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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 16 - Témoignages - séance de l'après-midi


WILLIAMS LAKE, Colombie-Britannique,
le mercredi 30 septembre 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 13 h 15, pour faire une étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers sénateurs et membres du public qui sont ici, pour ceux qui viennent seulement d'arriver, nous sommes le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. J'ai à ma gauche le sénateur Campbell, de la ville de Vancouver, dont il a déjà été le maire. À côté de lui se trouve le sénateur Dyck de la Saskatchewan, et après le sénateur Dyck, c'est le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique.

Le comité a décidé de faire une étude de la question des dispositions électorales de la Loi sur les Indiens, en partie à cause des préoccupations qu'ont exprimées les Premières nations relativement à l'obligation qu'impose la Loi sur les Indiens de tenir des élections tous les deux ans. Ce que nous étudions, c'est la possibilité de prolonger le mandat, de l'établissement d'un calendrier d'élections à date fixe et de mécanismes possibles de destitution si le mandat devait être prolongé.

Nous sommes allés au Manitoba, et nous voilà maintenant ici. Outre ce qui est prévu au programme, chers collègues, nous ajoutons M. Bruce Mack, un administrateur à la retraite du conseil tribal Northern Shuswap. Il est ici pour nous faire part de son expérience de travail avec les Premières nations au fil des années.

Monsieur Mack, nous vous souhaitons la bienvenue et si vous avez une brève présentation à faire, je suis sûr que les sénateurs auront des questions à vous poser ensuite.

Bruce Mack, à titre personnel : Je vous remercie. Tout d'abord, monsieur le président, je vous fais mes excuses pour être venu ici sans m'être préparé. Je suis à la retraite depuis six ans, alors je ne suis plus autant au courant de ce qui se passe. Je suis rentré chez moi l'autre jour à peine et j'y ai trouvé un message me disant que vous seriez ici aujourd'hui, et je tenais à vous accueillir. Je vous souhaite la bienvenue à Williams Lake.

En fait, je suis simplement venu voir ce qui se passe, mais j'aimerais faire deux ou trois commentaires sur certains des enjeux dont vous avez discuté, et je répondrai avec grand plaisir aux questions que vous pourrez avoir à me poser.

Pratiquement toutes les questions que vous abordez sont de celles dont nous traitons et débattons depuis 20 ou 30 ans. Bien des choses n'ont pas changé. Vous étudiez la possibilité de modifier la Loi sur les Indiens, on le sait, et de quelle manière, et je le répète, c'est un sujet qui revient souvent sur le tapis. À mon propre avis, que partagent bien des gens, il est quasiment impossible de modifier la Loi sur les Indiens. Il y a tellement de diversité. Il y a dans tout le pays 600 Premières nations, dont 200 en Colombie-Britannique. Elles sont toutes différentes, et chacune est en quête de quelque chose de différent.

La Loi sur les Indiens pose nombre de problèmes de taille, qu'il faut vraiment régler. En même temps, cependant, elle offre certaines protections et présente des avantages, que l'on craint vraiment de perdre.

Il est à mon avis irréaliste de penser qu'il est possible d'atteindre un consensus sur le type de changements qui pourraient être valables ou acceptables. Je vous encourage vivement à aller de l'avant avec votre démarche et à accélérer le processus déjà amorcé, qui consiste à permettre, dans diverses situations, la possibilité d'exercer l'option de refus. C'est ce qui arrive, manifestement, avec les codes électoraux et à ce que je comprends, quelque chose de l'ordre de deux tiers des Premières nations du Canada ont maintenant leurs propres codes électoraux. C'est un fait qui, il me semble, a rapidement d'importantes répercussions, et comme vous l'avez entendu aujourd'hui, ces bandes qui ont leur code en sont heureuses, donc ce n'est pas normatif. Des préoccupations sont exprimées, les approches varient, et je vous encouragerais à éviter toute démarche normative.

La présentation de Theresa Hood était excellente. Le concept de conseillers familiaux a suscité l'intérêt de bien des bandes, et l'élaboration de codes, et j'ai travaillé avec une demi-douzaine de bandes à élaborer leur code électoral. Quand cette question a été soulevée, ou quand n'importe quelle question est soulevée, nous faisons une espèce d'analyse des pour et des contre, et le concept des conseillers familiaux présente bien des avantages.

D'un autre côté, comme je l'ai déjà dit, de profondes préoccupations sont exprimées. Si je voulais être élu, ou avoir le soutien du clan Mack aux élections, je promettrais une maison à la tante, et de trouver de l'emploi pour tous les Mack, et cetera.

Je pense que ce que souhaitent la plupart des conseils et des collectivités, ce sont des gens qui pensent à toute la collectivité. Sans exception, quand on aborde le sujet en ces termes, chaque communauté dit « Seigneur! Nous n'y avions pas pensé ». Il y a déjà, dans la plupart des collectivités, suffisamment de problèmes ou de préoccupations en ce qui concerne l'accent sur la famille, et ce qu'on veut, ce sont des conseils qui peuvent représenter la collectivité et agir dans l'intérêt de l'ensemble de la collectivité.

Ce n'est pas pour rabaisser d'aucune façon l'importance du rôle des familles. Certaines bandes ont d'ailleurs mis sur pied des conseils familiaux parallèles qui agissent à titre consultatif auprès de leurs conseillers élus. Lors des réunions de bande, les membres sont sans cesse encouragés à partager l'information, à la transmettre à leur famille, pour que la famille puisse devenir la courroie de transmission de l'information, et on pousse le personnel et les conseillers à partager l'information par l'intermédiaire de leur famille.

C'est un peu la même chose si on veut que la prise de décisions soit axée sur la famille — et le sénateur Campbell a peut-être ses idées là-dessus. Je siège à la commission scolaire ici, qui fonctionne comme un système de quartiers. Pour qu'une commission scolaire puisse fonctionner, avec ce système, il est important que tous les commissaires aient une vision d'ensemble de la circonscription, plutôt que de penser « Je vais appuyer une école ici, ou un programme là si j'obtiens un programme dans ma collectivité ». Il ne peut en être ainsi si on veut être efficaces. Je suis sûr, par exemple, qu'à Vancouver les conseillers proviennent de secteurs particuliers et représentent leur propre quartier, mais ce n'est pas le cas ici. Ce n'est pas un système de quartiers. À mon avis, c'est une bonne chose. Je pense qu'un système de ce genre serait beaucoup plus problématique.

Ce que je dis, c'est qu'il faut avoir ce qui fonctionne pour la collectivité particulière, et si une collectivité choisit le système familial, tant mieux; c'est son choix, mais il est important qu'elle réfléchisse à ce qui fonctionnera pour elle. Je pense qu'il ne serait pas approprié d'envisager de modifier la Loi sur les Indiens et de dire « C'est ainsi que ce doit être », parce qu'il n'y a pas, dans ce cas, de taille universelle. Les traditions d'une Première nation à l'autre, même au sein de la Colombie-Britannique et certainement d'un bout à l'autre du pays, sont très diversifiées, et doivent être respectées.

Le processus de droit de refus, qui permet aux collectivités de concevoir leurs propres processus de gouvernance, de gestion du territoire et d'autres choses est préférable, je pense, et de loin. Certaines collectivités rongent déjà leur frein et piaffent d'impatience de faire les changements, de concevoir leurs propres structures, et elles devraient être autorisées et encouragées, soutenues dans cette démarche. D'autres ne se sentent pas encore prêtes, je suppose, et entre-temps, si l'autre choix, ce sont les dispositions de la Loi sur les Indiens et qu'elles peuvent s'en contenter, c'est bien. Je pense qu'il ne serait pas approprié d'imposer un changement et ce ne serait probablement même pas faisable, et je crois que c'est ce qui a fait échouer les tentatives antérieures pour modifier la Loi sur les Indiens. On n'a pas su atteindre aucune forme d'unanimité.

C'est en fait le commentaire le plus important et le plus général que je voulais faire. Dans l'ensemble, comme je le disais, le processus de code électoral coutumier semble fonctionner raisonnablement bien. Comme je le disais, j'ai connu plusieurs élections avec des bandes qui avaient leur propre code coutumier. Certaines datent déjà de longtemps. Elles ont leur propre code coutumier depuis des décennies, et certains des codes originaux présentent de très graves problèmes, notamment en ce qui concerne les processus de modification, et personne n'est tout à fait sûr de ce que dit vraiment le code, maintenant. Ce sont des questions de ce genre : Est-ce que la composition du conseil peut changer sur un coup de tête? Peut-elle être modifiée lors des réunions de bande, ou faut-il consulter tous les membres de la bande et passer par un processus formel, et cetera? Il y a beaucoup de choses à changer dans certains des plus anciens codes, mais les bandes elles-mêmes le reconnaissent et agissent : nous voulons changer ceci, il faut resserrer cela, nous devons clarifier cette autre chose.

Je ne pense pas qu'il soit vraiment nécessaire d'intervenir, de légiférer ou de prendre la direction de ces choses. Les codes les plus récents, en général, sont assez bien formulés. On se préoccupe beaucoup des retards, comme vous l'a dit le chef Charleyboy. Vous ne sembliez pas penser que c'était un retard, mais il est certain que toute l'affaire prend beaucoup plus de temps qu'avant. Leurs élections doivent avoir lieu en janvier. Ils ont eu un vote de ratification au début de juillet et ils s'attendaient certainement à ce que ce soit approuvé. Les versions antérieures avaient été approuvées, alors ce n'est en fait qu'une formalité, une fois passé le vote de ratification, parce qu'AINC a déjà donné son aval. Le fait est qu'ils sont vraiment déçus que les prochaines élections ne puissent être menées sous le régime du code coutumier, mais devront respecter les dispositions du règlement afférent à la Loi sur les Indiens. Il semble que ce soit attribuable à certains changements, des décisions de tribunaux, et en particulier la décision Gull Bay. Ottawa est submergé d'appels, alors tout le personnel s'efforce d'y répondre et n'a pas eu le temps de s'occuper des nouveaux codes et de les promulguer.

Ce genre de délais a suscité quelques frustrations, mais ce n'est probablement pas un énorme problème sur un horizon à long terme. Comme je l'ai dit, c'est décevant maintenant, mais ce n'est pas un énorme problème.

L'autre chose que les bandes savent qu'il serait utile de régler, c'est qu'elles sont frustrées quand certaines choses qu'elles souhaitent ne reçoivent pas l'approbation d'AINC. Je leur rappelle seulement qu'une fois la première version approuvée, il est possible de faire n'importe quels changements par la suite. Une fois le premier code approuvé par l'AINC, et il y a des choses absurdes sur lesquelles le ministre insiste ou qu'il ne permet pas, et cetera, les bandes peuvent alors apporter des changements qu'elles veulent dans la mesure où elles suivent le processus qu'a établi l'AINC, qui exige généralement une espèce de référendum auprès de tous les membres de la bande.

Dans l'ensemble, les processus, je pense, sont raisonnables et légitimes et semblent très bien acceptés. Je ne crois pas qu'il soit tellement nécessaire de faire toutes sortes de retouches. Comme je le disais, le règlement afférent à la Loi sur les Indiens pose de gros problèmes, mais il y a moyen de composer avec eux et je ne crois pas que vous allez beaucoup vous amuser à essayer de trouver une solution générale qui répondra aux besoins de tout le monde.

Je crois, pour passer à un autre niveau, et vous y avez déjà fait allusion, qu'un problème beaucoup plus vaste consiste à régler les questions relatives aux traités de règlement des revendications territoriales, et seulement les plus générales, si on peut encourager le gouvernement à voir dans les traités une solution essentielle à une quantité de préoccupations et de problèmes, pas seulement en ce qui concerne les Premières nations, mais aussi le reste de la population. La raison pour laquelle la Colombie-Britannique a entamé le processus des traités, c'est qu'elle était dirigée par un gouvernement plutôt conservateur à l'époque, mais qui en a reconnu la nécessité, en fait après avoir chargé Price Waterhouse de faire une étude des coûts ou des revendications territoriales non réglées en Colombie-Britannique. C'était de l'ordre de 2 milliards de dollars par année d'investissements perdus, et ce n'est pas un chiffre tiré d'un chapeau. Des projets particuliers ont été nommés. Ne vous fiez pas aux noms et aux chiffres que je donne, mais Mitsubishi a en suspens un projet d'usine de 800 millions de dollars à cause de l'incertitude qui entoure les titres fonciers. Canfor n'ouvrira pas sa scierie usine parce qu'ils ne sont pas sûrs de pouvoir obtenir le bois, et il y en a bien d'autres.

Il y a les coûts de ce genre, mais je pense que le plus grand problème, c'est qu'en tant que gouvernement et même que société, nous sommes portés à considérer le règlement des traités comme un coût, et je pense que c'est un point de vue des plus absurdes. Ce n'est pas un coût. Le transfert des terres et des ressources à une Première nation n'est pas un coût. C'est un transfert interne. Cela revient à faire passer 10 $ de ma poche gauche à ma poche droite. Les Premières nations vont exploiter ces ressources, que ce soient des règlements en espèces, en terres ou en ressources, pour investir dans leur province, dans le pays, dans la région. Ce n'est pas un coût. C'est un investissement dans notre avenir. Je pense que tant que nous n'aurons pas changé cette mentalité fondamentale, les gouvernements seront toujours réticents à, selon leur perspective, dépenser de telles sommes. Il lui est facile de faire appel au public, et je pense que le public a été lent à offrir son soutien, en partie à cause de ce concept de coût du règlement.

J'estime important de nous rappeler les commentaires du maire de Terrace. J'ai oublié son nom, mais c'était l'un des principaux opposants au Traité Nisga'a. De fait, il a dirigé la bataille juridique contre l'adoption du Traité Nisga'a. Deux ans plus tard, il a publiquement déclaré que le Traité Nisga'a était ce qui était arrivé de mieux au Nord-Ouest de la Colombie-Britannique.

Nous avions cerné beaucoup de préoccupations — et c'est une région assez conservatrice, comme vous le savez peut- être, il y avait beaucoup d'opposition aux traités — mais cela a beaucoup changé. Les entreprises collaborent avec les Premières nations. Elles établissent des partenariats efficaces. Il n'y a plus cette appréhension devant l'incertitude qui régnait il y a une dizaine d'années, mais, en dépit de tout cela, le gouvernement provincial tout autant que le gouvernement fédéral semblent vraiment traîner de la patte en ce qui concerne l'ensemble du processus.

Comme je le disais, j'ai participé, en qualité de représentant du conseil tribal, lors du sommet des Premières nations, à l'élaboration du processus du traité de la Colombie-Britannique. C'était un excellent processus, mais avant que l'encre ait même eu le temps de sécher, le Canada et la Colombie-Britannique revenaient sur les engagements qu'ils avaient pris. Ces engagements n'ont jamais été honorés. Par conséquent, un processus qui aurait pu se réaliser en quelques années n'a pas été achevé. Nous plaisantions un peu, à l'heure du déjeuner, au sujet du règlement en quelques minutes d'une revendication territoriale. Ce n'est pas sorcier. Une grande partie des éléments essentiels sont déjà là. Nous parlons de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale. La possibilité est là, mais on ne la saisit pas à cause de l'intransigeance du Canada et de la Colombie-Britannique et de leur insistance à vouloir une approche à l'emporte-pièce, de leur crainte de créer un précédent, à penser « Eh bien, si nous vous donnons cela, tout le monde le voudra aussi », voyez-vous, et « Nous ne pouvons pas faire ceci ici, parce que nous ne pourrions pas le faire là ». Les principes fondamentaux de la Commission d'étude des traités étaient que chaque table était unique. Cela n'a jamais été honoré. Tout le concept de ce qu'on appelait à l'origine les « mesures provisoires », maintenant appelées les « mesures relatives aux traités » consistait à faire en sorte que nous puissions nous approcher progressivement d'un traité. Il n'en a plus été question quelques semaines après la signature de l'entente.

Tout ce que vous pouvez faire en tant qu'organisation, que comité, pour encourager les gouvernements fédéral et provincial à honorer les engagements qu'ils ont pris lors de l'établissement du processus de traité et recommencer à faire des progrès plutôt que d'enrichir les avocats serait, probablement, ce que vous pourriez faire de plus important.

C'est tout ce que j'ai à dire.

Le président : Vous remettez un peu en question le processus héréditaire dont a parlé ce matin Theresa Wood, qui permettrait aux familles d'en choisir deux, et le processus électoral. Le système héréditaire des Gitxsan Wet'suwet'en, surtout les Gitxsan, là-bas à Hazelton, est fonction d'un système de maisons ou de wilps, que je suis sûr vous connaissez.

M. Mack : Oui.

Le président : On dit que cela fonctionne extrêmement bien. Croyez-vous que nous, qui ne faisons pas partie d'une Première nation et ne sommes pas habitués au système collectif, pouvons pleinement comprendre les complexités de ce système et la possibilité de devoir y recourir?

M. Mack : Tout d'abord, je crois qu'il existe une distinction entre le système héréditaire et le système fondé sur la famille. Ils peuvent comporter des éléments communs, mais selon moi, ils sont différents. J'ai fait quelques ateliers avec les Gitxsan, qui ont un système parallèle. Ils ont un système de commission gouvernementale, c'est-à-dire des chefs et des conseils de bande élus, qui s'occupent du volet services gouvernementaux des fonctions, et un système traditionnel de conseils tribaux, fondé sur leur principe de chefferie héréditaire, qui s'occupe des enjeux politiques, notamment les questions des terres et des titres. Pour eux, ce système fonctionne bien.

Je ne m'oppose pas du tout à cela, mais plutôt à l'imposition d'un modèle précis. Ils ont déjà un système héréditaire traditionnel très solide et fonctionnel en vigueur depuis toujours. Ils continuent à l'utiliser parce qu'il est efficace; personne ne devrait leur dire qu'ils ne peuvent pas l'utiliser. En fait, la Loi sur les Indiens et ses règlements d'application ont tenté de l'affaiblir. Malgré cela, les Gitxsan ont pu conserver leur système jusqu'ici, et cela ne devrait pas changer. C'est un système solide et sain. Toutefois, imposer ce système à d'autres communautés serait tout aussi inapproprié que de dire qu'elles ne peuvent pas faire ce qui fonctionne bien pour elles. C'est tout.

Le système héréditaire n'est pas le même partout dans cette région. Les Premières nations, surtout celles qui vivaient dans la vallée de la rivière Chilcotin, étaient semi-nomades. Comme leurs communautés étaient différentes de celles qui existaient sur la côte, le long des principales rivières et dans les régions des Gitxsan Wet'suwet'en, les traditions sont très différentes. C'est pourquoi je suis en faveur d'un processus qui permettrait aux Premières nations d'adopter, d'élaborer et de conserver les mesures qui fonctionnent bien pour elles.

Le sénateur Dyck : Comme l'a indiqué le président, je suis de la Saskatchewan et évidemment, notre histoire là-bas est très différente de celle d'ici, parce que nous avons été partie à tous les traités numérotés. Je comprends tout à fait que les gens parlent de modifier la Loi sur les Indiens depuis des décennies et que cela ne semble mener à rien, mais je crois que les traités modernes sont avantageux pour les Premières nations de la Colombie-Britannique. Dès qu'un traité est conclu, la Première nation peut se soustraire à l'application de la Loi sur les Indiens. Je crois que ce que vous dites, c'est que nous devrions essayer d'accélérer le processus afin que les traités modernes soient conclus, négociés et finalisés plus rapidement qu'ils ne le sont actuellement, n'est-ce pas?

M. Mack : Exactement.

Le sénateur Dyck : En ce qui a trait aux élections, d'après votre expérience en tant qu'administrateur de bande autochtone, les élections qui se déroulaient en vertu de la Loi sur les Indiens étaient-elles réussies? Fonctionnaient-elles bien? Une période de deux ans était-elle appropriée?

M. Mack : Non. Presque toutes les bandes qui ont un code électoral coutumier abandonnent le mandat de deux ans. Le principal problème, c'est que cette période n'est pas assez longue pour qu'une personne se familiarise avec les rouages et avec ses responsabilités de conseiller, pour qu'elle fasse des projets et entreprenne au moins quelque chose. Le mandat de deux ans ne suffit pas. Il y a des pour et des contre à toute solution et à tout système, mais un mandat court a ses inconvénients. Toutefois, il a l'avantage de créer l'obligation fréquente de rendre des comptes.

Je dirais que l'on s'inquiète. Certaines bandes ont des mandats de cinq ans, mais si le conseil fait fausse route, on est pris avec ce conseil pendant cinq ans. Quatre des bandes ayant un code électoral coutumier dans cette région ont choisi d'opter pour un mandat échelonné de quatre ans; le chef Charleyboy en a parlé. C'est le système que sa communauté a choisi. Il s'agit d'un mandat de quatre ans, mais la moitié des membres du conseil doivent être élus tous les deux ans; c'est donc le meilleur des deux mondes. Cela permet d'assurer une certaine continuité. Le conseil n'est jamais complètement formé de novices, mais il y a tout de même des élections tous les deux ans. Ainsi, si le conseil fait fausse route, on peut remplacer des membres et peut-être revenir dans la direction que souhaite la communauté.

Encore une fois, il n'y a pas d'approche unique, et je crois qu'il est essentiel de proposer diverses options et de laisser la communauté en discuter et choisir ce qui fonctionne bien pour elle.

Le président : La jeune femme assise à ma droite, ici, aimerait que je vous pose une question, monsieur. J'aimerais que vous nous disiez si vous avez des inquiétudes au sujet de la politique actuelle du ministère sur la conversion à un système électoral communautaire pour les Premières nations qui souhaitent retourner au régime coutumier. À votre avis, comment peut-on rendre le processus plus accessible et plus efficace?

M. Mack : En toute franchise, au cours des 30 dernières années, j'ai été et je continue d'être très critique à l'égard de beaucoup de choses que fait le ministère. Toutefois, selon moi, il s'agit d'un processus qui fonctionne assez bien. Nous avons la chance de pouvoir compter sur une personne à Vancouver pour s'occuper du régime électoral coutumier, elle est très serviable et compétente. J'irais même jusqu'à dire qu'elle est exceptionnelle. Jusqu'à il y a un peu plus d'un an, nous avions également quelqu'un de très compétent et efficace à Ottawa. Nous discutions justement plus tôt du roulement continu de personnel au MAINC; je ne sais pas où cette personne est rendue, mais elle n'occupe plus ce poste.

Ce n'est peut-être pas toujours le cas, mais je pense que le processus lui-même, c'est-à-dire le financement, est adéquat; il est d'environ 12 000 $ par communauté. Une bonne proportion de ces fonds, soit plus de la moitié, devrait revenir à la bande. Tout dépend de la durée du processus, mais je ne m'attends pas à ce qu'un consultant demande plus de quelques milliers de dollars pour le processus. Ce ne devrait pas être davantage. Il y a suffisamment de bons modèles que les bandes sont prêtes à partager; nul besoin de réinventer la roue. Il s'agit simplement de faciliter les discussions.

Comme je l'ai dit, je crois que les bandes sont contrariées parce que le MAINC dit : « Vous ne pouvez pas faire ça » et que son raisonnement n'est pas toujours logique. Ce que je dis généralement, c'est que cela n'en vaut pas la peine. Nous pourrions argumenter durant dix ans, rien ne changera. Adoptons cette mesure, faisons un référendum à la prochaine élection et effectuons les changements que nous souhaitons.

Je ne crois pas que ce soit trop restrictif. Les communautés avec lesquelles j'ai travaillé qui ont élaboré leur code électoral coutumier semblent très satisfaites du processus et des résultats, alors je ne crois pas qu'il y ait de grave problème.

Le président : Nous avons pourtant entendu dire que certaines demandes de code électoral coutumier attendent des années au ministère. Je ne mets pas en doute ce que vous dites. Je dis seulement que d'après l'information que nous recevons, il y a un délai anormal; c'est bien d'entendre que vous avez vécu de bonnes expériences, mais vous êtes l'une des rares personnes à venir nous en parler.

M. Mack : Je crois que vous devriez vous renseigner sur ce qui a été soumis à partir de 1993, parce qu'il y a beaucoup de codes en vigueur. J'ai supervisé les élections pour des bandes dans la province qui ont des codes coutumiers depuis plus de 20 ans; avec le nouveau processus, il y a quelques années, il fallait environ trois ou quatre mois pour obtenir une approbation. Pour le dernier code, il a fallu 11 mois à partir du scrutin de ratification de la bande jusqu'à l'arrêté ministériel.

En ce qui a trait au code auquel le chef Charleyboy a fait référence, le scrutin de ratification a eu lieu la première semaine de juillet. Nous espérions qu'il serait ratifié avant aujourd'hui. Il semble qu'il ne le sera pas à temps pour l'élection de janvier. Je ne sais pas quels sont les autres délais. Je ne peux pas me prononcer.

Le président : Compte tenu des chiffres qui ont circulé à l'heure du lunch, vous avez indiqué que vous ne profitiez assurément pas de 12 000 $ à titre de président d'élection. D'après votre expérience, si une commission électorale et des postes d'agents électoraux étaient créés afin que les Premières nations puissent utiliser ces ressources, est-ce que cela fonctionnerait? Je pense à votre expression « il n'y a pas de solution unique ». Le fait est que s'il en coûte 12 000 $ pour que quelqu'un vienne une journée ou deux, c'est très cher, peu importe d'où vient cette personne. Beaucoup de bandes ne peuvent pas se le permettre et quand elles le peuvent, elles doivent puiser dans les ressources de la bande. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Mack : Je crois qu'il nous serait utile d'avoir notre propre organisation. Nous en avons eu une durant une brève période. Elle a existé durant deux, peut-être trois ans, tout au plus. Il s'agissait d'une association des présidents d'élections des Premières nations, qui a été financée par le MAINC durant environ deux ans. Comme elle offrait de la formation, une grande partie de son financement servait à payer les contrats pour la formation du personnel électoral. Elle a établi des lignes directrices. Selon moi, les échelles de coûts fournies étaient très élevées. Encore une fois, je ne peux pas parler de cas précis. Cela me frappe, vous savez, car 12 000 $, c'est énorme.

Certaines bandes sont très étendues, surtout celles situées sur la côte. Un président d'élection m'a dit qu'il amène là- bas une équipe de cinq présidents du scrutin. Je crois qu'ils partent de l'île, qu'ils vont de l'île de Vancouver à Vancouver, puis qu'ils montent sur la côte nord. Les besoins diffèrent selon les codes. Certaines exigent que le président d'élection assiste non seulement à l'assemblée de mise en candidature, mais également à la présentation des candidats et parfois au vote par anticipation et à l'élection; cela dure souvent beaucoup plus qu'une journée.

J'encourage les bandes à effectuer leurs propres envois postaux. Cela peut exiger beaucoup de temps, surtout pour les grandes bandes, qui peuvent compter 1 500 membres à l'extérieur de la réserve. Je crois qu'il serait utile d'avoir un mécanisme pour aider les présidents d'élection des Premières nations et leur donner la crédibilité qu'ils méritent.

L'un des principaux problèmes liés aux codes électoraux coutumiers, c'est une disposition qui prévoit que le président d'élection doit être quelqu'un de l'extérieur, et j'encourage les bandes à ne pas en inclure. C'est inutile si l'on a quelqu'un sur place. Il peut y avoir beaucoup de pressions, et bien des membres d'une bande ne se sentent pas à l'aise de superviser les élections de leur propre bande, mais il faut que cette option soit du moins envisagée. Nous espérons que dans un avenir rapproché, les bandes accepteront l'idée que cette personne est un président d'élection formé, en qui nous avons confiance et qui a la crédibilité nécessaire pour occuper le poste de président d'élection. On ne devrait pas empêcher les personnes qualifiées de le faire.

Je m'écarte un peu du sujet, mais on propose de tenir des élections à date fixe. À mon avis, cela ne fonctionnerait pas. Il n'y a pas suffisamment de présidents d'élection — vraiment pas — et cela fait partie du problème. Beaucoup de bandes ont formé des présidents d'élection, mais ils ne sont pas autorisés à s'occuper des élections dans leur propre bande ou ne se sentent pas à l'aise de le faire. Il revient donc à une poignée de gens de l'extérieur de le faire, et aucune raison ne le justifie.

Le président : Ce que vous dites, c'est que si la Commission des traités de la Colombie-Britannique accélérait le processus et était en mesure de fonctionner comme il se doit, avec l'appui des gouvernements fédéral et provincial, nous aurions des traités modernes avec des constitutions et des processus électoraux adéquats?

M. Mack : Nous en avons beaucoup. La majorité des bandes sont prêtes. Certaines ne le sont pas, mais celles qui le sont devraient pouvoir aller de l'avant, oui.

Le sénateur Raine : Étant donné votre vaste expérience, pourriez-vous nous donner des exemples de bandes qui ont dû retirer ou destituer des dirigeants ou dans lesquelles les élections ont été contestées?

M. Mack : Je n'ai jamais eu à m'occuper de contestations. On m'a déjà demandé de me rendre dans une bande sur la côte qui avait son propre code électoral coutumier. L'un des avantages, avec les codes coutumiers — quoique dans certains cas, ce peut être aussi un inconvénient —, c'est que le ministère des Affaires indiennes semble considérer que cela ne le regarde pas. Il nous dit que c'est à nous de régler la situation.

Dans un cas en particulier, un comité d'appel a rendu une décision, puis on l'a dissous. Or, quelques membres de ce comité estimaient que cette décision leur avait été imposée; ils étaient pris dans un dilemme et ils se demandaient quoi faire, à savoir s'ils devaient maintenir l'appel, le rejeter ou je ne sais quoi. C'était un peu le chaos, et on m'a demandé d'aller les aider. Nous avons tenu une réunion de bande jusqu'à minuit. Je leur ai dit : « Je n'ai pas de pouvoir. On m'a demandé d'essayer de vous aider à régler le problème, mais le comité d'appel a été dissous. Puisque le ministère des Affaires indiennes ne veut pas s'en occuper, soit nous réglons cela maintenant, ensemble, soit vous devrez le faire devant les tribunaux avec des avocats. » Nous avons examiné les faits, et je leur ai recommandé, d'après la preuve et l'interprétation que j'en ai faite, de confirmer l'appel et de tenir une nouvelle élection, ce qu'ils ont finalement décidé de faire.

C'est le seul cas que j'ai eu à traiter. Les gens peuvent contester n'importe quoi. Une personne m'a déjà appelé quelques jours après l'élection pour me dire : « Je veux contester l'élection, car il y a eu corruption. »

« Comment y a-t-il eu corruption? »

« La maison de mon père a été réparée un mois avant les élections. »

« Depuis combien de temps attendait-il qu'elle soit réparée? »

« Depuis des années. »

« Pourquoi croyez-vous qu'il s'agit de corruption? »

« C'était juste avant les élections. »

Je ne sais pas quoi dire. Le processus électoral auquel j'ai participé, les présidents d'élection avec qui j'ai travaillé et les présidents du scrutin de la communauté ont tous fait, à mon avis, de l'excellent travail. Toutes sortes de problèmes se sont posés lors de l'élection dont je me suis occupé récemment sur la côte nord. Il y a eu beaucoup de contestations et toutes sortes d'allégations de corruption. Le personnel électoral de la bande y était directement lié; c'est tout simplement une question de confiance. L'urne électorale a-t-elle été remplie de faux bulletins de vote? Nous prenons des mesures pour que ce soit impossible. Voici les registres des urnes, des personnes qui ont voté, et les registres sont ouverts. Je crois que lorsque le processus est ouvert, il est facile d'inspirer la confiance.

Le cynisme au sein des Premières nations ne diffère en rien de celui que l'on constate ailleurs. Je crois qu'en général, on donne injustement aux politiciens une image très négative. Je soutiens, parce que j'y crois fermement, que la plupart des dirigeants des Premières nations sont, de bien des façons, les dirigeants les plus solides au pays. J'avais aussi l'habitude d'affirmer, avant, — et pour les mêmes raisons — que bon nombre de nos meilleurs dirigeants au Canada viennent du Québec, puisqu'il y a une génération, peu d'options s'offraient à ces gens; ils devenaient politiciens ou prêtres. En ce qui a trait aux Premières nations, elles n'ont pas la même gamme de possibilités; dans l'ensemble, ce sont très souvent les meilleures personnes qui aspirent aux postes de dirigeants.

Le président : Merci, monsieur Mack.

M. Mack : Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole.

J'espère que nous pourrons profiter à nouveau de votre expertise à l'avenir.

M. Mack : N'hésitez pas à me contacter.

Le président : Mesdames et messieurs, une séance ouverte au public est prévue à 15 h 30. Je propose qu'à l'avenir, nous la tenions au début de la séance de l'après-midi et que nous entendions les témoins ensuite; nous disposerons ainsi d'une plus grande souplesse. Quand nous nous rendons dans des communautés à l'extérieur des régions métropolitaines, bien des choses inattendues peuvent retarder les témoins ou les empêcher d'assister à la séance. Les réunions seraient ainsi mieux structurées.

Y a-t-il des commentaires? Acceptez-vous cette suggestion, sénateur Raine?

Le sénateur Raine : Oui.

Le président : Pour ce voyage-ci, nous ne pouvons pas faire de changements, mais à l'avenir, je recommande que nous procédions de cette façon.

Chers collègues, nous allons maintenant accueillir un autre témoin : Cary Morin, de la Première nation Alexandria.

Monsieur Morin, permettez-moi de vous présenter le sénateur Campbell, ancien maire de Vancouver, le sénateur Lillian Dyck, de la Saskatchewan, et le sénateur Nancy Greene Raine, de la région de Kamloops, en Colombie- Britannique. Je suis Gerry St. Germain, sénateur de la Colombie-Britannique et président de ce comité.

Nous avons entrepris d'examiner le régime électoral de la Loi sur les Indiens, en partie parce que les Premières nations ont dit craindre que l'obligation de tenir des élections tous les deux ans comme prévu dans la Loi sur les Indiens pose problème. Il y a trois éléments à examiner. On nous a demandé de réfléchir à la possibilité de prolonger la durée du mandat des chefs et des conseillers, qui est actuellement de deux ans dans la loi; d'envisager et peut-être de formuler des recommandations sur la tenue d'élections à date fixe pour toutes les Premières nations, un peu comme les élections nationales au pays; et d'examiner un mécanisme de destitution possible, au cas où un mandat aurait été prolongé pour des raisons de responsabilité ou d'autres raisons.

C'est là où nous en sommes. Si vous souhaitez faire un exposé, nous vous demandons de vous en tenir à 15 minutes afin que les sénateurs puissent vous poser des questions. La parole est à vous, monsieur.

Cary Morin, gestionnaire de bande, Première nation Alexandria : Je tiens à préciser que mon exposé va porter sur la prolongation du mandat jusqu'à quatre ans et sur la tenue d'élections à date fixe. Ce sont les deux points que je vais aborder.

Le président : Pourriez-vous nous dire d'où vous venez et quelle organisation vous représentez, monsieur?

M. Morin : Certainement. Je suis membre de la bande de Canoe Creek. Mon père vient du peuple métis de Meadow Lake, en Saskatchewan. Je suis également gérant de la bande Alexandria, de la bande Chilcotin ou Tl'etinqox, qui est située juste de l'autre côté de la rivière, au sud-ouest de Quesnel et à mi-chemin entre Quesnel et Williams Lake. J'occupe ce poste depuis trois mois.

Auparavant, j'étais consultant pour le ministère des Enfants et de la Famille et la B.C. Association of Aboriginal Friendship Centres. Avant cela, je travaillais ici, à Williams Lake, entre autres en recherche stratégique et en communication pour la société de traité. J'ai travaillé pour quatre bandes et j'ai donc, je suppose, environ quatre années d'expérience de travail au sein des Premières nations depuis que j'ai quitté l'école.

Je vais maintenant vous présenter mon exposé.

Le président : D'accord, comme il vous plaira.

M. Morin : Je n'ai que quelques points. Je les ai notés ce matin. Le temps n'est pas un luxe que les gérants de bandes peuvent habituellement se permettre, alors j'ai gribouillé toutes mes notes au verso d'une confirmation de télécopie.

Je vais vous parler de certains problèmes que pose la Loi sur les Indiens d'après ma propre expérience. Je tiens à préciser que la bande pour laquelle je travaille n'a pas encore de code électoral, mais elle est en train d'en rédiger un. Elle a reçu des fonds de développement institutionnel professionnel afin d'établir des règles d'appartenance et un code électoral, et nous espérons y parvenir avant la prochaine élection de chef et de conseillers, l'année prochaine. En fait, après cette séance, je dois me rendre à une réunion de la communauté sur le code électoral; c'est donc particulièrement bon pour moi de réviser en quelque sorte les politiques que nous allons examiner.

Pour ce qui est de faire passer la durée du mandat de deux à quatre ans, d'après mon expérience, le mandat de deux ans est problématique parce que les élections des chefs et des conseillers des conseils tribaux, des initiatives plus importantes et des grands conseils tribaux qui veulent travailler ensemble sont toutes décalées. Elles n'ont pas toutes lieu en même temps, et les chefs sont différents à chaque mandat. Ce qui arrive, c'est que si l'on veut mener à bien un projet stratégique auquel on a travaillé durant un certain temps, un nouveau chef et de nouveaux conseillers peuvent entrer en scène à tout moment, et s'ils ne partagent pas la même vision, tout tombe à l'eau. Les mandats de courte durée et les diverses élections rendent les choses très difficiles parce que de toute évidence, les programmes des divers chefs et conseillers peuvent différer. D'après mon expérience en matière de traité, il se peut fort bien qu'un chef de bande sur quatre appuie le processus de traité et prépare un plan à l'intérieur de son mandat de deux ans, mais que l'année suivante, trois chefs s'opposent au processus de traité et l'abandonnent, ce qui explique probablement les retards importants dans le processus de traités en Colombie-Britannique, en particulier dans les tribus.

Je ne sais pas si ces points sont tous pertinents, mais je crois qu'il existe toujours un problème en ce qui concerne le processus dans les réserves et hors réserves. On m'a dit de me concentrer sur le code électoral dans son ensemble. Voulez-vous que je m'en tienne aux deux points dont vous venez de parler ou me permettez-vous de m'en éloigner à n'importe quel moment?

Le président : Vous pouvez faire les observations que vous voulez, idéalement sur ces points ou sur d'autres, mais c'est vous qui décidez de ce que vous voulez communiquer aux sénateurs. Il nous reste environ 25 minutes avant de passer à la tribune publique.

M. Morin : Je vais vous parler des petites communautés, où il y a des problèmes de population et de capacité. Je crois que ces communautés seraient en faveur d'un mandat de quatre ans si elles avaient confiance en la capacité de leurs dirigeants de s'occuper des services fondamentaux de la bande. Ce sont principalement les petites communautés qui ne possèdent pas un grand bassin de talents qui ont le moins confiance en un mandat prolongé. Avec l'arrivée des codes électoraux, certaines d'entre elles limitent le nombre de personnes qui peuvent se porter candidates au poste de chef. Bien qu'elles permettent à plus de gens de se porter candidat aux postes de conseillers ou de voter pour les conseillers, selon certains codes électoraux, ce sont uniquement les membres de la bande qui sont autorisés à se porter candidats au poste de chef. Regardons un peu la Loi sur les Indiens. Je pourrais, bien sûr, émettre des hypothèses, mais en fait, je peux mentionner que notre chef n'est pas membre de la bande Alexandria, sauf que sa mère vient de là-bas. Il est membre de la bande Anahim, et si le code électoral était modifié, il ne pourrait pas être candidat à ce poste.

Ce que j'essaie de dire, c'est que si les petites communautés n'ont pas confiance en leur capacité, elles sont à l'aise avec un mandat de deux ans, parce que cela leur donne l'assurance que leur chef et leur conseil ne leur gâchera pas la vie durant quatre ou cinq ans. Là où c'est possible, je dirais qu'il doit y avoir une plus grande responsabilisation durant ces quatre ou cinq ans afin de surveiller ce que font les chefs. Il doit y avoir une forme de surveillance, selon moi. Les membres de la communauté accepteraient probablement plus facilement des mandats de longue durée. Je le sais parce que j'ai travaillé au processus de traité, et nous avions à explorer ces questions. En réalité, c'est une question de pourcentage de sang indien, d'appartenance à la communauté, d'admissibilité et d'inscription, entre autres. Tout cela entre en ligne de compte.

Quant à la tenue d'élections à date fixe, je crois que c'est une excellente idée. Je me rappelle de la dernière fois où un comité sénatorial s'est penché sur cette question, mais je ne sais pas s'il s'agissait du Comité sénatorial des peuples autochtones. Il avait notamment examiné la possibilité que tous les membres d'une bande puissent voter pour élire un grand chef national plus influent. Cela faisait sans doute partie d'une sorte de projet d'autodétermination, à l'époque. Je me rappelle être tombé sur une note à ce propos quand je travaillais au processus des traités. J'ignore si c'est vrai ou non. C'était peut-être sous l'ère Chrétien, en 2003, lorsqu'on étudiait la possibilité de l'autodétermination.

Le président : Il s'agissait peut-être d'un comité de la Chambre des communes.

M. Morin : Oui, probablement. Je pense que l'on y a également abordé la question des élections à date fixe pour tous les chefs. Selon moi, cela comporterait aussi des avantages, comme d'assurer un peu plus d'authenticité et de donner aux Premières nations la possibilité de prendre en charge le processus, compte tenu qu'il y aurait un processus plus vaste en cours.

Bien entendu, nous sommes tous assujettis à la Loi sur les Indiens, et je tiens à préciser que je trouve un peu curieux que dans tous les bureaux de bande où j'ai travaillé, j'ai dû me procurer mon propre exemplaire de la Loi sur les Indiens. Nous sommes censés être régis par la Loi sur les Indiens, mais je n'en vois jamais d'exemplaire nulle part. C'est juste une remarque en passant.

J'ai parlé récemment à ma mère, qui a travaillé environ 30 ans dans le domaine de la gouvernance autochtone, et nous pensions tous les deux qu'il aurait été bien d'avoir un système à deux ou trois partis ou quelque chose du genre dans la réserve, mais ce n'est tout simplement pas le cas. Comme il y a des idéologies opposées, il n'est pas toujours certain que tous les élus seront sur la même longueur d'ondes. Évidemment, le chef est le président, il y a les conseillers ou les membres votants, et il y a toujours un point litigieux. Je ne crois pas que ces mesures vont nécessairement résoudre tous les problèmes liés à la Loi sur les Indiens. Je vous le dis tout de suite.

Il existe beaucoup de problèmes dans les communautés des Premières nations, surtout en Colombie-Britannique; il y a beaucoup de division, beaucoup de choses qui doivent être réglées si nous voulons qu'un jour, il y ait une réconciliation au sein de notre population. Nous allons devoir agir davantage sur un autre plan. La tenue d'élections à date fixe est un pas dans cette direction, et les Premières nations doivent elles aussi voir ces petits progrès. En ce qui concerne les consultations, elles n'aiment pas les gros documents volumineux. Je l'ai constaté quand je travaillais au ministère des Enfants et de la Famille, quand la Loi sur la protection de l'enfance a été rejetée par le conseil des dirigeants. Je l'ai constaté avec la Recognition Reconciliation Act que la Colombie-Britannique a tenté d'adopter. Elles aiment les petits gestes, comme celui-ci, qui permettent de progresser et sur lesquels elles peuvent toutes s'entendre, petit à petit. Pour ce qui est des deux points dont nous discutons, je ne crois pas que beaucoup de Premières nations seraient en désaccord, même si on ne peut pas toujours en être certain. Il s'agit probablement de la bonne approche.

Je crois que j'ai tout résumé. Il y a bien d'autres enjeux, mais ils ne sont pas en rapport avec vos délibérations, alors je n'en parlerai pas.

Le président : Nous pourrions parler de l'élection de chefs de l'extérieur. Au Manitoba, le chef Murray Clearsky de la bande Waywayseecappo, qui est ojibway, était aussi chef de la Birdtail Sioux, une nation sioux. Cette situation est- elle fréquente, selon vous? Y a-t-il beaucoup de chefs qui viennent de l'extérieur?

M. Morin : J'en doute, pas d'après mon expérience. Je suppose que la situation de la Colombie-Britannique est plus complexe que celle du Manitoba. Notre province a été la dernière à être habitée, pratiquement la dernière à faire face à la colonisation sur ce continent, à part peut-être certaines bandes inuites ou du Nord, qui n'ont eu de contact avec l'extérieur que beaucoup plus tard, après 1680. Je n'en serais pas surpris. Toutefois, pour ce qui est des principales provinces et de la basse côte des provinces qui longent la frontière américaine, nous avons été les derniers.

Pour répondre à votre question, cela n'arrive pas fréquemment parce qu'il y a encore une certaine fidélité à la culture de la bande. Je ne crois pas que cette situation soit fréquente dans les tribus. Je suppose qu'il est difficile d'accepter qu'un membre d'une autre Première nation soit chef de votre nation ou d'une bande au sein de votre nation, puisqu'on peut à peine tolérer d'avoir pour chef quelqu'un d'une autre bande..

Le président : Avez-vous dit que vous vous rendiez assister à une réunion après cette séance?

M. Morin : En effet.

Le président : Je n'ai pas compris sur quoi portait la réunion. Est-ce sur les codes coutumiers?

M. Morin : Oui.

Le président : Très bien. Y a-t-il des questions?

Le sénateur Campbell : Il s'agit davantage d'une observation que d'une question.

Même si je n'en avais pas entendu parler avant, je suis d'accord avec vous en ce qui concerne la taille de la communauté et sa capacité. Je ne crois pas que nous en ayons beaucoup entendu parler, mais c'est une question fondamentale pour un groupe qui choisit ses dirigeants. Je suis d'accord avec vous que l'on doit faire tout à fait confiance aux personnes élues lorsqu'on a une petite population, parce qu'on ne veut pas se réveiller un matin et découvrir que l'on a fait une erreur et qu'il faudra attendre cinq ans avant de pouvoir la corriger.

La deuxième chose dont vous avez parlé et à laquelle je n'avais pas vraiment réfléchi, mais au sujet de laquelle je suis d'accord avec vous, c'est l'idée de réaliser de petits progrès, d'avancer pas à pas vers un objectif. J'aimerais vous poser une question. Tenons-nous-en aux élections; je ne vais pas parler de la Loi sur les Indiens. En ce qui concerne les élections, disons que ce n'est pas un trop grand pas que de vouloir passer de l'article 74 de la Loi sur les Indiens à un régime coutumier; ce n'est pas un trop grand pas. Quand vient le temps de l'élaboration, quand on doit faire des choix, cela devient-il problématique parce que c'est tout simplement trop vaste, les enjeux dans les réserves et à l'extérieur des réserves, la durée des mandats? Quelle est la rémunération? Si l'on n'assiste pas à une réunion, que se passe-t-il? Quand vous abordez ces questions, vous sentez-vous dépassés ou procédez-vous simplement au cas par cas jusqu'à ce que vous en arriviez à une résolution?

M. Morin : Je crois que nous allons probablement le découvrir, mais actuellement, certaines des bandes concernées ont inclus dans leur code les dispositions dont vous parlez, qui sont essentiellement des dispositions restrictives de destitution. J'ai lu votre code électoral type en entier et j'en ai trouvé 12.

Le sénateur Campbell : Pouvez-vous nous les énumérer?

M. Morin : Oui. Il y a des dispositions sur les réunions, les rôles et les responsabilités du chef et des conseillers, les qualifications requises pour siéger comme chef et au conseil. On ne dit rien à propos de l'éducation. Pour avoir travaillé avec les bandes, selon moi, c'est compliqué; rien ne garantit que la personne est alphabète, encore moins qu'elle a une bonne compréhension en lecture ou qu'elle est capable de lire. On s'estime chanceux, bien souvent, si la personne est éduquée, parce que la population est peu instruite dans les communautés. Il y a aussi des dispositions portant sur le droit de vote, la destitution d'un chef ou d'un conseiller, le protocole de mise en candidature, le processus de nomination des candidats, le règlement des frais par le chef et les conseillers (pour rembourser leurs coûts) et la résidence du chef et des conseillers.

C'est un énorme problème : qui a ce qu'il faut pour être candidat au poste de chef. Personne de 100 Mile House ne devient maire de Williams Lake. C'est la vieille mentalité, n'est-ce pas? Mais là encore, les autorités de Williams Lake ne font pas de demande de financement pour les gens habitant au 100 Mile House dans leurs tableaux par habitant. C'est un couteau à deux tranchants. Le problème de division entre les Premières nations ne date pas d'hier, et il est évident que celles-ci doivent se réconcilier. Je crois que ce qui fractionne le plus les bandes en ce qui a trait aux codes d'élection, c'est le lieu de résidence du chef élu.

Il est question des mécanismes de votation, et bien sûr, du mandat du chef élu. Le mandat que j'ai évalué a été établi à quatre ans. Soulignons également la procédure d'appel en cas de manœuvre électorale frauduleuse, ainsi que les modifications au code d'élection lui-même. Ce sont les 12 éléments que j'ai cernés pour la réunion de ce soir.

Le sénateur Campbell : C'est parfait. Si vous n'arrivez pas à un consensus à l'égard de ces 12 éléments, est-ce que cela signifie nécessairement que vous ne pourrez pas mettre en application ceux sur lesquels vous vous entendez dans le cadre d'un protocole établi?

M. Morin : Un consensus à l'égard des 12 éléments?

Le sénateur Campbell : C'est exact.

M. Morin : Je ne crois pas que nous allions nous engager dans ce processus avec cette optique. Ce n'est en tout cas pas notre intention. Notre intention, et j'imagine que ce sera aussi celle de la plupart des Premières nations, est de consulter la communauté. Nous allons le soumettre au plus de gens possible, à l'intérieur et à l'extérieur des réserves, de façon à convenir d'une formule qui sera soumise au processus de vote. Si les gens votent contre, le code ne sera pas adopté; si les gens votent pour, il sera adopté.

Le sénateur Campbell : Vous pourrez éventuellement vous attaquer aux problèmes un à un en cours de route, peut- être lorsque vous aurez plus de temps ou plus de raisons pressantes de le faire?

M. Morin : Oui. Nous pourrions procéder de cette façon. Prendre des mesures à la pièce, c'est bien ce que vous voulez dire?

Le sénateur Campbell : Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Je pensais plutôt à prendre des mesures globales, puis une fois le tout en place, vous avez la possibilité de faire les ajustements qui s'imposent, comme dans tout type de gouvernance qui s'installe. Vous pouvez d'abord établir un plan d'ensemble, et prendre des mesures correctives au besoin en cours de route.

C'est excellent. Merci beaucoup de votre témoignage, c'est très apprécié.

M. Morin : Oui.

Le sénateur Dyck : Vous avez indiqué que le délai de deux ans était peut-être plus approprié pour les petites communautés, ce qui nous amène à l'établissement du délai à respecter pour le déclenchement des élections. Si la communauté n'est pas d'accord, je me demandais s'il était possible d'indiquer dans la section des modifications que l'on pouvait commencer par un délai de deux ans. Une fois que toutes les pièces du casse-tête auront été mises en place et que vous vous sentirez à l'aise avec le processus établi, vous pourrez alors décider d'établir un délai de quatre ou cinq ans à respecter pour le déclenchement des élections. Il faudrait prévoir une certaine marge de manœuvre à l'intérieur du code pour ne pas s'engager noir sur blanc à l'égard de quelque chose d'immuable. Croyez-vous que ce soit possible?

M. Morin : Oui, absolument. En fait, c'est ce que prévoient les procédures de modification du code que j'ai examiné. Seulement, je me dois d'apporter une légère précision : je serais en faveur d'un mandat de quatre ans, mais si nous devons prolonger le mandat des chefs et des élections d'un jour, si ces mesures devaient être adoptées, il faudrait idéalement surveiller de plus près les processus pour prévenir les manœuvres frauduleuses et procurer une certaine tranquillité d'esprit aux membres de la communauté dans les réserves. Comme je l'ai indiqué, le niveau d'éducation et de compréhension des processus est plutôt bas dans les réserves, et les candidats potentiels se font rares. Je crois qu'un mandat de quatre ans est plus approprié, car cela permet au chef élu de terminer un traité, le cas échéant, si les candidats compétents accèdent systématiquement au poste. Cela accroît à tout le moins nos chances que le travail sera fait, et qu'il sera même possible de passer à un vote.

Le code sur lequel j'ai travaillé ne permettrait même pas la tenue d'un vote pour décider de la prochaine étape du processus d'établissement d'un traité, en raison des restrictions de la Loi sur les Indiens. Oui, c'est aussi mon avis. C'est sans contredit la voie à suivre.

Le sénateur Raine : Pouvez-vous m'indiquer où se situe la Première nation d'Alexandria? Vous avez parlé d'Alexandria et de Canoe Creek; s'agit-il du même endroit?

M. Morin : J'habite dans la réserve de Canoe Creek, loin dans l'arrière-pays, au bout de Dog Creek Road. La réserve se situe à une bonne distance au sud-ouest, si je ne m'abuse, de Williams Lake. Alexandria se situe un peu plus au nord. C'est plus haut sur l'autoroute, à mi-chemin entre Quesnel et Williams Lake, et la réserve se divise en deux sections. Il y a la partie est, qui compte environ trois maisons. Il faut prendre l'Alexandria Ferry Road. C'est là où se trouvent les maisons. Il y a ensuite la partie ouest de la réserve, où se trouvent environ 13 maisons. Pour s'y rendre, il faut emprunter la West Side Road à partir de Quesnel, ou encore la Soda Creek Road, et traverser le pont Rudy Johnson. Il faut ensuite continuer à monter sur le chemin de terre pour arriver à la réserve. C'est la route que je vais emprunter aujourd'hui.

Le sénateur Raine : À l'heure actuelle, vous êtes le gérant de la bande d'Alexandria...

M. Morin : Oui.

Le sénateur Raine : ... ou de la Première nation d'Alexandria, mais vous habitez à Canoe Creek?

M. Morin : Non, je n'habite pas à Canoe Creek; en fait, j'habite à Deep Creek.

Le sénateur Raine : Vous avez parlé de Canoe Creek plus tôt, et je n'étais pas certaine si vous nous aviez dit que vous y aviez déjà travaillé. Combien de membres compte la Première nation d'Alexandria?

M. Morin : Environ 150. Je peux vous donner le nombre exact de membres vivant dans la réserve; je crois qu'il y en avait 65 au dernier recensement.

Le sénateur Raine : Le reste des membres vivent à l'extérieur de la réserve; un plus fort pourcentage de membres habitent en dehors de la réserve?

M. Morin : Oui. C'est une bande qui n'a pas encore réalisé son plein potentiel. Nous avons finalement réussi à avoir un chef et un conseil voué au développement technologique, et nous entendons faire progresser ce dossier, mais il s'agit d'une des bandes les moins avancées en ce qui a trait à la croissance socioéconomique.

Le sénateur Raine : Vous vous apprêtiez à nous parler des pratiques électorales à l'intérieur et à l'extérieur des réserves. Vous deviez nous dire si cela fonctionnait et si vous étiez en faveur de telles pratiques, mais vous n'avez pas pu aller au bout de votre idée.

M. Morin : Oui. Vous me demandez si je suis d'accord avec l'aspect politique de ces pratiques?

Le sénateur Raine : Est-ce ainsi que l'on procède à l'heure actuelle? Est-ce que tous les membres de la bande ont droit de vote dans le cadre des élections?

M. Morin : Oui. Nous tâchons d'inclure tout le monde et d'encourager les membres à aller voter. C'est ainsi que les choses doivent se passer. Nous avons tous entendu parler des décisions rendues récemment par les tribunaux, comme dans le cas Corbière. Tous ces processus électoraux sont soumis à un examen juridique, ainsi qu'à diverses vérifications. Les avocats étudient le code électoral et déterminent si le processus satisfait aux normes établies par le gouvernement fédéral et aux décisions des tribunaux. Je crois que c'est de cette façon que les choses se déroulent.

Si jamais une bande s'oppose farouchement à un leadership à distance ou par correspondance, j'imagine qu'elle peut inclure une disposition à cet effet dans ses politiques. Il est possible de prendre les mesures nécessaires pour gérer la situation. Mais si personne ne s'y oppose, c'est là que les codes électoraux prennent tout leur sens. Il faut le plus possible faire confiance aux membres qui dirigeront le processus de vote. Tout dépend des personnes qui composent le comité et de l'effectif de ce dernier, de même que de la personne qui dirige le code électoral. Il faut également savoir si ces personnes font un bon travail ou non. Sans porter de jugement de valeur, je dirais que si la communauté voit qu'il y a beaucoup de problèmes à régler et qu'elle ne fait pas confiance aux membres de la bande pour voter selon leur propre perception des choses, c'est à ce moment que sera établi un vaste code électoral contenant de nombreuses clauses visant à déterminer qui peut ou ne peut pas se présenter comme candidat, notamment en fonction du lieu de résidence. À mon avis, il faut permettre à tout le monde de voter et voir ce qu'il en adviendra. Je crois que cela pourrait régler le problème.

Le sénateur Raine : Vous semblez être persuadé que les membres hors réserve vont prendre part au vote. Est-il difficile d'inciter les gens à aller voter? Quel est le pourcentage des membres hors réserve qui exercent leur droit de vote lors des élections à l'heure actuelle?

M. Morin : Oh, oui. C'est très difficile. Je me demande même combien de bandes tiennent réellement à jour leurs listes de membres. Nous redoublons d'efforts pour veiller à ce que tout le monde ait son mot à dire, mais ce n'est pas évident, car les membres ne communiquent pas avec leur conseil de bande, et les conseils de bande n'ont aucun moyen d'entrer en contact avec eux. Les membres hors réserve peuvent voter par correspondance. Ils reçoivent les documents par la poste. Ils doivent demander à un témoin d'apposer sa signature sur le bulletin de mise en candidature et de vote, et ils retournent le tout au conseil de bande. On espère évidemment que les documents se rendent à bon port, mais cela demeure néanmoins le meilleur moyen pour eux de voter.

J'estime personnellement que l'on pourrait recourir au vote électronique pour les membres hors réserve. Je ne sais toutefois pas comment il faudrait s'y prendre. En fait, j'ai plutôt l'impression que cela ne fonctionnerait pas, mais ce serait une bonne idée de vérifier. Les membres hors réserve semblent privilégier les nouvelles technologies de communication, comme l'informatique.

Le sénateur Raine : C'est une méthode qui fera probablement son apparition dans les années à venir.

M. Morin : Oui, c'est ce que nous souhaitons.

Le sénateur Raine : J'aimerais également vous poser une question au sujet de la tenue d'élections simultanées pour tous les chefs de bande. Vous avez signalé quelque chose d'inédit pour moi. On nous a dit que ce serait difficile parce qu'il y a une pénurie d'agents électoraux. Évidemment, si on traite avec les différents conseils de bande et que les chefs sont élus à différents moments, cela crée des problèmes.

M. Morin : Oui.

Le sénateur Raine : Votre idée est intéressante. Avez-vous envisagé la possibilité d'échelonner les élections, de façon à ce que la moitié des chefs soient élus à un certain moment, et l'autre moitié à un autre moment? En d'autres mots, les mandats ne seraient pas les mêmes.

M. Morin : Oui. Mais si on procédait de cette façon, je crois que les mêmes difficultés se poseraient, car c'est ce qui se passe actuellement dans le cadre du processus des traités. L'échelonnement des conseils fait que des conseillers sont remplacés à gauche et à droite, et on ne sait jamais si le chef obtient le plein soutien de son conseil. Je pense que bien des bandes envisagent cette possibilité pour leur code électoral. C'est une méthode qui pourrait s'avérer efficace pour les procédures entourant le règlement des enjeux liés à la Loi sur les Indiens, de même que pour les programmes et services, entre autres, d'une bande en particulier. Pour les projets de plus grande envergure et les initiatives regroupant plusieurs bandes, par contre, j'estime que l'échelonnement des élections pourrait sérieusement ralentir le processus d'attribution des subventions.

Je crois que c'est ce qui pourrait se passer pour les projets tribaux. Toutefois, les bandes ont droit à leurs propres opinions. C'est en tout cas mon avis. Pour moi, il est difficile de créer de bonnes conditions de vie lorsque ce sont de grands gouvernements qui représentent de tout petits groupes de personnes, dont les croyances ne sont pas toutes mises en valeur. C'était mon éditorial politique du jour.

Le sénateur Raine : Votre témoignage était très intéressant.

Le président : Vous dites que les courts mandats posent des difficultés, de même que les obligations de rendre compte. Dans les discussions que vous aurez aujourd'hui, sera-t-il question d'un mécanisme de destitution en cas d'irrégularités dans le processus électoral, ou encore en cas de mauvaise gestion?

M. Morin : Oui.

Le président : Je crois que nous avons couvert toute la matière. Je vous remercie beaucoup, monsieur Morin, d'être venu témoigner devant nous aujourd'hui. De toute évidence, vos proches sont probablement originaires du Manitoba. Comme moi d'ailleurs, qui suis d'origine métisse.

M. Morin : Merci.

Le président : Chers collègues, nous entamons maintenant notre tribune libre. Nous accueillons Eleanor Lowe et Leonie Spurr, de la bande indienne Nadleh Whut'en, à Fort Fraser, en Colombie-Britannique.

Mesdames, comme vous le savez, nous étudions le processus électoral en vertu de la Loi sur les Indiens. Si vous souhaitez faire une courte présentation, nous serions heureux de l'entendre. Les sénateurs pourraient vous poser des questions à propos de votre exposé, et nous tâcherons de connaître vos opinions et d'apprendre de vos expériences. Nous vous écoutons.

Eleanor Lowe, bande indienne Nadleh Whut'en, à titre personnel : Bon après-midi. Je m'appelle Eleanor et je suis la gestionnaire adjointe des terres pour la bande Nadleh Whut'en, près de Fort Fraser, en Colombie-Britannique. Je coordonne également le comité chargé de l'élaboration du code électoral, dont font partie les deux aînés qui m'accompagnent. Nous avons entrepris ce travail en mars, et nous bénéficions de fonds de développement professionnel provenant du gouvernement, plus précisément du MAINC.

C'est par le bouche à oreille que nous avons entendu parler de ces audiences, et nous sommes ici aujourd'hui pour vous faire part de notre point de vue. Nous avons commencé l'élaboration de notre code électoral, et notre comité est formé d'aînés et de membres plus jeunes. Nous avons opté pour une approche axée sur les quatre clans, c'est-à-dire que chacun des clans est représenté au sein de notre comité. Nous nous assurons ainsi de faire preuve d'équité et de transparence, car nous voulons mettre en place le meilleur code électoral qui soit pour nos membres, pour notre bande.

Il a été question d'élections simultanées tout à l'heure. Nous ne sommes pas en faveur de cette solution, car elle entraînerait différents problèmes. Il n'y a qu'à jeter un coup d'œil à ce qui se passe sur la scène fédérale.

Le sénateur Campbell : Nous préférons ne pas y penser.

Mme Lowe : Vous préférez ne pas y penser. Nous allons changer de sujet dans ce cas.

Le président : Oubliez les élections, ce n'est pas nécessaire.

Le sénateur Raine : À qui le dites-vous.

Mme Lowe : Nous tâchons de faire beaucoup de recherches au sujet des codes électoraux, et nous avons communiqué avec d'autres bandes des Premières nations en Colombie-Britannique. Nous ne faisons partie d'aucun traité, alors n'y a pas eu de consultations avec la province de la Colombie-Britannique, ni avec le Canada.

Pour l'heure, nous sommes toujours assujettis à la Loi sur les Indiens, et nous avons l'intention d'établir notre propre code électoral. C'est un processus de longue haleine, j'en suis consciente, mais nous pensons que les mandats de deux ans sont beaucoup trop courts pour les conseillers, car les dossiers prennent plus de temps encore à se régler. Quand un nouveau candidat est nommé, il lui faut environ un an pour se mettre au fait de tout ce qu'il doit faire et savoir en tant que chef, c'est-à-dire de bien connaître les rouages du gouvernement, de l'administration provinciale et des intervenants concernés de l'industrie. Le nouveau chef doit repartir à zéro. La première année passée, il a à peine le temps de s'atteler à la tâche qu'il doit déjà être remplacé. On ne peut d'ailleurs jamais être certain que le nouveau venu reprendra les projets entrepris par le chef précédent.

Énormément de mises en candidature sont présentées à chaque élection. Nous voulons donc en réduire quelque peu le nombre en imposant des frais aux candidats. Les frais serviront à financer leur campagne, car ils devront s'annoncer auprès des membres habitant à l'intérieur comme à l'extérieur des réserves. On procédera de la même façon pour le chef et les conseillers. En ce moment, le conseil de bande compte cinq membres, incluant le chef.

Des membres hors réserve de notre bande sont appelés à voter par procuration, ce qui implique des coûts faramineux lors des élections, car il faut entrer en contact avec plus de 400 personnes.

Il faut aussi penser au code de conduite du conseil, ou encore aux obligations de rendre compte et au code d'éthique. Pour nous, cet aspect est d'une grande importance. À un certain moment, la bande de Nadleh recourait à un système de représentation familiale, plutôt qu'à un chef et à un conseil de bande. Ce régime s'avérait très efficace, mais il manquait de structure et a tout simplement fini par tomber, même s'il était vraiment solide au départ. Nous envisageons à cet effet de mettre en place des mécanismes de contestation à l'intention de notre communauté.

Mon prochain point rejoint les commentaires formulés par le dernier témoin en réponse à vos questions. Sa proposition ressemble beaucoup à ce que nous tentons d'adopter pour notre code électoral. Comme le témoin l'a si bien dit, nous devons pouvoir compter sur des chefs instruits. C'est pourquoi nous entendons exiger le curriculum vitae des candidats. Toutefois, nous savons que l'expérience pratique compte pour beaucoup, notamment pour traiter avec le gouvernement, car il faut être aux premières loges pour se faire entendre. Nous avons besoin de quelqu'un qui pourra nous représenter. Si personne n'est là pour le faire, comment pourrons-nous défendre nos positions? Nous sommes une petite communauté.

Vous vous interrogiez également au sujet des mandats prolongés pour le poste de chef. Nous sommes d'accord avec cette solution, mais pas avec celle des élections simultanées pour tous, car nous entrevoyons de nombreux problèmes à l'horizon.

Aussi, nous venons d'envoyer des aînés et des jeunes, de même que notre électeur mandataire, à Calgary pour les élections de l'APN. Nous aimerions que tous nos membres puissent voter pour le chef national de leur choix. Leonie, souhaitez-vous prendre la parole?

Leonie Spurr, bande indienne Nadleh Whut'en, à titre personnel : J'ai été une autochtone urbaine toute ma vie, et c'est aussi le cas d'Eleanor. Ce que je ne comprends pas — mais croyez-moi, j'aimerais bien le comprendre —, c'est pourquoi tous les Autochtones urbains semblent être tenus à l'écart de ce qui se passe dans les communautés. Vous dites qu'il y a quatre ou cinq conseillers?

Mme Lowe : Il y en a quatre.

Mme Spurr : Environ 169 membres habitent dans la réserve, alors que la bande en compte 700. Pourquoi aurions- nous besoin de quatre conseillers et d'un chef pour s'occuper de 169 personnes seulement? C'est la question que je me pose. Nous n'avons même pas l'argent nécessaire pour financer une telle structure. Pourquoi avons-nous besoin d'autant de conseillers? Si on ne s'occupe pas des membres hors réserve, est-ce vraiment justifié?

Le président : D'après ce que j'ai pu constater lors de nos déplacements d'un bout à l'autre du pays, ce qui pose le plus grand problème, c'est d'arriver à une certaine équité pour ceux qui habitent dans les réserves. Ces gens n'ont d'autre choix que de vivre dans la réserve, tandis que ceux qui habitent en ville ont beaucoup plus de liberté. Et dans ce cas-ci, ces derniers sont beaucoup plus nombreux que la population de la réserve. Ils pourraient prendre des décisions qui auraient des répercussions néfastes ou négatives sur les membres de la réserve. C'est d'ailleurs l'argument qu'on nous sert quand la question est posée. Je sais qu'une bande du Nord de l'Alberta a l'intention de confier un poste de conseiller à un membre hors réserve, et les autres à des membres de la réserve.

Je comprends votre point de vue, mais toutes les dispositions de la Loi sur les Indiens s'adressent aux personnes vivant dans les réserves.

Mme Spurr : Les membres d'une même bande devraient tous être traités de la même façon.

Le président : Il ne fait aucun doute que tous les membres doivent être traités équitablement, mais pas nécessairement de la même façon. Prenons l'exemple d'un fils qui décide de travailler sur la ferme familiale, tandis que son frère part vivre en ville. Je ne sais pas si le fils qui décide d'aller à la ville devrait récolter autant que son frère.

Mme Lowe : Je connais trop bien la réponse.

Le président : Avez-vous une solution à nous proposer? Qu'est-ce qui serait équitable? Vous nous avez dit avoir passé la majeure partie de votre vie dans la région urbaine, à l'extérieur de la réserve. Qu'est-ce qui serait juste, selon vous, pour les personnes qui habitent dans les réserves? Beaucoup des prestations accordées par le MAINC s'adressent exclusivement aux membres des réserves.

Mme Spurr : Si c'est le cas, pourquoi élire autant de conseillers quand si peu de gens habitent les réserves? C'est en partie ce qui me dérange. Si nous n'avons pas assez d'argent pour payer toutes ces personnes qui travaillent pour les membres des réserves, alors il faudrait s'en tenir à deux ou trois conseillers, pas quatre. C'est une dépense supplémentaire tirée de notre budget, peu importe la façon dont ils sont payés.

Le sénateur Dyck : Vous avez parlé des sommes que reçoit la bande. Quel pourcentage de cet argent est voué aux salaires du chef et des conseillers?

Mme Spurr : Je ne saurais vous dire à combien s'élèvent leurs salaires.

Le sénateur Dyck : Pour ce qui est des membres des réserves par rapport aux membres hors réserve, pensez-vous que la plupart des personnes qui ont quitté les réserves sont des femmes? Croyez-vous que le genre soit un facteur dans ce cas-ci?

Mme Spurr : Je ne crois pas qu'il soit question de femmes surtout, même si j'ai moi-même plus de filles que de garçons (je n'ai qu'un fils), et que mes enfants habitent tous à l'extérieur de la réserve également. Je ne peux vous parler que de ce que je vois, et je ne sais pas combien d'hommes vivent en dehors de la réserve. J'imagine que ce serait possible de le savoir en examinant la liste.

Mme Lowe : La population des réserves est composée majoritairement de femmes.

Le sénateur Dyck : Sur les réserves?

Mme Lowe : Sur les réserves, sauf pour un groupe d'âge, les femmes sont plus nombreuses. En effet, entre 0 et 19 ans, les membres féminins sont en majorité, et entre 19 et 30 ans aussi. Je crois que pour les 40 et 50 ans, les hommes sont en majorité, mais chez les aînés, on trouve encore une majorité de femmes. On a donc un ratio de six pour un dans bien des groupes d'âge.

Le sénateur Campbell : Je pense que nous avons affaire à deux problématiques. C'est tout d'abord une question de démocratie et des apparences qu'on lui donne, et cela dépend de la façon dont on établit le protocole. Je ne crois pas qu'il soit correct ou juste que le MAINC, ou qui que ce soit d'autre, dicte la façon dont les Premières nations, ou les différentes bandes, devraient assurer leur démocratie ou leur gouvernance.

Ceci étant dit, si vous décidez que tous les membres d'une bande ont droit de vote, et que les membres hors réserve s'organisent et se mettent au courant de ce qui se passe, ces derniers pourraient très bien être en position d'élire les membres du conseil et le chef.

Aussi, je comprends votre point de vue au sujet du chef et des quatre conseillers, mais vous devez vous rappeler que le conseil de bande représente la totalité des 890 membres, puisque tous les membres de la bande ont la possibilité de voter selon le processus électoral actuel. Je crois donc que tout repose sur le protocole : Quel protocole adoptera-t-on? Comment les gens obtiendront-ils le droit de voter? Quels sont les compétences requises pour être élu? Les candidats doivent-ils habiter à l'intérieur ou à l'extérieur de la réserve? Je pense qu'il faut d'abord répondre à ces questions avant d'aller plus loin.

Je reconnais aussi que les dépenses sont grandes, mais il ne faut pas oublier que le gouvernement, de par sa nature et sa petite taille, sera toujours coûteux. Ce sera le prix à payer pour avoir votre propre protocole. Je n'ai pas la réponse à votre question. J'aimerais bien l'avoir, parce que le sénateur St. Germain l'a bien exprimé : j'aide mon père à la ferme familiale et mon frère va s'installer en ville. Quand mon père décède, nous obtenons chacun la moitié de la ferme. Mais j'ai travaillé d'arrache-pied sur cette ferme pendant 50 ans. Je ne sais pas comment on peut en venir à une conclusion ou à une décision dans une situation pareille.

Je sais par contre que vous êtes sur la bonne voie avec le protocole. Je sais également que le régime matriarcal fonctionne beaucoup mieux que le régime patriarcal, et je crois fermement que vos résultats seront empreints de beaucoup plus de sagesse que si la situation avait été inversée. Je vous en félicite. Je suis allé à Fort Fraser et à Fraser Lake. C'est un endroit magnifique. Je sais que votre communauté a connu son lot d'embûches, alors je vous souhaite la meilleure des chances.

Le président : Vous avez toujours vécu en région urbaine, vous qui êtes membre d'une Première nation?

Mme Spurr : Oui.

Le président : Avez-vous droit à des avantages quelconques, si vous me permettez de vous poser la question?

Mme Spurr : Non.

Le président : Aucun?

Mme Spurr : Rien du tout.

Le président : De toutes les sommes que le MAINC alloue à la bande, rien n'est versé aux membres hors réserve. Est- ce bien ce que vous me dites?

Mme Spurr : Nous avons accès à un service médical, qui est couvert par le régime d'assurance-maladie. Est-ce un service offert par le MAINC? Quoi qu'il en soit, nous avons droit à des services médicaux.

Le président : Je n'en suis pas certain. Je crois que votre régime d'assurance-maladie est assuré par Santé Canada.

Mme Spurr : Bien, c'est l'avantage qui nous est offert.

Le président : Et c'est à peu près tout?

Mme Spurr : C'est à peu près tout. Ceux qui sont assujettis à la Loi sur les Indiens, ou qui ont leur carte de statut d'Indien, sont couverts par le régime d'assurance-maladie lors de leurs déplacements ou dans des situations du genre.

Le sénateur Raine : Vous pouvez acheter de l'essence sans payer les taxes?

Mme Spurr : Si vous allez sur la réserve, oui.

Le sénateur Raine : Oui.

Le président : Si vous avez une carte blanche.

Le sénateur Raine : C'est la même chose sur toutes les réserves?

Mme Lowe : Il n'y a pas de carte blanche en Colombie-Britannique.

Le président : Il n'y en a pas?

Mme Lowe : Non. On m'a demandé ma carte blanche lorsque je suis allée en Alberta, et quand j'ai montré ma carte de statut d'Indien, on m'a répondu que ça ne fonctionnait pas. J'ai dû payer le prix régulier.

Le président : Je sais qu'on fonctionne avec des cartes blanches en Alberta.

Le sénateur Raine : Tous les membres enregistrés d'une bande ne peuvent-ils pas... non?

Le sénateur Campbell : C'est seulement sur la réserve. Par exemple, si vous êtes membre de la nation Tsawwassen et que vous allez à la station-service de la gare maritime, vous pouvez avoir un crédit de taxe, mais partout ailleurs, vous devez payer le prix régulier.

Le président : Dites-moi, avez-vous l'intention de prévoir la création de nouveaux postes de conseiller dans votre code, ou pensez-vous élire des membres hors réserve aux postes de conseiller?

Mme Lowe : Un sondage a été mené auprès des membres à l'intérieur et à l'extérieur de la réserve concernant le code électoral, et c'était une des questions qui étaient posées. Lorsqu'on leur a demandé s'ils souhaitaient avoir plus de conseillers, beaucoup de répondants nous ont dit qu'ils préféraient garder le statu quo. Les résultats du sondage nous ont aussi appris que les gens voulaient qu'un des postes de conseiller soit occupé par un membre hors réserve.

Le président : C'est d'ailleurs ce que font certaines des Premières nations de l'Alberta avec lesquelles j'ai travaillé, car nous travaillons avec des Premières nations des quatre coins du pays.

Le sénateur Raine : Vous avez indiqué que les quatre clans sont représentés au sein de votre comité chargé de l'élaboration du code électoral. Est-ce que les membres de votre bande sont classés par clans dans votre registre?

Mme Lowe : Non, ce n'est pas le cas. Cependant, nous faisons partie du régime potlatch balhats. Nous avons ici le leader du clan Grenouille et celui du clan Caribou.

Le sénateur Raine : Ce ne sont pas des clans familiaux?

Mme Lowe : Oui, ce sont des clans familiaux. Nous suivons le régime matriarcal. Un membre hors réserve fait aussi partie de notre comité.

Le sénateur Raine : A-t-on envisagé une représentation par clan...

Mme Lowe : Oui, nous avons parlé à James Westhaver du MAINC, qui nous a donné quelques informations au sujet du régime des clans, car ce régime existe en Colombie-Britannique. Dans certaines Premières nations, le processus électoral est établi en fonction de ce régime.

Le sénateur Raine : Vous nous avez dit que vous souhaitiez que les candidats au poste de chef soumettent un curriculum vitae. Vous semblez aussi privilégier les candidats qui ont fait des études et qui ont une certaine expérience. Je me dois de souligner que des gens brillants qui n'ont pas nécessairement reçu d'éducation formelle pourraient aussi faire des leaders remarquables. Je serais portée à croire qu'on risquerait ainsi de passer à côté d'excellents candidats. Si on peut trouver une personne intelligente et honorable qui a les qualités d'un bon chef, les études peuvent toujours venir plus tard. Il n'est jamais trop tard pour apprendre.

Mme Lowe : Vous avez raison. Nous n'avons toujours pas terminé notre code, mais nous avons bon espoir qu'il nous permettra d'obtenir des résultats concluants.

Le sénateur Raine : Vous avez entrepris ce travail au mois de mars?

Mme Lowe : Oui.

Le sénateur Raine : Avez-vous établi un échéancier ou une date limite à respecter?

Mme Lowe : Nous voulons que tout soit terminé d'ici le mois de mars, et nous espérons tenir un vote de ratification cet hiver.

Le sénateur Raine : En mars?

Mme Lowe : Oui.

Le sénateur Raine : Lorsque vous aurez préparé une version préliminaire de votre code, allez-vous la présenter au MAINC?

Mme Lowe : Oui, nous devons lui remettre une première version, qui sera soumise au processus régulier.

Le sénateur Raine : Est-ce qu'on vous a dit combien de temps cela prendra?

Mme Lowe : Oui, deux ans.

Le sénateur Raine : Si le code est approuvé en mars, alors vous devriez pouvoir le mettre en place au mois de mars de l'année suivante.

Mme Lowe : Oui, et il faudra ensuite le soumettre à un vote de ratification par la communauté, puis attendre l'approbation du MAINC.

Le sénateur Raine : Est-ce que le ministère vous a dit que vous devriez attendre deux ans après la tenue du vote de ratification?

Mme Lowe : Non.

Mme Spurr : On nous a parlé d'un délai de deux à trois ans.

Mme Lowe : De deux à trois ans, c'est exact.

Le sénateur Raine : En tout?

Mme Lowe : Oui.

Le sénateur Raine : Je vous souhaite la meilleure des chances. Je suis persuadée que votre initiative fera une différence dans votre communauté.

Mme Lowe : Je l'espère.

Le sénateur Dyck : Vous nous avez dit que vous aviez déjà fonctionné selon un régime de représentation familiale, et que cela s'était avéré très efficace pendant un certain temps, mais que ce régime avait finalement été abandonné. Pendant combien de temps ce régime a-t-il été en place?

Mme Lowe : C'était il y a environ huit ans. Nos aînés étaient encore en vie à cette époque-là, mais nous en avons perdu beaucoup depuis. Ce régime a été en place pendant près de deux ans.

Le sénateur Dyck : L'autre question à se poser, c'est de savoir qui au juste a le pouvoir de décider de votre processus électoral. Certains avanceront que l'article 35 de la Loi constitutionnelle vous confère à vous seuls le droit de déterminer comment devraient se dérouler vos élections. Peut-être même que le MAINC ne devrait pas intervenir dans ce dossier. Peut-être que votre ancien régime de représentation familiale serait plus approprié qu'un code électoral coutumier.

Mme Lowe : En effet. Et nous étudions encore la question.

Le sénateur Dyck : Pensez-vous qu'il serait possible pour vous de revenir à votre régime de représentation familiale? Ce système dépendait-il trop des aînés, qui avaient les connaissances nécessaires pour diriger un tel régime?

Mme Lowe : Oui, le régime reposait totalement sur les aînés. Maintenant que nos aînés nous ont quittés, il ne nous reste plus que de jeunes aînés, comme moi-même, qui sont toujours en apprentissage.

Le sénateur Dyck : Oui.

Mme Lowe : C'était un excellent régime, très juste. Environ sept personnes en faisaient partie, si je ne m'abuse, et celles-ci étaient très actives dans la réserve. Il nous permettait de resserrer les liens de la bande, car tout le monde s'impliquait dans la communauté.

Le sénateur Dyck : Est-il possible d'inclure ces principes dans le code électoral coutumier, si c'est la voie que vous décidez d'emprunter?

Mme Lowe : C'est une possibilité.

Le président : Est-ce que vos unités familiales sont semblables à celles des Gitxsan, qui ont leurs propres maisons, leurs wilps? Vous savez, à Hazelton, les Gitxsan assurent eux-mêmes encore aujourd'hui leur gouvernance par des chefs héréditaires qui sont nommés par des familles, ou encore des maisons ou wilps; le mot est « w-i-l-p-s ». Est-ce ainsi que votre régime fonctionne? Font-ils partie de votre conseil tribal?

Mme Lowe : Non.

Le président : Non? Est-ce un conseil tribal Carrier-Sekanni?

Mme Lowe : Oui, c'est exact.

Le président : Je m'abstiendrai de tout commentaire concernant les élections de l'APN. C'est une question qui revient souvent. Nous laisserons aux Premières nations le soin de régler ce dossier.

Mesdames, nous n'avons pas les réponses à toutes nos questions. Des témoins nous ont dit qu'il n'y avait pas de solution unique, et c'est bien vrai, puisque chaque communauté des Premières nations est unique en soi; chacune a ses propres particularités. Nous vous souhaitons bonne chance avec votre code électoral et nous vous remercions de nous avoir fait part de vos commentaires, car vos idées rejoignent en partie celles des témoins qui vous ont précédées. La question de la courte durée des mandats et de la responsabilisation fait l'unanimité au pays. Le mécanisme de destitution suscite également beaucoup d'inquiétude; la destitution en cas d'irrégularités lors du processus électoral ou dans le cadre des activités de la bande.

Merci du fond du cœur d'être venus nous voir. Avez-vous quelque chose à ajouter avant de partir?

Mme Lowe : Je voulais simplement vous remercier de nous avoir écoutées. Je m'efforcerai de suivre les conseils du sénateur au sujet du système de représentation familiale. Nancy? Merci.

Le président : Merci.

Nous entendrons maintenant la déclaration de Dennis Patrick.

Auriez-vous l'amabilité de nous dire d'où vous venez et ce que vous faites?

Dennis Patrick, Première nation Stellat'en, à titre personnel : Bien sûr. Je suis membre de la Première nation Stellat'en, également connue sous le nom de Stellaquo. Sise à deux heures à l'ouest de Prince George, notre collectivité compte environ 400 habitants, dont 200 vivent dans la réserve et 200 à l'extérieur de celle-ci. À titre de consultant, j'apporte mon aide à la bande, dont j'ai déjà été chef en 1984 et en 1989. J'ai siégé au conseil de bande pendant plusieurs mandats. J'ai administré les programmes d'éducation, de développement social et de ressources naturelles. Le dernier cours que j'ai suivi portait sur la surveillance de l'environnement, ce qui m'a permis de travailler beaucoup dans ce domaine et d'obtenir des contrats de consultant en technologie informatique. J'ai rédigé le plan sur la technologie de notre collectivité.

Nombreux sont les organismes qui ne sont pas dotés d'un budget en matière de technologie. Ils ne sont pas en mesure de gérer la technologie qui évolue tous les mois avec l'avènement des divers appareils, logiciels et gadgets. Les produits qu'on retrouve dans les magasins sont périmés dès qu'ils sont commercialisés. J'ai donc plusieurs cordes à mon arc, mais j'ai très bien saisi que le processus d'élection des chefs ne fait pas partie de nos valeurs ni de nos croyances traditionnelles. Avoir un chef élu ne s'inscrit pas dans nos traditions. Nous sommes divisés en quatre clans. Chaque clan a son porte-parole. Ces porte-parole choisissent un chef pour nous représenter.

Cette situation est déroutante pour nous, car nous nous retrouvons avec une personne élue qui dit quoi faire aux chefs héréditaires, alors que ce devrait être l'inverse. Prête également à confusion l'idée que le chef dirige avec une main de fer, qu'il exerce un pouvoir absolu sur tous les aspects de la vie de notre collectivité. En théorie, il n'est que le principal porte-parole du conseil, le conseiller en chef de la collectivité. Cela prête passablement à confusion au sein de la bande, parce que beaucoup de chefs ont tendance à perdre de vue la réalité, prenant notamment des décisions unilatérales en matière de développement de la collectivité. Ils peuvent approuver un projet sans consulter les membres de la bande.

Le processus électoral est imparfait à plus d'un titre. Une partie de la population vit dans la réserve alors que l'autre se trouve à l'extérieur de celle-ci. La dynamique et les décisions prises n'ont aucune influence sur cette dernière. Je suis certain que, sur le plan démocratique, cette population jouit des mêmes droits que les électeurs canadiens, mais il n'en demeure pas moins que le pouvoir du chef s'exerce uniquement au sein de la réserve. Ce n'est pas une question de territoire ni de province. Voici une autre idée erronée : à titre de chef, vous êtes investi d'un pouvoir qui ne peut s'exercer qu'au sein de la réserve.

Nos chefs traditionnels exercent leur pouvoir sur le territoire. En fait, nous n'avons pas abandonné nos droits et titres depuis des temps immémoriaux. Ce qui prête également à confusion, c'est lorsque que notre pouvoir et notre souveraineté sont remis en question toutes les fois que la province décide d'exploiter des ressources minières, forestières ou autres. Ce qui complique encore davantage les choses, c'est que nous avons des propriétaires de zone de piégeage, qu'on désigne sous le nom de « kaya » ou de « kayo », selon le dialecte. Le « kaya » est une zone dont nos chefs traditionnels sont propriétaires. On confond zone de piégeage et territoire appartenant au chef héréditaire. Toutes ces questions doivent être examinées. Il faut déterminer ce qu'est une zone de piégeage, ce qu'est un territoire traditionnel et quelle est le pouvoir délégué d'un chef.

L'expression qu'il faut retenir, c'est « pouvoir délégué ». On ne parle pas de « pouvoir absolu ». Il ne s'exerce pas sur l'ensemble de la collectivité, au sens du concept européen de maire administrant la collectivité.

Je suis probablement l'un des rares derniers en mesure de vous raconter ce qui s'est véritablement passé sur notre territoire sur le plan historique. La génération qui y vit actuellement possède quelques connaissances de notre langue, de notre mode de vie et de la façon dont mes grands-parents tiraient leur subsistance de la terre et des zones de piégeage : prise d'animaux à fourrure, saumon et chasse sur notre territoire traditionnel. Nous avons fini par oublier notre objectif. Nous avons mis de côté le rapport Penner, les conclusions de la Commission Pearse et tous les travaux précédents, nous attardant sur nos lacunes au sein de la collectivité. On y retrouve de nombreux Autochtones brillants, dont les compétences ne sont pas mises à contribution. On me répète sans cesse qu'on embauche beaucoup à l'extérieur de la collectivité. Nous manquons de médecins, d'infirmières et de techniciens. Pourtant, il y en a à l'extérieur de la collectivité, mais nous en manquons.

Nous sommes de plus en plus conscients de nos responsabilités, mais nous avons tendance à délaisser le processus électoral en raison de notre manque d'informations, de formation et de connaissances sur la question. On a élaboré un code électoral qui précise le déroulement d'une élection, code que nous n'avons pas respecté lors des deux dernières élections tenues. Lorsque vous êtes mis en nomination, vous disposez de deux semaines pour y donner suite, sinon votre nom est enlevé de la liste des candidats. Au sein de la collectivité, les candidats disposent d'un forum pour y exposer leur programme électoral. Dans la plupart des cas, le processus électoral n'y est pour rien dans le choix des candidats. C'est une question de relations : la famille et les autres membres de la parenté.

Le processus électoral est inutile lorsque le candidat est déjà proclamé chef, ce qui s'est déjà produit dans notre collectivité qui compte des familles nombreuses. L'une d'entre elles est si nombreuse qu'elle peut décider qui deviendra chef peu importe les candidats. Sensibilisés et formés davantage à la question, nous serions mieux à même de mettre au jour les lacunes ou les dysfonctions du processus électoral.

Au cours des cent dernières années, notre histoire s'est diluée, je pense. Le programme appelé « Études indiennes » aborde les questions touchant les Prairies américaines ou partout ailleurs, mais passe sous silence les Carrier, qui sont un peuple distinct avec une langue, une culture et un mode de vie qui lui sont propres. Je suis sensible à la culture des peuples des Prairies et à celle des autres Premières nations, mais ces cultures n'ont rien à voir avec celle des Carrier. Notre système de valeurs est différent : chefs héréditaires, clans ainsi que regroupements de parenté et traditions en découlant.

À l'heure actuelle, notre taux d'assimilation atteint presque 99,9 p. 100, selon moi. Ces nouveaux sujets de discussion seront repris par mes petits-enfants lorsqu'il sera question des Affaires indiennes et de la Loi sur les Indiens. Je trouve démoralisant que la Loi sur les Indiens, loi du pays, ne soit pas respectée dans la collectivité. Elle prescrit noir sur blanc que les Indiens inscrits doivent demeurer dans la collectivité, ce qui n'est pas le cas. La situation est telle que quiconque peut venir s'installer dans la collectivité sans être tenu de justifier quoi que ce soit. Je sais qu'il existe certains endroits où l'on peut louer une terre pour y vivre en toute légalité, même si la Loi sur les Indiens précise les conditions à satisfaire pour pouvoir résider dans la collectivité.

C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le sénateur Campbell : Quelle est la taille de la Nation des Carrier? Occupez-vous la partie nord de son territoire?

M. Patrick : Nous faisons partie du Carrier-Sekani Tribal Council, qui compte huit bandes membres, alors qu'historiquement il y en avait quatorze.

Le territoire de la Nation des Carrier s'étend de Quesnel à la frontière du Yukon et de la frontière de l'Alberta à Smithers, ce qui représente, selon moi, au moins le tiers de la province.

Le sénateur Campbell : Cela englobe donc Telkwa? Vous dites que le territoire s'étend de la frontière du Yukon à Smithers?

M. Patrick : À Smithers, effectivement.

Le sénateur Campbell : Et jusqu'où s'étend-il au sud?

M. Patrick : Jusqu'à Quesnel.

Le sénateur Campbell : Cela n'engloberait pas Bella Coola?

M. Patrick : Non.

Le sénateur Campbell : Alexis Creek?

M. Patrick : Cette collectivité se situe à la limite. Elle se trouve sur le territoire des Chilcotin.

Le sénateur Campbell : Je voudrais simplement évaluer la taille de votre territoire, parce que j'essaie de me faire une idée du tableau d'ensemble si vous y teniez des élections. Vous savez, je comprends où vous voulez en venir. « Chef » est un concept de blanc. Ce n'est pas un concept autochtone.

M. Patrick : Oui.

Le sénateur Campbell : Votre territoire s'étend jusqu'à la frontière, ce qui englobe donc McBride, Nazko et Quesnel. Et Quesnel?

M. Patrick : Tout à fait.

Le sénateur Campbell : Super! Quelque chose m'échappe dans ce que vous avez dit. Vous pourrez peut-être m'éclairer. C'est hors sujet, cependant. Nous savons que de plus en plus d'Autochtones obtiennent des diplômes en droit, en médecine, en génie et dans presque tous les domaines. Pourquoi ne retournent-ils pas dans leur collectivité après leurs études?

M. Patrick : Le budget de fonctionnement de la bande repose sur le financement des programmes qui ne favorisent pas l'avancement. Tout est restreint. Vous êtes tenus de ne pas dépasser le budget alloué. Il n'y a aucun avancement possible. Vous ne pouvez pas gravir l'échelle salariale. Vous devez vous en tenir au budget de base.

Le sénateur Campbell : Compte tenu de la taille de la Nation Carrier — on ne parle pas d'une bande de 169 personnes ici ou de 150 personnes là — et compte tenu également du grand nombre de collectivités dans cette nation, diriez-vous que quelqu'un pourrait aller s'y installer, s'y rendre très utile et, naturellement, s'y sentir heureux et satisfait du point de vue salarial? Suis-je en train de rêver en couleurs?

M. Patrick : Ce serait possible en théorie, mais la politique, la dynamique et les mentalités sont différentes selon que vous vivez dans la réserve ou à l'extérieur de celle-ci. La première catégorie est marginalisée. La deuxième a accès au marché de l'emploi, est admissible à davantage de programmes et a droit à de l'avancement.

Le sénateur Campbell : On a fait valoir tout le contraire. C'est ce que j'ai entendu. Je suis enfin parvenu à me faire une idée de ces deux catégories distinctes et j'ai compris en fait que les deux sont marginalisées à cause de la Loi sur les Indiens, qui détermine qui a droit à cet énorme budget. Merci beaucoup. Pourriez-vous, s'il vous plaît, apporter des précisions cet égard?

M. Patrick : Par exemple, la ville de Prince George finance le développement économique. Le Prince George Nechako Aboriginal Education and Training Association, le PGNAETA, ou une autre association de formation offre des cours aux Autochtones. L'UNBC et le CNC ont des programmes techniques et professionnels destinés aux Autochtones. Prince George compte 30 organisations autochtones qui peuvent venir en aide aux personnes qui en ont besoin.

Le sénateur Campbell : Vous êtes à un endroit stratégique, avec Prince George et Burns Lake à proximité. Pourquoi les membres de votre bande, de votre nation, ne peuvent-ils pas profiter de ces possibilités? Est-ce en raison de la distance? Parce qu'il faut quitter son milieu? Parce qu'il faut déménager?

M. Patrick : J'ai collaboré avec les organismes de financement ainsi qu'avec certains clients, et j'ai élaboré un plan d'activités. On vous apprend d'abord qu'on disposera d'un budget de 20 000 $ pour ajouter ensuite que ce montant est ramené à 10 000 $ afin d'accélérer le processus, mais qu'il ne faut pas le mentionner au conseil. Au bout du compte, on vous donnera peut être 1 000 $ pour la mise en œuvre de votre projet.

Le sénateur Campbell : Qu'entendez-vous par « on »? Affaires indiennes?

M. Patrick : Non. Il y a un organisme à Prince Rupert, qui s'appelle, je pense, Tricor. À Burns Lake se trouve la Native Development Corporation.

Le sénateur Campbell : Je vois où vous voulez en venir. Très bien. Voici donc ma question : Si je veux fréquenter l'université à Prince George et que je fais partie de la Première nation Stellat'en, qu'est-ce qui m'en empêche?

M. Patrick : Absolument rien. Il suffit probablement de présenter un relevé de notes. Vous devez vous inscrire à l'université et faire parvenir votre relevé de notes à la bande. L'université est alors tenue de vous accepter. Par conséquent, absolument rien ne vous en empêche, sinon la peur de l'inconnu.

Le sénateur Dyck : Vous avez évoqué les non-Indiens qui vivent dans votre collectivité. J'ignore ce que vous entendez par là. Faites-vous allusion aux personnes qui vivent dans la réserve de la Première nation Stellat'en ou sur le territoire traditionnel?

M. Patrick : Aux termes de la Loi sur les Indiens, les Indiens inscrits peuvent résider dans la collectivité. On y retrouve également les Indiens inscrits et les Indiens non inscrits, ainsi que les blancs ou les caucasiens. Si nous devions appliquer la Loi sur les Indiens, au moins le tiers de la population devrait quitter la collectivité.

Le sénateur Dyck : Cela aurait-il un effet sur vos élections?

M. Patrick : Seuls les Indiens inscrits ont le droit de vote. Leurs noms figurent sur la liste électorale. Cependant, des Indiens non inscrits vivent dans la collectivité et ont recours aux divers services : aide sociale, alimentation en eau, égouts et collecte des ordures. Ils ont donc un effet sur la prestation des services publics.

Le sénateur Dyck : Ils reçoivent donc des services de la bande, dont ils ne font cependant pas partie, n'est-ce pas?

M. Patrick : Effectivement.

Le sénateur Raine : Monsieur Patrick, pourriez-vous me préciser quelque chose? Les personnes qui vivent dans la réserve ont-elles été invitées à le faire par quelqu'un?

M. Patrick : En fait, c'est compliqué. Certains nouent des relations à l'extérieur de la collectivité. Il s'agit parfois de conjoints de fait, parfois d'amis. Nous travaillons actuellement à notre code d'adhésion, qui a été examiné par de nombreux avocats, qui n'arrivent pas à apporter des précisions plaisant à tous et tenant compte de tous les cas. Si ces gens continuent de vivre dans notre collectivité, je voudrais que l'assiette d'imposition soit modifiée pour que puissent être assumés les coûts de l'éducation, de la collecte des ordures, de l'alimentation en eau et des égouts, comme c'est le cas à Prince George ou dans toute autre municipalité.

Le sénateur Raine : Je suppose que les règles devraient être les mêmes pour tous ceux qui vivent dans la collectivité, n'est-ce pas?

M. Patrick : Tout à fait.

Le sénateur Raine : Oui. C'est là une autre paire de manches, n'est-ce pas?

M. Patrick : Effectivement.

Le président : Monsieur Patrick, je voudrais vous remercier de votre présence et de vos réponses aux questions des sénateurs.

Je voudrais également remercier ceux qui ont assisté à la séance jusqu'à la fin. Comme nous arrivons à la fin de notre réunion, je voudrais remercier de leur contribution tout notre personnel ainsi que les interprètes, les sténographes, les greffiers, les spécialistes, les analystes, les responsables des communications et les organisateurs.

Nous tiendrons une séance d'information à Vancouver demain matin, puis le sénateur Campbell présidera celle de vendredi matin, toujours à Vancouver.

(La séance est levée.)


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