâtisseurs de la route ont maltraité notre peuple.
Un autre danger nous guettait : une épidémie de variole. La variole a presque anéanti notre nation en 1862. L'homme blanc troquait des couvertures contaminées, des couvertures de la baie d'Hudson. Les deux tiers de notre population ont contracté la variole. À mes yeux, c'était une guerre bactériologique, on essayait de nous liquider.
Ils ont essayé de construire une route depuis la baie Bute vers l'intérieur pendant la ruée vers l'or. Mon arrière- arrière-grand-père était guide et porteur pour Alfred Waddington. Je veux dire, nous avons fait du chemin depuis le temps de mes ancêtres.
Je dois à mon grand-père une bonne partie de ma connaissance de l'histoire. J'aurais aimé avoir un magnétophone à l'époque, quand mon père racontait des histoires au sujet de la guerre de Chilcotin et comment ils ont guerroyé aux côtés d'autres nations. Nous avons notre propre histoire et nous n'avons pas perdu notre terre par suite d'une guerre.
Le sénateur Dyck : Je suis très heureuse de votre présence parmi nous aujourd'hui, chef, et d'entendre vos sages propos de chef et l'histoire orale. J'ai été frappée par vos commentaires sur l'épidémie de variole. Des articles à ce sujet ont été publiés dans le journal en Saskatchewan et, selon les historiens, il n'existe aucune preuve écrite attestant de cet événement. Je souhaite que vous écriviez à ces historiens pour leur raconter ce qui s'est passé tel que le raconte l'histoire orale, parce qu'ils en contestent la véracité. Cela revient à ce que vous disiez, à savoir que l'histoire des Premières nations n'a pas été consignée de la même manière que celle de l'homme blanc, si bien qu'une bonne partie de notre histoire est perdue. Je trouve très important que cette histoire soit mise au jour et je suis heureuse que vous l'ayez fait dans votre témoignage devant nous aujourd'hui.
Le président : Je pense que les commentaires des membres du comité, les sénateurs, expriment avec éloquence à quel point nous apprécions votre présence parmi nous et la façon dont vous avez fait ressortir plusieurs éléments d'information concernant la Loi sur les Indiens et le processus électoral. Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur?
M. Charleyboy : Non, j'ai terminé.
(La séance est levée.)