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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 18 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 7 octobre 2009

Le Comité sénatorial des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 30, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis, ainsi que d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : Questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je veux souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux membres du public et à tous les téléspectateurs partout au pays qui regardent les délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur les ondes de CPAC ou sur le Web.

Je suis le sénateur Gerry St. Germain de la Colombie-Britannique. J'ai l'honneur de présider ce comité qui a pour mandat d'examiner les mesures législatives et les questions qui concernent les peuples autochtones du Canada, en général.

Le 1er avril dernier, le comité a décidé d'entreprendre une étude qui vise à examiner les questions relatives aux élections en vertu de la Loi sur les Indiens. Le comité étudie les préoccupations liées au système électoral selon la Loi sur les Indiens, notamment le mandat de deux ans des chefs et du conseil qui est prévu par la loi. En tant que comité, nous voulons connaître l'opinion des dirigeants des Premières nations, ainsi que celle des experts dans ce domaine quant aux changements qui devraient être apportés au système électoral selon la Loi sur les Indiens pour permettre une meilleure gouvernance des Premières nations et, notamment, renforcer la responsabilité politique des dirigeants à l'égard des citoyens des Premières nations.

Au bénéfice de nos téléspectateurs, il est important de noter que 252 bandes indiennes, soit environ 40 p. 100 de toutes les bandes indiennes du Canada, tiennent des élections en vertu de la Loi sur les Indiens. Notre étude sur les processus électoraux met l'accent sur les Premières nations dont les élections respectent la Loi sur les Indiens. Les autres bandes indiennes sélectionnent leurs chefs en fonction de leurs coutumes ou de leurs ententes sur l'autonomie gouvernementale.

[Français]

Juste avant d'entendre ce que notre témoin dira sur les élections tenues en vertu de la Loi sur les Indiens, permettez- moi de vous présenter les membres du comité qui sont présents.

[Traduction]

À ma gauche, il y a le vice-président, le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest et, à côté de lui, le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard. À ma droite, il y a le sénateur Bob Peterson, de la Saskatchewan; à côté de lui, se trouve le sénateur Carstairs, du Manitoba, puis à côté d'elle, un sénateur nommé récemment, le sénateur Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick; vient ensuite le sénateur Nancy Greene Raine, de la superbe province de la Colombie-Britannique.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous présenter notre premier témoin. Ellen Gabriel est la présidente de Femmes Autochtones du Québec Inc., un rôle qu'elle assume depuis octobre 2004. Elle défend les intérêts des femmes autochtones et transmet leur message à l'échelle provinciale, nationale et internationale.

[Français]

Mme Gabriel a voyagé au Canada, en Hollande et à Strasbourg, en France, afin de s'adresser au Parlement européen. Elle s'est aussi rendue au Japon pour sensibiliser le public à la culture et à l'identité autochtone et aussi pour témoigner de son expérience concernant les évènements de la crise de Kanesatake.

[Traduction]

Nous vous souhaitons la bienvenue et nous nous réjouissons à la perspective d'entendre votre opinion sur les élections tenues en vertu de la Loi sur les Indiens. Après votre déclaration, les sénateurs vous poseront des questions, si vous voulez bien y répondre. Nous vous demandons de limiter votre exposé à environ 10 ou 15 minutes afin que les sénateurs aient suffisamment de temps pour vous poser des questions.

Si vous êtes prête, madame Gabriel, je vous cède la parole.

Ellen Gabriel, présidente, Femmes Autochtones du Québec Inc. :

[Le témoin s'exprime en mohawk.]

Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître ce soir. Je fais partie du clan de la Tortue, de la collectivité de Kanesatake et du peuple de l'emplacement du silex, également connu sous le nom de Mohawk. Je remercie le créateur de m'avoir permis de vivre un jour de plus afin de vous donner cet exposé. Je remercie également la Terre, notre mère, de tous les bienfaits qu'elle nous prodigue.

Je suis heureuse que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ait entrepris une étude sur les questions relatives aux élections selon la Loi sur les Indiens, mais nous, les membres de FAQ, croyons que ces questions sont symptomatiques d'un problème plus vaste lié à la gouvernance des conseils de bande.

Comme en témoigne la Loi relative à l'appartenance de Kahnawake promulguée à Kahnawake en 2003, des codes d'appartenance discriminatoires et des codes électoraux coutumiers ont été adoptés et appliqués illégalement, créant par le fait même des conseils de bande « voyous » élus d'une façon qui ne cadre pas avec les principes de bonne gouvernance. Ces élections ont également soulevé plusieurs préoccupations en matière de droits de la personne.

Il est indéniable que l'adoption et l'application des codes d'appartenance discriminatoires et des codes électoraux coutumiers visaient précisément les femmes ayant recouvré leur statut en 1985, en refusant de leur accorder le statut de membre au mépris des modifications apportées à la Loi sur les Indiens par le projet de loi C-31. Cette situation a entraîné des violations importantes des droits fondamentaux, car ces femmes et leurs enfants sont incapables de vivre dans la réserve, d'y être inhumés et de participer au processus électoral. En outre, ils se voient refuser l'accès aux programmes et services essentiels administrés par le conseil de bande.

Par conséquent, les amendements du projet de loi C-31, conçus pour remédier à la discrimination historique dont ont été victimes les femmes autochtones, n'ont pas été appliqués convenablement par le gouvernement fédéral. Les codes électoraux coutumiers sont également problématiques, puisque le choix des dirigeants de la bande par la coutume peut se faire sans être gêné par la Loi sur les Indiens et ne requiert pas nécessairement une élection.

Historiquement, au sein de la culture autochtone, les élections selon la coutume de la bande sont inexistantes dans la mesure où les élections représentent en elles-mêmes un processus colonial. Toutefois, afin de favoriser la transparence et l'ouverture d'un tel processus, FAQ estime que des normes minimales devraient être adoptées. À tout le moins, le système électoral coutumier ne devrait pas servir d'excuse pour priver de leur droit de vote les femmes qui ont recouvré leur statut.

Bien que l'étude actuellement menée par le comité permanent puisse résoudre, de façon limitée, certains problèmes en matière d'autonomie gouvernementale, elle n'aborde pas les questions reliées à l'appartenance à la bande et à la citoyenneté autochtone. Ces questions sont néanmoins cruciales quand il s'agit d'assurer une meilleure gouvernance et reddition des comptes dans les collectivités autochtones.

Les principes de bonne gouvernance comprennent l'ouverture, la transparence et la reddition de comptes aux institutions démocratiques. Il faudrait réviser le système électoral prescrit en vertu de la Loi sur les Indiens d'une manière inclusive et non exclusive, ce qui permettrait à tous les membres qui le souhaitent de participer aux affaires de la bande grâce au processus électoral.

Les principes de bonne gouvernance comprennent la justice et l'équité dans les relations avec les citoyens. AINC devrait être tenu responsable de l'adoption et de l'imposition de codes électoraux coutumiers et de codes d'appartenance discriminatoires par les conseils de bande au mépris des amendements apportés à la Loi sur les Indiens.

Les principes de bonne gouvernance comprennent le respect de la primauté du droit : AINC devrait respecter et faire respecter le principe de la primauté du droit. AINC devrait répondre de la création de conseils de bande «voyous» et du soutien continu offert à ces conseils. AINC devrait exercer une bonne gouvernance en ne récompensant pas et en ne permettant pas la création de telles enclaves où les droits humains ne sont pas respectés.

Le gouvernement du Canada devrait reconsidérer sa position et signer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones afin de résoudre de nombreuses violations des droits de la personne en matière de discrimination sexuelle.

Le respect de la primauté du droit comprend un État qui respecte non seulement son propre droit interne, mais également le droit international. FAQ tient donc à souligner l'article 4 de la déclaration des Nations Unies :

Les peuples autochtones, dans l'exercice de leur droit à l'autodétermination, ont le droit d'être autonomes et de s'administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs activités autonomes.

Nous recommandons également que le cabinet révoque son décret de 2003 qui appuie le code électoral coutumier récemment adopté par le Conseil des Mohawks de Kahnawake, étant donné que le code était fondé sur un code d'appartenance illégal qui n'a pas été ratifié par la collectivité. À ce jour, la collectivité de Kahnawake n'a toujours pas de code d'appartenance ratifié. L'essence même des droits de l'homme est la dignité. Sans elle, aucun État ne peut honnêtement dire qu'il encourage et protège la démocratie et tout ce qu'elle représente.

Le sénateur Peterson : Je vous remercie de votre exposé.

Dans la documentation que nous avons reçue, sous « élections selon la coutume de la bande », on trouve un certain nombre de critères qui doivent être remplis avant qu'une bande puisse procéder à ce genre d'élections. Insinuez-vous ou affirmez-vous qu'AINC a manqué horriblement à son devoir en ne veillant pas à ce que ces critères soient appliqués?

Mme Gabriel : Oui, et ils continuent de le faire.

Le sénateur Peterson : Vous avez également mentionné qu'un gouvernement « voyou » a été élu au sein de votre bande au moyen d'un code d'appartenance discriminatoire. Cela a-t-il été accompli unilatéralement?

Mme Gabriel : À ce que je sache, et compte tenu de ce que les membres de la collectivité m'ont révélé, le code électoral, qui permet au Conseil des Mohawks de Kahnawake de continuer leurs pratiques discriminatoires, n'a jamais été ratifié et n'a même pas fait l'objet d'une consultation éclairée auprès de la collectivité. Il y a toujours de nombreuses irrégularités, et la bande n'a même pas eu à démontrer qu'elle avait consulté la collectivité avant de mettre en vigueur ce code électoral.

Le sénateur Carstairs : Je vous remercie beaucoup de votre exposé et je vous souhaite la bienvenue au sein du comité sénatorial. Je vous admire et j'admire votre travail depuis longtemps.

Cependant, ce que nous attendons de vous ce soir, madame Gabriel, ce sont des exemples précis du genre de discrimination dont les femmes sont victimes. Pouvez-vous nous en donner?

Mme Gabriel : Bien sûr. On m'avait dit que je n'avais que six minutes à ma disposition. J'ai donc été surprise lorsqu'on m'a accordé 10 ou 15 minutes. Si j'avais été au courant, mon explication aurait peut-être été plus longue.

Je ne sais pas si le nom de Mary Two-Axe Earley vous est familier. Elle est une des pionnières du mouvement féministe des Premières nations au Canada. Au cours d'un de ses exposés, elle a déclaré en plaisantant qu'un animal domestique, comme un chien, pouvait être enterré à Kahnawake, mais pas elle.

AINC transfère des fonds aux conseils comme celui de Kahnawake. Il fait de même pour les autres conseils partout au Canada et pour tous leurs membres. En ce qui concerne Kahnawake, le gouvernement fédéral possède une liste où figurent les noms de 2 700 personnes, en plus de la liste actuelle des membres de Kahnawake.

Ces 2 700 personnes ne reçoivent aucun service. Elles n'ont pas le droit d'appartenir à la bande. Le gouvernement leur a accordé le statut, mais elles n'ont pas le droit de recevoir une éducation. Certaines personnes ont défié le code d'appartenance de Kahnawake et se sont prévalues du droit de vivre dans la réserve. Bon nombre d'entre elles n'ont pas le droit d'y vivre parce que leur époux n'est pas autochtone, mais certaines d'entre elles risquent néanmoins leur vie pour le faire. On a supprimé leur accès à l'eau courante, on les a menacées, mais elles sont tout de même restées là.

Je connais le cas d'une femme à qui ses parents ont légué un terrain et qui n'a pas le droit d'en prendre possession parce que son mari non autochtone est toujours en vie et que ce soi-disant code d'appartenance existe malgré son illégalité.

Ce sont des exemples de la discrimination pratiquée par certains conseils de bande « voyous ». Ce genre de comportement est admis sciemment par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le sénateur Carstairs : Je vais répéter ce que vous avez dit : vous faites face à une situation où il y a 2 700 personnes dont le nom figure sur la liste d'Autochtones inscrits d'AINC.

Mme Gabriel : En plus des autres.

Le sénateur Carstairs : Oui, mais le conseil de bande reçoit des fonds pour 2 700 personnes de plus et est, par conséquent, censé payer leurs soins de santé, leur éducation, leur hébergement, les services dont elles ont besoins et tous les autres éléments qu'il fournit; cependant, ces personnes ne reçoivent pas ces services.

Mme Gabriel : On leur refuse ces services parce que leur nom ne figure pas sur la liste d'appartenance. Elles luttent contre ce code d'appartenance depuis des années. Un conseil des anciens a rendu une décision discriminatoire et illogique et, depuis, elles essaient de résoudre la question de leur appartenance.

AINC a établi quatre différentes sortes de critères qui justifient la création d'un code d'appartenance à la bande. À Kahnawake, on a choisi le degré de consanguinité. Il existe d'autres options comme la règle du parent unique ou des deux parents. Les options sont décrites dans le mémoire que nous avons présenté au comité.

Je tiens à souligner que Kahnawake n'est pas la seule réserve à avoir adopté cette pratique. D'autres collectivités situées partout au Canada sont dans la même situation. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, une mesure législative a été adoptée pour mettre un terme à cette discrimination. Nous avons créé un système de classes et, si nous continuons à suivre les critères d'AINC, Clatworthy et Smith ont déclaré que, dans 50 ans, plus personne n'appartiendra à certaines bandes. Les bandes auront des membres, mais ce ne seront pas des Indiens inscrits.

Cette situation m'inquiète. Notre peuple applique une politique coloniale, et ce n'est pas acceptable. Je crois au principe de la longue maison. Je ne participe pas aux élections de ma collectivité, mais certains membres de ma famille le font. Selon nos traditions, nous pouvons vous adopter si nous le voulons. Nos traditions sont plus ouvertes à tous. Malheureusement, compte tenu des codes d'appartenance, des Autochtones réinscrits, de la façon dont ce système est organisé et du fait que nous avons été opprimés pendant si longtemps, nous prenons maintenant des mesures discriminatoires les uns envers les autres.

Ce qui m'attriste, c'est que nous perdons de bonnes personnes, comme les femmes qui ne sont pas autorisées à vivre dans leur collectivité. Même après la mort de leur époux ou leur divorce, elles vivent dans certaines zones urbaines où elles sont vulnérables. Comme vous le savez, on a volé la vie de nos sœurs, et les taux de violence à l'endroit des femmes autochtones sont élevés. Nous devons veiller à ce que leur dignité et leurs droits soient garantis par la nation dont elles sont originaires.

Ce processus qu'AINC appuie et défend existe à l'heure actuelle au Canada alors qu'il ne le devrait pas; personne ne devrait l'accepter.

Le sénateur Carstairs : Merci. Je vais céder la parole à la personne suivante, mais j'aimerais participer à la deuxième série de questions.

Le sénateur Hubley : Bienvenue, madame Gabriel.

Je veux continuer sur le sujet de la discrimination. Je crois que vous avez mentionné que le processus électoral était discriminatoire et qu'en outre, les femmes étaient victimes de discrimination lors de la tenue des élections. Pourriez- vous m'expliquer en quoi consiste cette discrimination?

Mme Gabriel : Dans ce cas en particulier, les femmes, ou les personnes qui ne vivent pas dans la réserve, ne sont pas autorisées à voter. Cette discrimination va à l'encontre de la jurisprudence canadienne, qui accorde aux personnes qui ne résident pas dans une collectivité le droit de voter. C'est une pratique de discrimination.

Par ailleurs, une personne qui est d'accord avec le conseil de bande peut être autorisée à voter même si elle vit ailleurs — cette personne peut conserver un domicile dans la réserve bien qu'elle vive dans un centre urbain. En revanche, les femmes qui ont recouvré leur statut dans le cadre du projet C-31 ne sont pas autorisées à voter à moins d'appartenir à la bande.

Cette question porte sur la pratique discriminatoire qui consiste à exiger que la personne réside dans la réserve. En fait, l'un des critères qu'ils ont établis est le suivant : pour poser sa candidature au conseil, une personne doit avoir vécu dans la collectivité pendant au moins six mois. Nous devrions être égaux, peu importe où nous vivons. Nous ne devrions pas être limités par le fait qu'il n'y a pas d'habitations disponibles dans la réserve. Une des faiblesses du projet de loi C-31, c'est qu'il ne tenait pas compte de l'augmentation du nombre de membres qu'il allait occasionner dans les collectivités après la réinscription, non plus que de l'espace supplémentaire qui serait nécessaire pour accueillir les nouveaux membres.

Lorsque les gens ont été opprimés aussi longtemps que nous l'avons été, ils commencent à être sélectifs quant aux personnes qui sont autorisées à rester et celles à qui l'on demande de partir. C'est essentiellement une façon basée sur le népotisme d'imposer leur forme de démocratie. Pour les gens qui veulent voter et participer aux processus décisionnels de la collectivité où ils sont nés, cet état de chose n'est pas acceptable.

Certaines de ces femmes n'ont même pas le droit d'être enterrées dans leur collectivité. L'ancien chef Joe Norton, alors qu'il parlait à certaines femmes, a déclaré en plaisantant : « Vous pourrez revenir quand votre époux sera décédé, ou vous pourriez toujours le tuer. » Ce commentaire est une insulte pour les femmes qui aiment leur mari et qui ont des enfants qui sont également victimes de discrimination parce que leur père est blanc.

Le sénateur Hubley : Nous examinons actuellement les pratiques électorales des collectivités autochtones et des Premières nations. Avez-vous des observations à formuler à propos de la durée des mandats? Nous avons étudié la possibilité de les prolonger afin que leur durée passe de deux à peut-être quatre ans. Voyez-vous des avantages ou des désavantages au changement que nous voulons apporter?

Mme Gabriel : Je pense qu'un mandat de quatre ans est avantageux. Le poste de président, que j'occupe, est d'une durée de deux ans et, pendant cette période, le titulaire doit apprendre les ficelles du métier, en particulier si c'est la première fois qu'il occupe ce poste : découvrir comment le gouvernement fonctionne et tout le processus qui l'accompagne. Les mandats de quatre ans sont favorables à l'établissement d'un leadership fort mais, étant donné le genre de discrimination qui sévit en ce moment, je voterais en faveur d'un mandat de deux ans jusqu'à ce que les problèmes soient réglés.

Le sénateur Hubley : Vous avez utilisé le terme « oppression » à plusieurs reprises au cours de votre exposé. Si vous deviez pointer du doigt toute partie du gouvernement susceptible d'être responsable de cette oppression, que feriez- vous?

Mme Gabriel : Je ne suis pas certaine de comprendre votre question.

Le sénateur Hubley : Je demande si vous êtes d'avis que la Loi sur les Indiens est un élément positif pour nos Premières nations. Selon vous, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, AINC, remplit-il son rôle?

Mme Gabriel : Non, je ne crois pas que la Loi sur les Indiens soit un élément positif pour nous, pas plus que j'estime que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien remplit bien son rôle.

Leur façon de négocier ou de faire affaire avec nous est aliénante. C'est difficile à expliquer dans le peu de temps dont nous disposons. Cependant, nous avons un conseil de bande de la Loi sur les Indiens. Il ne s'agit même pas d'un gouvernement. Il relève du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le conseil ne peut rien faire; par exemple, il ne peut pas ratifier les règles d'appartenance sans l'approbation du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous manquons de financement pour l'éducation. La vérificatrice générale elle-même a déclaré qu'il faudrait 28 ans aux enfants et aux jeunes Autochtones pour rattraper le reste de la société canadienne parce que plus de 60 p. 100 du budget est consacré à la bureaucratie du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et nous avons de la chance d'avoir quelque chose pour nos collectivités. Nous devons interroger le gouvernement parce qu'il bafoue constamment la déclaration, et nous devons parler de l'argent qu'il a dépensé pour ce faire. La Loi sur les Indiens a été adoptée précisément pour cibler le rôle des femmes, c'est-à-dire notre autorité et notre valeur au sein de nos collectivités; à cela se sont ajoutés les pensionnats, ce qui a rendu nos familles dysfonctionnelles. Nos taux de suicide sont élevés. Si la Loi sur les Indiens ciblait précisément les femmes, c'est que le gouvernement savait qu'elles avaient beaucoup d'autorité; ce sont elles qui transmettaient la langue et les valeurs morales aux enfants. La Loi sur les Indiens a été conçue pour appuyer la descendance mâle. Le gouvernement savait précisément comment ruiner la santé et le bien-être d'une nation.

Nous sommes maintenant en 2009 et nous sommes toujours victimes de discrimination. C'est inadmissible. Je suis une personne traditionnelle de la longue maison. Comme je l'ai indiqué, je ne participe pas au scrutin à l'occasion des élections de mon conseil de bande parce que nous avions, et nous avons toujours, un gouvernement qui existait avant que les Européens arrivent ici. Il est devenu illégal dans les années 1920 et l'est toujours. Le gouvernement refuse de traiter avec les gouvernements des peuples traditionnels. Le gouvernement contrevient à l'article 35 de la Constitution qui porte sur les droits inhérents. Ces droits ne devraient pas se limiter à la pêche ou à la chasse. Les droits inhérents englobent plus que ces deux petits secteurs.

Notre gouvernance est lacunaire. Nous avons un système conçu pour accepter la corruption, et cette corruption est entièrement tolérée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Dans l'intérim, on continue de nous voler nos terres. On continue de développer nos terres dans le cadre d'un processus qui est injuste envers nous. Selon moi, les revendications territoriales sont un autre secteur qui nous montre que les gens sont également privés de leurs droits territoriaux, en fonction des règles d'appartenance. J'aimerais beaucoup participer à un grand débat avec ces personnes qui tentent continuellement de brimer nos droits. Nous sommes les Premières nations de ce pays. Nous ne sommes pas venus par le détroit de Béring. Nous sommes nés ici. Sans l'accès à nos remèdes, à nos terres et à nos ressources, nous sommes privés de nos droits, de notre héritage et de notre identité. Notre identité est diminuée. Il n'y a rien de bon dans la Loi sur les Indiens, sauf que pour l'instant, c'est tout ce que nous connaissons. Le gouvernement ne respecte pas les traités. Il répète constamment que ce traité a été signé avec la Grande-Bretagne. Le Canada ne fait-il pas partie du Commonwealth? La reine n'a-t-elle pas dû donner son accord au Canada lorsqu'il a changé sa Constitution? Le Canada n'a-t-il pas toujours un gouverneur général?

Il y a toutes sortes d'incohérences dans les arguments qui nous sont présentés lorsque nous tentons de défendre nos droits. Notre seule façon de nous faire remarquer par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ou de pouvoir engager une discussion avec lui est de faire des blocus. Quel genre de gouvernement force son peuple dans ses derniers retranchements? Nous n'aimons pas les blocus. Personne ne veut rester dehors au froid et à la pluie et se faire harceler par le reste du public canadien, mais c'est ce que le gouvernement nous force à faire. Il est temps que le public canadien et le Parlement s'interrogent sérieusement sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien — sur la façon dont il nous traite et dépense notre argent, parce que cet argent vient de nos redevances. En 1927, lorsque la Confédération iroquoise est devenue illégale, on a également retiré le fonds en fiducie.

Le président : Le comité a entendu le témoignage d'autres personnes préoccupées; vous avez d'ailleurs soulevé certaines de leurs préoccupations ce soir. Nous avons tenté de nous concentrer sur des petites étapes comme les revendications particulières, le développement économique et la mise en œuvre de traités contemporains. Nous nous sommes concentrés sur ces étapes.

Y'a-t-il quelque chose que nous pouvons dire dans nos recommandations pour appuyer votre cause? Je ne crois pas que nous réglerons le scénario du projet de loi C-31. En 1985, ce projet de loi a été déposé. Vous dites que certains membres de ces Premières nations n'accepteront pas ces femmes même si la loi a été adoptée.

C'est le droit inhérent d'une bande d'établir ses propres règles d'appartenance. C'est une question qui devient complexe. Vous savez que nous sommes en train d'envisager le mandat de deux ans et, peut-être, le choix d'une journée en particulier pour la tenue d'élections afin qu'il n'y ait pas de mouvement continuel dans diverses régions où il existe des conseils tribaux ou des groupes dirigeants, comme au Manitoba et à d'autres endroits. Nous envisageons le mandat de deux ans pour qu'il puisse y avoir une certaine continuité. Il y a également le processus de rappel.

Pouvez-vous nous faire une recommandation qui, selon vous, nous aidera à atteindre certains des objectifs et à composer avec certains des défis que vous tentez de surmonter?

Mme Gabriel : Une des premières choses qui me vient à l'esprit est de donner le droit de vote aux personnes pour lesquelles les bandes reçoivent du financement. Ce changement va de soi. Il est simple.

Nous avons parlé de la primauté du droit. Le gouvernement utilise constamment cet argument contre nous. La primauté du droit doit être respectée, mais pourtant, le gouvernement ne le fait pas. Il n'applique pas la modification qui peut donner l'égalité aux femmes autochtones et à leurs enfants au Canada.

En outre, certaines des recommandations que nous avons formulées se sont appuyées sur le principe de la bonne gouvernance. Peut-être que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien doit lui aussi apprendre ce qu'est la bonne gouvernance. Il n'y a ni ouverture, ni transparence, ni responsabilité. Le ministère n'est pas une institution démocratique.

Vous vous interrogez au sujet du mandat. Comme je l'ai indiqué, si la situation était idéale, je dirais qu'un mandat de quatre ans est probablement la meilleure façon pour un chef d'acquérir de l'expérience et de se familiariser avec le système. Toutefois, à l'heure actuelle, si l'on tient compte des actions tolérées par AINC, je ne peux pas recommander des mandats de quatre ans.

Les conseils de bande qui font de la discrimination doivent rendre des comptes. Notre mémoire contient des exemples. Nous citons la bande de Sagamok qui refuse également de mettre en œuvre le projet de loi C-31 ou l'article 6 de la Loi sur les Indiens.

Je veux voir des règles d'appartenance plus pertinentes du point de vue culturel et qui ajoutent une analyse comparative entre les sexes. Si le comité a la possibilité de faire une seule recommandation, ce serait de procéder à une analyse comparative entre les sexes à ce sujet.

Nous parlons d'élire des personnes. Nous sommes forcés d'adhérer à ces types de systèmes. Nous n'avons pas le choix. Comme je l'ai indiqué, certains conseils n'ont aucun pouvoir. Ils ont le pouvoir de dire qui bénéficie de l'eau et de l'éducation, mais ils n'ont pas grand pouvoir à moins qu'AINC dise qu'ils en ont.

J'ai cité la déclaration au sujet de l'autodétermination. Cette question devrait porter sur l'autodétermination. Elle devrait porter sur la dignité des droits de la personne. Peut-être que la question dépasse le mandat du comité, mais je crois que c'est un élément dont vous devriez tenir compte.

En tant que personne traditionnelle de la longue maison, cela ne me dérange pas de collaborer avec mes frères et sœurs qui adhèrent au système du conseil de bande s'ils veulent adhérer à cette structure coloniale. Je veux aussi avoir le droit de faire reconnaître mon gouvernement et de choisir, et de ne pas me faire imposer ce gouvernement.

Je ne crois pas que ces conseils de bande soient démocratiques. Je crois que c'est plutôt une question de contrôle. Les conseils de bande ont été créés, au fond, pour remplacer l'agent des sauvages. C'est triste que dans l'un des pays les plus développés au monde, nous soyons toujours sous la coupe d'un homme — quel qu'il soit. Nous avons eu une seule exception, avec une femme comme ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le fait que le processus ne tient pas compte de notre culture, de notre façon de faire et de nos valeurs doit être révisé. Tout le système doit être revu, ce qui, je crois, dépasse le mandat de ce comité.

Le président : Il n'y a certainement aucune question autochtone sur laquelle on nous interdit de nous pencher. Cependant, reste à savoir si nous pourrions ou non effectuer les changements nécessaires. Nous faisons nos recommandations dans des rapports que nous présentons au gouvernement. Certains d'entre nous pensent comme vous que la Loi sur les Indiens est archaïque. Elle ne sert pas les Autochtones comme elle le devrait.

Le sénateur Sibbeston : Madame Gabriel, je vous écoute et je ne peux m'empêcher de ressentir beaucoup d'empathie à votre endroit et de me soucier de vous. Je suis originaire des Territoires du Nord-Ouest où on ne vit pas tous les problèmes dont vous parlez ce soir.

En général, aucun Autochtone n'est exclu de la collectivité. Les gens sont encore ensemble, et nous n'avons pas de réserves dans le Nord. Nous n'avons pas de personnes qui vivent complètement seules. Il y a plus de donnant-donnant. De plus en plus d'Autochtones vivent avec des non-Autochtones. C'est accepté.

Dans le Nord, si un Autochtone a une relation avec un Blanc, leur enfant est un Métis. Je crois que c'est la même chose dans l'Ouest canadien. Les Métis sont des descendants d'Autochtones et de non-Autochtones. Ils sont devenus un groupe de personnes dont l'histoire diffère, en quelque sorte, de celle des Premières nations.

Quand je vous écoute, je suis perplexe. Les Autochtones veulent être connus comme des gens généreux, terre-à-terre, près de la nature et bons envers leur famille. Ce que vous décrivez n'est pas le cas. Vous décrivez une exclusion malveillante des gens simplement parce qu'ils ont épousé un Blanc. Des règles rigides ont été établies.

Notre comité cherche des façons d'améliorer la situation des Premières nations en ce qui a trait aux élections — pas seulement les mandats —, mais tout le processus électoral. Je suis persuadé que nos rapports porteront sur la manière d'améliorer le processus électoral. Nous recommanderons probablement la création d'une entité — d'un organe — indépendante du gouvernement qui s'occuperait des élections chez les Premières nations.

Si l'on tient compte de tous les problèmes que vous avez — vous êtes exclue de la réserve et de tous les programmes — je suppose que l'étude est très loin d'aborder l'ampleur de vos problèmes.

Croyez-vous que nos travaux et une recommandation particulière de notre part au sujet d'un organe responsable des élections aideraient le moindrement? Est-ce que cela vous aiderait que nous recommandions et suggérions des changements comme celui-là?

Mme Gabriel : Il est possible que cela aide certaines personnes. Il faudra des mécanismes qui assureront ainsi l'égalité — un processus mis en place pour faire comprendre aux gens ce qu'est la démocratie.

J'apprécie vos commentaires au sujet des peuples autochtones dans votre région. Vous estimez qu'en comparaison, les gens de notre région sont, essentiellement, mesquins. Je vous fais dire des choses, mais c'est essentiellement ce dont il est question. Si nous nous penchons sur les causes profondes, elles reviennent à nous faire dire que nous sommes une bande de sauvages et que nous sommes stupides. Les gens souscrivent à la version colonisée de ce que nous devrions être.

À mon avis, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien contribue souvent aux problèmes, et même à la violence, que nous voyons dans nos collectivités. Nous vivons toujours avec, au-dessus de la tête, cette sorte de terrorisme économique pratiqué par Affaires indiennes et du Nord Canada qui nous dit : voici la politique, voici le programme, c'est à prendre ou à laisser. Si vous ne l'appliquez pas, votre bande ne recevra pas tel montant d'argent.

Je pense que vous devez vous pencher également sur la part de responsabilité d'AINC dans ce problème, comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire. Une loi a été adoptée pour mettre fin à la discrimination, mais elle n'est pas appliquée. En fait, on récompense la discrimination. Je pense que vous devez examiner, encore une fois, la part de responsabilité d'AINC dans ce problème.

Il ne suffira pas d'apporter des correctifs aux codes électoraux ou de fixer la durée des mandats à quatre ans. Tant que subsisteront des inégalités, tant qu'il sera question de gens qui sont opprimés depuis si longtemps et qui ont soudainement la chance — du moins en apparence — de se gouverner eux-mêmes, ils en profiteront et feront fi de leurs traditions et de leurs coutumes. La question qu'il faut aborder est celle de notre citoyenneté, des obligations qui en découlent à l'égard de la nation. Cela ne s'arrête pas au fait de posséder une carte qui nous permet de ne pas payer de taxes quand nous allons magasiner. La question qu'il faut aborder est celle de notre identité autochtone.

Les coutumes dont parle AINC sont des coutumes considérées comme telles par AINC, et non pas par les Autochtones eux-mêmes. Cette question doit être examinée également.

Le sénateur Stewart Olsen : Madame Gabriel, merci de comparaître devant le comité. Je vais vous demander d'être patiente avec moi, car je suis nouveau. J'aimerais que vous clarifiiez un élément qui est un peu confus pour moi.

Vous avez dit que la bande reçoit de l'argent pour des personnes qu'elle n'accepte pas comme membres.

Mme Gabriel : C'est une situation qui se produit partout au Canada, en effet. Il y a des exceptions. Certains conseils de bande dispensent les services à ceux de leurs membres qui habitent à l'extérieur des réserves ou aux personnes qui ont recouvré leur statut à la suite de l'adoption du projet de loi C-31.

Le sénateur Stewart Olsen : La bande reçoit l'argent et refuse ensuite de fournir les services à certaines personnes qu'elle ne reconnaît pas comme membres? C'est bien ça en gros?

Mme Gabriel : Une fois adopté le projet de loi C-31, AINC a confié aux conseils de bande le pouvoir d'adopter des règles pour régir l'appartenance à son effectif.

Le sénateur Stewart Olsen : D'accord.

Mme Gabriel : AINC n'a pas appliqué cette loi, malgré l'obligation de le faire.

Le sénateur Stewart Olsen : C'est donc la situation actuelle, n'est-ce pas?

Mme Gabriel : Oui, c'est bien cela.

Le sénateur Stewart Olsen : Le gouvernement verse l'argent à la bande, puis la bande refuse d'offrir les services requis en raison...

Mme Gabriel : En raison de leurs codes d'appartenance.

Le sénateur Stewart Olsen : Très bien. Pourrait-on formuler une recommandation qui dirait à peu près ceci : si la bande ne reconnaît pas un membre comme sien, elle ne reçoit pas d'argent pour ce membre?

Mme Gabriel : Je pense qu'il devrait y avoir des conséquences. Je ne pense pas qu'il faille pénaliser toute la collectivité. Certains conseils de bande devraient être pénalisés pour la discrimination qu'ils pratiquent.

Le sénateur Stewart Olsen : Je suis d'accord avec vous. J'essaie de trouver une façon de formuler une recommandation qui donnerait du pouvoir aux personnes qui sont privées de leurs droits de cette façon.

Mme Gabriel : L'article 67 de la Loi sur les droits de la personne a été abrogé tout juste l'an dernier, et la loi s'applique maintenant dans les réserves. Je pense qu'on verra en conséquence déferler une vague de plaintes concernant les droits de la personne.

Au bout du compte, qui sera le coupable de cette situation? Ce ne sont pas seulement les conseils de bande, car ils relèvent du ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada est le coupable, car c'est lui qui a créé ce problème.

Je pense que la question prendra des proportions beaucoup plus grandes si on ne règle pas le problème des membres non-résidants, qui se voient refuser le statut de membres même au sein d'une bande où ils sont nés, et si l'article 6 de la Loi sur les Indiens n'est pas respecté par toutes les bandes.

Le sénateur Stewart Olsen : Merci de ces précisions.

Le sénateur Raine : Merci beaucoup, madame Gabriel, d'être venue. J'ai beaucoup de questions, mais je vais essayer de me limiter.

Vous avez dit que le projet de loi C-31 a permis à AINC de confier aux bandes le pouvoir d'établir leurs propres codes d'appartenance.

Mme Gabriel : C'est exact.

Le sénateur Raine : Avant l'adoption du projet de loi C-31, était-ce AINC qui déterminait qui était membre d'une bande?

Mme Gabriel : AINC tenait un registre des membres de chaque bande et des membres inscrits. Il le fait encore d'ailleurs.

Le sénateur Raine : Le statut d'Indien inscrit et d'appartenance à la bande sont deux notions différentes maintenant?

Mme Gabriel : Oui, ils peuvent avoir le statut d'Indien inscrit sans appartenir à la bande.

Le sénateur Raine : Lorsqu'une bande déclare qu'un Indien inscrit en fait partie, AINC lui verse du financement au prorata de la population en s'appuyant sur cette liste. C'est bien ça?

Mme Gabriel : C'est exact.

Le sénateur Raine : Toutefois, ils n'ont pas besoin d'avoir le statut de membre de la bande qui leur donne le droit de voter. En d'autres mots, la bande reçoit des fonds d'AINC, mais la personne concernée n'a pas les droits conférés aux membres de la bande?

Mme Gabriel : Elle n'a pas de droit, à moins d'être membre de la bande.

Le sénateur Raine : Oui, cette situation est préoccupante.

Nous parlions en particulier de la durée des mandats. C'est intéressant, car on croyait qu'en prévoyant maintenant quatre ans dans la Loi sur les Indiens, cela donnerait plus de temps aux bandes pour mettre en place leurs propres codes. Les bandes n'arrivaient pas à le faire parce que les mandats étaient trop courts.

J'entends maintenant que ce n'est peut-être pas une si bonne idée que les bandes aient leurs propres codes. Dans les faits toutefois, les bandes ne peuvent pas mettre en place des codes qui n'ont pas de rapport avec les droits de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés, et cetera. Ainsi, ces codes...

Mme Gabriel : C'est possible en vertu de la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens n'a rien à voir avec les droits de la personne.

Le sénateur Raine : Est-ce que la Loi sur les Indiens s'applique à la bande de Kahnawake?

Mme Gabriel : Ils disent qu'elle ne s'applique pas, mais je pense qu'ils ont conclu une sorte d'entente de gestion territoriale avec AINC. Kahnawake est en fait un conseil de bande institué en vertu de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Raine : Est-ce que la bande tient des élections tous les deux ans?

Mme Gabriel : Oui, ils en ont eu une l'année dernière. Un jeune homme a été élu, mais il a été expulsé après qu'on a appris qu'il n'habitait pas Kahnawake depuis six mois. Le problème, c'est qu'aucun code d'appartenance n'a encore été adopté. Je ne pense pas qu'il y ait même de code électoral. Cette situation permet aux conseils de bande de s'arroger le pouvoir de prendre des décisions sans le consentement des membres.

Autre problème que connaît bon nombre de collectivités : un quart seulement des citoyens vont voter.

Le sénateur Raine : Un point intéressant a été soulevé en Colombie-Britannique au sujet de la confusion qui entoure la notion de « code coutumier ». Il peut s'agir d'un code adapté en fonction des besoins et du souhait des membres; en ce sens, ils doivent donc être approuvés par la majorité. Il peut s'agir également d'un code qui repose sur la tradition, sur ce qui s'est fait par le passé. Vous avez mentionné à plusieurs reprises votre appartenance à une longue maison. Pouvez-vous nous expliquer comment sont régies les longues maisons?

Mme Gabriel : Dans une longue maison, ce sont les femmes qui nomment les chefs. Elles peuvent donc choisir le chef et le destituer, mais ce n'est pas une hiérarchie. En fait, les chefs sont plus ou moins les porte-parole de la nation qu'ils représentent. Certains chefs mohawks ne vivent pas au sein de ma collectivité, mais ce sont mes chefs. Dans le système des conseils de bande, toutefois, les chefs doivent vivre au sein de la collectivité.

Les femmes ont un rôle égal à celui des hommes dans le processus décisionnel. Notre forme de gouvernement est basée sur les clans. J'appartiens au clan de la Tortue. Les hommes et les femmes de mon clan se réunissent pour prendre des décisions. On s'attend à ce qu'il y ait des désaccords. On ne peut pas toujours avoir l'unanimité, mais les séances de discussion sont ouvertes et tout le monde a la possibilité de parler.

Nos dirigeants demeurent en poste pendant de nombreuses années. Il arrive parfois qu'une personne soit choisie comme chef ou comme mère de clan à vie, jusqu'à sa mort, tandis que les conseils de bande sont en place pour deux ans seulement. Un des points faibles de ce système, c'est qu'il ne permet pas ou ne donne pas la chance à la personne de comprendre. Il repose également, comme l'a mentionné un sénateur, sur l'équilibre, l'harmonie et le respect de l'environnement qui nous nourrit. Toutefois, la formule des conseils de bande n'est pas basée uniquement sur ces idées. Les conseils de bande vont appuyer les projets d'exploitation minière ou forestière, ou de développement non durable qui ne tiennent pas compte des répercussions sur l'environnement. En tant que peuple traditionnel, nous ne pouvons pas le faire. Nous pensons en fonction des sept générations à venir.

Un de nos aînés m'a dit récemment que les hommes pensent en fonction du moment présent, de ce qui est en train de se passer, alors que les femmes pensent en fonction de l'avenir, de ce qui s'en vient. Ces idées sont à la base même des formes de gouvernement traditionnel, qui sont des démocraties dans le sens pur du terme. Les États-Unis se sont inspirés de la Confédération iroquoise parce qu'ils y ont vu une vraie démocratie, mais ils ont étouffé notre voix.

Je n'en veux pas aux conseillers de bande, et je trouve que certains d'entre eux font un travail remarquable. Je veux toutefois que la forme traditionnelle de gouvernement de la Confédération iroquoise soit respectée et prise au sérieux. Lorsque Tom Siddon était ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien en 1990, il nous a dit que le gouvernement du Canada ne discuterait jamais avec la Confédération iroquoise et qu'il ne reconnaîtrait jamais son autorité. Ces paroles sont celles d'un ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le sénateur Peterson : Depuis combien de temps les dirigeants de Kahnawake sont-ils en poste?

Mme Gabriel : Les élections ont eu lieu en juillet.

Le sénateur Peterson : Ils ont été élus par les citoyens qui peuvent voter?

Mme Gabriel : Ils ont été élus par ceux qui sont sur la liste de la bande et qui sont résidants de Kahnawake.

Le sénateur Peterson : Est-ce qu'ils sont tous d'accord avec les dirigeants, à savoir que cette situation est valable? S'ils ont voté pour eux, ils doivent appuyer leurs idées, ce qui me semble bizarre. Si la situation est sérieuse au point qu'il n'est pas possible de faire élire des gens qui pensent comme vous, il n'y a pas d'équité en votant.

Mme Gabriel : Je ne suis pas certaine de bien comprendre, mais les choses sont toujours compliquées avec les Autochtones. Ce n'est jamais simple, comme peut sans doute en témoigner le président. L'une des idées fausses qu'ont les gens, c'est que ce système nous est imposé, que nous le voulions ou non. Les gens se porteront volontaires pour faire partie du conseil de bande même s'ils n'aiment pas la tradition et même s'ils ne croient pas que la tradition a sa place dans notre société. Je respecte leur point de vue. Nous vivons dans une société démocratique. Ils ont droit à leur point de vue. Toutefois, j'ai aussi droit au mien.

Habituellement, peu de gens vont voter. Kahnawake est une collectivité de 7 000 membres. De ce nombre, il y en a peut-être 1 400 qui sont allés voter. La participation a été très faible. Peu importe d'où ils viennent, ils ont tous de grandes idées et disent qu'ils vont apporter des changements et travailler pour le bien de leur collectivité. Une fois élus toutefois, ils se rendent compte qu'ils ont les mains liées par les critères et les restrictions que leur impose AINC. Ils doivent suivre le courant. Le système est conçu pour nous assimiler, pour continuer de nous opprimer et pour miner nos droits fondamentaux inhérents à l'autodétermination.

Oui, les gens peuvent voter, mais je ne crois pas que la participation soit suffisante pour justifier ce type de système, pour la nation Mohawk, à tout le moins. Je parle de la nation mohawk, car j'appartiens à cette dernière. D'autres nations adoptent ce système toutefois. Et dans ce cas, ceux qui veulent voter se voient refuser ce droit parce qu'ils ne sont pas membres. Il s'agit de personnes qui, si elles n'étaient pas mariées à des non autochtones, seraient admissibles au regard du critère du sang. Les restrictions vont même plus loin. Elles doivent être de sang mohawk. Si elles sont mariées à un homme anishinabe, leurs enfants ne sont pas de pur sang mohawk. Nous sommes colonisés à ce point; nous nous sommes éloignés à ce point de nos traditions.

Le président : Madame Gabriel, votre exposé et vos réponses ont été très instructifs. Je siège à ce comité depuis 15 ans, et je pense qu'il n'y a là rien de surprenant. Je sais que les sénateurs qui font partie du comité ont une très vaste connaissance des questions qui concernent les Premières nations.

Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir faire votre exposé. Avec un peu de chance, nous pourrons en reprendre une partie dans nos recommandations. Le comité aura le courage et la clairvoyance d'examiner sérieusement les questions qui concernent AINC et l'appartenance à la bande.

Nous vous remercions de votre présence ici ce soir. Nous serons ravis de continuer à travailler avec vous. S'il vous vient d'autres idées plus tard à propos de cette étude et que vous aimeriez nous en faire part, n'hésitez pas à communiquer avec le greffier et nous les prendrons en considération.

Mme Gabriel : Je vous remercie. Je suis heureuse d'avoir eu l'occasion de faire cet exposé ce soir. Merci également pour vos questions.

Le président : J'ai d'excellentes nouvelles pour le comité. Un membre du personnel d'un de nos sénateurs a participé à une conférence à Toronto intitulée Engaging and Negotiating with Aboriginal Communities. Le conférencier qui a prononcé l'allocution d'ouverture s'est levé et a déclaré qu'un comité faisait un excellent travail à Ottawa et que ce comité était le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Ce commentaire est tout à l'honneur des sénateurs assis autour de cette table. Nous espérons continuer de recevoir de bonnes nouvelles comme celles-ci.

Nous avons parmi nous ce soir un des nouveaux sénateurs qui viennent d'être nommés, le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut. Nous vous souhaitons la bienvenue, sénateur.

Nous allons maintenant passer à notre deuxième témoin, le chef Gilbert Whiteduck, du conseil de bande Kitigan Zibi.

Chef Whiteduck, nous sommes impatients de vous entendre. Comme vous avez pu le constater, nous avons beaucoup de questions et vous saurions gré de ne pas dépasser 10 minutes si possible.

Gilbert Whiteduck, chef, Conseil de bande Kitigan Zibi : Bonsoir monsieur le président, mesdames et messieurs. C'est pour moi un honneur d'être ici ce soir. Je vous souhaite la bienvenue en territoire algonquin, un territoire non cédé et non conquis. Pour nous, Ottawa est situé au cœur de notre territoire traditionnel.

La collectivité de Kitigan Zibi que je représente a été fondée en 1853. Nous sommes donc une collectivité des Premières nations qui date d'avant la Confédération. Notre collectivité est la plus importante de la nation algonquine. Elle compte 2 735 membres, dont environ 1 500 habitent dans la réserve et 1 235, à l'extérieur.

Je ne vais pas vous faire un cours d'histoire, mais il importe de comprendre les racines du système de gouvernance dysfonctionnel actuel qui est imposé par Ottawa aux Premières nations.

Nous avons été les premiers à nous installer ici et, de toute évidence, nos systèmes de gouvernance fonctionnaient. En 1876, la première Loi sur les Indiens est venue enclencher le processus d'éradication systématique de notre culture et de nos modes de gouvernance.

Son objectif était de nous civiliser et de nous assimiler. En nous imposant un système de gouvernance municipale, les conseils de bande, on s'attendait à ce qu'en légitimant les réserves, on puisse les transformer rapidement en municipalités.

Les règles qui régissent l'élection des conseils de bande à l'heure actuelle s'apparentent à ce projet avorté. Le comité veut maintenant examiner la situation. Pour nous, — chefs dûment élus, et pour nos concitoyens, — c'est toujours la même histoire.

Deux choses ont changé toutefois. Il y a, premièrement, l'inclusion des membres non-résidants sur la liste des personnes qui peuvent voter au sein de la collectivité, à l'issue de l'arrêt Corbiere.

Et il y a, deuxièmement, la hausse croissante des demandes provenant des non-résidants qui veulent avoir accès au peu de ressources, de services et de programmes offerts par les réserves.

On a mentionné précédemment que les Premières nations recevaient des fonds au prorata de la population. Ce n'est pas le cas. Nous n'avons jamais reçu de financement au prorata de la population. Le financement accompagne les programmes. Diverses formules sont utilisées pour déterminer le montant des fonds alloués. Nous ne recevons pas de fonds pour les membres non-résidants, sauf pour l'éducation postsecondaire. Nous ne recevons de fonds pour rien; la prestation des programmes n'est donc pas chose facile.

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique prévoit deux ordres constitutionnels de gouvernement : le fédéral et le provincial. Les conseils municipaux et les conseils de bande n'y sont aucunement mentionnés, pas plus que les gouvernements autochtones autonomes.

Bien des gens considèrent que la politique de 1995 sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, qui demeure en vigueur sous le gouvernement conservateur, constitue la réponse définitive en matière d'autorité des gouvernements des Premières nations. Cela dit, cette politique nous paraît absurde. Lorsque l'on demande si les règles doivent être révisées, je réponds par l'affirmative. Toutefois, je me dois, humblement, de vous informer de la complexité du dossier, qui demande une réflexion posée et minutieuse. Selon une perception largement répandue dans l'ensemble de la population canadienne (je crois d'ailleurs l'avoir entendue ici au comité ou à la chaîne CPAC), les bandes indiennes et leurs chefs sont corrompus ou tout simplement incompétents.

Nous avons notre lot de problèmes, mais ils ne sont pas légion. De toute façon, les ministères canadiens n'ont jamais donné l'exemple.

Je n'irai pas par quatre chemins. Si la prémisse de ce projet repose sur l'idéologie, les faits exagérés ou la rumeur, vos recommandations auront un effet nettement contreproductif.

Voici des informations tirées du site web du Congrès des peuples autochtones :

M. Patrick Brazeau appelle au démantèlement du système de réserves indiennes au Canada, à l'abolition de la Loi sur les Indiens et à la reconstitution des nations autochtones traditionnelles du Canada.

« Tel que nous le connaissons, le système de réserves est défectueux et doit être remplacé. Des milliards de dollars sont investis dans ce système chaque année et qu'est-ce qui en résulte? Des réserves qui sont dans un état scandaleux, voilà tout. »

Patrick Brazeau affirme dans ses articles d'opinion, lorsqu'il fait des apparitions à la télévision et à la radio et qu'il voyage au Canada, que ceux qui sont sérieux dans leur intention de régler les problèmes des réserves au Canada « doivent se débarrasser de nombreux chefs. »

Il faut garder les choses en perspective et prendre le temps d'agir de manière équitable pour éviter de générer l'insatisfaction d'une autre génération d'électeurs.

En 150 ans, toutes les tentatives du Parlement en vue de réformer le système de gouvernement autochtone ont été de véritables échecs. Ainsi, ne prenez pas cette question à la légère et, surtout, ne pensez pas que l'on peut facilement la résoudre, en particulier par une solution idéologique.

Par ailleurs, le Parlement ne peut pas simplement prescrire des modifications sans réelle consultation, si je comprends bien l'exigence visant l'obligation de consulter fixée par les tribunaux. Cette consultation prendra du temps et donnera lieu à une grande coopération si on l'effectue dans les règles de l'art.

L'arrêt Corbiere a permis aux membres hors réserve des bandes indiennes de participer aux élections locales. Je répondrai à vos questions à ce sujet dans un moment.

Cela dit, le Parlement doit être conscient des défis que pose cette décision.

Les réformes visant le processus électoral des bandes indiennes doivent s'attaquer de front à ces problèmes pratiques. Pour parler simplement, la décision Corbiere a entraîné deux conséquences concrètes : une compétition pour des ressources limitées et insuffisantes, et une brèche importante en matière de ce qui paraît juste.

De plus en plus, les membres hors réserve de bandes indiennes demandent leur part des fonds destinés aux réserves. Or, ces fonds, calculés à l'aide de formules imposées par le ministère des Affaires indiennes et du Nord et d'autres ministères, sont limités. Ils sont, de plus, insuffisants, car, la plupart du temps, les résidants non inscrits d'une réserve ne sont pas pris en compte.

Les membres d'une bande qui vivent à l'extérieur des réserves peuvent désormais participer aux élections de la bande. Ils considèrent avoir droit à leur part du gâteau. Imaginez la tension, les déchirements dans les communautés et dans les familles, que cause cette situation.

Dans les années 1960, le gouvernement libéral Pearson a écrit une nouvelle page d'histoire quant à la responsabilité financière du Canada envers les Indiens. Les gouvernements subséquents, peu importe le parti au pouvoir, s'en sont tenus à cette politique.

Pourtant, Ottawa, dans le cadre du financement de programmes et de services, ne reconnaît avoir aucune obligation financière envers les Indiens inscrits, qu'ils habitent dans une réserve ou non.

En fait, Ottawa conteste en cour toute allusion à des obligations fiduciaires, financières ou découlant d'un traité. On se souvient de la fameuse déclaration de l'ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord, Jean Chrétien, qui a dit que le Canada fournit un minimum de financement aux Indiens « pour des motifs humanitaires » parce que les provinces refusent de desservir les réserves. Les gouvernements se renvoient constamment la balle dans ce domaine.

Les conséquences de cet évitement des coûts concernent bel et bien ce comité. D'abord, tant que cette politique du déni persistera, il est peu probable du point de vue des communautés qu'Ottawa augmente le financement pour les programmes dans les réserves suffisamment pour y réduire la pauvreté. Ensuite, Ottawa maintient une politique claire de sous-investissement dans les programmes destinés aux Autochtones vivant hors réserve.

Sachez que la réforme électorale doit aller de pair avec un financement accru pour les programmes.

Le premier ministre affirmait, dans une lettre adressée au Congrès des peuples autochtones en 2006, que :

Un gouvernement conservateur acceptera sa responsabilité à l'égard de programmes et de services de base pour les « Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». Des lois seront adoptées pour les principaux domaines d'intervention. Le gouvernement fédéral sera responsable d'obtenir des résultats, ce qui mettra fin à quatre décennies de carence de services et de délestage sur le dos des provinces. Les lois fourniront une base appropriée de reddition de comptes au niveau des ministères et des Premières nations. Les accords existants sur les transferts financiers seront remplacés par des accords efficaces.

Je suis bien d'accord : allons de l'avant. Le premier ministre Harper a visiblement compris que la solution consiste à prendre ses responsabilités plutôt que les éviter.

En conclusion, nous pouvons discuter des termes du mandat de trois ans et de bien d'autres points, mais avant tout je veux formuler certaines recommandations.

Essayez d'imaginer les avantages potentiels d'une répartition progressive du financement des programmes et des services dans les réserves. Il est difficile de voir comment cette répartition du financement pourrait contribuer à l'amélioration des services et à la reddition de comptes.

Il est crucial pour les ministères fédéraux de déterminer la part de financement pour les réserves et celle pour les membres hors réserve. Sinon, la demande toujours croissante de financement pour les programmes dans les réserves réduira l'efficacité des programmes de plusieurs manières et soulèvera de sérieuses questions quant à l'utilisation appropriée du financement.

Je vous prie humblement de garder les pieds sur terre et d'envisager la question simplement. Ce comité n'est pas le premier à délibérer sur le sujet et il ne sera pas le dernier selon moi.

Je vous remercie et me réjouis à l'idée de tenir une discussion enrichissante avec vous.

Migwech.

Le sénateur Peterson : Merci pour votre exposé. Votre groupe a-t-il signé un traité?

M. Whiteduck : Non.

Le sénateur Peterson : Si vous n'en avez pas, faites-vous partie d'un groupe ayant signé un traité?

M. Whiteduck : Non, nous n'avons pas cédé nos terres. Comme plusieurs communautés en Colombie-Britannique, nous n'avons pas de traité. Pour signer un traité, nous devrions signer une entente sur les revendications territoriales globales, ce qui abolirait nos droits. Nous ne voulons pas être assujettis aux règlements fédéraux actuels uniquement pour pouvoir signer un traité, puisque nous perdrions nos droits.

Le sénateur Peterson : Vous faites donc cavalier seul.

M. Whiteduck : Nous faisons partie d'une nation. Nous sommes l'une des 10 communautés algonquines comprises dans la nation Anishinabeg. Nous participons à un conseil tribal réunissant six autres communautés. Nous travaillons ensemble.

Autrement, nous sommes seuls au niveau communautaire.

Le sénateur Hubley : Bonsoir, chef Whiteduck.

Nous prenons bonne note de tout ce qui cloche. De plus, nous nous efforçons d'être respectueux.

Je souhaiterais que vous nous expliquiez en particulier le type de gouvernement que vous souhaitez pour votre bande. Pouvez-vous le comparer à un petit gouvernement que je connaisse?

M. Whiteduck : Nous acceptons le fait que nous sommes régis actuellement par la Loi sur les Indiens et que nous le serons pour un bon moment encore. Cette situation demeurera la même pendant que nous redéfinirons nos propres modes de gouvernance.

En attendant, la Loi sur les Indiens doit être amendée pour que cela se produise.

Je suis en politique à titre de conseiller de bande depuis les années 1970 et j'ai accompli plusieurs projets. Notamment, j'ai été élu chef il y a un an. Dans notre communauté, un mandat ne dure que deux ans. Même si les dossiers nous sont familiers, il faut du temps pour apprendre à bien connaître ceux qui sont essentiels. Nous voulons nous faciliter la tâche en prolongeant les mandats.

Dans notre communauté, nous permettons à toutes les personnes de plus de 18 ans de voter aux élections de la bande, peu importe où elles vivent dans le monde. Pourvu que nous ayons leur adresse, elles peuvent voter par correspondance. Toutefois, ces gens doivent comprendre que nous ne recevons pas de financement pour eux. Si leur enfant a besoin d'une éducation spécialisée à Tokyo, nous ne pouvons pas leur envoyer de chèque. Nous pouvons seulement nous occuper de la vie dans la réserve, mais tout le monde est autorisé à participer aux prises de décisions locales et à l'élection du chef et des conseillers.

Cette méthode apporte sa propre dynamique, parce que les débats portant sur des enjeux comme l'installation d'un ou deux panneaux d'arrêt n'ont pas le même impact sur les gens qui vivent au loin, à moins qu'ils entretiennent des contacts continus avec la communauté. C'est pourquoi la décision Corbiére apporte son propre éclairage sur cette pratique.

Cependant, dans notre communauté, tout le monde a le droit de voter. Nous avons établi que toute l'information qui concerne la communauté — les ententes avec le MAINC pour la mise en œuvre de programmes, les dépenses, les rapports de vérification, et cetera — appartient à la communauté. Tous les membres peuvent en tout temps demander à voir une entente, le procès-verbal d'une réunion ou un rapport de vérification. Ils peuvent être en désaccord, mais ils en ont le droit. Nous croyons en cette transparence.

Notre défi consiste à convaincre le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien de nous accorder les ressources nécessaires pour améliorer la reddition de comptes et mettre en place les mécanismes appropriés. Puisque bon nombre de nos membres habitent ailleurs, nous pouvons utiliser notre site web. Cette année, le jour où nous avons présenté notre rapport de vérification, les Canadiens et les membres de la communauté ont pu y avoir accès sur notre site web dans un délai d'une heure. Je crois que nous sommes l'une des seules communautés à l'avoir fait. Nous n'avons rien à cacher. En fait, nous allons montrer qu'il y a un manque à gagner et indiquer quels sont les problèmes.

En outre, il y a quelque temps, lors des discussions portant sur la Loi fédérale sur la responsabilité, des chefs ont dit craindre que la vérificatrice générale se rende dans leur communauté pour vérifier ce qui s'y passe. En réponse à cette inquiétude, nous leur avons dit : faites-la venir, elle verra les choses qui ne fonctionnent pas. Nous et les Canadiens allons apprendre où est le problème. Nous sommes tous gagnants; nous en sommes tous gagnants.

Nous n'avons rien à cacher. Pourquoi en serait-il autrement? C'est de la transparence et de la reddition de comptes. Soit dit en passant, nous n'avons pas droit à cette reddition de comptes de la part du MAINC. Elle est inexistante à l'égard des Premières nations. Cette situation est très contrariante. De notre côté, nous essayons de prendre des mesures importantes pour travailler ensemble à la transparence et à la reddition de comptes, mais le ministère ne le fait pas.

Les gens comme moi qui sont là depuis un bon moment en deviennent exaspérés. Va-t-il falloir ériger un barrage routier? Au bout du compte, que leur faut-il? Plus de documents, mais nous en avons rédigé des tonnes. Nous avons besoin de mesures concrètes. Les communautés comme la nôtre sont prêtes à entreprendre des initiatives importantes, visionnaires et créatives, mais on nous dit d'attendre ou bien on critique notre leadership dans les médias. C'est contrariant.

Le sénateur Hubley : Depuis combien de temps êtes-vous chef, monsieur Whiteduck? Vos six conseillers représentent-ils différentes collectivités ou sont-ils tous de Kitigan Zibi?

M. Whiteduck : Ils sont tous de Kitigan Zibi. Je suis chef depuis 14 mois. Le conseil de bande est composé de trois femmes et de trois hommes, jeunes et vieux; nous avons donc un équilibre. C'est un processus démocratique collectif choisi par les gens. Beaucoup de membres ont posé leur candidature en toute équité, et c'est très bien ainsi.

Le sénateur Hubley : Vous en êtes à 18 mois d'un mandat de 24 mois, n'est-ce pas?

M. Whiteduck : Oui.

Le sénateur Hubley : Qu'en est-il de vos conseillers?

M. Whiteduck : C'est la même chose pour eux.

Le sénateur Hubley : Ils ont aussi été élus pour deux ans?

M. Whiteduck : Oui. À la prochaine élection, si nous décidions de ne pas nous présenter ou si nous n'étions pas élus, il pourrait y avoir un tout nouveau conseil, qui devrait tout recommencer. C'est pourquoi il serait plus que logique de prolonger le mandat jusqu'à au moins trois ans.

Nous pourrions également créer un poste de directeur des élections des Premières nations. Cette personne s'assurerait de surveiller ce qui se passe dans l'ensemble du Canada. Ce poste pourrait être régionalisé.

Nous pourrions tenir des élections à date fixe. Je n'ai qu'une seule réserve concernant les élections des conseils de bande à date fixe : elles ne devraient pas avoir lieu à la même date partout du Canada. Toutefois, une date pourrait facilement être fixée au sein d'une nation. La nation algonquine compte 10 communautés. Il pourrait y avoir une date fixe pour cette nation, comme pour la nation innue et les autres groupes. Cette méthode pourrait fonctionner.

Il nous faudrait aller un peu plus loin pour voir si cette solution est possible. Nous avons des gens qui sont formés pour s'occuper des élections dans les communautés, mais il s'agit de questions complexes, surtout en ce qui concerne l'envoi de bulletins par la poste et la sécurité. Nous voulons que tout soit équitable. Il ne faut pas que les gens croient que des choses bizarres se produisent. C'est ce que je propose.

Le sénateur Carstairs : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Whiteduck. Si vous pouviez changer cinq choses aujourd'hui au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, de quoi s'agirait-il?

M. Whiteduck : D'abord, les anciens nous disent depuis longtemps que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien n'existerait pas. Le ministère nous impose la bureaucratie. Encore une fois, je me suis investi dans l'éducation toute ma vie. Je suis un ardent défenseur de l'éducation, de la formation, de nos langues autochtones et de tout le reste.

Notre communauté a connu des succès malgré ces idiots du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui nous ont mis des bâtons dans les roues. Si nous avions écouté tout ce qu'ils nous disaient, nous ne serions pas là où nous en sommes actuellement. Nous n'avons jamais eu de déficit. Notre communauté n'autorise pas les dépenses qui entraînent un déficit. Nous vivons selon nos moyens. Parfois, c'est difficile — comme actuellement —, mais c'est ce que nous faisons. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est l'une des choses que je changerais.

Il faut que nos communautés et nos anciens reviennent à leurs propres formes de gouvernance et essaient de les comprendre. Le monde a évolué, tout comme nous, mais ces façons de faire nous ont toujours servi dans le passé. Nous étions différents des peuples iroquois ou anishnawbe. Nous étions plus nomades. Nous étions des groupes familiaux souvent dirigés par des hommes. Ce sont les hommes qui détenaient les terres. Les femmes jouaient un rôle important, mais ce sont les hommes qui transmettaient la terre à leur fils aîné, et cetera.

Il nous faut revenir à ces traditions, parce que c'est de là que vient notre force. Nous le constatons chez les jeunes lorsqu'ils retrouvent leur langue et leurs traditions. Ils se sentent bien; ils sentent qu'ils ont quelque chose à apporter à la communauté. Actuellement, la plupart de nos jeunes sont privés de leurs droits et souffrent.

Les conseils de bande ne font que ce qu'ils peuvent. Nous sommes régis par la Loi sur les Indiens et, comme Mme Gabriel l'a dit plus tôt, nous relevons du ministre. On m'a donné un mandat, mais je ne suis pas inférieur au ministre. C'est peut-être le cas sur papier, mais on m'a appris que le chef de même que les conseillers sont sur un pied d'égalité. Nous faisons partie du cercle, nous sommes les porte-parole. Nous exposons les sujets de discussion et de réflexion de notre peuple à n'importe quelle table.

Voilà ce que nous sommes. Je ne suis pas meilleur ou pire que quiconque. Je rappelle aux gens, et notre conseil demande à nos membres, si jamais nous devenons trop prétentieux, de nous rappeler à l'ordre. Ils doivent nous ramener sur terre. Parfois, c'est nécessaire.

Des anciens influents à qui j'ai parlé au fil des ans disent que nous ne pouvons pas éliminer la Loi sur les Indiens sans savoir ce qui va la remplacer. Ce serait comme échanger un dollar pour peut-être trois 25 cents seulement. Avant de faire quoi que ce soit, il faut nous assurer qu'il y aura une amélioration et que nos droits fondamentaux seront protégés sur nos terres. C'est ce que nous tentons de faire.

Que nous discutions de réforme électorale ou d'autre chose, il y a un degré élevé d'insatisfaction parmi les membres de notre communauté. Je ne suis pas certain que le Sénat et la Chambre des communes comprennent pleinement ce que cela signifie. J'espère que vous le comprenez. Je le constate chaque jour. Quand je me rends dans d'autres collectivités, je vois le potentiel perdu de nos jeunes et les problèmes de suicide. Je me demande comment le Canada peut permettre qu'une telle situation se produise. Comment pouvons-nous collectivement accepter qu'une telle pauvreté existe? Expliquez-le moi.

Nous étions les premiers peuples ici. Nous n'avons jamais cédé nos terres. Les ressources naturelles sont exploitées. La plupart des populations non autochtones se tirent bien d'affaire et accumulent des richesses, alors que nous vivons dans la pauvreté et que nous nous entre-déchirons littéralement. Quand je vois un enfant de cinq ans, je me demande quel avenir il peut espérer. Qu'est-ce que je fais, personnellement, en tant que dirigeant, pour aider cet enfant? C'est une question essentielle. Quand je vois cet enfant de cinq ans ou un jeune de 18 ans qui disparaît de la communauté ou est assassiné, je me dis qu'il y a vraiment quelque chose qui cloche dans ce pays.

Le sénateur Carstairs : Vous avez déclaré que vous vous êtes investi une grande partie de votre vie dans l'éducation. Toutes les études indiquent qu'en moyenne, on consacre 2 000 $ de moins par année à l'éducation d'un enfant autochtone qu'on en consacre à un enfant non autochtone.

Comment pouvons-nous espérer que les enfants autochtones atteignent un certain niveau de compétence si nous ne sommes pas prêts à fournir les fonds nécessaires à la qualité de leur éducation?

M. Whiteduck : Nous pourrions discuter longuement d'éducation. J'ai participé directement, avec d'autres membres de la communauté, à la mise sur pied d'une école dans la communauté. Nous avons commencé par une école élémentaire et nous avons maintenant notre propre école secondaire. Nous sommes l'une des deux seules écoles au Canada qui décerne son propre diplôme d'études secondaires, reconnu par les collèges. Ce n'est pas un diplôme décerné par le ministère. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour atteindre cet objectif. Nous sommes, en fait, sous- financés. Au bout du compte, nous y allons selon notre budget. Nous essayons de faire face aux difficultés.

Nos langues autochtones disparaissent. Nous avons du mal à suivre l'évolution des réformes de l'éducation qui sont adoptées, en particulier au Québec. En dépit de cela, nous décernons des diplômes aux élèves qui vont étudier au collège. Nous avons environ 150 étudiants de niveau postsecondaire. Trois membres de notre communauté poursuivent des études en médecine, ce qui est un grand pas pour nous, et un certain nombre étudient en droit et dans d'autres programmes.

Nous avons atteint cet objectif au prix d'un travail acharné. Les parents voient maintenant l'importance de l'éducation, mais pas de n'importe quelle éducation. Elle devait être bien ancrée dans notre culture anishnawbe, mais être ouverte sur le monde.

Les gens nous demandent souvent si nous voulons que nos jeunes reviennent dans la communauté. Nous répondons que oui, s'ils ne peuvent pas trouver d'emploi. Toutefois, nous espérons les préparer adéquatement à réussir dans le monde. Peu importe où ils iront, ils pourront apporter leur contribution parce qu'ils savent qui ils sont en tant qu'Anishnawbe. Ils vont partager des enseignements qui vont profiter à tous les Canadiens. Peu importe s'ils reviennent dans notre communauté. C'est ce que nous tentons d'accomplir dans notre petite école communautaire.

Le sous-financement est tel, à ce stade-ci, que nous ne savons pas ce que nous allons faire. Nous allons peut-être devoir remettre les clés au MAINC et lui dire qu'il a sans doute la solution. Nous allons peut-être devoir les remettre au gouvernement provincial.

Depuis des années, nous continuons de verser des millions de dollars aux systèmes provinciaux. Leur taux de décrochage est épouvantable. Leur taux de diplomation est légèrement plus élevé que celui des Premières nations, mais il n'est pas encore acceptable, et des millions de dollars sont encore versés aux provinces. Les conseils provinciaux doivent rendre des comptes. Nos enfants méritent qu'on leur offre les mêmes possibilités qu'à tous les autres Canadiens, mais manifestement, ce n'est pas le cas.

Le sénateur Raine : Je suis heureuse que vous nous parliez de ce que vous accomplissez, en particulier sur le plan de l'éducation. Je vous souhaite de connaître d'autres réussites.

Tout le monde souhaite trouver une solution simple. Notre comité essaie de s'en tenir au sujet sur lequel nous nous penchons, soit les élections.

Beaucoup de gens disent qu'un mandat de deux ans est trop court pour obtenir un leadership solide. Si nous voulions recommander de prolonger les mandats du régime électoral de la Loi sur les Indiens jusqu'à quatre ans, nous devrions évidemment procéder à des consultations. Comment croyez-vous que nous devrions mener ces consultations?

M. Whiteduck : Il est important pour moi d'avoir la possibilité, en tant que dirigeant élu, de comparaître devant vous. Il est également important pour vous d'entendre le témoignage des membres des communautés qui vivent la situation tous les jours.

Vous pouvez mener des consultations à n'en plus finir, mais à un moment donné, vous devez fixer une limite et agir. Vous pouvez collaborer avec certaines organisations régionales prêtes à participer. Il doit s'agir d'un effort de collaboration, et non d'un effort imposé. Quand l'effort est commun, on obtient un résultat positif.

Vous avez parlé de quatre ans. Un mandat de trois à quatre ans, selon moi, serait raisonnable. Dans ce mandat, la destitution doit avoir sa place. Elle doit être bien définie, et le processus doit permettre qu'un gouvernement élu qui ne fonctionne pas bien pour une raison ou pour une autre soit destitué.

Notre communauté envisage la possibilité de rédiger son propre code électoral, qui inclura ce genre de chose. Le processus de consultation est long. Il faudra au moins trois ans avant de tenir un référendum final, où chacun aura l'occasion d'indiquer ce qu'il souhaite. Il faut que le maximum de voix puisse se faire entendre. Nous devons aussi avoir la possibilité d'effectuer des changements plus tard. C'est important pour nous.

Le sénateur Raine : De toute évidence, nous voulons faire une recommandation, mais personne ne veut faire de recommandation qui n'ira nulle part. La prochaine étape, c'est de consulter les gens et de voir si cette recommandation est approuvée ou a besoin d'être améliorée ou changée. Il est difficile de savoir comment consulter directement les gens. Pour cela, vous adresseriez-vous à l'Assemblée des Premières nations?

Le processus de consultation est d'une importance capitale. Vous avez mentionné avoir un bon site web pour communiquer avec vos membres. Y aurait-il moyen d'utiliser l'Internet pour la consultation?

M. Whiteduck : Bien sûr, mais nous ne savons pas qui y a accès en permanence dans notre communauté. Il n'y a peut-être qu'environ 35 p. 100 des 520 foyers de la communauté qui possèdent un ordinateur ou ont accès à l'Internet. On présume souvent que la plupart des gens y ont accès, mais ce n'est pas le cas dans notre communauté ni dans la plupart des communautés. Les membres d'une Première nation qui ont quitté la communauté et vivent en milieu urbain ont davantage accès à l'Internet. C'est l'un des moyens d'obtenir l'avis des gens, mais il doit y en avoir d'autres.

Je suis de ceux qui croient que l'on doit contacter directement les gens chez eux, au moyen d'un dépliant ou d'une autre façon. Dans notre communauté, cette approche suscite le débat. Nous tenons des réunions publiques mensuelles où tous les membres peuvent discuter de questions ou de problèmes avec le conseil. Nous pourrions discuter de cette question si les gens en étaient informés; par exemple, nous pourrions expliquer ce que nous tentons de faire; les gens pourraient nous dire ce qu'ils en pensent et formuler des suggestions.

Je souligne encore une fois que nous faisons beaucoup d'efforts pour être aussi transparents et ouverts que possible en tant que gouvernement local d'une communauté de la nation. Pour nous, cette transparence et cette ouverture sont essentielles pour renforcer la communauté et la nation.

Le sénateur Raine : Nous avons tous appris qu'il n'existe pas de solution unique. C'est pourquoi tout changement devrait inclure la possibilité de choisir une solution différente, et non l'obligation de prendre une autre voie.

M. Whiteduck : En fonction de ce que vous dites, je propose que vous vous limitiez à trois ou quatre recommandations. Il ne faudrait pas que vous fassiez 42 recommandations ou que vous inondiez une communauté de 42 changements; ce serait trop. Les changements pourraient être effectués par étapes ou par phases de mise en œuvre afin que les communautés puissent s'y préparer et s'y adapter graduellement. Parfois, nous n'avons pas la capacité de gérer certaines choses. Vous devez comprendre que dans la vie de tous les jours, il y a des enjeux avec lesquels nous devons composer en tant que dirigeants et administrateurs. Nous n'avons pas de ressources et nous ne connaissons pas tous les moyens possibles. Nous n'avons pas votre appareil gouvernemental.

Le sénateur Raine : C'est intéressant, parce que vous êtes une bande importante, qui compte 2 735 membres. Nous avons parlé à des représentants de bandes de moins de 300 membres, qui doivent dispenser, ou du moins on s'attend à ce qu'elles dispensent, le même genre de services que les bandes les plus importantes.

Oui, nous comprenons que la bande et le conseil font beaucoup d'efforts.

Le président : Je sais que tous les membres de ce comité sont aussi préoccupés par la perte d'une génération. Nous devons agir rapidement dans ces dossiers en tant que nation — je ne parle pas d'un point de vue partisan, mais en tant que Canadien — afin que nous ne perdions pas une autre génération de jeunes Autochtones. Ces jeunes devraient pouvoir contribuer à la prospérité de notre économie.

Nous vous remercions de votre exposé. Vos recommandations ont porté directement sur la question des mandats, entre autres. Si vous avez quoi que ce soit à ajouter, veuillez communiquer avec la greffière. Nous vous remercions de vos réponses directes et franches, monsieur, et nous vous souhaitons bonne chance dans votre nouveau rôle de chef.

Sur ce, nous allons poursuivre la séance à huis clos pour discuter de nos travaux futurs.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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