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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 19 - Témoignages du 20 octobre 2009


OTTAWA, le mardi 20 octobre 2009

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 42, afin d'étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis, ainsi que d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : réponse du gouvernement au rapport de 2008 du comité sur la mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales globales).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue aux sénateurs, aux témoins et à tous les Canadiens qui suivent les délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je suis le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider ce comité. Notre mandat consiste à examiner les projets de loi ainsi que toute autre affaire au sujet des peuples autochtones du Canada. Ce matin, nous allons revenir sur la mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales globales, question que nous avons étudiée en 2008, afin d'en déterminer le progrès.

[Français]

Nous recevons aujourd'hui des témoins du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada et de la Coalition des revendications territoriales pour nous tracer le portrait de la situation en ce qui a trait aux efforts déployés pour améliorer la mise en œuvre de ces ententes.

[Traduction]

En mai 2008, le comité a déposé un rapport sur la mise en œuvre des ententes de revendications territoriales globales intitulé Respecter l'esprit des traités modernes : éliminer les échappatoires. Le comité a demandé au gouvernement de présenter sa réponse au rapport, ce qu'il a fait le 22 juillet 2009. Au cours de cette séance, nous aimerions approfondir la question afin de déterminer quels progrès ont été accomplis sur cet enjeu important.

Les témoins du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien sont les suivants : Michel Roy, sous-ministre adjoint principal, Traités et gouvernement autochtone, et Stephen Gagnon, directeur général, direction générale de la mise en œuvre. Pour ce qui est de la Coalition des revendications territoriales, nous allons entendre Kevin McKay et Paul Kaludjak, coprésidents de la coalition, ainsi que Mike Smith, chef, Première nation Kwanlin Dun.

Monsieur Roy, vous pouvez maintenant faire votre déclaration préliminaire.

[Français]

Michel Roy, sous-ministre adjoint principal, Traités et gouvernement autochtone, Affaires indiennes et du Nord Canada : Honorables sénateurs, bonjour et merci de nous avoir invités à recomparaître devant le comité pour discuter de la réponse du gouvernement au rapport intitulé Respecter l'esprit des traités modernes : Éliminer les échappatoires.

Aujourd'hui, comme le président l'a indiqué, je suis accompagné de M. Stephen Gagnon, directeur général de la direction générale de la mise en œuvre, secteur des traités et gouvernement autochtone.

J'aimerais commencer par une citation du rapport de ce comité. On y mentionne que la mise en œuvre efficace des traités modernes requiert une dose énorme d'engagement, de coopération et de confiance de la part de tous les partenaires. C'est effectivement le cas. Les signataires autochtones, provinciaux, territoriaux et fédéraux sont conjointement responsables de la mise en œuvre des dispositions qui ont été négociées dans le cadre des accords. Les plans de mise en œuvre pour la plupart des accords imposent de 100 à 200 obligations de mise en œuvre aux diverses parties.

Dans bien des cas, en particulier dans le Nord, le gouvernement fédéral est responsable de plus de 50 p. 100 de toutes les obligations, dont la majorité sont permanentes. Par conséquent, la mise en œuvre de ces accords exige que tous les signataires apprennent et qu'ils modifient leur façon de faire en cours de route.

[Traduction]

Depuis ma dernière présentation devant le comité, nous avons reçu les résultats d'une évaluation de l'incidence de quatre accords sur les revendications territoriales globales. Cette évaluation a été réalisée par des évaluateurs indépendants et a mis à contribution quatre groupes de signataires autochtones : les Inuvialuit, les Gwich'in, les peuples du Sahtu et les Naskapis. L'évaluation avait pour objet d'évaluer les conséquences des accords sur les revendications territoriales globales et la mesure dans laquelle les objectifs établis dans le cadre de ces accords ont été réalisés. L'évaluation révèle que ces ententes ont réussi à assurer la clarté et la certitude des revendications territoriales, à contribuer à créer un contexte favorable à l'investissement et à permettre aux groupes autochtones de se positionner de manière à tirer profit de la mise en valeur des ressources.

Comme on le mentionne dans l'évaluation, les accords sur les revendications territoriales globales ont eu une incidence positive sur le rôle des Autochtones dans l'économie de leur territoire et dans leurs relations avec l'industrie. Ces ententes donnent également aux groupes autochtones une voix pertinente et efficace en ce qui concerne la prise de décisions sur la gestion du territoire et des ressources. À l'heure actuelle, plus de 2 400 entreprises et sociétés autochtones fournissent des biens et services dans les régions désignées.

À l'instar du rapport du comité, l'évaluation a permis de constater que des améliorations pourraient être apportées à la mise en œuvre de la responsabilité fédérale en ce qui concerne la formation et la capacité. C'est également ce que pensent la vérificatrice générale du Canada, le Comité permanent des comptes publics et la Coalition des signataires d'accords sur des revendications territoriales. Je peux vous assurer que nous prenons des mesures pour améliorer la mise en œuvre fédérale des traités modernes.

Dans sa réponse à votre rapport, le gouvernement a indiqué qu'il a donné suite à vos recommandations et qu'il s'engage à apporter des améliorations dans les secteurs clés cernés dans le rapport, notamment : fournir des consignes cohérentes aux responsables de la mise en œuvre à l'échelon fédéral; améliorer la coordination et la prise de décisions horizontales dans l'ensemble des ministères et organismes fédéraux; renforcer les systèmes fédéraux de surveillance et de déclaration; clarifier les circonstances dans lesquelles le Canada acceptera d'utiliser l'arbitrage exécutoire.

J'ai le plaisir de vous annoncer que des progrès ont été réalisés dans le cadre de plusieurs initiatives qui contribuent à nos efforts constants visant à renforcer la mise en œuvre des responsabilités fédérales en vertu des traités modernes.

Nous sommes en train d'élaborer des lignes directrices à l'intention des responsables fédéraux de la mise en œuvre. Ces lignes directrices clarifieront la démarche canadienne de mise en œuvre des traités modernes. Elles fourniront des conseils pratiques et des consignes aux fonctionnaires fédéraux, en plus d'expliquer les différents rôles et responsabilités au sein du gouvernement fédéral concernant la mise en œuvre des traités modernes. Nous allons également élaborer des lignes directrices disciplinaires pour aider les représentants fédéraux à gérer les principaux problèmes associés à la mise en œuvre, dont le règlement extrajudiciaire des différends, les examens et les rapports annuels. Ces directives devraient aider à faire en sorte que ces processus et ces initiatives soient gérés d'une manière cohérente et prévisible dans le cadre des 22 accords actuels.

Certains comités, dont le vôtre, et la coalition ont soulevé l'importance d'améliorer la gestion horizontale et la prise de décisions. Nous en sommes maintenant aux dernières étapes de l'approbation d'un cadre de gestion à l'échelle du gouvernement. Ce cadre vise à renforcer la gestion de la mise en œuvre des traités modernes dans l'ensemble du gouvernement fédéral en améliorant la coordination et la prise de décisions gouvernementales. Il sera composé de tribunes de représentants fédéraux des bureaux régionaux, de l'administration centrale et de la haute direction. En outre, il comprendra des mécanismes permettant aux responsables de la mise en œuvre de collaborer en vue de cerner et de résoudre les difficultés. Ses objectifs sont les suivants : améliorer la mise en commun de la formation entre les ministères, l'administration centrale, les bureaux régionaux, les responsables de la mise en œuvre et la haute direction; améliorer la surveillance de la mise en œuvre des traités en mettant notamment en valeur la surveillance et la déclaration; clarifier les obligations de rendre compte et les responsabilités; et faciliter un processus décisionnel opportun et efficace.

Nous allons évaluer nos progrès quant à l'atteinte de ces objectifs au bout d'une période de trois ans. Nous sommes également en train de renforcer les mécanismes internes et intergouvernementaux de surveillance et de déclaration afin d'améliorer la déclaration axée sur les résultats et de démontrer les effets. Par exemple, nous travaillons à améliorer notre système informatique de manière à suivre les progrès réalisés pour nous acquitter des obligations énoncées dans les accords.

[Français]

En plus de ces initiatives en cours, le Canada a bien réussi dans le cadre d'autres aspects clés de la mise en œuvre au cours de la dernière année. Conformément aux modifications apportées à la politique du Conseil du Trésor, Affaires indiennes et du Nord Canada a mis au point un processus pour inciter les ministères et organismes fédéraux à déclarer leurs activités de passation de marchés et d'approvisionnement dans les régions visées par les accords sur les règlements des revendications territoriales globales.

Depuis avril 2009, nous avons organisé 30 séances d'information et d'apprentissage pour donner des directives dans le domaine des contrats et de l'approvisionnement dans le contexte des accords sur les règlements des revendications territoriales. Environ 540 employés de 20 ministères et organismes de la fonction publique fédérale ont participé à ces séances. D'autres séances devraient avoir lieu au cours des mois à venir.

Le dépôt du rapport annuel au Parlement est un aspect important de la reddition de comptes sur la mise en œuvre. Ces rapports contiennent des données officielles et souvent conjointes sur la mise en œuvre d'un accord définitif. Au cours de la dernière année, nous avons apporté des améliorations de manière à actualiser notre processus de rapports annuels. Nous cherchons maintenant à collaborer avec nos partenaires des traités pour faire en sorte que ces rapports soient davantage axés sur les résultats afin de faire état des principales activités qui sont importantes pour les signataires.

J'ai aussi le plaisir de vous informer que nous avons réalisé des progrès à l'égard des recommandations sur le transfert des terrains restants formulées par la vérificatrice générale dans son examen de la convention définitive des Inuvialuit. Par exemple, nous avons récemment conclu deux accords qui toucheront l'échange de terrains entre le Canada et les Inuvialuit pour le site canadien des pingos et les terrains des aéroports. L'accord sur l'échange de terres du site canadien des pingos a été signé en juillet et le lever topographique prévu par l'accord a été complété à la fin de l'été.

Un accord concernant l'échange des terrains pour les aéroports a été conclu et en est aux dernières étapes de l'approbation.

Les progrès réalisés sur ces points ont donné lieu à la formation d'un partenariat plus robuste avec les Inuvialuit et fourni une plateforme pour aller de l'avant en ce qui concerne les enjeux d'intérêt commun.

Votre rapport, ainsi que les recommandations des autres commissions parlementaires, de la vérificatrice générale et de la coalition des signataires d'accords sur les revendications territoriales ont fourni une aide précieuse aux responsables fédéraux de la mise en œuvre en nous aidant à cerner les points à améliorer. Ils ont aussi permis de mettre en lumière la mise en œuvre des traités modernes au sein de l'appareil fédéral.

Comme vous pouvez le constater, compte tenu des initiatives dont j'ai parlé aujourd'hui, nous avons tenu compte des préoccupations exprimées par les signataires des traités modernes.

Affaires indiennes et du Nord Canada reconnaît l'importance de la collaboration avec les partenaires des traités pour veiller à ce que les traités soient mis en œuvre correctement. Après le dépôt de la réponse du gouvernement au rapport du comité, le sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a écrit à la Coalition des signataires d'accords sur les revendications territoriales pour confirmer cet engagement et discuter d'un bon nombre des initiatives que je viens de mentionner.

Le sous-ministre s'est également engagé à mettre en commun les documents à mesure qu'ils deviennent disponibles. Nous continuerons, monsieur le président, à collaborer avec les signataires autochtones, provinciaux et territoriaux, ainsi qu'avec la Coalition et nous les tiendrons au courant des progrès réalisés.

[Traduction]

À mon avis, le Canada a bien réussi à mettre en œuvre les aspects des accords qui sont ponctuels ou qui ont une durée limitée. Nous nous efforçons maintenant d'améliorer la mise en œuvre des aspects qui sont permanents et qui exigent que le gouvernement s'adapte aux circonstances changeantes, dont nos relations à long terme avec notre partenaire des traités modernes. D'ailleurs, je crois comprendre que le comité s'intéresse vivement à ce que le Canada tienne les promesses contenues dans les traités modernes.

Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner devant le comité. Nous répondrons à vos questions avec plaisir.

Paul Kaludjak, coprésident, Coalition des revendications territoriales : Bonjour.

(Le témoin s'exprime en inuktitut.)

Mesdames et messieurs les sénateurs, au nom de la Coalition des revendications territoriales, nous sommes ravis d'être des vôtres. Lorsque nous sommes arrivés du Nunavut, des gens nous ont dit qu'il faisait très froid à Ottawa — pauvre de nous! Je leur ai répondu que pour nous, c'était plutôt l'été. Il faut se rendre au Nunavut où il fait déjà un froid glacial. Nous avons de la neige, et les gens sortent leurs motoneiges.

Nous vous remercions de nous avoir invités à vous présenter un exposé sur cette question et à discuter de la mise en œuvre. Je m'appelle Paul Kaludjak. Je suis coprésident de la coalition et président de Nunavik Tunngavik Incorporated. M'accompagne aujourd'hui Kevin McKay, président du gouvernement Nisga'a Lisims et coprésident de la coalition.

La coalition compte 22 membres et regroupe des Inuits, des Premières nations et des Métis du Labrador et de la Colombie-Britannique. Nous représentons tous les peuples autochtones. Nous avons signé des ententes sur les revendications territoriales globales, ou des traités modernes, comme on les appelle aujourd'hui.

Malgré notre diversité, nous avons en commun de nombreux problèmes relatifs à la mise en œuvre de nos accords. Vous comprenez très bien la nature de nos problèmes, car vous avez entendu nos témoignages en 2007 et au début de 2008. Vous avez également entendu le gouvernement et des témoins indépendants, comme nous.

En mai 2008, vous avez déposé un excellent rapport, Respecter l'esprit des traités modernes : éliminer les échappatoires. Il nous sert de point de repère, comme un inukshuk moderne. Vous en avez un exemple derrière vous, en blanc. L'inukshuk est un point de repère inuit construit pour pointer vers la route à suivre. Il peut s'agir également d'indicateurs ayant un but précis.

À la suite de votre rapport, la coalition a publié une politique type sur la mise en œuvre des traités. Le gouvernement du Canada ne disposant pas de modèle dont il pouvait s'inspirer, les membres de la coalition ont travaillé de concert afin de créer cette politique que nous avons communiquée au ministre Strahl avant qu'elle ne devienne publique. La politique type agit comme un second inukshuk. Elle est harmonisée au rapport de cette commission, et les deux inukshuks montrent la voie que doit prendre le gouvernement afin de mettre en œuvre nos ententes intégralement, en en respectant la lettre et l'esprit.

Malheureusement, je constate, en regardant sa réponse à votre rapport, que le gouvernement ne veut pas s'engager sur cette voie. Des changements organisationnels et politiques sont surtout nécessaires. Comme vous l'avez conclu dans votre rapport, les deux gouvernements semblent continuer dans la même direction qu'auparavant : quelques modifications ici et là, mais rien de majeur. Bien entendu, c'est décevant.

La réponse du gouvernement provient du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC). La motion du Sénat du 16 juin 2008 demandait une réponse, non seulement de ce ministre, mais aussi de la ministre des Affaires intergouvernementales et de la présidente du Conseil privé de la Reine pour le Canada.

D'ailleurs, la troisième recommandation s'adressait particulièrement au greffier du Conseil privé, et la réponse d'AINC est vague à cet égard. Le gouvernement ayant évité de répondre à la deuxième recommandation, il est nécessaire d'obtenir la réponse de l'organisme gouvernemental responsable.

Comme nous l'avons souligné dans nos observations, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est un ministère hiérarchique et non un organisme central. Il ne peut pas diriger d'autres ministères, ce qu'a confirmé le sous- ministre Wernick lors de son témoignage devant ce comité, le 12 février 2008. Il a déclaré :

« À vrai dire, nous avons eu du mal, par le passé, à faire participer pleinement d'autres ministères à la mise en œuvre des accords. »

Il a également fait allusion aux disputes avec le centre sur le niveau de financement approprié pour les organismes du Nunavut. Nous sommes les signataires des accords de revendications territoriales qui sont des ententes avec la Couronne et qui engagent l'ensemble du gouvernement. Cependant, dans la pratique, c'est avec AINC que nous faisons affaire. Or, il est reconnu pour avoir eu de la difficulté à obtenir la collaboration des autres ministères en temps opportun, sans parler de celle du Conseil du Trésor.

La réponse du gouvernement fédéral propose diverses actions visant à améliorer la coordination, mais un changement radical s'impose. Essentiellement, le premier ministre du Canada doit prendre des mesures pour mettre en œuvre nos ententes de manière efficace. Pour y arriver, il faut apporter des modifications aux rouages du gouvernement, ce qui relève du premier ministre.

Au dernier sommet du G20, le premier ministre a parlé des points forts du Canada sur la scène internationale. Il a notamment mentionné que le Canada n'a pas connu le colonialisme. Cette déclaration a suscité l'étonnement des Autochtones. Nous avons vécu les pensionnats, les délocalisations de groupes autochtones, la négation du droit de vote, les politiques d'assimilation et le refus de reconnaître nos droits fonciers. Nous avons donc connu le colonialisme au Canada.

L'attaché de presse adjoint du premier ministre a récemment expliqué à News/North que cette observation sur l'absence de colonialisme avait trait aux relations étrangères du Canada. Il a ajouté :

Notre gouvernement n'a jamais nié ou minimisé la marginalisation, les mauvais traitements et le racisme qu'ont vécus les peuples autochtones canadiens par le passé, y compris le colonialisme au sein du pays.

Les peuples autochtones doivent se battre pour obtenir la justice fondamentale. Avant que la Cour suprême du Canada rende son arrêt en 1973 sur l'action intentée par les Nisga'a, le gouvernement fédéral refusait de reconnaître les droits et les titres ancestraux au Canada.

En 1982, nos droits ancestraux et issus de traités ont été reconnus dans la Constitution. En 1993, les Inuits du Nunavut ont signé notre accord de revendications territoriales. En 1999, le territoire du Nunavut a ainsi été créé.

Nous savons que les erreurs du passé ne sont qu'un côté de la médaille. On peut procéder autrement, comme le révèlent ces grandes réussites. Les accords de revendications territoriales sont la base pour écrire de nouvelles pages remplies d'optimisme de l'histoire du Canada. Ils ne doivent pas être considérés comme des documents d'extinction des droits, ni comme des ententes de séparation. Ils constituent la base d'une nouvelle relation qui n'est pas coloniale. Nous ne voulons pas nier que le Canada a un passé colonial, mais nous lui souhaitons un avenir qui ne l'est pas.

Je suggère que le comité envisage de demander au gouvernement d'étudier de nouveau la question et de donner une réponse plus dynamique et constructive au rapport du comité intitulé Respecter l'esprit des traités modernes : éliminer les échappatoires et à ses recommandations.

Kevin McKay, coprésident de la coalition, Coalition des revendications territoriales : Merci, monsieur le président, et bonjour à tous. Je m'appelle Kevin McKay et je suis le président du gouvernement Nisga'a Lisims. Je suis heureux de comparaître une fois de plus devant vous, accompagné de M. Paul Kaludjak, au nom de la Coalition des revendications territoriales.

Vous vous rappellerez que notre dernière comparution devant votre comité remonte à décembre 2007. À cette occasion, nous avons exprimé aux honorables membres notre frustration et notre déception quant à la façon dont nos revendications territoriales étaient mises en œuvre. Nous nous sommes, notamment, dits frustrés du manque de volonté apparent du Canada à travailler avec la coalition et ses membres à la mise en œuvre efficace de nos accords.

Je suis très mécontent de vous dire aujourd'hui que nous sommes toujours frustrés de la manière dont le Canada traite ce dossier. En décembre 2007, la coalition a informé les honorables sénateurs que l'approche du Canada à l'égard de la mise en œuvre de traités portait principalement sur le respect des obligations juridiques étroites et techniquement définies décrites dans nos accords plutôt que sur l'atteinte de leurs objectifs généraux. Nous avons également formulé des commentaires sur le défaut du Canada de reconnaître l'esprit, l'intention et les buts fondamentaux de nos accords.

Un certain nombre d'organismes membres de la coalition ont également comparu séparément devant le comité sénatorial pour donner des exemples précis de la façon dont l'approche du Canada à l'égard de la mise en œuvre des traités a entravé la bonne mise en œuvre de nos accords.

À notre dernière comparution, nous avons demandé au comité d'étudier en détail le processus de mise en œuvre des traités modernes. Nous lui avons notamment demandé de formuler des recommandations visant à assurer la mise en œuvre efficace des obligations de la Couronne en vertu des accords sur les revendications territoriales; l'établissement d'un appareil gouvernemental efficace pour assumer les responsabilités découlant de la mise en œuvre; la création d'un organe indépendant d'examen de la mise en œuvre, distinct d'AINC et qui relèverait directement du Parlement; l'établissement d'un système de gestion financière qui ne place pas les accords de revendications en compétition les uns avec les autres ou en compétition avec d'autres objectifs gouvernementaux, mais qui respecte plutôt les obligations solennelles de la Couronne ainsi que l'esprit et l'intention de ces accords.

Les travaux du comité sénatorial ont donné lieu à ce que la coalition a jugé être un rapport exhaustif et bien réfléchi, qui contenait un certain nombre de recommandations détaillées visant à améliorer les politiques et pratiques de mise en œuvre actuelles du Canada. La coalition a appuyé toutes ces recommandations. Elle est toutefois d'avis que la réponse du Canada au rapport du comité sénatorial, comme son approche générale à l'égard du traité de mise en œuvre, est sans substance, inadéquate et entièrement insatisfaisante.

La réponse du Canada au rapport du comité sénatorial consiste en une lettre du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien datée du 22 juillet 2009, plus d'un an après la publication du rapport du comité. Les membres de la coalition estiment que la lettre du ministre ne répond pas adéquatement aux recommandations du comité.

La première recommandation du comité est que le gouvernement du Canada élabore une nouvelle politique de mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales, fondée sur les principes approuvés par les membres de la coalition et comprenant des directives régissant le recours à l'arbitrage en vertu des ententes sur les revendications territoriales et des directives pour faire en sorte que les fonds soient versés aux signataires autochtones dans des délais spécifiques et que le financement soit conforme aux dispositions des ententes.

Quelle a été la réponse du Canada? Le ministre a indiqué qu'il travaillait avec ses collègues fédéraux à élaborer des lignes directrices en vue de clarifier le moment où le Canada aura recours à l'arbitrage exécutoire. Dans la lettre du ministre, il n'est nullement question d'une nouvelle politique de mise en œuvre.

Comme vous le savez, la coalition a publié son modèle de politique canadienne sur la mise en œuvre de traités le 3 mars 2009. Les membres de la coalition espéraient que la politique jetterait les bases d'une discussion nationale sur les relations fédérales-autochtones en cours dans un contexte de traité moderne. Au lieu de cela, la coalition n'a obtenu aucune réponse de la part du Canada au sujet de sa politique, exception faite de l'énoncé publié par le ministre dans lequel il remettait en question l'utilité d'une nouvelle politique de mise en œuvre des traités.

La coalition a invité le ministre à s'adresser à ses membres à l'occasion de leur conférence de mai dernier. Après avoir accepté notre invitation, le ministre a déclaré forfait à moins d'une semaine de la conférence.

À l'époque, les organisateurs de la conférence ont été informés que le ministre avait décidé de se rendre à Whitehorse la journée où il devait prononcer une allocution à notre conférence. Le cabinet du ministre n'a même pas offert d'envoyer un remplaçant.

Contrairement à la recommandation du comité, le Canada a continué de ne pas vouloir prendre d'engagement à l'égard des organismes régis par un traité moderne et même discuter du concept d'une nouvelle politique nationale pour la mise en œuvre de nos traités modernes.

La deuxième recommandation du comité a été que le Canada, en collaboration avec la coalition, prenne des mesures immédiates visant la création d'un organe indépendant chargé de surveiller la mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales globales. Le ministre n'a donné aucune réponse directe à cette recommandation dans sa lettre du 22 juillet 2009.

Dans sa troisième recommandation, le comité a proposé que le greffier du Conseil privé prenne des mesures immédiates afin de créer un groupe de travail de haut niveau qui serait chargé de réexaminer les pouvoirs, les rôles, les responsabilités et les capacités de coordination des obligations fédérales découlant des ententes sur les revendications territoriales. En réponse, le ministre Strahl a indiqué que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien :

[...] en collaboration avec d'autres ministères ayant des responsabilités à l'égard de la mise en œuvre, élabore des options visant à renforcer le soutien offert aux ministères et organismes fédéraux dans le cadre de l'exercice de leurs responsabilités de mise en œuvre [...]

La coalition s'interroge sur l'état d'avancement et l'échéancier de ce travail préparatoire puisqu'on nous a fourni très peu de renseignements sur les progrès du ministère dans ce dossier en particulier. Par ailleurs, la coalition fait remarquer qu'il y a deux ans, le ministère a entrepris une série de réunions de consultation au sujet des approches à privilégier quant à la mise en œuvre de traités. Les membres de la coalition ont pris part à cet exercice de bonne foi, malgré le fait que les réunions ont été planifiées et fixées unilatéralement par le ministère.

Au début de décembre 2007, les signataires autochtones de tout le Canada ont assisté à ce que le ministère a qualifié d'une séance « sommative » tenue par des fonctionnaires du ministère, à l'occasion de laquelle le ministère a présenté ses conclusions. Au cours de cette réunion, nombre de groupes autochtones présents ont fait remarquer que le résumé fourni par les fonctionnaires n'était pas exactement représentatif des vastes préoccupations qu'ils avaient soulevées lors des réunions de consultation régionales.

Au cours de cette réunion, on nous a informés que le ministère élaborerait un plan d'action pour traiter les questions de mise en œuvre soulevées dans le cadre des consultations pendant les quatre ou cinq mois qui ont suivi la séance sommative. L'opinion des signataires autochtones ne serait sondée qu'une fois le plan d'action terminé. Près de deux ans plus tard, monsieur le président, nous attendons toujours des nouvelles du ministère à ce sujet.

Dans sa quatrième et dernière recommandation, le comité a recommandé que la négociation périodique du financement de la mise en œuvre des obligations du Canada découlant des ententes modernes sur les revendications territoriales soit menée par un négociateur fédéral en chef, nommé conjointement par le ministre et la coalition. La coalition a trouvé la réponse du Canada tout à fait dédaigneuse, puisque le ministre a indiqué qu'il continuerait à avoir recours aux services d'un négociateur fédéral en chef « si les circonstances l'exigent » et qu'il envisagerait la possibilité de nominations communes « au besoin ». En conclusion, le ministre a suggéré que les mesures décrites dans sa lettre devraient « améliorer la gestion de la mise en œuvre à l'échelle fédérale ».

Somme toute, la coalition estime que la réponse du Canada est très loin des recommandations de votre comité. Une meilleure gestion des questions de mise en œuvre n'est pas la réponse aux questions de mise en œuvre concernant les groupes autochtones qui signent des traités modernes. En fait, suggérer qu'une meilleure gestion est la solution pour améliorer la mise en œuvre, par le Canada, des ententes modernes sur les revendications territoriales équivaut à fournir, encore une fois, une solution temporaire pour contrer la détérioration de la relation entre le Canada et les organismes autochtones régis par un traité.

Le Canada doit arrêter de réduire les traités à une série d'obligations. Il doit commencer à travailler avec les signataires autochtones à cerner et à atteindre les vastes objectifs des traités modernes dans leur entièreté. Voici la conclusion à laquelle le comité est arrivé dans son rapport :

[...] à défaut d'une réévaluation en profondeur des actuelles pratiques fédérales de mise en œuvre et d'un engagement politique à modifier ces pratiques par le biais d'une nouvelle politique de mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales, les efforts infructueux de mise en œuvre que nous avons constatés se perpétueront inévitablement.

Le président : Monsieur Roy, j'ai une question au sujet de l'arbitrage, qui, à mon sens, est très élémentaire. Je crois savoir que seule la Convention des Inuvialuit prévoit que le gouvernement n'a d'autre option que le recours à l'arbitrage exécutoire. Pour les 21 autres ententes, l'arbitrage est volontaire, ce qui signifie que les gens sont contraints d'intenter des actions coûteuses devant les tribunaux au lieu de limiter leurs frais grâce à un processus d'arbitrage. Quelle est la situation actuelle? L'Accord Nisga'a a 10 ans, et d'autres, comme la Convention d'Inuvialuit, sont plus vieux encore. Pourriez-vous nous dire où, à votre avis, le gouvernement en est rendu dans ce dossier?

M. Roy : Nous avons tenu des discussions internes au sujet de l'arbitrage. Nous devons nous rappeler que toutes les ententes en vigueur prévoient un processus de règlement des différends. Nous disposons du groupe de mise en œuvre, à qui l'on fait appel en premier pour aborder des questions lorsque survient un différend. Bien entendu, nous pouvons toujours utiliser la médiation ou la facilitation. Le nouvel accord de relations avec les Cris de la baie James comprend un mécanisme de rechange pour régler les différends. L'une des questions soulevées par l'arbitrage exécutoire est son incidence sur le Parlement et ses pouvoirs décisionnels.

C'est un peu un problème pour le Canada, mais il y a d'autres façons de procéder. Nous continuons de tenir des discussions internes au gouvernement sur l'arbitrage et nous nous demandons jusqu'où nous pouvons pousser la question. Peut-être que M. Gagnon a des commentaires là-dessus?

Stephen Gagnon, directeur général, Direction générale de la mise en œuvre, Affaires indiennes et du Nord Canada : Nous tentons d'élaborer des lignes directrices. Nous croyons comprendre que l'une des préoccupations sous-jacentes est de déterminer si la réponse du gouvernement est conforme aux objectifs de tout le monde et nous sommes aussi conscients du fait que nous devons mieux régler les différends.

Comme M. Roy l'a indiqué, ce sera une question difficile dans certains cas. Nous élaborons des lignes directrices à l'interne, car avant de pouvoir passer à la prochaine étape, nous devons tenir de plus amples consultations internes. Je vous dirais franchement que l'une des questions les plus difficiles sera l'arbitrage des questions de financement. Les ententes prévoient que ces types de décisions seront volontaires parce que le Canada peut prendre certaines décisions au sujet de ce qu'il veut et de ce qu'il ne veut pas amener en arbitrage. Je ne veux pas préjuger des discussions que nous tiendrons à l'interne ou avec la coalition et ses membres individuels. Nous devons respecter les ententes, mais c'est une question épineuse pour nous à l'interne.

Le président : Dans la même veine, ces ententes ont été menées à bien et signées. Je ne comprends pas pourquoi vous vous en remettez au Parlement. Vous avez signé des ententes avec les membres des Premières nations par l'intermédiaire de ces traités modernes, pourquoi ne pouvons-nous pas trouver la solution? Cela dure depuis de nombreuses années. Les gouvernements précédents n'ont pas su répondre de façon appropriée. Je me demande pourquoi nous nous en remettons au Parlement alors que nous avons conclu ces ententes.

Le sénateur Patterson : Les ententes doivent être ratifiées par le Parlement.

Le président : Oui. Je ne veux pas m'éterniser sur cette question.

[Français]

Le sénateur Brazeau : Merci d'être ici avec nous ce matin. Ma première question s'adresse à M. Roy : L'intention derrière la notion des traités modernes, je pense, c'est d'améliorer l'application et le financement pour la mise en œuvre de ces ententes. Ceci étant dit, êtes-vous en mesure, premièrement, de nous donner une idée du progrès à cet égard jusqu'à maintenant, et deuxièmement, de nous dire ce qui fonctionne et pourquoi et ce qui ne fonctionne pas et pourquoi?

M. Roy : Au niveau de la mise en œuvre des traités modernes ou au niveau de la négociation des traités modernes, monsieur le sénateur? Vous voulez avoir une mise à jour de l'évolution des négociations des traités modernes?

Le sénateur Brazeau : Oui.

M. Roy : Comme nous l'avons dit plus tôt, 22 traités modernes négociés actuellement sont en place et couvrent 40 p. 100 du territoire canadien. À cela, on ajoute tous les traités historiques couvrant les Prairies, une partie de l'Ontario et du Québec.

L'évaluation indépendante dont je vous ai parlé plus tôt a vraiment démontré un bénéfice au niveau du développement économique pour les Premières nations et les groupes autochtones impliqués dans le contexte d'un traité moderne. Ils ont maintenant davantage de juridictions, d'autorité sur la question de la gestion des ressources et des terres. Ils ont aussi de plus grands territoires où ils ont un rôle à jouer. On a vu le développement d'organisations qui peuvent prendre en charge et offrir des services. Je pense que c'est l'un des grands avantages.

On a aussi des gouvernements autochtones en place maintenant imputables à leurs citoyens au lieu d'être imputables au gouvernement, comme dans le contexte des Premières nations régies par la Loi sur les Indiens. C'est un grand avantage.

Ce qui fonctionne peut-être bien moins, vous en êtes un peu témoins ici aujourd'hui, c'est en terme des interprétations que l'on peut faire parfois des obligations qui sont rédigées dans les ententes de traités modernes. Pour le Canada, actuellement, à cause de l'attention qui a été portée par le comité ici et d'autres — le vérificateur général et d'autres comités parlementaires —, on essaye vraiment de mettre de l'ordre au niveau fédéral, première des choses. C'est pour cela qu'on se concentre beaucoup actuellement sur les questions de processus interne, de collaboration et de coordination au sein de la machine fédérale, afin de mieux gérer les relations avec nos partenaires autochtones ayant signé des traités modernes. C'est vraiment à ce niveau, je pense, que c'est un peu plus difficile.

Par contre, quand on regarde les ententes datant de plusieurs années — on parle des Cris de la Baie James, des Inuits du nord du Québec, par exemple, qui ont une entente d'une trentaine d'années et certaines autres ententes d'un certain âge aussi —, on remarque une maturité dans les relations entre ces groupes autochtones, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Cette maturité démontre vraiment une relation basée sur le respect, sur une compréhension commune et qui donne de bons résultats. Je suis assez optimiste pour le futur en termes des relations avec nos différents partenaires autochtones.

Le sénateur Brazeau : Maintenant, si on parle de mise en œuvre, avec les changements qui ont eu lieu, pouvez-vous nous dire comment cela va renforcer non seulement la politique d'application du gouvernement mais surtout les relations entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones affectés?

M. Roy : Excellente question. Nous avons parlé tantôt de la structure de gestion qu'on veut mettre en place. À ce moment-là, on a défini des réseaux internes à l'intérieur du gouvernement fédéral et au niveau régional. Par exemple, nous voulons impliquer nos partenaires fédéraux régionaux qui sont en contact beaucoup plus direct avec les partenaires autochtones qui ont signé des traités modernes.

Les régions et l'ensemble des ministères sont aussi davantage impliqués; une meilleure coordination de l'ensemble des ministères en découle. Je préside un comité fédéral de sous-ministres adjoints qui se rencontrent et discutent des questions de mise en œuvre au niveau horizontal au sein de la fonction publique fédérale.

Il y a aussi au niveau régional une meilleure implication et il s'agit là du résultat des démarches actuelles. Beaucoup plus de visibilité est accordée à la question de la mise en œuvre au sein de la fonction publique fédérale, et ceci est dû à l'attention portée par ce comité et la vérificatrice générale, ainsi que la Coalition. Un meilleur intérêt est donc apporté à l'ensemble de la fonction publique fédérale sur la question de la mise en œuvre.

C'est, selon moi, prometteur pour le futur en termes d'attention, de coordination et de collaboration des partenaires fédéraux.

Le sénateur Brazeau : Merci.

[Traduction]

Monsieur Kaludjak, vous avez mentionné pendant votre exposé que vous représentez les Métis du Labrador. Pouvez-vous nous indiquer quels groupes de Métis ou de particuliers vous représentez?

M. Kaludjak : Avant de répondre, je veux informer le comité qu'aux termes de l'article 30 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, notre organisme — Nunavik Tunngavik Incorporated — a présenté 17 cas d'arbitrage portant sur la question de la mise en œuvre. Trois parties adhèrent à l'entente sur notre revendication — les Inuits, le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial — et le processus d'arbitrage est intégré à notre entente. Lorsque la situation s'y prête, il doit être mené. Chaque fois, il a été rejeté par le gouvernement fédéral. Cette information est simplement au profit de l'auditoire et du comité. Bien que nous ayons ces dispositions dans les revendications, il arrive qu'elles ne prévalent pas. Encore une fois, il y a quelque chose qui cloche vraiment avec le mécanisme de ce processus.

Pour répondre à la question, nous avons 22 membres. Je ne connais pas la composition exacte de chacune des organisations de ces 22 membres, mais cela couvre le Labrador, le Nunavik, le Nunavut et les Inuvialuit. M. McKay peut élaborer sur la composition des organismes de la partie sud de notre coalition.

Le président : Sénateur Brazeau, vouliez-vous une réponse concernant les Métis du Labrador?

Le sénateur Brazeau : Au Labrador, plus précisément.

Le président : Il peut vous poser la question de nouveau, monsieur Kaludjak. C'est au sujet des Métis que vous avez mentionnés dans votre exposé.

M. Kaludjak : D'après ce que je crois comprendre, ils sont de la Colombie-Britannique et de partout au Canada également. J'ignore où se situent tous ces groupes au pays; cependant, ils font partie de nos membres.

Le sénateur Brazeau : Très bien.

Le sénateur Peterson : Monsieur Roy, vous semblez être d'avis qu'AINC fait de grands efforts pour faire face à la mise en œuvre des traités. Toutefois, dans les recommandations de notre rapport, on dit exactement le contraire.

De l'avis d'AINC, en avez-vous terminé avec notre rapport? Vous lui avez donné suite et vous passez à autre chose.

M. Roy : Nous n'avons pas terminé avec le rapport. Votre rapport et vos recommandations constituent un guide. Ils nous guident dans le travail que nous faisons pour améliorer la mise en œuvre des traités modernes.

Certaines des recommandations du comité ne relèvent pas de notre compétence; par exemple, la création d'un organe indépendant relève du premier ministre et il n'appartient pas au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien de prendre une telle décision.

Cependant, dans l'intervalle, nous travaillons à améliorer le processus. Vous avez souligné certaines questions concernant la mise en œuvre. Nous traitons les questions sur lesquelles nous avons une emprise. Le rapport du comité a été très utile et c'est encore un rapport auquel nous faisons référence.

Le sénateur Peterson : Nous parlons d'améliorer la coordination horizontale, peu importe ce que cela peut vouloir dire, et du fait que nous aurons de meilleurs systèmes de prise de décision et de déclaration. Je suis certain qu'il y a 15 ans, vous pensiez à cela également. Autrement, nous allons simplement continuer d'avoir ces réunions sans arriver nulle part.

Pourrions-nous revenir à notre rapport? Prendriez-vous sur vous d'élaborer et de fournir une stratégie de mise en œuvre avec un échéancier pour traiter des questions que nous avons soulignées et de revenir devant le présent comité dans six mois? Nous aurions alors de la matière pour travailler.

M. Roy : Si vous nous invitez dans six mois, nous serons heureux de revenir et de faire rapport pour vous dire où nous en sommes rendus en matière de mise en œuvre. Votre rapport a connu une suite en ce sens que le ministre a répondu au président et aux membres du comité au nom du gouvernement du Canada. Pour nous, ce sera un plaisir de revenir et de faire rapport pour vous dire où nous en sommes rendus dans la mise en œuvre de ces recommandations.

M. McKay : Nous ne pouvons pas être plus clairs, monsieur le président. La réponse du ministre dans la lettre du 22 juillet 2009 n'est pas complète. De l'avis de la coalition, cette réponse au bon travail fait par le présent comité qui a présenté le rapport du printemps dernier est tout à fait inadéquate.

En ce qui concerne la question précise soulevée par M. Roy et l'incapacité du ministre Strahl de parler de certaines recommandations, nous recommanderions, par l'intermédiaire du présent comité, monsieur le président, que le gouvernement révise attentivement sa réponse. Il ne devrait pas communiquer sa réponse révisée uniquement par le biais du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, mais également par le biais du président du Conseil du Trésor et de la ministre des Affaires intergouvernementales, Mme Verner. À notre avis, ce qui a été rendu public jusqu'à maintenant n'est pas complet.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Monsieur Kaludjak, avez-vous l'impression que le gouvernement collabore pleinement avec la coalition? Je pense que vous avez répondu que ce n'était pas le cas; autrement, nous ne reviendrions pas sur cette question.

En ce qui concerne les négociations concernant les terres, est-ce que vous négociez en fonction de la valeur des terres à cette époque ou en fonction de leur valeur actuelle?

M. Kaludjak : La réponse est non. Les négociations sur l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut ont eu lieu en 1993. L'entente a été conclue et nous l'avons signée. Toutefois, je sais qu'on travaille sur de nouveaux traités et que des négociations ont lieu en ce moment même. En ce qui concerne le travail de la coalition dans notre mémoire au gouvernement en mars, nous voulions nous assurer que l'on réponde à la nécessité d'avoir une politique moderne.

J'espérais entendre M. Roy ou quelqu'un d'équivalent nous donner une mise à jour sur cette question; s'il se fait actuellement du travail sur la question de la politique moderne. Je n'ai pas entendu grand-chose sur cette question. Nous voulons savoir prochainement s'il se passe quelque chose au sein du gouvernement. Nous n'avons rien entendu depuis mars, et nous voulons entendre quelque chose de nouveau.

En ce qui concerne les terres visées par la revendication territoriale du Nunavut elle-même — je ne peux parler que de cette question parce que je suis directement concerné —, les négociations et l'entente ont été conclues en 1993, selon la valeur des terres à cette époque. Cependant, ce n'était pas en fonction des prix d'aujourd'hui.

Le président : Avez-vous une brève réponse, monsieur McKay?

M. McKay : En fait, j'ai une légère correction à apporter. J'ai fait une erreur. Évidemment, je faisais allusion au président du Conseil privé, mais si le président du Conseil du Trésor écoute, ce serait bon également.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez dit qu'il y a 22 membres dans la coalition. Y a-t-il des femmes?

M. Kaludjak : Oui.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Combien?

M. McKay : Les structures politiques internes de chacun de nos groupes membres relèvent évidemment de ces groupes mêmes, mais nous avons effectivement des femmes qui représentent ces organismes, que ce soit en tant que chef ou présidente des organismes. Elles sont très présentes dans notre coalition.

Le sénateur Hubley : J'aimerais revenir à notre deuxième recommandation. Essentiellement, nous demandions au gouvernement de prendre des mesures immédiates par le biais de la législation pour créer un organe indépendant, par exemple, une commission des traités modernes. Cette question a été incluse dans les recommandations parce que des témoins nous ont dit qu'ils avaient beaucoup de difficulté à faire progresser leurs revendications. Il s'agissait d'une recommandation très importante pour notre comité.

La réponse du gouvernement a été muette sur cette recommandation. Toutefois, M. Roy a fourni une solution, je crois, en demandant une tribune : ce cadre qui sera composé de tribunes de représentants fédéraux des bureaux régionaux, de l'administration centrale et de la haute direction, et cetera.

Je ne pense pas que cette solution soit conforme à l'esprit de la recommandation que nous vous avons faite. Simplement pour clarifier les choses, peut-être pourriez-vous nous en dire davantage sur ces tribunes : sont-elles constituées de ministres de différents ministères ou d'employés de différents ministères?

J'aimerais également savoir combien de tribunes vous envisagiez, si tous les intervenants étaient inclus dans cette tribune et à qui la tribune fait rapport.

M. Roy : La tribune concerne principalement le niveau des fonctionnaires fédéraux des différents ministères dans les régions et à l'administration centrale. C'est une façon d'améliorer la coordination au sein du gouvernement fédéral pour faire face aux questions liées à la mise en œuvre, de faire en sorte que le gouvernement fédéral travaille ensemble pour s'acquitter des obligations de la Couronne concernant les traités modernes. Ces tribunes sont en voie de création dans les différentes régions. Nous avons ce que nous appelons le conseil régional.

M. Gagnon pourrait avoir des renseignements additionnels.

M. Gagnon : M. Roy a raison. Bien que la réponse n'ait pas donné lieu à la création d'un organe indépendant, à partir de cela, nous avons supprimé certains des obstacles sous-jacents au succès de la mise en œuvre, un de ces obstacles étant nos propres processus internes.

Nous savons qu'avant la conclusion d'une entente, le gouvernement fédéral dispose d'un système d'approbation assez robuste et d'un groupe de coordination interministériel qui voit à ce que les décisions se prennent, qui obtient les mandats et les autorisations. Nous essayons de reproduire ce genre d'approche après la date d'entrée en vigueur d'une entente. C'est une des leçons que nous avons apprises ces dernières années et, certainement, selon les rapports du présent comité et les observations de la coalition et d'autres, nous nous devons de faire un meilleur travail.

Il s'agit de comités au niveau des fonctionnaires, à l'interne, et certains se situent à l'administration centrale. Nous allons les créer en nous inspirant de ce que nous appelons notre comité de direction fédéral, qui comprend des représentants de tous les ministères qui sont concernés soit par une revendication territoriale soit par une entente d'autonomie gouvernementale. Nous allons essayer d'utiliser des groupes comme les conseils fédéraux dans les régions pour nous assurer que ce qui se passe à l'administration centrale, du point de vue des politiques, est transmis sur le terrain, et vice versa, de sorte que les gens qui, au bout du compte, doivent mettre en œuvre différents aspects de ces revendications ou de ces autres ententes soient au courant de la question.

Pour ce qui est de savoir à qui ce comité fait rapport, dans un certain sens, il n'y a pas de rapport direct. Il s'agit d'une relation permanente. Nous gérons les questions et nous essayons de résoudre les problèmes. Toutefois, M. Roy préside un comité au niveau des SMA pour superviser ce travail. M. Roy a parlé d'une période de mise en œuvre de trois ans. Voilà ce sur quoi nous travaillons et nous allons faire rapport des progrès au comité des SMA que préside M. Roy.

Le sénateur Patterson : Monsieur le président, j'aimerais continuer dans la même veine que le sénateur Hubley.

Il est clair à partir du rapport du comité qu'il y avait une préoccupation concernant le fait qu'un ministère responsable qui administre des programmes n'a pas l'autorité nécessaire pour forcer ses pairs — d'autres ministères responsables — à mettre en œuvre les obligations en cause. Par conséquent, le comité a recommandé que le greffier du Conseil privé intervienne pour créer un groupe de travail de haut niveau.

Je crois comprendre, à la lecture du rapport et de la réponse du gouvernement, que cela n'a pas été fait. En fait, à la page 3 de sa lettre datée du 22 juillet, M. Strahl dit :

[...] AINC, en collaboration avec d'autres ministères... élabore des options visant à renforcer le soutien offert aux ministères et organismes fédéraux [...]

La réponse qu'on nous a donnée aujourd'hui par la bouche de ces messieurs, je crois, au nom d'AINC, c'est qu'ils en sont maintenant aux dernières étapes de l'approbation d'un cadre de gestion à l'échelle du gouvernement.

Dois-je comprendre que l'idée d'avoir un organisme gouvernemental de haut niveau comme le BCP ou le Conseil du Trésor pour diriger les discussions obligeant les ministères à mettre en œuvre ces obligations solennelles a été rejetée par le ministère? Si oui, le comité a recommandé, comme solution de rechange, qu'il y ait quelque chose d'équivalent à une commission des traités modernes.

Pourriez-vous préciser si cette option visant à obtenir le concours d'un organisme central pour mettre un peu plus de muscle derrière la mise en œuvre a été rejetée par le ministère et, si tel est le cas, qu'est-ce qui remplacera cela? Il semble clair que vous avez des difficultés, en tant que ministère responsable, à forcer la main de vos pairs.

M. Roy : Je vous remercie de cette question. Premièrement, j'aimerais clarifier une chose. La réponse que vous avez reçue signée par le ministre Strahl constitue la réponse du gouvernement du Canada. Il ne s'agit pas uniquement de la réponse du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien; le ministre Strahl a consulté ses collègues avant de faire parvenir une réponse au comité.

Lorsque vous parlez d'inclure d'autres ministères, vous devez comprendre que ces ententes sont des obligations de la Couronne fédérale. Il n'est pas nécessaire de forcer qui que ce soit parce que ces obligations sont protégées par la Constitution. Évidemment, le gouvernement doit s'acquitter de ces obligations.

Une des choses que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a apprises au cours des années, c'est que le fait de négocier des revendications territoriales et de gérer la mise en œuvre de ces ententes est, en quelque sorte, un travail quotidien. Pour les collègues des autres ministères, c'est davantage quelque chose de secondaire et ils ne comprennent pas nécessairement la signification de toutes ces ententes que nous avons en place. Nous travaillons actuellement sur cette question pour accroître le niveau de connaissance et c'est pourquoi nous leur fournissons ce genre de cadre de gestion et ces lignes directrices. Nous donnons une formation aux gens pour qu'ils comprennent mieux la signification de ces ententes, les traités du Nord, et il ne s'agit pas uniquement d'une question que doit traiter le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien; c'est quelque chose qui fait intervenir l'ensemble de la Couronne fédérale. Voilà où nous concentrons nos efforts à l'heure actuelle et nous faisons des progrès à ce chapitre.

En ce qui concerne la question de l'obligation, évidemment, ce sont des ententes prudentes et protégées. Personne ne contestera l'idée que nous avons l'obligation de donner suite à ces ententes. Elles ont fait l'objet d'un vote au Parlement; elles sont protégées par la Constitution; alors, c'est une obligation. C'est davantage un manque de connaissance pour ce qui est de comprendre la signification de ces ententes. C'est pourquoi nous concentrons nos efforts dans ce domaine.

Je veux simplement vous rappeler que ce sont des décisions prises par le gouvernement du Canada, et non pas simplement par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

M. Gagnon : Je ne pense pas qu'il soit exact de tirer la conclusion qu'à cause de la façon dont la réponse est structurée, les organismes centraux ne sont pas dans le coup. Le comité de haut niveau que préside M. Roy compte des responsables du Bureau du Conseil privé, du ministère de la Justice, de Finances Canada, du Secrétariat du Conseil du Trésor, de Santé Canada et d'autres organismes qui participent directement à la gestion des obligations en matière de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale.

On a laissé entendre que peut-être un organisme central pourrait jouer un meilleur rôle, mais il y aura toujours un besoin opérationnel pour que quelqu'un rassemble les troupes, si vous voulez, et s'assure que les choses se fassent. Les organismes centraux participent à tous les processus de prise de décision lorsque nous avons besoin d'autorisations à un niveau plus élevé.

Le sénateur Patterson : Vous avez parlé du fait que nous sommes dans les dernières étapes de l'approbation d'un cadre de gestion à l'échelle du gouvernement et de l'élaboration de lignes directrices précises concernant l'arbitrage. Je regarde les pages 4 et 5 de votre exposé. On peut également lire sur ces pages : « Nous sommes en train d'élaborer des lignes directrices à l'intention des responsables de la mise en œuvre à l'échelon fédéral ». Quel est le calendrier d'exécution de ces initiatives?

M. Gagnon : Nous espérons obtenir l'approbation du cadre de gestion interministériel très prochainement, dès novembre, espérons-le. En ce qui concerne les autres lignes directrices, nous faisons du travail à l'interne en ce moment, et j'espère que nous aurons quelque chose au cours du troisième ou du quatrième trimestre de cette année. Ensuite, nous devons entamer des discussions avec certains de nos partenaires en ce qui concerne une coalition, par exemple, pour obtenir de la rétroaction dans la mesure où nous pouvons le faire. J'espère pouvoir terminer ce travail cette année, au moins pour un certain nombre de choses, dont le règlement des différends, qui comprend l'arbitrage, et des lignes directrices plus générales. Nous essayons de nous inspirer du modèle du devoir de consulter et de tenir compte des droits pour donner une certaine orientation aux gens.

Nous avons compris que l'une des questions est de savoir si oui ou non le Canada dispose d'un cadre de politique global pour la mise en œuvre. Certaines des inquiétudes exprimées par certains des membres de la coalition, c'est qu'ils ne savent pas quelle est la position du Canada sur certaines choses, quelles mesures il a l'intention de prendre pour la mise en œuvre. Nous comprenons cela et nous pensons que c'est une chose raisonnable que nous pouvons faire.

Si vous voulez, les lignes directrices représentent au moins une réponse de politique opérationnelle à certaines de ces choses et elles seront publiques; les gens pourront en prendre connaissance et les discuter.

Le sénateur Patterson : Monsieur Gagnon, vous avez dit, et je vous suis reconnaissant de votre candeur, que vous estimiez que l'arbitrage était une question difficile à cause de la possibilité que le Parlement soit lié par les obligations financières, si je vous ai bien compris.

Ces ententes sont négociées avec la Couronne, et l'honneur de la Couronne est en jeu, comme l'a signalé si éloquemment le rapport du comité sénatorial. Ce n'était pas seulement les ententes signées par la Couronne qui comprenaient des dispositions d'arbitrage, mais le Parlement lui-même a ratifié ces ententes et leur a donné la protection de la loi la plus importante du pays par le biais de l'article 35 de la Constitution. Par conséquent, le Parlement s'est déjà engagé lui-même à l'égard du processus d'arbitrage. Comment pouvez-vous dire maintenant que c'est un problème? Le Parlement a pris cette décision dans sa sagesse. Je ne comprends pas le raisonnement.

M. Gagnon : C'est moi qui ai dit que nous nous attendions à des défis dans le cas de l'arbitrage. Dans cette perspective, il peut y avoir un élément lié au Parlement, mais peut-être est-il plus approprié de dire qu'il y a certaines questions de politique gouvernementale en jeu ici. Les ententes sur les niveaux de financement précisent que ces sommes doivent être négociées, et non pas déterminées par arbitrage, alors il y a un problème pour ce qui est de lier la politique du Canada concernant les transferts de fonds. Nous ne soumettons pas ce genre de choses à l'arbitrage dans un contexte provincial ou territorial.

Je le répète, je ne veux pas préjuger du résultat de la discussion que nous aurons à l'interne, mais je tentais de préciser que je m'attends à un débat à l'interne au sujet de la façon d'y arriver.

Le sénateur Patterson : Sauf le respect que je vous dois, si les lignes directrices non écrites en matière d'arbitrage veulent que le gouvernement fédéral n'ait pas recours à l'arbitrage pour régler les questions liées à l'argent, comment peut-on faire aboutir les négociations? M. Kaludjak a parlé des 17 fois où l'arbitrage a été refusé dans le cadre des revendications territoriales du Nunavut, ce qui, selon moi, a malheureusement mené au litige. Si on élimine l'option de recourir à l'arbitrage pour faire aboutir une négociation bloquée, il me semble que plus rien ne pousse à mener des négociations sérieuses.

Le fait de déclarer que notre politique prévoit des négociations pour les questions de financement, mais que notre pratique en matière d'arbitrage élimine ce mécanisme de sécurité ou de soulagement — ce sont là les ingrédients d'une impasse. J'espère que les lignes directrices peuvent contourner la question, car il semble que nous soyons coincés.

Le président : Pour mettre les choses au clair, monsieur Gagnon, à ce que je sache, les gouvernements, les anciens comme l'actuel, ont refusé de permettre le recours à l'arbitrage pour toute question, et non seulement celles qui sont liées à l'argent. En gros, ils ont refusé de trancher par arbitrage exécutoire dans tous les cas. Est-ce exact?

M. Gagnon : Oui. C'est évident que certaines des questions — je ne parlerai pas au nom de M. Kaludjak — dont il parlait ne portaient pas strictement sur le financement. Oui, vous avez raison. Nous sommes conscients d'avoir énormément de travail à faire sur ce plan.

Nous devons améliorer nos méthodes de règlement des différends. Je ne vais pas trouver des excuses, mais une partie de la question est liée au processus interne et à la prise de décisions dont je parlais tout à l'heure; c'est là que nous tentons de focaliser nos efforts. Le rapport et le travail de la coalition ont fait ressortir un très grand nombre de questions importantes, mais c'est sur celle-ci que nous devons nous concentrer dans l'immédiat.

Le sénateur Raine : Si je comprends bien, lorsque les traités modernes sont signés, il y a du financement initial et des obligations initiales. Viennent ensuite les obligations permanentes. Au moment de la signature, est-ce que le financement relatif aux obligations permanentes est mis en place convenablement avec le Conseil du Trésor, je présume, ou provient-il des fonds généraux d'AINC?

M. Gagnon : Lorsque nous recevons l'approbation d'un mandat pour finaliser une entente, cela passe par toutes les étapes d'approbation du cabinet et du Conseil du Trésor, ce qui veut dire qu'il est possible que cela finisse par être transféré au ministère. Notre ministère gère actuellement une somme importante pour la mise en œuvre, mais cela vient à la fin du processus d'approbation, comme vous l'avez dit.

Le sénateur Raine : Est-ce que votre ministère gère la somme pour la mise en œuvre selon les critères d'un programme, ou le fait-il d'une façon différente pour chaque entente?

M. Gagnon : Je ne veux pas trop généraliser, mais toutes les ententes contiennent des arrangements négociés. En général, elles comptent des plans de mise en œuvre qui incluent la somme à venir. Les sommes déboursées dans le cadre des ententes sont le résultat des règlements négociés.

Le sénateur Raine : J'aimerais que les membres de la coalition nous disent si cela fonctionne bien, selon eux.

M. Kaludjak : Avant qu'il ne soit trop tard, j'aimerais répondre à un autre des sénateurs sur le nombre de femmes qui font partie de la coalition. Il y en a quatre, et elles changent chaque année. Nous devons garder nos membres sur une base mensuelle. En ce moment, 4 des 22 membres de la coalition sont des femmes.

Les questions sont pertinentes et intéressantes; elles nous permettent aussi de nous réaffirmer. Au fond, nous traitons de questions de mise en œuvre depuis que nous avons signé la revendication. Environ 50 p. 100 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut a été mis en œuvre. L'honorable sénateur a parlé de financement pour des articles précis. Le sénateur Patterson a mentionné que nous avions amorcé une contestation judiciaire en raison de la rupture de contrat, de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. À cet égard, les autres ententes sur les revendications territoriales suivent notre exemple. Je ne suis pas certain de la façon dont tout finira. Il y a un manque de financement, mais nous sommes obligés de prendre ces mesures malheureuses. Nous n'aimons pas agir ainsi — ce ne sont pas les meilleures méthodes —; or, parfois, on n'a pas le choix. Cela n'a pas commencé avec le gouvernement actuel, mais bien avant, probablement avant l'arrivée de M. Roy et de M. Gagnon. Je suis heureux que les gens d'AINC, à l'échelle bureaucratique, comprennent qu'ils doivent parfois se renseigner. C'est quelque chose que nous faisons de manière continue. Nous ne comprenions pas toujours les dispositions; nous nous sommes donc forcés à nous renseigner et à faire voir aux gens que les revendications ont été signées pour une raison.

Lorsqu'il est question, par exemple, de la difficulté liée à l'arbitrage, même si cela fait partie de l'entente et que le gouvernement fédéral a signé, il a manqué à ses obligations. C'est ce qui explique les contestations. Je ne sais pas si cela incombe à M. Roy à cet échelon, mais lorsque les gens qui se trouvent à cet échelon ne comprennent pas le processus, c'est là que nous avons des problèmes. C'est le genre de situations que nous avons avec l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, des situations dans lesquelles le financement et les actions prévus n'ont pas été déployés.

Selon la revendication, des conseils devaient être créés. Par exemple, le conseil de la marine n'a pas été créé. On devait fournir du financement, mais on ne l'a pas fait. Il est question ici de plus de 40 articles de la revendication du Nunavut qui ont été acceptés. Un grand nombre d'entre eux n'ont pas reçu de financement, et ils devaient être négociés en conséquence. Cela ne s'est pas produit.

C'est pourquoi nous procédons maintenant à cette contestation. Que nous le voulions ou non, c'est là que nous en sommes. Il y a eu rupture. Quelqu'un n'a pas fait son travail. Certaines parties de l'entente n'ont pas été mises en œuvre. Voilà où nous en sommes.

M. McKay : Merci de la question, madame. En ce qui concerne la situation du peuple nisga'a, le traité prévoit la négociation d'ententes de financement budgétaire. Ces ententes durent cinq ans, et chaque partie est dans l'obligation de négocier afin de conclure une entente visant le financement de la prestation des programmes et des services pour nos citoyens. À ce que nous sachions sur le fonctionnement du côté du Canada, lorsque l'Accord définitif Nisga'a est entré en vigueur il y a environ 10 ans — l'anniversaire est le 11 mai —, aucun nouveau fonds n'a été créé pour satisfaire ces obligations. Si nous comprenons bien, l'argent provient de fonds existants, puis il est utilisé pour satisfaire les obligations du Canada en vertu des ententes de financement budgétaire.

En fait, le sous-ministre Wernick a décrit ce qu'il a appelé un processus de marchandage qui se produit à l'intérieur de son ministère pour obtenir les fonds existants. On n'a pas créé de nouveaux fonds, et c'est là le problème.

Le sénateur Stewart Olsen : Monsieur Roy, je ne vois rien ici qui explique comment vous ouvrez la communication avec les divers groupes avec lesquels vous négociez. Le tout semble être une invention ou tout simplement des couches additionnelles de bureaucratie, ce qui a davantage tendance à ralentir les choses qu'à mener à des réalisations.

Que répondriez-vous à cela?

M. Roy : Merci de votre question, sénateur Stewart Olsen. Nous avons ouvert la communication avec chacun des groupes. Pour chacun des signataires des ententes, nous avons des groupes de mise en œuvre. Nous établissons une relation avec les groupes pendant le processus des négociations, qui dure de nombreuses années; puis, lorsque nous passons à la mise en œuvre, les comités sont déjà en place. Nous avons donc créé différents groupes, et nous les consultons régulièrement sur les sujets qui font l'objet de discussions. Nous discutons continuellement avec chacun des groupes séparément, chacun des 22 signataires.

Le sénateur Stewart Olsen : Les groupes sont-ils au courant des mesures que vous prenez en réaction à cette réponse?

M. Roy : Oui, parce qu'ils sont tous membres de la coalition et que nous discutons continuellement avec eux. Puisqu'ils font tous partie de la coalition, ils sont au courant des mesures que nous prenons pour tenter d'améliorer le processus interne. Chacun d'entre eux peut constater les progrès accomplis dans son cas, sur le plan de ses difficultés à lui. Chaque collectivité et chaque groupe autochtone ont des problèmes particuliers avec le gouvernement du Canada en ce qui concerne la mise en œuvre de leurs ententes. Ils peuvent voir au sein de leur groupe une certaine évolution de la pensée et des méthodes du gouvernement.

Le sénateur Stewart Olsen : Mon seul avertissement serait de faire très attention de ne pas ajouter de paliers bureaucratiques, ce qui aide rarement à résoudre les problèmes.

Le sénateur Lovelace Nicholas : En tant qu'Autochtone, je pense que nous savons tous que les terres qui font l'objet de revendications territoriales appartiennent aux peuples autochtones. Compte tenu de tout l'argent qui est investi dans des rapports, des consultations et de nombreuses séances, ne serait-il pas moins coûteux de régler les revendications territoriales?

Le président : Vous êtes un homme brave, monsieur.

M. Kaludjak : Merci. J'essaie d'être brave. Ce sont là les réponses que vous devez entendre de la bouche du gouvernement. C'est ce que nous disons depuis le début, et je suis très heureux que le sénateur Stewart Olsen ait mentionné qu'avec moins de bureaucratie, il y a moins d'obstacles. Nous avons souvent de la difficulté sur ce plan. Je veux qu'il soit clair que la coalition est un corps politique. Nous nous sommes constitués afin d'inciter le gouvernement à créer une nouvelle politique visant le règlement des questions de mise en œuvre. Nous leur avons demandé en mars de considérer la création d'une politique moderne de mise en œuvre.

Ce que la coalition essaie de faire, c'est d'obliger le gouvernement fédéral à considérer l'ensemble des 22 revendicateurs comme étant compatibles ou comme ayant la parité au fur et à mesure que nous travaillons à une mise en œuvre convenable. M. Roy a parlé d'obligations et de la Constitution. Lorsqu'une action doit être faite, elle devrait être considérée comme obligatoire en raison de la revendication signée par les trois parties, dans notre cas. C'est la revendication qui devrait montrer la façon de procéder. Pourquoi la remettre en question alors qu'elle a déjà été acceptée? On a déjà accepté de prendre certaines mesures, puis, à mi-chemin, dans le cas du Nunavut, on oublie certaines étapes de la mise en œuvre. Nous devons leur rappeler qu'en vertu de ces articles, ils doivent créer de nouvelles choses en cours de route et, ce faisant, respecter certaines échéances. Certaines choses doivent être faites au cours de telle ou telle année. Dans notre cas, l'orchestre ne fonctionnait pas.

Nous devons obtenir du gouvernement qu'il se penche sur une politique moderne en matière de traités qui s'appliquerait à l'ensemble du gouvernement. Tout le monde doit la connaître. L'organisme central du gouvernement doit savoir qu'il a une politique à réaliser; il a des ententes sur les revendications à mettre entièrement en œuvre et à financer en conséquence. Le gouvernement actuel doit donner ce mandat à ce monde-là, à chacun d'entre nous qui sommes ici aujourd'hui. Nous savons très bien que des choses doivent se passer, et c'est notre but. La bureaucratie ne peut pas retarder le processus; les retards ont mené aux contestations actuelles.

M. Roy : J'aimerais ajouter à la question, à savoir si nous ne devrions pas simplement aller de l'avant avec la revendication territoriale. Le gouvernement du Canada est bel et bien d'avis que nous devrions aller de l'avant. En fait, madame, nous avons environ 70 tables de négociations qui travaillent à la conclusion de traités modernes; nous nous attendons à en conclure au moins trois au cours de la prochaine année. Il y a environ 450 collectivités qui participent actuellement à des négociations portant sur l'autonomie; elles essaient de créer un nouveau modèle d'autonomie pour leur collectivité au moyen d'un traité moderne ou d'un arrangement visant précisément l'autonomie en dehors du processus des traités. Il y a environ 450 collectivités qui participent à cela.

C'est un secteur très actif, et, évidemment, nous tentons toujours d'aller de l'avant sur le plan des revendications territoriales. Or, nous devons aussi comprendre que ce ne sont pas tous les groupes autochtones qui souhaitent conclure des traités modernes; nous devons donc créer d'autres options pour eux afin de bâtir une nouvelle relation.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Espérons que nous pourrons tourner la page l'an prochain, disons?

Le président : C'est un vœu pieux.

M. Roy : Vous nous donnez tout un programme.

M. Kaludjak : Dites simplement oui.

Le président : Le ministère et la coalition ont présenté tous les deux des exposés intéressants. Je reviens sur ce que le sous-ministre Wernick a dit lorsqu'il était ici en février 2008; je cite.

Pour être honnête, nous avons eu de la difficulté par le passé à inciter pleinement les ministères à mettre en œuvre les ententes.

Il a aussi parlé du marchandage avec le centre, et je pense que les gouvernements antérieurs et actuel ont affronté de vrais défis sur le plan de la mise en œuvre. Si nous pouvons faire en sorte que le gouvernement actuel gère la situation de la même manière qu'il l'a fait avec des revendications particulières, ce sera parfait puisqu'il a réagi à notre rapport en mettant des lois en œuvre. Dans ma province, la Colombie-Britannique, on négocie actuellement plusieurs traités modernes. C'est important que nous trouvions une solution. À titre de comité, nous devrions peut-être considérer — je crois que c'est le sénateur Peterson qui l'a suggéré — de demander que M. Roy ou n'importe quel représentant du ministère ou le ministre lui-même se présente à nouveau pour nous tenir au courant des progrès accomplis. J'espère aussi que la question de l'arbitrage, qui, selon moi, est évidente, sera examinée attentivement.

Monsieur McKay, vous avez une brève observation à faire?

M. McKay : J'aimerais remercier les honorables sénateurs de l'occasion qu'ils m'ont accordée, et je voudrais conclure avec une réflexion sur le sens du mot « esprit ». Le Canada est une grande nation, en partie parce que c'est une nation fondée sur les lois. Les lois et les ententes contractuelles sont conçues pour nous protéger; or, c'est lorsque nous perdons de vue l'esprit de ces lois et de ces ententes que la lumière qui a poussé à les créer s'éteint, et que nous commençons à nous perdre nous-mêmes.

La lettre de la loi est stricte. Or, la force stricte et exacte de la langue utilisée dans la loi se distingue de son esprit, de sa raison d'être. Je crois que le Canada, une nation fière fondée sur les lois, peut tirer des leçons de l'esprit de ses peuples autochtones et de ce que nous nous sommes engagés à accomplir. En mettant les traités en œuvre, soyons attentifs à l'esprit qui a mené à leur conception. Ainsi, nous accomplirons notre devoir en rendant honneur et service tant à la génération actuelle qu'aux générations futures. Merci.

M. Kaludjak : Au nom des Inuits du Nunavut et de tous les membres que nous représentons, je vous remercie. Je suis heureux de voir que vous avez un inukshuk pour vous guider. Un grand nombre d'entre eux nous guident aussi au Nunavut. Tant et aussi longtemps que nous les aurons, nous ne commettrons pas d'erreurs, nous continuerons et nous ne perdrons jamais espoir.

Le président : La séance est levée.

(La séance est levée.)


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